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    Plan détaillé Texte intégral Le siège de la primatie d’Espagne La Légende des Juges de Castille L’escarboucle de Saint-Denis Notes de bas de page

    La sagesse d’Alphonse X

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre III. Trois exemples de manipulation des sources

    Note de l’éditeur

    Première version : « Dans l’atelier des faussaires. Luc de Tuy, Rodrigue de Tolède, Alphonse X le Sage, Sanche IV : trois exemples de manipulations historiques », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 24, 2001, p. 279-309 [en ligne : https://www.persee.fr/doc/cehm_0396-9045_2001_num_24_1_1180].

    Texte intégral Le siège de la primatie d’Espagne La Légende des Juges de Castille L’escarboucle de Saint-Denis Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Voyons à présent de plus près les dispositifs mis en œuvre par les historiographes alphonsins pour amener à leurs valeurs les textes dont ils s’inspirent. La perspective sera courte et simple. Je m’en tiendrai à trois récits exploités par les auteurs de l’Estoire d’Espagne à partir de sources proches et immédiates : le Chronicon mundi, achevé en 1236-1237 par Luc de Tuy, chanoine augustin de Saint-Isidore de León1, et l’Historia de rebus Hispaniae, à laquelle Rodrigue Jimenez de Rada, archevêque de Tolède, met un terme définitif dix ans plus tard, en 12462. J’en suivrai l’évolution de Luc à Rodrigue avant d’en étudier la réception par l’Estoire d’Espagne dans la ou les versions que connut celle-ci sous le règne du roi Sage. La montre a beau être réduite, elle ne manque pas d’intérêt, nos trois récits ressortissant, sur le fond, à des enjeux de pouvoir très différents et offrant, dans leur forme, un enseignement varié sur le travail de compilation et de refonte auquel se livrèrent les chroniqueurs d’Alphonse X.

    Le siège de la primatie d’Espagne3

    2Plaçons-nous donc dans les années 1236-1237. Le roi Ferdinand III, qui règne en Castille depuis 1217 et à León depuis 1230, vient de prendre Cordoue, l’ancienne capitale du califat d’Espagne. Cette conquête, si symbolique, vient couronner un mouvement d’expansion sans précédent. Depuis 1224, où fut prise Quesada, il ne s’est guère passé d’année qui n’ait vu tomber aux mains des chrétiens une ville importante : Martos et Andújar en 1225, Priego et Loja en 1226, Capilla, Baeza et Cáceres en 1227, Elvas et Montánchez en 1229, Mérida et Badajoz en 1230, Úbeda en 1232, Trujillo et Montiel en 1233, Medellín, Alange, Magacela et Santa Cruz en 1234-1235. Dès 1240 commencera l’encerclement stratégique de Séville qui s’achèvera par la prise de la ville en 1248. Dans cette avancée générale, la Castille s’est taillée la meilleure part : en terres, en hommes et en richesses. Elle fait figure en Espagne de royaume hégémonique, dynamique, chargé d’avenir, tandis que León, espace lointainement fondateur dont la Castille avait été un comté, commence à représenter un ordre ancien. L’histoire politique récente – qui rappelait celle, encore mal perçue par les élites léonaises, de l’accession du comte castillan Ferdinand Sanchez (futur Ferdinand Ier) au trône léonais en 1037 – évoquait une sorte d’annexion de León par la Castille. C’est en effet contre le testament d’Alphonse IX de León (1188-1230), qui léguait le royaume aux deux filles issues de son premier mariage avec Thérèse de Portugal, contre un puissant secteur de la noblesse léonaise et – quand bien même plusieurs prélats avaient soutenu son parti – contre l’aversion profonde de secteurs traditionnels de l’Église léonaise, que Ferdinand, fils de la seconde épouse d’Alphonse IX, Bérengère de Castille, avait dû prendre la ville de León par la force pour s’y faire couronner roi4.

    3La mère de Ferdinand III, Bérengère, dont le dévouement avait permis l’accession de celui-ci aux trônes de Castille et de León, s’était bientôt installée dans la cité, secondant son fils dans le gouvernement des deux royaumes, puis assumant de fait celui-ci après que Ferdinand était parti guerroyer sur les confins andalous5. Elle adossa sa demeure aux murs de Saint-Isidore qui abritaient une communauté de chanoines augustins. Celle-ci n’était pas sans prestige : elle veillait sur les restes d’Isidore de Séville et avait été dirigée naguère par le célèbre Martin dont Luc, alors diacre, préservait la mémoire et continuait l’œuvre hagiographique et théologique6. C’est à ce dernier que Bérengère confia la compilation des « livres des chroniques de saint Isidore et d’autres experts de l’histoire des rois d’Espagne ». Luc prolongea la « série » des rois hispaniques jusqu’à son présent, s’efforçant de « satisfaire fidèlement les désirs de la reine » non sans la détermination intime – son œuvre entière en témoigne – d’ajuster la tradition historiographique à ses propres convictions7. Celles-ci étaient d’abord pro-léonaises et anti-castillanes. Les exemples, qui abondent, d’une valorisation tendancieuse du royaume de León au détriment de la Castille dans le Chronicon sont désormais bien connus8. Le premier que nous rappellerons, magistralement étudié par Peter Linehan, est lié à une question de préséance ecclésiale.

    4Que Séville, cité dont le saint patron de la collégiale où officiait Luc avait été l’archevêque, pût devenir l’objectif à moyen termes des conquérants chrétiens intéressait vivement un Léonais qu’agaçait la dignité primatiale de Tolède. Ne pouvait-on rêver qu’une Église d’Espagne isidorienne, pourvue d’une primatie sévillane et couronnant au spirituel le séculaire projet léonais d’une restauration de l’Hispania wisigothique, supplantât l’ascendant tolédan ? Luc se porte perfidement en territoire ennemi et invente une source tolédane qu’il feint de recueillir9 : une continuation de l’Historia gothorum d’Isidore qu’aurait écrite Ildephonse, archevêque de Tolède et primat des Espagnes de 657 à 66710. Celle-ci montre qu’anciennement la primatie avait été rattachée à l’archevêché de Séville : Isidore – à l’instar de son frère aîné Léandre, lui-même archevêque de Séville entre 584 et 60111 – avait été primat de l’Église d’Espagne et légat pontifical de 601 à 63612. Le transfert de la primatie de Séville à Tolède était survenu sous le règne de Chindaswinthe (642-653) lorsque succéda à Isidore l’abominable – et parfaitement imaginaire – Théodiste, hérétique adoptionniste et finalement apostat13. Le roi, qui avait obtenu du pape un « privilège » – non moins imaginaire – autorisant les évêques espagnols à attribuer la primatie soit à Séville soit à Tolède14, bannit Théodiste en application d’une sentence synodale et concéda la primatie à l’archevêché tolédan15. Il y avait donc eu transfert mais le siège de la primatie d’Espagne, conformément au privilège pontifical obtenu par Chindaswinthe, continuait de dépendre des délibérations d’un synode et de la force exécutoire d’un décret royal. Un détail du règne de Wamba (672-680) confirme du reste aussitôt l’existence de ce péril latent. Lors du concile prétendument consacré à la division provinciale de l’Église d’Espagne16 – Luc tient cette fois son information de Pélage d’Oviedo, lui-même grand falsificateur17 –, le roi octroie la primatie à Tolède « tant que cela plaira à cette sainte assemblée »18 tout en rappelant l’antériorité primatiale de Séville19 – et, plus complaisamment attentif aux intérêts léonais, confirme en parallèle un privilège octroyé lors du concile réuni à Lugo (a. 569) par le roi suève Théodemir plus d’un siècle avant celui convoqué par Wamba (a. 675), « qu’on ne soumette jamais à archevêque ou à primat la ville sacerdotale et royale de León »20.

    5Lorsque dans les années 1243-1246, à l’avant-veille de la prise de Séville, Rodrigue, archevêque de Tolède, compose à la demande du roi Ferdinand III21 l’Historia de rebus Hispaniae22, sans doute le Chronicon mundi est-il parmi ses sources celle qu’il suit de plus près. Lui avait-elle été confiée par la patronne de l’œuvre, sa protectrice et son icône, la reine Bérengère ?23 Autorisée par celle-ci, la compilation de Luc offrait en outre à Rodrigue un commode et solide canevas. Pourtant, telle n’était pas la cause principale de l’intérêt du Tolédan. Au vrai, ce qui du Chronicon captait la ferveur historienne de Rodrigue et contraignait son oeuvre était que le texte de Luc appelait, à chaque pas, le démenti, qu’il constituait une offensive en règle contre la Castille, Tolède, son archevêché et sa primatie. La documentation de l’épiscopat rodriguien révèle, au titre des dignités et des droits attachés à l’archevêque de Tolède autant qu’à celui des possessions de l’archevêché, un prélat sourcilleux, conquérant et procédurier, porté par une agitation permanente24. Elle comporte notamment des Notule de primatu prouvant l’immémoriale ancienneté de la primatie tolédane, dont le premier état de rédaction, datant des années 1239-1240, pourrait bien constituer un instrument préparatoire à la réponse que Rodrigue apporte dans son De rebus aux thèses ecclésiologiques du Chronicon25. Dans l’oeuvre de l’archevêque tolédan, chaque attaque de Luc trouve sa parade. Les armes, disons-le franchement, ne brillent guère par leur sophistication et l’affrontement, dans ses formes, tient par moments du combat de cour d’école. Il n’est cependant pas sans intérêt de le suivre en ce qu’il porte à son comble un usage que l’historien médiéval pouvait faire de ses sources : celui de recueillir et de suivre minutieusement un texte pour la raison principale d’en contredire le propos26. Dans le De rebus Hispaniae, Isidore, comme son frère Léandre, sont seulement qualifiés d’episcopi, et on les voit sièger sagement à des conciles présidés en règle par les primati tolédans27 ; le privilège pontifical obtenu par le roi Chindaswinthe arrête que, conformément aux voeux des évêques espagnols – Rodrigue reprend ici terme à terme le propos de Luc : « secundum beneplacitum pontificum Hispanorum » –, la primatie ait son siège à Tolède « comme par le passé »28 ; la déposition de Théodiste perd l’importance que lui prêtait Luc : très laconiquement rapportée – Rodrigue a évacué de son récit le développement sur les erreurs du mauvais « évêque » (qu’il qualifie synthétiquement de perfidum) et rétabli entre celui-ci et Isidore, dont Luc le réputait le successeur, les épiscopats d’Honoré et d’Antoine29 –, elle donne lieu néanmoins – et du coup assez obscurément – à une « confirmation » par Chindaswinthe du rattachement ancien de la primatie d’Espagne à Tolède30. Quant à la division des provinces ecclésiastiques espagnoles sous le règne de Wamba – qui, souvenons-nous, s’accompagnait dans le Chronicon de l’attribution de la primatie à Tolède sur ordre du roi, du rappel de l’antériorité primatiale de Séville et de la confirmation de l’indépendance de l’évêché léonais – elle disparaît purement et simplement du récit. Surviennent en revanche deux décisions conciliaires – prises de fait respectivement aux douzième et septième conciles de Tolède, et nullement au onzième, où l’on situait la prétendue « division de Wamba »31 – allant dans le sens d’un renforcement des prérogatives des archevêques tolédans : la promulgation des décrets « Cum longe lateque », qui leur donnait un droit de regard sur la nomination des évêques de toute l’Espagne ainsi que de la Gallia, et « Ut conuicini episcopi », obligeant les « évêques voisins » à demeurer un mois par an à Tolède32. Pour plus de sûreté, et alors même qu’il relate déjà les origines du royaume d’Oviedo, Jimenez de Rada prend la peine de réfuter une dernière fois la thèse de « ceux » qui prétendent « que la primatie d’Espagne appartint d’abord à l’église sévillane et fut ensuite transférée à l’église tolédane ». Rodrigue ne pouvait rien contre l’existence du Chronicon mundi ni éviter la concurrence que celui-ci livrerait à son œuvre. Au moins maintenait-il dans le De rebus l’alternative d’une version contradictoire des faits, laissant à « la diligence du lecteur » le soin de trouver, en se fondant sur les « écrits authentiques », la « vérité de l’histoire »33.

    6Irrévocablement opposés, le Chronicon mundi et le De rebus Hispaniae furent pour la période gothique – que ces hommes, nous l’avons vu, prolongeaient jusqu’à eux – les deux principales sources des auteurs de l’Estoire d’Espagne34. Elles étaient inconciliables ; ils s’employèrent donc à effacer leurs discordances et à les amener communément à servir leur principal intérêt : asseoir sur les leçons du passé la toute-puissance à laquelle aspirait désormais la royauté castillane. Sous ce rapport, le traitement du thème primatial déploie un instructif échantillonnage des techniques qui caractérisent l’opération historiographique fort ingénieuse que masque trop souvent le mot « compilation »35. Entre Luc et Rodrigue, les historiens alphonsins ne voient pas l’utilité de trancher quant à la localisation de la primatie d’Espagne aux temps de Léandre et d’Isidore. Ils effacent par conséquent le titre primatial que Luc attribuait aux deux frères et s’en tiennent à les qualifier d’archevêques – non d’évêques, toutefois, comme le faisait Rodrigue. Mais d’un autre côté, ils éliminent aussi les rappels par quoi Rodrigue martelait, à chaque concile wisigothique, la dignité primatiale de l’archevêque de Tolède : aucune évocation conciliaire ne donne lieu ici à la mention de la primatie – même s’il est fait part quelquefois de l’identité du pontife. Effacement, ou pour le moins atténuation extrême de ce qui avait été jusque-là le principal enjeu du débat. L’effet majeur – le seul recherché – en est de laisser chaque fois le roi, surplombant l’assemblée des évêques, convoquer seul le concile et le présider seul36. Le même objectif peut, au contraire, conduire les historiens d’Alphonse le Sage à ajouter les unes aux autres des données qui, chez leurs prédecesseurs, relevaient de systèmes antagoniques. Nul inconvénient, ici, à conserver dans l’évocation du onzième concile de Tolède les deux mesures favorables à l’archevêché tolédan dont Rodrigue, évinçant la « division de Wamba » rapportée par Luc, prétendait mensongèrement qu’elles y avaient été prises37 ; mais la délimitation des provinces ecclésiastiques d’Espagne par Wamba, la décision du roi d’affecter la primatie à Tolède, le rappel de l’antériorité primatiale de Séville et de la « liberté » de l’évêché de León y reprennent place elles aussi38. Ne nous y trompons pas, toutefois : ce second ensemble de données, reprises de Luc, a moins pour objet de favoriser Séville aux dépends de Tolède, comme en jugeait Linehan39, que d’abonder à son tour dans le sens de l’idéologie monarchique portée par les historiens d’Alphonse X : Wamba décide seul, souverainement, sans que sa décision soit conditionnée, comme elle l’était dans le Chronicon, par les préférences de « la sainte assemblée » des évêques. Du reste, le dessaisissement des pontifes, décidé de leur propre chef, était déjà ancien. À la différence de Luc, pour qui le privilège pontifical obtenu par Chindaswinthe permettait que la primatie d’Espagne fût attribuée selon le bon plaisir des évêques espagnols – « secundum beneplacitum pontificum Yspanorum » –, le rôle de ceux-ci se cantonne dans l’Estoire à donner leur aval à la demande présentée au pape par le roi de pouvoir « décider à sa guise » de cette attribution40. Le même éclairage fait que le récit de la déposition de Théodiste par Chindaswinthe, repris de Luc dans tout son détail, admette une thèse de Rodrigue : celle selon laquelle l’attribution par ce roi de la primatie de l’Église d’Espagne à Tolède ne fut de fait qu’une restitution, l’archevêché tolédan ayant détenu « anciennement » cette dignité41. On le voit : ce qui importe au vrai dans le traitement que font les historiens alphonsins du thème primatial est non pas de prendre parti dans la dispute ecclésiologique des auteurs de leurs sources, mais de libérer la puissance royale du moindre conditionnement ecclésiastique, voire d’accréditer l’idée que l’intervention de la royauté dans la vie de l’Église, fort ancienne, irait de soi42 ; et en tout état de cause : de conforter une conception puissamment régalienne du pouvoir royal en Espagne à laquelle ils prêtent, à son tour, une origine wisigothique.

    7Quittons maintenant le terrain des disputes ecclésiales pour aborder celui de la société des laïcs. Dans ce domaine, les hommes dont nous venons de faire rapidement connaissance laissent mieux apparaître les forces sociales, culturelles et mentales qui les meuvent et, en un mot, leur idéologie.

    La Légende des Juges de Castille43

    8Lorsqu’elle parvient à Luc de Tuy – à travers le Livre des générations et des lignages des rois (olim Liber regum nuncupatus) dans sa version navarraise (ca. 1200) ou tolédane (ca. 1220)44 –, la Légende des Juges de Castille tient en quatre phrases :

    [Le roi Alphonse II le Chaste] ne laissa aucun fils, il ne resta aucun homme de son lignage pour maintenir la royauté et le pays resta longtemps ainsi. Puis les hommes s’accordèrent et élirent deux juges [pour chefs]. L’un eut nom Nuño Rasura, l’autre Laïn Calvo. Du lignage de Nuño Rasura vint l’Empereur de Castille et du lignage de Laïn Calvo vint Mon Cid le Campéador45.

    9Au vrai, et malgré sa brièveté, cette légende inventée à l’initiative des hommes qui, à partir de 1134, s’employèrent à restaurer le trône de Pampelune et à maintenir contre vents et marées son existence, bouleversait, par ses implications, l’histoire des royautés d’Espagne. Destinée à mettre sur un pied d’égalité les souverains castillans – réputés descendre de Nuño Rasura – et les nouveaux rois de Navarre – descendants effectifs du Cid (et de l’imaginaire Laïn Calvo) –, elle faisait remonter la légitimité des rois de Castille non plus aux Wisigoths, dont les coupait censément la mort sans postérité d’Alphonse II (791-842), mais à l’élection de deux juges inventés pour la circonstance46.

