Chapitre 1
Les pouvoirs locaux au crépuscule de l’Ancien Régime
p. 45-106
Texte intégral
1Dans le prolongement des renouvellements historiographiques de l’histoire sociale du politique des mondes modernes1, la finalité de ce chapitre porte sur une comparaison du personnel édilitaire par ville et par communauté et sur les modalités de son renouvellement dans un espace géographique dépourvu de cohésion administrative. L’intérêt majeur de l’étude de ce territoire très hétérogène réside dans la possibilité de confronter des systèmes politiques locaux très dissemblables (consulat/échevinage). Contrairement à certains travaux focalisés uniquement sur les plus hautes fonctions municipales, nous tenterons d’apporter un nouvel éclairage sur les administrateurs municipaux d’Ancien Régime, en intégrant dans notre recherche l’intégralité des édiles. En saisissant ainsi le personnel municipal dans sa globalité et dans toute sa complexité, cette enquête permet de mieux saisir les dynamiques politiques locales qu’un zoom sur une partie du corps de ville ne saurait traduire fidèlement.
Tour d’horizon d’une mosaïque institutionnelle
Dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, la vallée du Rhône ressemble à un patchwork administratif, judiciaire et religieux (voir carte n° 9 p. 519). Le Rhône conserve encore au XVIIIe siècle son rôle de frontière politique internationale. Le chevauchement des différentes juridictions et la présence d’enclaves territoriales, comme la principauté de Mondragon qui dépend de la Provence mais qui est cernée par le Comtat Venaissin, renforcent l’inhomogénéité du territoire étudié. Le manque d’unité se lit également au niveau local, où il n’existe aucune uniformisation municipale. Villes et villages provençaux, languedociens et comtadins sont organisés en consulats tandis que les communautés dauphinoises adoptent en 1768 le modèle échevinal, et que dans le Lyonnais, les villages sont gérés par des syndics2.
2Au nord de notre zone d’étude, les communautés dépendant du Lyonnais se distinguent du reste du sillon rhodanien, dont elles ne partagent pas le même héritage municipal multiséculaire. En effet, au-delà de la courte application de la réforme Laverdy (1764-1771), il faut attendre la réforme administrative de 1787 pour entrapercevoir un embryon d’organisation municipale3, comme dans le nord de la France4.
3De Vienne jusqu’au littoral méditerranéen, le couloir rhodanien est formé par la juxtaposition de cinq grands ensembles. Tout d’abord, le vaste Languedoc s’étale sur la rive droite du fleuve. Rattaché au royaume au XIIIe siècle, il a longtemps délimité la frontière sud est de la France. Avec ses 9 000 habitants en 1789 et son rôle économique de premier plan5, Beaucaire est la seule ville d’importance notable sur cette rive du Rhône. Les autres cités comme Tournon, Bourg-SaintAndéol ou Bagnols, n’excédant pas les 5 000 habitants, se classent parmi les petites villes6.
4La rive gauche, quant à elle, est composée du Dauphiné, de la Provence et d’une enclave étrangère, le Comtat Venaissin et la cité-état d’Avignon. Sur cette rive, les diocèses sont plus nombreux et d’une superficie inégale. Toutefois, les limites des diocèses ne respectent pas les circonscriptions administratives et transcendent les frontières politiques internationales7 En effet, les diocèses de Valence ou de Vienne s’étendent en Vivarais tandis que le minuscule diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux déborde sur la Provence ou le Comtat Venaissin. Cette géographie religieuse complexe accentue l’inhomogénéité de l’espace étudié.
5Au sud du Dauphiné, il faut également mentionner la Principauté d’Orange, ancienne enclave néerlandaise, annexée après le traité d’Utrecht en 1713 et officiellement rattachée au domaine royal en 17318 Dépendant du Dauphiné, elle dispose de statuts particuliers, comme la conservation de ses propres États et cela perdure encore dans la mémoire de ses habitants à la veille de la Révolution française.
6Enfin, entre Dauphiné et Provence, la Papauté possède une petite enclave : Avignon et le Comtat Venaissin. Acquis par le souverain pontife au XIIIe siècle, ces territoires sont gouvernés par un vice-légat résidant à Avignon. Les habitants jouissent du statut de régnicoles et l’enclave est totalement intégrée dans l’économie française9 Les frontières avec le royaume de France sont très poreuses et les contacts entre les habitants sont quotidiens. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, Avignon et le Comtat ont été plusieurs fois occupés par le roi de France, notamment de 1768 à 1774.
7La rive gauche est constituée d’un semis de structures urbaines de différentes tailles. Cet ensemble est largement dominé par Avignon et Arles, qui comptent environ 25 000 et 20 000 habitants en 1789 et qui disposent d’un équipement administratif largement supérieur aux autres villes du couloir rhodanien. Se trouvent ensuite Vienne et Valence, dont la population n’excède pas 10 000 habitants mais qui bénéficient d’attributions administratives, religieuses ou judiciaires plus ou moins étoffées10 À un rang inférieur, vient un groupe de cités de taille plus modeste (Montélimar, Orange, etc.) aux fonctions incomplètes, comme
8Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui, malgré ses 2 000 habitants, est le siège d’une subdélégation, d’un bailliage et d’un diocèse. La base de cette hiérarchie urbaine est constituée par un tissu de bourgs s’égrenant le long du fleuve. Ce sont de petits centres économiques locaux dynamisés par le fleuve, axe majeur de circulation et d’échanges.
Entre exclusion et mobilité : la représentativité des municipalités en question
9L’existence d’un ensemble de communautés très varié pose la question des critères à retenir pour l’élaboration du corpus. Discriminer les villes selon leur poids démographique trahit la pensée des contemporains pour qui le nombre n’est pas toujours garant d’une preuve d’urbanité. En revanche, classer ces lieux selon leur nombre de consuls ou d’échevins a l’avantage d’offrir une vision plus conforme aux subtilités institutionnelles d’Ancien Régime. En effet, la compétition pour les places n’est pas la même dans des communautés administrées par deux ou quatre consuls et la diversité sociale des édiles est beaucoup plus importante dans des structures administratives plus étoffées. Du reste, un tel classement ne s’éloigne guère des réalités démographiques : les communautés administrées par deux consuls ou par deux échevins n’excédent généralement pas 4 000 habitants tandis que les villes gérées par quatre consuls ou par quatre échevins comptent de 5 000 à 10 000 habitants. Par ailleurs, nous devons tenir compte des bouleversements administratifs favorisés par l’application de la réforme Laverdy en Dauphiné à partir de 176811 Le reste de la vallée du Rhône, après avoir brièvement expérimenté une adaptation de la réforme, revient dès 1771 à une forme modifiée de consulat.
10L’approche taxinomique de la société d’Ancien Régime s’est révélée être un écueil méthodologique plus complexe encore. Face à la grande diversité des sources, les historiens n’ont pu arriver à s’entendre sur la constitution d’une catégorisation socioprofessionnelle consensuelle qui prenne en compte les réalités d’une société mouvante12 Pour qu’une classification soit la plus pertinente possible, elle doit se rapprocher au maximum des réalités sociales de l’Ancien Régime et de la perception qu’en ont les contemporains en privilégiant « la microhistoire sociale13 ». Pour reconstituer l’identité sociale et professionnelle des individus, nous nous sommes essentiellement focalisés sur les dénominations émanant des sources. Cependant, la multiplication des documents fait apparaître une lexicologie socioprofessionnelle subtile et variée. C’est en particulier le cas du monde rural. Les sources confondent souvent d’une province à une autre « ménagers », « cultivateurs » et « travailleurs de terre »14 Pourtant, il a été nécessaire de faire émerger quelques catégories artificielles pour appréhender les permanences ou les ruptures. Par ailleurs, la question de la pluriactivité et de l’évolution professionnelle, ou les transformations sémantiques qualifiant un même individu selon des étiquettes socioprofessionnelles différentes d’une période à une autre, ont été considérées et, dans la mesure du possible, intégrées à l’échantillonnage. Au terme d’une longue réflexion, nous sommes arrivés à la constitution de sept groupes sociaux. La bourgeoisie étant un concept trop hétéroclite, elle ne pouvait subsister en tant que groupe homogène, au risque de ne pas refléter fidèlement la composition socioprofessionnelle des conseils de ville15 Comme tout choix, nous avons bien conscience du caractère arbitraire et critiquable de cette catégorisation.
11En premier lieu, la bourgeoisie de talent regroupe un ensemble de professions aussi variées que les juristes, les métiers de la santé (médecins, chirurgiens) ou intellectuels. Il convient toutefois de préciser qu’au sein de cet ensemble les juristes sont largement majoritaires, formant plus des deux tiers de l’échantillon.
12La bourgeoisie d’affaires comprend les marchands et les négociants, même si leurs nuances sont difficiles à saisir. Dans cette catégorie, nous avons également ajouté certaines professions très lucratives : receveurs, directeurs des postes ou de la loterie.
13La difficulté majeure réside dans l’élaboration du groupe propriétaires, exploitants agricoles. Cette catégorie artificielle, la plus susceptible d’être critiquée, regroupe tous ceux qui vivent, de près ou de loin, de l’agriculture. On y trouve aussi bien des bourgeois et des rentiers que des ménagers ou des cultivateurs. La distinction est rarement très nette16 En l’absence de sources fiscales importantes et dans l’impossibilité de consulter l’ensemble des études notariales, nous ne pouvons découper le monde rural en différentes sous-catégories comme l’historiographie actuelle invite à le faire17 Nous sommes conscients des limites d’une telle démarche qui, en mélangeant riches ménagers et simples travailleurs de terre, ne permet pas de faire émerger clairement les hiérarchies sociales existant au village. Précisons néanmoins que les gens de terre les plus humbles sont peu présents dans le monde de l’édilité. Notons enfin qu’entre le bourgeois et le riche ménager, il n’existe qu’une nuance que la Révolution et les régimes politiques successifs font disparaître en forgeant l’étiquette passe-partout de « propriétaire foncier ».
14Une quatrième catégorie regroupe les militaires et les militaires en retraite, qu’ils soient gentilshommes ou vétérans des guerres de la Révolution et de l’Empire. Classer, sous l’Empire ou la Restauration, parmi les « propriétaires fonciers » des personnes qui ont passé l’essentiel de leur vie à porter les armes, nous a semblé réducteur.
15Le cinquième groupe est constitué par les artisans et les boutiquiers. Ce groupe est également problématique. La frontière entre le boutiquier et le petit revendeur n’est pas nette. Nous n’ignorons pas non plus qu’il existe une grande porosité entre l’artisan et le ménager dans le monde rural18 Une étude plus fine des actes notariés mettrait en évidence la très grande hétérogénéité du groupe. Un apothicaire et un orfèvre n’ont pas le même profil qu’un potier. Le constat est identique entre un maître de métier et un artisan textile, dont le statut est plus proche du travailleur de terre que des gens de métiers. Cela étant, l’utilisation de ce groupe passepartout se justifie par sa possibilité d’inclure, sans erreur, des professions qui sont à mi-chemin de l’atelier ou de la boutique, comme les boulangers.
16Les deux dernières catégories regroupent le clergé et les nobles, qui partagent une certaine unité et une conscience de soi dans les privilèges qui les opposent au tiers-état. Ce dernier groupe permet de mesurer le poids des privilégiés dans les conseils de ville rhodaniens à la veille de la Révolution française puis d’en suivre l’évolution jusqu’au retour définitif des Bourbon.
17Si certaines catégories socioprofessionnelles, comme les journaliers ou les marins, n’apparaissent pas dans ce classement, c’est parce que les conseils politiques ne les intègrent pas, même si les gens du fleuve sont nombreux dans des villes comme Arles ou Tarascon.
18L’année 1757, en coïncidant avec le retour à la procédure élective dans toutes les municipalités rhodaniennes, s’est imposée comme point de départ pour cette étude. Le dépouillement des procès-verbaux d’élections a permis de constituer un échantillon de 1 670 administrateurs municipaux.
