« Être homme » : Manhood et histoire politique du Moyen Âge. Quelques réflexions sur le changement et la longue durée1
p. 47-66
Texte intégral
L’histoire de la masculinité en politique
1Comment aborder le rôle de la masculinité en politique ? D’emblée, il est clair que nous pouvons comprendre l’objet de notre étude, la « masculinité », de nombreuses manières. En raison, notamment, de la flexibilité du concept, les travaux des vingt dernières années sur l’histoire de la masculinité ont produit une multitude d’approches historiques1. S’inspirant de ces travaux, certains spécialistes de la politique au Moyen Âge ont développé de nouvelles méthodes d’enquête en s’appuyant sur des cadres théoriques divers, soit issus de la discipline historique, soit extérieurs à celle-ci. C’est pourquoi l’étude de la masculinité dans l’histoire politique médiévale a pris des formes variées.
2De nombreux historiens qui se sont intéressés à la masculinité ont adopté ce qu’on pourrait appeler une approche psychologique, abolissant la frontière traditionnelle entre public et privé2. Influencés par les travaux de l’anthropologue David Gilmore3, et grâce à des notions tirées plus ou moins directement de la psychanalyse, plusieurs auteurs ont abordé la question de la masculinité en analysant le rôle de la sexualité4 et des rivalités entre générations5 dans la pratique politique.
3Dans une démarche apparentée mais distincte, d’autres chercheurs ont adopté ce que l’on pourrait appeler une approche sociologique, définissant la masculinité comme un rôle social lié au sexe masculin. Cette approche présente l’avantage de reconnaître la diversité des rôles dévolus aux hommes. Comme l’a théorisé Robert Connell, elle admet l’éventualité qu’un de ces rôles puisse être dominant et constituer une « masculinité hégémonique » subordonnant les masculinités culturellement moins valorisées6. En histoire, cette approche fait valoir que lorsque les circonstances vont à l’encontre d’une masculinité dominante établie, il peut s’ensuivre une véritable crise de la masculinité : c’est-à-dire une période de tension et d’anxiété quant à la vraie nature de la masculinité, qui peut aboutir à une restructuration de la hiérarchie entre des masculinités différentes7. Elle a beaucoup influencé les historiens de l’époque médiévale travaillant sur la période située entre l’an 900 et l’an 1150, qui ont élaboré une thèse générale ayant des conséquences politiques. Au cours de cette période, avancent-ils, les anciens rôles masculins ayant cours parmi les élites politiques laïques ont été remis en question par l’élan réformiste de l’Église. Une masculinité laïque noble, fondée sur la violence et sur l’activité sexuelle productrice d’héritiers, s’est vue dénier sa prééminence, cet état de fait ayant engendré une anxiété sur la nature des hommes, voire une crise de la masculinité8. À la même époque, les hommes d’Église confrontés à l’imposition renouvelée du célibat des prêtres et des préceptes cléricaux de non-violence ont dû trouver d’autres manières d’être hommes9.
4Les historiens de la politique médiévale tendent désormais à compléter ces deux démarches par une troisième, qualifiée d’« historico-culturelle »10. Progressivement, les travaux des spécialistes de la littérature et de l’histoire des idées sur les concepts de genre que l’on trouve dans les ouvrages médicaux, philosophiques et littéraires médiévaux11, ont commencé à faire leur chemin dans l’histoire de la politique12. À ce jour, ce développement est, néanmoins, balbutiant.
5Plus encore peut-être pour la politique que dans d’autres champs historiques, l’étude de la masculinité médiévale a longtemps renvoyé à des méthodes issues des sciences sociales de la fin du XXe siècle, plutôt qu’aux concepts culturels des sociétés du passé. Les mentalités ont longtemps été centrales en histoire médiévale, mais (sans doute par réaction) les écrits sur la politique ne traitent que brièvement des concepts médiévaux et passent rapidement au débat sur la compétition entre masculinités rivales, par exemple, ou au rôle de la sexualité en politique.
6C’est regrettable à plusieurs titres. En premier lieu, il convient de souligner que les sources narratives qui servent encore d’ossature à de nombreux travaux sur la politique au Moyen Âge, s’avèrent d’emblée profondément imprégnées de concepts fondés sur le genre. Or, les historiens ont oscillé entre deux attitudes opposées : soit faire disparaître le contenu sexué de la terminologie médiévale, soit l’inverse, qui consiste à importer accidentellement des préjugés actuels. Le problème est en partie une question de traduction. Faut-il traduire l’adverbe viriliter, ou ses équivalents en langue vulgaire, par « virilement », introduisant ainsi une foule d’associations étrangères au Moyen Âge, ou par « vaillamment », en oubliant alors le symbolisme sexué qu’il recèle et tout ce qu’il implique ? Si le substantif virtus est traduit par « vertu », il perd alors son lien avec vir, mais s’il est traduit par « virilité », on risque de se priver de ses connotations médiévales tout en introduisant des notions contemporaines pas vraiment équivalentes, par exemple en établissant un lien incontestable avec la sexualité, pourtant très secondaire dans le terme virtus. Il ne suffit donc pas de traduire. Il faut aborder également les notions médiévales de la masculinité selon les concepts de l’époque, ne serait-ce que pour comprendre nos sources. Sans cette démarche préliminaire et fondamentale, il est impossible de savoir si, par exemple, l’épithète manly ou le substantif manhood, fréquents dans les textes anglais de la fin du Moyen Âge, ont quoi que ce soit à voir avec la sexualité ou l’incarnation de rôles masculins idéaux.
7Au-delà de ces questions de méthodologie, l’enjeu plus fondamental est de comprendre un objet d’étude à cheval sur l’histoire de la sexualité et sur l’histoire des rôles sociaux masculins, mais qui ne se réduit pas à ces derniers. Les représentations construites autour de termes tels que vir, viriliter, virtus et même homo et humanitas, ont une influence sur les concepts de genre des sociétés médiévales – et pas uniquement parmi les gens instruits –, une influence dont la résonance a évolué au fil du temps, et qui s’est déployée différemment selon le milieu social. Dans le recours à ces vocables et aux concepts qu’ils recouvrent dans la pratique politique, on discerne à la fois une nette continuité et des évolutions à moyen terme que les premières histoires générales de la masculinité ont eu tendance à négliger ou à traiter, au mieux, comme des phénomènes secondaires. Dans cet article, j’aimerais ébaucher un mode d’étude de ces phénomènes et tenter d’analyser ce qu’une telle étude peut apporter à notre compréhension de la masculinité en politique.
Une étude de cas : Richard II et la manhood
8Pour commencer, il semble utile de passer du général au particulier en étudiant un exemple précis. C’est dans le cadre d’un projet de recherche sur l’histoire politique de l’Angleterre de la fin du Moyen Âge que l’usage politique de la masculinité a éveillé mon intérêt. Je m’intéressais particulièrement au recours à une certaine rhétorique dans les controverses politiques sous le règne de Richard II (1377-1399)13, qui monta sur le trône à l’âge de dix ans. Au moment de sa destitution quelque vingt ans plus tard, Thomas Arundel, archevêque de Canterbury, Fit valoir que Richard n’était qu’un garçon (puer), tandis que celui qui l’avait supplanté était un homme (vir)14. Et ce en dépit du fait que Richard II comme son usurpateur, Henry IV, avaient le même âge, trente-deux ans. À la même époque, un moine chroniqueur dépeignait le roi destitué comme féminin d’allure, et un certain nombre de chroniqueurs et auteurs littéraires le décrivaient sous les traits d’un jeune débauché, détourné de la voie de la raison par les conseils des jeunes gens15.