    10Luc ne pouvait accepter que l’on coupât ainsi les racines gothico-asturiennes de la légitime suprématie péninsulaire des rois de León. Alphonse II « le Chaste » était bien mort sans descendance, mais la royauté et le sang royal wisigothique avaient continué de se transmettre – les chroniques asturiennes du IXe siècle et leurs compilateurs successifs en faisaient foi – par Ramire Ier (842-850), fils de Vermude Ier (788-797), lui-même neveu d’Alphonse Ier (739-757), dont Luc prétend qu’Alphonse II l’avait désigné comme son successeur47. Ce fervent panégyriste du royaume léonais, nostalgique de la quasi-théocratie wisigothique et foncièrement hostile à la puissance nobiliaire48, comprit néanmoins tout le parti qu’il pouvait tirer d’un récit qui, pour peu qu’on le remaniât, dénoncerait l’esprit frondeur de la noblesse castillane – celle-là même qui, naguère encore, sous la minorité d’Alphonse VIII et même aux premiers temps du règne de Ferdinand III en Castille, avait agité les royaumes49– :

    Era DCCCCa.LXIa Froylanus frater regis Ordonii successit in regnum et duxit uxorem nomine Mumadomam, ex qua hos filios habuit : Adefonsum, Ordonium et Ranimirum. Habuit etiam filium nomine Aznarem de concubina. Rex Froylanus nichil memorabile iessit propter paucitatem dierum, nisi quod filios Olmudi nobilis sine culpa trucidare iussit et fratrem eorum Frominium Legionensem episcopum sine culpa in exilium misit. Iusto Dei iudicio festinus regno caruit, quia innocuos occidit et Christum Domini episcopum Fruminium contristavit. Non audiuit Dominum per Dauid dicentem : Nolite tangere Christos meos et in prophetis meis nolite malignari. Ob hoc abbreuiatum est regnum eius et percussus lepra uitam finiuit et sepultus est in Legione iuxta fratrem suum regem Ordonium. Regnauit anno uno, mensibus duobus. Prefatus autem episcopus episcopatum suum tunc recuperauit.
    Rege Froylano uiuente nobiles de Castella contra ipsum tyrannidem sumpserunt, eum regem habere nolentes. Elegerunt autem sibi duos iudices nobiles milites, id est Nunnum Rasoiram de Cathalonia et Lainium Caluum Burgensem, qui noluit suscipere iudicatum. Nunnus uero Rasoyra, ut erat uir sapiens, petiuit ab omnibus comitibus Castelle, ut darent sibi filios suos nutriendos. Habebat ipse filium nomine Gundissaluum, quem cum aliis nobilium filiis educauit.
    Sapienter se gessit Nunnus Rasoyra in iudicatu suo et totam Castellam usque flumen de Pisorga iudicauit dum uixit. Tunc enim angustatum est regnum Legionense et in predicto flumine metam fecit. Hunc simplicem militem Castellani nobiles super se iudicem erexerunt, ne si de nobilioribus suis iudicem facerent, pro rege uellet in eis dominari. Post mortem autem Nunni Rasoyr[e] nobiles ab eo nutriti filium eius Gundissaluum Nunni sibi iudicem fecerunt et etiam comitem uocauerunt, dantes ei pro uxore Xemenam, nobilissimam filiam Nunii Fernandi, ex qua filium habuit nomine Fernandum. Predictus autem Gundissaluus Nunni fuit sententia iustus et armis strenuus et multa bella intulit regno Legionensium et Sarracenis. Sedetiam ad regum Legionensium gesta ueniamus.
    Era DCCCC
    a. LXa. IIIa. mortuo rege Froylano Adefonsus filius regis Ordonii adeptus est regnum paternum [...]50. 

    11Luc rétablit en premier lieu le continuum des successions royales léonaises. Soucieux, au moins autant que de rendre explicable le soulèvement castillan, de ne pas desservir indûment la mémoire de quelque roi de León, il choisit de situer l’événement sous un règne que l’Historia legionensis, après la Chronique de Sampire, présentait déjà sous le pire des jours51 : celui, écourté par la Providence, de Fruela II (924-925), roi sans fait mémorable, cruel et de surcroît sacrilège, mort lépreux. Luc prive aussi l’événement de la transcendance historique que lui prêtait le Livre des générations et des lignages des rois en pétendant – cette donnée ne figurait pas dans ses sources léonaises – que les Castillans étaient revenus dans le giron de la couronne moins de dix ans après leur rébellion, reconnaissants envers un Ramire II qui, magnanime, avait arrêté à Osma la grande armée de Sarrasins qui marchait sur eux52. Le rétablissement de la continuité royale léonaise avait néanmoins pour conséquence de faire de l’élection des juges qui, dans le Livre, répondait à l’extinction biologique de la dynastie royale asturienne, un acte « tyrannique », perpétré par les Castillans contre la légitimité du souverain léonais – l’augutinisme politique préconisait l’obligation de se soumettre à l’autorité séculière, fût-elle mauvaise. Or, la responsabilité de cet acte revenait à un groupe social dont Luc fait jouer entre elles les composantes et dénonce un trait de mentalité : une noblesse castillane (« nobiles de Castella ») qui, aussi rétive à supporter la tutelle royale qu’encline à l’usurper, était allée chercher les juges dans les rangs inférieurs de sa strate chevaleresque (« nobiles milites », « simplicem militem ») par crainte qu’un de ses plus hauts représentants (« de nobilioribus suis ») ne prétende la dominer en guise de roi (« ne […] pro rege uellet in eis dominari »). La conscience qu’a Nuño Rasura, « uir sapiens », de cette inclination est du reste ce qui le porte à former à sa cour les rejetons des comtes de Castille (« omnibus comitibus Castelle filios »), favorisant ainsi l’élection de son fils à la judicature puis son investiture comtale. À ce titre, la parité dont le Livre des générations et des lignages des rois, exploitant généalogies et pseudonymes, suggérait que les Juges de Castille l’avaient transmise à Alphonse VII, couronné Emperador d’Espagne à León, et au Cid Campeador, emblème depuis environ 1200 de la noblesse castillane53, avait dû suprêmement agacer Luc de Tuy. Il évince de la judicature Laïn Calvo, ancêtre du second, en invoquant un désistement qu’il ne prend pas la peine d’expliquer. C’était sans doute réduire encore la portée que le Livre prêtait à l’élection castillane en occultant l’ascendance héroïque des Restaurateurs navarrais installés sur des territoires dont s’était emparé autrefois Alphonse VI de León54, mais c’était surtout, en association avec les effets de la sage politique de Nuño Rasura, avancer une thèse plus fondamentale : l’évolution naturelle du pouvoir séculier – que nous mettrons à son tour au compte du providentialisme de Luc – vers une monarchie héréditaire libérée de l’emprise de la noblesse, la dyarchie judiciaire se muant aussitôt en une judicature unique et l’élection amenant le fils à succéder de fait à son père.

    12Rodrigue Jimenez de Rada n’était pas seulement le plus puissant prélat d’Espagne. Issu, par son père navarrais et sa mère castillane, de deux très hauts lignages, il avait conservé, bien que studieux et érudit, quelque chose des goûts et de l’esprit de ses nobles ancêtres. Veillant en grand seigneur aux intérêts territoriaux de son archidiocèse, suscitant alentour des inféodations vassaliques, guerroyant à la tête de troupes levées au gré des circonstances ou combattant aux côtés de son roi, il était porteur d’une idéologie politique que devaient assez largement partager les élites nobiliaires de son temps55. Sans s’apparenter étroitement au modèle de la monarchie féodale française, le pouvoir du roi relevant d’abord d’une « seigneurie naturelle » (dominium naturalis), les conceptions de Rodrigue faisaient reposer en pratique celui-ci sur un pacte de réciprocité liant le monarque à ses nobles vassaux, la « largesse » du premier confortant la « fidélité » des seconds. Rodrigue était enfin un fervent défenseur de la Castille et de sa royauté, dont il aime à souligner, au détriment de la tutelle léonaise originelle, les liens génétiques qui les liaient à Pampelune. Il voyait s’y incarner exemplairement son idéal politique56 et fut, au plan des valeurs et dans le domaine de l’imaginaire historique, leur inventeur57. Voyons comment cet homme, que tout opposait à Luc de Tuy, aborda et refondit le récit que celui-ci avait ourdi :

    Post mortem Ordonii Froila frater eius successit in regno era DCCCCXXXII et regnauit anno uno, mensibus duobus, et duxit uxorem nomine Monninam Dompnam, ex qua suscepit tres filios : Adefonsum et Ordonium, et Ranimirum, et quartum de concubina nomine Acenare. Hic nichil egit memoria dignum, nisi quod filios Olmundi nobilis sine culpa aliqua fecit occidi, et Fronimium fratrem eorum Legionsensem episcopum exilio condempnavit ; et quia uiri impii non dimidiant dies suos, percussus lepra, unius anni et duorum mensium expleto circulo, uitam finiuit et iuxta fratrem suum Ordonium Legione ingloriosus sepelitur ; et episcopus Fronimius statim fuit sedi proprie restitutus. Eisdem diebus nobiles Bardulie, que nunc Castella dicitur, atendentes nobiles suos Nunium Fernandi, Almondar Album, filium eius Didacum uocatos ad colloquium ex factione a rege Ordonio interfectos, tirannidem etiam Froilam et multa alia que eis euntibus ad iudicium a regibus et magnatibus Legione iniuriose fiebant, uidentes etiam quod termini gentis sue ex omnibus partibus artabantur et pro iudicio contemptus et contumelias reportabant, sibi et posteris prouiderunt et duos milites non de potentioribus set de prudentioribus elegerunt, quos et iudices statuerunt ut dissensiones patrie et querelancium cause eorum iudicio sopirentur. Vnus fuit Nunius Nunii, dictus Rasoria, filius Nunii Bellidez ; alter dicebatur Flauinus Caluus ; iste tamen aut nil, aut parum de iudiciis cogitabat, set armis et milicie insistebat ; erat enim facile iracundus nec causarum uaria pacifice sustinebat, quod non competit iudicanti. Ex eius genere processerunt multi et magni nobiles de Castella. Flauinus Caluus habuit duos filios, Fernandum Flauini et Veremundum Flauini ; Fernandus genuit Flauinum Fernandi ; Flauinus genuit Nunium Flauini ; Nunius duxit uxorem nomine Egilonem, ex qua suscepit filium Flauinum Nunii ; Flauinus Nunii genuit Didacum Flauini ; Didacus Flauini duxit uxorem filiam Roderici Aluari de Asturiis, uiri nobilis et magnatis, et ex ea genuit Rodericum Didaci, qui dictus fuit Campiator. Alter filius Flauini Calui dictus fuit Veremundus Flauini ; Veremundus genuit Rodericum Veremundi ; Rodericus genuit Fernandum Roderici ; Fernandus genuit Petrum Fernandi, non illum qui dictus fuit Castellanus.

    Nunius autem Nunii, cognomento Rasoria, fuit uir paciens et modestus, sollers et prudens, industrius, circunspectus, et sic ab omnibus amabatur, ut uix esset cui eius iudicia displicerent aut eius sentencias causaretur, quas tamen rarissime proferebat, quia compositione amicabili fere omnia terminabat ; et sic carus ab omnibus habebatur, ut locus aliquis detractioni uel inuidie non peteret. Hic habuit filium nomine Gundisaluum Nunii, qui cum esset adolescens, bona indole coetaneis preminebat et futurorum indiciis omnibus complacebat. Nunius uero pater eius fere ab omnibus Castelle militibus domicellos filios peciit nutriendos, quos curialitate, affabilitate et bonis moribus sic instruxit, ut patres adolescencium de profectu filiorum profiterentur se tali nutricio obligatos ; et ipsi adolescentes sic erant Gundisaluo Nunii dilectione coniuncti, ut eum quasi dominum sociarent nec possent ab eius consorcio uel ad modicum separari. Cumque creuisset factus miles, miliciam strenuus exercebat et pacis dulcedinem in patriam nutriebat, ita quod patre suo mortuo patri fuit fauore omnium substitutus et etiam principatum milicie, conniventibus iis qui secum nutriti fuerant, addiderunt ; et duxit uxorem noblissimam, Semenam nomine, filiam Nunii Fredinandi, ex qua suscepit filium nomine Fredinandum. Hic fuit omnibus patre carior, in sermone uerax, in iudicio iustus, in milicia gloriosus ; multa enim strenue contra Arabes peragendo fines patrie ampliauit. Hic habuit filium qui dictus est Fredinandus Gunsalui. Hunc Deus supra patrem et auum tot graciis exaltauit, ut ipso non attedente, tam a magnatibus et militibus quam ab universis populis Castellanis in comitem crearetur et omnes se sue subicerent dicioni. Qui factus comes totam Castellam sic pacifico dominio confouebat, ut omnes Deo gracias agerent, qui per talem comitem a populo suo releuauerat sarcinam seruitutis. Hic contra Arabes plurima bella gessit ; Oxomam et Sanctum Stephanum et alia plurima loca christiane restituit dicioni. Ex quo iste suscepit sue patrie comitatum, cessauerunt reges Asturiarum insolescere in Castellam et a flumine Pisorica nichil amplius uendicarunt ; strenuitate enim sua eorum insultibus resistebat, nec propter eos a bellis Arabum desistebat. Monasterium Sancti Petri in ripa Aslancie fluminis hedificauit, et multis possessionibus illud dotavit ; et morte propria defunctus in eodem monasterio est sepultus. Cui successit filius eius Garsias Ferdinandi [la généalogie se poursuit jusqu’au comte Sanche et au mariage de sa fille Elvire avec Sanche III le Grand « roi d’Aragon et de Navarre », prélude à l’accession de leur fils Ferdinand, d’abord au comté de Castille puis, après son mariage avec Sancie, soeur du malheureux Vermude III de León, à la royauté léonaise]58.

    13Tous les paramètres du récit de Luc se trouvent contrecarrés par celui, anti-léonais et pro-castillan, de Rodrigue. Il n’est pas jusqu’aux sources qui n’en rendent témoignage. La compilation du Tolédan, qui se donne délibérément pour plus riche que celle du Léonais, ajoute en effet à la tradition historiographique autochtone retenue par celui-ci des données venues de sources navarraises ou navarro-castillanes : la Chronica naiarensis (d’où Rodrigue tient l’identité du père de Nuño Rasura59 et peut-être aussi la libération de la Castille du joug léonais par Ferrand Gonzalez60), le Livre des générations et des lignages rois (dont il traduit la généalogie du Cid61), peut-être l’Historia Roderici (qui pourrait lui avoir suggéré l’idée d’un principatum militiae que cette œuvre assignait toutefois à Rodrigue Diaz)62. Mais pour aller à l’essentiel : tous les torts sont ici léonais. C’est d’abord le roi Fruela II qui, affecté des tares admises par Luc de Tuy, voit se retourner malicieusement contre lui la condamnation pour « tyrannie » (« tirannidem etiam Froilam ») que souffrait dans le Chronicon la noblesse castillane. Au passage, Rodrigue renacle à reproduire, tel un clerc ignorant, la citation biblique de Luc (Chroniques 16.22) et adapte un vers du Psaume 25 (« Vir sanguinum et dolosi non dimidiabunt dies suos ») qu’il juge sans doute plus approprié au contexte. Mais derrière Fruela, c’est non seulement son frère Ordoño, lui-même torve assassin, mais une suite indéfinie de monarques léonais (« multa alia que eis euntibus ad iudicium a regibus et magnatibus Legione iniuriose fiebant ») dont il censure les injustices. Dès lors, l’élection des Juges par des Castillans désireux de retrouver justice et paix intérieure (« ut dissensiones patrie et querelancium cause eorum iudicio sopirentur ») afin de mieux défendre leurs frontières contre les pressions ennemies (« uidentes etiam quod termini gentis sue ex omnibus partibus artabantur ») est pleinement justifiée. Au reste : nulle mention, ici, d’une rupture avec la royauté léonaise – « eum regem habere nolentes », écrivait Luc – ; Rodrigue interprète l’élection des Juges comme un simple réaménagement de la justice en Castille. À la différence du Chronicon et dans la veine du Livre des générations et des lignages des rois, l’initiative des Castillans, loin de constituer une atteinte au pouvoir légitime, répond dans le De rebus à la nécessité de rétablir l’ordre et au souci de servir l’intérêt général.

    14Point par point, le récit de Rodrigue s’ajuste ensuite à celui de Luc pour en parer tous les coups. Les nobles de Castille choisissent en effet pour Juges « deux chevaliers non des plus puissants » (« duos milites non de potentioribus ») ; mais il est tout à leur mérite de confier la magistrature suprême aux « plus prudents » (« sed de prudentioribus ») sans tenir compte de leur rang. « Milites » n’a du reste pas tout à fait le même sens ici que dans le Chronicon, l’acception hiérarchique s’y trouvant atténuée par l’acception fonctionnelle : si Rodrigue distingue à l’occasion les « milites » des « nobiles », des « magni nobiles » ou des « magnates », il arrive aussi que le mot désigne globalement, comme c’est le cas dans l’évocation des jeunes gens élevés à sa cour par Nuño Rasura, l’ensemble des composantes de la noblesse (« ab omnibus Castelle militibus domicellos filios peciit nutriendos ») et s’il est dit que les Juges ne comptent pas parmi les « milites de potentioribus », c’est que ceux-ci existent et que le mot, dans son acception fonctionnelle, peut s’appliquer à eux. Cette signification est d’ailleurs alimentée par l’emploi répété de « miles » ou « milicia » pour référer à la fonction militaire fondamentale de la noblesse, au commandement qu’elle suppose et à son rite fondateur : « armis et milicie insistebat », « miliciam strenuus exercebat », « in milicia gloriosus », « principatum milicie », « factus miles ». Cette conception de la noblesse castillane comme un collectif doté d’une forte unité interne déborde sur celle de son rapport à un pouvoir séculier suprême (judiciaire, comtal et bientôt royal) qui est de fait son émanation. À une royauté léonaise qui décime ses nobles, s’oppose ainsi l’ « amour » (« ab omnibus amabatur », « sic erant Gundisaluo Nunii dilectione coniuncti », « Hic fuit omnibus patre carior ») liant indéfectiblement (« nec possent ab eius consorcio uel ad modicum separari ») la noblesse castillane à son seigneur. C’est aussi qu’elle lui est redevable de pratiques qui ont sa faveur. À la dfférence des rois de León qui vexaient des sujets convoqués devant leur cour de justice, Nuño Rasura préfère l’ « amiable composition » (« compositio amicabilis ») aux « sentences » (« sentencias ») et l’éducation qu’il prodigue à sa cour aux fils de la noblesse n’a plus pour mobile, comme dans le Chronicon, la défiance qu’il éprouve à l’égard de leurs parents, mais le souci bienveillant de leur inculquer « curialitas » et bonnes mœurs, par quoi il se gagne la reconnaissance et même le sentiment d’ « obligation » de ces mêmes parents. Les fractures, les antagonismes et la turbulence qui caractérisaient dans le Chronicon la noblesse castillane et son rapport au pouvoir souverain sont effacées dans le De rebus au profit d’une vision pacifiée et consensuelle de la société politique castillane qui culmine avec l’élévation de Ferrand Gozalez à la charge comtale par les « magnats », les « chevaliers » et même l’ensemble des composantes du « peuple » castillan (« tam a magnatibus et militibus quam ab universis populis Castellanis in comitem crearetur »).

    15Rodrigue ajuste en outre son récit à une autre donnée du Chronicon : le désistement de Laín Calvo et l’immédiate mutation monarchique de la dyarchie originaire. Rodrigue n’était certes pas moins favorable que Luc ni que quiconque à l’unicité de la seigneurie. Dans son récit toutefois, le désistement du second juge ne reste pas, comme dans celui de Luc, inexpliqué. Il tient au tempérament irascible et querelleur de Laín Calvo, à son goût exclusif pour les armes et la « milice » qui font en fait de lui le représentant emblématique de la fonction militaire. Rodrigue substitue ainsi au providentialisme implicite de Luc une interprétation socio-politique des origines de la monarchie et, de façon tacite, des fondements du pouvoir royal. Dans un premier temps, l’on voit Laín Calvo principalement occupé à guerroyer (« iste tamen aut nil, aut parum de iudiciis cogitabat, set armis et milicie insistebat ») tandis que de Nuño Rasura n’est évoquée que la pratique judiciaire (« uix esset cui eius iudicia displicerent aut eius sentencias causaretur, quas tamen rarissime proferebat, quia compositione amicabili fere omnia terminabat »). Dans un deuxième temps, Gonzale Nuñez, fils de Nuño Rasura, qui est fait chevalier avant de succéder à son père et a le goût de la milice (« factus miles, miliciam strenuus exercebat ») se voit décerner, avec la judicature, le commandement de la chevalerie : « patre suo mortuo patri fuit fauore omnium substitutus et etiam principatum milicie, conniventibus iis qui secum nutriti fuerant, addiderunt ». Cette association de la fonction judiciaire et de la fonction militaire (« Hic fuit […] in iudicio iustus, in milicia gloriosus ») prépare l’accession de Ferrand Gonzalez à la pleine seigneurie comtale en Castille : « Castellanis in comitem crearetur et omnes se sue subicerent dicioni ». Dans cette logique de mythe, la noblesse apparaît comme la détentrice originaire d’une fonction et d’une puissance militaires dont elle cède le principatum à Gonzale Nuñez sans cesser pour autant d’en être la dépositaire en essence. Tel est sans doute le sens du rétablissement par Rodrigue de la descendance de Laín Calvo qu’il trouvait dans le Livre des générations et qu’avait évincée Luc de Tuy, car, si dans la construction du Tolédan la chaîne généalogique mène bien au Campéador – puis aux Restaurateurs navarrais… –, l’émanation génétique de Laín Calvo compte plus largement « de nombreux et grands nobles de Castille » : « Ex eius genere processerunt multi et magni nobiles de Castella ». La Légende des Juges de Castille devient ainsi la cellule mythologique de l’harmonieux équilibre entre la puissance royale – les vertus de Nuño Rasura et de ses premiers successeurs étant de fait celles que prête par ailleurs le Rodrigue aux bons monarques et notamment à Alphonse VIII63 et sa fille la reine Bérengère, dont il fut le proche conseiller64 – et la puissance nobiliaire, qui dans le De rebus fait l’identité du rapport politique castillan.

