Chapitre II
Des ancêtres sans ancêtres
Texte intégral
1Pour Ernest Lavisse, l’unité et l’unicité des origines gauloises de la France ne font aucun doute. Dans l’ensemble de ses manuels, il n’admet que des origines gauloises à l’être historique de la France car les ancêtres des Français auraient été gaulois et rien d’autre. Les Français ne sont pas les seuls à se reconnaître un ancêtre authentique ; à la même époque, c’est ce que font les Italiens avec les Romains ou les Allemands avec les Germains1. Comme si l’être même du peuple français ne pouvait se penser sans le recours à l’être-là heideggérien (Geschichtlichsein), au toujours-déjà-là, celui du Dasein, qui fonderait simultanément son existence et sa question ontologique2. Comme si à l’aube des temps, cette population était déjà là et avait perduré jusqu’à nous dans son immaculée pureté, ou plus exactement dans son essence. Le peuple originel des Français est, existe de tout temps, sans histoire antérieure à celle de la France. Il est là dès l’ouverture de l’histoire humaine. L’origine de la nation française renvoie, pour Ernest Lavisse, au point originel et non à la genèse de la nation. La nation française existe sans se créer, s’engendre sans se constituer.
« Les Gaulois sont nos ancêtres »
2Lorsqu’Ernest Lavisse affirme que « les Gaulois sont nos ancêtres »3, il contribue assurément à diffuser l’idée d’un lointain ancrage originel de la nation française. L’idée n’est pas nouvelle et, sans même remonter aux Recherches de la France d’Étienne Pasquier en 15604, elle s’est largement propagée au xixe siècle notamment grâce à L’histoire des Gaulois d’Amédée Thierry5. Très diffusé dans les milieux littéraires et enseignants, et réédité durant tout le xixe siècle, l’ouvrage connaît un succès considérable tant par le sujet traité, son l’ampleur, que pour la qualité de ses analyses. Mais au-delà de l’apparente évidence, acquise au prix d’indénombrables répétitions et de confiances coupables, l’expression est lourde de sens et d’enjeux. Non seulement Ernest Lavisse laisse dans l’ombre les hommes préhistoriques, mais il voit dans les Gaulois des ancêtres sans ancêtres immédiats et qui, à l’exclusion de tout autre peuple, auraient été les seuls à vivre sur le territoire qui allait devenir la France. Cette affirmation est le résultat d’une véritable fabrique des ancêtres au service de la construction de l’identité française.
3Le problème pour Ernest Lavisse n’est plus de retracer une lointaine filiation paléolithique des Gaulois, ou bien d’identifier les populations qui habitaient l’espace actuel de la France avant même l’arrivée des Celtes. Il s’agit désormais de rendre compte des brassages et des flux démographiques du Néolithique directement à l’origine des populations gauloises. La question n’est plus de savoir de quelle manière l’homme se serait dégagé d’une très ancienne animalité simiesque, avec ses étapes intermédiaires comme « l’anthropopithèque ou homme-singe » de Gabriel de Mortillet6. Il s’agit de retrouver les ancêtres de « nos ancêtres les Gaulois ». Les archéologues et anthropologues prennent conscience de l’origine non indo-européenne des Basques, ils identifient aussi de vastes zones de peuplement néolithiques dépassant évidemment les frontières des États modernes, ils observent des vagues migratoires, ils identifient des races différentes, comme la « race alpine » ou la « race méditerranéenne »7.
4Or, dans les Petits Lavisse, on ne trouve personne, aucune population, aucun écheveau complexe menant aux Gaulois, aucun déplacement de population, aucune hétérogénéité. Là encore Ernest Lavisse reste sourd aux remarques d’Henri d’Arbois de Jubainville qui entreprend de dénoncer en 1889 la filiation simpliste des Gaulois aux contemporains de la Troisième République :
Une croyance universellement admise dans le monde lettré, en France et hors de France, fait des Français les fils des Gaulois qui ont pris Rome en 390 avant Jésus-Christ, et que César a vaincus au milieu du premier siècle avant notre ère. On croit que nous sommes des Gaulois, survivant à toutes les révolutions qui depuis tant de siècles ont bouleversé le monde. C’est une idée préconçue que, suivant moi, la science doit rejeter.8
5Sa critique est radicale et remet en cause jusqu’à l’Histoire des Gaulois d’Amédée Thierry. Il l’affirme dès l’entrée de sa préface afin d’en avertir le lecteur :
Une grande partie des doctrines énoncées et soutenues dans ce volume contredit celles qui sont généralement reçues en France, et qu’on admet chez nous dans l’enseignement classique. La plupart des Français puisent encore aujourd’hui, directement ou par l’entremise de livres de seconde main, leurs connaissances sur les origines historiques de leur patrie dans l’Histoire des Gaulois d’Amédée Thierry, dont la première édition date de 1828, et qui, par conséquent, n’est pas aujourd’hui tout à fait au niveau de l’état de la science, car l’auteur, étourdi par son succès, a reproduit les mêmes thèses dans toutes les éditions suivantes sans paraître se douter des progrès accomplis depuis 1828 par l’érudition moderne.9
6Cette fabrique des ancêtres est aussi dénoncée par d’éminents historiens comme Camille Jullian, spécialiste des Gaulois et créateur de la chaire des Antiquités nationales au Collège de France en 1905. Il écrit en 1900, dans la Revue de Paris dirigée par Ernest Lavisse :
La prééminence de la race celtique est un dogme que les historiens de ce siècle, je veux dire les historiens français, ont su rendre fort populaire. Pour eux, la France ou la Gaule est le domaine d’élection d’une même race, qui a son génie propre, et qui, pendant vingt-cinq siècles, a su y demeurer fidèle. […] Le culte de l’âme gauloise fait partie de ce très riche fonds de théories, de sentiments et de métaphores que le romantisme nous a légué et dont il est pénible de se défaire, car nulle habitude n’est plus impérieuse que celle d’une figure de rhétorique.10
7Mais Ernest Lavisse continue d’affirmer l’origine gauloise exclusive des Français, y compris dans ses nouveaux manuels parus au début du vingtième siècle. Il souhaite donner de « nos ancêtres les Gaulois » une identité racialement homogène et exclusive. C’est pour cela qu’il simplifie les origines et expurge tout élément dissonant. Il n’aborde pas non plus les populations indo-européennes que l’on voit alors venir des steppes pontiques (nord de la mer Noire) ou d’Anatolie et qui comprennent notamment, aux côtés des Celtes, les Germains et les Latins11. Il ne traite pas non plus des migrations des Teutons et des Cimbres survenues à la fin du iie siècle avant notre ère. Selon Amédée Thierry, les Cimbres figurent parmi les ancêtres des supposés Gaulois Kymris (ou Kimris), lesquels, mêlés aux Galls (ou Gaëls) auraient constitué la race gauloise12. Cela expliquerait que les Gaulois aient été dotés de caractéristiques raciales comme leur taille haute, leur peau claire et leurs yeux bleus. Ces aspects anthropologiques sont repris tout au long du xixe siècle par de célèbres historiens comme François Guizot ou Henri Martin. Ceux-ci n’hésitent pas à souligner la diversité anthropologique originelle à l’instar de Jules Michelet qui énumérait en 1833 ce qu’a « été l’accumulation des races dans notre Gaule [...], races sur races, peuples sur peuples : Galls, Kymry, Bolg ; d’autre part, Ibères ; d’autres encore, Grecs, Romains »13. Victor