Introduction
Texte intégral
Sortir du labyrinthe ?
1La littérature latino-américaine du xxe siècle est envahie par les labyrinthes. Du fameux essai d’Octavio Paz El laberinto de la soledad (1950) aux multiples dédales mis en scène par Jorge Luis Borges dans ses nouvelles, en passant par le roman de García Márquez consacré à Bolívar, El general en su laberinto (1989), le thème revient de manière obsessionnelle dans les fictions du continent, illustrant à merveille la difficile quête d’identité d’une région à la recherche de son indépendance culturelle. Dans un ouvrage de 1989, c’est ce labyrinthe que l’universitaire Gerald Martin choisissait pour résumer les dilemmes littéraires de l’Amérique latine au siècle dernier : à partir de 1920, le continent aurait vécu son moment « ulysséen », partant comme le héros du roman de Joyce à la recherche de son identité propre, à la faveur d’un phénomène de circulation entre les cultures, les continents et les classes sociales1. Suivant le mouvement moderniste à l’œuvre en Europe et aux États-Unis, notamment grâce aux influences de Joyce et de Faulkner, la littérature latino-américaine serait à son tour entrée dans la modernité, explorant les potentialités nouvelles du langage, remettant en question la temporalité occidentale par le flux de conscience et le monologue intérieur et cherchant à bâtir des romans monstres embrassant l’intégralité de l’expérience humaine. Par ce phénomène, explique Martin, « la région s’est réapproprié l’attention de l’Occident à la fin du xxe siècle […] au travers de ce que l’on pourrait appeler une forme “joycienne” ou “ulysséenne” (ou même bakhtinienne) »2.
2L’ouvrage de Martin est loin d’être un cas isolé. Depuis l’arrivée sur la scène internationale du « boom » latino-américain, au début des années 1960, la critique a presque unanimement vu dans les productions des Fuentes, Rulfo, Carpentier, García Márquez et autres Cortázar « une version sui generis du modernisme européen »3 dont le principal succès aurait été de propulser l’Amérique latine dans le labyrinthe de la modernité, mettant fin à cette impression d’être en retard sur le reste du monde si bien exprimée par Octavio Paz dans son discours de réception du prix Nobel4. Qu’il s’agisse de penser ce moment littéraire comme une entreprise de déconstruction des discours coloniaux et des figures d’autorité, comme le propose Roberto González Echevarría5, d’assumer littérairement la pluralité et la polyphonie culturelles du continent via les théories de Vico et Bakthine, comme le fait Carlos Fuentes6, ou d’opter pour une écriture du baroque et de l’excès7, le boom a le plus souvent été lu comme l’aboutissement d’un chemin vers la complexité narrative, où les récits renoncent au réalisme pour opter pour l’ambition polyphonique et totalisatrice. Comme l’affirme Pascale Casanova dans son ouvrage La république mondiale des lettres, Joyce et Faulkner ont, de ce point de vue, été des auteurs « révolutionnaires », apportant à leurs homologues latino-américains des solutions narratives pour se situer dans la modernité8.
3L’histoire de la littérature latino-américaine, dès lors, se dessine avec une grande clarté ; après avoir vu la domination du réalisme social (réalisme socialiste, « roman de la terre » des Rivera, Güiraldes et Rómulo Gallegos, indigénisme) dans l’entre-deux-guerres, le continent a vu apparaître dans les années 1940 de premières expérimentations anti-réalistes (le fantastique de Borges, Bioy Casares, Arreola ou du premier Cortázar ; le réalisme magique ou le réel merveilleux de Carpentier, Asturias ou Uslar Pietri) s’inspirant du modernisme européen, laboratoire aboutissant à la prise d’autonomie de la littérature continentale dans les années 1960 avec le fameux boom : les grands romans que sont La región más transparente (Carlos Fuentes, 1958), El siglo de la luces (Alejo Carpentier, 1962), La muerte de Artemio Cruz (Fuentes, 1962), La ciudad y los perros (Mario Vargas Llosa, 1963), Rayuela (Julio Cortázar, 1963) et, bien sûr, Cien años de soledad (Gabriel García Márquez, 1967) représenteraient le passage définitif de la fiction latino-américaine à la maturité, par la maîtrise parfaite des nouvelles techniques narratives, l’abandon définitif du réalisme et l’expression supposée d’une identité spécifiquement continentale. C’est bien à une conception quasi téléologique de la fiction latino-américaine, en bonne partie corroborée par les écrivains du boom eux-mêmes (notamment Fuentes et Vargas Llosa, avec l’aide du critique uruguayen Emir Rodríguez Monegal), que l’on a affaire : l’évolution de la littérature latino-américaine y est comprise en termes de progrès, du réalisme nativiste au roman total ouvert à tous les imaginaires, les œuvres des années 1960 constituant ainsi un canon indépassable.
4Un certain nombre de travaux récents ont cherché à faire état d’un tableau plus nuancé chronologiquement, en montrant que cette progression vers le boom avait suivi des étapes plus contrastées9, sans remettre pour autant fondamentalement en cause le récit dominant autour du boom. Ce récit, pourtant, n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes. Le premier d’entre eux est que ces études critiques sont d’abord nées là où le réseau académique était à l’époque le plus important : en France10 et aux États-Unis, bien plus qu’en Amérique latine11. Ce sont donc les centres de la culture littéraire qui se sont en premier emparés de cette littérature, la définissant comme « émergente » et contribuant ainsi à sa reconnaissance internationale. Ces centres sont aussi ceux qui impulsent les modes et les brevets de modernité de la littérature et qui ont, comme l’a montré Pascale Casanova dans sa République mondiale des lettres, « le gigantesque pouvoir de dire ce qui est littéraire et ce qui ne l’est pas, de tracer les limites de l’art littéraire »12. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’en passant la littérature latino-américaine au prisme de leur propre vision universaliste du fait littéraire, ces instances de légitimation centrales n’ont pu qu’en déformer, consciemment ou non, certains enjeux. La reconnaissance critique de la modernité littéraire par les « grands intermédiaires » que sont les élites centrales ne se fait jamais, comme le rappelle Pascale Casanova, sans altération du contenu :
La reconnaissance critique et la traduction sont des armes dans la lutte pour et par le capital littéraire. Cela dit, ces grands intermédiaires sont les plus naïvement investis dans la représentation la plus pure, la plus déshistoricisée, « dénationalisée », dépolitisée de la littérature, les plus fermement convaincus de l’universalité des catégories esthétiques à travers lesquelles ils évaluent les œuvres. Ils sont, autrement dit, les premiers responsables des malentendus et des contresens qui caractérisent les consécrations centrales, contresens qui ne sont qu’un des effets de la cécité ethnocentrique des centres.13
5Cette cécité peut se retrouver dans la volonté d’aligner à tout prix l’histoire de la littérature latino-américaine sur un modèle extérieur, en l’occurrence celui des centres européens et nord-américains. Il ne s’agit pas, évidemment, de nier l’importance de l’influence de Joyce et Faulkner sur les écrivains du boom, qui est réelle. Mais de cette évidence à un alignement du « New Novel » du continent sur le modernisme, il y a un fossé qu’on ne saurait franchir qu’avec une grande méfiance.