    16Il est enfin un dernier point sur lequel Rodrigue, suivant toujours pas à pas les périlleux méandres du Chronicon, en corrige le récit : la bataille d’Osma65. Contrairement à ce qu’en disaient Luc et ses sources léonaises, Ramire II n’est pas ici le seul artisan de la victoire chrétienne. Le comte de Castille se tient constamment à ses côtés, unissant son armée à la sienne et partageant le succès final. Nulle mention de l’oubli magnanime d’une rébellion castillane de la part du roi de León ni d’un retour des Castillans reconnaissants sous sa tutelle, puisque, selon le Tolédan, ils ne se sont jamais soustraits à celle-ci. Rodrigue s’en tient à suivre jusqu’à son accession à la royauté le destin d’un lignage dont, conformément à la Naiarensis – c’est-à-dire à une historiographie d’inspiration navarro-castillane –, il situe sous Ferrand Gonzalez l’exercice en Castille d’un commandement territorial66 délié de la seigneurie des « rois des Asturies » : « Ex quo iste suscepit sue patrie comitatum, cessauerunt reges Asturiarum insolescere in Castellam et a flumine Pisorica nichil amplius uendicarunt »67.

    17Le manuscrit E1 et les premiers folios du manuscrit E2 de la Bibliothèque Royale de l’Escurial, provenant d’un somptueux codex de la cour royale, recueillent la version de l’Estoire d’Espagne ayant reçu l’aval d’Alphonse X. On peut donc tenir cette version dite « primitive » pour exprimer fidèlement la pensée du roi et de son entourage dans les années 1270. Malheureusement, l’écrit original n’a été conservé que jusqu’au récit de la dix-septième année de règne d’Alphonse II des Asturies (791-842) ; au-delà, seul un ensemble de manuscrits partiels et non royaux, du XIVe et surtout du XVe siècle, atteste que cette première version de l’oeuvre menait la narration jusqu’à la fin du règne de Vermude III de León (1028-1037). La constance textuelle de cette partie de la « version primitive » de l’Estoire dans la tradition manuscrite, les témoignages coïncidants qu’en rendent d’autres versions dérivant séparément de celle-ci, dont une, dite « critique », écrite sous le règne d’Alphonse X, portent néanmoins à tenir ces copies « non officielles » pour un vestige fiable du premier texte produit par les historiens du roi68. Conçue quant à elle dans le chaos politique des années 1282-1284, quand Alphonse X, confronté au soulèvement général « des royaumes » et déposé de fait par son fils héritier, vivait reclus dans Séville, la seule ville qui lui fût restée fidèle69, la « version critique » de l’Estoire d’Espagne, fruit d’un entourage fervent et « radicalisé », amende ponctuellement sa « version primitive » dans le sens d’une plus grande rigueur monarchique70. Toutes les deux n’en expriment pas moins une même idéologie fondamentale et, en ce qui concerne la Légende des Juges, ne se distinguent l’une de l’autre que par de légères nuances, c’est pourquoi je ne traduirai que la « version primitive »71, me contentant de noter entre crochets et en caractères italiques les écarts les plus importants ou les plus significatifs à mon sens de la « version critique »72 :

    Après que mourut le roi Ordoño, son frère Fruela le Deuxième régna à sa suite un an et deux mois, et la première année de son règne fut en l’ère 932, année 894 de l’Incarnation, neuvième de l’empire d’Arnulf, quatrième du pontificat d’Étienne, neuvième du règne d’Eudes, roi de France, sixième de celui d’Abd al-Rahman, roi de Cordoue, année 205 des Arabes. Ce roi Fruela était marié à une dame nommée Mumadueña, et il eut d’elle trois fils, à savoir : Alphonse, Ordoño et Ramire. Il eut en outre un fils naturel appelé Aznar. Ce roi Fruela fut mauvais, et à peine régna-t-il qu’il tua sans qu’ils eussent commis de faute deux fils d’un homme honorable (omne onrrado) appelé Olmundo et bannit un autre de leurs frères nommé Frumino qui était évêque de León. Cette année-là, les hauts- hommes (altos omnes) de Bardulie, qu’on dit aujourd’hui Castille, se soulevèrent contre lui car ils ne le voulaient pas pour roi [se soulevèrent contre lui et ne voulurent pas le recevoir pour leur seigneur]. Et voyant que le roi Ordoño son frère avait quant à lui capturé leurs comtes (cuendes) et leurs chefs (cabdiellos) et les avait tués si vilement [et comme il n’aurait pas dû le faire] en les ayant appelés à parler avec lui, comme nous l’avons dit, et qu’ils souffraient bien des torts quand ils allaient en justice à la cour de León et se voyaient en outre pressés alentour par leurs voisins, dont ils subissaient maux et insolences, ils tinrent conseil et firent deux juges choisis non parmi les plus puissants (non de los más poderosos), comme le dit l’archevêque Rodrigue, mais parmi ceux ayant le plus de sens et d’entendement afin de juger le pays, d’apaiser conflits et désaccords et de soumettre à leur jugement les actions en justice, craignant qu’à les choisir parmi les plus hauts[-hommes]73 (de los mas altos [omnes]) ils ne voulussent les dominer tel un roi [ce dernier propos est porté dans la version critique à la suite de la mention du recul de la frontière léonaise jusqu’au Pisuerga]. Mais Luc de Tuy dit [certains disent] qu’ils étaient très nobles (muy fijos dalgo) et de haut lignage (de alto linage). L’un se nommait Nuño Rasura, fils de Nuño Bellidez, et Luc de Tuy dit qu’il était naturel de Catalogne ; l’autre était appelé Laïn Calvo, naturel de Burgos selon Luc de Tuy [et (certains disent) que l’un d’eux était de Catalogne et l’autre de Burgos], lequel ne voulait pas être juge [Laïn Calvo ne voulait pas être juge, mais on l’en pressa tellement qu’il fut contraint de l’être]. Et après qu’il le fut, il ne s’employait pas à juger, mais se consacrait aux armes et à la chevalerie, car il s’irritait promptement et n’avait pas la patience d’écouter les raisons de ceux qui venaient à lui pour être jugés, ce qui ne convient pas à qui juge. De son lignage sont issus maints hommes honorables (omnes onrrados) [maint hommes bons et honorables (omes buenos e onrrados)] de Castille. Il eut deux fils : l’un appelé Ferrand Laïn, l’autre Vermude Laïn. Ferrand Laïn eut un fils appelé Laïn Fernandez. Celui-ci eut un fils appelé Nuño Laïn, qui épousa une dame appelée Elo dont il eut un fils appelé Laïn Nuñez. Laïn Nuñez engendra un fils appelé Diègue Laïn. Diègue Laïn épousa une fille de Rodrigue Alvarez des Asturies, qui était homme honorable et puissant (omne onrrado e poderoso) [homme très honorable et très puissant (omne mucho onrrado e muy poderoso)], et eut d’elle Ruy Diaz, dit le Cid Campéador, dont nous parlerons plus avant dans cette Estoire. L’autre fils de Laïn Calvo, appelé Vermude Laïn, fut père de Ruy Vermudez. Ruy Vermudez fut père de Ferrand Rodriguez. Ferrand Rodriguez fut père de Pierre Fernandez, non toutefois de celui qu’on appela le Castillan, et d’Elo, qui fut mariée à Nuño Laïnez.
    L’autre juge, nommé Nuño Rasura, fut homme patient, calme, sage et entendu. C’est à peine s’il amenait les différends en justice, s’efforçant de concilier les hommes par amitié et par amour, raison pour laquelle il était aimé de tous. Nuño Rasura prenait les fils des chevaliers (caualleros) et des bons-hommes (omnes buenos) de Castille et les élevait [en son palais]. Il leur montrait les bonnes mœurs et les bonnes manières [et les traitait si bien que les parents, etc.], de sorte que les parents de ces enfants se tenaient pour très obligés envers lui. Celui-ci eut un fils appelé Gonzale Nuñez qui, alors qu’il était enfant, était tellement aimé des autres jeunes gens élevés par son père qu’ils le respectaient tel leur seigneur et ne se séparaient jamais de lui. Nuño Rasura fut homme qui sut faire preuve de sens et de sagesse dans ses jugements et dans les autres choses qu’il avait à faire, s’acquittant bien de sa tâche. Il fut chargé de juger toute la Castille jusqu’au Pisuerga, selon Luc de Tuy, et le royaume de León s’en trouva amoindri, borné par cette rivière. Lorsque Gonzale Nuñez, fils de Nuño Rasura, fut un grand jeune homme, il se révéla très vaillant chevalier (cauallero), réalisant de nombreux faits d’armes et tenant le pays en paix sous le commandement de son père. Pour cette raison, lorsque son père mourut, il fut placé en son lieu avec l’aide de ceux qui avaient été élevés avec lui, fait seigneur de la Castille et appelé comte. On le maria avec Chimène, fille de Nuño Fernandez, et il eut d’elle un fils appelé Ferrand Gonzalez qui par la suite fut comte [de Castille] comme nous le dirons plus avant dans cette Estoire. Gonzale Nuñez fut homme très droiturier dans ses jugements [homme très juste et très droiturier] et très vaillant dans les armes, causant bien des vexations au royaume de León. Mais cessons à présent de parler de cela pour revenir au roi Fruela. [Suivent la fin du règne de Fruela, puis l’abandon de la royauté par Alphonse IV le Moine au profit de Ramire II et sa entative de récupérer le trône].
    […] Au terme de cette première année [Dans la quinzième année (…)] de règne du roi Ramire, tandis qu’il assiégeait dans León son frère Alphonse le Moine [néant], les riches-hommes (ricos omnes) et les autres chevaliers (caualleros) [les hauts hommes (altos omnes), les chevaliers (caualleros) et les citoyens (çibdadanos)] de Castille prirent le conseil d’ériger [s’assemblèrent et érigèrent] en comte Ferrand Gonzalez, fils de Gonzale Nuñez, car il était alors grand chevalier (grand cauallero) déjà, et de le prendre pour seigneur car tous [les chevaliers et toutes les autres gens] l’aimaient beaucoup et se prisaient de lui. Et ils ne le faisaient pas sans raison, car il était véridique dans sa parole, droiturier en justice, bon chevalier (cauallero) [dans les armes]. […] Et les Castillans firent cela pour lui, d’une part parce qu’il était bon et très vaillant, et d’autre part pour que l’honneur du seigneur qu’ils auraient dorénavant fût plus grand, car bien que la Castille fût un petit pays, il s’y trouva toujours des bons-hommes entendus et très loyaux (omnes buenos et entendudos et muy leales) qui s’efforcèrent de porter leur seigneur au plus grand honneur qu’ils purent et au plus grand état. Et le roi Ramire le fit comte. Et dès qu’il fut seigneur de la Castille, il tint le pays en si grande paix et le défendit si bien que tous rendaient grâces à Dieu et Le louaient pour leur avoir donné un tel seigneur. Ce comte Ferrand Gonzalez prit ensuite aux Maures Osma, San Esteban et d’autres nombreux lieux qu’il rendit au pouvoir des chrétiens. [C’est lui qui peupla Sepúlveda]. Et après qu’il fut comte, les rois de León cessèrent de causer à la Castille les torts et les vexations dont ils étaient coutumiers, car il les contint par sa hardiesse et sa vaillance de telle sorte qu’en-deçà du Pisuerga ils ne purent ni n’osèrent nullement l’inquiéter. Mais lui ne cessa pas pour autant de guerroyer les Maures.

    18Les récits de Luc de Tuy et de Rodrigue de Tolède qui, en soi, relevaient d’interprétations antagoniques de l’histoire et de conceptions contrastées de la société politique castillane s’harmonisent étonnament dans l’addition qu’en font les compilateurs alphonsins. Les grandes coordonnées historiques de l’épisode restent celles du Chronicon. Il y a bien soulèvement et rejet de la royauté de la part de la noblesse castillane. Il y a bien aussi – au-delà des passages cités – retour des dissidents sous la seigneurie royale de Ramire II à la suite de la bataille d’Osma : « Et Luc de Tuy dit que les Castillans revinrent alors sous la seigneurie du roi car ils comprirent que c’était le droit »74. La rébellion est donc posée, mais elle est sans conséquence décisive : le cadre est tout entier celui tracé par Luc. Le recours au De rebus vient cependant tempérer la gravité de l’événement fondateur : l’acte des nobles castillans est justifié par les exactions de la royauté léonaise et la judicature n’est instituée qu’à des fins de justice et de sauvegarde. Au fond, rien ne s’opposait dans les récits-sources à ce que cet aménagement juridictionnel, que Rodrigue évoquait sans l’associer à une rupture avec le roi de León, trouvât tout de même sa place dans le système de Luc : les deux récits étaient compatibles et d’une certaine façon s’interprétaient l’un l’autre. Un point toutefois les opposait : la « tyrannie » que Luc dénonçait dans l’action de la noblesse castillane et que Rodrigue imputait au comportement du roi Fruela. Le mot disparaît du propos conciliant des historiographes alphonsins. Le même équilibre, penchant néanmoins dans un sens régalien, est perceptible dans la caractérisation politique des nobles de Castille. Le choix de la sagesse contre la puissance (« deux juges choisis non parmi les plus puissants mais parmi ceux ayant le plus de sens et d’entendement ») traduit certes, comme dans le De rebus, un souci de l’intérêt public ; il marque néanmoins aussi, comme dans le Chronicon, une défiance à l’endroit des tentations tyranniques des grands : « craignant qu’à les choisir parmi les plus hauts[-hommes] ils ne voulussent les dominer tel un roi ». Ici encore, Chronicon et De rebus étaient parfaitement conciliables au sein d’une synthèse accordée aux conceptions d’Alphonse X : l’instauration en Castille d’une judicature guidée par la sagesse réduit l’indocilité et l’avidité de pouvoir des grands, amenant l’épanouissement d’un rapport politique « amoureux » entre la noblesse et sa tutelle.

    19Pour amener les sources à leurs fins, les compilateurs alphonsins s’appuient plus particulièrement sur un dispositif qui mérite toute notre attention : la désignation lexico-sémantique du groupe nobiliaire. A cette fin, Luc n’employait que deux lexies (milites, nobiles), Rodrigue trois (magnates, milites, nobiles). Tous deux jouaient néanmoins de leur aptitude à dénoter un rang (nobiles/simplex miles), une condition naturelle (nobiles milites) ou un statut fonctionnel (omnes Castellae militum domicelli filii, milites non de potentioribus), apportant à l’occasion quelque nuance comparative (nobiliores, potentiores). Les auteurs de l’Estoire, exploitant quant à eux la richesse du vocabulaire sociologique roman – cinq lexies : alto omne, cauallero, omne bueno, omne onrrado, rico omne75 – et l’agrémentant de nombreuses nuances notionnelles ou évaluatives (de alto linage, los más altos, los más poderosos, mucho onrrado, muy fijo dalgo, muy poderoso), diversifient considérablement la désignation et la caractérisation de la noblesse castillane. Au vrai, cependant, cet enrichissement dénotatif concerne surtout la haute noblesse, et il semble tout entier inspiré – les rédacteurs exploitant les potentialités sémantiques des composants adjectifs de ces lexies complexes – par le dessein d’évaluer le comportement des grands.

    20Ainsi, les tenants d’agissements condamnables à l’égard de la royauté, effectifs ou potentiels (rejet ou usurpation du pouvoir royal), sont qualifiés d’altos omnes (hauts-hommes) et font donc l’objet d’une caractérisation exclusivement hiérarchique qui marque leur appartenance à la strate supérieure de la noblesse. En revanche, ceux contribuant à l’émergence (avec Gonzale Nuñez) ou à l’ennoblissement (avec Ferrand Gonzalez) d’une tutelle seigneuriale castillane sont qualifiés d’omnes buenos (bons-hommes), comme pour souligner la bonté de leur action. Enfin, la lexie omne onrrado (homme honorable) appliquée à Rodrigue Alvarez des Asturies et à la descendance nobiliaire de Laïn Calvo, distingue l’honorabilité d’hommes apparentés à un Cid Campéador qui depuis Alphonse VIII comptait parmi les ancêtres des rois de Castille. Ces deux dernières désignations (omnes buenos, omnes onrrados), parfaitement lexicalisées en tant que désignatifs de la haute noblesse, sont à l’occasion dé-lexicalisées par subduction afin d’ajouter une nuance notionnelle vantant tour à tour l’importance d’un ancêtre – omne onrrado e poderoso (homme honorable et puissant) – ou, par l’exploitation d’une signification éthique latente, les vertus d’acteurs propices au sort des seigneurs castillans – omnes buenos e entendudos e muy leales (bons-hommes > hommes bons et entendus et très loyaux).

    21Ricos omnes (riches-hommes) est quant à elle employée de façon neutre pour désigner, en association avec caualleros (chevaliers), l’ensemble du groupe nobiliaire par addition de ses deux grandes strates hiérarchiques, cauallero faisant, comme miles dans les sources des compilateurs alphonsins, l’objet d’une double interprétation hiérarchique et fonctionnelle qui peut, dans le cas de la seconde, l’amener à absorber la grande noblesse au sein d’une désignation globale du groupe nobiliaire en tant que « chevalerie ». L’association des ricos hombres et des caualleros intervient dans le contexte d’une action consensuelle de la noblesse en faveur de Ferrand Gonzalez : son érection unanimement convenue en seigneur et comte de Castille, que les historiens alphonsins saluent comme une expression du dévouement traditionnel de la noblesse castillane à son chef.

