Entretien
p. 19-55
Texte intégral
Laure Adler. Marie-José Malis, qu’on ne connaît pas assez dans le monde théâtral, a été nommée au Théâtre d’Aubervilliers. Elle succède à Didier Bezace, qui est lui-même présent durant le Festival 2014 à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon pour Le Square de Marguerite Duras. Marie-José, j’aimerais bien que l’on se penche sur la définition du théâtre, sur votre pratique du théâtre, votre engagement dans le théâtre. Voici tout d’abord une première question : pourquoi avez-vous choisi le théâtre comme mode d’expression artistique ?
Marie-José Malis. À vrai dire, je pense qu’au départ le théâtre m’a intéressée parce que c’est un mode d’expression, qui est à la fois absolu et qui est collectif. Je crois que, comme beaucoup de gens ici, j’éprouvais une réelle angoisse : à la fois une sorte de fascination pour la création, au sens où elle demande une transformation de soi et du monde et, en même temps, une vraie angoisse à l’idée que celle-ci ne puisse passer que par moi. Le théâtre me paraissait donc être le lieu de l’amitié comme une utopie réalisable avec d’autres et, aussi, un instrument extraordinaire de transformation de l’humain et de transformation du monde potentiellement.
Laure Adler. Cela s’apprend, le théâtre ?
Marie-José Malis. Je ne l’ai pas appris, c’est-à-dire que je ne l’ai pas appris dans les écoles. J’ai appris la littérature à l’école ; j’ai appris le théâtre en en faisant un petit peu sous la forme du théâtre amateur et, surtout, en étant spectatrice, en fait, spectatrice tous azimuts quand j’étais jeune, d’abord en province, puis à Paris pour faire mes études. J’allais voir à peu près tout et je réfléchissais à tout ce que je voyais. C’est comme cela que j’ai l’impression d’avoir appris le théâtre. Ensuite, j’ai reçu une formation universitaire assez poussée et j’ai aussi beaucoup théorisé. J’ai lu en abondance les théoriciens. Je crois que je fais partie des artistes très réflexifs, qui se demandent par quelle voie les autres artistes sont passés. D’ailleurs, je crois très juste cette phrase de Walter Benjamin, qui dit que « La révolution se fait par la répétition ». C’est être dans l’imitation des autres. Cette idée de Walter Benjamin est très étrange. On croit toujours que le changement va arriver d’une manière miraculeuse et à partir de rien. Benjamin nous dit en fait que les révolutions se font par imitation de ceux qui nous ont précédé. Il faut épouser les mêmes carrefours, les mêmes alternatives qu’ils ont eu à dénouer. Il faut se remettre dans les pas de ceux qui ont eu des questions fondamentales à résoudre et nous trouverons alors par nous-mêmes les questions ajustées à ce temps présent. Je peux dire que j’ai appris le théâtre comme cela, par imitation. C’est aussi comme cela que je l’enseigne désormais.
Laure Adler. Ce principe de répétition, on y reviendra à propos d’Hölderlin et de la Révolution française. Vous dites que vous êtes une théoricienne, que vous avez une formation universitaire – vous êtes passée par Ulm–, vous avez fait des études universitaires très poussées, qu’est-ce qui vous a déterminée à ne pas devenir enseignante et à devenir intermittente ?
Marie-José Malis. Des origines familiales, tout simplement, parce que je viens d’un milieu très modeste. Mes parents sont ouvriers agricoles et à l’École Normale Supérieure, j’avais l’impression d’être une espèce d’anomalie. Je l’étais de fait, mais c’était très paisible, car l’E.N.S. est une école très pacifique. Mais j’ai eu très vite le sentiment que je ne serais pas universitaire. Je me suis rendue compte que ces milieux constitués étaient des milieux inertes et dans lesquels, vous avez justement cité Bourdieu, il y a de la reproduction, la reproduction d’un schéma social et je ne voulais pas être là-dedans. Je ne le pouvais pas.
Laure Adler. Cela veut-il dire que vous auriez eu l’impression de faillir à votre tâche intellectuelle et de ne plus être dans la classe sociale de vos parents ?
Marie-José Malis. Oui, en quelque sorte. À vrai dire, quand on est comme moi quelque peu exportée de son milieu, l’impression vient, en tous cas je l’ai vu opérer chez mes camarades, que l’on est soumise à une espèce d’alternative très dure : soit je désirais en être, je désirais appartenir au milieu des autres et alors je devenais arriviste, soit, pour me garder moi-même et continuer à me constituer, je devais inventer une position autre. Cela dit, je n’ai pas échappé à des effets de milieu en entrant dans le milieu du théâtre. Je suis devenue intermittente, mais j’ai rencontré les mêmes effets de sociologie dans le milieu théâtral, qui a ses propres effets de reproduction, ses effets de cooptation, ses collusions, etc., si bien que, dans un sens, je ne m’en tire pas trop mal.