6Le second point problématique réside dans la tendance à la généralisation de ce récit critique à toute la littérature latino-américaine à partir de quelques auteurs, souvent les mêmes. La lecture du court chapitre de Casanova consacré à l’Amérique latine est tout à fait révélatrice des courts-circuits argumentatifs que peut créer ce genre de réflexions. Bien qu’ayant une connaissance visiblement approximative de l’ensemble de la littérature latino-américaine14, l’auteur se contente de citer deux références de García Márquez et Vargas Llosa pour prouver que Faulkner n’est pas « l’objet d’une vague admiration », mais « l’inventeur d’une solution spécifique » pour toute la littérature latino-américaine15. Bien sûr, la structure de l’ouvrage de Casanova, qui réfléchit à l’échelle mondiale, rend inévitable l’adoption d’une position de surplomb généralisatrice ; mais ce raisonnement par induction n’en est pas moins problématique, puisqu’il étend à un continent entier une influence supposément révolutionnaire, à partir d’une hypothèse venue non pas de l’étude du continent en question, mais de l’extérieur. En somme, la position de Casanova revient à imposer au continent latino-américain un schéma général, dont la seule justification est la création même de ce schéma. « Faute d’un cadre fixant le calibrage empirique des assertions, il est presque impossible de discuter les postulats de Casanova sur des cas précis »16, souligne avec une grande justesse Jérôme David à ce sujet.
7Consciemment ou non, ces théories opèrent en fait une entreprise de légitimation des formes littéraires, où sont d’abord valorisées les formes exhibant leur ambition par des projets-mondes, des œuvres échappant à toute classification. Pourquoi, par exemple, Gerald Martin cherche-t-il à tout prix à lier Borges à Faulkner, tout en niant les influences de Stevenson, Chesterton ou Wells ? Dire que le goût de l’écrivain argentin pour ces derniers est un « réflexe défensif »17 ne saurait être un argument suffisant, et frôle même l’entreprise de discréditation, en laissant entendre que l’admiration assumée pour des écrivains « secondaires » ne peut être qu’un effet de manches, cachant l’essentiel. Un des points aveugles du raisonnement de Pascale Casanova est aussi cette définition implicite d’un canon d’œuvres qu’il serait digne de considérer dans l’évolution de la littérature mondiale, tout en en excluant d’autres. Le chapitre v de la première partie de La république mondiale des lettres, intitulé « De l’internationalisme littéraire à la mondialisation commerciale », est, à cet égard, extrêmement problématique : Casanova y discrédite toute forme appartenant de près ou de loin à la littérature de genre, vouée aux gémonies de la « world fiction » par le biais d’affirmations caricaturales et, parfois, clairement contestables18. Jérôme David a fait part de sa perplexité devant cette manière d’exclure du canon de réflexion ce qui ne correspond pas aux critères de définition d’une littérature exigeante et sérieuse :
Ces anathèmes remplacent l’analyse critique. Ils condamnent une partie de la « littérature mondiale » au lieu de la prendre pour objet, que la « littérature mondiale » corresponde d’ailleurs à un canon, à une croyance ou à une structure objective. Ils témoignent de ce que le modèle sociologique n’accueille pas avec le même degré de « rupture épistémologique » les œuvres qui sont conformes au goût spontané du sociologue et celles qui ne le sont pas.19
8David montre bien à quel point le raisonnement de Casanova postule des normes littéraires relevant presque du réflexe, ainsi que de la formation bourdieusienne de l’auteur, de sorte que « l’universalité sociologique surimpose en filigrane sa propre littérature mondiale à celle qu’elle prend pour objet »20. Casanova n’est pas la seule à écrire une histoire littéraire selon des normes qui sont, au fond, celles de la modernité européenne : Fuentes, Martin et d’autres semblent incapables de penser la littérature latino-américaine indépendamment d’un cadre d’exigence moderniste, comme s’il était nécessaire de justifier à tout prix le sérieux de celle-ci. Tous expriment ce « désir de distinction dont font preuve désormais les avant-gardes »21, pour reprendre les termes de Ruth Amossy ; il s’agit de « communier dans l’horreur du déjà-vu et du pré-conçu »22, en affirmant que la « grande » littérature est celle qui échappe au stéréotype, qui est originale. Lire la littérature latino-américaine en regard du modernisme occidental relève d’un raccourci critique, imposant une norme qui ne présente, en définitive, qu’une version de l’histoire littéraire.
Pour une contre-histoire de la littérature latino-américaine :
Stevenson, écrivain liminal
9Pour trouver une version différente de cette histoire, c’est vers un autre type de labyrinthe qu’il faut se tourner. Dans une très courte nouvelle de El Aleph, « Los dos reyes y los dos laberintos », Jorge Luis Borges raconte la construction par un roi de Babylonie d’un labyrinthe d’une incroyable complexité, dont il est si fier qu’il y fait se perdre un de ses hôtes, roi des Arabes. Humilié, ce dernier promet à son rival de lui montrer un labyrinthe encore plus complexe : après avoir rasé son royaume, il fait prisonnier le roi de Babylonie et l’abandonne dans le désert, dont il ne peut pas plus s’échapper que du labyrinthe initial. Vincent Message, dans un article très convaincant, suggère que la nouvelle peut être lue comme une parabole permettant à Borges d’opposer sa pratique à celle de Joyce, arguant du fait que le conte est paru dans El Hogar juste après la recension par l’auteur de Finnegans Wake (16 juin 1939)23. Il est vrai que Borges fait part de sa grande perplexité face au livre de Joyce, « ce labyrinthe verbal si complexe » où « l’efficacité reste une exception » (ObC 4, p. 436 ; OeC, p. 1225), à l’image de celui du roi de Babylonie dans la nouvelle. Le roi des Arabes représenterait alors le projet de Borges, mêlant simplicité et efficacité : le désert comme labyrinthe. Il y aurait là, de la part de l’écrivain argentin, une manière de discrètement proposer un autre modèle pour la littérature latino-américaine, tournant le dos aux expérimentations modernistes pour faire le choix d’une fiction différente. Apparaît ici, en filigrane, une forme d’expérimentation que les nouvelles de Borges ne sont pas les seules à développer : des contes fantastiques de Cortázar à ceux d’Arreola, des romans d’anticipation scientifique de Bioy Casares à la fascination de Carpentier pour le roman d’aventures (nulle part plus visible que dans Los pasos perdidos), tout un pan de la littérature latino-américaine à partir des années 1940 ne semble qu’imparfaitement se mouler dans le grand récit ulysséen construit par la critique