    22La tendance est donc claire à une harmonisation et à une reformulation des récits de Luc et de Rodrigue dans le sens des valeurs régaliennes qui charpentaient l’idéologie d’Alphonse X. A ce sémantisme fondamental répondent également le rehaussement naturel des premiers juges, tous deux ancêtres du roi – « Luc de Tuy dit qu’ils étaient très nobles et de haut lignage » lit-on dans l’Estoire quand le Chronicon donnait seulement « nobiles milites » – et une constellation d’ajouts qui, de façon directe ou indirecte (à travers une judicature qui préfigure la royauté), invitent au respect de l’ordre royal et notamment du droit royal qui le précise et l’autorise. C’est le roi Ramire, seul habilité à le faire, qui dote in fine Ferrand Gonzalez de la charge comtale (Gonzale Nuñez étant seulement « appelé » comte par ses électeurs). Lorsqu’à l’issue de la bataille d’Osma les Castillans se soumettent à nouveau à son pouvoir, ils ne le font pas, comme le déclarait Luc, parce qu’ils « reconnaissent ses droits », mais, plus fondamentalement, parce qu’ils « comprennent que c’est le droit ». Un trait fortement marqué du comportement, de fait gouvernemental, de Gonzale Nuñez et de Ferrand Gonzalez est qu’ils sont « droituriers ». L’activité militaire du jeune Gonzale Nuñez, qui « tient le pays en paix », ne peut toutefois se déployer que sous le commandement du juge Nuño Rasura, son père. Dans ce cadre, la « version critique » ne fait qu’accentuer diversement l’orientation légaliste et régalienne de la « version primitive ». Ordoño II de León est blâmé pour avoir capturé et tué (« si vilement et comme il n’aurait pas dû le faire ») deux hommes qu’il convoquait à sa cour et bénéficiaient par conséquent d’une sauvegarde coutumière. Pour exprimer l’objet du rejet fondateur des Castillans, le mot « roi » est remplacé par celui de « seigneur », plus générique et qui référait à une tutelle dont certains fors (notamment ceux dits « de frontière ») admettaient qu’on pût la choisir. L’origine catalane que Luc attribuait à Nuño Rasura, ancêtre primordial du lignage castillan d’Alphonse X, est brouillée, la caractérisation devenant incertaine et indiscriminée : « certains disent que l’un d’eux était de Catalogne et l’autre de Burgos ». L’activité formatrice de Nuño Rasura est magnifiée par une localisation « dans son palais ». Ferrand Gonzalez n’est pas seulement « comte », mais « comte de Castille », par quoi est soulignée la dimension territoriale de son pouvoir ; les forces sociales qui le portent initialement à cette charge rassemblent, outre les riches-hommes et les chevaliers, composantes du groupe nobiliaire, les hommes des villes (çibdadanos) ; à son action re-conquérante, s’ajoute une fondation (celle de la ville de Sepúlveda). Les auteurs de l’Estoire d’Espagne ont donc assemblé très complètement leurs deux sources en réduisant leur antagonisme par l’exploitation des possibilités de conciliation qu’elles offraient et en les réorientant communément, par un ensemble de supressions, d’ajouts ou de reformulations, dans un sens favorable à l’idéologie régalienne de leur patron.

    23Le dernier épisode que nous aborderons, troisième dans la chronologie du récit, présente l’intérêt de toucher à la fois au temporel et au spirituel, à l’ordre intérieur du royaume et à ses relations extérieures, et d’être traversé enfin par le thème impérial.

    L’escarboucle de Saint-Denis76

    24D’où Luc de Tuy tient-il ce récit ? Nul ne le sait. L’historiographie hispanique et française antérieure au Chronicon n’en garde aucune trace77. Sans doute est-il à nouveau le fruit de l’imagination vénéneuse du chanoine léonais. Elle s’exerce cette fois – Luc était bien servi, sur ce point, par la Legionensis78 – à l’encontre des Francs. Voici : Louis VII, roi de France, qui a épousé en secondes noces Isabelle79, fille d’Alphonse VII de Castille et de León, « empereur d’Espagne »80, s’entend rapporter par de mauvaises langues que sa femme est une bâtarde née d’une vilaine. Prétextant un pélerinage à Compostelle, Louis se rend en Espagne pour en avoir le cœur net. La splendeur et la munificence de l’empereur, la noblesse de ses grands vassaux, l’éclat de sa cour suffiront à le convaincre de la noble et légitime naissance de son épouse. Il reviendra en France comblé d’honneurs et déposera à Saint-Denis la splendide émeraude que lui aura offerte son beau-père :

    Post hec quidam maliuoli detractores ceperunt Lodoici regis Francorum auribus instillare, quod Helisabeth uxorem eius imperator Adefonsus genuerat de uilissima concubina. Vnde ipse rex turbatus, simulans se causa orationis ad sanctum Iacobum uenire, uenit in Yspaniam cupiens experiri utrum uerum esset, quod sibi maliuoli dixerant detractores. Addiderant enim quod ipse Imperator Adefonsus erat uilis persona et nullius momenti inter suos. Denegauerat etiam ei coniux eius Elisabet thorum coniugalem, eo quod ista rex Lodoicus inproperabat sibi. Imperator autem Adefonsus ut audiuit aduentum generi sui regis Lodoici, precepit regi Nauarre et comiti Barchinone ut omnem gloriam Yspanie exiberent ei. Sed ubi rex Lodoicus uenit Legionem, occurrit ei imperator Adefonsus cum tam glorioso apparatu, quod ipse rex Lodoicus et Franci qui cum eo uenerant, obstupuerunt. Venit Imperator cum eo usque ad sanctum Iacobum et direxit nuncios per totum imperium suum ad omnes nobiles Christianos et barbaros, quatinus Toletum ad eius curiam conuenirent. Sed cum reuersi a sancto Iacobo imperator et rex Lodoicus uenirent Toletum atque omnes reges barbarorum et Christianorum principes occurrerent imperatori manus ejus osculantes, ultra quam credi potest Lodoicus admirans dixit imperatori : « Per Deum, inquit, iuro quod non est gloria similis huic in toto mundo ». Siquidem tantus erat apparatus olossericarum cortinarum et temptoriorum per agros extra urbem Toletanam et diuersorum insignium copia, quod a nullo poterant extimari. Tantus erat nobilium uirorum conuentus, quod a nullo poterat dinumerari. Tanta offerebantur dona auri, argenti, lapidum preciosorum, sericarum vestium et equorum regi Lodoico et suis, quod pre multitudine illis tedium generabant. Imperator autem conuersus ad regem Lodoicum dixit ei : « Certe, rex Francorum, uides et ipse potes ueritati testimonium peribere, quod mentiti fuerunt, qui mihi et filie mee coram te in Francia detraxerunt. Filia mea est quam genui ex imperatrice Berengaria, que filia fuit huius presentis Barchinonensis comitis Raymundi ». Presens erat cum multo glorie apparatu comes Raymundus et dixit Lodoico regi : « Habeas in magno honore et reuerentia Helisabeth neptem meam, alioquin cum auxilio presentis domini mei imperatoris Adefonsi promitto me tibi Parisius in paruo ponte campale inferre bellum ». Rex Lodoicus dixit eis : « Gratias ago Deo et omnibus sanctis eius, qui de nobilissimo sanguine uestro filiam uestram mihi dignatus est dare uxorem, quam semper dum uixero, modis omnibus honorabo ». Multa donaria oblata fuerunt tunc nobilissimo Lodoico regi Francorum, sed nihil inde accipere uoluit, nisi quendam zmaragdum magnum [lapidem preciosum] cogente imperatore Adefonso, quem rex Zafadola detulerat. Reuersus est itaque rex Lodoicus in Franciam cum honore et leticia magna et hunc preciosum lapidem, quem detulerat ab Yspania, monasterio beati Dionisii contulit, uxorem quoque suam Helisabeth tenerrime dilexit et modis quibuscumque potuit honorauit. Hec post obitum suum in ecclesia beati Dionisii est sepulta et merito sancta regina uocata, quia dum uixit in simplicitate spiritus et afflictione carnis studuit Domino deseruire81. 

    25Le sémantisme de l’épisode se construit sur quelques relations simples. Aux Francs médisants et mensongers (« maliuoli detractores », « Rex […], simulans »), s’opposent les Goths affairés à combattre les Maures (« quendam zmaragdum […] quem rex Zafadola detulerat » et à la suite du passage cité « Sed imperator […] cum manu Gotorum maxima contra Mauros perrexit »82). Le regard porté sur les laïcs n’est pas non plus très favorable. Leur intimité, volontiers suspecte (« Elisabeth uxorem eius imperator Adefonsus genuerat de vilissima concubina »), est forcée sans ménagement, fussent-ils rois (« Denegauerat etiam ei coniux eius Elisabet thorum coniugalem »). Les nobles sont magnifiques mais débordants d’audace : prompt à défendre l’honneur de son lignage, le comte de Barcelone provoque de son propre chef le roi de France, engageant dans l’élan son seigneur, dont il ignore souverainement les prérogatives (« comes Raymundus […] dixit Lodoico regi : « Habeas in magno honore et reuerentia Helisabeth neptem meam, alioquin cum auxilio presentis domini mei imperatoris Adefonsi promitto me tibi Parisius in paruo ponte campale inferre bellum »). La première rencontre des deux monarques et le premier émerveillement des Francs ont lieu, bien entendu, à León, tenue par Luc pour le siège de l’empire83 (« Sed ubi rex Lodoicus uenit Legionem, occurrit ei imperator Adefonsus cum tam glorioso apparatu, quod ipse rex Lodoicus et Franci qui cum eo uenerant, obstupuerunt »). Le thème de l’émeraude, associé à celui des grands sanctuaires, porte ces significations aux confins de l’ordre spirituel : le feint pélerinage du roi des Francs à Saint-Jacques et ses sombres motivations contrastent avec le pur éclat de l’émeraude prise par les Goths au roi maure Zaphadola et qui, transportée d’Espagne en France, vient magnifier le trésor de Saint-Denis, dont le temple recevra aussi la sainte dépouille d’une reine d’origine hispanique.

    26Voici maintenant le récit du même épisode que fait –à partir du Chronicon, sa seule source envisageable– Rodrigue de Tolède :

    Post hec quidam maligni inter [imperatorem] et regem Francie uolentes odium seminare, regi Francie obrepserunt dicentes Helisabeth uxorem suam esse ortam ex uilissima concubina ; et rex Lodouicus uolens experiri suggesta, iter arripuit ad Sanctum Iacobum ueniendi. Quod presenciens imperator Burgis occurrit turba herilium procerum comitatus, equorum et thesaurorum copiis adornatus, et gener eius ab eo et rege Nauarre, qui cum eo uenerat, gloriosissime est susceptus, ita quod ipse rex Francie in aspectu tante glorie obstupebat. Cumque eum usque ad Sanctum Iacobum produxisset, inde rediens, Toleti curiam celebrauit, tam Christianorum quam Arabum eius imperio subiectorum, cui etiam interfuit Raymundus comes Barchinone. Cumque rex Francie tam nobilem curiam inspexisset, admiratus omnia dixit coram omnibus protestatus similem curiam, similem apparatum in orbis ambitu nusquam esse nec tantam supellectilem se uidisse. Tunc Imperator ostendens ei comitem Barchinone, qui in magno et honorabili uenerat apparatu, « Ecce », inquit, « ex huius sorore Berengaria suscepi filiam quam uobis contuli in uxorem, et si uobis hanc ignobilem et me inglorium suggesserunt, occuli uestri uideant ueritatem ». Tunc rex Lodouicus gracias egit dicens : « Benedictus Deus quod filiam tanti domini ex sorore tanti principis habere merui in uxorem ». Obtulit autem imperator infinita donaria, que sui ualore numerum excedebant ; sed nil eorum uoluit recipere Lodouicus, nisi quemdam carbunculum, quem in corona spine Dominice apud Sanctum Dionisium collocauit, quem etiam memini me uidisse84.

    27Passons rapidement sur les « améliorations » apportées par Rodrigue au récit de Luc. Il en relève le style (« turba herilium procerum comitatus », « similem apparatum in orbis ambitu nusquam esse nec tantam supellectilem se uidisse ») et en corrige une grossière erreur de chronologie : le comte de Barcelone présent à la cour de l’Empereur ne pouvait être que Raymond Bérenger IV (1131-1162), et non Raymond Bérenger III, père de celui-ci et de Bérengère, femme d’Alphonse VII, lequel était mort en 1131 alors qu’Alphonse VII avait été couronné empereur en 1135. Bérengère était la sœur du comte Raymond qui apparaît dans l’épisode (« ex huius sorore Berengaria suscepi filiam quam uobis contuli in uxorem »), et non sa fille comme l’écrivait Luc (« Filia mea est quam genui ex imperatrice Berengaria, que filia fuit huius presentis Barchinonensis comitis Raymundi »). Mais intéressons-nous plutôt aux modifications qui relèvent plus intimement de l’histoire, de la mentalité et des intérêts du Tolédan. Celui-ci polit d’abord les arêtes les plus vives des antipathies qui structuraient le récit de Luc. L’interprétation territoriale (rex Francie), et non plus ethnique (rex Francorum), qu’il donne de la royauté de Louis VII déjoue l’atavisme francophobe de l’historiographie léonaise. Louis est exonéré du mensonge d’un feint pèlerinage. Impressionné par la magnificence de l’empereur et de sa cour, il cesse néanmoins d’apparaître comme un benêt qui s’émerveille de tout. Il n’essuie plus ici l’apostrophe irrespectueuse du comte de Barcelone et nulle allusion n’est faite aux privations que lui infligeait son épouse. Rodrigue, il est vrai, a étudié la théologie à Paris, visité Saint-Denis et, bien que la chose soit peu sensible dans ce passage, été séduit, je l’ai dit, par le modèle français de la monarchie féodale. Mais en restaurant l’image du roi de France, le Tolédan a gommé du même coup, non sans bienveillance, les excès de l’impétuosité nobiliaire. L’apostrophe du comte a disparu, laissant place à la seule évocation de son apparat (« comitem Barchinone, qui in magno et honorabili uenerat apparatu ») ; parallèlement, l’autorité de l’empereur est pleinement rétablie : c’est lui qui, fier de son vassal, fait valoir sa noblesse aux yeux du roi de France (« ‘Ecce’, inquit, ‘ex huius sorore Berengaria suscepi filiam quam uobis contuli in uxorem, et si uobis hanc ignobilem et me inglorium suggesserunt, occuli uestri uideant ueritatem’ »). On retrouve là le thème d’une harmonie entre noblesse et couronne qui fait le fond de la représentation du pouvoir royal castillan dans le De rebus. Les sympathies territoriales de Rodrigue ne manquent pas, du reste, de se donner aussi libre cours, imprimant un infléchissement tendancieux à la spatialisation de l’épisode. Burgos évince León pour accueillir la première rencontre ; le pélerinage à Saint-Jacques est expédié (« Cumque eum usque ad Sanctum Iacobum produxisset, inde rediens… »). Presque tout se passe dès lors en Castille, et Tolède rayonne seule, parée des splendeurs de la curia impériale. Quant aux traits de sainteté dont Luc auréolait Isabelle et à sa sépulture dionysienne, ils ne sont plus de mise dans un récit où dominent les accents séculiers et où ce qui fait la valeur de l’épouse d’un roi, même si l’on sait gré à la Providence de l’avoir reçue en partage, ne tient qu’à la noblesse de ses origines : « Benedictus Deus quod filiam tanti domini ex sorore tanti principis habere merui in uxorem ». Reste l’escarboucle. Elle sert d’abord le prestige de l’auteur, qui prétend l’avoir de ses yeux vue dans la Sainte Couronne du trésor de Saint-Denis. Sans doute est-ce la raison principale pour laquelle elle change de nature et devient « escarboucle », c’est-à-dire rubis, astucieusement assimilée à celui sous lequel ou au travers duquel on avait en effet glissé une épine de la couronne du Christ85.

    28Au-delà du règne de Vermude III de León (mort en 1037), je l’ai dit, aucun manuscrit ne conserve la « version primitive » de l’Estoire d’Espagne, même si d’étroites concordances entre ses versions postérieures (« critique » et « sancienne ») ou ses variantes « néo-alphonsines » (la Chronique de Castille, notamment) indiquent qu’elle se prolongeait précisément, au moins sous forme d’un brouillon parvenu à un haut degré d’achèvement, jusqu’au règne d’Alphonse VII (1126-1157)86. Nous sommes donc malheureusement contraints, pour ce troisième épisode, de n’aborder le traitement que firent de leurs sources les auteurs d’une Estoire d’Espagne contemporaine d’Alphonse X qu’à travers la « version critique » de l’œuvre :

    Dans la quarante-septième année de règne de l’empereur Alphonse, ère mille cent quatre-vingt-treize, année mille cent cinquante-cinq de l’Incarnation, il advint que d’aucuns eurent goût de désaccorder l’empereur et le roi de France. Ils dirent à ce roi de France que sa femme Isabelle, la reine, l’empereur l’avait eue d’une concubine très vile. Le roi Louis, pour savoir s’il en était bien ainsi, vint en Espagne sous couvert d’aller en pélerinage à Saint-Jacques. L’empereur, quand il le sut, s’en fut à Burgos pour l’accueillir à grand honneur, entouré d’une grande compagnie de riches-hommes et de nobles chevaliers bien armés, très impressionnants, et le roi de Navarre se trouvait avec lui. Le roi de France fut si bien reçu qu’il s’en émerveilla beaucoup, et l’empereur l’emmena jusqu’à Saint-Jacques. De là, ils s’en retournèrent vers Tolède, où l’empereur tint une très grande cour de chrétiens et de Maures, et le comte Raymond de Barcelone y fut présent. A Tolède, l’assemblée fut si grande que toute la campagne qui environnait la ville était couverte de tentes, de rideaux de soie, d’enseignes et de pennons de toute sorte. Et il s’y fit si grand rassemblement de chevaliers et d’hommes nobles qu’on n’en sut faire le compte, de sorte que le roi de France déclara qu’il croyait bien qu’il n’y avait au monde aussi noble cour ni aussi bien pourvue ni aussi accomplie que celle-là. Et l’on donna au roi de France et aux siens tant de dons en or et en argent, tant de pierres précieuses, tant de draps de soie et de chevaux qu’ils en étaient rassasiés. Le roi de France ne voulut prendre autre chose qu’une escarboucle qu’il porta à Saint-Denis et qu’il plaça dans la couronne des épines de notre Seigneur Jésus-Christ. L’empereur dit alors au roi Louis de France : « Vous voyez par vous-même et pouvez entendre que vous ont menti ceux qui vous ont brouillé avec ma fille, celle que j’ai eue de l’impératrice Bérengère, fille du comte Raymond de Barcelone que voici ». Car le comte était là, avec grande compagnie et très bien armé. Et le comte dit alors au roi Louis : « Je vous dis, roi, d’honorer Isabelle, ma petite-fille, comme il est de droit, sinon, sachez qu’avec l’aide de mon seigneur que voici, l’empereur, je vous promets de vous livrer bataille rangée à Paris, au Petit-Pont ». Le roi Louis dit alors : « Dieu soit loué, qui voulut me donner pour femme la fille d’un si haut seigneur et d’un sang si haut, et la petite-fille d’un si grand chef comme l’est le comte de Barcelone. Je m’en tiens pour comblé, et, aussi longtemps que je vivrai, je l’honorerai autant que je le pourrai comme l’on doit honorer dame de si haute guise ». Puis le roi s’en retourna dans son pays à grand honneur et plein de joie, et il aima dorénavant sa femme et l’honora de toutes les façons qu’il put et qu’il sut. Et quand elle mourut, elle fut enterrée au monastère de Saint-Denis, et elle est maintenant tenue pour sainte, car aussi longtemps qu’elle vécut elle aima beaucoup Dieu et lui fit grand service et mena très bonne et sainte vie. Dieu fit tant de grâces à cet empereur Alphonse et lui fut si favorable que tous les rois et tous les puissants d’Espagne furent à ses ordres, aussi bien maures que chrétiens, car le roi Garsias de Navarre, et le comte Raymond de Barcelone, qui tenait alors en pouvoir le royaume d’Aragon, et les rois des maures almohades, et Zafadola, et le roi Lope, en même temps et tous ensemble furent ses vassaux. Et bien qu’il fût homme si haut et si puissant, jamais il ne voulut opprimer aucun de ses vassaux ni exercer contre lui sa force. Au contraire, il enrichit nombre d’entre eux avec ses biens propres87.