Duruy, très proche d’Ernest Lavisse, affirme en 1881 que les Gaulois ne sont pas originaires de Gaule puisqu’à cette époque « ceux qui furent nos pères erraient, bien loin de là, dans un autre monde »14. Il estime que l’on trouve alors sur ce sol gaulois « un mélange confus de populations étrangères les unes aux autres, d’Ibères et de Gaëls, de Kymris et de Teutons, de Grecs et d’Italiens »15. Lui ne passe pas sous silence la complexité anthropologique. Même si certains aspects demeurent évidemment discutables au regard du savoir anthropologique actuel, la description de Victor Duruy est importante car elle relativise l’affirmation d’une origine unique et la pertinence de la quête d’un moment véritablement premier. D’ailleurs, la pureté du sang gaulois ne lui semble pas absolue puisque « les anthropologistes sont disposés à admettre que le type aryen primitif et par conséquent celui des Gaulois était une tête dolichocéphale, des cheveux blonds et des yeux bleus » et que, par conséquent, « nos Gaulois châtains seraient des métis provenant du croisement avec les anciennes populations à teint brun »16 ; mais aussi que « deux peuples, d’une origine et d’une civilisation très différentes, vinrent mêler au sang gaulois quelques gouttes de sang étranger, les Phéniciens et les Grecs »17. Concernant l’importance comparée des origines gauloises et ligures dans le sud-est de la France, Ernest Lavisse accueille en octobre 1900, dans la Revue de Paris, une étude de Camille Jullian18. Celui-ci affirme que l’on ne peut réduire les origines des Français aux Gaulois et qu’il faut laisser une place aux Ibères et à « nos aïeux ligures »19, emboîtant en cela le pas à d’Arbois de Jubainville et à Fustel de Coulanges. C’est d’ailleurs ce que montrent des études contemporaines comme celles de Dominique Roget de Belloguet sur l’Ethnogénie gauloise (1872)20 ou d’Émile Levasseur dans son Histoire de la population avant 1789 (1889-1892)21. Ces deux ouvrages figurent dans la bibliographie proposée par Gustave Bloch en 1900 dans l’Histoire de France dirigée par Ernest Lavisse. Connaissant toute l’attention que celui-ci met à la relecture des ouvrages qu’il coordonne, on ne peut imaginer qu’il n’ait pas relu ces pages avant publication22. C’est tout autant le cas des manuels de Victor Duruy dont Ernest Lavisse a la charge de diriger la révision du texte pour les rendre conformes aux programmes de 1889. On ne peut affirmer que l’ethnogenèse gauloise lui est inconnue puisqu’Alexandre Moret l’évoque avec précision dans le manuel de sixième. Il identifie clairement différentes vagues de peuplement, et des origines orientales aux Celtes :
Les peuples de l’Orient […] appartenaient à deux familles principales, à deux grandes races blanches : les Aryens et les Sémites. [...] À une époque inconnue ils quittèrent l’Asie centrale et longèrent les rives du Gange, en Inde, jusqu’aux extrémités de l’Europe. Ces d’eux que sortent les Hindous, les Mèdes et les Perses en Orient ; les Pélasges, les Hellènes dans l’Asie Mineure, la Grèce et l’Italie ; les Celtes, les Germains, les Slaves dans le reste de l’Europe. Tous ces peuples sont frères d’origine, car les langues qu’ils parlent offrent les mêmes racines pour les mots essentiels et dérivent toutes du sanskrit, forme actuelle d’une langue plus ancienne parlée en Asie par toutes les tribus aryennes avant leur dispersion23.
8De même André Parmentier, qui a la charge du manuel de quatrième, continue la narration anthropologique et culturelle, et intègre Ibères, Ligures, Basques et Gaulois :
C’est seulement au xe siècle avant Jésus-Christ qu’apparaît dans notre histoire le premier peuple dont les auteurs anciens nous aient conservé le nom. Ce sont les Ibères et les Ligures, race vigoureuse, énergique dont nos Basques sont peut-être aujourd’hui les derniers représentants. Ils furent repoussés vers le sud de la Gaule, et forcés de pénétrer en Espagne par de nouveaux venus. C’étaient les Celtes, auxquels vinrent se mêler, au vie siècle, les Gaëls ou Gaulois et, vers le iiie siècle, des Kymris ou Belges. Ces trois derniers peuples, Celtes, Gaulois, Belges, étaient de même race ; ils avaient même origine que les Grecs et les Romains, venaient probablement comme eux du centre de l’Asie, et parlaient une langue qui appartenait au même groupe de langues que le grec et le latin24.
9Ces deux manuels de sixième et de quatrième s’adressent à des élèves âgés de 10 à 13 ans soit l’âge des élèves des cours moyen et supérieur de l’enseignement primaire des Petits Lavisse. On mesure alors tout l’écart entre ces deux filières d’enseignement et les choix opérés par Ernest Lavisse pour les élèves du primaire.
10Les théories biologiques du xixe siècle qui accompagnent l’essor des sciences de la nature contribuent à la racialisation de l’origine gauloise. Cette idée, qui semblait biologiquement attestée, a d’autant plus de force dans le dernier tiers du xixe siècle que l’Allemagne met aussi en avant l’origine raciale originelle de la nation germanique. L’apparente scientificité de ces théories pouvait représenter une forme de réconfort pour nombre d’intellectuels et hommes politiques français en cette période d’émergence de la puissance prussienne. La diversité raciale des Gaulois ne fait donc pas de doute pour les spécialistes. On pourrait évoquer une trop grande complexité pour des manuels de l’enseignement primaire qui expliquerait que les Petits Lavisse ne mentionnent pas ces apports. Mais ce serait oublier que Kymris et Galls se retrouvent dans de nombreux autres manuels. Parmi eux, lisons le Cours complet d’histoire de France de Désiré Blanchet et Jules Pinard en 1891 :
Les plus anciens habitants de la Gaule furent les Galls, Gaëls ou Celtes. Sept cents ans avant Jésus-Christ, les Kimris vinrent de l’Allemagne, les Ibères virent de l’Espagne, et ils occupèrent, les uns le nord, les autres le midi de la Gaule. Les Galls furent refoulés vers le centre. [...] Les hardis navigateurs de Tyr et de Carthage, qui parcoururent de si bonne heure tous les rivages de la Méditerranée, fondèrent aussi quelques colonies dans le midi de la Gaule. [...] L’an 600 avant notre ère, un marchand grec, nommé Euxène, aborda dans un golfe profond, à l’est des bouches du Rhône. [...] Ses compagnons se fixèrent sur les rivages de la mer, et ainsi fut fondée la ville de Marseille, destinée à devenir la reine de la Méditerranée. Elle paya aux Gaulois leur hospitalité en leur apprenant la culture de la vigne et de l’olivier.25
11L’inertie d’Ernest Lavisse peut avoir des effets paradoxalement positifs. Ici, en choisissant de ne pas évoquer les ancêtres Gaëls et Kymris, il effectue, d’un point de vue scientifique, un non-choix pertinent car à la fin du xixe siècle l’existence de ces populations apparaît de plus en plus douteuse. De nombreux anthropologues et historiens, comme Camille Jullian, critiquent et démontent ce qui n’aura été, finalement, qu’une hypothèse. Nous pourrions saluer la perspicacité d’Ernest Lavisse. Pour lui le souci phylogénique est de montrer une origine raciale pure et homogène. D’ailleurs, la question raciale est absente des Petits Lavisse. Il privilégie une conception culturelle et politique de la nation et de la patrie aux dépens d’une approche ethnique et raciale26. Nous verrons que c’est aussi une manière de penser l’identité nationale à distance de l’interprétation allemande.