10Comment explorer ce labyrinthe borgésien ? Comment décrire, s’il existe, ce récit parallèle de la littérature latino-américaine ? Notre hypothèse, dans cet ouvrage, est que l’une des meilleures façons de faire advenir ce qui, par bien des aspects, s’apparente à une contre-histoire de la littérature latino-américaine est de faire un pas de côté ; d’aller chercher dans une de ces zones obscures de l’histoire littéraire que la critique ne sait pas toujours utiliser une rencontre entre écrivains, et de rendre à cette rencontre l’épaisseur que la postérité lui a refusée. Cette rencontre, en l’occurrence, est celle entre Robert Louis Stevenson et la littérature latino-américaine. Il y a une trentaine d’années, dans une thèse consacrée à l’influence de l’écrivain écossais sur Borges, Daniel Balderston montrait déjà que cette influence, pourtant capitale dans l’œuvre de Borges, n’avait rencontré que l’incompréhension critique24. Trente ans plus tard, le constat est peu ou prou le même. À l’exception de deux articles de Balderston lui-même25, qui n’a continué qu’épisodiquement à parler de Stevenson, la critique se contente de citer par moments l’écrivain écossais dans les influences de Borges, se référant invariablement, dans ces cas, à la thèse de Balderston. Autrement dit, l’apparition de Stevenson dans la galaxie critique borgésienne aura été météorique : aussitôt confirmée, elle semble avoir été classée au nombre des multiples influences dont Borges a parsemé son œuvre. Il semble pourtant, et ce sera là l’hypothèse centrale de ce travail, que c’est au cœur même du déséquilibre qu’il faut aller chercher la fécondité d’une telle rencontre ; ces incompréhensions persistantes, à l’évidence, révèlent quelque chose de l’univers littéraire et des croyances qui y circulent, des conflits de légitimité qui s’y cristallisent, des points de vue critiques qui s’y imposent. En d’autres termes, il est possible que cet événement isolé – la présence importante, dans l’œuvre d’un auteur argentin, d’un auteur écossais le précédant de quelques décennies – soit à remettre en perspective dans le cadre d’une configuration bien plus complexe, mettant au jour des questions qui dépassent très largement celle de la relation entre deux écrivains. Le fait que d’autres écrivains latino-américains, de Pedro Henríquez Ureña à Adolfo Bioy Casares, d’Alfonso Reyes à Alberto Manguel, aient eux aussi lu et admiré Stevenson corrobore ce sentiment qu’il y a là des enjeux plus importants qu’il n’apparaît à première vue. Le présent travail a par conséquent pour ambition, en partant d’une donnée d’histoire littéraire, d’expliquer les raisons possibles de la rencontre entre Robert Louis Stevenson et certains écrivains latino-américains, en suggérant que la stratégie de l’auteur écossais peut expliquer l’expérience menée en parallèle de la « révolution ulysséenne » : une littérature vue non comme un chemin vers une modernité formelle auto-décrétée, mais comme la recherche de formes universelles, pouvant toucher un public le plus large possible sans sacrifier l’exigence du contenu et du style.
11Cette hypothèse trouve un écho dans le tournant spectaculaire pris par les études stevensoniennes depuis une vingtaine d’années, faisant redécouvrir un Stevenson bien plus complexe qu’on ne le croyait, et le resituant surtout au cœur de questions esthétiques et géographiques primordiales dans l’histoire littéraire. Depuis le fameux article de Leonard Woolf intitulé « The Fall of Stevenson », en 192426, la cause de l’écrivain écossais semblait entendue : représentant d’une littérature charmante, mais artificielle et sans profondeur, inadaptée aux tourments politiques et historiques du xxe siècle, Stevenson était vu à la fois comme un romantique attardé et un emblème d’une génération portée sur les valeurs impérialistes. Le titre de l’essai de Woolf s’est avéré prémonitoire, du point de vue universitaire : en l’espace de soixante-dix ans, seules huit monographies ont été écrites sur Stevenson jusqu’à la fin des années 1990, dont deux en allemand et une en français, renvoyant l’auteur dans le camp des écrivains mineurs27. Or, depuis 2001, les études et entreprises critiques autour de Stevenson se multiplient, faisant naître une nouvelle dynamique dont le RLS Website28 et le Journal of Stevenson Studies sont les émanations les plus spectaculaires. Pour la plupart, ces travaux entreprennent de montrer la profonde originalité de l’œuvre stevensonienne, ainsi que sa pertinence à l’aune des enjeux contemporains de la littérature. Les voyages de Stevenson, et notamment son expérience aux Samoa, ont ainsi fait l’objet d’approches postcoloniales, interrogeant sa relation, en tant qu’auteur écossais, à l’autorité impériale29. En France, le travail considérable de Michel Le Bris, qui a édité ou réédité la quasi-intégralité de l’œuvre de Stevenson en plus de lui consacrer une biographie, un numéro des « Cahiers de l’Herne » et un récit semi-biographique30, s’est inscrit dans la volonté de redonner à l’auteur une place centrale dans l’histoire littéraire, non sans une certaine dimension polémique d’opposition à l’establishment parisien. Les travaux de Richard Ambrosini et Richard Dury relèvent de la même ambition, et ont sans doute été les plus décisifs pour définir au mieux l’apport de Stevenson à la littérature31. Dans l’ouvrage collectif issu d’un colloque international sur Stevenson à Gargano (Italie) en 2001, les deux critiques décrivent ainsi en introduction un Stevenson au croisement des cultures :
Nombreuses sont les frontières géographiques et sociales que Robert Louis Stevenson a franchies dans sa vie personnelle. Plus nombreuses encore sont celles qu’il a franchies comme écrivain : en mélangeant les genres, en combinant les éléments de la littérature « sérieuse » et des récits populaires, en introduisant la subjectivité personnelle dans les genres « scientifiques » de la biographie et de l’anthropologie, en en revenant sans cesse à des situations et des personnages difficiles à catégoriser, en passant d’un style d’écriture à l’autre dans un processus d’innovation permanent.
[…] Stevenson, par conséquent, le romancier marginal, nous est progressivement apparu [au cours du colloque] comme un écrivain liminal, un acteur culturel qui, en ouvrant porte après porte, a pris place sur un certain nombre de seuils : ces seuils mettent en contact le royaume de la littérature et le monde de l’expérience, de la politique, de l’histoire.32
12Faire de Stevenson un écrivain « liminal », c’est donc le situer à l’intersection des études littéraires et des études culturelles ; c’est considérer que son œuvre, pour être comprise dans son intégralité, ne peut être seulement étudiée du point de vue de la pure esthétique, mais doit être mise en relation avec les luttes culturelles qui forment la trame de l’univers littéraire. Comme le précisent très bien Ambrosini et Dury, la fécondité de ce point de vue vient avant tout du mouvement qu’il permet de percevoir : ces croisements permanents, ce franchissement répété des frontières, sont la condition sine qua non pour ne pas passer de l’analyse littéraire à un exposé culturaliste, qui enfermerait l’objet d’étude dans ces positions figées que l’on vient d’étudier au sujet de l’Amérique latine. Les « seuils » expérimentés par Stevenson sont en effet de plusieurs types : culturels, puisque Stevenson n’a cessé de porter un regard extrêmement critique sur la culture victorienne et sur son propre pays, tout en ayant une passion sans bornes pour son histoire nationale, paradoxe que Barry Menikoff et Julia Reid ont grandement contribué à expliquer dans deux ouvrages récents33 ; sociaux, en cherchant constamment à définir de nouveaux publics, en écrivant aussi bien pour les milieux littéraires londoniens les plus élitistes que pour des audiences populaires diverses (les émigrants l’accompagnant dans son voyage aux États-Unis en 1879 ; le public enfantin ; les tribus samoanes à la fin de sa vie) ; et enfin génériques, par le travail de variation constante sur les structures utilisées, du roman d’aventures classique au récit historique familial, en passant par le conte fantastique, la fable, le conte populaire ou le récit policier. L’œuvre de Stevenson s’apparente ainsi à un processus de mouvement perpétuel, de mise en question de ce que signifie une identité culturelle et littéraire.