    29Les historiens alphonsins conservent de Rodrigue le centrage castillan de l’épisode –la première rencontre de l’Empereur et du roi de France a lieu à Burgos– et la définition territoriale du pouvoir de Louis VII, deux traits parfaitement ajustés au « castillanisme » et au « naturalisme » de l’idéologie d’Alphonse X88. De même, ils trouvent intérêt à respecter, comme le faisait Rodrigue, une scrupuleuse bienséance dans le propos qu’ils tiennent sur les rois : ici, point de mise en cause – même infondée – de la qualité morale d’Alphonse VII ni du respect qu’il inspirait à ses sujets ; quant à Louis VII, nulle déconvenue d’alcôve. Curieusement, ils conservent de Luc de Tuy l’apostrophe intempestive du comte de Barcelone. Entendaient-ils marquer ainsi à leur tour, pour les raisons qu’on imagine, l’irrévérence potentielle de la haute noblesse ? Ou bien acceptaient-ils, connaissant les écrits de leurs collègues juristes, notamment des auteurs de la Septième partie, qu’à la différence du ret (riepto), qui supposait la consultarion préalable du monarque, le défi (desafiamiento) pouvait être lancé librement en cour ou devant témoins ?89 Globalement, leur représentation de la noblesse semble en tout cas fidèle au modèle chevaleresque défendu par les auteurs de la Deuxième partie90 : dans l’entourage de l’Empereur, ou à la cour plénière, la présence des chevaliers est toujours mentionnée aux côtés des riches-hommes et autres grands personnages, les uns et les autres étant chaque fois caractérisés par un armement qui rappelle leur fonction militaire. Cette vision, qui fait songer aux harmonies amoureuses du Tolédan, est cependant mise ici au service d’une exaltation d’Alphonse en tant qu’empereur que Rodrigue – considérant peut-être l’origine léonaise de l’idée impériale hispanique – mettait plutôt en sourdine. Sur ce sujet, les historiens alphonsins, comme souvent, penchent plutôt du côté de Luc. Imperator apparaisait 11 fois dans le récit du Léonais, seulement 5 fois dans celui du Tolédan ; les auteurs de la « version critique » de l’Estoire emploient 9 fois le mot emperador, et l’expression « l’empereur Alphonse », qui reprend l’ « imperator Adefonsus » du Chronicon, prend dans l’Estoire d’Espagne commanditée par Alphonse X, une résonnance tout actuelle. De sa hauteur impériale, Alphonse VII – accompagné de sa femme, l’ « impératrice » Bérengère, qui revient dans le récit – surplombe continûment et tout ensemble le roi de France, le roi de Navarre et le comte de Barcelone, qualifié de « chef » (cabdillo), à défaut de mieux, par Louis VII. Une valorisation générale de l’Empereur, que nos historiens ont trouvée dans un autre passage du Chronicon91 et qu’ils ont transférée ici, parachève cette exaltation en rappelant la tutelle féodale sous laquelle Alphonse VII, porté par les faveurs de Dieu, avait tenu les souverains environnants, navarrais, catalano-aragonais et maures. Ils glissent au passage les bienfaits que ses vassaux reçurent de l’ « empereur Alphonse » en des termes certes repris de Luc mais qui s’accordaient à ceux du testament que dictait concomitamment, dans le chaos final de son règne, Alphonse X92. L’évocation d’Isabelle, fille d’Alphonse VII, en sainte, qui, dans le Chronicon, auréolait par métonymie de sainteté la royauté castillane est, elle aussi, réintroduite dans le récit. Enfin, le propos suggère que la couronne dans laquelle est placée l’escarboucle offerte à Louis VII par l’empereur Alphonse, est, non pas le reliquaire dionysien –la « corona spinae », ou « couronne de l’épine », mentionnée par Rodrigue de Tolède–, mais bien, pour plus de sacralité encore, la « couronne d’épines » tout entière préservée que Louis IX avait achetée naguère à l’empereur de Constantinople. Nous sommes donc portés, dans cet épisode du règne d’Alphonse VII, ancêtre fondateur de la composante hispanique de l’héritage impérial d’Alphonse X, au plus haut degré d’une exaltation à la fois temporelle et spirituelle de la royauté castillane et de son rayonnement impérial non seulement dans les confins chrétiens et musulmans de la péninsule Ibérique, mais encore parmi les puissances séculières du monde, Occident et Orient confondus.

    30Deux comportements semblent donc caractériser le rapport des historiens alphonsins à leurs sources. D’un côté, portés sans doute par une authentique préoccupation scientifique, ils s’efforcent de recueilir la totalité du savoir qu’elles contiennent. Aussi loin qu’il était possible, ils ont conservé et conjugué leurs données, même lorsque celles-ci, dans les œuvres d’origine, composaient des interprétations antagoniques d’un même événement. Mais d’un autre côté, de subtils déplacements, de discrètes éliminations, des ajoutés à peine perceptibles, des reformulations lexicologiques d’apparence toute naturelle dans l’usage roman amènent cette exhaustivité de façade à adopter le moule des convictions et des aspirations politiques d’Alphonse X : un modèle monarchique du pouvoir royal, dans lequel les pouvoirs sociaux –Eglise, noblesse et même bourgeoisie– concourent au renforcement de la puissance régalienne du prince ; une hégémonie impériale s’étendant à l’ensemble du territoire hispanique et à l’Occident.

    Notes de bas de page

    1 Edition de référence : Lvcae Tvdensis Chronicon mvndi, Emma FALQUE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio mediaeualis, lxxiv), 2003 (désormais : Chronicon). Sur Luc de Tuy et son œuvre : Georges MARTIN, Les Juges de Castille. Mentalités et discours historique dans l’Espagne médiévale, Paris : Klincksieck (Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 6), 1992, p. 201-211. Également : dossier « Luc de Tuy : chroniqueur, hagiographe, théologien », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 24, 2001, p. 201-309 [en ligne : https://www.persee.fr/issue/cehm_0396-9045_2001_num_24_1]. Le Chronicon mundi se ferme sur la prise de Cordoue (juin 1236) et son auteur ne mentionne pas le second mariage de Ferdidand III avec Jeanne de Dammartin (novembre 1237).

    2 L’œuvre semble avoir été achevée d’abord en 1243 puis parachevée au terme d’une dernière continuation en 1246 (Diego CATALÁN et María Soledad DE ANDRÉS, éd., Crónica general de España de 1344, Madrid : Gredos, 1971, p. Xxxiii, n. 6). Edition de référence : Roderici Ximenii de Rada Historia de rebus Hispaniae siue Historia gothica, Juan FERNÁNDEZ VALVERDE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio mediaeualis, LXXII), 1999 (désormais : De rebus). Sur Rodrigue Jimenez de Rada (« Rodrigue de Tolède » ou « le Tolédan »), G. MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 251-270. Également : dossier « Rodrigue Jimenez de Rada (Castille, première moitié du XIIIe siècle) : histoire, historiographie », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 26, 2003, p. 11-307.

    3 Lecture indispensable sur la question : Peter LINEHAN, History and the historians of medieval Spain, Oxford : Clarendon Press, 1993 [reprinted 2003], p. 356-462.

    4 Sur ce contexte politique : G. MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 201-211 et 251-255. Sur le règne de Ferdinand III :  Julio GONZÁLEZ, Reinado y diplomas de Fernando III, 3 vol., Cordoue : Monte de Piedad y Caja de Ahorros, 1983-1986 ; Gonzalo MARTÍNEZ DÍEZ, Fernando III, Palencia : Diputación/La Olmeda (Corona de España), 1993 ; Ana RODRÍGUEZ LÓPEZ, La consolidación territorial de la monarquía feudal castellana. Expansión y fronteras durante el reinado de Fernando III, Madrid : CSIC (Biblioteca de historia, 27), 1994, et « ‘Rico fincas de tierra et de muchos buenos vasallos, mas que rey que en la cristiandat ssea’. La herencia regia de Alfonso X », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 243-261.

    5 Sur Bérengère : Miriam SHADIS, « Berenguela of Castile’s political motherhood : the management of sexuality, marriage and succession », in : John CARMI PARSONS et Bonnie WHEELER, éd, Medieval mothering, New-York/London : Garland (The New Middle Ages), 1996, p. 335-357 ; María Jesús FUENTE, Reinas medievales en los reinos hispánicos, Madrid : La esfera de los libros, 2003, p. 197-213 ; Georges MARTIN, « Régner sans régner. Bérengère de Castille (1214-1246) au miroir de l’historiographie de son temps », e-Spania, 1, 2006 [URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/e-spania/326]; H. Salvador MARTÍNEZ, Berenguela la Grande y su época (1180-1246), Madrid : Polifemo, 2012.

    6 Sur cette activité, Patrick HENRIET, « Sanctissima patria. Points et thèmes communs aux trois œuvres de Lucas de Tuy », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 24, 2001, p. 249-278.

    7 Chronicon, respectivement p. 4 et 9-10 : « Astrictus preceptis gloriosissime ac prudentissime Yspaniarum regine domine Berengarie, que ut cronicorum libros a beato Ysidoro et a quibusdam aliis peritis de ystoria regum Yspanorum et quorundam aliorum editos sibi scriberem imperavit... » ; « Nos uero ad libros cronicorum a doctore Yspaniarum Ysidoro editos manum mittimus, secundum etiam quosdam alios Yspanorum regum et aliorum quorundam seriem prosequendo praeceptis gloriosissime Yspaniarum regine domine Berengarie omni desiderio desiderantes fideliter satisfacere. Ipsa enim, cujus catholicis preceptis non licet nec libet resistere, michi Luce indigno diachono ut hoc perficerem imperauit ». Sur la pensée politique de Luc de Tuy : G. MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 205-211.

    8 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 197-249 et « L’escarboucle de Saint-Denis, le roi de France et l’empereur des Espagnes », in : Françoise AUTRAND, Claude GAUVARD et Jean-Marie MOEGLIN, éd., Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris : Publications de la Sorbonne, 1999, p. 439- 462 ; Peter LINEHAN, History and the historians..., p. 398-405, « From chronicle to history : concerning the Estoria de España an its principal sources », in : Historical literature in medieval Iberia, Alan DEYERMOND, éd., Londres : Queen Mary and Westfield College (Papers of the Medieval Hispanic Research Seminar), 1996, p. 7-33, et « Reflexiones sobre historiografía e historia en el siglo alfonsino », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 101-111 ; Patrick HENRIET, « Hagiographie et historiographie en péninsule ibérique (XIe-XIIIe siècles). Quelques remarques », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 53-85, et surtout « Xénophobie et intégration isidoriennes à León au XIIIe siècle. Le discours de Lucas de Tuy sur les étrangers », in : L’étranger au Moyen Âge. Actes du XXXe congrès de la SHHMESP (Göttingen, 1999), Paris : Publications de la Sorbonne, 2000, p. 37-58.

    9 Peter LINEHAN, « Reflexiones sobre historiografía... », p .102-103 ; « From chronicle to history... », p. 19 ; et plus complètement, History and the historians..., p. 356-379.

    10 « Incipit [liber] tercius a beato Ylldefonso Toletano archiepiscopo…” (Chronicon, p. 163); « Hucusque beatus scripsit Ildefonsus Yspaniarum primas et archiepiscopus Toletanus » (ibid., p. 171).

    11 La double dignité archiépiscopale et primatiale de Léandre est mentionnée dès le livre II du Chronicon, antérieur à la transcription de la chronique attribuée à Ildephonse : « Interfuit tunc dignitate primas ille Catholicus et ortodoxus Leander, Yspalensis archiepiscopus et Romane ecclesie legatus, sanctitate et doctrina perspicuus » (ibid., p. 156). La mention du cumul de l’archiépiscopat sévillan et de la primatie de l’Église d’Espagne par Léandre et Isidore est même antérieure, puisqu’elle apparaît dès le « De excellentia Hispaniae » de la Praefatio du Chronicon : « […] ueniam ad Seueranium Cartaginensem ducem, qui de uxore Theodora illos tres doctores inclitos, Leandrum scilicet archiepiscopum Yspalensem et Isidorum archipresulem, ambos primates Yspanie, atque Fulgencium episcopum, omnes Christi confessores, filios meruit obtinere » (ibid., p. 6).

    12 « Rexit [Ysidorus] archipresulatum Yspalensis ecclesiae XL annis, diuersis fulgens miraculorum signis, primacie dignitate florens et Romani Pape in Ispaniis uices gerens » (ibid., p. 164). 

    13 « Successit beatissimo doctori Ysidoro Theodistus natione Grecus, uarietate linguarum doctus, exterius locutione nitidus, interius autem, ut exitus demonstrauit, sub ouina pelle lupus uoracissimus. Nam libros quosdam de naturis rerum et arte medicine necnon et de arte notoria, quos pater Ysidorus facundo stylo composuerat et necdum ad publicum uenerant, in odium fidei corrupit, resecans uera et inferens falsa ; atque per quemdam Arabum nomine Avicennam de Latino in Arabicum transtulit. Hic in his et aliis pluribus infidelis inuentus et erroneus in articulis fidei comprobatus per sinodum ab archiepiscopali dignitate degradatus est. Asserebat enim Dominum nostrum Ihesum Christum cum Patre et Spiritu Sancto non esse unum Deum, sed potius adoptiuum. Hic ut dictum est, priuatus honore sacerdotii ad Arabes transiit et secte seudoprophete Mahometi adhesit et plura docuit detestanda sub imperatore Heraclio. Tunc temporis dignitas primatiae translata est ad ecclesiam Toletanam » (ibid., p. 165). L’invention fictionnelle de Luc est sans limite : voici Avicenne devenu le traducteur des falsifications pseudo-isidoriennes de Théodiste ! On reste perplexe quant à l’acceptabilité de ce genre de propos –que Peter Linehan qualifie de « démonstration pyrotechnique d’incohérence chronologique », History and historians…, p. 377– par le lectorat ecclésial et princier de l’auteur.

    14 « Iste [Cindasuindus] a Romano Papa obtinuit privilegium ut secundum beneplacitum pontificum Yspanorum primacie dignitas esset Yspali uel Toleti [...] » (ibid., p. 170). 

    15  « Hic [Cindasuindus] perfidum Theodistum Yspalensem episcopum sinodali sententia exulavit, et dignitatem primacie transtulit ad ecclesiam Toletanam » (ibid., p. 170).

    16 Il devrait s’agir du onzième concile de Tolède, le seul convoqué, en 675, par Wamba.

    17 Sur Pélage et ses forgeries, notamment Javier FERNÁNDEZ CONDE, « Espacio y tiempo en la construcción ideológica de Pelayo de Oviedo », in : Patrick HENRIET, dir., Représentations de l’espace et du temps dans l’Espagne des IXe-XIIIe siècles. La construction de légitimités chrétiennes, Annexes des Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 15, 2003, p. 129-148.

    18 « Rex Bamba, ut supra scriptum est, divisionibus episcopatuum confirmatis ceteras imperii sui sedes diuisit, sic dicens : Toletum metropolis, regia sedes, inter ceteros Yspaniae quandiu huic sancto cetui placuerit, metropolitanos teneat primaciam » (ibid., p. 176).

    19 « Sedes subditas Yspalensi metropoli, que actenus prima fuit sedes Yspaniarum, diuidimus sic, etc. » (ibid., p. 177)

    20 « Legio ciuitas sacerdotalis et regia, et Lucus quam Euandali edificauerunt in Asturiis, teneant per suos terminos antiquos, sicut eis diuisit Theodemirus rex Sueuorum, et nulli umquam subdantur archepiscopo uel primati (ibid., p. 179). Le concile de Lugo de 569 est rapporté par Luc quelques paragraphes plus haut ; le décret concenant l’évêché de León est ainsi transcrit : « Legio quam condiderunt Romane legiones, que antiquitus Flos fuit uocata, et per Romanum Papam gaudet perpetua libertate, et a nostris predecessoribus extat sedes regia, atque alicui metropoli nunquam fuit subdita, teneat per suos terminos antiquos, etc. » (ibid., p. 173).

    21 « Quia igitur placuit uestre excellencie maiestatis mee requirere ignoranciam paruitatis ut si, qua de antiquitatibus Hispanie et de hiis etiam que ab antiquis uel modernis temporibus acciderunt mee memorie occurrissent, peticione uestre describere laborarem […] » (De rebus, p. 6).

    22 Éd. de réf. en note 2.

    23 MARTIN, « Régner sans régner… », § 14-16, 27-33, 36-37, 42.

    24 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 255-258. Également : Javier GOROSTERATZU, Investigaciones históricas sobre la Edad Media. Don Rodrigo Jiménez de Rada, gran estadista, escritor y prelado, Pampelune, 1925 ; et surtout le très long « article » d’Hilda GRASSOTTI, « Don Rodrigo Ximénez de Rada, gran señor y hombre de negocios en la Castilla del siglo XIII », Cuadernos de historia de España, 55-56, 1972, p. 1-302.

    25 P. LINEHAN, History and the historians..., p. 354-379. Linehan pense en effet que les Notule constituent déjà un début de réponse aux allégations de Luc de Tuy (ibid., p. 360), ce qui situerait à son tour le terminus ad quem de la rédaction du Chronicon en 1240. De toute façon, Luc devient évêque de Tuy en 1239 alors qu’il se se donne que le titre de diacre dans la préface de son œuvre (Chronicon, p. 10).

    26 Pour ce qui suit, LINEHAN, ibid., p. 379-383. Sur ces procédures historiographiques : G. MARTIN, Histoires de l’Espagne médiévale. Historiographie, geste, romancero, Paris : Klincksieck (Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 11), 1997, p. 69-105 (« Paraphrase ») et 107-121 (« Compilation »).

    27 « […] sancti Leandri episcopi  […] » (De rebus, II, 15, p. 63), « [Sisenandi] anno regni tercio sui, LXVIII Gallie et Hispanie apud Toletum episcopis aggregatis cum absencium uicariis et palacii senioribus in ecclesia sancte Leocadie uirginis et martyris Christi, extante adhuc Isidoro Hispalensi episcopo et in multis iam libris fulgente mirifice, de diuersis causis concilium celebrauit sub Iusto urbis regie primate, et subscribunt ibi Isidorus Hispalensis, Sclua Narbonensis, Iulius Bracarensis, etc. » (ibid., II, 19, p. 67-68) et au-delà, pour d’autres évêques sévillans : « Sextum concilium de obseruatione fidei catholice et aliis ecclesiasticis disciplinis fuit tempore eiusdem principis Cintile celebratum sub Eugenio urbis regie metropolitano et primate, subscribentibus Sclua Narbonensi et Iuliano Bracarensi et Honorato Hispalensi [...] » (ibid., II, 19, p. 68), « In diebus huius anno V° regni eius fuit VIII concilium Toletanum, presentibus et subscribentibus Oroncio Emeritensi, Antonio Hispalensi, etc., sub Eugenio Toletano pontifice et primate sollempniter celebratum [...] » (ibid., II, 22, p. 72), etc. Chaque concile est pour Rodrigue l’occasion de marteler la dignité primatiale des archevêques tolédans : « […] et fuit hoc septimum concilium Toletanum sub Eugenio metropolitano et primate urbis regie celebratum » (ibid., II, 20, p. 69), « Et istud fuit concilium undecimum Toletanum sub Quirico urbis regie primate » (ibid., III, 12, p. 91), « Et hoc concilium fuit sub Iuliano urbis regie primate (et subscribunt Iulianus Hispalensis, Luyba Bracarensis, etc.) » (ibid., III, 13, p. 92), « [...] fuit celebratum septimum decimum concilium Toletanum [...] sub Felice urbis regie primate [...] » (ibid., III, 14, p. 95), etc.