Portrait de groupe des administrateurs ruraux au XVIIIe siècle
19Pour dégager le profil social des édiles ruraux, l’enquête a été conduite à partir d’un échantillon de villages et de bourgs, sélectionnés dans différents espaces institutionnels. Pour une meilleure mise en perspective et pour faire émerger d’éventuelles spécificités ou convergences, nous avons comparé les équipes municipales des systèmes consulaires et des échevinages. L’échantillon est composé de : Lapalud, Piolenc et Sorgues dans le Comtat ; Mondragon, dans les Terres Adjacentes de Provence ; Saint-Laurent-des-Arbres en Languedoc ; Courthézon, Saint-Paul-Trois-Châteaux et Tain en Dauphiné. Ces différents lieux possèdent des sources complètes, permettant un suivi dans la longue durée des détenteurs de fonctions locales.
20Les fonctions édilitaires sont réparties selon des rangs, des échelles ou encore des mains, rendant le critère social essentiel dans l’accès au pouvoir local. Les conditions d’entrée sont fixées en Provence19 par des statuts municipaux propres à chaque localité, tandis que les communautés du Languedoc20, en l’absence de statuts enregistrés, fonctionnent avec des usages. Ces constitutions locales, parfois héritées du Moyen-Âge mais souvent modifiées à l’époque moderne, servent de référence au bon fonctionnement municipal. Elles visent à réduire la compétition entre les différentes catégories sociales dans la course aux charges municipales21 Ainsi, dans les villages, premiers consuls et conseillers de première main se recrutent plutôt parmi la noblesse ou la bourgeoisie de talent, mais plus rarement parmi les négociants. Les autres professions se partagent la seconde main et le second chaperon.
21En Dauphiné, la réforme Laverdy22 instaure un cursus honorum très strict que les individus doivent suivre : notable, conseiller de ville, échevin et enfin maire, dans les communautés excédant 2 000 habitants23 Comme dans le système consulaire, le critère social reste l’élément indispensable de sélection, répartissant les individus selon un certain quota : une place de notable est attribuée au clergé, une autre à la noblesse, etc. La fonction de maire ou de premier échevin est réservée à la bourgeoisie de talent, aux gentilshommes ou aux bourgeois, alors que le poste de second échevin est en théorie plus accessible aux autres professions. Par conséquent, en dépit de la forte inhomogénéité institutionnelle qui règne entre les communautés du couloir rhodanien, il semble envisageable de les comparer afin de dégager le profil social des détenteurs de fonctions locales.
22Il résulte de la mise en perspective des données collectées que le profil des administrateurs ruraux est analogue dans les différentes provinces étudiées. Environ 40 % des édiles appartiennent au monde des propriétaires et des exploitants agricoles, sans compter les 24 % d’indéterminés parmi lesquels se cachent sans doute des travailleurs de terre. Environ un homme sur dix est artisan ou boutiquier, un sur dix est bourgeois, de talent ou d’affaires. Les militaires ne représentent que 3 % de l’échantillon.
23Ces moyennes varient selon le profil socio-économique de la communauté. Dans les villages dépourvus de services administratifs, consuls et conseillers appartiennent dans une écrasante majorité aux professions issues de la terre : 52 % au moins des édiles de Lapalud, 54 % de ceux de Sorgues. Presque un premier consul sur deux et une majorité importante de seconds consuls, de recrutement plus humble, appartiennent au monde de la terre. Les artisans sont faiblement représentés dans les municipalités d’Ancien Régime. S’ils parviennent parfois à pénétrer dans le premier cercle du pouvoir en devenant conseiller politique, peu d’entre eux accèdent au consulat. Ainsi, à Saint-Laurent-des-Arbres, si les artisans fournissent jusqu’à 17 % des édiles, un seul d’entre eux accède au chaperon de second consul. En Dauphiné, la réforme Laverdy accorde une place plus importante aux artisans et aux boutiquiers qui sont toujours représentés au conseil, même s’ils n’accèdent pas aux plus hautes fonctions. Bourgeoisies de talent et d’affaires sont plus présentes dans des centres urbains plus étoffés, où leur clientèle est plus nombreuse. Enfin, la participation des ordres privilégiés aux conseils politiques ruraux varie d’un lieu à un autre. Avec seulement 2 % de l’échantillon total, le clergé n’est présent que dans les administrations échevinales où la réforme Laverdy lui accorde un siège. Les nobles (5 % de l’effectif) sont très inégalement représentés : presque un premier consul sur deux à Mondragon, aucun à Piolenc et à Sorgues. En toute logique, leur participation au conseil politique dépend surtout de l’existence d’un vivier nobiliaire.
24Les bourgs accumulant des fonctions administratives, économiques ou judiciaires offrent un profil beaucoup plus contrasté que le tableau suivant met en lumière.
Tableau n° 1 : TROIS PROFILS MUNICIPAUX SPÉCIFIQUES (1768-1790)24

25À l’exception de Saint-Paul-Trois-Châteaux, le sommet de la pyramide municipale est dominé par la bourgeoisie de talent. Saint-Paul-Trois-Châteaux, siège d’une subdélégation, d’un bailliage et d’une justice royale, et Courthézon, siège d’une justice locale, concentrent en leur sein une forte présence de juristes, surreprésentés dans les conseils de ville. Seul le deuxième échevin, dédié à des professions plus modestes, leur échappe à Courthézon. A contrario, l’exemple de Tain montre que dans les centres économiques dynamiques, les juristes sont concurrencés et même devancés par les marchands et les négociants. L’absence de tribunaux et la proximité de Valence, centre administratif attractif important, réduisent le poids de la basoche au sein du conseil politique. Contrairement aux villages évoqués précédemment, la catégorie des « propriétaires et exploitants agricoles » n’arrive qu’en deuxième ou troisième position. Les artisans sont relativement bien représentés à Courthézon et à Saint-Paul-Trois-Châteaux, où ils atteignent la fonction de second échevin. En revanche, ils sont totalement marginalisés à Tain : un seul artisan sur trente élus. La mise en concurrence de plusieurs corps sociaux – ici les artisans et les ménagers – pour une même place d’administrateur accentue la marginalisation des artisans tinois, pourtant nombreux dans une communauté tirant en partie son dynamisme économique du commerce vinicole. Si la réforme Laverdy concède une place au clergé dauphinois, la plupart des ecclésiastiques se cantonnent à un poste secondaire de notable. Enfin, l’existence d’un vivier important de nobles à Saint-Paul-Trois-Châteaux, 3 % de la population locale, explique l’anomalie nobiliaire au conseil politique (presque un quart des édiles)25 Ainsi, en dépit des critères sociaux exigés, la composition des municipalités rurales varie selon le profil social des communautés et selon les fonctions qui y sont concentrées.
26L’enquête montre également que les administrateurs municipaux se recrutent surtout parmi les hommes d’âge mûr. N’ayant pas été envisageable d’établir l’âge de tous les édiles, nous avons procédé par sondages. Ainsi, à Lapalud, la moyenne d’âge des premiers consuls est de 48 ans tandis que celle des seconds consuls s’abaisse légèrement à 44 ans. Ces données se rapprochent des informations que nous avons pu glaner pour trois autres communautés.
TABLEAU N° 2 : MOYENNE D’ÂGE DES ÉDILES DE TROIS COMMUNAUTÉS (1768-1790)

27L’une des explications est à rechercher dans l’essence même de la réforme Laverdy, fixant à 25 ans l’âge minimum pour entamer une carrière municipale. Confier les responsabilités municipales à des hommes mûrs est un gage d’une certaine expérience et d’une certaine maturité. Ceux-ci disposent a priori d’une situation professionnelle plus solide qu’un jeune actif et sont davantage susceptibles de délaisser temporairement leurs activités professionnelles pour se consacrer aux affaires publiques qui ne sont pas rétribuées.
28Par ailleurs, ce tableau met en lumière quelques contrastes notables, à l’intérieur de chaque corps de ville ou entre deux cités. Par exemple, on notera que la moyenne d’âge des maires courthézonnais est moins élevée que celles des autres édiles. Fautil en déduire, comme l’a remarqué Stéphane Durand pour Tulette, qu’à Courthézon, la première place est confiée à un « jeune » tandis que le véritable organe de décision serait un conseil composé d’administrateurs plus âgés et plus expérimentés26 ? Ces différents éléments n’enlèvent rien à l’essentiel : à la veille de la Révolution française, les édiles ruraux sont majoritairement des individus ayant atteint un âge avancé.
29Il reste à présent à s’interroger sur le niveau de richesse des édiles ruraux. S’ils appartiennent en grande partie à l’élite économique du lieu, les fortunes varient considérablement. Ainsi, à Sorgues, nul ne peut prétendre à un poste de conseiller de première main en dessous d’un allivrement cadastral estimé à 200 livres tandis que la seconde main est réservée aux allivrés dépassant les 50 l. Une meilleure connaissance des sources fiscales mettrait certainement en évidence la remarquable hétérogénéité du corpus. Cependant, une très grande partie des sources fiscales d’Ancien Régime fait défaut pour la plupart des espaces étudiés. Il faut attendre la décennie révolutionnaire pour accéder aux premiers registres de contribution foncière. Utiliser un tel document pour la période précédente a le double défaut de ne pas mesurer la richesse au moment opportun et d’ignorer les édiles décédés entre-temps. Par ailleurs, la contribution foncière ne prend pas en considération les terres possédées à l’extérieur du village. Ainsi, la contribution foncière de Lapalud dans le Comtat Venaissin, dressée en l’an II, ne prend pas en compte la moitié des consuls d’Ancien Régime, décédés ou émigrés au moment de la confection du registre, ni les fluctuations des fortunes que les édiles ont pu éprouver au cours de la Révolution. Par conséquent, réaliser une étude globale du niveau de richesse des édiles des dernières décennies du XVIIIe siècle n’est pas envisageable. Néanmoins, les quelques documents existants permettent de se faire une première idée. Il existe des écarts importants de richesse entre les premiers et les seconds consuls, et de très fortes inégalités internes. Ainsi, à Lapalud, la moyenne de la contribution foncière des seconds consuls s’élève à 58 livres contre 214 l. pour les premiers consuls27 Ces moyennes masquent de fortes inégalités internes : la contribution minimale des seconds consuls est de 5 l. tandis que la contribution maximale atteint 132 l. Pour les premiers consuls, les cotes les plus élevées se trouvent chez des négociants ou des gentilshommes. L’analyse des données fournies par la contribution foncière permet de passer outre les écueils de la sémantique d’Ancien Régime, englobant derrière le terme passepartout de « ménager » des individus au profil très différent, et de faire apparaître de véritables hiérarchies à l’intérieur de chaque catégorie socioprofessionnelle. Dans les villes plus peuplées, les municipalités offrent un profil social plus contrasté.
Des profils sociaux très contrastés : le cas des conseils politiques urbains
30Notre échantillon est constitué de dix villes dont la population n’excède pas les 11 000 habitants, sélectionnées dans toutes les provinces de la zone d’étude : Bourg-Saint-Andéol, Bagnols, Roquemaure, Pont-Saint-Esprit et Villeneuve-lez-Avignon, en Languedoc ; Bollène, dans le Comtat Venaissin ; Orange, Montélimar, Valence et Vienne, en Dauphiné. Concernant le choix de ces villes, le lecteur pourrait légitimement s’étonner de l’absence d’Arles, d’Avignon, de Beaucaire et de Tarascon. Leurs sources sont, hélas, trop lacunaires pour les englober dans cette enquête et ne mentionnent pas, ou peu, la profession des édiles. L’intérêt de cette approche repose essentiellement sur l’étude des villes secondaires provinciales, encore mal connues.
31Dans les centres urbains, la présence d’une plus grande diversité d’habitants induit souvent une répartition sociale plus stricte. Ainsi, selon les statuts de Valence ou d’Orange, le premier consul appartient nécessairement à la noblesse, le second à la bourgeoisie de talent, le troisième aux marchands ou aux négociants et le dernier est un artisan ou un laboureur. Les conseillers sont soumis aux mêmes conditions de rang.