Laure Adler. Vous n’avez pas souhaité avoir la « carte », pour paraphraser Jean-Luc Godard et pour évoquer le monde du cinéma. Justement, on vous a proposé d’avoir la carte, mais vous avez dit « non », pendant longtemps.
Marie-José Malis. J’ai dit non, en effet. Je pense que c’est bien d’être dans une position minoritaire et d’être toujours du côté d’une altérité véritable. Voilà, je pense que c’est ce qu’il faut faire.
Laure Adler. Vous avez évoqué Walter Benjamin. On voit à, l’intérieur de votre parcours de théâtre, que vous avez commencé par des textes à partir de metteurs en scène de cinéma, notamment Godard que l’on vient d’évoquer. Il n’y a pas seulement Godard, il y a aussi Jean-Marie Straub. Quelles ont été vos influences intellectuelles ? Est-ce qu’elles étaient du côté de la philosophie ou plutôt du côté du cinéma ?
Marie-José Malis. Elles étaient du côté de la philosophie et, partant, du cinéma philosophique. Disons celui de Godard si l’on peut le qualifier comme cela, mais en effet du côté de la philosophie, et, très vite, de la philosophie esthétique : des gens comme Georges Didi-Huberman, des gens qui nous permettent de penser quel est le statut, quel est le régime de l’image qu’il nous faut aujourd’hui, quelles sont les images qui sont bonnes pour nous, quelles sont les images qui déclarent la véritable hospitalité au réel. Il y a également la philosophie politique, parce que, comme je l’ai répété souvent, je pense que nous devons travailler à du possible, aujourd’hui. Dans la philosophie politique, j’ai cherché ce qui a toujours été au cœur de la philosophie, c’est-à-dire une pensée du bien, du bonheur et pas seulement une pensée critique sur le monde. Je pense que la philosophie de Platon a eu comme objectif pendant très longtemps de fabriquer l’humanité : elle est une fabrique d’humanité, en vue du bonheur. Depuis quelques temps, la philosophie est devenue un lieu strict de l’analyse et de la critique. J’ai donc cherché quels étaient les philosophes, contemporains ou non, qui pouvaient m’aider à penser quels étaient les possibles et à trouver les chemins qui nous restaient encore pour cette idée de construction du bonheur.
Laure Adler. Vous avez évoqué Walter Benjamin, Emmanuel Éthis a évoqué Hannah Arendt. Quand on vous écoute, on pense beaucoup à Hannah Arendt, effectivement, à la fois à sa possibilité d’accueillir le réel et à sa philosophie politique. On sent que vous êtes tissée par cette attente du bien commun. Comment le théâtre peut-il déboucher sur ce que vous nommez, à juste titre, cette hospitalité ?
Marie-José Malis. En effet, le théâtre est une forme, d’où mon inquiétude sur le régime d’images. Quelles images, quelles représentations du monde le théâtre doit-il proposer, à quoi doit-il contribuer ? Je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans un monde où l’on demande à l’image d’être identitaire : on demande à une image d’être immédiatement reconnaissable, que l’on puisse y reconnaître ses opinions, ses idées toutes faites ou l’image toute faite que l’on a de soi. À la limite, on admet les images troublantes, pourvu qu’elles soient spectaculaires. Je pense que le travail des artistes est toujours un travail polémique ; il se fait dans un temps donné du monde et doit se demander « Qu’est-ce qui de ce monde-ci doit être défait ? », ce monde-ci où les images sont des images identitaires. Or, qui dit images identitaires dit images inhospitalières, qui ne feront pas accueil à l’étranger, à l’étrangeté en nous. Il faut proposer des images douces, hospitalières, qui ne soient pas identitaires, mais qui soient la porte ouverte, la bienvenue à de l’inconnu, à ce qui nous fait question.
Il y a cette idée que je dois travailler contre le régime, contre d’autres représentations du monde. Cela a toujours été un combat du théâtre. Le théâtre a toujours dû se battre contre ceux qui voulaient faire de lui le simple miroir du monde. Si on va au théâtre pour y reconnaître ce que l’on sait déjà, ce qui est la plupart du temps le cas, alors on l’enferme dans une fonction terrible, étroite, de collaboration avec le monde. Je pense que le théâtre que j’aime, le théâtre que j’ai aimé, a toujours mené un combat pour ne pas être ce simple miroir du monde, mais pour être ce qui va proposer l’intuition d’autre chose.