9L’image de Richard II dans l’historiographie moderne doit encore beaucoup à la réputation de non-masculinité que ces textes ont contribué à établir. Pour ses détracteurs, c’est un francophile décadent, obsédé par la culture de cour et les idées absolutistes. Pour ses partisans, c’est un adversaire visionnaire de la guerre, porté par un sens aigu de la politique qui anticipe celui des Tudor. Mais qu’ils le condamnent ou le défendent, les historiens s’accordent tous sur sa nature profonde : opposé à la guerre, particulièrement soucieux de la cour, théoriquement novateur dans ses vues élevées sur ses droits régaliens. Cette opinion consensuelle semblait entérinée par les documents susmentionnés. Mais en étudiant de plus près ces chroniques et textes littéraires, afin de détecter les valeurs spécifiques sur lesquels ils s’appuient, ces bases solides s’avèrent moins fondées. Les significations que les historiens ont tirées de la manipulation complexe des thèmes de la masculinité et de la jeunesse que l’on trouve dans ces textes, ne sont, en fait, pas celles qu’on leur prêtait à la fin du XIVe siècle. La réputation d’efféminé, de pacifiste et d’homme de cour faite ultérieurement à Richard II n’est pas pure invention de l’historiographie récente, mais mauvaise interprétation.
10Afin de mieux comprendre ce qui se joue dans ces sources, il faut prendre du recul et analyser le contexte culturel des stratégies rhétoriques complexes qu’elles déployaient. C’est pourquoi j’ai commencé par examiner la perception qu’avait la fin du Moyen Âge de la nature des hommes et des jeunes. Cette investigation a mis progressivement en lumière la base sur laquelle s’appuyaient les critiques contemporaines de Richard II dans la théorie médicale, les sermons et les manuels éthiques16. La théorie médicale médiévale conçoit le corps humain comme un équilibre entre quatre humeurs – le phlegme, le sang, la bile jaune et la bile noire – qui se caractérisent à leur tour par une combinaison spécifique de quatre qualités – le chaud et le froid, l’humide et le sec. À chaque être humain correspond une constitution particulière, déterminée par l’équilibre des humeurs dans son corps. Ainsi, un homme sanguin aura un excès de sang. Il sera donc de disposition chaude et humide et par conséquent vigoureux (parce que chaud), mais aussi inconstant et versatile (parce qu’humide). Un cholérique sera vigoureux (chaud) mais plus constant (sec) ; un phlegmatique alliera des qualités peu désirables, telles qu’un manque de vigueur (froid) et une nature versatile et inconstante (humide). Ce schéma, fortement inspiré de la norme et de l’idéal d’un homme à l’apogée de ses capacités, incorpore aussi un ensemble de présupposés sur le genre, l’âge et la vertu. Cet homme est à la fois chaud et sec, et donc vigoureux tout en étant résolu et constant dans sa volonté. De par sa nature généralement plus froide et plus humide, une femme sera plus faible et inconstante, à la fois faible physiquement et moins capable de suivre le chemin de la vertu. Les jeunes (implicitement mâles) se situent quelque part entre les deux, partageant l’instabilité, l’inconstance et la versatilité des femmes (car humides), mais aussi la vigueur des hommes (parce que chauds). Moralistes et auteurs de sermons se sont saisi avec enthousiasme du potentiel moral des caractéristiques de la jeunesse pour recommander avec insistance aux jeunes gens d’imiter la force, la vigueur et la fermeté qu’ils tenaient pour caractéristiques d’un « homme », et d’éviter l’inconstance (et par conséquent la turpitude morale) qu’ils partageaient avec les femmes.
11Ce sont ces termes qu’utilisent les critiques de Richard pour l’attaquer lors de sa destitution. Cependant, bizarrement, il semble qu’ils aient laissé de côté un autre pan d’idées largement diffusées quant à la nature de l’« homme ». Ces auteurs ont en grande partie négligé un ensemble de concepts associant l’homme et la violence, l’homme et le statut, l’homme et la vengeance, concepts pourtant très répandus dans la culture de l’époque comme en témoignent les usages linguistiques17.
12L’anglais de la fin du Moyen Âge donne des indices importants sur la façon dont l’époque concevait ce que c’était d’être un « homme ». L’adjectif et l’adverbe manly et des expressions du même type, telles que « comme un homme », évoquent essentiellement la force et la vigueur, en particulier quand un chevalier se trouve en position critique lors d’une bataille, surtout lorsqu’une retraite honteuse lui offre une alternative tentante. Le terme manly se rapproche alors sensiblement du latin viriliter18. Ainsi, dans une scène de Bevis of Hamptoun, un roman de chevalerie très populaire, le héros se retrouve acculé durant un combat contre un dragon, tombe dans un puits mais il en ressort d’un bond et tue la bête :
Le dragon l’assaillit alors violemment
Il se défendit comme un homme.19
13Ou dans Of Arthour and of Merlin, lorsque le roi Arthur et ses hommes combattant des rois rebelles, ses alliés Ban et Bohort sont tous deux désarçonnés :
Mais Ban se releva, ainsi que Bohort
Et ils se battirent vaillamment debout.
Les autres étaient sur le point de les blesser
Mais ils se lancèrent dans un combat comme des hommes.20
14Le terme manly ou manlich est fréquemment employé pour exprimer le sentiment qu’il vaut mieux mourir debout que vivre à genoux. Ainsi dans les premières éditions imprimées de Bevis of Hamptoun, lorsque le père de Bevis tombe dans une embuscade tendue par l’amant de sa femme, au nom évocateur de Sir Murder (Sire meurtre), il lui demande à se battre jusqu’au bout :
Sire meurtre, conduisez-vous en gentilhomme
Ne me laissez pas mourir comme un lâche
Mais donnez-moi un cheval, une armure et un bouclier
Et laissez-moi mourir en homme sur le champ d’honneur.21
15L’opposition entre le comportement d’un homme et la soumission honteuse était également utilisée pour haranguer les troupes ou pour défier quelqu’un. C’est pourquoi dans les premiers imprimés de Bevis of Hamptoun, quand un intendant jaloux monte le roi et la cour contre Bevis et provoque une levée de boucliers à Londres, ce dernier défie ainsi le héros :
Retourne-toi, si tu es un homme !
Vieux chevalier décrépit !22
16Sur quoi il brise sa lance sur le bouclier de Bevis, qui réplique : « Pour sûr, je vais te châtier ! Je vais te rendre la pareille ! »23. Répondant à l’affront, le héros frappe l’intendant qui tombe raide mort.
17Être un homme selon le mode de pensée qui sous-tend un tel usage de la langue implique d’être digne du respect qu’inspire un certain statut et de ne souffrir aucune offense à ce respect mérité. D’où ces expressions récurrentes : Retourne-toi et bats-toi « si tu es un homme », défends-toi « en homme », meurs « comme un homme » plutôt que de fuir lâchement. Un homme doit également venger une offense, et n’en laisser passer aucune sans réagir24. Le substantif manhood désigne, de façon connexe et par extension, le contraire de la honte – l’honneur ou la réputation. Il peut s’agir de la réputation ou de l’honneur (de la manhood) acquis par une activité militaire, ou bien du type d’honneur manifesté lorsqu’on reçoit un invité avec tous les égards qui lui sont dus, ou de l’honneur qui se traduit par des dépenses somptuaires à la hauteur de son statut25.