13L’objet de ce travail est donc bien de prolonger ce nouveau regard porté sur Stevenson, mais en prenant le parti que l’exercice de la comparaison permet de rendre encore mieux compte de la pertinence du projet de l’écrivain écossais, justement parce qu’il éclaire la pratique d’auteurs d’une autre culture et d’une autre époque. Les études stevensoniennes, en effet, en restent pour l’instant au défrichement des nombreuses zones d’ombre que recèle encore l’œuvre de Stevenson, mais ne s’aventurent guère dans le domaine de la littérature comparée. Le rapprochement de Stevenson avec d’autres écrivains reste souvent cantonné à l’étude d’influence, ou à la comparaison avec d’autres auteurs de son époque34. Or une démarche comparatiste, au sens large du terme, semble d’autant plus se justifier qu’elle est pour ainsi dire inscrite dans l’œuvre même de Stevenson : le projet décrit ci-dessus n’est rien d’autre qu’un modèle de stratégie littéraire, utilisable pour tout écrivain vivant les mêmes dilemmes culturels. Cela suppose, bien évidemment, d’accepter une lecture dynamique des écrivains en question, de les intégrer au mouvement stevensonien en renonçant à une lecture exclusivement esthétique ou intellectuelle, comme cela a été si souvent fait pour Borges, par exemple. On préférera ainsi le Borges décrit par les travaux essentiels de Ricardo Piglia et Beatriz Sarlo35, ces derniers étant résumés ci-dessous par Carlos Fuentes :
Borges s’est approprié, pour les abandonner ensuite, de nombreuses zones de légitimité […]. Ces appropriations culminent avec l’invention des rives, la frontière entre l’urbain et le rural qui permet à Borges de s’installer, éternel riverain, dans les marges, non seulement de l’histoire argentine, mais des histoires européenne et asiatique dans lesquelles il se glisse comme un marginal, un étranger, un inventeur d’histoires pour et depuis les marges où s’installent les probables absences de toutes les histoires, en tout lieu. Borges étend la marginalité à toutes les cultures, les rendant sœurs de celles de l’Argentine et, par extension, de toute l’Amérique latine.36
14Comment ne pas être frappé, à la lecture de ces lignes, par la similitude avec la description du projet de Stevenson ? La même chose peut se dire de Julio Cortázar, lu par Roberto González Echevarría comme un auteur errant dans un labyrinthe dont il ne peut occuper le centre, et en expérimentant par conséquent les passages et les seuils37. Cette expérience du borderline, de la construction de la fiction autour d’un espace fondamentalement problématique, est, comme l’a bien montré Jean-Claude Laborie, une des grandes nouveautés amenées par le boom dans le rapport de la littérature du continent à l’identité38. La comparaison d’écrivains latino-américains avec Stevenson trouve ainsi sa justification dans cette association d’un parcours intellectuel et d’un projet fictionnel, cette association étant conçue comme une réponse à un dilemme qui n’est pas seulement individuel ; c’est dire que l’écrivain, dans cette optique, n’est pas un créateur isolé, mais le produit de tensions à la fois personnelles et collectives, ces dernières provenant de l’espace géographique dont il est issu.
Questions d’échelle
15Ces remarques rendent nécessaire une problématisation de ce qu’est l’Amérique latine, puisque ce travail se situe en partie à l’échelle continentale. Il y a là une spécificité propre à la région qui explique que notre étude, quand bien même elle s’intéresse à trois auteurs argentins, ne peut se dispenser de penser la question de l’unité du continent. Les écrivains latino-américains eux-mêmes, suivant en cela certains leaders politiques, ont eu tendance à raisonner à cette échelle, et ce dès avant le boom. Pedro Henríquez Ureña, dans son célèbre essai de 1928 Seis ensayos en busca de nuestra expresión (Six essais en quête de notre expression), mettait ainsi en avant la nécessité pour les Latino-Américains de trouver leur identité en priorité au niveau continental, le seul capable de répondre au destin utopique de la région39. D’Alejo Carpentier à Carlos Fuentes, d’Alfonso Reyes à Octavio Paz, cette réflexion à l’échelle supranationale est une constante de la littérature latino-américaine, à laquelle Borges et Cortázar ont amplement contribué, et qui trouve ses sources dans l’héritage linguistique, culturel et historique de la Conquête. La révolution cubaine, en 1959, a été un moment crucial de ce processus : réunis dans la Casa de las Américas, organisation fondée par le gouvernement castriste dès avril 1959, tous les écrivains latino-américains importants ont caressé l’espoir, pendant quelques années, d’arriver à penser et développer la culture au niveau continental.
16Le fait que de nombreux universitaires (notamment Ángel Rama et Emir Rodríguez Monegal) ont participé de près au boom n’a fait que renforcer cette vision continentale des phénomènes littéraires. Certains, comme Gerald Martin, affirment même que l’Amérique latine peut être vue comme « une nation indistincte composée de vingt et une régions et par conséquent bien plus proche des États-Unis qu’on ne pourrait le croire à première vue »40. Une telle affirmation doit être envisagée avec une grande prudence ; prendre l’unité continentale de l’Amérique latine comme un donné, c’est oublier que cette unité a été en partie forgée par la Conquête et le regard occidental (européen et états-unien) sur le continent. Faire de l’Amérique latine une version alternative des États-Unis, c’est aussi, par ailleurs, oublier que la quête continentale d’une identité s’est faite, dans la première moitié du xxe siècle, par la montée en puissance de la pensée nationaliste, en réaction à la culture cosmopolite des anciens colonisateurs et, plus généralement, des centres occidentaux41. Olivier Compagnon rappelle avec justesse la déformation que peut créer le regard occidental sur ce phénomène culturel :
Tenir compte de la singularité des expériences nationales, jouer des échelles pour prendre la mesure des logiques régionales et locales à l’œuvre au sein de ces dernières sont des conditions sine qua non pour ne pas perpétuer la vision européocentrée de l’Amérique latine perçue comme un tout homogène, qui prévalut longtemps dans l’historiographie produite sur le Vieux Continent et qui demeure parfois encore un travers aujourd’hui – par exemple, dans les Latin American Studies anglo-saxonnes.42
17Ce salutaire rappel doit nous amener à ne jamais perdre de vue que, malgré l’importance incontestable de l’échelle continentale dans l’histoire récente de la littérature latino-américaine, cette histoire est aussi celle d’une interaction perpétuelle entre des dynamiques nationales. C’est pourquoi nous reprendrons ici l’idée d’Annick Louis selon laquelle le concept d’Amérique latine doit avant tout se comprendre comme « une perspective qui permet d’organiser des objets, de nommer un environnement, de construire des savoirs, et de produire des récits »43 : une telle approche permet en effet d’interroger le potentiel critique du concept, sans pour autant vouloir à tout prix lui donner une existence territoriale, ni oublier l’existence de l’inscription nationale. Cette dernière, au demeurant, pose également de nombreux problèmes, car elle suppose une coïncidence des frontières géopolitiques et des zones culturelles, alors même que les nations latino-américaines, du fait de leur histoire coloniale, sont caractérisées par des cultures hétérogènes : d’où la difficulté de choisir, comme le rappelle Annick Louis, « entre des histoires nationales et une perspective qui postule l’autonomie des zones culturelles »44.