TABLEAU N° 3 : RÉPARTITION SOCIOPROFESSIONNELLE DES MUNICIPALITÉS URBAINES (1757-1790)28

32Les centres administratifs, comme Valence ou Vienne, attirent les juristes qui investissent les différentes strates du cursus honorum municipal. Les structures municipales viennoises ont été pensées dans cette optique car les trois premières places échevinales sont strictement réservées à ce milieu professionnel, cas totalement inédit dans le reste du sillon rhodanien. Les cités dauphinoises, dominées par la bourgeoisie de talent, se distinguent nettement des villes du Languedoc rhodanien, où ce groupe est largement concurrencé par d’autres catégories socioprofessionnelles. La bourgeoisie d’affaires pèse plus localement, comme à Bourg-Saint-Andéol. Cependant, au-delà de sa présence dans un échevinage qui est le reflet de son existence en tant que corps, les statuts rigoureux de la réforme Laverdy la cantonnent le plus souvent aux fonctions administratives subalternes. Contrairement à des villes comme Tours, la réforme ne lui permet pas de disputer la mairie aux gens de justice29
33Les villes plus petites, sans activités administratives importantes, ont un profil très proche des municipalités rurales. Comptant en leur sein un contingent important d’édiles issus de la terre, la basoche est largement concurrencée par les artisans et, dans une moindre mesure, par la bourgeoisie d’affaires.
34Les villes situées entre ces deux modèles ont un profil plus atypique et varié. Dans certaines, aucune catégorie socioprofessionnelle ne s’impose véritablement et les conseils politiques sont partagés entre plusieurs groupes concurrentiels.
35Ainsi à Bollène, bourgeoisie de talent, propriétaires fonciers et artisans sont au coude à coude.
36Bien que représentant 18 % de l’échantillon total, les artisans et les boutiquiers ne bénéficient pas partout de la même visibilité politique. Marginalisés dans les centres administratifs comme Vienne, Valence et Montélimar, où ils constituent jusqu’à 50 % de la population active30, ils sont également éliminés des plus grands centres urbains, comme Arles, où le règlement municipal de 1740 leur est extrêmement défavorable31 Les artisans s’imposent plus facilement dans certaines petites villes32 comme Orange, où ils concurrencent les marchands et les éclipsent des autres strates administratives, et surtout Pont-Saint-Esprit, où presque 40 % des 233 édiles se recrutent parmi les artisans. Dans d’autres, en revanche, comme à Bourg-Saint-Andéol, aucun d’entre eux ne parvient à se hisser au consulat.
37Si la noblesse ne constitue que 13 % de l’échantillon, elle s’impose presque partout à la tête des édifices politiques locaux. Les gentilshommes confisquent le premier consulat à Beaucaire, à Bollène et à Pont-Saint-Esprit mais dans les municipalités dauphinoises, ils ne contrôlent les charges clefs que dans des villes aux fonctions incomplètes, comme Orange. En revanche, dans la plupart des centres administratifs et judiciaires, comme Montélimar et surtout Vienne, les gentilshommes sont largement devancés par les robins ou par des juristes roturiers. Une exception toutefois : à Valence, les deux groupes sociaux sont au coude à coude et alternent à la tête de la municipalité. Cet inégal intérêt des nobles pour les fonctions municipales clefs se retrouve dans d’autres villes moyennes du royaume33. Dans le Comtat, certaines professions, notamment celles de la santé, sont anoblissantes. Cette spécificité explique en partie l’anomalie nobiliaire bollénoise.
38Sans surprise, le clergé est davantage inséré dans le cursus honorum municipal dauphinois, réforme Laverdy oblige, que de l’autre côté du Rhône. En revanche, malgré le poids imposant du clergé dans la société viennoise, il est très nettement sous-représenté dans l’administration municipale, mais les ecclésiastiques n’ont pas vocation à peupler les conseils politiques.
39Dans certaines petites villes, comme Orange, l’application de la réforme Laverdy modifie les rapports de forces au conseil politique, comme l’illustre le graphique suivant.
GRAPHIQUE N° 1 : ÉVOLUTION DE LA COMPOSITION SOCIOPROFESSIONNELLE DU CONSEIL POLITIQUE ORANGEOIS (1752-1790)

40Orange, ancienne capitale d’une principauté étrangère, dispose de structures administratives incomplètes34 Siège d’un bailliage, d’une subdélégation et d’une justice royale, d’une université très dénigrée au XVIIIe siècle et d’un ancien Parlement, la ville possède un petit vivier de juristes qui représentent la principale force au conseil politique, talonnés de très près par le monde de l’atelier et de la boutique. La présence des artisans au conseil de ville s’explique par la forte concentration d’un artisanat urbain, notamment textile, qui bénéficie du dynamisme économique du commerce des indiennes. La noblesse de race arrive en troisième position. L’année 1768 redistribue les cartes. Gentilshommes et basochiens s’effacent légèrement au profit d’un timide décollage de la bourgeoisie d’affaires mais surtout de l’artisanat. Le monde de la terre reste marginalisé tout au long de la période. À la fin de l’Ancien Régime, artisans et basochiens, encadrés par des gentilshommes occupant les fonctions clefs, se partagent les réalités du pouvoir municipal.
41Comme leurs homologues ruraux, les édiles urbains se recrutent parmi les contribuables les plus aisés atteignant un âge avancé, surtout lorsque l’on se rapproche des postes stratégiques. Contrairement à une ville comme Rodez, où les chaperons sont régulièrement offerts à des jeunes, dont certains n’ont que 25 ans35, les fonctions de commandement des municipalités rhodaniennes sont davantage confiées à des individus plus âgés. Ainsi à Bollène ou à Bagnols, aucune moyenne d’âge ne descend en dessous de 42 ans. Le constat est identique en Dauphiné.
TABLEAU N° 4 : ÂGE MOYEN DES ÉDILES MONTILIENS ET ORANGEOIS LORS DE LEUR ENTRÉE EN CHARGE (1768-1790)

42À l’exception notable des premiers échevins, les moyennes d’âge dans ces deux villes sont très proches. La fonction de maire, censée parachever le cursus honorum municipal, est confiée à des hommes âgés, mais pas forcément aux doyens. Les quatorze années qui séparent les deux moyennes d’âge des premiers échevins s’expliquent par l’écrasante domination des gentilshommes orangeois. La plupart sont des militaires en retraite, plus âgés que les basochiens montiliens. Remarquons in fine que les quatrièmes échevins orangeois, majoritairement composés d’artisans, ont la moyenne d’âge la plus élevée de tout le tableau. Ces hommes, souvent maîtres de leur corporation, disposent d’une solide situation professionnelle leur permettant de participer à la gestion des affaires municipales. Ainsi, les édiles urbains sont globalement des hommes d’âge mûr, comme dans de nombreuses autres villes du royaume : à Angers, 42,7 % des édiles ont entre 40 et 59 ans36 tandis qu’à Aix, leur moyenne d’âge oscille entre 50 et 60 ans37.
43Esquissons un premier bilan. Si l’enquête a relevé une multiplicité de particularismes locaux, elle a mis en lumière quelques trajectoires communes, comme l’omniprésence des gens de terre dans les municipalités rurales. En revanche, lorsque les compétences administratives, religieuses ou judiciaires se multiplient, le profil des conseils municipaux change et se complexifie. Enfin, les édiles sont surtout des hommes d’âge mûr appartenant à l’élite ou à la classe moyenne supérieure de leur localité. Bien qu’inégalement représenté dans les municipalités rurales, le second ordre s’impose à la tête de presque toutes les villes de la vallée du Rhône. Comme l’illustre la carte n° 2 p. 71 s’inspirant de la typologie définie par Guy Saupin38, quatre profils municipaux s’imposent dans le couloir rhodanien.
44Le premier, de loin le plus répandu et que l’on pourrait qualifier de « plébéien », est composé de conseils municipaux dominés par les professions issues du monde de la terre ou/et de l’artisanat. Ce sont essentiellement les bourgs auxquels s’ajoutent des petites villes aux équipements administratifs incomplets, comme Bagnols et PontSaint-Esprit où la bourgeoisie de talent n’a guère d’emprise au-delà du consulat qui lui est réservé. Beaucaire et Tarascon se trouvent sans doute dans le même cas de figure, hypothèse qui reste à confirmer par une étude des actes notariés.
45Les municipalités basochiennes ont un profil très différent. Dans ces villes dotées de solides compétences administratives et judiciaires, la suprématie de la bourgeoisie de talent y est telle qu’elle marginalise l’artisanat et/ou la bourgeoisie d’affaires. Le critère démographique n’est pas déterminant pour constituer ce profil : des cités comptant une population imposante, comme Vienne, Valence ou Montélimar, côtoient Saint-Paul-Trois-Châteaux, plus proche par le nombre d’habitants du bourg que de la ville. Au niveau national, ce profil se rapproche de villes comme Bergerac39, où les robins laissent peu de place au monde du négoce, et Verdun, où les gens de robe balayent les marchands de l’échevinage après 176640.
46Une troisième catégorie pourrait être constituée de villes caractérisées par l’existence de groupes sociaux en concurrence qui ne parviennent pas à s’imposer. On y trouve des structures urbaines à mi-chemin entre le bourg et la ville, comme Courthézon, des centres administratifs incomplets, comme Orange, ou des pôles économiques émergents, comme Tain, Roquemaure ou Bourg-Saint-Andéol.
CARTE N° 2 : MUNICIPALITÉS ET POLITIQUE À LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

47Enfin, la spécificité du cas arlésien est telle qu’il n’entre dans aucun des trois profils précédents. Un noyau très étoffé de nobles dispute le pouvoir à une importante bourgeoisie de juristes et de riches propriétaires fonciers41 Les artisans sont totalement exclus du pouvoir. Une plongée dans les registres notariés préciserait si Avignon entre également dans ce cas de figure.
« Démocraties municipales » ou oligarchies urbaines ?
48L’historiographie renouvelée de l’histoire politique urbaine ne considère plus les municipalités d’Ancien Régime comme des administrations sclérosées et confisquées par une oligarchie cramponnée aux institutions locales42 Les travaux récents mettent en lumière l’existence d’une grande diversité de profils municipaux. À côté de municipalités fermées43, notamment flamandes44, certains hôtels de ville, comme celui de Paris, paraissent plus accessibles45 Reste maintenant à préciser de quel(s) profil(s) se rapprochent les municipalités rhodaniennes.
49La durée et le nombre de passages d’un individu au conseil politique ainsi que sa trajectoire familiale – appartenance, ou non, à une famille édilitaire46 – constituent des critères essentiels pour appréhender la mobilité municipale à la veille de la Révolution française. Sont considérés comme membres d’une famille édilitaire les administrateurs comptant au moins un édile parmi leurs ascendants. Le recours à la prosopographie permet de mesurer avec plus de précision l’emprise des familles sur les institutions municipales. Cependant, une telle approche bute sur certains écueils méthodologiques. Vu qu’il n’a pas été possible de reconstituer les généalogies de plus de 1 600 administrateurs municipaux, nous avons effectué une étude des patronymes pour recenser les familles47 Nous avons pleinement conscience des limites de cette méthode ignorant la plupart des alliances matrimoniales. Elle n’est pertinente qu’en première approximation et gagnerait à être affinée par le dépouillement d’actes notariés. Pour une meilleure appréciation du renouvellement des conseils politiques, nous avons défini le degré d’ouverture des municipalités selon trois critères : renouvellement de la fonction (calculé en fonction du nombre d’édiles par rapport au nombre de places disponibles), nombre de passages à l’hôtel de ville par individu et appartenance à une famille édilitaire.