18Par certains aspects, les hypothèses qui sous-tendent le terme de manhood recoupent l’image qu’en donnent la théorie médicale médiévale et la conception que se font des qualités de l’homme les moralistes et les prédicateurs. À la fin du Moyen Âge, il était généralement entendu qu’un « homme » se définissait avant tout par sa force et par une sorte de ténacité. Mais la langue vulgaire et la théorie médico-éthique en avaient une interprétation différente. Pour les prédicateurs et les encyclopédistes, être un homme signifiait certes être fort et résolu, mais il s’agissait de force intérieure, de la capacité à lutter contre les tentations du malin, de la chair et du monde26, et non de la fermeté qui conduit l’homme à chercher vengeance. La réputation bâtie grâce à des actes dignes d’un homme était une réputation spirituelle, obtenue de haute lutte contre le péché, à l’inverse de la réputation concrètement gagnée sur le champ de bataille, et il ne restait que peu de place pour l’honneur (la manhood) attestée par les libéralités et le respect des formes rituelles27.
19Cette analyse du contexte culturel des oppositions homme/garçon, homme/jeune homme ou homme/féminin invoquées lors de la destitution de Richard II, conduit à reconsidérer radicalement les événements politiques de la fin du XIVe siècle. La relecture des documents politiques et des sources narratives des années 1370, 1380 et 1390 permet de comprendre pourquoi la jeunesse et la manhood de Richard II ont eu une telle importance à chaque phase de son règne, et comment cela s’est traduit. Le Richard II qui émerge de cette relecture est un jeune noble bien plus ordinaire que l’on a bien voulu le dire. Pendant son adolescence, le roi a tenté d’affirmer son statut d’homme, et par conséquent son autorité politique, par des moyens tout à fait classiques pour l’époque, en particulier par une campagne militaire et par des dépenses dignes d’un homme de son rang. Malheureusement pour Richard, ces aspirations traditionnelles étaient inadaptées à la situation sociale, politique et militaire des années 1380. Il s’agit, en effet, de la décennie de la Révolte des travailleurs de 1381, un soulèvement provoqué par la nouvelle taxation par capitation, conçue pour financer des guerres d’une utilité contestable. Au lieu d’être soutenu dans ses projets visant à affirmer son statut d’homme, Richard se trouva, à l’âge de vingt et un ans, pressé d’accepter, sous prétexte de sa jeunesse, une restriction de son pouvoir, avec le rétablissement d’un comité consultatif obligatoire comparable aux « conseils continuels » qui avaient été abolis à partir de ses treize ans28.
20Ce schéma s’est répété à chaque phase du règne de Richard II. Le roi a cherché à plusieurs reprises à faire reconnaître son statut d’homme tel que l’entendaient les normes de l’époque. Mais en raison des circonstances difficiles des années 1380 et 1390, ses sujets n’étaient pas disposés à financer les expéditions ou le train de vie légitimement dus à un roi adulte en des temps moins agités. Les attaques qui accueillirent la destitution de Richard II et visaient son statut d’homme n’étaient donc pas fondées, comme l’avaient supposé les historiens, sur de réelles caractéristiques de sa personnalité, mais sur vingt-deux années de controverse sur la manhood du roi – fallait-il l’autoriser à conquérir l’honneur propre à « un homme » par une campagne militaire sur le continent, ou ne voir en lui qu’un jeune homme volontaire et mal conseillé29 ? Il semble en fait que Richard ait été moins un novateur absolutiste et pacifiste que le défenseur tragiquement banal des valeurs révélées par le vocabulaire de la manhood, à la poursuite de l’honneur d’homme par des faits d’armes, par des dépenses appropriées et enfin, durant la dernière crise de son règne, par la vengeance contre ceux qui l’avaient humilié pendant son adolescence.
« Être homme » : de la Rome antique à la Révolte des Travailleurs
21Quelles leçons tirer de cette étude de cas sur le rôle de la masculinité en politique à la fin du Moyen Âge ? Tout d’abord, il est évident que nous ne pouvons pas établir une simple équivalence entre nos propres catégories (« masculinité » ou « virilité ») et celles des sociétés prémodernes, telles que manhood. Que l’on parle de théorie médicale ou du vocabulaire quotidien, les conceptions médiévales de la nature d’un homme sont, certes, liés au genre mais sans qu’on puisse les y réduire. Le terme de manhood ne se limite pas à une version médiévale de la masculinité ou de la virilité. C’était un concept plus ambigu, le mot « homme » (man) pouvant décrire un individu de sexe masculin, un adulte masculin, voire un être humain. Un « homme » se définissait plus par ce qu’il n’était pas que par ce qu’il était : un homme n’est au Moyen Âge ni une femme, ni un garçon, ni un animal. La plupart du temps, ce qu’était l’« homme » en question n’apparaît pas clairement lorsque les textes anglais médiévaux font allusion à des individus à la conduite manly, ou évoquent les qualités de la manhood. Il semble donc qu’un « homme » se soit défini autant par les qualités de la manhood que l’inverse. Quand quelqu’un disait : « il s’est défendu comme un homme », le lien avec les qualités de ténacité et de force était au moins aussi fort qu’un simple lien avec l’identité masculine adulte ou même des rôles sociaux masculins spécifiques. Aussi, conséquence importante, les femmes, elles aussi, pouvaient agir « comme un homme » lorsqu’elles possédaient les qualités requises telles qu’une conduite énergique, ou le respect du statut des autres, ou encore la distribution de largesses.
22Il semble, par ailleurs, que la sexualité masculine joue un rôle relativement mineur dans la définition d’un homme dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge30. Cela peut sembler surprenant. Que la masculinité se définisse par rapport à la sexualité va pour nous aujourd’hui presque de soi. Si l’on cherche aujourd’hui le terme masculinity dans un dictionnaire fondé sur la langue anglaise des années 1990, la première définition que l’on trouve est relativement neutre, voire grammaticale (« la masculinité est le fait d’être un homme »), suivie d’une définition plus générale qui introduit rapidement la notion de sexualité (« la masculinité désigne les qualités, en particulier sexuelles, considérées comme propres aux hommes »)31. On constate des associations comparables pour le français « virilité »32. Pourtant, ce n’était pas ce que la fin du Moyen Âge aurait associé le plus immédiatement à la notion de manhood. La nature d’un « homme » se définissait presque partout par référence à la force, et dans certains discours, par référence, soit à la fermeté morale, soit à l’honneur individuel. Elle pouvait avoir un lien avec la sexualité, mais ce n’était pas l’association la plus immédiate ni la plus évidente, comme c’est le cas du concept moderne de masculinité.
23Enfin, et c’est la question que je souhaite aborder dans la dernière partie de cet article, les valeurs que recèle le langage de la manhood dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge renvoient aux conceptions de sociétés plus anciennes et très différentes33. La comparaison avec la République et l’empire romain en est sans doute l’exemple le plus frappant. Les historiens connaissent depuis longtemps l’importance du concept de virtus dans l’idéologie romaine, ainsi que son lien avec le fait d’être un vir. Ce n’est que depuis peu, toutefois, que la signification exacte de ces valeurs et leur survivance au Moyen Âge ont été esquissées34.
24Cicéron était déjà persuadé de l’importance de la masculinité pour le bon fonctionnement de la République romaine du Ier siècle avant J.-C.35 ou plutôt, il était convaincu de l’importance de la virtus, terme qui évoque les qualités d’un vir de la même manière qu’iuventus désigne celles d’un jeune homme (iuvenis) et senectus celles d’un vieillard (senex)36. D’une manière comparable, mais non identique, à la manhood de la fin du Moyen Âge anglais, virtus se définissait avant tout par la force et la résolution, par opposition en particulier au déshonneur37.