J’ai ensuite regardé le théâtre de mes contemporains et je me suis aperçue que nous étions, nous les gens de ma génération, assez sceptiques sur les pouvoirs du théâtre, et que la plupart de mes contemporains recherchaient la modernité de ce médium, cette vieille discipline, en le branchant à d’autres arts. Cela arrive souvent dans l’histoire des arts. C’est par des sutures d’un art avec un autre art que l’on espère renouveler quelque chose. J’ai vu ainsi, pendant longtemps, mes contemporains faire du théâtre en le branchant aux arts plastiques ; pour eux, la modernité du théâtre serait sa nouvelle esthétisation, sa nouvelle capacité expressive, d’où l’arrivée d’images et de médias forts comme l’image, le son, la performance. Or, je me rends compte que ce qui m’aide à vivre, c’est la pensée, c’est-à-dire quelques pensées claires, quelques formules qui font la différence, qui sont pour moi de l’air qui entre dans la pièce et qui me donnent le courage de continuer à espérer que nous pourrons transformer ce monde-ci. Je me suis dit qu’après tout, le théâtre a une longue histoire d’amitié avec la philosophie. Plutôt que de brancher mon théâtre sur les arts plastiques et de répéter que ce qui ferait la modernité du théâtre serait sa capacité esthétique à faire des images fortes, puissantes, je me suis dit que je voulais faire un théâtre dont les images soient humbles et hospitalières et dont les pensées soient le labeur même et nous aident à vivre. J’ai donc décidé, pour la modernité de mon art, d’associer le théâtre à la pensée.
Laure Adler. Alors, le théâtre n’est pas pour vous la décalcomanie du réel, mais c’est ce que vous appelez et ce que vous définissez comme le théâtre de la pensée. Qu’attendez-vous de nous, spectateurs ? Comment arriver à penser quand nous voyons une pièce ? Qu’est-ce qui nous autorise, nous spectateurs, à penser ? Est-ce que c’est l’accueil de la parole de l’auteur, par exemple Hölderlin ? Est-ce que le metteur en scène se définirait comme une sorte de passeur entre l’auteur, les acteurs et nous le public ? Est-ce qu’il s’agit d’un transfert de pensée ? Est-ce qu’il s’agit d’une nouvelle pensée qui se produit ?
Marie-José Malis. Oui, c’est un transfert de pensée. Le théâtre que je fais n’est, au fond, que direction d’acteurs. Je ne crois pas que je sache faire de la mise en scène ; elle ne m’intéresse pas beaucoup, en tout cas. La seule chose que je sache faire, c’est de la direction d’acteurs.
Laure Adler. Les femmes disent toujours qu’elles ne savent pas faire. Je veux dire que vous êtes metteur en scène, point. Jamais un homme, à Avignon ou ailleurs, ne dira : « Je ne suis pas metteur en scène, je ne sais pas faire de la mise en scène ».
Marie-José Malis. Ce que j’entends aujourd’hui par mise en scène, c’est la capacité à créer des situations, les mettre en l’espace, les rendre sur-expressives par un pouvoir scénographique. Cela, au fond, je m’en moque.
Laure Adler. Ce n’est pas du tout pareil ! Vous ignorez ces règles. Vous n’en voulez donc pas. Vous définissez un champ théorique et artistique nouveau.
Marie-José Malis. Oui, vous avez raison d’exiger que je me tienne debout, je l’avoue. C’est vrai, mais je suis un peu émue que les spectateurs aient été blessés et n’aient pas entendu le spectacle. J’aurais tendance maintenant à parler de moi sur le mode de l’indignité, mais je vais essayer de me redresser.
Je fais de la direction d’acteurs. La direction d’acteurs, c’est un transfert de pensées. Quand l’acteur doit penser un texte comme celui d’Hölderlin, il est confronté à une nouveauté tous les trois mots. S’il pense réellement ce que dit le texte, il est convoqué à des idées, qui sont pour sa vie, pour la vie de l’acteur, une autre vie, qui sont des plans de conséquences inouïs : des textes comme ceux d’Hölderlin, nous font penser le monde. D’abord, ils nous l’actualisent : « C’est cela le monde » ; ils nous proposent du coup, face à ce monde, des prises de décision vertigineuses. Quand l’acteur travaille bien, c’est cela qu’il entrevoit tout d’un coup, des affects le submergent, il est ému, parce qu’il envisage soudain la portée de vie du texte. C’est comme cela que je travaille, c’est ce que je demande à l’acteur de faire. D’où un théâtre ralenti parce que, pour que l’acteur puisse penser le texte, il faut qu’il calme sa propre machine expressive.
Après tout, un acteur est une machine technique, rodée. Il peut « balancer » un texte avec expressivité, tout de suite. Or, s’il le fait comme cela, il va aller vite, il va aller au sens vulgaire, au sens commun des choses. Pour entendre la véritable portée du texte, il a besoin de prendre le temps de penser celui-ci. Je me dis que, lorsque l’on a bien travaillé, c’est à cela qu’assiste le spectateur. Il peut s’identifier, non pas à un personnage, mais au processus même de pensée qui traverse l’acteur. Alors le public pense au même rythme que lui. Il est témoin de ce qu’une pensée produit chez un être humain : le bonheur, la compassion, l’incroyable gratitude que l’on peut avoir pour un auteur, l’émotion pour le monde. C’est cela que le public, si les conditions lui sont données, peut vivre avec l’acteur. C’est cela que je qualifie, ou que je nomme, théâtre de pensée. C’est un théâtre porté réellement par l’acteur qui pense.