18Cette question, on le voit, est une source permanente de débats, que ce travail n’a pas vocation à démêler dans le détail. Il est cependant essentiel d’avoir en tête ces enjeux critiques, non seulement pour définir du mieux possible le positionnement des écrivains étudiés, mais aussi pour comprendre les outils critiques qu’eux-mêmes utilisent dans leur réflexion géographique et littéraire. On saisit également, par ce biais, que la nécessité d’inscrire la littérature latino-américaine dans un cadre précis – qu’il s’agisse d’un cadre territorial (continental ou national) ou conceptuel – se heurte systématiquement à une contestation des modalités de définition de ce cadre, qu’on l’estime trop large, trop restreint ou trop dépendant d’un regard occidental. Le danger du regard critique sur l’identité latino-américaine est de reproduire, même inconsciemment, les préjugés occidentaux sur le sujet. En mettant de manière systématique en question l’existence d’une identité, on peut en effet en arriver à diluer celle-ci dans un discours ethnocentrique généralisant. C’est le reproche que l’on peut faire à la position de certains écrivains du boom, si soucieux de prendre du recul par rapport aux identités latino-américaines qu’ils en viennent à effacer la question même de l’identité. Le phénomène est très frappant dans les textes théoriques de Carlos Fuentes, qui n’hésite pas à affirmer sa volonté de briser la relation littérature / nation : « dans un monde qui n’a pas de centre », écrit-il, « nous sommes tous périphériques, ce qui est peut-être la seule façon d’être aujourd’hui universels »45. La seule identité qui subsiste serait celle permise par la littérature, identité forcément universellement partagée : c’est ce qu’il appelle « la nation nommée roman », expression qu’un ouvrage collectif a récemment cherché à interroger46. Ce cosmopolitisme assumé n’est pas propre à Fuentes : il se retrouve dans des textes de Vargas Llosa, Borges, Cortázar, Paz et autres éminents représentants du boom ou de ses prémices. Il s’agirait de s’autoriser à considérer la littérature indépendamment de son inscription nationale, comme le font les centres occidentaux : se positionner, en somme, au sein de cette « aristocratie transnationale » dont parle Pascale Casanova qui, « arrachant les textes aux clôtures et aux cloisonnements littéraires, impos[e] une définition autonome (c’est-à-dire non nationale, internationale) des critères de la légitimité littéraire »47. La prise de conscience de cette possible autonomie est l’un des apports principaux de Borges à la littérature latino-américaine, dont la conception « implique le fait d’écarter toute subordination de la littérature à des conceptions qui viennent d’autres sphères ; il s’agit pour la littérature de générer sa propre idéologie et ses propres valeurs »48. Cette leçon, mise en œuvre avec l’aide de Bioy Casares, a bien été retenue par Cortázar au début de sa carrière, où il a fait du positionnement de Borges un modèle pour sa propre conception de la littérature.
19Le risque, ici, serait d’accepter sans discussion ce point de vue, en le reproduisant au sein de l’analyse critique. Pour le dire différemment, on ne peut raisonnablement considérer ces positions autrement que comme des croyances littéraires, qui reproduisent (consciemment ou non) des postures organisant l’univers littéraire. Cela ne signifie pas, bien au contraire, que ces croyances n’ont pas d’effet : l’influence de Borges sur tous les écrivains de l’époque en est la preuve. Mais une étude rigoureuse ne peut faire l’économie d’une mise en question de ces positions, en les passant au tamis de l’expérience réelle. La posture cosmopolite de Fuentes ou Vargas Llosa, pour prendre un seul exemple, ne résiste pas à la comparaison de leurs pratiques diplomatiques et esthétiques, comme l’a bien montré Marcos Eymar Benedicto49. Comme précisé plus haut, posture et stratégie, en littérature, se recouvrent rarement. Ce sont ces contradictions, parfois tout à fait sciemment mises en scène – dans le cas de Borges, notamment – que nous souhaitons étudier ici : comment se cristallisent, au cœur des débats continentaux, les dilemmes individuels d’écrivains, à la recherche de leur propre réponse à cette quête d’identité. Non pas, donc, définir des écrivains « nationalistes », « cosmopolites », « transculturateurs » ou autres termes de la même eau, mais suivre leur parcours à travers ces concepts figés, pour mieux en rendre l’originalité.
Borges, Bioy Casares, Cortázar : 1935-1955, une expérience esthétique
20L’étude de ces stratégies nécessite de définir très clairement leurs limites chronologiques, tout au moins pour les trois auteurs argentins. Celles-ci ne représentent en effet qu’un épisode de l’histoire de la littérature latino-américaine du xxe siècle et qu’une étape dans l’œuvre même des auteurs concernés. Il est frappant de constater que la critique sur Borges, Bioy Casares et Cortázar s’accorde à voir dans leurs œuvres des ruptures qui, mises en comparaison, font apparaître des bornes chronologiques assez nettes.
21On sait que Borges a raconté, à plusieurs reprises, avoir changé complètement de style à partir de l’accident de la Noël 1938 qui a failli lui coûter la vie : de la poésie ultraïste de sa jeunesse, il serait passé au conte fantastique. En réalité, comme le remarque Emir Rodríguez Monegal, Borges a comme souvent réécrit l’histoire : « l’accident », dit le critique, « provoqua effectivement une transformation : non pas en tant que cause originelle, mais comme produit final d’une longue et complexe métamorphose »50. On peut faire remonter cette métamorphose au tout début des années 1930 : après le recueil Cuaderno San Martín (1929), Borges renonce un temps à la poésie et cherche à construire une nouvelle esthétique. « C’est à cette période », écrit Rodríguez Monegal, « qu’il dut comprendre que pour réussir à inventer une nouvelle écriture il lui fallait inventer un nouveau type de lecteurs »51 ; c’est également à cette période qu’il rencontre Adolfo Bioy Casares (en 1931 ou 1932), Silvina Ocampo (en 1934) et José Bianco (en 1935), qui auront tous une grande influence sur la réinvention de son esthétique. Pendant toute la décennie, il repense sa façon d’écrire par des essais (notamment « La postulación de la realidad » et « El arte narrativo y la magia », dans Discusión, paru en 1932), des nouvelles inspirées par la littérature de genre (« Hombre de la esquina rosada », en 1933, puis les nouvelles qui composent la Historia universal de la infamia, publiée en 1935), des anthologies (notamment la Antología de la literatura fantástica, éditée avec Bioy et Silvina Ocampo en 1940, et Los mejores cuentos policiales, avec Bioy en 1943) et des expériences éditoriales pour toucher un public plus large52. Ce processus aboutit à la publication des deux recueils de nouvelles qui le rendront célèbre, Ficciones (1944) et El Aleph (1949). Ce dernier recueil, paradoxalement, marque aussi la fin d’une époque : au début des années 1950, après la traduction de Ficciones en français (sous le titre Fictions, 1951) et la publication des Otras inquisiciones (1952), Borges devient immensément célèbre, en même temps qu’il perd progressivement la vue au point d’être, aux alentours de 1955, presque entièrement aveugle. L’écriture de prose d’une certaine longueur devenant compliquée, il revient à la poésie et abandonne les nouvelles fantastiques jusqu’au début des années 1970. Ces années forment en quelque sorte l’arc central de la carrière de Borges, qui va d’un recueil d’essais à l’autre : de Discusión en 1932 à Otras inquisiciones en 1952, vingt ans de la production littéraire de Borges sont consacrés à une expérience littéraire qui rappelle beaucoup celle de Robert Louis Stevenson par son « exploration des possibilités de croisements entre les techniques et les recours de divers genres »53 et sa mise à distance des critères nationaux et identitaires.