12Le souci essentiel d’Ernest Lavisse – son obsession même qui est aussi celle de son siècle27 – est de donner des Français l’image d’un peuple cohérent où l’homogénéité biologique pallie l’absence de nation. C’est d’autant plus impératif que lorsqu’il abordera les caractéristiques psychologiques et politiques des Gaulois, il se sentira contraint de souligner avec insistance leur désunion, leur incapacité à bâtir un État, une nation unie. C’est pour cela qu’il ignore la diversité anthropologique. Jules Michelet, tout aussi préoccupé par l’unité du peuple, avait résolu le problème autrement. Il affirmait que, malgré la multiplicité des apports, « la France s’est faite elle-même de ces éléments dont tout autre mélange pouvait résulter. Les mêmes principes chimiques composent l’huile et le sucre. Les principes donnés, tout n’est pas donné ; reste le mystère de l’existence propre et spéciale »28. Telle n’est pas l’approche d’Ernest Lavisse qui écrit un demi-siècle après Michelet à une époque où le discours sur les races a pris de l’ampleur. Il a pénétré le débat public et politique. Pourtant, évoquer les brassages démographiques et anthropologiques aurait pu être compatible avec son souci constant d’affirmer l’unité et l’ancienneté du peuple originel des Français. Gabriel de Mortillet montre en 1897 dans La formation de la nation française que la diversité des races ne gêne en rien le sentiment d’appartenance nationale29. Cela aurait pu aussi conduire Ernest Lavisse à adopter une position intermédiaire comme celle de Camille Jullian dans son cours professé au Collège de France en 1909. Camille Jullian accepte la multiplicité des peuples ayant vécu sur le territoire de la France tout en considérant que « cette époque néolithique marque peut-être le vrai début de notre histoire nationale »30. Son interprétation insiste sur la relation consubstantielle entre le sol de la France et son peuple qui s’unit en nation. Il décrit les temps nouveaux du Néolithique, ses changements climatiques, « la terre levant les blés, l’homme bâtissant ses villages et traçant ses routes, paisible au milieu de ses granges et de ses troupeaux, demeures et tombeaux étalés au plein air : c’est-à-dire, l’homme et le sol tels qu’ils sont restés jusqu’aux heures présentes »31. La France apparaît sur ce sol qui « est prêt pour recevoir, former et garder une nation » : « Notre patrie existe en puissance, dans ses raisons matérielles, dans ses fondements terrestres. Et ce sont les hommes de la pierre polie [...] qui ont bâti ces fondements éternels. »32 Mais pour l’heure, ce ne sont pas les choix d’Ernest Lavisse même si dans son Cours moyen édité à partir de 1912 il revoit en partie sa description des Gaulois et montre l’existence de villages, de l’agriculture et de l’élevage. Il rapproche ainsi la protohistoire gauloise du Néolithique ; mais sans évoquer la néolithisation. Au temps des origines, Ernest Lavisse n’accepte pas de processus ou d’évolution. Les Gaulois sont un point de départ et non une étape dans une émergence. Fondamentalement les Gaulois entrent dans l’histoire nationale comme un peuple déjà là. Ce sont des ancêtres sans ancêtres.
La France et les Gaulois, une relation exclusive
13De même, en voulant privilégier une origine gauloise exclusive, demeurée dans sa pureté originelle, Ernest Lavisse ignore délibérément les apports ultérieurs. Ce qu’il souhaite définir, c’est l’identité des Français, de la nation française, de ce peuple dont le sang serait essentiellement gaulois en raison du faible apport migratoire ultérieur :
Les Romains qui vinrent s’établir en Gaule étaient en petit nombre. Les Francs n’étaient pas nombreux non plus, Clovis n’en avait que quelques milliers avec lui. Le fond de notre population est donc resté gaulois. Les Gaulois sont nos ancêtres.33
14Déjà en 1828 Amédée Thierry estime que les Gaulois sont « une race de laquelle descendent les dix-neuf vingtièmes d’entre nous, Français »34. L’affirmation, alors peu vérifiable, se mue progressivement en évidence. Elle est ensuite largement reprise tout au long du xixe siècle, notamment sous la plume d’Henri Martin dans son Histoire de France parue au milieu du xixe siècle :
Les premiers hommes qui peuplèrent le centre et l’ouest de l’Europe furent les Gaulois, nos véritables ancêtres ; car leur sang prédomine de beaucoup dans ce mélange successif de peuples divers qui a formé notre nation, et leur esprit est toujours en nous. Leurs vertus et leurs vices, conservés au cœur du peuple français, et les traits essentiels de leur type physique, reconnaissable sous la dégénération amenée par le changement des mœurs et par le croisement des populations, atteste encore cette antique origine.35
15Ou encore Eugène Garcin en 1868 dans Les Français du Nord et du Midi qui affirme l’unité biologique des Français :
En France, la masse du peuple rustique est celte. Les conquérants ont passé dessus, sans lui faire perdre le fond de son caractère original. Jacques Bonhomme, son nom l’indique, est gaulois, Jacques Bonhomme jadis attaché à la glèbe, c’est le libre peuple de France. Il s’est assimilé le génie de ses propres vainqueurs ; mais en s’enrichissant, il est resté lui.36
16On le répète à l’envi, la population française serait bien restée gauloise, la nation française serait constituée de ce peuple dont la marche aurait commencé avec les Gaulois. C’est un peuple qui réunit les vivants et, plus nombreux encore, les morts, dans une longue chaîne, unis par les maillons des mariages, des naissances, des générations, des liens sociaux, un cheminement collectif, parfois chaotique, dans la légende des siècles37. Ce peuple évolue tout en restant lui-même comme Alfred Fouillée souhaite le démontrer en 1898 dans sa Psychologie du peuple français. Bien qu’il dénonce régulièrement les usages simplistes de la psychologie collective des races dans le conflit franco-allemand, il reconnaît que « le caractère national, en effet, est intimement lié au tempérament, qui lui-même est lié à la constitution héréditaire et aux traits ethniques, non moins qu’au milieu physique »38. Ces convictions ne doivent pas nous surprendre. Elles s’inscrivent aisément dans une conception largement partagée de la permanence des caractéristiques morales et psychologiques au cours des siècles. Le Journal des instituteurs s’appuie justement sur Alfred Fouillée en 1906 pour affirmer que « tous les historiens s’accordent à attribuer aux Gaulois, nos ancêtres, un instinct de justice et de fraternité ». La revue pédagogique considère aussi qu’à l’époque moderne « cet instinct s’était réfugié dans nos Parlements, où l’on retrouvait encore quelque indépendance, quelque souci de la justice et du droit ». Enfin, les révolutionnaires portaient encore en eux ces sentiments et, en votant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « les Constituants ne firent que renouer une tradition »39. Cette conception est étayée par