25Dans les discours prononcés par Cicéron lors du procès des conspirateurs catilinaires, et dans les comptes rendus par Salluste des discours de César et de Caton, les malheurs de Rome sont imputés au déclin de cette qualité38. Là, comme à la fin du Moyen Âge anglais, la virilité évite une mort sans honneur grâce à la force et à la vigueur. C’est la virtus qui a permis aux Romains de conquérir l’Italie, de raser Carthage, et de faire ployer les plus puissants des peuples sous le joug de l’empire39. La force et la vigueur connotées par virtus se manifestent dans des circonstances qui soulignent la résolution qui les sous-tend et la constance dans la réponse qui est l’essence du vir.
26Une telle vigueur et une telle résolution dans l’action sont, avant tout, suscitées par la menace du déshonneur. En réponse à une insulte, et plus encore à un acte déshonorant, le Romain se devait de montrer qu’il était un vir. Par conséquent, dans le récit du viol de Lucrèce par Tite Live, événement qui provoqua la chute du dernier monarque romain et l’instauration de la République, c’est par les mots « si vous êtes des hommes (viri) » que Lucrèce met Brutus et Collatin au défi de venger son viol40.
27Parallèlement, virtus désigne une aptitude à supporter la souffrance physique et les revers de fortune. Dans les discours de Cicéron, cela peut prendre la forme d’une subtile opposition entre vir et homo – l’homme et l’être humain. Par conséquent, parlant de Gaius Marius, « un homme rustique, mais un vrai homme » (rusticanus vir, sed plane vir), Cicéron décrit comment il s’est fait opérer des varices sur une jambe, sans recourir à aucune entrave. Apprenant qu’il aurait à subir la même opération à l’autre jambe, Gaius Marius refusa. Cicéron commente : « étant un vir, il a supporté la douleur. Étant un homo, il ne voulait pas supporter plus de douleur que nécessaire »41. La virtus est une sorte de constance psychologique, à la fois face à l’adversité et à la honte. Seule la virtus demeure stable, ferme et inébranlable. Tout le reste est fallacieux et peu fiable, éphémère et versatile.
28Les historiens, notamment Quentin Skinner, ont depuis longtemps remarqué l’importance de la virtus romaine et des valeurs de la virtú vernaculaire dans l’humanisme de la fin du Moyen Âge italien42. Mais, à ma connaissance, personne n’a fait le rapprochement avec des valeurs similaires et courantes dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge. De plus, « être un homme » était entendu ainsi même dans des groupes sociaux qui n’avaient pu être que très indirectement exposés à la culture classique. Cette conception apparaît, par exemple, dans les lettres en langue vulgaire qui circulaient parmi les rebelles de la Révolte des travailleurs de 1381. Ces lettres visaient à rallier les insurgés et à les encourager dans leurs entreprises. Dans un langage allégorique puissant, elles préconisent la force et la constance, un objectif déterminé et la ténacité dans sa poursuite43. Ainsi, la lettre de Jakke Mylner (c’est-à-dire le Meunier) presse les destinataires de veiller à ce que leur moulin tourne bien, avec ses quatre ailes, et que l’axe « stande in stedefastnesse », « demeure ferme ». Si le droit régit la force, et si la raison (skyl) régit la volonté, le moulin tournera bien ; si la force régit le droit et la volonté régit la raison, le moulin tournera mal44. La lettre de Jaques le Charretier (« Jakke Carter ») exhorte les rebelles à mener à bien ce qui a été lancé, à le faire de mieux en mieux ; elle demande également que Pierre le Laboureur (« Piers the Plowman ») reste chez lui, et que Robert le Voleur (« Hobbe the Robber ») soit châtié comme il convient45. Et dans une lettre apparentée qui utilise le même langage et que les chroniqueurs attribuent au prêtre sans solde et chef rebelle John Ball, l’auteur « salue bien (formule introductive standard) les hommes de toutes sortes et les convie au nom de la Trinité, du père, du Fils et du Saint-Esprit à rester comme des hommes unis dans la vérité » (« gretez wele alle maner men, & byddes hem in the name of the Trinite, Fadur, and Sone, and Holy Gost, stonde manlyche togedyr in trewth »)46. Car dorénavant, les sept péchés capitaux prospèrent ouvertement – la luxure est éhontée, la gloutonnerie tolérée. « Que dieu nous aide car l’heure est venue » (« God do bote, for nowe is tyme »)47.
29L’Angleterre de la fin du XIVe siècle était une société dans laquelle des voix éloquentes revendiquaient le droit de dénoncer la corruption des temps modernes48. John Gower et William Langland condamnaient les erreurs de leur temps et réclamaient un monde meilleur, même s’ils prirent peur une fois confrontés à des idées similaires dans la bouche des rebelles de 138149. Autour d’eux, des écrivains plus mineurs dénonçaient la corruption et le caractère efféminé de l’époque. Là encore, la manhood intervenait, et l’humiliation militaire avait une telle importance dans les maux du moment qu’elle y contribuait certainement. Ainsi, dans un poème du début des années 1380, écrit alternativement en vers anglais et latins, l’auteur déplore la gloire enfuie :
L’Angleterre était jadis
Le joyau parmi les royaumes
Le fleuron de la manhood
Qui s’épanouissait alors dans toutes choses
Maintenant que l’honneur a disparu
Ces choses sont trahies par les paresseux.50
30La loi est pervertie, et l’Angleterre perd son honneur par la paresse qui succède à la luxure et à la vanité51. La manhood du royaume, qui ne désigne pas simplement sa population mâle, mais littéralement son honneur, et aussi sa force et sa vigueur, est rabaissée par le péché et la vie dissolue, d’une manière comparable au sort de la virtus à la fin de la République romaine.
31Les historiens se méfient naturellement des grands sauts chronologiques et des comparaisons générales de ce type. Il est indéniable qu’en quittant le confort de nos spécialités et de nos périodes, nous risquons de nous focaliser sur les similitudes et de perdre de vue les contrastes matériels et culturels qui distinguent des sociétés radicalement opposées. Les concepts de honte et de péché sont ainsi très différents dans l’Angleterre rurale du XIVe siècle et dans l’empire romain plus d’un millénaire auparavant. L’implication de Dieu dans la question de la honte, ainsi que les structures sociales et le contexte économique, permettent, à eux seuls, d’opposer ces deux sociétés. Je pense néanmoins que nous aurions tort de ne pas prendre le risque de tirer certains parallèles sur la longue durée. Dans la Rome ancienne, les qualités d’un vir étaient la force, la vigueur et la ténacité – entendons la constance dans la réponse, surtout quand il s’agit d’affronter une honte éventuelle –, une sorte d’immobilité réactive, au sens du roc qui tient bon ou de l’homme qui supporte la douleur sans broncher. Or, on trouve assez souvent des idées similaires sur la nature d’un homme dans la culture, la société et la politique de la fin du Moyen Âge anglais, même si la fermeté est alors celle d’un axe de moulin, ou de la chevalerie du royaume, et même si c’est Dieu qui a subi une honte qu’il convient de venger.