    28 « [Cindasuyndus] a Romano Papa obtinuit privilegium ut secundum beneplacitum pontificum Hispanorum primacie dignitas esset Toleti, sicut fuerat ab antiquo » (ibid., II, 21, p. 71).

    29 De rebus, respectivement : II, 19, p. 68 et II, 20, p. 69.

    30 « Hic perfidum Theodistum Hispalensem episcopum synodali sentencia in exulauit, et dignitatem primacie quam ab antiquo habuerat tocius aprobatione concilii Toletane ecclesie confirmauit » (ibid., II, 21, p. 71).

    31 LINEHAN, History ans historians…, p.  382-383.

    32 « In hoc uero concilio consolationem cum tantis uiris recepit [Bamba], et ibi fuit tunc illud concilium constitutum ‘cum longe lateque’ et ut uicini episcopi singulis per annum mensibus in urbe regia debeant comorari » (De rebus, III, 12, p. 91). 

    33 De rebus, IV, 3, p. 119 : « Item ab aliquibus dicitur quod primatus Hispanie prius fuit in ecclesia. Hispalensi et post translatus ad ecclesiam Toletanam, quod etiam stare non potest […] Quia igitur propter diuersas relationes scriptorum interdum de ueritate historie dubitatur, dilgencia lectoris inquirat, ut ex scripturis autenticis uideat quid debeat aprobare ».

    34 Édition de référence pour la version primitive ou concise de l’Estoire d’Espagne : Ramón MENÉNDEZ PIDAL, éd., Primera crónica general de España, 2 vol., Madrid : Bailly-Baillières, 19061 (réed. par Diego CATALÁN, 2 t., Madrid : Gredos, 19773 (désormais Estoire d’Espagne). Pour la continuité historique des Goths, voir chapitre antérieur (« Notre histoire cesse donc ici de traiter de Suèves et des Vandales et des faits qui survinrent en Espagne, pour en venir aux Goths qui en furent ensuite les seigneurs jusques encore aujourd’hui, même si les Maures y exercèrent un temps quelque seigneurie », Estoire d’Espagne, 1, p. 215b).

    35 Cf. G. MARTIN, « Compilation (cinq procédures fondamentales) », in : id., Histoires de l’Espagne médiévale…, p. 107-121.

    36 Estoire d’Espagne, 1 : « [...] Ce roi Récarède réunit un concile à Tolède, et ce fut le troisième concile, et soixante-deux evêques y participèrent, venant des deux Espagnes, pour détruire et déraciner l’hérésie arienne. Parmi eux se trouvaient Mausone, évêque de Mérida, archevêque de Tarragone, saint Léandre, archevêque de Séville […] » (p. 264ab) ; « […] ce roi Sisébut réunit un concile à Séville à propos de l’hérésie des acéphales. Et saint Isidore y était alors archevêque. Et un évêque qui était partisan de cette hérésie se présenta au concile et saint Isidore l’emporta sur lui par droite raison et l’écarta de son erreur » (p. 272a) ; […] ce roi Sisenand réunit un concile à Tolède, en l’église Sainte-Léocadie du château, et il y rassembla, d’Espagne et de la Gaule gothique, soixante-huit évêques […] Et saint Isidore, archevêque de Séville […] s’y rendit. Et Juste était alors archevêque de Tolède […] » (p. 276a) ; « Ce roi Chinthila, dès le début de son règne, réunit un concile à Tolède ; et ce fut le cinquième. Vingt-trois évêques s’y rendirent. Eugène était alors archevêque de Tolède » (p. 276b) ; « […] ce roi Chinthila convoqua le sixième concile à Tolède […] alors qu’Eugène y était archevêque. Et les évêques suivants signèrent de leur nom : Sclua, archevêque de Narbonne, Julien de Braga, Honorat de Séville, Prothase de Tarragone […] (p. 277b) ; « Ce roi Réceswinthe, dès le début de son règne, réunit un concile à Tolède ; et ce fut le huitième concile […] et les souscripteurs en furent Oronce, archevêque de Mérida, Antoine, archevêque de Séville, Pothame de Braga […], Eugène étant alors archevêque de Tolède. Et il y eut là un total de cinquante-deux évêques » (p. 280b), « […] cet honorable roi Wamba réunit le onzième concile de Tolède, et tous les archevêques et évêques du pays s’y assemblèrent […] » (p. 294b-295a), etc.

    37 Ibid., p. 299a.

    38 Ibid., respectivement : « Que la primatie sur tous les autres archevêques d’Espagne revienne au siège archiépiscopal de Tolède » (p. 296b) ; « Qu’à l’archevêché de Séville, qui fut le siège primatial des Espagnes, obéissent les évêques suivants, etc. » (p. 297a) ; « Que l’évêché de León, qui fut en d’autres temps appelé Fleur, qui par franchise du souverain pontife est libre pour toujours de toute sujétion, qui depuis toujours fut le siège royal de nos prédécesseurs et jamais n’obéit à aucun archevêque, ait pour limites, etc. » (p. 295b).

    39 LINEHAN, History and the historians…, p. 383-384.

    40 « Ce roi Chindaswinthe, dès le début de son règne, sollicita du pape, avec l’accord des évêques d’Espagne, un privilège tel que la dignité de la primatie fût attribuée à Tolède ou à Séville selon ce qu’il jugerait être le mieux, et le pape le lui concéda » (ibid., p. 278b).

    41 « Et c’est la raison pour laquelle le roi rendit la dignité de la primatie que détenait l’Église de Séville au siège de Tolède, que celui-ci avait détenue anciennement » (ibid., p. 279a).

    42 Sur l’interventionnisme ecclésial de Ferdinand III et d’Alphonse X, voir Joseph F. O’CALLAGHAN, El rey sabio. El reinado de Alfonso X de Castilla, Séville : Universidad de Sevilla, 1996 (traduction de l’édition originale américaine, The learned king. The reign of Alfonso X of Castile, Philadelphie : Pennsylviana University Press, 1993), p. 77-94.

    43 Sur tout ceci MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 25-430.

    44 Louis COOPER, El Liber regum. Estudio linguístico, Saragosse : Institución Fernando el Católico, 1960 (désormais : Livre des générations et des lignages). Le Liber fut traduit au castillan à Tolède vers 1220 sans doute à l’initiative de Rodrigue Jimenez de Rada (MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 70).

    45 Livre des générations et des lignages, p. 33.

    46 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 27-194.

    47 Chronicon, p. 237 : « Sed antequam moreretur [rex Adefonsus] Ranimirum, filium Veremudi regis diachoni, sibi regni successorem elegit et in senectute bona mortuus est et Oueto in ecclesia sancta Marie feliciter tumulatus ». Ici aussi Luc s’écarte dans le détail aussi bien de l’Historia legionensis qui donnait simplement « Post cuius felicem decessum Raymirus Veremudi principis filius gubernandi regni sceptra suscepit » que de la Chronique d’Alphonse III qui montrait Ramire Ier élu par ses grands sujets : « Post Adefonsi decessum, Ranimirus, filius Veremundi principis, eligitur in regnum » (respectivement : Historia silensis, Juan Antonio EstÉvez Sola, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXXI A, Chronica hispana saecvli XII, pars III), 2018 (désormais : Historia legionensis), p. 162 et Yves BONNAZ, éd., Chroniques asturiennes (fin IXe siècle), Paris : CNRS, 1987, p. 53).

    48 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 207-211.

    49 Ibid., p. 207-210.

    50 Chronicon, IV.29, p. 256-257. Étude plus complète dans MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 201-249. Je ne veux pas entrer ici dans une analyse trop minutieuse ; on imagine cependant comment les lecteurs castillans devaient percevoir l’origine catalane de cet ancêtre de leurs rois et le désistement de l’élu burgalais.

    51 Historia legionensis, éd. de réf., p. 186 : « Era DCCCCLXIIa Ordonio defuncto Froylanus frater eius successit in regno. Propter paucitatem dierum nullam uictoriam fecit, nullos hostes exercuit, nisi quod, ut obtumant, filios Olmundi (nobilis) sine culpa trucidare iussit. Et, ut dicunt, iusto Dei iudicio festinus regno caruit, quia espiscopum nomine Fruminum post occisionem fratrum absque culpa in exilium misit, et ob hoc abreuiatum est regnum ac breuiter uitam finiuit et morbo proprio discessit. Regnauit anno uno, mensibus duobus ». On pourra apprécier les infléchissements imprimés par Luc à sa source.

    52 Chronicon, p. 258 : « Legione uero [Ranimiro] sedente cum Sancia regina nuncius uenit quod Aceyfa cum grandi exercitu Maurorum properabat ad Castellam. Quo audito rex Ranimirus inmemor malorum que sibi fecerant nobiles Castellani, cum exercitu magno obuiam Sarracenis exiuit et in loco qui dicitur Oxoma, nomen Domini inuocando acies ordinare iussit et omnes se ad bellum parare [iussit]. Dedit illi Dominus victoriam ; et magnam partem ex Sarracenis interfecit et multa milia captiuorum secum abduxit et ad propriam sedem reuersus est cum magna gloria. Tunc Castellani Ranimiro regi iura propria cognoscentes ei se subdiderunt. Tamen conditionis quasdam rege concedente uendicauerunt sibi ». Dans l’Historia legionensis, le récit s’achevait sur les mots : « […] et reuersus est ad propriam sedem cum uictoria magna » (Historia legionensis, p. 188).

    53 Entre 1190 et 1200, la Chronica Naiarensis, l’Historia Roderici, la Chanson de Mon Cid et le Livre des Générations et des lignages des rois se font l’écho des faits réels ou légendaires du Cid Ruy Díaz, les trois dernières œuvres employant ou mentionnant le surnom de Campeador.

    54 Après l’assassinat de Sanche IV Garcès à Pañalén en 1076, Alphonse VI et Sanche Ramirez d’Aragon, s’étaient partagés son royaume, Alphonse fondant un regnum naiarense qui avait duré jusqu’aux temps troubles du mariage de sa fille, la reine Urraque de León avec Alphonse Ier d’Aragon, dit le Batailleur. A la mort de ce dernier, en 1134, Garsias Sanchez, descendant par son père d’une branche bâtarde de l’ancienne dynastie royale et par sa mère du Cid Ruy Diaz, élu par la noblesse navarraise, restaura une royauté autochtone à Pampelune. Ses descendants et ceux d’Alphonse VI, puis d’Urraque, s’affronteront au long de presque un siècle.

    55 Sur Rodrigue Jimenez de Rada : MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 255-258 ; sur ses conceptions politiques : ibid., p. 260-270. La dialectique de la seigneurie naturelle et du vasselage œuvre déjà, vers 1200, dans la Chanson de Mon Cid (G. MARTIN, Chanson de mon Cid. Édition et traduction de..., Paris : Aubier, 1996, p. 36-46) et les enjeux s’en manifestent, une vingtaine d’années après la rédaction de l’Historia de rebus Hispaniae, dans la Quatrième des Sept parties (cf. Deuxième chapitre de la Troisième partie de cet ouvrage). Les traces dans la documentation en sont nombreuses (Tratado de Cabreros, etc.).

    56 MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 276-295 ; du même : « Noblesse et royauté dans le De rebus Hispaniae (livres 4 à 9) », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 26, 2003, p. 101-121.

    57 G. MARTIN, « Fondations monastiques et territorialité. Comment Rodrigue de Tolède a inventé la Castille », in : HENRIET, Représentation de l’espace et du temps dans l’Espagne des IXe-XIIIe siècles…, p. 243-261.

    58 De rebus, V, 1-3, p. 148-151. Pour une analyse plus complète, MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 251-316.

    59 « Item sciendum quod Nunno Belchediz genuit Nunnium Rasorum […] » (Chronica naierensis, Juan Antonio EstÉvez Sola, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXXI A, Chronica hispana saecvli XII, pars II), 1995, p. 149).

    60 Pour autant que « a populo suo releuauerat sarcinam seruitutis » fasse écho à « [Ferdinandus Gonzaluez], qui Castellanos de sub iugo Legionensis dominationis dicitur extrasisse »… (ibid., p. 149).

    61 Rodrigue ne suit pas ici le texte de l’Historia qui, par exemple, énumérait les tenures seigneuriales, toutes castillanes, de Rodrigue Alvarez (Historia Roderici vel Gesta Roderici Campidocti, Emma FALQUE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXX: Chronica hispana saeculi XII, pars I), 1990, p. 1-98 ; p. 47-48), mais traduit celui du Linage de Rodric Diaz inclus dans le Livre des générations et des lignages des rois qui donnait bien « Roic Alberez de sturias » (MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 33). Voir sur ce point les commentaires de Menéndez Pidal dans La España de Cid, 2 vol., Madrid : Espasa-Calpe, [19291], 19697, 2, p. 682. Également MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 51-52, case 36 du tableau comparatif.

    62 « Rex autem Sancius adeo diligebat Rodericum Didaci multa dilectione et nimio amore, quod constituit eum principem super omnem militiam suam » (Historia Roderici, éd. de réf., p. 48).

    63 De rebus, VIII, 4, p. 262 et VIII, 15, p. 280.

    64 Ibid., VII.36, p. 258 et plus largement : MARTIN, « Régner sans régner… », § 37.

    65 Ibid., V.6, p. 153 : « Post hec Arabes fines Castelle inuadere decreuerunt et comes Ferrandus Gundisalui, qui Castelle tunc temporis presidebat, nunciauit aduentum Arabum Ranimiro, qui conuocato exercitu properauit in auxilium comitis Castellani. Cumque Legionensis et Castellanus exercitus conuenissent, Arabibus apud Oxomam occurrerunt, et collatis signis ad inuicem dimicarunt. Set Dei gracia adiuuante Christianis uictoria, Arabibus cessit fuga, et multa milia captiuorum christiano exercitui prouenerunt. Sicque rex Ranimirus ad sua feliciter est reuersus ».

    66 « […] comes Ferrandus Gundisalui, qui Castelle tunc temporis presidebat » (voir note précédente).

    67 Sur ce parcours et la genèse concomitante d’un territoire castillan, MARTIN, « Fondations monastiques et territorialité… ».

    68 Diego CATALÁN, De Alfonso X al conde de Barcelos. cuatro estudios sobre el nacimiento de la historiografía romance en Castilla y Portugal, Madrid : Gredos, 1962 ; id., La « Estoria de España » de Alfonso X. Creación y evolución, Madrid : Fundación Ramón Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1992 ; id., De la silva textual al taller historiográfico alfonsí. Códices, crónicas, versiones y cuadernos de trabajo, Madrid : Fundación Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1997 ; Inés FERNÁNDEZ-ORDÓñez, « Variación en el modelo historiográfico alfonsí en el siglo XIII. Las versiones de la Estoria de España », in : G. MARTIN, dir., La historia alfonsí : el modelo y sus destinos (siglos XIII-XV), Madrid : Casa de Velázquez, 2000, p. 41-74 ; Mariano DE LA CAMPA, « Las versiones alfonsíes de la Estoria de España », in : I. FERNÁNDEZ-ORDÓñez, coord., Alfonso el Sabio y las crónicas de España, Valladolid : Fundación Santander Central Hispano, 2000, p. 83-106.

    69 Sur cette fin de règne, J. O’CALLAGHAN, El Rey Sabio..., p. 281-320, et Manuel GONZÁLEZ JIMÉNEZ, Alfonso X el Sabio, Barcelone : Ariel, 2004, p. 329-371. 

    70 Quant à l’atmosphère idéologique de la cour sévillane d’Alphonse X et à son impact sur la production juridique et historiographique de ses ateliers, voir les première et cinquième parties de cet ouvrage ainsi que FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ, « Evolución del pensamiento alfonsí y transformación de las obras jurídicas e históricas del Rey Sabio », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 263-283. Édition en deux temps de la « version critique » : I. FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ, Versión crítica de la « Estoria de España » (estudio y edición desde Pelayo hasta Ordoño II), Madrid : Fundación Ramón Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1993 ; Mariano DE LA CAMPA GUTIÉRREZ, La Estoria de España de Alfonso X. Estudio y edición de la versión crítica desde Fruela II hasta la muerte de Fernando II, Malaga : Universidad de Málaga, 2009.

    71 Je suis le manuscrit Y (Y-II-11 de la Real Biblioteca de El Escorial, XIVe siècle ; fol. 394v°b-397v°b) sous le contrôle toutefois des manuscrits G et Z (respectivement X-I-11 et X-I-7de la même bibliothèque, XVe siècle). Texte espagnol, nombreuses références codicologiques et panorama de la tradition manuscrite de l’Estoire dans MARTIN, Les Juges de Castille, p. 338-352 et p. 403-408, n. 139-145.

    72 Je suis pour celle-ci l’édition de M. DE LA CAMPA, p. 265-267 et 274-275.

    73 Dans les manuscrits G et Z de la « version primitive » (MARTIN, ibid., p. 408, n. 145).

    74 Manuscrit Y, fol. 398v°a.

    75 Sur l’emploi général et la signification des lexies rico hombre, alto hombre, hombre honrado et hombre bueno, MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 362-374.

    76 Première version : G. MARTIN, « L’escarboucle de Saint-Denis, le roi de France et l’empereur des Espagnes » in : Françoise AUTRAND, Claude GAUVARD et Jean-Marie MOEGLIN, Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris : Publications de la Sorbonne, 1999, p. 439-462.

    77 MARTIN, « L’escarboucle... », p. 451-453.

    78 Sur la francophobie de Luc et celle de l’auteur de l’Historia legionensis, ibid., p. 453 n. 45 et id., Les Juges de Castille..., p. 399 n. 108 ; voir également P. HENRIET, « Xénophobie et intégration... », p. 39-43.

    79 (Ou Élisabeth), ici pour Constance.

    80 « Imperator Yspanie » (Chronicon, p. 311).

    81 Chronicon, p. 314-315.

    82 « Imperator autem Adefonsus cum in tanta consisteret gloria et corporis egritudine laboraret, fedifragus populus barbarorum se contra illum erexit. Sed imperator, ut erat magnanimus, dissimulans egritudinem cum manu Gotorum maxima contra Mauros perrexit. Qui ut uiderunt eum cum magno exercitu, colla ei illico submiserunt. Sed crescente egritudine dum ad propria rediret, iuxta portum qui uocatur Muradal, in loco qui dicitur Fresneda, Domino, ut credimus, spiritum tradidit anno XL°.IX° ex quo regnare cepit. Sepultusque est in urbe regia Toletana. Priusquam uero moreretur, diuisit imperium suum duobus filiis suis, Sancio scilicet et Fernando. Sancio quidem dedit bellatricem Castellam et Fernando fidelem Legionem et Galleciam », ibid., p. 315-316.

    83 « [Rex Adefonsus] fecit etiam congregari episcopos et omnes barones regni sui in Legione et imponere sibi coronam secundum legem Dei et consuetudinem regum priorum. Ab illa die uocatus est imperator Yspanie », ibid., p. 311. Le couronnement impérial d’Alphonse VII avait bien eu lieu à León, en 1135 ; cependant, la Chronica Adefonsi imperatoris, comtemporaine du règne, de même que la documentation, font progressivement pencher en faveur de Tolède la balance des sympathies du roi. C’est du reste dans cette dernière ville qu’Alphonse voulut reposer ad eternam.