les théories psychologiques de l’époque. C’est ce qu’affirmait Amédée Thierry qui dotait le peuple gaulois de caractères physiques et moraux transmis de génération en génération. C’est ainsi que l’on passe facilement du caractère des Gaulois, au caractère gaulois, et de là au caractère national. À cette époque les biologistes travaillent sur l’hérédité et identifient vers 1900 les gènes, nommés ainsi en 1909 par Wilhelm Johannsen. C’est encore à cette période-là qu’Émile Zola met en scène – et à ses yeux, en évidence – les interactions et les destinées d’individus pris dans le jeu des déterminismes des milieux familiaux et sociaux. Chacun est alors pris dans un réseau de contraintes héréditaires indépassables, au-delà de sa personnalité propre, de son histoire et de son libre arbitre. C’est ainsi qu’Alfred Fouillée identifie « un caractère français » façonné par « des actions physiques et sociales prolongées à travers les siècles, indépendantes de la génération présente, s’imposant à elle par toutes les idées nationales, par les sentiments nationaux, par les institutions nationales ». Et d’ajouter que « c’est le poids de l’histoire entière que l’individu subit dans ses rapports avec ses concitoyens »40. Fustel de Coulanges n’affirmait-il pas dès l’introduction de La Cité antique que, « heureusement, le passé ne meurt jamais complètement pour l’homme ? L’homme peut bien l’oublier, mais il le garde toujours en lui. Car, tel qu’il est à chaque époque, il est le produit et le résumé de toutes les époques antérieures. S’il descend en son âme, il peut retrouver et distinguer ces différentes époques d’après ce que chacune d’elles a laissé en lui »41. Ainsi se crée l’identité d’un peuple, au croisement de l’âme originelle, de sa psychologie collective et du vécu historique commun. Selon Albert Fouillée, chaque nation possède donc une conscience et une volonté propres. La « race gauloise » se caractérise par sa sensibilité, « l’extrême facilité à s’enflammer tout à la fois et à multiplier la passion de chacun par celle de tous »42, et sa grande sociabilité. Cela expliquerait la facilité avec laquelle les Gaulois sont devenus des Gallo-Romains. Mais Alfred Fouillée identifie aussi chez les Gaulois la générosité et, citant Strabon, rappelle qu’ils prenaient volontiers la cause des opprimés. L’empathie collective générerait un « instinct égalitaire »43 où l’on sentirait déjà poindre le goût pour la démocratie, surtout dans sa forme républicaine. Le cœur de la nation serait donc gaulois, à chaque contraction cardiaque il impulserait dans l’organisme national cette substance originelle, vivifiante et forte, déterminante. En la nation présente coulerait le sang gaulois.
17Pénétré de ces convictions, Ernest Lavisse affirme encore en 1922, dans son manuel le plus récent (Cours moyen de 1912), que « le fond de notre population est donc resté gaulois »44. Pourtant, il est manifestement en contradiction avec les connaissances historiques et anthropologiques de l’époque. En effet, on sait bien que si les Romains n’étaient généralement guère nombreux dans l’ensemble de la Gaule, leur présence était bien plus forte dans certaines régions comme en Provence. De même, les Petits Lavisse ne font nullement mention des populations létiques, ces peuples vaincus par l’Empire romain qui doivent leur survie à leur soumission officielle. Ils sont déportés et installés dans des régions où ils servent en tant que cultivateurs et, si nécessaire, de soldats. En 332, ce sont près de 300 000 Sarmates qui sont installés par l’Empire romain en Thrace, en Italie et en Gaule. Selon Jean-Pierre Poly et Pierre Riché, les Lètes pourraient avoir atteint entre 4 et 7 % de la population de la Gaule. Mais ils sont surtout concentrés dans certaines régions où leur importance démographique est pour le moins non négligeable – comme dans les régions d’Amiens, Beauvais, Reims, Troyes, Langres et Autun – puisqu’ils pourraient y représenter entre 12 et 21 % de la population45. Il faut aussi ajouter les peuples fédérés (fœderati) qui ont passé un traité avec Rome qui leur permet de s’installer en échange de la paix. Certains fœderati n’ont pas été numériquement assez importants pour affecter profondément les populations auxquelles ils se sont mêlés. C’est notamment le cas des Burgondes (sud-est de la Gaule), des Sarmates (région Centre), des Alains (Orléanais), des Taïfales (Poitou), des Vandales (Corse), des Saxons (nord et ouest) et des Wisigoths (Aquitaine et Languedoc), rapidement acculturés. En revanche, ce n’est pas le cas des Alamans qui s’établissent dans une Alsace désolée, et des Francs qui occupent les régions situées entre le Rhin, la Moselle et l’Escaut. Ceux-là ont joué un rôle déterminant dans l’ethnogenèse de ces espaces. D’autres régions ont vu des peuples non gaulois peser démographiquement comme en Bretagne. Après la saignée due à la répression impériale des révoltes paysannes, des Bretons du Pays de Galles s’installent en Armorique au ve siècle, ce qui conduit à une receltisation de la Bretagne. En 911, des Vikings s’installent en Normandie après l’accord de Saint-Clair-sur-Epte signé entre Rollon et Charles le Simple de façon à mettre un terme à leurs nombreuses incursions. Ce sont surtout des hommes qui se mêlent dès la première génération aux populations autochtones entraînant un mixage ethnique rapide46. Les influences démographiques se font aussi depuis le sud par des populations venues du Maghreb et du Levant. Certes, au viiie siècle, les quatre décennies d’occupation omeyyade du Languedoc ou leur implantation militaire en Provence n’ont pas « eu de conséquence ethnique appréciable »47. Mais n’oublions pas la présence, même numériquement faible, de musulmans d’Al-Andalus, du Maghreb, de l’Égypte et du Levant en Languedoc au xiie siècle comme le note Benjamin de Tudèle en 1160, ou encore, en Roussillon, Languedoc et Provence, d’esclaves musulmans ou d’origine musulmane jusqu’au xve siècle. Une fois affranchie et christianisée, une partie de cette population s’est vraisemblablement mêlée aux communautés locales48. Comme le souligne Robert-Henri Bautier, tous ces mouvements migratoires, même lorsqu’ils concernaient des effectifs peu importants, ont joué un rôle politique et social déterminant en ce qu’ils ont contribué à faire émerger un sentiment particulariste qui est à l’origine des royaumes du haut Moyen Âge (notamment Austrasie, Neustrie, Bourgogne, Aquitaine et Bretagne) puis les entités politiques du Moyen Âge classique. Ainsi, on peut aisément affirmer que, loin de la pureté gauloise de la nation française, imaginée ou rêvée par le xixe siècle, et enseignée avec tant de constance par la Troisième République, la population française des xe et xie siècles apparaît véritablement comme un « melting-pot »49, ou pour le moins un « agrégat de peuples divers » constituant chacun « de petites patries dont chacune offre un caractère propre »50.