32Il faut, néanmoins, admettre qu’il existe sur le très long terme une surprenante continuité, du moins dans le noyau dur des connotations culturelles de ce que c’est d’être un homme. Ce résultat peut, à première vue, sembler plutôt décevant. L’un des espoirs qu’a inspiré l’histoire de la masculinité était de permettre de démontrer la variabilité historique du masculin. Il serait donc décevant de découvrir que rien n’a vraiment changé, du moins en termes culturels, entre la Rome ancienne et l’Angleterre du XIVe siècle52. Mais une autre question mérite d’être posée : y a-t-il continuité ou résurgence à un stade intermédiaire ? Il est clair que nous avons besoin d’un modèle de culture qui permette de comprendre la survie de certains concepts dans des contextes particuliers et des sous-cultures spécifiques, alors même que leur perte d’influence est attestée ailleurs. Le travail de Matthew Kueler sur la chrétienté et la masculinité à la fin de l’empire romain suggère une réappropriation des valeurs de la virtus romaine qui auraient donc en un sens survécu, alors que les auteurs chrétiens cherchaient à réconcilier virtus et patientia, et encourageaient les persécutés à envisager leur martyr comme un combat viril digne d’un soldat et d’un citoyen romain53. La virtus romaine n’a-t-elle donc persisté que sous cette forme moralisée et dans les cercles cléricaux ? Si tel est le cas, comment se fait-il que même les rebelles de 1381 aient pu invoquer de telles valeurs pour rallier à leur cause, ou que les lecteurs d’œuvres violentes, et morales en apparence seulement, telles que Bevis of Hamptoun, aient été convaincus qu’il était important, en tant qu’homme, de ne pas céder de terrain ? Quels glissements décèle-t-on au fil du temps et selon la classe sociale ? Pouvons-nous discerner d’autres ensembles conceptuels rivaux, plus éphémères, moins systématiques peut-être ?
La virtus au XIIe siècle : histoire politique et histoire de la manhood ou ce que c’est d’« être homme »
33Pour traiter ces questions, au moins à titre préliminaire, on peut revenir trois siècles en arrière, avant les controverses politiques du règne de Richard II, et examiner le rôle des idées de la nature d’un homme dans la politique de l’Angleterre et de la Normandie aux environs de l’an 1100. Cette tâche est considérablement facilitée par le travail d’une équipe de chercheurs de l’université de Liverpool qui ont étudié sous la direction de Pauline Stafford le rôle du genre dans les chroniques de cette période. Quelle connaissance ces chroniqueurs avaient-ils des concepts de la nature d’un homme que l’on rencontre dans la Rome antique ou dans la fin du Moyen Âge anglais ? Quelles conclusions peut-on éventuellement en tirer sur l’écho de ces idées dans la culture médiévale ?
34Écrivant en latin, les plus accomplis des chroniqueurs du début du XIIe siècle étaient empreints de culture classique, directement par le biais des classiques, et indirectement par la théologie et l’hagiographie chrétiennes. Les plus cultivés d’entre eux, comme William de Malmesbury, étaient extrêmement versés en littérature classique54. Est-il possible de distinguer l’influence de cette culture classique sur les valeurs de cette noblesse que William décrit et qui lisait ses écrits ? La thèse, fort utile, de Kirsten Fenton, un des membres de l’équipe de Stafford, suggère quelques réponses à ces questions.
35Il est clair que pour William de Malmesbury, le lien entre virtus et le fait d’être homme demeurait vivant. Il retient, par exemple, l’idée que les époques efféminées peuvent affaiblir et corrompre. À propos de Saint Edmund, roi et martyre anglo-saxon, William de Malmesbury remarque que « la mollesse de l’époque ne l’a pas condamné à déviriliser (evirare) sa virtus »55. Comme à Rome et dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge, la vigueur et la force déployées au combat sont les premières caractéristiques de la virtus. Harold et Guillaume le Conquérant se distinguent tous deux par leur virtus à la bataille de Hastings56. Là encore, on peut se servir de cette conception de la nature d’un homme dans des exhortations au combat, ainsi lorsque le comte Godwine presse les anglais de faire preuve de virtus dans les batailles contre les Suédois57. C’est aussi une qualité manifestée par un engagement actif dans une entreprise militaire. Ainsi, Baldwin de Boulogne choisit de partir en croisade parce que c’est l’occasion d’y montrer sa virtus58.
36Dans les écrits de William de Malmesbury, l’association entre honneur et virtus semble être plus directe encore que dans la République romaine. Certes, lorsqu’un groupe de nobles, n’ayant pas atteint ses objectifs lors de sa première expédition, part en croisade pour la deuxième fois, c’est pour effacer la honte de l’échec précédent, « impatients d’effacer la disgrâce de leur précédent départ par un nouvel acte de virtus »59. Chez William de Malmesbury, virtus peut également signifier honneur au sens d’une marque particulière de statut, ainsi lorsque le futur roi Étienne d’Angleterre et Robert de Lincoln rivalisent pour la virtus de prêter serment d’allégeance à la fille d’Henry Ier60. Ce terme peut aussi équivaloir à réputation, par exemple lorsque le jeune William Rufus s’inquiète de savoir si dégainer une arme en sa présence peut nuire à sa virtus61.
37Dans sa description de la noblesse laïque, William de Malmesbury lui attribue une vision de la nature des hommes qui présente de nombreux traits communs avec la virtus de la République romaine. D’après lui, la noblesse d’Angleterre et de Normandie tenait à afficher des qualités d’homme en démontrant sa vigueur dans la bataille et en évitant d’éventuels affronts à son honneur. Mais on peut se demander si la noblesse anglo-normande se serait reconnue dans la virtus que William de Malmesbury décèle dans leurs actes, et parfois leurs paroles. Ce dernier n’aurait-il pas superposé des valeurs tout à fait étrangères à cette classe ?
38Il paraît peu probable, en effet, que ces nobles aient analysé leurs faits et gestes dans les termes définis par Cicéron. Pourtant, il convient d’identifier certaines similitudes entre leur vision du monde et celle de la Rome antique. À moins que William n’ait purement et simplement inventé le récit de ces actes et leur interprétation, il semble que la noblesse ait eu une conception de l’honneur et un respect de la force et de la vigueur qui se prêtent à l’assimilation à un schéma plus explicitement classique.
39Cela dit, dans l’œuvre de William de Malmesbury tout au moins, les laïcs n’appliquent pas la constance virile seulement dans des contextes militaires et touchant à l’honneur. Ce sont des hommes d’église, tels que Saint Dunstan et Saint Wulfstan, qui s’indignent de la déplorable moralité de l’époque, réagissant souvent vigoureusement et parfois violemment, d’une manière que Kueler décrit comme adaptée aux chrétiens de la fin de l’antiquité62. Encore une fois, il est difficile de faire la part des choses entre l’utilisation du terme virtus par William de Malmesbury et la société qu’il prétend décrire. Celui-ci était, après tout, un moine bénédictin, même s’il fréquentait la plus haute noblesse anglo-normande63. Dans sa description de la noblesse, qu’il compare à autant de diamants bruts, ne montrant de leur nature d’homme que les aspects les plus physiques et fondés sur l’honneur, William de Malmesbury révèle à la fois ses préjugés et ses objectifs didactiques. De nombreux historiens ont avancé que le XIe et le XIIe siècles avaient vu l’essor d’une idéologie de contrôle de la violence, souvent associée au développement de la chevalerie64. Cette idéologie, qui a sa source dans le milieu clérical, a été, néanmoins, rapidement adoptée par la noblesse d’épée qui finit par se l’approprier entièrement. Comme l’écrivait William de Malmesbury, ce fut un développement très progressif, auquel il prit part lui-même. Mais à travers la présentation didactique qu’il en fait, il est difficile de démêler combien de membres de la noblesse anglo-normande avaient intégré ces valeurs de contrôle et de constance, et jusqu’à quel point.