Laure Adler. On pourrait vous dire, à ce moment-là, que l’on pourrait rester chez nous, allongé sur un lit ou sur un canapé, en train de relire Hölderlin. À chaque phrase, on pourrait s’arrêter, on pourrait surligner, on pourrait prendre des notes, etc. Quelle différence faites-vous entre une lecture intérieure intensive et tendue, en état d’accueil et le fait que notre corps soit dans une salle de théâtre avec d’autres ? Est-ce que vous espérez quelque chose de cette communauté de pensée, que peut produire un public vis-à-vis des acteurs qui articulent ce texte ?
Marie-José Malis. Au fond, j’espère ce qu’il se passe. J’espère la condition publique du théâtre et j’espère qu’elle nous apparaît pour ce qu’elle est, dans ce temps-ci du théâtre, qui est un temps compliqué. En un sens, ce qu’il se passe sur notre spectacle est très violent et en même temps, c’est très beau. Je peux dire que je suis étrangement heureuse, lorsqu’à la fin de la représentation nous avons constitué un corps de spectateurs. Nous avons traversé l’adversité de représentations, où des gens se déterminent. La place de la pensée est comme cela, dans ce monde où des gens ne veulent pas entendre, ne veulent pas que les choses soient pensées, dites de cette manière, que le théâtre soit cela, etc. Au bout de la lutte, on s’aperçoit que l’on a constitué un tiers d’une salle qui saura qu’il est devenu spectateur. Une représentation construit ses spectateurs et cela demande une bataille difficile : elle est ancrée dans la polémique de ce temps et dans la condition stricte de notre travail. Essayer de faire du nouveau, de l’art, tenter quelque chose, c’est un combat ; que ce soit ce combat-là, c’est ce que j’espère du théâtre. Et voilà que quelque chose se constitue publiquement face à une œuvre. Que cela doive se constituer dans une bataille, je pense que c’est de notre temps.
Laure Adler. Vous pratiquez un théâtre où vous nous demandez de ralentir, d’essayer de calmer nos impatiences, de ne pas consommer. Il y a un autre homme de théâtre, que personnellement je vénère, et je ne suis pas la seule, qui s’appelle Claude Régy, qui nous demande de la même façon d’entrer à l’intérieur de nous-mêmes pour pouvoir accueillir cette parole. Cette parole, je sens dans votre travail, Marie-José Malis, qu’elle s’appuie aussi beaucoup sur le choix des textes. Ce serait bien que vous nous expliquiez comment et pourquoi vous avez fait le choix d’Hypérion. Vous avez utilisé tout à l’heure le mot « répétition », vous n’êtes pas quelqu’un qui recherche le sensationnalisme, l’audace esthétique, qui essaye d’épater le spectateur – c’est bien au contraire à rebours de votre démarche. Or, vous venez de parler de « combat », de « bataille » portée jusque chez les spectateurs. Dites-nous comment et pourquoi ce texte nous parle, et pourquoi il nous parle d’aujourd’hui ?
Marie-José Malis. J’y viens, après une petite parenthèse sur Claude Régy. Je pense que Régy est le seul et véritable marxiste de ce métier, parce qu’en fait lui seul a le pouvoir, et il se l’est donné, de réduire la jauge de ses spectacles. C’est ce que je devrais faire. Je n’en ai pas le pouvoir pour l’instant. Je n’ai pas le pouvoir financier d’imposer une réduction de la jauge, quoique je pense que je le devrais, par respect pour les spectateurs. Si j’ai des excuses à présenter, elles portent strictement sur ce point, de ne pas avoir su me donner le pouvoir et de ne pas avoir su me battre assez pour obtenir une réduction de la jauge de mes spectacles.