18De tout cela, guère de traces dans les Petits Lavisse. Les migrations se diluent dans la nation française en entrant en elle. Elle les « assimile » comme l’écrivait Vidal de La Blache. D’ailleurs, même les histoires locales et régionales, si nombreuses sous la Troisième République, ne mettent guère en avant leurs spécificités face à l’histoire nationale. Les petites patries s’effacent devant la France et leur propre histoire n’existe que dans la mesure où elle vient étayer la construction nationale. Elles s’amputent spontanément de tout ce qui ne relève pas de l’histoire de la grande patrie et ne se présentent que comme des résumés de celle-ci, des « miniatures historiques »51. Même leur rattachement à la couronne de France est souvent passé sous silence ou bien présenté comme le résultat d’un ardent patriotisme qui rend l’insertion naturelle et évidente. Cette intégration dans le roman national entraîne une réécriture des origines les plus lointaines de ces petites patries. Elles se disent françaises avant même de l’être. D’ailleurs, les tables des matières des histoires locales se structurent en fonction des grandes étapes de l’histoire de France, illustrant la geste nationale52. Même si la petite patrie est bien célébrée, elle existe conjointement à la grande : l’une nourrit l’autre, et l’autre donne sens à l’une. L’attachement à la petite patrie passe par celui dévolu à la grande patrie. En histoire comme en géographie, on constate que le patriotisme local sert le patriotisme national53. En revanche, en géographie, la diversité régionale ou locale est mise en avant car elle est un visage de la diversité et de la richesse de la France comme on le voit dans le Tour de la France par deux enfants. Mais en histoire l’altérité est tue et ne trouve finalement que peu de place dans les Petits Lavisse. Les implantations régionales de peuples non gaulois sont toujours passées sous silence à l’exception des Francs, peuple éponyme s’il en est et dont l’absence aurait été difficile à justifier. Mais, même pour eux, la description reste sommaire puisqu’elle se limite en 1913 au fait qu’un « des peuples venus d’Allemagne [...], les Francs, s’établit dans le Nord de la Gaule »54. Plus encore, une carte des Leçons préparatoires exclut, jusqu’au début du xxe siècle, les Francs de la future France, les situant entre Meuse wallonne et Mer du Nord, au-delà des « limites de la France actuelle », feignant d’ignorer qu’ils se sont installés entre Moselle et Escaut (ill. 10). Et l’on sait qu’Ernest Lavisse précise bien que les Francs n’étaient pas suffisamment nombreux pour modifier le « sang gaulois ». Ils sont évoqués comme de simples guerriers qui accompagnent Clovis. Quant aux Alamans, ils ne semblent pas s’installer en Alsace, disparaissant du roman national après leur défaite à Tolbiac, juste avant la conversion de Clovis et l’affirmation de la France comme « Fille aînée de l’Église ». Il aurait été délicat pour Ernest Lavisse, après le traité de Francfort et l’annexion, d’évoquer une installation pluriséculaire d’Alamans en Alsace. D’autant qu’Ernest Lavisse désigne les Alamans sous le nom d’Allemands dans La première année d’histoire de France en 1876.
Illustration 10. Carte pour servir à l’histoire de la Gaule et des premiers rois francs (Lavisse, 1876-1892, détail).

10. « Carte pour servir à l’histoire de la Gaule et des premiers rois francs », dans E. Lavisse, Leçons préparatoires, Paris, A. Colin, 1883, p. 15. Collection particulière.
19Concernant les Normands, Ernest Lavisse évoque bien leurs raids, raconte qu’ils profitent de l’affaiblissement de l’empire carolingien « pour envahir le royaume »55, qu’ils « pill[ent] beaucoup de pays et tu[ent] beaucoup de gens »56 mais passe sous silence leur implantation en Normandie, toponyme pourtant explicite. Pour le reste, ni Bretons ni Sarrasins ne s’installent en France. On ne voit pas non plus apparaître de marchands orientaux, notamment les négociants juifs et les marchands syriens présents depuis le iie siècle, ou les trafiquants frisons et anglo-saxons qui arrivent à la fin du viie siècle, ou encore les Italiens (Vénitiens et Milanais notamment) et les Espagnols. Seulement on apprend que « dans les grandes villes, il y avait tous les ans des foires où les marchands venaient de France et des pays étrangers »57 sans que l’on puisse imaginer un seul instant que certains s’établissent puisqu’ils reviennent « tous les ans ».
20Ernest Lavisse ne suit manifestement pas ses collègues historiens pour qui ces faits sont bien établis et connus. Par exemple, citons le discours de Gaston Paris prononcé le 24 mars 1895 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne lors de la première assemblée de la Société d’ethnographie nationale et d’art populaire dans lequel il appelait à la reconnaissance des diverses origines de ce qu’il qualifiait lui-même d’« admirable mosaïque » de la France :
Est-ce pour rien que sous ce nom de Français, qui n’est pas un nom de race, mais un nom d’amour et de longue histoire commune, les vieux habitants primitifs dont nous ignorons les noms, et les Ibères, et les Ligures, et les Celtes, et les Romains, et les Germains, et les Scandinaves, mêlent aujourd’hui leur sang et leur génie ?58
21En 1902, Maurice Dumoulin lance dans la Revue de synthèse historique un vaste questionnaire ethnographique sur « la race française »59. Il exprime très clairement la nécessité de prendre conscience de la diversité anthropologique afin de préciser « la définition de ce que l’on entend par ce mot : la race française, qui en est restée à celle que le vieux Caton et Strabon donnaient des peuplades que les Romains appelaient “les Gaulois” »60. Il énumère les principaux apports migratoires :
Le pays compris entre l’Océan, la Méditerranée, les Pyrénées, les Alpes, le Rhin, et qui est devenu la France, a été, successivement, occupé par les Ligures, les Grecs, les Carthaginois ; par ceux que César appelle les Celtes, les Belges, les Aquitains ; par les Latins, les Helvètes, les Burgundes, les Francks, les Arabes et les Juifs (race sémitique), les Syriens (Tours), les Huns, les Bretons, les Hongrois, les Normands, les Espagnols, les Suisses (troupes soldées), les Écossais id., les Anglais, les prisonniers de toutes les guerres modernes. Il a été envahi par les Italiens, les Allemands, les Russes, les Autrichiens. Les nègres ou les représentants de races de couleur commencent à y séjourner61.
22Le questionnaire a pour but de déterminer, pour chaque région, quelles ont pu être les influences démographiques, linguistiques et sociologiques de ces flux migratoires. Pour illustrer son propos, Maurice Dumoulin donne quelques exemples :
Pour ne parler que de la race, il est à ma connaissance des cas de colonies isolées tels que certaines familles de race imprécise devenues villages, dans les monts du Forez ; tels que certaines familles qui proviennent directement de colonie romaine, aux environs de Rumilly (Haute-Savoie). Il est certain que les habitants d’Agde (Hérault) – et les femmes en sont bien preuve manifeste – procèdent des Grecs ; il est non moins certain qu’à Avignon et à Tarascon, où les juifs n’étaient pas soumis à des lois d’exception, le mélange s’est opéré entre les deux races62.