40Il est difficile de déterminer avec certitude la répartition sociale précise du corpus de valeurs organisées autour de la nature d’un homme au début de XIIe siècle, alors que cela devient beaucoup plus facile deux ou trois siècles plus tard. Il est moins facile encore de distinguer dans quelle mesure la virtus est un corps étranger importé de la culture classique et dans quelle mesure elle est vivante dans la société à laquelle elle est imposée. Je pense, néanmoins, que la meilleure manière de faire cette distinction n’est pas à trouver dans une succession de différents Volksgeiste, ni même de masculinités rivales dans le sens de rôles étroitement liés à un groupe particulier, mais bien dans le redéploiement stratégique d’une palette étonnamment cohérente de thèmes par différents groupes sociaux à des fins diverses. Ce qui est clair, c’est que certains concepts sont repérables dans certains « milieux » et dans certains contextes culturels au début de la période, à savoir parmi les moines bénédictins et peut-être parmi la plus haute noblesse du royaume, mais qu’on les retrouve à terme dans des milieux sociaux profondément différents – chez les rois, les nobles et les moines, certes, mais aussi chez les rebelles paysans, les prêtres sans solde et les auteurs de littérature vernaculaire.
41S’inspirant du modèle de la crise de la masculinité, les historiens ont cherché, pour diverses périodes, les points de basculement, les moments où les modèles de masculinité préexistants étaient remis en question par l’évolution de la situation sociale, économique, religieuse ou politique. Aussi les Xe, XIe et XIIe siècles ont-ils été considérés comme une période dont les idéaux de virilité noble, fondés sur la force et l’honneur, ont été récusés par le programme de réforme de l’église, et en ont été transformés. On peut citer d’autres périodes d’anxiété et de transition similaires. L’adaptation de la virtus romaine à la vertu militante chrétienne à la fin de l’antiquité en est une. On peut également citer les transformations sociales de l’Angleterre à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, ou encore le développement de l’école publique obligatoire en France au XIXe siècle65. Mais on peut aussi réfléchir au fait que chacune de ces transitions semble une passerelle entre un « avant » et un « après » qui présentent beaucoup de similarités d’une époque à l’autre. Dans chaque cas, une masculinité basée sur la force et l’honneur s’est trouvée récusée et critiquée par une masculinité plus contrôlée, plus morale et plus empreinte de gravitas.
42Je ne conteste pas que ces transitions aient eu lieu. Mais je pense qu’il faut admettre qu’une conception de l’homme basée sur l’honneur et la violence survit à toutes ces étapes historiques, et qu’une masculinité basée sur le contrôle de soi et la constance l’a le plus souvent précédée. Ces valeurs trouvent une nouvelle force ou sont l’objet de reconfigurations dans des contextes sociaux différents sans que cela se résume à substituer le nouveau monde à l’ancien. Une conception de l’homme basée sur la violence et l’honneur a ainsi survécu dans différents milieux culturels, dans différentes classes sociales et même (à moitié réprimée, peut-être) dans les valeurs d’hommes apparemment acquis à une masculinité du contrôle. Dans cette optique, l’histoire de la masculinité ressemblerait moins au passage d’un âge à un autre qu’à une série de reconfigurations d’une palette de thèmes remarquablement cohérents. Le plus grand de ces changements de priorités entre la fin du Moyen Âge et le XXe siècle est l’accent mis sur la sexualité, qui devient le déterminant central de la masculinité, une rupture qui a peut-être été occultée par la tendance à considérer aujourd’hui la centralité de la sexualité comme un fait allant de soi.
43Dans l’Angleterre de la fin du XIVe siècle, la noblesse, l’élite rurale et urbaine, et même les rebelles, parlaient de politique en s’inspirant d’un ensemble d’idées de ce que c’est d’être homme qui possédait toute la complexité de la virtus de William de Malmesbury, mais sans sa cohérence. Lorsque Richard II affirmait qu’il devait prouver sa manhood par des actes militaires, ses opposants avaient du mal à nier la légitimité de cette aspiration et devaient donc trouver d’autres moyens de s’opposer à sa volonté. On pourrait en dire autant des dépenses du roi, qui confortaient le statut d’homme d’un dirigeant adulte, ou encore de sa vengeance finale contre ceux qui lui avaient résisté pendant son adolescence. Les différentes acceptions de ce que c’était d’être un homme ne constituaient pas un code assez uniforme et cohérent pour ne pas donner prise à la contradiction ; en fait, c’est la complexité même de ces idées qui rendait vraisemblable l’émergence de telles tensions en des temps de pression politique, sociale et économique.
44Dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge, il n’était plus nécessaire d’avoir lu Cicéron, Salluste ou Tite Live pour savoir qu’un homme devait être constant et fort, vigoureux mais maître de lui. Mais l’on pouvait penser simultanément qu’un homme devait venger un affront et qu’il devait contrôler sa colère, sans être conscient la plupart du temps de la contradiction. On pouvait reconnaître que, comme le pensait Aristote, la juste mesure de la munificence reposait sur les moyens dont on disposait, tout en sachant que les dépenses devaient être à la hauteur de son rang, quelles que fussent ses ressources. C’est sur ces tensions sous-jacentes que nous devrions, selon moi, nous concentrer pour comprendre le rôle des concepts culturels de la nature d’un homme dans la politique des sociétés prémodernes. Bien que la sexualité en fasse partie, ainsi que les rôles sociaux propres à des groupes d’hommes particuliers, une approche de la masculinité doit être étayée par un examen des changements à la fois sociaux et culturels
Notes de bas de page
1 Pour certains des inconvénients résultant de cette abondance créatrice, voir C. D. Fletcher, « The Whig interpretation of masculinity ? Honour and sexuality in late medieval manhood », What is Masculinity? Historical Perspectives and Arguments, S. Brady et J. Arnold dir., Londres, Palgrave, 2011.
2 P. Filene, « The secrets of men’s history », The Making of Masculinities. The New Men’s Studies, H. Brod dir., Londres, Allen et Unwin, 1987, p. 103-119; J. Tosh, « What should historians do with masculinity? », History Workshop Journal, no 38, 1994, p. 179-202.
3 D. G. Gilmore, Manhood in the Making. Cultural Concepts of Masculinity, New Haven/Londres, Yale University Press, 1990.
4 Voir par exemple, W. M. Ormrod, « Knights of Venus », Medium Aevum, no 73, 2004, p. 290-305; W. Ormrod, « The sexualties of Edward II », The Reign of Edward II. New Approaches, G. Dodd et A. Musson dir., Woodbridge, Boydell, 2006, p. 22-47; K. J. Lewis, « Becoming a virgin king: Richard II and Edward the Confessor », Gender and Holiness: Men, Women and Saints in Late Medieval Europe, S. J. E. Riches et S. Salih dir., Londres, Routledge, 2002, p. 86-100; D. Green, « Masculinity and medicine: Thomas Walsingham and the death of the Black Prince », no 39, Journal of Medieval History, 2009, p. 34-51.
5 W. M. Aird, « Frustrated masculinity: the relationship between William the Conqueror and his eldest son », Masculinity in Medieval Europe, D. M. Hadley dir., Londres, Longman, 1999, p. 39-70; P. J. P. Goldberg, F. Riddy et M. Tyler, « Introduction. After Ariès », Youth in the Middle Ages, P. Goldberg et F. Riddy dir., Woodbridge, Boydell, 2004, p. 1-10; D. Rubey, « The five wounds of Melibee’s daughter. Transforming masculinities », Masculinities in Chaucer, P. G. Beidler dir., Cambridge, Brewer, 1998, p. 157-171.
6 R. W. Connell, Gender and Power, Cambridge, Polity, 1987, p. 175-188; R. Connell, Masculinities, Cambridge, Polity, 1995.
7 M. S. Kimmel, « The contemporary “crisis” of masculinity in historical perspective », The Making of Masculinities, ouvr. cité, p. 121-153.