22Cette expérience littéraire se fait avec la complicité d’Adolfo Bioy Casares, qui construit dans les mêmes années une œuvre personnelle suivant les mêmes principes esthétiques. Cette œuvre est parfaitement complémentaire avec celle de Borges, au sens où ce dernier n’utilise que les formes brèves et assure les fondations théoriques de l’entreprise, alors que Bioy Casares privilégie le roman. Avec La invención de Morel (1940) et Plan de evasión (1945), il utilise, comme Borges, la littérature de genre et les croisements hybrides qu’elle permet – en l’occurrence, les formes policières et fantastiques – pour créer un type de fiction que l’Amérique latine pratique très peu à l’époque. À l’image de Borges, Bioy Casares, au tournant des années 1940, change légèrement son approche : lui-même affirme avoir senti une métamorphose dans son écriture vers 1947-1948, après avoir découvert Proust, lors de la rédaction d’une nouvelle du recueil La trama celeste54. Sa fiction quitte le domaine du pur imaginaire pour devenir plus urbaine, ce que fait ressentir son roman El sueño de los héroes, dont il commence la rédaction en 1949, et qui est publié en 1954. El sueño de los héroes « marque un tournant dans la production romanesque » de Bioy Casares, comme le remarque Michel Lafon (Rom, p. 171) ; à partir de ce moment, elle va s’éloigner de la simplicité formelle des littératures de genre et aller vers une plus grande prolifération dialogique, en même temps qu’elle cherche désormais presque systématiquement à représenter Buenos Aires.
23Pour ne pas limiter la comparaison à la galaxie borgésienne, qui a déjà été largement étudiée55, et garantir la réussite d’une perspective élargie, il est nécessaire d’ajouter à ce duo l’expérience vécue par Julio Cortázar, dans la même période. D’autres auteurs latino-américains de l’époque auraient pu être rapprochés de la pratique stevensonienne, mais au risque de la redondance avec l’étude de Borges et Bioy Casares (José Bianco, par exemple, qui fait partie du groupe réuni autour de Sur), ou d’un corpus trop limité : pensons à Alejo Carpentier, qui publie en 1953 Los pasos perdidos, roman entièrement inspiré de la structure du roman d’aventures, mais dont le reste de la production est trop éloignée du modèle qui est le nôtre. Cortázar est à la fois suffisamment indépendant du groupe borgésien pour que notre travail ne retombe pas dans l’étude d’un mouvement de pensée, et assez proche de toutes les problématiques développées pour donner une épaisseur supplémentaire à l’analyse. Comme Stevenson et, en un sens, comme le Borges des années 1930, Cortázar a commencé par l’essai, aux alentours de la Seconde Guerre mondiale, avant de mettre en place une esthétique réfléchie et maîtrisée. Comme pour Bioy Casares, c’est cette première étape de son œuvre qui nous intéresse ici, que lui-même qualifie, dans ses cours de littérature donnés à Berkeley, d’étape esthétique56. En 1951, puis en 1956, Cortázar publie deux recueils de nouvelles, Bestiario et Final del juego, qui participent de la même ambition esthétique que les textes de Borges et Bioy Casares : un travail sur les conventions génériques, porté par un idéal de concision stylistique et le recours fréquent à un imaginaire ne trouvant pas forcément sa source dans la culture latino-américaine. « Ce qui m’importait réellement, c’était le mécanisme du conte, ses éléments fondamentalement esthétiques »57, affirme-t-il. De l’avis général – le sien, et celui de la critique –, c’est la longue nouvelle « El perseguidor » qui fonctionne comme un « partage des eaux de son œuvre narrative »58. Écrit en 1955-1956, ce texte, évocation du destin tragique du musicien Charlie Parker, marque l’inflexion de l’œuvre de Cortázar vers ce qu’il nomme une étape « métaphysique », où son intérêt pour la psychologie s’exprime dans une veine beaucoup plus expérimentale qui l’amène à une « œuvre-monde » : le roman culte Rayuela, publié en 1963, qui entérine son basculement vers une écriture bien plus proche des leçons modernistes que ses deux premiers recueils de contes59.
24De 1932 à 1952 pour Borges, de 1940 à 1948 pour Bioy, du début des années 1940 à 1955-1956 pour Cortázar : on voit que ces trois périodes se chevauchent et renvoient l’image d’un moment où trois auteurs tentent, au cœur d’une littérature latino-américaine en profonde mutation, une expérience semblable de la fiction, dont les principes sont très proches de ceux définis, plus d’un demi-siècle auparavant, par Robert Louis Stevenson. On remarquera aussi que ce moment « stevensonien » se situe dans cette période de transition qui précède immédiatement l’apparition du boom, dont on a vu plus haut qu’on pouvait la situer à la jonction des années 1950 et 1960. C’est dire que ces expériences que nous chercherons à étudier ici ne se présentent pas comme un contre-modèle de ce qu’est le boom – l’évolution de Cortázar doit justement permettre de montrer qu’il n’y a pas là de contradiction indépassable – mais plutôt comme une manière de contester la vision chronologique dominante, qui fait des années 1960 l’apogée d’une maîtrise progressive des leçons du modernisme. On cherchera donc à redonner à la période 1935-1955 une plus grande diversité esthétique, en démontrant que s’y exprime au moins une alternative à la vision téléologique de l’avènement de la littérature latino-américaine. Notons également que c’est pour cette raison qu’il est inévitable de situer cette analyse au niveau continental, en évitant la tentation que peut présenter le choix de ces auteurs : ce n’est pas seulement une particularité de l’Argentine ou du Río de la Plata qu’il s’agit d’étudier, contrairement à l’optique choisie par certains critiques60, mais bien une stratégie esthétique au niveau continental, puisque c’est à cette échelle que pensent les auteurs en question.