23Contrairement au manuéliste, l’historien Ernest Lavisse n’ignore pas ces apports démographiques. Il affirme en 1890 dans la Vue générale de l’histoire politique de l’Europe que la France est composée « des races diverses, celtique, germanique, romaine, basque »63. En 1894, dans l’Histoire générale du ive siècle à nos jours qu’il dirige avec Alfred Rambaud, André Berthelot mentionne bien les populations barbares qui se sont installées dans l’Empire et notamment en Gaule avec des statuts de Lètes ou de fédérés et dont témoignent encore certains toponymes64. Les principaux flux migratoires apparaissent aussi dans l’Histoire de France des origines à la Révolution dont Ernest Lavisse dirige la publication entre 1900 et 1911. On mesure bien l’écart entre l’universitaire et le manuéliste lorsqu’on lit ce qu’Ernest Lavisse écrit en 1922 dans le neuvième et dernier tome de son Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 :
Différents peuples ont composé notre peuple. De grandes migrations, venant de l’est et du nord et marchant vers le sud-ouest, les ont apportés. Nous ne connaissons que les derniers venus, dont les principaux sont les Celtes et les Germains ; mais combien les ont précédés au temps de la Préhistoire ? D’autre part, nos côtes méditerranéenne, océanique, septentrionale ont attiré les marins et les colons. De la Méditerranée sont venus des Phéniciens, des Carthaginois, des Grecs, des Latins, plus tard des Arabes. La Bretagne insulaire a envoyé ses Bretons dans notre Armorique, et la Scandinavie ses Normands à l’embouchure de la Seine.65
24Ces propos sont le résultat de l’évolution d’Ernest Lavisse sur le demi-siècle de son activité professionnelle et de sa réflexion historique. Il accepte l’apport démographique non gaulois bien qu’il le passe sous silence dans ses manuels. Il fait aussi une place à la Préhistoire longtemps ignorée. Ces deux discours différents, celui de l’historien et celui du maître d’école, trouvent pourtant chez les institutrices et instituteurs des points de contact. Non seulement ceux-ci lisent parfois les grands ouvrages universitaires mais surtout la presse professionnelle rend compte de la sortie de certains ouvrages majeurs et ouvre ses colonnes à des articles de synthèse et à des propositions didactiques. Ainsi, la conclusion précédemment citée à l’Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 est intégralement reproduite dans le Manuel général de l’instruction primaire dès sa publication en 1922. Cela ne rend que plus évident l’écart entre le discours universitaire et le discours scolaire sur les origines de la population française jusqu’au premier millénaire de notre ère.
25À partir du xie siècle, même si la France n’a guère connu de flux massif d’immigration, il y a malgré tout un brassage de populations sur les marges du royaume amenant des populations venant de Belgique ou de Suisse à partir du xviie siècle (désertification de l’Alsace et la Lorraine dans le contexte de la guerre de Trente Ans qui conduit à l’arrivée de colons suisses, picards mais aussi allemands) et du xviiie siècle, en provenance du nord de l’Italie ou de l’Allemagne rhénane. L’intégration du comté de Nice et du duché de Savoie en 1860 pointe le cas des populations ligures. Maurice Dumoulin soulève ces aspects dans l’enquête qui mène en février 1902 dans la Revue de synthèse historique :
Les Flamands du département du Nord sont de même race ethnographique que les Flamands de la Belgique. Du fait que ceux-ci sont Belges et que ceux-là sont Français, y a-t-il entre eux de notables différences, des caractéristiques diverses, et quelles sont-elles ? De même entre les Lorrains et les habitants du Palatinat ; les Lorrains et les Alsaciens ; les Alsaciens et les Badois ; les Francs-Comtois et les Suisses ; les Savoyards et les Dauphinois et les Piémontais ; les Roussillonnais et les Catalans ; et surtout, surtout les Basques de France et ceux du Béarn ?66
26D’ailleurs, plus profondément, ce que souligne Maurice Dumoulin c’est que d’un point de vue ethnographique, l’idée d’une « race française [...] est difficile à soutenir ». Elle est le résultat « d’évolutions, de pénétrations et de mélanges ». Et dans l’éventualité où l’on pourrait déterminer une unité, pose-t-il en hypothèse, il faudrait non seulement s’interroger sur les caractères de cette unité mais encore sur l’époque à laquelle elle se manifeste.
Des Français non gaulois, des Gaulois non français
27La question de la « pureté » du sang gaulois qui coulerait encore dans les veines des Français devient sous la Troisième République encore plus problématique. Durant le demi-siècle lavissien, la composition de la population française amorce un changement. Le nombre d’étrangers commence à augmenter de façon importante dès la fin du siècle67. En 1876, l’année de la première édition des Petits Lavisse, on compte en France 800 000 étrangers, soit un doublement depuis 1851. En 1880, ils atteignent le million. Si l’on considère les Français par acquisition de la nationalité et les étrangers, nés en France ou non, ils représentent en 1911 3,6 % (1,4 million) de la population totale (39,2 millions) ; ils sont 4,6 % (1,8 million) en 1921 (la population totale s’élevant à 38,8 millions). En dix ans le rythme de progression a doublé, ce qui est d’autant plus remarquable, souligne en 1922 le géographe Maurice Zimmermann, « que la plus grande partie de la colonie allemande, autrichienne ou hongroise [habitant en France en 1914] avait quitté la France » à la fin de la guerre, et que c’est donc ce nouvel apport migratoire d’étrangers « qui a provoqué les augmentations qu’on relève dans certaines régions, en même temps qu’il amortissait sur d’autres points, l’importance des pertes subies »68 par le conflit. Il faudrait aussi signaler l’immigration politique qui amène en France des Espagnols (fuyant la troisième guerre carliste qui s’achève en 1876), des Italiens (qui refusent l’unité italienne), des Juifs (fuyant les pogroms tsaristes), des Arméniens après 1915, ou encore des Russes blancs au lendemain de 1917. C’est surtout après les transformations géopolitiques de la Première Guerre mondiale que beaucoup d’entre eux choisissent de s’établir en France. D’un point de vue économique, on observe dès 1907-1908 les premiers essais de recrutements collectifs, organisés tant par le patronat que par l’État, afin de recruter de la main-d’œuvre agricole et minière d’Espagne, d’Italie, de Pologne, de Westphalie… En 1915, pendant la Première Guerre mondiale, l’État fait venir 150 000 hommes et femmes en vue de compenser la mobilisation. Outre des Algériens, qui sont sujets français, on a aussi massivement recours aux populations des colonies, Marocains, Tunisiens, Malgaches, Annamites et Chinois. En 1918, c’est 1,4 million de jeunes tués ou invalides qui manquent pour la reconstruction. Ainsi un nouveau courant migratoire important se développe à partir des années 1920 (jusque dans les années 1930) pour faire face à cette pénurie de main-d’œuvre ; viennent en France des Russes, des Arméniens, des Tchèques, des Yougoslaves, des Hongrois69… L’État et des organismes privés concluent des conventions d’immigration en 1919 avec plusieurs pays d’Europe centrale. L’arrivée de ces nombreux étrangers fait de la France le deuxième pays d’immigration après les États-Unis ; mais si on rapporte le nombre d’immigrés à la population totale, la France est à la première place. Ernest Lavisse ne l’ignore pas puisqu’il reconnaît dans son Histoire de France contemporaine que la population étrangère est passée de 1 132 000 avant la guerre à 1 550 000 au recensement de mars 1921. Il est tout à fait conscient de la « proportion croissante des étrangers »70. Mais lorsque l’historien se fait manuéliste, ces flux migratoires disparaissent. Dans le Cours élémentaire, le chapitre vingt-trois qui traite de la révolution industrielle est à ce titre explicite. Aucun des moyens de transport n’amène de populations en France. À l’occasion de l’évocation du chemin de fer, on apprend seulement qu’on « voyage beaucoup plus à présent qu’au temps passé »71. Concernant les bateaux à vapeur, l’auteur ne met les élèves qu’en situation de se rendre en Afrique ou en Amérique, ou de faire le tour du monde. Il n’est jamais question de populations qui viendraient en France : « Autrefois, c’était une grande affaire de voyager sur mer. Aujourd’hui, on n’y pense plus. On parle d’aller en Afrique et en Amérique, comme si c’était une chose ordinaire. »72 Les seuls étrangers qui se rendent en France sont ceux qui viennent admirer l’Exposition universelle de 1889 qui attire « à Paris des millions d’étrangers »73.