Pourquoi Hölderlin nous parle ? Hölderlin, vous le savez, c’est le poète de la modernité, c’est celui qui inaugure la poésie moderne. Pourquoi l’inaugure-t-il ? Parce qu’il se rend compte qu’avec la Révolution française et avec la bourgeoisie qui arrive au pouvoir, une nouvelle ère du monde commence : ce sera une ère sans Dieu, où le divin classique sera évacué et où se dessine une autre tâche de la politique. Celle-ci, la Révolution française l’a inaugurée de manière incroyable. Les contemporains qui l’ont vécue ont vu dans le monde quelque chose qu’ils croyaient absolument impossible. Comme disait Nietzsche : « L’histoire du monde a été coupée en deux ». Hölderlin a été un amoureux passionné de la Révolution française et il a compris qu’à partir de ce moment-là, la tâche de l’humanité serait de tenter de réinventer cette Révolution, cette politique égalitaire, afin qu’elle soit vivable, qu’elle puisse être vécue pleinement par une génération d’hommes. Comment dans un monde qui est devenu purement matérialiste, sans Dieu, comment rester fidèle à l’idée du bien, du bonheur, de l’absolu pour tous ? C’est dans cette intensité de questions qu’Hölderlin a inventé sa poésie. Il a engendré une poésie, moderne parce qu’elle est, comme il le disait, « un retour sur la terre ». C’est le premier poète qui a dit : « Nous les poètes, avons toujours cherché à chanter vers le ciel et cet amour que nous mettions vers le ciel, vers les dieux, vers les idéaux qui sont à l’extérieur de nous, cet amour-là, nous devons maintenant le plier vers un amour de la Terre et de la finitude. Nous n’avons plus de dieux à l’extérieur, mais si nous nous mettons à aimer notre condition humaine, la Terre et notre finitude avec la même intensité que nous avons mis à aimer les dieux, alors nous ne subirons pas notre finitude. Nous ne serons pas les prisonniers du matérialisme, nous ne serons pas les esclaves d’un monde sans esprit, mais nous serons » ceux qu’il appelait « les rois de la finitude ». Tout le monde, tous les grands lecteurs de la poésie et les poètes aussi, ont considéré que c’était la plus haute tâche de la modernité et que cette tâche, nous ne l’avions pas encore accomplie, au sens où nous n’aimons pas assez, ni la Terre, ni notre finitude. Nous espérons toujours que le salut viendra de quelque puissance extérieure. En un sens, nous n’avons pas renoncé au miraculeux et au divin extérieur à nous.
Voilà pourquoi j’ai choisi Hölderlin, et surtout Hypérion. Ce roman raconte l’échec total d’une tentative d’une politique d’émancipation révolutionnaire. Mais, dans l’échec le plus terrible des tentatives révolutionnaires et en dressant le bilan le plus strict de cet échec, comment rester fidèle à l’idée de la Révolution ? Il y a un examen très sérieux qui est mené dans Hypérion pour continuer à être fidèle, ne pas être un renégat, ne pas dire « Nous nous sommes trompés, la Révolution conduit immanquablement à l’échec »– ce qui est la parole de renégats –, ne pas être un cynique, pouvoir continuer à dire qu’il y avait dans la Révolution une beauté incorruptible, absolue, à laquelle il faut trouver moyen d’être fidèle. C’est très difficile de dire cela, parce qu’à chaque fois qu’on examine les séquences historiques, celle de la Révolution française, celle de la Commune, la Révolution de 1917, etc., on ne peut qu’aboutir au constat fait dans Hypérion, d’un échec historique des tentatives révolutionnaires. On ne va donc pas faire les malins, on ne va pas passer par dessus l’échec et dire « Ce n’est pas grave, il n’y a qu’à continuer ». Le roman est un des rares romans, et même l’un des rares écrits, à poser très sérieusement la question des conditions strictes par lesquelles nous pourrons continuer à être fidèles à l’idée qu’un processus dans lequel chacun pourra contribuer au bonheur de tous pourra être donné à l’humanité, et que l’humanité en est capable. Dans cet examen très rigoureux, Hölderlin invente des choses inouïes. Cette question-là s’est posée à tous ses contemporains.
Hölderlin était un ami d’Hegel. Hegel vivait exactement dans le même questionnement qu’Hölderlin. Ces jeunes gens, depuis l’Allemagne, avaient suivi la Révolution française. Hegel a essayé, lui, de sauver l’idée du bien absolu, de l’absolu, dans une philosophie de l’histoire qui dit : « Nous allons vivre une succession d’échecs, comme une spirale, mais chacun de ces échecs sera utile à une étape suivante, jusqu’à ce qu’au bout du bout de l’histoire, l’esprit de l’absolu se réalise et l’humanité aura progressé. Nous aurons appris de ces échecs. Nous serons embellis et nous aurons progressé jusqu’à toucher l’absolu. » Je caricature, bien sûr. Hölderlin était réellement convaincu que cette idée ne tenait pas la route, qu’il n’y avait pas de progression de l’humanité. La formule inventée par Hegel, selon laquelle « On va quand même sauver l’absolu » en le mettant dans le progrès, cette idée de progrès, cette formule-là, n’était pas disponible pour Hölderlin. Il en a imaginé une autre, étrange. Il a dit : « Bien, il faut regarder ce que nous vivons et il faut séparer ce qui est dans l’histoire, ce qui est de l’histoire des hommes et ce qui est hors de l’histoire. Est-ce qu’il y a des choses qui sont hors de l’histoire ? Est-ce qu’il y a des choses qui se tiennent inattaquables par l’histoire des hommes ? » Et il a répondu : « Oui, la beauté de la nature, la nature. La Terre a une beauté qui est comme une poche, une réserve qui échappe à l’histoire des hommes. » Puis : « Finalement, dans l’histoire des hommes et des individus, il y a quelque chose qui échappe à l’histoire, qui est l’enfance. Il y a ce temps de l’enfance qui est comme une poche, dans laquelle nous sommes tous en capacité d’éprouver une confiance infinie dans l’humanité. Nous sommes accordés au monde. Nous ne doutons pas de notre force, de notre beauté. Nous ne doutons pas que la nature nous aime. Nous sommes divins », dit-il.