Les systèmes consulaires
50L’enquête tend à démontrer que les consulats ruraux sont relativement accessibles. En effet, sur les 172 consuls qui accèdent au pouvoir entre 1757 et 1790, 72 % n’effectuent qu’un seul passage : 61 % pour le premier chaperon, 80 % pour le second. La raison de cette ouverture est à chercher dans l’essence même des institutions consulaires où l’annualité de la fonction prédomine jusqu’en 1775. Bien que la fonction alterne régulièrement, les consuls se recrutent au sein d’un même vivier de familles édilitaires. Presque six consuls sur dix comptent un ascendant les précédant au conseil politique, un ratio qui doit être plus important encore en considérant les alliances matrimoniales qui nous échappent. Le premier chaperon est plus convoité que le second : 62 % des premiers consuls appartiennent à une famille édilitaire contre 54 % pour les seconds. Pour certains, le consulat est une histoire de famille. Ainsi, à Piolenc, Louis Aubert est élu consul en 1766 tandis que son frère, Jean-Louis, accède à la fonction en 1780. Toutefois, trouver du sang neuf dans des communautés au vivier édilitaire restreint n’est pas impossible puisqu’à Lapalud, les « météores »48, ces édiles n’effectuant qu’un seul passage à l’hôtel de ville, sont majoritaires.
51Le résultat est plus contrasté en ce qui concerne les consulats urbains, tant l’accessibilité à la fonction consulaire varie selon les lieux. Ainsi, Beaucaire, Pont-Saint-Esprit et Villeneuve-lez-Avignon connaissent un fort renouvellement consulaire, comme dans d’autres petites villes languedociennes49, tandis qu’il est moins net à Bagnols, limité par la prorogation fréquente de proconsuls. L’allongement de la durée des fonctions municipales après 1771 – premier et second consuls sont désormais élus pour quatre et trois ans – réduit l’accès au consulat en restreignant le nombre de places potentielles. Prenons l’exemple de Villeneuve-lez-Avignon. Onze places de premier consul sont attribuées entre 1757 et 1774, contre seulement quatre après 1774. Si la monarchie comptait régler le casse-tête de l’étroitesse du vivier édilitaire ou permettre aux édiles de mener à bien des tâches de longue haleine, elle torpille en même temps la dynamique d’ouverture des consulats méridionaux.
52Comme dans les villages, les consuls ne s’accrochent guère à la dignité consulaire et n’effectuent généralement qu’un seul passage par le consulat. Ce dernier confère suffisamment de prestige à son détenteur sans qu’il soit nécessaire de monopoliser le chaperon, comme à Toulouse50 Toutefois, dans certaines villes, comme Bollène, la fonction est plus convoitée : 62 % des consuls le sont plus d’une fois. La dignité consulaire offre-t-elle ici plus de prestige qu’ailleurs pour qu’elle constitue, comme à Nantes, un élément essentiel des stratégies personnelles des notables51 ?
53Enfin, un changement de focale intégrant les lignages dans le recrutement des élites municipales met en évidence l’existence de trois profils consulaires différents. En premier lieu, il existe des cités où le consulat est très accessible aux « météores », comme Beaucaire et Tarascon où le troisième consul, de recrutement plus modeste, échappe totalement aux lignages. A contrario, Pont-Saint-Esprit offre le profil d’un consulat davantage noyauté par des administrateurs issus de familles édilitaires. Arles serait également à classer parmi cette catégorie52 Enfin, d’autres consulats ont un profil plus contrasté. Les familles monopolisent le premier et le deuxième chaperon bagnolais mais délaissent le troisième, moins prestigieux.
54Si les consulats sont globalement accessibles, les conseils politiques, quant à eux, sont beaucoup plus hermétiques. Dans les villages, le vivier d’édiles est particulièrement étroit. Le nombre d’habitants compétents ou suffisamment allivrés pour prétendre participer à la gestion des affaires locales est souvent faible. Toutefois, l’étroitesse du vivier municipal peut être entretenue par l’instauration d’un cens élevé, renforçant un entre-soi élitiste. Dès lors, l’existence d’un groupe restreint d’édiles génère une surreprésentation des administrateurs présents plus d’une fois. La réélection régulière des conseillers politiques et la possibilité pour les consuls en sortie de charge de siéger deux années supplémentaires, en tant que « conseillers nés », favorisent l’enracinement d’individus sur plus d’une décennie. Ainsi, Christophe Chaulandy, bourgeois de Saint-Laurent-des-Arbres, reste 26 ans au conseil politique, de 1761 à 1787. Trois fois consul, quatre fois conseiller politique et une fois conseiller renforcé, il ne s’est absenté qu’une seule année. L’enquête regorge d’autres cas similaires : 57 % des édiles ruraux effectuent deux passages à la maison commune et jusqu’à un tiers d’entre eux siège trois fois ou plus. Dans de telles conditions, le renouvellement du stock d’édiles ruraux est faible : entre 35 % et 45 % selon les localités. L’éphémère application de la réforme Laverdy en Languedoc ne bouleverse pas vraiment la donne puisque les conseillers renforcés sont, pour la plupart, des hommes déjà insérés dans les jeux politiques locaux. Ainsi, au-delà d’un consulat accessible, l’étroitesse du vivier favorise le maintien d’un noyau d’édiles ayant en commun une ascendance municipale.
55Dans les villes, bien que la population soit plus importante et plus diversifiée, le constat est encore plus frappant. En l’absence d’un large noyau édilitaire, le renouvellement de l’ensemble du personnel municipal sur les quarante dernières années de l’Ancien Régime est relativement modeste : entre 32 % (Bourg-Saint-Andéol) et 39 % (Bagnols, Pont-Saint-Esprit). Même dans ces structures urbaines plus imposantes, il est parfois difficile de trouver un candidat remplissant les critères requis. Ainsi, en 1774, les administrateurs tarasconnais se plaignent de leur difficulté à trouver un premier consul noble qui n’ait jamais été conseiller. Il est évident qu’en imposant un allivrement cadastral particulièrement élevé, les édiles réduisent au maximum la compétition, ferment l’entrée des corps de villes aux plus humbles, et entretiennent ainsi sciemment la pénurie.
56Comme dans les villages, les statuts municipaux permettent aux consuls sortants de devenir conseillers politiques. Si cette mesure maintient une certaine continuité dans la gestion des affaires municipales, elle amplifie l’enracinement édilitaire : 62 % des édiles de l’échantillon siègent plus de deux ans, 41 % d’entre eux occupant un siège à trois reprises ou plus. Les élites urbaines sont majoritairement puisées dans un stock très restreint de familles édilitaires.
57Les municipalités de type consulaire ont un profil assez proche, quelle que soit l’importance démographique du lieu. L’accès aux charges municipales fonctionne comme un double-sas, dont le second, menant aux fonctions supérieures, est plus accessible que le premier. En Dauphiné, contrairement à ses finalités premières, la réforme Laverdy favorise également l’enracinement des élites municipales.
Un renouvellement en trompe-l’œil : la réforme Laverdy en Dauphiné
58L’un des objectifs de Laverdy consiste à réduire l’emprise des lignages sur les pouvoirs locaux en favorisant un renouvellement plus important des acteurs politiques. Toutefois, en imposant un cursus honorum municipal très codifié, la réforme accentue en réalité l’enracinement des administrateurs municipaux et s’avère contre-productive (voir tableau n° 5 p. 80-81).
59De prime abord, le cursus honorum municipal favorise une alternance plus importante que dans les structures consulaires. Presque toutes les fonctions les plus prestigieuses de la pyramide municipale paraissent largement accessibles, notamment à Vienne, où les maires et les échevins ne sont jamais les mêmes individus. Orange offre un profil plus contrasté : les fonctions de premier, et surtout de deuxième échevin, sont accaparées par une poignée de juristes. Comme la plupart des édiles n’effectuent qu’un seul passage par fonction avant de poursuivre leur carrière municipale, les administrateurs siégeant plusieurs fois au même poste sont rares.
60L’alternance dans les charges municipales traduit néanmoins un renouvellement en trompe-l’œil. En effet, ce sont les mêmes personnes qui se retrouvent d’un poste à l’autre, au gré de leur cursus honorum. En réduisant le processus de renouvellement des conseils politiques, la réforme Laverdy favorise l’ancrage de nombreux administrateurs sur plus d’une décennie. Ainsi, seuls 43 % des édiles urbains n’effectuent qu’un seul passage à la maison commune tandis que dans les communautés échevinales ce taux tombe à 36 %. Par conséquent, à l’exception de Vienne, dont l’importance démographique favorise l’entrée régulière de sang neuf au conseil politique, le renouvellement des élites municipales reste faible, mais légèrement plus élevé que dans les systèmes consulaires : entre 41 % (Orange) et 47 % (Montélimar, Valence). Le constat est identique dans les communautés échevinales : de 39 % (Saint-Paul-Trois-Châteaux, Courthézon) à 45 % (Tain). Par ailleurs, comme rien n’interdit aux édiles d’être réélus, une fois une durée d’attente équivalant à celle de leur fonction effectuée, certains, en revenant par intermittence, deviennent des acteurs majeurs de la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, l’orangeois Jean-Louis Bouveyron entame sa carrière municipale comme notable en 1770 et la poursuit jusqu’à l’échevinage en 1776. Arrivé au terme de sa fonction en 1778, il est réélu échevin en 1780 et siège à nouveau comme notable de 1782 à 1785. En quinze ans, Bouveyron ne s’est absenté que deux ans de la maison commune.
61La réforme Laverdy a rempli une partie de ses objectifs en forçant la plupart des corps municipaux à l’ouverture. Ainsi à Orange, presque six édiles sur dix sont entrés au conseil politique après 1768 tandis qu’ils sont 89 % dans ce cas à Valence. C’est à Vienne que la rupture est la plus nette. Avant 1768, Vienne est dirigée par quatre consuls et par un conseil restreint formé par 21 penons, normalement renouvelés tous les trois ans. Or, la plupart sont en place depuis vingt à vingt-cinq ans. La réforme Laverdy casse cette dynamique oligarchique.
TABLEAU N° 5 : LA RÉFORME LAVERDY OU LES FAUX-SEMBLANTS DU RENOUVELLEMENT ÉDILITAIRE (1768-1790)


62Enfin, cette approche montre que, quelle que soit la taille de la ville, le sommet de la pyramide municipale est chasse gardée des familles édilitaires. Cette domination des lignages se retrouve également dans d’autres villes françaises, comme Bergerac ou Angers53 Le prestige et les privilèges offerts par la fonction incitent probablement les lignages à tenter de conserver la charge de maire. En revanche, en ce qui concerne les autres fonctions, il n’y a pas de profil type. La situation varie d’une ville à l’autre. Les premiers échevins sont presque essentiellement contrôlés par des familles d’édiles, à l’exception de Valence où ils font jeu égal avec les « météores ». Pour le reste, ces derniers l’emportent quasiment partout. La prépondérance des « météores » paraît plus nette que dans les cités languedociennes ou comtadines de taille équivalente. Dans des cités plus importantes comme Vienne, les flux migratoires, en permettant un plus grand renouvellement des administrateurs, facilitent l’alternance des familles. Néanmoins, une plongée dans les actes notariés nuancerait très certainement l’importance des « météores », notamment dans les fonctions échevinales, en révélant l’existence de galaxies édilitaires complexes.
63Ainsi, le couloir rhodanien se fond, plus ou moins selon les lieux, dans le modèle méridional des consulats et des échevinages ouverts. Cependant, s’il est globalement aisé de devenir consul ou de gravir les échelons du cursus honorum municipal, franchir le seuil de la maison commune s’avère particulièrement difficile pour les non-initiés. En effet, les statuts municipaux ou les ambiguïtés de la réforme Laverdy contribuent à l’enracinement édilitaire en instaurant une alternance des fonctions municipales en circuit quasi-fermé. À l’exception des plus grands centres urbains et au-delà de quelques spécificités locales, les municipalités recrutent leurs administrateurs dans le même stock d’édiles, soit parce que le vivier est restreint, soit parce qu’ils parviennent à se maintenir au pouvoir. Par conséquent, dans certaines localités, l’accès au consulat est au cœur des ambitions de la sanior pars. En définitive, entre 1750 et 1790, le renouvellement des pouvoirs locaux reste faible. Il est donc particulièrement difficile de les présenter comme de véritables « démocraties municipales ». Il serait erroné, en revanche, de les percevoir comme des oligarchies sclérosées. Nous les qualifierons de démocraties municipales incomplètes. Incomplètes car certaines catégories socioprofessionnelles, comme les artisans, ne sont pas ou peu représentées dans les conseils politiques. Incomplètes également car l’alternance des charges municipales, attribuées par voie élective, est essentiellement le jeu d’une poignée d’initiés rompus à l’exercice, dont la mainmise sur les institutions municipales varie selon la taille et le profil socioéconomique de la localité. Toutefois, l’extinction des lignages et les mobilités géographiques ou sociales entretiennent continuellement, même à dose homéopathique, l’arrivée de sang neuf. La crise « prérévolutionnaire » suscitée par la fronde des Parlements ainsi que les troubles de l’année 1789 fragilisent ces institutions municipales peu représentatives.