25Précisons enfin que si le corpus d’étude sera principalement composé des œuvres citées ci-dessus ainsi que des nombreux textes théoriques écrits durant cette période par Borges, Cortázar et, plus rarement, Bioy Casares, nous tenterons également de mettre à distance l’idée que le temps de la réflexion critique et le temps de l’écriture fictionnelle marchent au même rythme : c’est pourquoi on trouvera dans ce travail de nombreux jugements postérieurs des écrivains sur leur situation dans la période en question, jugements qui peuvent être tout aussi fructueux, si ce n’est plus, que ceux écrits sans le recul historique. En ce qui concerne Robert Louis Stevenson, il est difficile de privilégier une partie de son œuvre plus qu’une autre, que ce soit selon des critères chronologiques ou thématiques. Tout l’intérêt de l’œuvre de Stevenson réside justement dans la variété de sa pratique, dans les déplacements permanents qui l’amènent à être cet « écrivain liminal » mentionné plus haut. Délimiter un corpus, c’est se priver de cette richesse qui, on l’a vu, est au fondement de ce travail. Nous tenterons donc, dans la mesure du possible, de saisir le modèle stevensonien à partir d’un large panorama de son œuvre, théorique comme fictionnelle, en ayant bien conscience de l’impossibilité d’un tableau exhaustif. On laissera ainsi de côté certains essais au caractère de réflexion littéraire ou esthétique moins évident (on en trouve notamment un certain nombre dans Virginibus puerisque), ou des romans dont l’intérêt s’avérait moindre pour notre sujet (The Black Arrow ou Prince Otto, entre autres).
*
26Suivant la logique de ces propos introductifs, cette analyse s’articulera en cinq chapitres. On cherchera tout d’abord à replacer les quatre auteurs dans le contexte géographique, historique et littéraire qui a été le leur, afin de faire apparaître les similitudes des enjeux nationaux et continentaux de chaque époque. Cette étude contextuelle permettra à la fois de mettre en valeur la présence de Stevenson dans la littérature latino-américaine du xxe siècle et de dégager une première image des positionnements de chaque auteur dans l’univers littéraire mondial. Cela nous conduira à étudier en détail l’un des ressorts principaux du processus stratégique qui découle de ces positionnements : l’opposition au réalisme, perçu comme l’ennemi à partir duquel tout projet fictionnel doit se définir (chapitre 1).
27Dans un deuxième temps, nous étudierons comment cette relation complexe à l’identité s’accompagne d’une stratégie générique extrêmement pensée, que l’on opposera au discours dominant sur la littérature latino-américaine évoqué ci-dessus. Cette stratégie repose sur des convictions théoriques contestant presque systématiquement les codes en vigueur à l’époque, et jouant sur la provocation et la critique face à la modernité. Cette façon de mettre en avant la possibilité d’une histoire littéraire alternative se traduit fictionnellement par des hybridations textuelles, qu’on cherchera à ne pas cantonner à leur dimension ludique : il s’agira en effet de montrer que ces projets portent en eux une grande ambition esthétique, exprimée à la fois théoriquement et fictionnellement (chapitre 2). Ces remarques nous amèneront à faire l’hypothèse que la stratégie littéraire de nos auteurs peut se matérialiser dans plusieurs formes, qui se croisent et s’alimentent : la littérature de genre (chapitre 3), la fable (chapitre 4) et le récit épique (chapitre 5), autant de structures qui mettent en jeu une relation complexe au roman et à son autre, dissimulé dans les textes de notre corpus, la poésie.
Notes de bas de page
1 G. Martin, Journeys through the Labyrinth : Latin American Fiction in the Twentieth Century, Londres, Verso, 1989.
2 Ibid., p. 30.
3 G. Martin, « The novel of a continent : Latin America », The Novel, 1. History, Geography, and Culture, F. Moretti éd., Princeton, Princeton University Press, 2006, p. 661.
4 O. Paz, La quête du présent. Discours de Stockholm, traduction J.-Cl. Masson, Paris, Gallimard, 1991.
5 R. G. Echevarría, Mito y archivo : una teoría de la narrativa latinoamericana, Mexico, Fondo de cultura económica, 2000 ; et La voz de los maestros. Escritura y autoridad en la literatura latinoamericana moderna, Madrid, Verbum, 2001.
6 C. Fuentes, Le sourire d’Érasme : épopée, utopie et mythe dans le roman hispano-américain, traduction d’È.-M. Fell et Cl. Fell, Paris, Gallimard, 1992.
7 J. -Cl. Laborie éd., Excessives Amériques. Héritage et transfert culturel, Paris, Desjonquères, 2011 ; J. Ortega, El discurso de la abundancia, Caracas, Monte Ávila Editores, 1990 ; I. Chiampi, Barroco y modernidad, Mexico, Fondo de cultura económica, 2001.
8 P. Casanova, La république mondiale des lettres, Paris, Seuil, 2008, notamment p. 477-478.
9 Voir par exemple L. Aubague, J. Franco et A. Lara-Alengrin éd., Les littératures en Amérique latine au xxe siècle : une poétique de la transgression ?, Paris, L’Harmattan, 2009 ; ou F. Delprat, J.-M. Lemogodeuc et J. Penjon éd., Littératures de l’Amérique latine, Aix-en-Provence, Édisud, 2009.
10 Voir S. Molloy, La diffusion de la littérature hispano-américaine en France au xxe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1972.
11 Et ce même si les critiques les plus en vue étaient eux-mêmes latino-américains : Emir Rodríguez Monegal a enseigné à Yale (1969-1985), Ángel Rama à Princeton et Maryland (1979-1983), Roberto González Echevarría à Yale et Cornell (depuis 1970), pour ne prendre que trois noms parmi les plus connus.
12 P. Casanova, La république mondiale des lettres, ouvr. cité, p. 46.
13 Ibid., p. 46.
14 Il est particulièrement surprenant de croiser une affirmation comme « dès les années 70, c’est-à-dire dès les prémisses du “boom” », alors que le boom se termine justement dans les années 1970 (P. Casanova, La république mondiale des lettres, ouvr. cité, p. 452).
15 Ibid., p. 477-478.
16 J. David, « Pour une macrohistoire de la littérature mondiale », Où est la littérature mondiale ?, C. Pradeau et T. Samoyault éd., Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2005, p. 124.
17 G. Martin, Journeys through the Labyrinth, ouvr. cité, p. 156.
18 Il est difficile d’accepter, par exemple, un jugement aussi définitif que celui faisant du roman d’aventures « une version occidentale du roman néo-colonial » (P. Casanova, La république mondiale des lettres, ouvr. cité, p. 248).
19 J. David, Spectres de Goethe, Paris, Les Prairies ordinaires, 2011, p. 251-252.
20 Ibid., p. 250.
21 R. Amossy, Les idées reçues : sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, 1991, p. 77.
22 Ibid.
23 V. Message, « Les deux rois et les deux labyrinthes : J. L. Borges, J. Joyce et l’idée d’efficacité romanesque », Littérature, no 153, mars 2009, p. 3-18.
24 D. Balderston, El precursor velado : Robert Louis Stevenson en la obra de Borges, Buenos Aires, Editorial sudamericana, 1985.
25 D. Balderston, « Murder by suggestion : El sueño de los héroes and The Master of Ballantrae », Robert Louis Stevenson : Writer of Boundaries, R. Ambrosini et R. Dury éd., Madison, University of Wisconsin Press, 2006, p. 348-358 ; et « A projected Stevenson anthology (Buenos Aires, 1968-1970) », Variaciones Borges, vol. 23, 2007, p. 173-182.
26 L. Woolf, « The fall of Stevenson », Essays on Literature, History, Politics, etc., Londres, Hogart Press, 1927, p. 33-43.