Il ajoute : « Au moins on peut dire que de la beauté, de la confiance en notre capacité infinie, divine, sont déposées en dehors de l’histoire. Cela, on le met de côté. Il y a donc les échecs de l’histoire, mais il y a aussi une réserve dans laquelle se tient l’absolu, inattaquable. » Dans un temps comme le nôtre, où le sol de l’histoire est pourri, on se demande où l’on ira chercher la réserve. Hölderlin répond : « Nous pouvons encore la chercher dans deux petites choses », qu’il a empruntées à Jean-Jacques Rousseau. La beauté, la nature, qu’il dit fraternelles, c’est une beauté politique au sens où la nature, les éléments se tiennent accordés les uns aux autres ; voilà une politique égalitaire, qui se fonde dans l’idée que, même si l’histoire nous mutile, même si nous sommes abîmés spirituellement par ce temps, la plupart d’entre nous peut se souvenir qu’ils ont été divins dans l’enfance et qu’ils ont goûté au sentiment d’une capacité infinie. Même si cette capacité infinie est endommagée par l’histoire, elle nous a été donnée et nous pourrons y revenir. Ces opérations d’Hölderlin maintiennent l’absolu à l’écart. Pour nous, ce n’est pas si mal, parce que nous ressentons la même chose que lui. On nous dit que l’homme n’est pas capable d’absolu. C’est l’absolu même, qui est totalement retiré du monde. On nous dit : « Arrêtez vos sottises. Chaque fois que vous visez l’absolu, vous commettez des crimes. C’est parce que l’homme n’est pas capable d’absolu. » Hölderlin répond à cela : « L’absolu existe, la beauté divine de l’homme existe et l’homme y participe. Il a une capacité infinie. Il le tient en réserve, comme cela. »
Hölderlin poursuit avec une opération essentielle, qui nous ramène à Godard. Il dit : « Sans doute la Révolution française a-t-elle échoué parce que les cœurs n’étaient pas prêts à en accueillir profondément le plan de conséquences. » C’est ce que Robespierre et Saint-Just ont tenté de faire par le biais de ce concept de la vertu. La vertu pour Robespierre et Saint-Just était l’idée que chacun de nous devait s’approprier, subjectiver le bien de tous. L’amour du bien commun devait être approprié par chaque individu. Cela ne devait pas passer par l’État, qui n’était pas dépositaire de l’idée du bien commun, mais chacun de nous devait en être le plus ardent des défenseurs. Hölderlin dit que c’est cela qui a échoué dans la Révolution française. Au fond, les cœurs n’étaient pas ardemment convertis à cette idée d’un bonheur pour tous. Il dit que le processus révolutionnaire s’accompagne d’un processus symbolique que les poètes, entre autres, doivent faire, c’est à dire nous enseigner à aimer le monde autrement et à aimer ce que nous redoutons dans ce monde-ci. La pauvreté, la frugalité, ne pas avoir peur de perdre des choses quand le bien des autres est en jeu, etc. Ainsi il aboutit à ceci : apprendre le monde autrement de sorte que la révolution politique puisse s’installer profondément, durablement, et ne soit pas seulement une révolution faite par les lois et par l’État, mais qu’elle soit portée dans le cœur des gens. Ce n’est pas seulement une révolution des idées, c’est une révolution symbolique. Il s’agit de vraiment aimer les qualités sensibles du monde, qui pour l’instant ne nous sont pas encore visibles, qui sont des qualités minoritaires. C’est aimer des choses que nous n’aimons pas encore assez. C’est la tâche du poète, ce que Hölderlin appelle la nouvelle Église : faisons comme les Chrétiens primitifs, constituons des petites communautés et apprenons ensemble à aimer le monde autrement.
Si j’ai parlé de Jean-Luc Godard, c’est que, pour moi, ses films sont strictement des matériaux pour cette nouvelle Église. Il me semble que ses films nous demandent une interprétation qui devrait constituer des communautés de spectateurs : ceux-ci viendraient les interpréter comme des énigmes splendides qui nous sont données et qui nous aideraient à aimer le monde autrement. D’ailleurs, vous savez qu’Adieu au langage commence par un chapitre qui s’appelle « De la nature », dans lequel on retrouve la Révolution française et ce concept de nature…
Laure Adler. La peinture…
Marie-José Malis. Tout Hölderlin se trouve en condensé dans les dix premières minutes du film de Godard. C’est pour toutes ces raisons que j’ai choisi Hölderlin. Je crois, en effet, à tous ces processus historiques. Je pense que nous devons travailler, continuer à fabriquer de l’humanité, continuer à fabriquer pour les générations à venir l’idée que ce qui nous attend, c’est un processus de bonheur pour tous. Dans le cas contraire, je ne vois pas pourquoi on devrait vivre et continuer à faire des enfants. Je crois que l’effort intellectuel extraordinaire d’Hölderlin est une chose dont nous avons besoin. Nous n’y arriverons pas si nous ne nous convertissons pas, pas nous seulement, mais notre civilisation tout entière, vers une nouvelle manière d’aimer le monde.