Le couloir rhodanien entre régénération et révolution (1788-1790)
64Les crises dans lesquelles se retrouve engluée la monarchie poussent le roi à convoquer les États-Généraux pour 1789. Le mouvement protestataire de 1788 et les élections des députés laissent entrevoir la constitution des premiers antagonismes politiques révolutionnaires, dont la phase paroxystique est atteinte au cours de l’été 1789.
L’émergence des premiers antagonismes (1788-1789)
65Le 14 juin 1788, aux lendemains de la journée des Tuiles et malgré l’interdiction royale, plusieurs personnalités libérales dauphinoises, comme le marquis de Veynes, proposent la convocation d’une assemblée des trois ordres de la province au château de Vizille. L’objectif est le rétablissement du Parlement et surtout la convocation des États-Généraux. Malgré une véhémente campagne de diffusion d’imprimés, l’assemblée qui se tient à Vizille le 21 juillet 1788 ne représente que 194 paroisses sur les 1 200 de la province54, la plupart boycottant la réunion par soumission aux ordres de l’intendant ou par hostilité envers Grenoble. Seules 12 % des communautés du bailliage de Valence et 7 à 9 % de celles des bailliages de Vienne et de Montélimar ont envoyé des représentants à Vizille55 Dans le couloir rhodanien, quelques rares bourgs, comme Tain, Saint-Vallier, Loriol ou Étoile adhèrent à l’appel grenoblois56 Les plus grosses villes refusent ou gardent un silence prudent. Celles qui tirent profit de la réforme Lamoignon57, comme Valence, ou qui craignent un déclassement administratif, comme Vienne, grande rivale de Grenoble, Montélimar et Orange, rejettent les avances de Grenoble. Les communautés du Dauphiné méridional, comme Pierrelatte, Donzère, ou Saint-Paul-Trois-Châteaux, s’opposent également à des prétentions grenobloises qui accentuent les rivalités entre la capitale provinciale et les pôles urbains secondaires. Cependant, le refus des administrations municipales ne fait pas forcement l’unanimité au sein de leur ville, comme en témoignent les divisions qui règnent au sein de l’élite valentinoise. La frange libérale, conduite par le marquis de Veynes ou le commissaire des guerres de Sucy, s’oppose aux hommes du présidial. Faisant fi de l’hostilité des juristes, une petite députation nobiliaire menée par le marquis de Veynes se rend à Vizille tandis que le tiers-état valentinois n’est pas représenté. Bien que minoritaire, l’élite libérale de Valence se rend très populaire par ses prises de position. Les événements grenoblois fissurent de nombreuses communautés.
66Louis XVI cède et convoque les États-Généraux pour mai 1789 tandis qu’un arrêt du Conseil d’État ressuscite les États provinciaux dauphinois. Le 5 septembre 1788, une assemblée est convoquée à Romans pour préparer leur organisation. Les villes et les communautés sont invitées à députer leurs représentants. Les conditions d’éligibilité sont strictes et maintiennent les inégalités internes à chaque ordre. Pour le clergé, sur les vingt-quatre places de députés, seules deux sont réservées aux curés58 Le haut-clergé domine largement la députation ecclésiastique envoyée à Romans. En ce qui concerne le second ordre, il faut pouvoir justifier quatre générations de noblesse ainsi que payer au moins cinquante livres d’impôts. Enfin, pour représenter le tiersétat, ne sont éligibles que les propriétaires payant au moins cinquante livres d’imposition. Ces conditions d’éligibilité draconiennes suscitent de nombreuses critiques. Par ailleurs, les divisions restent vivaces. En effet, l’abrogation de la réforme Lamoignon court-circuite les ambitions valentinoises et celles des autres cités qui espéraient en tirer profit. À Valence, face à l’opposition des juristes, le marquis de Veynes et Sucy forment une réunion scissionnaire, en marge de l’assemblée primaire contrôlée par les gens de justice59 Les fractures se lisent également à travers les réjouissances célébrant le retour des parlementaires exilés. Valence ou Saint-Paul-Trois-Châteaux, déçues par la tournure des événements, mettent moins de cœur à l’ouvrage. La victoire grenobloise ranime de vieux antagonismes séculaires, sublimés par la crise de 1788.
67En Provence, des tensions apparaissent dès 1787 lors de la première session des États de Provence, fraîchement rétablis60 Les roturiers, s’opposant aux privilégiés, réclament une meilleure représentation aux États et la suppression de certains privilèges féodaux61 À ces premiers désaccords se superposent d’autres clivages qui divisent les ordres privilégiés : le bas-clergé réclame une meilleure représentation tandis que les nobles ne possédant pas de fief n’entendent plus être écartés des États de Provence62 Dans la province voisine de Languedoc, la question de la réforme des États provoque les mêmes divisions63 Aux aspirations d’une meilleure représentativité aux États formulées par le bas-clergé, une partie du tiers-état ou par certaines villes qui ne députent pas, se superposent les « velléités d’émancipation » du Gévaudan, du Velay et du Vivarais64 Partisans ou adversaires des États multiplient les libelles et les mémoires, dont la diffusion massive affûte la conscience politique des contemporains65 C’est dans ce climat tendu que se tiennent les élections des députés aux États-Généraux.
Des élections des députés des bailliages et sénéchaussées à celles des Constituants
68Les États-Généraux, qui n’avaient plus été convoqués depuis 1614, nécessitent au préalable l’élection de députés. Dans les paroisses rurales, chaque communauté élit un député par tranche de 100 feux66 Ces députés se rendent au siège du bailliage ou de la sénéchaussée pour élire les futurs Constituants. Dans les villes, le système est plus long. Les habitants commencent par voter par corps de métiers. Les élus se retrouvent ensuite à l’hôtel de ville pour former l’assemblée générale du tiers-état, élaborer le cahier de doléances et enfin élire ses représentants qui se portent au siège du bailliage ou de la sénéchaussée pour désigner les futurs Constituants67
69Comme l’avait déjà remarqué Peter Jones, les députés ruraux se recrutent parmi les propriétaires fonciers et surtout parmi la bourgeoisie de talent, qui partagent une certaine aisance financière sans pour autant être les plus gros contribuables de leur localité68 Ce sont souvent des administrateurs chevronnés maîtrisant parfaitement les rouages politiques locaux, comme les Courthézonnais Reboul, Gontard et Morel, tous édiles issus d’anciennes familles. Les habitants députent plus rarement les agents seigneuriaux, comme le Mondragonnais Jean-Jacques Chabus, lieutenant de justice du comte de Sade, ou Thune, procureur fiscal de l’évêque de Saint-Paul-TroisChâteaux. Les artisans rhodaniens sont très peu représentés, comme dans le reste du Midi provençal69
70Si les élections des députés ruraux se placent sous le signe de la continuité politique, les assemblées primaires urbaines offrent aux exclus des fonctions administratives l’opportunité de se faire entendre. En premier lieu, les artisans acquièrent une très forte visibilité en députant nombre d’entre eux aux assemblées générales du tiers-état. Cependant, ils ne franchissent pas l’étape supérieure. Bien qu’ils forment presque la moitié de l’assemblée primaire tarasconnaise, aucun n’est élu à la Constituante. Les députés tarasconnais sont issus de de la bourgeoisie de talent, qui ne représente qu’à peine 10 % des présents. Dans les localités biconfessionnelles, ces élections favorisent le retour des protestants sur le devant de la scène. Ainsi, sur les cinq députés du tiers-état orangeois, deux sont protestants : le riche négociant Pierre Jourdan et Joseph Bertin, ancien du consistoire d’Orange70 Les protestants, exclus de toute visibilité politique depuis l’annexion de la Principauté d’Orange au royaume de France, esquissent ici un retour timide. Cette percée protestante n’est pas sans rappeler, dans une autre mesure, le cas de la sénéchaussée de Nîmes, où six des huit députés élus aux États-Généraux sont protestants71
71En élargissant la sphère politique et en libérant la parole, ces assemblées primaires exacerbent les tensions sous-jacentes et les divisions. Ainsi, les artisans arlésiens, exclus de la maison commune depuis le règlement de 1740, exigent une meilleure représentativité du corps municipal72 Les élections des députés de la sénéchaussée sont tendues. Les partisans de l’artisanat, défendus par certains notables éclairés, comme le chevalier d’Antonelle, s’opposent à la bourgeoisie locale73 Les premiers mois de l’année 1789 révèlent déjà un profond clivage au sein du tiers-état. Ces mêmes divisions se retrouvent à Vienne, où trois des quatre échevins s’opposent au second échevin Peyrard. Ce dernier a soutenu l’assemblée de Vizille quand ses collègues l’ont condamnée. Chaque parti mobilise ses alliés et rédige son propre cahier de doléances dans un contexte tendu, la ville étant au bord de l’émeute populaire. Enfin, le cas de Bourg-Saint-Andéol, où les notables sont particulièrement divisés, est également éclairant. En 1788, un syndicat, chapeauté par le négociant Noguier, le plus gros propriétaire foncier du terroir, s’est constitué pour attaquer le maire, Noël Madier de Montjau, et son lieutenant, Ennemond Carsignol, dont la gestion municipale est critiquée74 Dans un contexte tendu et fortement politisé, où les deux camps s’affrontent à coups de libelles et de factums, les édiles parviennent à l’emporter. Parmi les six députés du tiers-état envoyés par Bourg-Saint-Andéol à Villeneuvede-Berg, cinq sont des administrateurs municipaux, dont le maire. En générant des conditions particulières offrant l’opportunité aux notables d’investir les canaux traditionnels d’expression, ces élections accentuent les divisions qui règnent dans la cité et aiguisent davantage la compétition entre les partis.
72Seuls dix Constituants proviennent de la vallée du Rhône. Ce sont tous des hommes de loi, comme un quart des représentants du tiers-état aux États-Généraux75, à l’exception du négociant arlésien Boulouvard et de l’ancien militaire Valérian-Duclau, de Pont-SaintEsprit. Huit d’entre eux sont d’anciens édiles, et Chabroud, avocat viennois, est le fils d’un ancien administrateur municipal. En toute logique, les hommes expérimentés et bien insérés dans les jeux politiques locaux recueillent les voix de leurs concitoyens, désireux de s’en remettre à des professionnels du droit. Certains sont récompensés pour leur prise de position libérale pendant les débats de 1788, comme Godefroi Gédéon Bouvier d’Orange, chantre du « parti » libéral orangeois, qui critique au cours de l’assemblée des trois ordres les privilèges de la noblesse et du clergé. Son collègue Claude Besson, avocat très hostile à l’administration municipale orangeoise, dont l’élection témoigne du désaveu dont souffrent les édiles, présente le même profil.
73Les élections de 1789 esquissent les premières lignes des fractures politiques qui divisent le Midi rhodanien durant toute la décennie révolutionnaire et témoignent de l’inégale capacité d’adaptation des potentats locaux. À l’opposé de villes comme Orange, où les édiles sont désavoués, d’autres municipalités conservatrices, comme Bourg-SaintAndéol, s’accrochent encore aux instances politiques locales. Les crises de l’année 1789 mettent les municipalités rhodaniennes à rude épreuve autant qu’elles accentuent la contestation politique.