28Plus encore, en se focalisant sur la population étrangère, ces chiffres ignorent encore les personnes qui ont obtenu la nationalité française dans les générations antérieures. Sans véritablement remettre en cause le principe du ius sanguinis, des lois sont votées qui permettent à des étrangers vivants sur le territoire français d’obtenir leur naturalisation en vertu des principes du ius soli. C’est particulièrement le cas de la loi du 26 juin 1889 et de celle du 22 juillet 189374. Les conditions sont assouplies : la loi sur la naturalisation de 1889 n’impose plus qu’un délai d’un an de résidence pour les étrangers vivants en France75. Révélatrices aussi de cette prise de conscience dans l’ensemble de la société, et des peurs que cela suscite, des mesures sont adoptées dès la fin du xixe siècle afin d’imposer des restrictions à l’embauche des non-nationaux, comme le décret du 10 août 189976. De même, les étrangers se voient interdire l’accès à certains métiers et, parmi eux, ceux de l’enseignement par la loi du 30 octobre 1886 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire dont l’article 4 stipule que les étrangers ne peuvent enseigner dans les écoles publiques. Concernant les écoles privées, il leur faut nécessairement disposer du brevet de capacité français ou d’une équivalence dûment attestée, être admis à jouir des droits civils en France, et avoir obtenu une autorisation donnée par le ministre, après avis du conseil départemental. L’actualité exprime aussi une montée d’une certaine hostilité populaire, voire d’un véritable sentiment xénophobe, assez répandu à l’égard des Belges, des Polonais, des Italiens – qu’on pense aux dix morts d’Aigues-Mortes en 189377 – mais aussi des Anglais, quand ce n’est pas, à tort ou à raison, l’accusation d’être allemand dans un contexte international tendu.
29Dans la relation exclusive qu’Ernest Lavisse dresse entre « nos ancêtres les Gaulois » et la France, l’historien ne se pose pas non plus la question des descendants des Gaulois qui ne seraient pas devenus des Français. Dans l’écriture lavissienne de l’histoire, les Gaulois demeurent fondamentalement les peuples de la Gaule telle que circonscrite artificiellement par César dans La Guerre des Gaules. Leur intégration dans l’ensemble plus vaste des Celtes, dont ils sont un rameau, n’apparaît jamais. Pourtant, on n’ignore pas à l’époque que des populations situées de l’Europe centrale – comme la Bohême (Boïens) et la Slovaquie (Cotini), et même en Asie Mineure (Galates) – à la péninsule Ibérique (Celtibères) et aux îles britanniques (Britanni), en passant par le Sud de l’Allemagne (Volques Tectosages), la Suisse (Helvètes) et le Nord de l’Italie (Insubres) pourraient aussi revendiquer, au moins partiellement, une origine celtique. Les populations celtiques du Nord de l’Italie ne sont jamais mentionnées dans les Petits Lavisse, pas plus que la Gaule cisalpine. On apprend seulement que lors de la « conquête de l’Italie », « les Romains ont commencé par soumettre tous les peuples de l’Italie »78 mais sans plus de détails. Pour Lavisse, les Gaulois sont fondamentalement les ancêtres des Français et d’aucune autre nation.
30Enfin, la France est aussi constituée de territoires et de peuples colonisés. En 1921, ce sont 55,6 millions de personnes qui vivent dans des colonies, des protectorats et des mandats français, pour une population métropolitaine de 39,1 millions d’habitants. D’ailleurs les Petits Lavisse ont été parfois diffusés dans les colonies et même traduits dans les langues vernaculaires comme c’est le cas de la version tamoule des Leçons préparatoires 1887 (ill. 11 et 12)79.
Illustration 11. Les Gaulois et les Francs, édition tamoule (Lavisse, 1887).

11. « Les Gaulois et les Francs », dans E. Lavisse, Traduction en langue tamoule d’« Histoire de France avec récits » [traduction de l’Année préparatoire], par V. D.Tamby et V. A. Tamby Poulle, Pondichéry, Rattinamodeliar, 1887, p. 3. © Bibliothèque nationale de France.
Illustration 12. Les Gaulois et les Francs (Lavisse, 1883).

12. « Les Gaulois et les Francs », dans E. Lavisse, Leçons préparatoires, Paris, A. Colin, 1883, p. 3. Collection particulière.
31Nous avons cependant ici affaire à une exception80 que l’on rencontre aussi dans les écoles antillaises et dans quelques écoles des quatre communes sénégalaises81. Ailleurs, le mythe de « nos ancêtres les Gaulois » n’a guère été diffusé dans les territoires coloniaux. En Afrique coloniale, une grande place est laissée à l’histoire de l’AOF (Afrique-Occidentale française), à l’histoire et la géographie régionales, et plus généralement à celles des colonies. Fily Dabo Sissoko en témoigne lorsqu’il relate sa scolarisation à l’école primaire de Babarato au Soudan français dans les années 1910-192082. Comme le note Sophie Dulucq, ce qui était enseigné, c’était plutôt « nos ancêtres les Africains »83. Au contraire, la scolarisation a souvent plus insisté sur « la culture ancestrale » et l’identité indigène dans une relation d’infériorité asseyant la domination de la métropole, que sur un simple transfert en territoires colonisés du panthéon national84. C’est aussi le cas en Indochine où l’attention se concentre sur l’histoire de l’Asie et où le culte des héros républicains fait plutôt place à celui des grands personnages nationaux ou régionaux. Plus encore, Trinh Van Thao observe une vietnamisation des grands hommes européens qui porte, par exemple, Lazare Carnot à retourner voir son maître d’école et à le saluer en accomplissant le devoir confucéen de piété filiale, celle-là même que l’élève doit à l’égard de son maître. Paul Bert également, ancien gouverneur général de l’Indochine française en 1886, se voit décerner le titre de « grand bienfaiteur » (Dai An Nhan) du Vietnam85. Plus encore, au sujet des « ancêtres », ceux du roman national entrent rapidement en interférence avec le religieux « culte des ancêtres » explicitement intégré au programme du premier niveau d’enseignement (niveau enfantin) du Règlement général de l’instruction publique paru au Journal officiel le 10 avril 191886. En définitive, les Vietnamiens des écoles franco-indigènes n’ont guère eu à apprendre « nos ancêtres les Gaulois » à l’exception des quelques rares élèves qui avaient été admis dans les établissements d’enseignement réservés aux Européens87. Le discours scolaire intéresse principalement la métropole, et parle d’elle.