8 J. A. McNamara, « The Herrenfrage: the restructuring of the gender system, 1050-1150 », Medieval Masculinities. Regarding Men in the Middle Ages, C. A. Lees dir., Minneapolis/Londres, University of Minnesota Press, 1994, p. 3-29; P. Stafford, « The meaning of hair in the anglo-norman world: masculinity reform and national identity », Saints, Scholars and Politicians: Gender as a Tool in Medieval Studies, M. Van Dijk et R. Nip dir., Turnhout, Brepols, 2005, p. 153-71; J. L. Nelson, « Monks, secular men and masculinity, c. 900 », Masculinity in Medieval Europe, ouvr. cité, p. 121-142; S. Airlie, « The anxiety of sanctity. Saint Gerald of Aurillac and his maker », Journal of Ecclesiastical History, no 34, 1992, p. 372-395.
9 R. N. Swanson, « Angels incarnate: clergy and masculinity from gregorian reform to Reformation », Masculinity in Medieval Europe, ouvr. cité, p. 160-177; R. Balzaretti, « Men and sex in tenth-century Italy », ibid., p. 143-159; P. Stafford, « Meaning of hair », art. cité. Pour des commentaires plus sceptiques, voir C. Fletcher, « Whig intepretation ? », art. cité.
10 L’expression est celle de K. Harvey et A. Shepard, « What have historians done with masculinity? Reflections on five centuries of British History, circa 1500 to 1950 », Journal of British Studies, no 44, 2005, p. 274-280.
11 Voir par exemple V. L. Bullough, « On being male in the Middle Ages », Medieval Masculinities, ouvr. cité, p. 31-45; J. Cadden, Meanings of Sex Difference in the Middle Ages, Cambridge, Cambridge University Press, 1993; D. Jacquart et C. Thomasset, Sexualité et savoir médical au Moyen Âge, Paris, PUF, 1985. Voir également l’importante littérature consacrée aux « âges de l’homme », notamment J. A. Burrow, The Ages of Man, Oxford, Clarendon, 1986; E. Sears, The Ages of Man, Princeton, Princeton University Press, 1986; M. E. Goodich, From Birth to Old Age. The Human Life Cycle in Medieval thought, 1250-1350, Lanham, University Press of America, 1989; D. Youngs, The Life-Cycle in Western Europe, c. 1300 - c. 1500, Manchester, Manchester University Press, 2006.
12 D. Green, « Masculinity and medicine », art. cité; C. Fletcher, « Charles VI and Richard II: inconstant youths », Recording Medieval Live. Proceedings of the 2005 Harlaxton Symposium, J. Boffey et V. Davis dir., Donington, Shaun Tyas, 2009, p. 85-101; C. Fletcher, « Manhood and politics in the reign of Richard II », Past and Present, no 189, 2005, p. 1-39; P. Stafford, « Meanings of hair », art. cité. Voir C. Fletcher, Richard II : Manhood, Youth and Politics, Oxford, Oxford University Press, 2008, pour une étude de cas complète fondée sur une approche essentiellement historico-culturelle de la masculinité.
13 Pour plus de précisions, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, et C. Fletcher, « Manhood and politics », art. cité.
14 Rotuli Parliamentorum, 1278-1503, J. Strachey et al. éd., 6 volumes, Londres, Record Commission, 1767-77, t. 3, p. 423. Aujourd’hui réédité sous une forme plus commode dans The Parliament Rolls of Medieval England [PROME], C. Given-Wilson et al. éd., [CD-ROM], Leicester, Scholarly Digital Editions, 2005. Cette nouvelle édition est consultable en reprenant les références des pages de l’ancienne édition [RP].
15 Historia Vitae et Regni Ricardi Secundi, G. B. Stow éd., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1977, p. 166-167; Eulogium Historiarum sive Temporis, F. S. Haydon éd., Londres, Longman, 1863, t. 3, p. 384; « Richard the Redeless », The Piers Plowman Tradition, H. Barr dir., Londres, Everyman, 1993; John Gower, « Vox Clamantis », The Complete Works of John Gower. The Latin Works, G. C. Macaulay éd., Oxford, Clarendon, 1902, livre IV, v. 555-564. Pour plus de commentaires et d’analyses, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, particulièrement chapitre 1.
16 Voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, en particulier chapitre 4, note 10 et les ouvrages cités supra.
17 Pour une discussion détaillée, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, chapitres 2 et 3.
18 Ce qui ne signifie pas qu’ils n’aient pas eu conscience du symbolisme de genre inhérent à ce terme. Voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, en particulier p. 26-28, p. 31-33.
19 « The dragoun harde him asaile gan/He him defendeth ase a man », The Romance of Sir Beues of Hamtoun, E. Kölbing éd., Early English Texts Society [EETS], séries supplémentaires no 46, 48, 65, Londres, Kegan Paul, 1885-1894, v. 2821-2822. Voir l’usage presque identique qu’en fait Sire Degarre, G. Schleich éd., Englische Textbibliothek 19, Heidelberg, Carl Winter, 1929, v. 357-358, et le scénario similaire que l’on retrouve dans The Romance of Guy of Warwick. The first or 14th-century version, J. Zupitza éd., EETS, séries supplémentaires no 42, 49, 59, Londres, Kegan Paul, 1883-1891, v. 7256-7258.
20 « Ac Ban vp stirt and Bohort also/And wele hem wered of fot bo/The other hem were about to dere/Ac manliche thai gun hem were », Of Arthour and of Merlin, O. D. Macrae-Gibson éd., EETS, séries anciennes, no 268, no 279, Oxford, Oxford University Press, 1973, v. 3997-4000. Voir v. 6303-6310, où les hommes d’Arthur se battent contre des géants sarrasins: « Thus the geauntes our knightes threwe;/Our men gun it sore rewe/Non of hem had dedeli wounde/Ac sone stirt vp in that stounde/And with scharpe swerdes of stiel/Wered hem manliche wel,/Our folk abuten hem gan threst/And socourd hem with the best. »
21 « Syr Murdure, for thy genterye/Thus cowardly let me not dye,/But lene me horse, armour and shelde,/And lete me dye manly in the felde! », Beues, v. 211-214, édition imprimée par Richard Pynson, 1503, aujourd’hui à Oxford, Bodleian Library, Douce Fragment e.13 (STC, entry 1988).
22 « Turn the, as thou arte a man,/Thou arte an old knyght of werre! », Beues (Manchester MS), v. 4086-4087.
23 Beues (Manchester MS), v. 4092-4093: « Certes, said Bevis, I shall the smyte! Full leffe me were, this dede to quyte! »
24 D’autres exemples dans C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, chapitre 2.
25 Ibid., chapitre 3.
26 Voir C. Fletcher, « Whig interpretation ? », art. cité.
27 Ibid., chapitre 4.
28 Ibid., chapitres 5-7.
29 Ibid., chapitres 8-12.
30 Pour plus de détails sur cette question, voir C. Fletcher, « Whig interpretation ? », art. cité.
31 « Masculinity », Collins Cobuild English Dictionary, Londres, Collins, 1995.
32 « Virilité », Le Nouveau Petit Robert, J. Rey-Dobove et a. Rey dir., Paris, Dictionnaires le Robert, 2003. « Masculinité » est peut-être plus neutre en français qu’en anglais, mais lorsqu’on s’adresse à un public international, les connotations propres à l’anglais (sexualité, agression) reviennent vite.
33 Voir aussi les contributions de F. Lissarrague et J. Guilaine dans ce même volume.
34 Q. Skinner, The foundations of modern political thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1978, t. 1, p. 88-101. Sur la réappropriation de la virtus par les écrivains chrétiens vers la fin de l’antiquité, voir M. Kueler, The Manly Eunuch, ouvr. cité, en particulier p. 105-124, p. 170-178, p. 207-214.