Le couloir rhodanien et « l’année sans pareille »
74La crise politique est amplifiée par une crise socioéconomique très sévère, engendrée par de mauvaises conditions climatiques qui génèrent une flambée d’émeutes frumentaires au printemps 1789. La révolte suit un scénario classique qui est rejoué un peu partout en France. La foule assiège les greniers à grains et s’attaque aux négociants. Entre le 23 et le 26 mars, les marchés de Valence sont pris d’assaut76, le 28 mars, ce sont les marchés d’Avignon qui sont forcés. La crise se poursuit dans toute la vallée du Rhône en avril. Certains notables se rendent populaires en lançant des souscriptions pour approvisionner les greniers ou se comportent en évergètes en faisant eux-mêmes l’avance, comme le baron de Naillac, qui prend à sa charge l’approvisionnement alimentaire de Valence jusqu’à la moisson.
75Alors que les émeutes frumentaires se propagent dans toute la France, les États-Généraux s’ouvrent à Versailles le 5 mai. L’écho des premiers succès de la révolution parisienne se répand dans les provinces comme une trainée de poudre et se superpose aux tensions locales en amplifiant les divisions apparues en 1788 au sein de l’élite politique locale, comme l’illustre l’exemple de Valence. Le 12 juillet, la municipalité rédige une adresse de félicitations à l’Assemblée Nationale pour la remercier du courage avec lequel elle a soutenu « la chose publique77 ». Pour éclairer la population et « payer le tribut de son patriotisme », Dauphin, avocat libéral et lieutenant criminel du présidial, prononce un discours à l’hôtel de ville devant le peuple. Occupant dès lors le premier rôle, il relègue le maire et les échevins au second rang. Le 20 juillet, à l’annonce de la chute de la Bastille, une députation valentinoise, conduite par le corps municipal, se porte en masse chez le vicomte de Voisins, qui commande la citadelle, pour remercier les artilleurs d’avoir « refusé de servir les suppôts d’une aristocratie monstrueuse78 ». Les échevins, revenant sur le devant de la scène politique, ornent la tête du gouverneur de la forteresse d’une couronne civique79 La nationalisation de la vie politique locale amplifie la concurrence entre une élite municipale hostile à Grenoble, en perte de vitesse mais soucieuse de conserver son pré carré, et une frange libérale de l’aristocratie ou de la basoche valentinoise qui s’est rendue populaire par ses prises de position en 1788 et cherche à présent à l’éclipser.
76La prise de la Bastille, les premiers départs en émigration et les mouvements de troupes se transforment en psychose populaire appelée « Grande Peur », phénomène particulièrement bien couvert par l’historiographie80 Pour faire face à un ennemi imaginaire81 ou à l’attaque des châteaux, les milices bourgeoises sont réactivées. Le couloir rhodanien est assez peu concerné par le pillage des châteaux durant l’été 1789, contrairement à d’autres aires géographiques comme le Mâconnais82 Au-delà des Terres-Froides et d’une partie du Viennois, les propriétés nobiliaires sont relativement épargnées83
77Le délitement de la puissance publique favorise l’éclosion de comités permanents concurrençant les maisons communes et donnant naissance à ce que certains historiens qualifient de « révolution municipale ». Daniel Ligou a souligné la grande diversité du phénomène et en a esquissé trois modèles, révolution complète, incomplète ou absence de « révolution municipale », qui témoignent de la complexité du processus, variable d’un lieu à un autre84 Ce mouvement doit être appréhendé dans une temporalité plus large, ne se cantonnant pas simplement à l’été 1789 car les « révolutions municipales » connaissent en réalité plusieurs phases. Après une première forme d’ouverture municipale, souvent incomplète, se traduisant par une très forte permanence des équipes administratives, une seconde, plus tardive, force les comités ou les municipalités à intégrer des hommes qui étaient jusque-là exclus des pouvoirs locaux85
78Les municipalités de la vallée du Rhône résistent très inégalement aux « révolutions municipales ». Les espaces qui ignorent ce phénomène restent rares. Ce sont surtout des petites communautés, comme Pierrelatte, où les administrateurs ont su s’adapter à la conjoncture politique. Par ailleurs, aucune municipalité rhodanienne n’est éliminée par la force comme à Strasbourg. Seule Arles connaît une « révolution municipale » décisive bouleversant l’équilibre politique, lorsque le 4 août, le premier consul accepte la refonte totale de l’administration en abandonnant le règlement de 1740 qui excluait les artisans86 En revanche, les autres « révolutions municipales » de la vallée du Rhône de l’été 1789 demeurent très incomplètes et n’entament pas véritablement la domination des notables. Certains comités permanents sont tellement noyautés par la municipalité qu’ils en deviennent une sorte d’excroissance, notamment à Pont-Saint-Esprit, à Vienne ou à Orange, dont le maire considère le comité comme « un démembrement du corps municipal », dont il doit naturellement prendre la tête87 D’autres comités permanents sont majoritairement peuplés de familles édilitaires, comme à Bagnols, à Bourg-Saint-Andéol ou à Villeneuve-lez-Avignon, dont trois des quatre adjoints nommés sont en réalité d’anciens édiles fraîchement sortis de charge.
79La seconde vague de « révolution municipale » est nettement plus décisive. Outre quelques cités touchées plus tardivement, le processus s’intensifie dans les villes où les premiers comités mis en place sont restés concentrés entre les mains des élites locales.
80Ainsi à Tarascon, la municipalité installe un comité permanent le 3 août 1789 pour faire face à la crise frumentaire et pour prévenir tout débordement populaire. Composé de onze personnes, toutes liées à des familles édilitaires, comme Coye de Brunelis, apparenté au subdélégué, il est rapidement critiqué pour le manque de représentativité de ses élus. Le 14 septembre, le boulanger Jean Pélissier, député par l’une des vingt compagnies de la milice, exige, selon le « vœu de ses mandants », que l’allivrement fixé pour pouvoir siéger au comité soit abaissé et que des élections aient lieu régulièrement pour en renouveler la composition88 Après une semaine de tension, la municipalité cède sur tous les points et intègre des individus exclus jusque-là de toute visibilité politique. La défaite des édiles est aussi très nette à Montélimar. Comme à Tarascon, le premier comité permanent installé dans le courant de l’été 1789 est entièrement contrôlé par les édiles ou les notables du lieu, dont le visénéchal et le doyen du chapitre. En octobre 1789, la tentative d’émigration du comte de Marsanne, Constituant montilien imitant son collègue Mounier, réactive la psychose du « complot aristocrate » et génère une insurrection populaire qui débouche sur son arrestation. L’intrusion de l’élément populaire favorise un glissement social dans la composition du comité. Le 27 octobre, des élections font entrer à la maison commune douze nouveaux adjoints, tous artisans ou petits ménagers, totalement étrangers au monde de l’édilité qui leur était imperméable jusqu’alors, mais ayant joué un rôle de premier plan dans l’arrestation du comte de Marsanne89
81Alors que la plupart des municipalités rhodaniennes sont forcées à intégrer de nouveaux venus, quelques autres cités, comme Bourg-Saint-Andéol ou Bagnols, demeurent imperméables. À Bagnols, la création du comité amplifie les tensions. La municipalité conservatrice ne peut empêcher l’élection de sept adjoints, dont des chauds patriotes, comme le notaire Teste90, qui s’est rendu populaire en attaquant le subdélégué Roussel dans des pamphlets, ou son ami Broche-Devaux, un noble libéral désargenté. Toutefois, les édiles conservent la réalité du pouvoir. Comme dans d’autres villes du couloir rhodanien, une partie de la population condamne le manque de représentativité de la municipalité et réclame le renouvellement fréquent du comité permanent. Si ces doléances sont soutenues par Teste et ses acolytes, elles sont balayées d’un revers de main par le premier consul, André Toussaint Reynaud-Saurin, gendre du subdélégué Roussel. La rupture entre le comité et une partie de la municipalité est consommée au début de l’automne. La crise atteint sa phase paroxystique le 18 octobre. Au terme d’une séance municipale tendue, au cours de laquelle le premier consul rappelle la sujétion du comité permanent à la municipalité et rejette les doléances populaires, une partie des édiles et des adjoints du comité quitte la maison commune en refusant de signer le procès-verbal, signe d’un désaccord fort91 Parmi les « frondeurs » se trouvent des aristocrates libéraux, comme Charrier de Moissard ou Broche-Devaux. Il n’empêche que les édiles les plus réactionnaires obtiennent gain de cause. Jusqu’en février 1790, même s’il accueille sporadiquement les plus forts allivrés, le conseil politique reste le maître à Bagnols. La crise politique de 1789 révèle au grand jour les lignes de fracture politiques bagnolaises et accentue les divisions de l’élite politique locale.
82Après avoir brossé à grands traits les étapes de la « révolution municipale », il convient de s’interroger sur la composition des comités permanents constitués entre l’été et l’automne 1789. Dans de nombreuses localités, les comités font une large place à la noblesse libérale, dont la prééminence dans le commandement, notamment militaire, est reconnue. Certains comités, moins nombreux, font appel au clergé, dont la sagesse supposée est requise pour gérer des situations tendues. Le recours aux ecclésiastiques n’a rien d’exceptionnel puisque les administrateurs dauphinois côtoient des clercs dans les conseils politiques depuis l’application de la réforme Laverdy. En ce qui concerne le tiers-état, la situation est très variable d’un lieu à un autre. Lors de la première phase de la « révolution municipale », ce sont avant tout les élites locales qui sont sollicitées. Les agents seigneuriaux sont rarement conviés, comme à Saint-Paul-Trois-Châteaux, où le procureur fiscal Thune, fraîchement député aux élections du bailliage, est nommé. A contrario, la seconde phase de la « révolution municipale » intègre des éléments plus populaires, issus de l’artisanat et dont les liens avec les édiles sont beaucoup moins évidents. Ainsi à Vienne, au moins 40 % des membres du comité sont des artisans et des boutiquiers. L’ouverture est également politique : 78 % des membres du comité n’ont jamais exercé la moindre fonction locale et ne comptent pas d’édiles parmi leurs ascendants. L’entrée des artisans dans les comités permanents est, à un niveau national, l’une des caractéristiques communes à presque toutes les « révolutions municipales »92 Enfin, l’ouverture est également religieuse. Dans des espaces biconfessionnels, comme Orange ou Saint-Paul-TroisChâteaux, la « révolution municipale » profite aux protestants les plus riches, transgressant ainsi l’édit de tolérance de 1787 qui ne leur accorde aucun droit politique. Ces retours restent néanmoins timides : on compte un seul protestant, le médecin Jean-Baptiste Favier, sur les dix membres du comité de Saint-Paul-Trois-Châteaux, un seul également, le négociant Plumail, sur les neufs adjoints orangeois du conseil politique. Les protestants sont très minoritaires dans la société tricastine, ce qui explique leur faible présence dans le comité. Bien que plus nombreux à Orange, ils peinent encore à s’affirmer, contrairement à d’autres villes, comme Nîmes, où les religionnaires ont conservé une assise économique très importante.
83Il reste à présent à s’interroger sur les raisons qui expliquent le succès ou l’échec de ces différentes « révolutions municipales ». Comme le suggère le tableau n° 6 (voir p. 100-101), plusieurs facteurs contribuent à éclairer la réussite ou la faillite de ce processus politique.
84La question de la représentativité politique des municipalités est au cœur du phénomène dans les villes de plus de 5 000 habitants. Ces dernières, comprenant une forte population d’artisans peu intégrés, sinon exclus des conseils politiques, connaissent les crises les plus vives et les plus abouties. Néanmoins, seule l’administration municipale arlésienne est renversée au cours de la crise politique de l’été 1789. Les édiles viennois, montiliens et valentinois, en concédant quelques places aux artisans, parviennent encore à se maintenir au pouvoir. En revanche, dans les communautés et dans certaines petites villes, comme Pont-Saint-Esprit, où l’intégration des artisans est plus importante, les « révolutions municipales » sont plus une expression qu’une réalité politique. Dans ces localités, les édiles se maintiennent et intègrent des cadres issus de l’Ancien Régime. Les quelques néophytes sont rares et proviennent très souvent de familles édilitaires. Toutefois, d’autres facteurs sont à prendre en compte, complexifiant toute tentative de modélisation régionale, comme l’érosion du conseil politique et la concurrence entre notables. Les municipalités consensuelles ou qui ont su donner le change à temps parviennent à court-circuiter les comités ou les adjoints, réduits à des positions subalternes, comme à Orange.