Dans sa poésie, Hölderlin parle beaucoup d’économie, de commerce, parce qu’il est persuadé que cette conversion, cette nouvelle manière d’aimer le monde, est à portée de civilisation. Cela voudrait donc dire que l’on pourrait fabriquer, avoir des productions industrielles et avoir une organisation du monde qui seraient totalement autres. Toute l’énergie de l’humanité pourrait être une énergie tournée vers de nouveaux objectifs, qui ne soient pas seulement la production d’objets consommables et « empiler du plus », mais vraiment nous conduire à aimer de nouvelles productions, de nouveaux objets et pousser à tourner la civilisation, la production, vers d’autres manières de faire.
Pour finir, vous savez que le Président Mao disait à la fin de sa vie, après la Révolution chinoise, et c’est une parole que je trouve très intéressante, : « Nous n’avons pratiquement rien fait ». Pourquoi cela ? Parce que « Nos usines produisent pratiquement les mêmes objets que le monde occidental, les produisent avec la même organisation du travail. Elles ont les mêmes architectures. Donc, puisque nous produisons le mêmes objets, nous n’avons rien fait ».
Laure Adler. Vous pratiquez un théâtre de la promesse ; vous travaillez sur Hölderlin et vous aviez déjà monté Hölderlin avec Oedipe le tyran. On sait que vous avez monté Le Prince de Homburg, qui est en ce moment à la Cour d’honneur : est-ce que vous pensez que la définition du théâtre que vous pratiquez passe par une écoute possible et nouvelle de la poésie comme force révolutionnaire ?
Marie-José Malis. Oui, je le crois réellement. En fait, comme le disait Meyerhold, dans un temps qui lui a d’abord été favorable, puis fatal quand ce temps s’est défiguré : « Je crois que le théâtre peut contribuer beaucoup au nouveau monde, à la transformation du monde. » Il ne croyait pas que le théâtre allait être vecteur de messages didactiques. Au fond, je crois qu’aujourd’hui c’est ce que l’on attend un peu trop du « théâtre de gauche ». C’est ce qu’on attendrait de moi, par exemple, en tant que directrice du Théâtre de la Commune, que je sois la directrice et le metteur en scène d’un théâtre faiblement politique, qui ne servirait que des slogans vaguement politiques sur la misère de la gauche, etc. Je ne le ferai pas, évidemment, parce qu’une fois de plus, s’il s’agit d’entendre ce que l’on sait déjà, ce n’est pas la peine de continuer à travailler.
Meyerhold croyait que le théâtre pouvait contribuer pour beaucoup à la transformation des choses, parce que justement il allait proposer par sa force poétique, « l’intuition », disait-il, d’une nouvelle joie de vivre. Quand on regarde quelques mises en scène de Meyerhold, notamment du Revizor et quand on regarde son système formel, on sait qu’il a beaucoup travaillé la forme théâtrale, le corps, en s’appuyant sur des arts populaires, le cirque, etc. On voit que ses acteurs sont quasiment en état d’apesanteur. Ils ont de telles techniques physiques qu’ils sont comme des acteurs qui volent. Ils abolissent comme cela la pesanteur du mouvement. On a ainsi l’impression d’une espèce de légèreté et de capacité de vivre, d’occuper la Terre avec une telle intensité de bonheur que l’on ne subit presque plus les lois gravitationnelles. C’était cela la nouvelle joie de vivre et c’était cela que Meyerhold espérait de la Révolution, que nous puissions vivre physiquement comme les dieux sur la Terre, comme le disait Hölderlin, avec un corps nouveau, des affects nouveaux, ce que disait aussi Artaud. Quand la révolution est là, c’est presque comme si nos organes ne fonctionnaient plus de la même manière. Nous sommes si intensément vivants, que l’on ne sent plus ses douleurs d’estomac, ses crampes au mollet. Il y a réellement une nouvelle joie de vivre, qui est un nouveau corps dans le monde. C’est cela la poésie, la capacité de métamorphose, de mutation de l’existant, qu’a la formule poétique, c’est ce qu’elle peut faire, plus que le slogan. Le slogan appartient au monde mort.
Laure Adler. Dernière question : on vous sait très concernée par les problèmes d’intermittence du spectacle. Vous avez manifesté votre point de vue et vous avez produit de la pensée sur l’intermittence du spectacle. Vos textes servent de plateforme de réflexion pour un certain nombre d’entre nous. Est-ce que ce qui nous arrive dans l’intermittence, c’est un problème syndical, c’est un problème de politique politicienne ou c’est un problème d’exclusion sociale, de laminage de toute une classe minoritaire de la société, dont on ne veut plus ?