    84 De rebus, VII, 9, p. 230.

    85 Blaise DE MONTESQUIOU-FEZENSAC et Danielle GABORIT-CHOPIN, Le Trésor de Saint-Denis, 3 vol., Paris : A. et J. Picard, 1973-1977, 3, p. 106-108. Dans une lettre de mars 1997, Peter Linehan attirait cependant mon attention sur le symbolisme royal du rubis, dont les Châtiments du roi Sanche IV déclarent qu’il signifie « la bonne connaissance et la bonne mémoire que doit avoir le roi de Dieu et des hommes ».

    86 G. MARTIN, « L’escarboucle de Saint-Denis… », p. 445-450. Ces concordances sont d’autant plus probantes que « version critique », « version sancienne » et Chronique de Castille dérivent séparément du texte primitif de l’Estoire.

    87 Je traduis ici encore le texte édité par Mariano de la Campa (p. 570-571).

    88 Sur le concept fondamental de « naturalité » (naturaleza), voir chapitre 2 de la troisième partie de cet ouvrage ; sur la dimension linguistique, très fondamentale, du « castillanisme » d’Alphonse X, chapitre 1 de sa deuxième partie.

    89 Cf. respectivement Septième partie, Titre III, loi 4 et Titre XI, loi 3.

    90 Cf. Chapitre 3 de la Troisième partie de cet ouvrage.

    91 Chronicon, p. 312-313 : « Tantam illi Dominus gratiam et gloriam contulit, ut omnes Yspaniarum reges et principes Christiani et barbari suo imperio subderentur. Etenim rex Garsias de Nauarra et Raymundus comes Barchilonensis, qui tunc Aragonense regebat regnum, et reges Sarracenorum, scilicet Abephandil et Zaphadola et rex Lupus, uno et eodem tempore eius uasalli fuerunt. In tanto imperii culmine sublimatus nunquam aliquem subditum ui opressit, sed multos de thesauris suis gloriose ditauit [et libertates et inmunitates ecclesiis et oppressis pauperibus contulit] ». Je souligne la disparition dans le propos des historiens alphonsins de la dernière observation de Luc concernant les libertés et les immunités ecclésiastiques…

    92 Memorial histórico español, Madrid : Real Academia de la Historia, 1851, 2, p. 122-135 (p. 133). Traduction latine, destinée à Philippe le Hardi : Georges DAUMET, « Les testaments d'Alphonse X le Savant roi de Castille », Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 67, 1906, p. 70-99 (p. 99). Cf. chapitre unique de la cinquième partie de cet ouvrage.

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    1 Edition de référence : Lvcae Tvdensis Chronicon mvndi, Emma FALQUE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio mediaeualis, lxxiv), 2003 (désormais : Chronicon). Sur Luc de Tuy et son œuvre : Georges MARTIN, Les Juges de Castille. Mentalités et discours historique dans l’Espagne médiévale, Paris : Klincksieck (Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 6), 1992, p. 201-211. Également : dossier « Luc de Tuy : chroniqueur, hagiographe, théologien », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 24, 2001, p. 201-309 [en ligne : https://www.persee.fr/issue/cehm_0396-9045_2001_num_24_1]. Le Chronicon mundi se ferme sur la prise de Cordoue (juin 1236) et son auteur ne mentionne pas le second mariage de Ferdidand III avec Jeanne de Dammartin (novembre 1237).

    2 L’œuvre semble avoir été achevée d’abord en 1243 puis parachevée au terme d’une dernière continuation en 1246 (Diego CATALÁN et María Soledad DE ANDRÉS, éd., Crónica general de España de 1344, Madrid : Gredos, 1971, p. Xxxiii, n. 6). Edition de référence : Roderici Ximenii de Rada Historia de rebus Hispaniae siue Historia gothica, Juan FERNÁNDEZ VALVERDE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio mediaeualis, LXXII), 1999 (désormais : De rebus). Sur Rodrigue Jimenez de Rada (« Rodrigue de Tolède » ou « le Tolédan »), G. MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 251-270. Également : dossier « Rodrigue Jimenez de Rada (Castille, première moitié du XIIIe siècle) : histoire, historiographie », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 26, 2003, p. 11-307.

    3 Lecture indispensable sur la question : Peter LINEHAN, History and the historians of medieval Spain, Oxford : Clarendon Press, 1993 [reprinted 2003], p. 356-462.

    4 Sur ce contexte politique : G. MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 201-211 et 251-255. Sur le règne de Ferdinand III :  Julio GONZÁLEZ, Reinado y diplomas de Fernando III, 3 vol., Cordoue : Monte de Piedad y Caja de Ahorros, 1983-1986 ; Gonzalo MARTÍNEZ DÍEZ, Fernando III, Palencia : Diputación/La Olmeda (Corona de España), 1993 ; Ana RODRÍGUEZ LÓPEZ, La consolidación territorial de la monarquía feudal castellana. Expansión y fronteras durante el reinado de Fernando III, Madrid : CSIC (Biblioteca de historia, 27), 1994, et « ‘Rico fincas de tierra et de muchos buenos vasallos, mas que rey que en la cristiandat ssea’. La herencia regia de Alfonso X », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 243-261.

    5 Sur Bérengère : Miriam SHADIS, « Berenguela of Castile’s political motherhood : the management of sexuality, marriage and succession », in : John CARMI PARSONS et Bonnie WHEELER, éd, Medieval mothering, New-York/London : Garland (The New Middle Ages), 1996, p. 335-357 ; María Jesús FUENTE, Reinas medievales en los reinos hispánicos, Madrid : La esfera de los libros, 2003, p. 197-213 ; Georges MARTIN, « Régner sans régner. Bérengère de Castille (1214-1246) au miroir de l’historiographie de son temps », e-Spania, 1, 2006 [URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/e-spania/326]; H. Salvador MARTÍNEZ, Berenguela la Grande y su época (1180-1246), Madrid : Polifemo, 2012.

    6 Sur cette activité, Patrick HENRIET, « Sanctissima patria. Points et thèmes communs aux trois œuvres de Lucas de Tuy », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 24, 2001, p. 249-278.

    7 Chronicon, respectivement p. 4 et 9-10 : « Astrictus preceptis gloriosissime ac prudentissime Yspaniarum regine domine Berengarie, que ut cronicorum libros a beato Ysidoro et a quibusdam aliis peritis de ystoria regum Yspanorum et quorundam aliorum editos sibi scriberem imperavit... » ; « Nos uero ad libros cronicorum a doctore Yspaniarum Ysidoro editos manum mittimus, secundum etiam quosdam alios Yspanorum regum et aliorum quorundam seriem prosequendo praeceptis gloriosissime Yspaniarum regine domine Berengarie omni desiderio desiderantes fideliter satisfacere. Ipsa enim, cujus catholicis preceptis non licet nec libet resistere, michi Luce indigno diachono ut hoc perficerem imperauit ». Sur la pensée politique de Luc de Tuy : G. MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 205-211.

    8 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 197-249 et « L’escarboucle de Saint-Denis, le roi de France et l’empereur des Espagnes », in : Françoise AUTRAND, Claude GAUVARD et Jean-Marie MOEGLIN, éd., Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris : Publications de la Sorbonne, 1999, p. 439- 462 ; Peter LINEHAN, History and the historians..., p. 398-405, « From chronicle to history : concerning the Estoria de España an its principal sources », in : Historical literature in medieval Iberia, Alan DEYERMOND, éd., Londres : Queen Mary and Westfield College (Papers of the Medieval Hispanic Research Seminar), 1996, p. 7-33, et « Reflexiones sobre historiografía e historia en el siglo alfonsino », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 101-111 ; Patrick HENRIET, « Hagiographie et historiographie en péninsule ibérique (XIe-XIIIe siècles). Quelques remarques », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 53-85, et surtout « Xénophobie et intégration isidoriennes à León au XIIIe siècle. Le discours de Lucas de Tuy sur les étrangers », in : L’étranger au Moyen Âge. Actes du XXXe congrès de la SHHMESP (Göttingen, 1999), Paris : Publications de la Sorbonne, 2000, p. 37-58.

    9 Peter LINEHAN, « Reflexiones sobre historiografía... », p .102-103 ; « From chronicle to history... », p. 19 ; et plus complètement, History and the historians..., p. 356-379.

    10 « Incipit [liber] tercius a beato Ylldefonso Toletano archiepiscopo…” (Chronicon, p. 163); « Hucusque beatus scripsit Ildefonsus Yspaniarum primas et archiepiscopus Toletanus » (ibid., p. 171).

    11 La double dignité archiépiscopale et primatiale de Léandre est mentionnée dès le livre II du Chronicon, antérieur à la transcription de la chronique attribuée à Ildephonse : « Interfuit tunc dignitate primas ille Catholicus et ortodoxus Leander, Yspalensis archiepiscopus et Romane ecclesie legatus, sanctitate et doctrina perspicuus » (ibid., p. 156). La mention du cumul de l’archiépiscopat sévillan et de la primatie de l’Église d’Espagne par Léandre et Isidore est même antérieure, puisqu’elle apparaît dès le « De excellentia Hispaniae » de la Praefatio du Chronicon : « […] ueniam ad Seueranium Cartaginensem ducem, qui de uxore Theodora illos tres doctores inclitos, Leandrum scilicet archiepiscopum Yspalensem et Isidorum archipresulem, ambos primates Yspanie, atque Fulgencium episcopum, omnes Christi confessores, filios meruit obtinere » (ibid., p. 6).

    12 « Rexit [Ysidorus] archipresulatum Yspalensis ecclesiae XL annis, diuersis fulgens miraculorum signis, primacie dignitate florens et Romani Pape in Ispaniis uices gerens » (ibid., p. 164). 

    13 « Successit beatissimo doctori Ysidoro Theodistus natione Grecus, uarietate linguarum doctus, exterius locutione nitidus, interius autem, ut exitus demonstrauit, sub ouina pelle lupus uoracissimus. Nam libros quosdam de naturis rerum et arte medicine necnon et de arte notoria, quos pater Ysidorus facundo stylo composuerat et necdum ad publicum uenerant, in odium fidei corrupit, resecans uera et inferens falsa ; atque per quemdam Arabum nomine Avicennam de Latino in Arabicum transtulit. Hic in his et aliis pluribus infidelis inuentus et erroneus in articulis fidei comprobatus per sinodum ab archiepiscopali dignitate degradatus est. Asserebat enim Dominum nostrum Ihesum Christum cum Patre et Spiritu Sancto non esse unum Deum, sed potius adoptiuum. Hic ut dictum est, priuatus honore sacerdotii ad Arabes transiit et secte seudoprophete Mahometi adhesit et plura docuit detestanda sub imperatore Heraclio. Tunc temporis dignitas primatiae translata est ad ecclesiam Toletanam » (ibid., p. 165). L’invention fictionnelle de Luc est sans limite : voici Avicenne devenu le traducteur des falsifications pseudo-isidoriennes de Théodiste ! On reste perplexe quant à l’acceptabilité de ce genre de propos –que Peter Linehan qualifie de « démonstration pyrotechnique d’incohérence chronologique », History and historians…, p. 377– par le lectorat ecclésial et princier de l’auteur.

    14 « Iste [Cindasuindus] a Romano Papa obtinuit privilegium ut secundum beneplacitum pontificum Yspanorum primacie dignitas esset Yspali uel Toleti [...] » (ibid., p. 170). 

    15  « Hic [Cindasuindus] perfidum Theodistum Yspalensem episcopum sinodali sententia exulavit, et dignitatem primacie transtulit ad ecclesiam Toletanam » (ibid., p. 170).

    16 Il devrait s’agir du onzième concile de Tolède, le seul convoqué, en 675, par Wamba.

    17 Sur Pélage et ses forgeries, notamment Javier FERNÁNDEZ CONDE, « Espacio y tiempo en la construcción ideológica de Pelayo de Oviedo », in : Patrick HENRIET, dir., Représentations de l’espace et du temps dans l’Espagne des IXe-XIIIe siècles. La construction de légitimités chrétiennes, Annexes des Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 15, 2003, p. 129-148.

    18 « Rex Bamba, ut supra scriptum est, divisionibus episcopatuum confirmatis ceteras imperii sui sedes diuisit, sic dicens : Toletum metropolis, regia sedes, inter ceteros Yspaniae quandiu huic sancto cetui placuerit, metropolitanos teneat primaciam » (ibid., p. 176).

    19 « Sedes subditas Yspalensi metropoli, que actenus prima fuit sedes Yspaniarum, diuidimus sic, etc. » (ibid., p. 177)

    20 « Legio ciuitas sacerdotalis et regia, et Lucus quam Euandali edificauerunt in Asturiis, teneant per suos terminos antiquos, sicut eis diuisit Theodemirus rex Sueuorum, et nulli umquam subdantur archepiscopo uel primati (ibid., p. 179). Le concile de Lugo de 569 est rapporté par Luc quelques paragraphes plus haut ; le décret concenant l’évêché de León est ainsi transcrit : « Legio quam condiderunt Romane legiones, que antiquitus Flos fuit uocata, et per Romanum Papam gaudet perpetua libertate, et a nostris predecessoribus extat sedes regia, atque alicui metropoli nunquam fuit subdita, teneat per suos terminos antiquos, etc. » (ibid., p. 173).

    21 « Quia igitur placuit uestre excellencie maiestatis mee requirere ignoranciam paruitatis ut si, qua de antiquitatibus Hispanie et de hiis etiam que ab antiquis uel modernis temporibus acciderunt mee memorie occurrissent, peticione uestre describere laborarem […] » (De rebus, p. 6).

    22 Éd. de réf. en note 2.

    23 MARTIN, « Régner sans régner… », § 14-16, 27-33, 36-37, 42.

    24 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 255-258. Également : Javier GOROSTERATZU, Investigaciones históricas sobre la Edad Media. Don Rodrigo Jiménez de Rada, gran estadista, escritor y prelado, Pampelune, 1925 ; et surtout le très long « article » d’Hilda GRASSOTTI, « Don Rodrigo Ximénez de Rada, gran señor y hombre de negocios en la Castilla del siglo XIII », Cuadernos de historia de España, 55-56, 1972, p. 1-302.

    25 P. LINEHAN, History and the historians..., p. 354-379. Linehan pense en effet que les Notule constituent déjà un début de réponse aux allégations de Luc de Tuy (ibid., p. 360), ce qui situerait à son tour le terminus ad quem de la rédaction du Chronicon en 1240. De toute façon, Luc devient évêque de Tuy en 1239 alors qu’il se se donne que le titre de diacre dans la préface de son œuvre (Chronicon, p. 10).

    26 Pour ce qui suit, LINEHAN, ibid., p. 379-383. Sur ces procédures historiographiques : G. MARTIN, Histoires de l’Espagne médiévale. Historiographie, geste, romancero, Paris : Klincksieck (Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 11), 1997, p. 69-105 (« Paraphrase ») et 107-121 (« Compilation »).

    27 « […] sancti Leandri episcopi  […] » (De rebus, II, 15, p. 63), « [Sisenandi] anno regni tercio sui, LXVIII Gallie et Hispanie apud Toletum episcopis aggregatis cum absencium uicariis et palacii senioribus in ecclesia sancte Leocadie uirginis et martyris Christi, extante adhuc Isidoro Hispalensi episcopo et in multis iam libris fulgente mirifice, de diuersis causis concilium celebrauit sub Iusto urbis regie primate, et subscribunt ibi Isidorus Hispalensis, Sclua Narbonensis, Iulius Bracarensis, etc. » (ibid., II, 19, p. 67-68) et au-delà, pour d’autres évêques sévillans : « Sextum concilium de obseruatione fidei catholice et aliis ecclesiasticis disciplinis fuit tempore eiusdem principis Cintile celebratum sub Eugenio urbis regie metropolitano et primate, subscribentibus Sclua Narbonensi et Iuliano Bracarensi et Honorato Hispalensi [...] » (ibid., II, 19, p. 68), « In diebus huius anno V° regni eius fuit VIII concilium Toletanum, presentibus et subscribentibus Oroncio Emeritensi, Antonio Hispalensi, etc., sub Eugenio Toletano pontifice et primate sollempniter celebratum [...] » (ibid., II, 22, p. 72), etc. Chaque concile est pour Rodrigue l’occasion de marteler la dignité primatiale des archevêques tolédans : « […] et fuit hoc septimum concilium Toletanum sub Eugenio metropolitano et primate urbis regie celebratum » (ibid., II, 20, p. 69), « Et istud fuit concilium undecimum Toletanum sub Quirico urbis regie primate » (ibid., III, 12, p. 91), « Et hoc concilium fuit sub Iuliano urbis regie primate (et subscribunt Iulianus Hispalensis, Luyba Bracarensis, etc.) » (ibid., III, 13, p. 92), « [...] fuit celebratum septimum decimum concilium Toletanum [...] sub Felice urbis regie primate [...] » (ibid., III, 14, p. 95), etc.

    28 « [Cindasuyndus] a Romano Papa obtinuit privilegium ut secundum beneplacitum pontificum Hispanorum primacie dignitas esset Toleti, sicut fuerat ab antiquo » (ibid., II, 21, p. 71).

    29 De rebus, respectivement : II, 19, p. 68 et II, 20, p. 69.

    30 « Hic perfidum Theodistum Hispalensem episcopum synodali sentencia in exulauit, et dignitatem primacie quam ab antiquo habuerat tocius aprobatione concilii Toletane ecclesie confirmauit » (ibid., II, 21, p. 71).

    31 LINEHAN, History ans historians…, p.  382-383.

    32 « In hoc uero concilio consolationem cum tantis uiris recepit [Bamba], et ibi fuit tunc illud concilium constitutum ‘cum longe lateque’ et ut uicini episcopi singulis per annum mensibus in urbe regia debeant comorari » (De rebus, III, 12, p. 91). 

    33 De rebus, IV, 3, p. 119 : « Item ab aliquibus dicitur quod primatus Hispanie prius fuit in ecclesia. Hispalensi et post translatus ad ecclesiam Toletanam, quod etiam stare non potest […] Quia igitur propter diuersas relationes scriptorum interdum de ueritate historie dubitatur, dilgencia lectoris inquirat, ut ex scripturis autenticis uideat quid debeat aprobare ».

    34 Édition de référence pour la version primitive ou concise de l’Estoire d’Espagne : Ramón MENÉNDEZ PIDAL, éd., Primera crónica general de España, 2 vol., Madrid : Bailly-Baillières, 19061 (réed. par Diego CATALÁN, 2 t., Madrid : Gredos, 19773 (désormais Estoire d’Espagne). Pour la continuité historique des Goths, voir chapitre antérieur (« Notre histoire cesse donc ici de traiter de Suèves et des Vandales et des faits qui survinrent en Espagne, pour en venir aux Goths qui en furent ensuite les seigneurs jusques encore aujourd’hui, même si les Maures y exercèrent un temps quelque seigneurie », Estoire d’Espagne, 1, p. 215b).

    35 Cf. G. MARTIN, « Compilation (cinq procédures fondamentales) », in : id., Histoires de l’Espagne médiévale…, p. 107-121.