27 Dans l’ordre chronologique : D. Daiches, Robert Louis Stevenson and his World, Connecticut, New Directions Books, 1947 ; R. Kiely, Robert Louis Stevenson and the Fiction of Adventure, Cambridge, Harvard University Press, 1964 ; E. M. Eigner, Robert Louis Stevenson and Romantic Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1966 ; H. Dölvers, Der Erzähler Robert Louis Stevenson. Interpretationen, Berne, Francke, 1969 ; I. Saposnik, Robert Louis Stevenson, New York, Twayne, 1974 ; J.-P. Naugrette, Robert Louis Stevenson : l’aventure et son double, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1987 ; B. Niederhoff, Erzähler und Perspektive bei Robert Louis Stevenson, Würzburg, Königshausen und Neumann, 1994 ; A. Sandison, Robert Louis Stevenson and the Appearance of Modernism, Londres, Macmillan, 1996.
28 Consultable en ligne : [http://robert-louis-stevenson.org/].
29 A. C. Colley, Robert Louis Stevenson and the Colonial Imagination, Aldershot, Ashgate, 2004 ; O. S. Buckton, Cruising with Robert Louis Stevenson : Travel, Narrative, and the Colonial Body, Athens, Ohio University Press, 2007 ; R. Jolly, Robert Louis Stevenson in the Pacific : Travel, Empire, and the Author’s Profession, Farnham, Ashgate, 2009.
30 Respectivement Robert Louis Stevenson : les années bohémiennes, 1850-1880, Paris, NiL, 1994 ; Robert Louis Stevenson, Paris, Éditions de L’Herne (Cahiers de L’Herne, no 66), 1995 ; et La porte d’or, Paris, Seuil, 2010.
31 On citera ici la monographie de Richard Ambrosini (La prosa del romanzo, Rome, Bulzoni Editore, 2001) et les deux ouvrages collectifs co-dirigés par les deux auteurs (Robert Louis Stevenson : Writer of Boundaries, ouvr. cité ; et European Stevenson, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars, 2009). Pour les articles de chacun, nous renvoyons à la bibliographie générale.
32 R. Ambrosini et R. Dury, Robert Louis Stevenson : Writer of Boundaries, ouvr. cité, p. xiii-xiv.
33 B. Menikoff, Narrating Scotland : the Imagination of Robert Louis Stevenson, Columbia, University of South Carolina Press, 2005 ; J. Reid, Robert Louis Stevenson, Science, and the Fin de siècle, New York, Palgrave Macmillan, 2006.
34 Voir par exemple le collectif dirigé par Gilles Menegaldo et Jean-Pierre Naugrette, R. L. Stevenson et A. Conan Doyle. Aventures de la fiction, Rennes, Terre de brume, 2003.
35 Voir en particulier R. Piglia, Crítica y ficción, Barcelone, Editorial Anagrama, 2001 ; et B. Sarlo, Borges, un escritor en las orillas, Buenos Aires, Seix Barral, 2003.
36 C. Fuentes, Géographie du roman, traduction C. Zins, Paris, Gallimard, 1997, p. 50.
37 R. González Echevarría, La voz de los maestros, ouvr. cité, chapitre 7. Cortázar est également perçu comme écrivain « liminal » dans D. Moran, Questions of the Liminal in the Fiction of Julio Cortázar, Oxford, Legenda, 2000.
38 J.-Cl. Laborie, « Le borderline, ou l’expérience intime de la frontière chez Faulkner, Guimarães Rosa et Saer », La nation nommée Roman face aux histoires nationales, D. Perrot-Corpet et L. Gauvin éd., Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 131-140.
39 P. H. Ureña, La utopía de América, Caracas, Biblioteca Ayacucho, 1978.
40 G. Martin, « The novel of a continent : Latin America », art. cité, p. 645.
41 Voir sur la question E. Devés Valdés, El pensamiento latinoamericano en el siglo xx. Entre la modernización y la identidad, Buenos Aires, Biblos, 2000 ; et P. Funes, Salvar la nación. Intelectuales, cultura y política en los años veinte latinoamericanos, Buenos Aires, Prometeo Libros, 2006.
42 O. Compagnon, L’adieu à l’Europe. L’Amérique latine et la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2013, p. 321-322.
43 A. Louis, « États de fiction, fictions d’États », Fiction et cultures, F. Lavocat et A. Duprat éd., Paris, SFLG, 2010, p. 213.
44 Ibid., p. 214.
45 C. Fuentes, Géographie du roman, ouvr. cité, p. 21.
46 D. Perrot-Corpet et L. Gauvin éd., La nation nommée Roman face aux histoires nationales, ouvr. cité.
47 P. Casanova, La république mondiale des lettres, ouvr. cité, p. 45.
48 A. Louis « États de fiction, fictions d’États », art. cité, p. 218.
49 M. Benedicto Eymar, « Des ambassadeurs sans pays ? », La nation nommée Roman face aux histoires nationales, ouvr. cité, p. 295-307.
50 E. Rodríguez Monegal, Jorge Luis Borges : biographie littéraire, traduction A. Delahaye, Paris, Gallimard, 1983, p. 381.
51 Ibid., p. 274.
52 Sur le travail éditorial de Borges dans les années 1930, voir A. Louis, Jorge Luis Borges : œuvre et manœuvres, Paris, L’Harmattan, 1997.
53 Ibid., p. 28.
54 D. Martino, ABC de Adolfo Bioy Casares : reflexiones y observaciones tomadas de su obra, Buenos Aires, Emecé, 1989, p. 198.
55 Voir par exemple M. T. Gramuglio, « Borges, Bioy y Sur », Anthropos, no 127, décembre 1991, p. 65-73.
56 J. Cortázar, Clases de literatura. Berkeley, 1980, Buenos Aires, Alfaguara, 2013, p. 19.
57 Ibid.
58 S. Sosnowski, Cri, p. 20. Sur ce tournant, voir également M. Herráez, Julio Cortázar. El otro lado de las cosas, Valence, Institució Alfons el Magnànim, 2001, p. 139-141.
59 Cortázar voit dans son œuvre une troisième étape « historique », qui suit directement Rayuela (Clases de literatura, ouvr. cité, p. 21) : avec l’engagement aux côtés de la révolution cubaine, son œuvre prend un tournant plus politique à partir du milieu des années 1960. Pour Ricardo Piglia, cette troisième étape marque aussi la fin de l’intérêt artistique de l’œuvre de Cortázar : « […] en un sens, il n’écrit déjà plus ; il se consacre exclusivement à répéter ses vieux clichés et à répondre aux demandes stéréotypées de son public » (Crítica y ficción, ouvr. cité, p. 47).
60 Voir par exemple D. Balderston, « De la Antología de la literatura fantástica y sus alrededores », El oficio se afirma, historia crítica de la literatura argentina, S. Saítta éd., Buenos Aires, Emecé, vol. 9, 2004, p. 217-227 : Balderston y dégage peu ou prou la même chronologie (de 1940, année de parution de la Antología de la literatura fantástica, au tournant représenté par El sueño de los héroes et « El perseguidor ») mais restreint l’expérience au fantastique argentin.
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