85En parallèle, le Comtat, jusqu’ici à peu près épargné par les retombées des événements parisiens, se révèle être à son tour une zone de forte et précoce conflictualité politique.
Le processus révolutionnaire fait tache d’huile
86Imitant l’exemple de la France, les Comtadins se lancent dans le processus révolutionnaire avec un léger décalage. En effet, les premiers acquis français au cours de l’année 1789 encouragent les Comtadins à intensifier leurs attaques contre le pouvoir. Comme en France, les communautés sont invitées à rédiger des cahiers de doléances et à envoyer des représentants à Carpentras participer à l’Assemblée représentative de la province. Comme en France, ces élections révèlent au grand jour les tensions qui règnent dans les communautés.
TABLEAU N° 6 : SUCCÈS ET ÉCHECS DES « RÉVOLUTIONS MUNICIPALES »


87Inspirés par les événements français, les Comtadins demandent la tenue d’États-Généraux que le Pape Pie VI rechigne à convoquer. Comme en France, les États-Généraux du Comtat n’ont plus été convoqués depuis longtemps. Par ailleurs, l’Assemblée générale du Comtat, autre institution provinciale, est critiquée pour son manque de représentativité. En effet, n’en sont membres que les trois évêques de la province, l’élu des seigneurs feudataires, les premiers consuls de vingt-cinq communautés et le second consul de Carpentras93 Dès décembre 1789, les communautés du Comtat rhodanien réclament la convocation des États-Généraux. Certaines communautés, comme Bollène ou Lapalud, s’inspirant de l’exemple avignonnais où les corporations avaient présenté leurs doléances au vice-légat Casoni, exposent spontanément les leurs.
88Les Comtadins s’approprient la terminologie révolutionnaire française et contestent, à leur tour, le manque de représentativité des conseils politiques. Ainsi à Bollène, un « nombre considérable d’habitants » présente ses revendications dans la maison commune94 Parmi les doléances les plus importantes, il est exigé la convocation des États-Généraux et la réforme d’une institution municipale peu représentative, comprenant trois consuls mais seulement deux échelles de conseillers. Ces critiques se retrouvent dans d’autres cahiers de doléances comtadins95 Comme dans le royaume de France, la rédaction des doléances amplifie les tensions en offrant l’opportunité à une partie de la population d’investir de nouveaux canaux de protestation politique et de contester le monopole des édiles. Une frange libérale, composée de bourgeois, d’artisans et de quelques juristes, se fait le chantre des exclus du conseil de ville et gagne la sympathie d’une partie de la population tandis que d’autres bourgeois refusent toute refonte des institutions locales et se rangent parmi les nobles, unis dans la défense de leurs privilèges. Pour contrer les réformistes, ils tentent de créer une troisième échelle, dont le montant de l’allivrement requis pour y accéder s’élèverait à 1 200 l. de biens fonciers ou immobiliers. Un tel cens écarterait une grande majorité de la population et permettrait à la sanior pars de cultiver un entresoi derrière un faux-semblant d’ouverture. La stratégie de l’élite bollénoise est validée par le vice-légat à la fin du mois de novembre 178996 C’est un coup dur pour les libéraux. Sur les tensions socioéconomiques particulièrement vives en cette fin d’année 1789 se greffent des revendications politiques que les succès français n’encouragent pas à refréner. Au début de l’année 1790, la municipalité bollénoise se maintient, quoique contestée, mais la communauté est profondément fracturée.
89Dans d’autres localités comtadines, l’élargissement de la sphère politique à de nouveaux venus se traduit parfois par une « révolution municipale » qui ne dit pas son nom. À Lapalud, le bras de fer oppose une petite élite politique désavouée, dont le premier consul Pierre-François de Nally, à une fronde libérale qui parvient à élire huit députés chargés de la rédaction des cahiers de doléances, dont six sont totalement étrangers au monde de l’édilité, contestant et concurrençant le pouvoir municipal. Les libéraux parviennent à retourner une partie du conseil politique qui vote en faveur des doléances. L’une d’entre elles réclame la présence des députés de district, fraîchement élus, lors de chaque élection consulaire et « du moment où il s’agira d’emprunter, d’aliéner ou d’intenter procès97 ». L’intégration politique de nouveaux venus partageant l’exercice du pouvoir avec la municipalité marque la défaite des édiles les plus réactionnaires.
90Les autres communautés comtadines, outre Avignon et
91Carpentras, ne vont pas si loin. Le 24 février 1790, alors que la France expérimente déjà les premières municipalités révolutionnaires, Pie VI fait part de son opposition catégorique à la tenue des ÉtatsGénéraux comtadins. Cependant, face aux troubles et à la pression des Comtadins les plus enthousiastes, le vice-légat autorise la convocation d’assemblées primaires chargées de désigner les représentants des communautés aux États-Généraux comtadins. Elles se déroulent entre avril et mai 1790 dans des conditions très inégales et favorisent globalement les élites politiques locales98 Ainsi, 90 % des députés caderoussiens sont des édiles ou d’anciens édiles. Les hommes nouveaux s’imposent localement : c’est le cas pour quatre et six des douze députés de Sorgues et de Lapalud. Outre la rédaction des cahiers de doléances, ces hommes doivent également désigner leur(s) député(s) aux États-Généraux. Le choix des députés bollénois est particulièrement révélateur de la capacité d’adaptation des forces politiques en présence. Alors que la municipalité conservatrice était parvenue à endiguer l’ouverture sociale réclamée par une minorité réformiste, la nouvelle conjoncture du printemps 1790 offre un formidable retournement de situation. Les élections des députés se traduisent par la victoire des éléments les plus avancés, dont la plupart se sont fait connaître par leurs prises de position progressistes l’année précédente : Pierre Bès, l’orfèvre Guilhermier et le notaire Violes. Ce scrutin porte un rude coup au « parti » conservateur qui n’est pas pour autant éliminé. Les élections des députés à l’Assemblée représentative du Comtat et, plus généralement, l’appropriation des nouvelles idées politiques exacerbent les antagonismes locaux. Alors que l’Assemblée représentative s’est à peine réunie, plusieurs communautés exigent déjà une réorganisation municipale à la française. Les élections municipales prévues pour la fin du printemps 1790 rebattent fortement la donne géopolitique comtadine.
92Les premiers événements de la décennie révolutionnaire amplifient les divisions qui rongent les villes et les communautés et ébranlent des structures municipales critiquées pour leur manque de représentativité et leur fermeture relative. L’appropriation de la nouvelle terminologie révolutionnaire exacerbe les rivalités pour la lutte des places, aussi bien dans le royaume de France que dans le Comtat où le processus révolutionnaire fait tache d’huile. À la veille de la refonte des pouvoirs locaux, le paysage politique rhodanien est particulièrement contrasté. À côté de certaines municipalités qui traversent presque sereinement le dernier semestre 1789, certains conseils politiques, fragilisés par l’émergence des comités permanents, sont en perte de vitesse. Enfin, d’autres conseils politiques, timidement ouverts à des éléments plus populaires, parviennent à conserver suffisamment d’autonomie quand certaines municipalités, se cramponnant fermement au pouvoir, restent totalement imperméables aux nouveaux venus. Les premières années de la Révolution accentuent davantage les antagonismes politiques dans la vallée du Rhône et favorisent la constitution d’une géographie politique régionale à géométrie variable.
Notes de bas de page
1 G. Saupin (dir.), Histoire sociale du politique. Les villes de l’Ouest atlantique français à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Rennes, PUR, 2010.
2 A. Follain, « L’exercice du pouvoir à travers les fonctions communautaires dans les campagnes françaises modernes », in F. Menant, J.P. Jessenne (dir.), Les élites rurales dans l’Europe médiévale et moderne. Actes des XXVIIe Journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran 9, 10, 11 septembre 2005, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005, p. 149-162.
3 J.P. Gutton, Villages du Lyonnais sous la monarchie (XVIe-XVIIIe siècles), Lyon, PUL, 1978, p. 27.
4 A. Follain, Le village sous l’Ancien Régime, Saint-Amand-Montrond, Fayard, 2008.
5 P. Léon, « Vie et mort d’un grand marché international. La foire de Beaucaire (XVIIIeXIXe siècles) », Revue de géographie de Lyon, 28, 1953, p. 309-328.
6 S. Durand, É. Pélaquier, « Les villes du Languedoc au XVIIIe siècle. Essai de typologie », in Villes et représentations urbaines dans l’Europe méditerranéenne (XVIe-XVIIIe siècle), Mélanges offerts à Henri Michel, Montpellier, PUM, 2011, p. 115-132.
7 Voir annexe sur HAL.
8 A. de Pontbriant, Histoire de la Principauté d’Orange, Avignon, Séguin, 1891.
9 R. Moulinas, Histoire de la Révolution d’Avignon... op. cit., p. 16.
10 R. Favier, Les villes du Dauphiné aux XVIIe et XVIIIe siècles, Grenoble, PUG, 1993, p. 16-36.
11 M. Bordes, L’administration provinciale et municipale en France au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1972.
12 A. Daumard, « Une référence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles. Projet de code socioprofessionnel », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. X, 1963, p. 183-210 ; F. Cosandey (dir.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Éditions de l’EHESS, Paris, 2005 ; G. Béaur, « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 106, 1, 1999, p. 159-176 ; D. Cohen, « Catégories sociales et discours sur la société », in C. Granger (dir.), À quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au XXIe siècle, Paris, Autrement, 2013, p. 197-208.
13 C. Charle, « Micro-histoire sociale et macro-histoire sociale. Quelques réflexions sur les effets des changements de méthode depuis quinze ans en histoire sociale », in C. Charle (dir.), Histoire sociale, histoire globale ? Actes du colloque de l’ENS Saint-Cloud en janvier 1989, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1993, p. 45-57.
14 M. Agulhon, « Mise au point sur les classes sociales en Provence », Provence historique, 120, 80, 1970, p. 101-108 ; M. Derlange, « De la répartition fiscale de la capitation à la définition d’un corps social : l’exemple provençal », AM, 92, 148, 1980, p. 261-300 ; S. Durand, « La notabilité dans les petites villes du Bas Languedoc au XVIIIe siècle. Essai de définition d’un concept opératoire », in J.M. Laurence (dir.), La notabilité urbaine, Xe-XVIIIe siècles, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative de Caen, 2007, p. 159-174.
15 L. Coste, Les bourgeoisies en France du XVIe au milieu du XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2013.
16 M. Vovelle, D. Roche, « Bourgeois, rentiers, propriétaires : éléments pour la définition d’une catégorie sociale à la fin du XVIIIe siècle », in Actes du 84e Congrès national des sociétés savantes (Dijon, 1959), Paris, Imprimerie nationale, 1960, p. 419-453.
17 W. Snyder, N. Ostroot, « Évolution de la structure socioprofessionnelle des villages du sud-est de la France : 1695-1866 », Provence historique, 200, 2000, p. 161-188 ; J.P. Jessenne, Les campagnes françaises entre mythe et Histoire, XVIIIe-XXIe siècle, Paris, Armand Colin, 2006, p. 67.
18 A. Belmont, Des ateliers au village : les artisans ruraux en Dauphiné sous l’Ancien Régime, Grenoble, PUG, 1998.
19 M. Derlange, Les communautés d’habitants en Provence au dernier siècle de l’Ancien Régime, Toulouse, Publications de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1987, p. 183-200.