    36 Estoire d’Espagne, 1 : « [...] Ce roi Récarède réunit un concile à Tolède, et ce fut le troisième concile, et soixante-deux evêques y participèrent, venant des deux Espagnes, pour détruire et déraciner l’hérésie arienne. Parmi eux se trouvaient Mausone, évêque de Mérida, archevêque de Tarragone, saint Léandre, archevêque de Séville […] » (p. 264ab) ; « […] ce roi Sisébut réunit un concile à Séville à propos de l’hérésie des acéphales. Et saint Isidore y était alors archevêque. Et un évêque qui était partisan de cette hérésie se présenta au concile et saint Isidore l’emporta sur lui par droite raison et l’écarta de son erreur » (p. 272a) ; […] ce roi Sisenand réunit un concile à Tolède, en l’église Sainte-Léocadie du château, et il y rassembla, d’Espagne et de la Gaule gothique, soixante-huit évêques […] Et saint Isidore, archevêque de Séville […] s’y rendit. Et Juste était alors archevêque de Tolède […] » (p. 276a) ; « Ce roi Chinthila, dès le début de son règne, réunit un concile à Tolède ; et ce fut le cinquième. Vingt-trois évêques s’y rendirent. Eugène était alors archevêque de Tolède » (p. 276b) ; « […] ce roi Chinthila convoqua le sixième concile à Tolède […] alors qu’Eugène y était archevêque. Et les évêques suivants signèrent de leur nom : Sclua, archevêque de Narbonne, Julien de Braga, Honorat de Séville, Prothase de Tarragone […] (p. 277b) ; « Ce roi Réceswinthe, dès le début de son règne, réunit un concile à Tolède ; et ce fut le huitième concile […] et les souscripteurs en furent Oronce, archevêque de Mérida, Antoine, archevêque de Séville, Pothame de Braga […], Eugène étant alors archevêque de Tolède. Et il y eut là un total de cinquante-deux évêques » (p. 280b), « […] cet honorable roi Wamba réunit le onzième concile de Tolède, et tous les archevêques et évêques du pays s’y assemblèrent […] » (p. 294b-295a), etc.

    37 Ibid., p. 299a.

    38 Ibid., respectivement : « Que la primatie sur tous les autres archevêques d’Espagne revienne au siège archiépiscopal de Tolède » (p. 296b) ; « Qu’à l’archevêché de Séville, qui fut le siège primatial des Espagnes, obéissent les évêques suivants, etc. » (p. 297a) ; « Que l’évêché de León, qui fut en d’autres temps appelé Fleur, qui par franchise du souverain pontife est libre pour toujours de toute sujétion, qui depuis toujours fut le siège royal de nos prédécesseurs et jamais n’obéit à aucun archevêque, ait pour limites, etc. » (p. 295b).

    39 LINEHAN, History and the historians…, p. 383-384.

    40 « Ce roi Chindaswinthe, dès le début de son règne, sollicita du pape, avec l’accord des évêques d’Espagne, un privilège tel que la dignité de la primatie fût attribuée à Tolède ou à Séville selon ce qu’il jugerait être le mieux, et le pape le lui concéda » (ibid., p. 278b).

    41 « Et c’est la raison pour laquelle le roi rendit la dignité de la primatie que détenait l’Église de Séville au siège de Tolède, que celui-ci avait détenue anciennement » (ibid., p. 279a).

    42 Sur l’interventionnisme ecclésial de Ferdinand III et d’Alphonse X, voir Joseph F. O’CALLAGHAN, El rey sabio. El reinado de Alfonso X de Castilla, Séville : Universidad de Sevilla, 1996 (traduction de l’édition originale américaine, The learned king. The reign of Alfonso X of Castile, Philadelphie : Pennsylviana University Press, 1993), p. 77-94.

    43 Sur tout ceci MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 25-430.

    44 Louis COOPER, El Liber regum. Estudio linguístico, Saragosse : Institución Fernando el Católico, 1960 (désormais : Livre des générations et des lignages). Le Liber fut traduit au castillan à Tolède vers 1220 sans doute à l’initiative de Rodrigue Jimenez de Rada (MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 70).

    45 Livre des générations et des lignages, p. 33.

    46 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 27-194.

    47 Chronicon, p. 237 : « Sed antequam moreretur [rex Adefonsus] Ranimirum, filium Veremudi regis diachoni, sibi regni successorem elegit et in senectute bona mortuus est et Oueto in ecclesia sancta Marie feliciter tumulatus ». Ici aussi Luc s’écarte dans le détail aussi bien de l’Historia legionensis qui donnait simplement « Post cuius felicem decessum Raymirus Veremudi principis filius gubernandi regni sceptra suscepit » que de la Chronique d’Alphonse III qui montrait Ramire Ier élu par ses grands sujets : « Post Adefonsi decessum, Ranimirus, filius Veremundi principis, eligitur in regnum » (respectivement : Historia silensis, Juan Antonio EstÉvez Sola, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXXI A, Chronica hispana saecvli XII, pars III), 2018 (désormais : Historia legionensis), p. 162 et Yves BONNAZ, éd., Chroniques asturiennes (fin IXe siècle), Paris : CNRS, 1987, p. 53).

    48 MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 207-211.

    49 Ibid., p. 207-210.

    50 Chronicon, IV.29, p. 256-257. Étude plus complète dans MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 201-249. Je ne veux pas entrer ici dans une analyse trop minutieuse ; on imagine cependant comment les lecteurs castillans devaient percevoir l’origine catalane de cet ancêtre de leurs rois et le désistement de l’élu burgalais.

    51 Historia legionensis, éd. de réf., p. 186 : « Era DCCCCLXIIa Ordonio defuncto Froylanus frater eius successit in regno. Propter paucitatem dierum nullam uictoriam fecit, nullos hostes exercuit, nisi quod, ut obtumant, filios Olmundi (nobilis) sine culpa trucidare iussit. Et, ut dicunt, iusto Dei iudicio festinus regno caruit, quia espiscopum nomine Fruminum post occisionem fratrum absque culpa in exilium misit, et ob hoc abreuiatum est regnum ac breuiter uitam finiuit et morbo proprio discessit. Regnauit anno uno, mensibus duobus ». On pourra apprécier les infléchissements imprimés par Luc à sa source.

    52 Chronicon, p. 258 : « Legione uero [Ranimiro] sedente cum Sancia regina nuncius uenit quod Aceyfa cum grandi exercitu Maurorum properabat ad Castellam. Quo audito rex Ranimirus inmemor malorum que sibi fecerant nobiles Castellani, cum exercitu magno obuiam Sarracenis exiuit et in loco qui dicitur Oxoma, nomen Domini inuocando acies ordinare iussit et omnes se ad bellum parare [iussit]. Dedit illi Dominus victoriam ; et magnam partem ex Sarracenis interfecit et multa milia captiuorum secum abduxit et ad propriam sedem reuersus est cum magna gloria. Tunc Castellani Ranimiro regi iura propria cognoscentes ei se subdiderunt. Tamen conditionis quasdam rege concedente uendicauerunt sibi ». Dans l’Historia legionensis, le récit s’achevait sur les mots : « […] et reuersus est ad propriam sedem cum uictoria magna » (Historia legionensis, p. 188).

    53 Entre 1190 et 1200, la Chronica Naiarensis, l’Historia Roderici, la Chanson de Mon Cid et le Livre des Générations et des lignages des rois se font l’écho des faits réels ou légendaires du Cid Ruy Díaz, les trois dernières œuvres employant ou mentionnant le surnom de Campeador.

    54 Après l’assassinat de Sanche IV Garcès à Pañalén en 1076, Alphonse VI et Sanche Ramirez d’Aragon, s’étaient partagés son royaume, Alphonse fondant un regnum naiarense qui avait duré jusqu’aux temps troubles du mariage de sa fille, la reine Urraque de León avec Alphonse Ier d’Aragon, dit le Batailleur. A la mort de ce dernier, en 1134, Garsias Sanchez, descendant par son père d’une branche bâtarde de l’ancienne dynastie royale et par sa mère du Cid Ruy Diaz, élu par la noblesse navarraise, restaura une royauté autochtone à Pampelune. Ses descendants et ceux d’Alphonse VI, puis d’Urraque, s’affronteront au long de presque un siècle.

    55 Sur Rodrigue Jimenez de Rada : MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 255-258 ; sur ses conceptions politiques : ibid., p. 260-270. La dialectique de la seigneurie naturelle et du vasselage œuvre déjà, vers 1200, dans la Chanson de Mon Cid (G. MARTIN, Chanson de mon Cid. Édition et traduction de..., Paris : Aubier, 1996, p. 36-46) et les enjeux s’en manifestent, une vingtaine d’années après la rédaction de l’Historia de rebus Hispaniae, dans la Quatrième des Sept parties (cf. Deuxième chapitre de la Troisième partie de cet ouvrage). Les traces dans la documentation en sont nombreuses (Tratado de Cabreros, etc.).

    56 MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 276-295 ; du même : « Noblesse et royauté dans le De rebus Hispaniae (livres 4 à 9) », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 26, 2003, p. 101-121.

    57 G. MARTIN, « Fondations monastiques et territorialité. Comment Rodrigue de Tolède a inventé la Castille », in : HENRIET, Représentation de l’espace et du temps dans l’Espagne des IXe-XIIIe siècles…, p. 243-261.

    58 De rebus, V, 1-3, p. 148-151. Pour une analyse plus complète, MARTIN, Les Juges de Castille..., p. 251-316.

    59 « Item sciendum quod Nunno Belchediz genuit Nunnium Rasorum […] » (Chronica naierensis, Juan Antonio EstÉvez Sola, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXXI A, Chronica hispana saecvli XII, pars II), 1995, p. 149).

    60 Pour autant que « a populo suo releuauerat sarcinam seruitutis » fasse écho à « [Ferdinandus Gonzaluez], qui Castellanos de sub iugo Legionensis dominationis dicitur extrasisse »… (ibid., p. 149).

    61 Rodrigue ne suit pas ici le texte de l’Historia qui, par exemple, énumérait les tenures seigneuriales, toutes castillanes, de Rodrigue Alvarez (Historia Roderici vel Gesta Roderici Campidocti, Emma FALQUE, éd., Turnhout : Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXX: Chronica hispana saeculi XII, pars I), 1990, p. 1-98 ; p. 47-48), mais traduit celui du Linage de Rodric Diaz inclus dans le Livre des générations et des lignages des rois qui donnait bien « Roic Alberez de sturias » (MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 33). Voir sur ce point les commentaires de Menéndez Pidal dans La España de Cid, 2 vol., Madrid : Espasa-Calpe, [19291], 19697, 2, p. 682. Également MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 51-52, case 36 du tableau comparatif.

    62 « Rex autem Sancius adeo diligebat Rodericum Didaci multa dilectione et nimio amore, quod constituit eum principem super omnem militiam suam » (Historia Roderici, éd. de réf., p. 48).

    63 De rebus, VIII, 4, p. 262 et VIII, 15, p. 280.

    64 Ibid., VII.36, p. 258 et plus largement : MARTIN, « Régner sans régner… », § 37.

    65 Ibid., V.6, p. 153 : « Post hec Arabes fines Castelle inuadere decreuerunt et comes Ferrandus Gundisalui, qui Castelle tunc temporis presidebat, nunciauit aduentum Arabum Ranimiro, qui conuocato exercitu properauit in auxilium comitis Castellani. Cumque Legionensis et Castellanus exercitus conuenissent, Arabibus apud Oxomam occurrerunt, et collatis signis ad inuicem dimicarunt. Set Dei gracia adiuuante Christianis uictoria, Arabibus cessit fuga, et multa milia captiuorum christiano exercitui prouenerunt. Sicque rex Ranimirus ad sua feliciter est reuersus ».

    66 « […] comes Ferrandus Gundisalui, qui Castelle tunc temporis presidebat » (voir note précédente).

    67 Sur ce parcours et la genèse concomitante d’un territoire castillan, MARTIN, « Fondations monastiques et territorialité… ».

    68 Diego CATALÁN, De Alfonso X al conde de Barcelos. cuatro estudios sobre el nacimiento de la historiografía romance en Castilla y Portugal, Madrid : Gredos, 1962 ; id., La « Estoria de España » de Alfonso X. Creación y evolución, Madrid : Fundación Ramón Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1992 ; id., De la silva textual al taller historiográfico alfonsí. Códices, crónicas, versiones y cuadernos de trabajo, Madrid : Fundación Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1997 ; Inés FERNÁNDEZ-ORDÓñez, « Variación en el modelo historiográfico alfonsí en el siglo XIII. Las versiones de la Estoria de España », in : G. MARTIN, dir., La historia alfonsí : el modelo y sus destinos (siglos XIII-XV), Madrid : Casa de Velázquez, 2000, p. 41-74 ; Mariano DE LA CAMPA, « Las versiones alfonsíes de la Estoria de España », in : I. FERNÁNDEZ-ORDÓñez, coord., Alfonso el Sabio y las crónicas de España, Valladolid : Fundación Santander Central Hispano, 2000, p. 83-106.

    69 Sur cette fin de règne, J. O’CALLAGHAN, El Rey Sabio..., p. 281-320, et Manuel GONZÁLEZ JIMÉNEZ, Alfonso X el Sabio, Barcelone : Ariel, 2004, p. 329-371. 

    70 Quant à l’atmosphère idéologique de la cour sévillane d’Alphonse X et à son impact sur la production juridique et historiographique de ses ateliers, voir les première et cinquième parties de cet ouvrage ainsi que FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ, « Evolución del pensamiento alfonsí y transformación de las obras jurídicas e históricas del Rey Sabio », Cahiers de linguistique hispanique médiévale, 23, 2000, p. 263-283. Édition en deux temps de la « version critique » : I. FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ, Versión crítica de la « Estoria de España » (estudio y edición desde Pelayo hasta Ordoño II), Madrid : Fundación Ramón Menéndez Pidal/Universidad Autónoma de Madrid, 1993 ; Mariano DE LA CAMPA GUTIÉRREZ, La Estoria de España de Alfonso X. Estudio y edición de la versión crítica desde Fruela II hasta la muerte de Fernando II, Malaga : Universidad de Málaga, 2009.

    71 Je suis le manuscrit Y (Y-II-11 de la Real Biblioteca de El Escorial, XIVe siècle ; fol. 394v°b-397v°b) sous le contrôle toutefois des manuscrits G et Z (respectivement X-I-11 et X-I-7de la même bibliothèque, XVe siècle). Texte espagnol, nombreuses références codicologiques et panorama de la tradition manuscrite de l’Estoire dans MARTIN, Les Juges de Castille, p. 338-352 et p. 403-408, n. 139-145.

    72 Je suis pour celle-ci l’édition de M. DE LA CAMPA, p. 265-267 et 274-275.

    73 Dans les manuscrits G et Z de la « version primitive » (MARTIN, ibid., p. 408, n. 145).

    74 Manuscrit Y, fol. 398v°a.

    75 Sur l’emploi général et la signification des lexies rico hombre, alto hombre, hombre honrado et hombre bueno, MARTIN, Les Juges de Castille…, p. 362-374.

    76 Première version : G. MARTIN, « L’escarboucle de Saint-Denis, le roi de France et l’empereur des Espagnes » in : Françoise AUTRAND, Claude GAUVARD et Jean-Marie MOEGLIN, Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris : Publications de la Sorbonne, 1999, p. 439-462.

    77 MARTIN, « L’escarboucle... », p. 451-453.

    78 Sur la francophobie de Luc et celle de l’auteur de l’Historia legionensis, ibid., p. 453 n. 45 et id., Les Juges de Castille..., p. 399 n. 108 ; voir également P. HENRIET, « Xénophobie et intégration... », p. 39-43.

    79 (Ou Élisabeth), ici pour Constance.

    80 « Imperator Yspanie » (Chronicon, p. 311).

    81 Chronicon, p. 314-315.

    82 « Imperator autem Adefonsus cum in tanta consisteret gloria et corporis egritudine laboraret, fedifragus populus barbarorum se contra illum erexit. Sed imperator, ut erat magnanimus, dissimulans egritudinem cum manu Gotorum maxima contra Mauros perrexit. Qui ut uiderunt eum cum magno exercitu, colla ei illico submiserunt. Sed crescente egritudine dum ad propria rediret, iuxta portum qui uocatur Muradal, in loco qui dicitur Fresneda, Domino, ut credimus, spiritum tradidit anno XL°.IX° ex quo regnare cepit. Sepultusque est in urbe regia Toletana. Priusquam uero moreretur, diuisit imperium suum duobus filiis suis, Sancio scilicet et Fernando. Sancio quidem dedit bellatricem Castellam et Fernando fidelem Legionem et Galleciam », ibid., p. 315-316.

    83 « [Rex Adefonsus] fecit etiam congregari episcopos et omnes barones regni sui in Legione et imponere sibi coronam secundum legem Dei et consuetudinem regum priorum. Ab illa die uocatus est imperator Yspanie », ibid., p. 311. Le couronnement impérial d’Alphonse VII avait bien eu lieu à León, en 1135 ; cependant, la Chronica Adefonsi imperatoris, comtemporaine du règne, de même que la documentation, font progressivement pencher en faveur de Tolède la balance des sympathies du roi. C’est du reste dans cette dernière ville qu’Alphonse voulut reposer ad eternam.

    84 De rebus, VII, 9, p. 230.

    85 Blaise DE MONTESQUIOU-FEZENSAC et Danielle GABORIT-CHOPIN, Le Trésor de Saint-Denis, 3 vol., Paris : A. et J. Picard, 1973-1977, 3, p. 106-108. Dans une lettre de mars 1997, Peter Linehan attirait cependant mon attention sur le symbolisme royal du rubis, dont les Châtiments du roi Sanche IV déclarent qu’il signifie « la bonne connaissance et la bonne mémoire que doit avoir le roi de Dieu et des hommes ».

    86 G. MARTIN, « L’escarboucle de Saint-Denis… », p. 445-450. Ces concordances sont d’autant plus probantes que « version critique », « version sancienne » et Chronique de Castille dérivent séparément du texte primitif de l’Estoire.

    87 Je traduis ici encore le texte édité par Mariano de la Campa (p. 570-571).

    88 Sur le concept fondamental de « naturalité » (naturaleza), voir chapitre 2 de la troisième partie de cet ouvrage ; sur la dimension linguistique, très fondamentale, du « castillanisme » d’Alphonse X, chapitre 1 de sa deuxième partie.

    89 Cf. respectivement Septième partie, Titre III, loi 4 et Titre XI, loi 3.

    90 Cf. Chapitre 3 de la Troisième partie de cet ouvrage.

    91 Chronicon, p. 312-313 : « Tantam illi Dominus gratiam et gloriam contulit, ut omnes Yspaniarum reges et principes Christiani et barbari suo imperio subderentur. Etenim rex Garsias de Nauarra et Raymundus comes Barchilonensis, qui tunc Aragonense regebat regnum, et reges Sarracenorum, scilicet Abephandil et Zaphadola et rex Lupus, uno et eodem tempore eius uasalli fuerunt. In tanto imperii culmine sublimatus nunquam aliquem subditum ui opressit, sed multos de thesauris suis gloriose ditauit [et libertates et inmunitates ecclesiis et oppressis pauperibus contulit] ». Je souligne la disparition dans le propos des historiens alphonsins de la dernière observation de Luc concernant les libertés et les immunités ecclésiastiques…

    92 Memorial histórico español, Madrid : Real Academia de la Historia, 1851, 2, p. 122-135 (p. 133). Traduction latine, destinée à Philippe le Hardi : Georges DAUMET, « Les testaments d'Alphonse X le Savant roi de Castille », Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 67, 1906, p. 70-99 (p. 99). Cf. chapitre unique de la cinquième partie de cet ouvrage.

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