35 M. McDonnell, Roman Manlines. Virtus and the Roman Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, qui évoque les connotations militaires de ce terme et son association avec le mépris de la douleur et de la mort, à partir des premiers latins (voir p. 12-71).
36 Ibid., p. 2.
37 Pour plus de détails sur la virtus romaine en tant que qualité physique des hommes, voir M. Kuefler, Manly Eunuch, ouvr. cité, en particulier p. 19-21.
38 M. McDonnell, Roman Manliness, ouvr. cité, p. 1-2.
39 Selon Cicéron dans les Philippiques 4 :13. Voir m. McDonnell, Roman Manliness, ouvr. cité, p. 3.
40 C. A. Barton, Roman Honor: The Fire in the Bones, Berkeley/Londres, University of California Press, 2001, p. 39.
41 Ibid.
42 Q. Skinner, Origins of Modern Political Thought, ouvr. cité, t. 1, p. 84-101; Q. Skinner, Machiavelli, Oxford, Oxford University Press, 1981, p. 23-24, p. 29, p. 35, p. 39-41, p. 52-57, p. 73-77, p. 80-83; H. F. Pitkin, Fortune is a Woman. Gender and Politics in the Thought of Niccolò Machiavelli, Berkeley/Londres, University of California Press, 1984.
43 Editées par R. F. Green, « John Ball’s Letters », Chaucer’s England: Literature in Historical Context, B. Hanawalt dir., Minneapolis, University of Minnesota Press, 1992, p. 193-195.
44 Ibid., p. 193.
45 Ibid., p. 193-194.
46 Ibid., p. 194.
47 Ibid.
48 A. Middleton, « The idea of public poetry in the reign of Richard II », Speculum, no 53, 1978, p. 94-114 ; H. Barr, The Piers Plowman Tradition, ouvr. cité ; A. Mairey, Une Angleterre entre rêve et réalité : littérature et société dans l’Angleterre du XIVe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007.
49 La révolte de 1381 fournit une introduction à la « Vox Clamantis ». Sur Langland, voir S. Crane, « The writing lesson of 1381 », Chaucer’s England, ouvr. cité, p. 201-222.
50 « Englond sum tyme was/Regnorum gemma vocata/ Of manhod the flowre/Ibi quondam floruit omnis;/Now gon ys that honowr,/Traduntur talia somnis », « On the Times », Political Poems and Songs Relating to English History, T. Wright dir., Londres, Longman, 1859-1861, t. 1, p. 270.
51 Pour une analyse plus complète de ce poème, voir C. Fletcher, « Corruption at court ? Crisis and the theme of luxuria in England and France, c. 1340-1422 », The Court as a Stage, S. Gunn et A. Janse dir., Woodbridge, Boydell, 2006, p. 28-38.
52 Même si cela vient contredire l’idée qu’une approche culturelle complique les comparaisons à long terme. Pour cela, voir J. Tosh, « Masculinities in industrializing society: Britain, 1800-1914 », Journal of British Studies, no 44, 2005, p. 330-342.
53 M. Kueler, Manly Eunuchs, ouvr. cité, p. 105-124.
54 R. M. Thomson, « The reading of William of Malmesbury », Revue bénédictine, no 85, 1975, p. 362-402; R. M. Thomson, « William of Malmesbury as historian and man of letters », Journal of Ecclesiastical History, no 29, 1978, p. 387-413; M. Winterbottom, « The language of William of Malmesbury », Rhetoric and Reneweal in the Latin West, 1100-1540, Essays in Honour of John O. Ward, C. J. Mews, C. J. Nederman, R. M. Thomson dir., Turnhout, Brepols, 2003, p. 129-48; R. M. Thomson, « William of Malmesbury and the Latin classics revisited », Proceedings of the British Academy, no 129, 2005, p. 383-393.
55 William of Malmesbury, Gesta Pontificum, NESA Hamilton éd., Londres, Longman, 1870, t. 2, p. 74, cité par K. A. Fenton, Gender, Nation and Conquest in the Works of William of Malmesbury, Woodbridge, Boydell, 2008, p. 43.
56 William of Malmesbury, Gesta Regum Anglorum, Mynors, R. M. Thomson et M. Winterbotom éd. Et traduction anglaise, Oxford, Oxford University Press, 1988-1989, t. 3, p. 243. Pour plus de références sur les écrits de William of Malmesbury, voir K. Fenton, Gender, Nation and Conquest, ouvr. cité, p. 44.
57 William of Malmesbury, Gesta Regum, ouvr. cité, t. 2, p. 181. Pour des exemples comparables dans les textes de la fin du Moyen Âge, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, p. 28-41 ; C. Fletcher, « Whig interpretation of masculinity ? », art. cité.
58 William of Malmesbury, Gesta Regum, ouvr. cité, t. 4, p. 383. Pour des exemples comparables, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, p. 35.
59 William of Malmesbury, Gesta Regum, ouvr. cité, t. 4, p. 383. Pour des exemples comparables, voir C. Fletcher, Richard II, ouvr. cité, p. 40-41.
60 William of Malmesbury, Historia Novella, E. King éd., traduction anglaise K. R. Potter, Oxford, Oxford University Press, 1998, t. 1, p. 3.
61 William of Malmesbury, Gesta Regum, t. 4, p. 320.
62 R. Bartlett, « Symbolic meanings of hair in the Middle Ages », Transactions of the Royal Historical Society, 6e série, no 4, 1994, p. 43-61; P. Stafford, « Meanings of hair », art. cité, p. 165, 167; K. A. Fenton, « The question of masculinity in William of Malmesbury’s presentation of Wulfstan of Worcester », Anglo-Norman Studies, no 28, 2006, p. 124-137; M. Kueler, Manly Eunuchs, ouvr. cité. Pour la popularité de cette tactique à une époque plus tardive, voir C. Fletcher, « Whig interpretation of masculinity ? », art. cité.
63 B. Weiler, « William of Malmesbury on kingship », History, no 25, 2005, p. 5-6.
64 J. Gillingham, « Civilizing the English? The english histories of William of Malmesbury and David Hume », Historical Research, no 74, 2001, p. 17-43; J. Gillingham, « 1066 and the introduction of chivalry into England », Law and Government in Medieval England and Normandy, G. Garnett et J. Hudson dir., Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 31-55; J. Gillingham, « Thegns and knights in eleventh century England », Transactions of the Royal Historical Society, 6e série, no 5,1995, p. 129-53; M. Strickland, « Slaughter, slavery or ransom: the impact of the conquest on the conduct of warfare », England in the Eleventh Century, C. Hicks dir., Stamford, Paul Watkins, 1992, p. 41-59. Pour situer ces développements dans un contexte chronologique et géographique plus large, voir C. S. Jaeger, The Origins of Courtliness: Civilizing Trends and the Formation of Courtly Ideals, 939-1210, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1985; M. Keen, Chivalry, New Haven/Londres, Yale University Press, 1984.
65 M. Kuefler, Manly Eunuch, ouvr. cité; A. Shepard, Meanings of Manhood in Early Modern England, Oxford, Oxford University Press, 2003; A.-M. Sohn, Sois un homme! La construction de la masculinité au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2009.
Notes de fin
1 Il a été décidé de traduire manhood par « être un homme » mais la plupart du temps, le terme a été conservé en anglais, le mot « virilité » ne pouvant être utilisé.
Auteur
ORCID : 0000-0003-2420-4991
Attaché de recherche à l’université de Cambridge et est actuellement chargé de recherches au CNRS, rattaché au LAMOP de l’université Paris I. C’est un spécialiste du Moyen Âge et de la masculinité. Il a publié, entre autres, Richard II: Manhood, youth and politics, 1377-1399, Oxford, Oxford University Press, 2008.
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