Marie-José Malis. Ce sont les trois, c’est vrai. Le plus grave, parce que le plus porteur de conséquences, c’est le troisième point, l’exclusion, la violence, la guerre faite aux gens, le mépris de la pauvreté, le mépris et le « Sortez de notre champ de vision, s’il vous plaît ». Mais je crois en effet que c’est aussi un problème de notre corporation. À vrai dire, depuis trop longtemps nous ne travaillons pas, nous ne sommes pas une confrérie politisée. Nous ne sommes pas véritablement, nous contemporains de ces métiers, en train de nous parler. Nous ne parlons pas de notre art, entre nous il n’y a aucun échange artistique. En ce moment, moi qui suis humiliée par la presse, ce que je croise dans la rue ce sont des regards qui se baissent, je n’ai pas d’échange. Je m’en moque, à vrai dire. Les journalistes n’ont pas de pouvoir sur moi. Mais je n’ai pas non plus de confrère avec qui parler du travail. Il n’y pas de confrérie.
C’étaient des beaux temps de l’histoire de l’art, quand les artistes s’écrivaient des lettres entre eux, discutaient. J’imagine que la Nouvelle Vague devait être un temps, merveilleux, où l’on « s’engueulait » éperdument au nom de l’amour fou que l’on avait du cinéma. Cela ne nous est pas donné et nous ne travaillons pas non plus, nous sommes totalement dépolitisés, c’est-à-dire que nous artistes, nous n’avons contribué à aucune réflexion depuis, je ne sais pas, quarante ans, cinquante ans. Nous n’avons contribué à aucune réflexion sur les institutions culturelles. Les chorégraphes l’ont fait : Maguy Marin, Mathilde Monnier, cette génération de femmes extraordinaires, les plus courageuses qui soient, ont été aussi des intellectuelles de l’organisation du travail. Elles ont proposé des schémas, elles ont réfléchi à ce que devait être un centre chorégraphique. On pourra dire qu’elles ont fait œuvre dans leur temps, œuvre politique pour leur art. Dans le théâtre, nous ne l’avons plus fait du tout. En effet, nous sommes dans une grande crise syndicale et ce depuis longtemps.
Cela dit, j’ai confiance dans la nouvelle présidente du Syndeac, Madeleine Louarn, qui est un peu comme moi. C’est peut-être vaniteux de me reconnaître ainsi dans quelqu’un, mais c’est quelqu’un qui n’a pas la « carte », comme vous disiez. Elle est extraordinairement courageuse, dotée d’une grande force intellectuelle, et est venue pour dire des vérités, pour essayer enfin de recréer de l’unité, sur des points stricts qui vont demander du courage, mais pas l’unité que l’on a connu jusqu’à présent, c’est-à-dire le plus petit dénominateur commun. L’unité molle du courage fuyant, cela au moins c’est unitaire. Madeleine Louarn est persuadée que nous ne pouvons plus être seulement dans la critique, le ressentiment, brailler que nous voulons plus d’argent, que cela ne va pas. Cela, nous savons très bien le faire, mais être force de proposition, enfin ! Que les artistes pensent par eux-mêmes les conditions de leur travail et de la politique culturelle !
Laure Adler. Cela, c’est un débat qui aura lieu le 12 juillet dans l’après-midi. En attendant, il faut aller voir Hypérion. La représentation commence à 18 heures, et un petit conseil, ce n’est pas du tout pour vous froisser, il faut se mettre devant. Il y a eu des rumeurs selon lesquelles vous vouliez, par solidarité avec les intermittents, annuler toutes vos représentations. Cette information a beaucoup couru dans le festival. Donc, Hypérion a lieu tous les soirs, à partir de 18 heures.
Marie-José Malis. Cela dit, je peux dire une chose : mon équipe avait décidé de faire grève aujourd’hui, en solidarité avec la C.I.P., la Coordination des Intermittents et Précaires, qui entre en tête de la négociation, parce que c’était le point de vue et l’axe sur lequel travaille la C.I.P., qui n’est pas un axe corporatif. C’est le sort des précaires qui est en jeu. La tentative, portée par la C.I.P., de faire jonction entre les intermittents et les autres corps sociaux concernés par cette réforme est ce qui émeut mon équipe et c’est pourquoi elle avait décidé de faire grève aujourd’hui. Nous avons été soumis à de telles pressions, que nous nous sommes dit que cela allait être complètement contre-productif, puisque personne ne voulait faire grève avec nous. Mais à la limite, nous pouvons prendre des décisions souveraines et si l’on est minoritaires, ce n’est pas grave. Cependant nous avons pensé que cela serait interprété. Le fait que vous disiez que la rumeur court sur le festival et sur toutes nos représentations, est déjà le signe d’une altération du point de vue. Si bien que plutôt que d’être contre-productifs et de prêter le flanc, nous avons décidé de jouer ce soir.
Laure Adler. Merci beaucoup, Marie-José Malis.
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