20 G. Fournier, Démocratie et vie municipale en Languedoc du milieu du XVIIIe au début du XIXe siècle, Toulouse, Les Amis des Archives de la Haute-Garonne, 1994, p. 343-384
21 S. Durand, Les villes en France, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette supérieur, 2006, p. 118.
22 La réforme vise à unifier et à simplifier les municipalités françaises. Instaurée en 1766, elle est abandonnée dans certaines provinces dès 1771.
23 M. Bordes, La réforme municipale du contrôleur général Laverdy et son application (1764-1771), Toulouse, Association des publications de la faculté des Lettres et Sciences humaines de Toulouse, 1968, p. 45-51.
24 La colonne « nobles » se lit à part.
25 R. Favier, Les villes... op. cit., p. 261.
26 S. Durand, « Luttes politiques et confiscation du pouvoir à Tulette (Drôme) de 1750 à 1826 », Études vauclusiennes, 45, 1991, p. 19.
27 AM Lapalud, 2 G 8, registre de la contribution foncière, 1794.
28 La colonne « nobles » se lit à part.
29 B. Legrand-Baumier, « Les maires d’origine marchande. L’exemple de Tours à l’époque moderne (1589-1789) », in L. Coste, L. Rosenberg (dir.), Liens de sang, liens de pouvoir. Les élites dirigeantes urbaines en Europe occidentale et dans les colonies européennes (fin XVe-fin XIXe siècle), Rennes, PUR, 2010, p. 213-230.
30 R. Favier, Les villes... op. cit., p. 277.
31 P. Allard, « La politisation de l’espace arlésien au temps de la Révolution », in L’espace et le temps reconstruits. La Révolution française, une révolution des mentalités et des cultures ?, Aix-enProvence, PUP, 1990, p. 38.
32 G. Saupin, « Les artisans dans les corps politiques urbains en France sous l’Ancien Régime », in P. Guignet (dir.), Le peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest (fin du Moyen-Âge-1945), Lille, Centre de Recherche sur l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest, 2003, vol. 2, p. 369-379.
33 F.J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, L’Harmattan, 1997.
34 C.F. Hollard, F. Moreil (dir.), La principauté d’Orange, du Moyen-Âge au XVIIIe siècle, Avignon, actes du colloque publiés dans les Mémoires de l’Académie de Vaucluse, t. IV, 2006, 199 p.
35 S. Mouysset, Le pouvoir dans la Bonne ville. Les consuls de Rodez sous l’Ancien Régime, Rodez, Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 2000, p. 49.
36 J. Maillard, Le pouvoir municipal à Angers de 1657 à 1789, Angers, Presses universitaires d’Angers, 2 vol., 1984, p. 236.
37 C. Derobert-Ratel, « La classe politique aixoise de la fin de l’Ancien Régime à l’an VIII.
Esquisse sociologique », AM, 93, 151, 1981, p. 51.
38 G. Saupin, « Fonctionnalisme urbain et sociologie des corps de ville français (XVIeXVIIIe siècles) », in G. Saupin (dir.), Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique du XVIe au XVIIIe siècle, Nantes, Ouest Éditions, 2002, p. 242-249.
39 M. Combet, Jeux des pouvoirs et familles. Les élites municipales à Bergerac au XVIIIe siècle, Bergerac, Fédération historique du Sud-ouest, 2002, p. 163.
40 S Durand, « L’arrogante victoire des gens de robe : l’application de la réforme Laverdy à Verdun (1765-1771) », Annales de l’Est, 2, 1997, p. 301-319.
41 S. Durand, « La vie politique arlésienne de la Fronde à la Révolution », in J.M. Rouquette (dir.), Arles. Histoire, territoires et cultures, Paris, Imprimerie nationales Éditions, 2008, p. 505-517.
42 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne : tendances historiographiques récentes », Bulletin de la SHMC, 3-4, 2000, p. 123-135.
43 G. Saupin, « Les oligarchies municipales en France sous l’Ancien Régime : réflexion méthodologique sur l’analyse historique de leur reproduction à partir de l’exemple de Nantes », in C. Petitfrère (dir.), Construction, reproduction, et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité au XXe siècle, Tours, Centre d’histoire de la ville moderne et contemporaine, 1999, p. 98.
44 P. Guignet, Le pouvoir dans la ville au XVIIIe siècle. Pratiques politiques, notabilité et éthique sociale de part et d’autre de la frontière franco-belge, Paris, EHESS, 1990.
45 R. Descimon, « Le corps de ville et les élections échevinales à Paris aux XVIe et XVIIe siècles. Codification coutumière et pratiques sociales », Annales, 13, 3, 1994, p. 195-209 ; L. Crocq, « Les édiles, les notables et le pouvoir royal à Paris, histoire de ruptures (XVIIe-XVIIIe siècles) », in P. Hamon, C. Laurent (dir.), Le pouvoir municipal en France de la fin du Moyen-Âge à 1789, Rennes, PUR, 2012, p. 223-250.
46 Terme préféré à celui de « famille consulaire », qui ne considère pas l’intégralité des édiles.
47 C’est ce que Laurent Coste appelle la « méthode Guignet » : L. Coste, Les lys et le chaperon. Les oligarchies municipales en France de la Renaissance à la Révolution, Bordeaux, PUB, 2007, p. 21.
48 G. Saupin, Nantes au XVIIe siècle. Vie politique et société urbaine, Rennes, PUR, 1996, p. 350.
49 S. Durand, « Les élites municipales dans les villes du bas Languedoc au XVIIIe siècle : réflexions autour de l’exemple de Mèze », in L. Coste (dir.), Liens de sangs... op. cit., p. 136.
50 G. Barbusse, Le pouvoir et le sang. Les familles de capitouls à Toulouse au siècle des Lumières (1715-1790), thèse de doctorat (dir. J.P. Almaric et M. Taillefer), université de Toulouse-2, 2004.
51 G. Saupin, « La perception du corps de ville dans les stratégies familiales de l’échevinage nantais du XVIIe siècle », in M. Bertrand (dir.), Pouvoirs des familles, familles de pouvoir, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005, p. 153-172.
52 L. Coste, Les lys... op. cit., p. 98.
53 J. Maillard, Le pouvoir municipal... op. cit., p. 234.
54 J. Nicolas, La Révolution... op. cit., p. 54.
55 Les débuts de la Révolution française en Dauphiné (1788-1791), textes réunis par Vital Chomel, Grenoble, PUG, 1988, p. 113.
56 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois. La fin de l’Ancien Régime et les débuts de la Révolution, Valence, Notre Temps, 1986, p. 230.
57 Il s’agit de la dernière tentative de réforme de la justice d’Ancien Régime. Parmi les mesures, les Parlements sont amputés d’une partie de leurs prérogatives au profit de grands bailliages.
58 Les débuts de la Révolution française en Dauphiné... op. cit., p. 127.
59 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois... op. cit, p. 234.
60 P. Masson (dir.), Les Bouches-du-Rhône, encyclopédie départementale, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, III, 1920, p. 153-155.
61 F.X. Emmanuelli, M.H. Froeschlé, M. Lapied, M. Terisse, M. Vasselin, La Provence moderne (1481-1800), Rennes, Éditions Ouest-France, 1991, p. 399.
62 M. Cubells, Les horizons de la Liberté. Naissance de la Révolution en Provence (1787-1789), Aix-en-Provence, Edisud, 1987, p. 60-71.
63 J.P. Donnadieu, « Vizille en Languedoc (1788-1789) », in R. Chagny (dir.), Aux origines provinciales de la Révolution, Grenoble, PUG, 1990, p. 391-402.
64 S. Durand, A. Jouanna, É. Pélaquier, J.P. Donnadieu, H. Michel, Des États dans l’État. Les États de Languedoc, de la Fronde à la Révolution, Genève, Droz, 2014, p. 620-625.
65 M. Peronnet, « Le débat sur les États provinciaux : l’exemple du Languedoc », in R. Chagny (dir.), Aux origines... op. cit., p. 361-372.
66 M. Edelstein, La Révolution française et la naissance de la démocratie électorale, Rennes, PUR, 2013, p. 39.
67 P. Grateau, Les cahiers de doléances. Une relecture culturelle, Rennes, PUR, 2001, 384 p.
68 P. Jones, The peasantry in the French Revolution, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 64-65.
69 M. Cubells, Les horizons... op. cit., p. 142-145.
70 C. Feuillas, « L’application de l’édit de Tolérance dans la principauté d’Orange », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 8e série, VIII, 1998, p. 95-104.
71 B. Moreau, Voter en 1789, l’exemple de la sénéchaussée de Nîmes, Château-Gontier, Publisud, 1995, p. 242.
72 J.M. Torrandell, Les Arlésiens ont la parole : étude des cahiers de doléances de 1789, maîtrise (dir. F. Moreil), université d’Avignon et des pays de Vaucluse, 2000-2001, p. 50-51.
73 P. Serna, Antonelle, aristocrate révolutionnaire (1747-1817), Paris, Éditions du Félin, 1997, 441 p.
74 B. Teyssier, Du diocèse civil de Viviers au département de l’Ardèche : pouvoir et groupes de pression locaux 1750-1795, thèse de doctorat (dir. J.P. Gutton), université de Lyon II, 1987, p. 229.
75 E.H. Lemay, Dictionnaire des Constituants (1789-1791), Paris, Universitas, 1991.
76 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois... op. cit, p. 250.
77 AM Valence, BB 53, délibération municipale du 12 juillet 1789.
78 AM Valence, BB 53, délibération municipale du 20 juillet 1789.
79 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois... op. cit, p. 261.
80 G. Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Paris, Armand Colin, 2014 [1932].
81 T. Tackett, « La Grande Peur et le complot aristocratique sous la Révolution française », AHRF, 335, 2004, p. 1-17.
82 L. Trénard, La Révolution française... op. cit., p. 176-178.
83 Voir carte en annexe sur HAL.
84 D. Ligou, « À propos de la Révolution municipale », Revue d’Histoire économique et sociale, 38, 2, 1960, p. 146-177
85 B. Baumier, Tours entre Lumières et Révolution. Pouvoir municipal et métamorphoses d’une ville (1764-1792), Rennes, PUR, 2007, p. 548.
86 P. Serna, Antonelle... op. cit., p. 127.
87 AM Orange, D 702, délibération du comité permanent, 1er novembre 1789.
88 AM Tarascon, BB 52, délibération municipale du 14 septembre 1789.
89 M. Seyve, Montélimar et la Révolution. Audaces et timidités provinciales (1788-1792), Valence, Éditions Notre Temps, 1987, p. 82-83.
90 A.M. Duport, « Une famille républicaine gardoise sous le Directoire : les Teste de Bagnols », in La République en Languedoc-Roussillon (1792-1958), colloque de Nîmes 4 et 5 septembre 1992, Nîmes, Société d’histoire moderne et contemporaine de Nîmes, 1993, p. 81-91.
91 AM Bagnols-sur-Cèze, BB 29, délibération municipale du 18 octobre 1789.
92 M. Crook, « Marseille, Aix et Toulon : vicissitudes du personnel municipal de trois grandes villes provençales à l’époque de la Révolution », in B. Benoît (dir.), Ville et Révolution française, Lyon, PUL, 1994, p. 206 ; L. Henry, « La politisation des corporations et les révolutions municipales : le cas de Marseille en 1789 », AHRF, 370, 2012, p. 27-56.
93 F.X. Emmanuelli, « Les États du Comtat Venaissin au XVIIIe siècle », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 7e série, IV, 1983, p. 75-113.
94 AM Bollène, BB 31, délibération municipale du 24 août 1789.
95 M. Lapied, « Les cahiers de doléances du Comtat Venaissin », Provence historique, 28, 111, 1978, p. 23-56.
96 AM Bollène, BB 31, délibération municipale du 29 novembre 1789.
97 AM Lapalud, BB 13, délibération municipale du 23 décembre 1789.
98 M. Lapied, Le Comtat et la Révolution française. Naissance des options collectives, Aix-enProvence, PUP, 1996, p. 80.
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