32Au-delà de cette question, on voit bien de quelle manière Ernest Lavisse ignore l’apport des populations colonisées à l’histoire de la nation. Même en 1919, alors qu’il introduit un vingt-quatrième et dernier chapitre sur « La Grande Guerre » dans son Cours élémentaire, les seuls acteurs sont « les Français », « nos soldats », « nos troupes victorieuses », « les armées de la France », aidés vaillamment par les Belges, les Italiens, les Américains, les Anglais et leur « petite armée », la Russie aussi. Face à eux, l’Allemagne et « les soldats allemands », et l’Autriche. Au terme du conflit, ce sont « un million et demi de soldats français, et bien d’autres millions de soldats amis ou ennemis » qui sont morts88. Ernest Lavisse pense alors « à tous les jeunes gens, à tous les pères de famille qui [sont] morts pour notre pays », ainsi qu’à « tout ce qu’[ont] souffert les habitants des pays envahis par les Allemands »89. Nul soldat colonial, aucun des 200 000 tirailleurs « sénégalais », issus de l’ensemble de l’Afrique noire, pourtant popularisés depuis 1915 par les publicités Banania et qu’on apprend à identifier facilement à leur chéchia rouge. Dans les Petits Lavisse, on ne trouve aucun mot sur les 30 000 d’entre eux qui sont morts au combat ; silence aussi au sujet des 40 000 fantassins marocains mobilisés, pourtant sous protectorat français depuis deux ans seulement (1912) lorsque la guerre éclate90 ; et où sont les marsouins et autres tirailleurs annamites, malgaches ou indochinois qui ont donné leur vie pour défendre la métropole à des milliers de kilomètres de chez eux ? Non, dans les Petits Lavisse, la France n’a été défendue que par des Français.
33Ce n’est pas qu’Ernest Lavisse englobe sous le terme Français l’ensemble des populations métropolitaines et coloniales. Lorsqu’il évoque « Les conquêtes de la France » en Afrique du Nord il distingue bien, gravure à l’appui, les Français et les Arabes. D’ailleurs, dans les pages des Petits Lavisse qui évoquent l’Afrique noire, la distinction est systématiquement faite entre les « Français » et les populations colonisées désignées sous le nom de « Nègres » ou d’« habitants ». Si elles ne deviennent pas pour autant françaises, leurs territoires sont désormais « propriétés de la France »91. Les populations colonisées sont les grandes absentes lavissiennes de la politique internationale de la France. Même dans le dernier volume de l’Histoire de France contemporaine consacré à la Grande Guerre, Ernest Lavisse n’évoque que rarement de façon explicite la présence de ces populations issues des colonies. Qu’on en juge : « La mobilisation donne à la France 3 781 000 hommes (dont 77 000 indigènes), ainsi répartis : 2 689 000 aux armées et dans les places, 157 000 dans l’Afrique du Nord, 935 000 dans l’intérieur. »92 Malgré la violence des combats, affirme Ernest Lavisse, « la détermination du peuple français [...] fut d’un courage absolu [...]. Puisqu’il fallait défendre son existence, il mit à protéger sa terre et ses foyers une abnégation et une ténacité qui s’ajouteront dans l’histoire au courage bouillant du sang gaulois »93. Ernest Lavisse oublie un peu vite que le sang gaulois ne coulait pas dans les veines de tous ceux qui ont versé le leur, qui ont donné leur vie pour la patrie française. Pourtant, il n’ignore évidemment pas la présence de ces soldats issus des colonies. Dans la fameuse bataille du Chemin des Dames lancée le 16 avril 1917, Henri Bidou – relu par Ernest Lavisse – ne tait pas dans le plan de bataille que « la 6e armée avait en ligne, de gauche à droite, le 1er corps colonial, le 6e corps, le 20e et le 2e corps colonial »94. Pour ne s’en tenir qu’à la description des pertes coloniales de la première journée, le bilan ne laisse aucun doute :
L’attaque fut déclenchée à six heures du matin par un temps couvert et brumeux. À gauche, le premier corps colonial débouche bien ; mais [...] dans la nuit, une contre-attaque allemande ramène le corps sur ses tranchées de départ. […] Le 2e corps colonial remporte d’abord un brillant succès : la 10e division Marchand qui forme l’extrême droite, conquiert à l’ouest d’Heurtebise toute la largeur du plateau, crève la première position allemande en entier, et des éléments du 53e régiment colonial descendent dans la vallée de l’Ailette jusqu’au village d’Ailles ; mais les Allemands ont conservé à l’est le plateau de Californie [plateau qui domine Craonne], à l’ouest le plateau de la Bovelle. Non seulement leurs feux écrasent les occupants d’Ailles, mais ils leur interdisent le retour. Bien peu ont pu remonter sur le plateau et rejoindre les lignes françaises. Le 2e corps colonial est si abîmé, que, le 17, le 11e corps, tenu en réserve, reçoit l’ordre de le relever.95
34Ces lignes montrent qu’Henri Bidou sait la façon dont les soldats noirs sont utilisés par le général Mangin à la tête de la 6e armée, pour quelles raisons le 29 avril 1917 Mangin est relevé de son commandement par Nivelle et de quelle façon Painlevé dénonce le 21 mai la stratégie de Mangin face à la Commission de l’armée. Henri Bidou et Ernest Lavisse n’ont probablement pas eu accès au réquisitoire dressé par Blaise Diane et exposé en comité secret de la Chambre le 29 juin dans lequel il démontre la façon dont les Sénégalais ont été sacrifiés sur le champ de bataille. Ce sont en effet près de la moitié (44-45 %) des 16 000 à 16 500 Sénégalais engagés qui perdent la vie dans la seule journée du 16 avril. Comme le reconnaît Mangin lui-même, ils représentent le tiers des pertes de la 6e armée96. Mais au moment de dresser le bilan humain de la bataille, Henri Bidou et Ernest Lavisse oublient les soldats des colonies. Les rares fois où on les voit émerger, c’est dans le tumulte des combats. Ceux qui sortent indemnes de la guerre s’évanouissent du récit. Quant aux autres, ils se perdent, « du 16 au 25 avril », parmi les « 32 000 morts, 5000 prisonniers, et 80 000 blessés »97. Certes, à la fin du livre, Ernest Lavisse mentionne « les 500 000 hommes qui ont combattu sous nos drapeaux [et qui] ont contribué au salut de la patrie »98. Mais cela est bien peu. Il ne leur attribue qu’une fonction de défense de la patrie, ce qui est justifié implicitement – et ce qui en renforce la rhétorique – par la « vocation » mondiale de la France. D’autres n’ont pas fait ce choix, comme Joseph Monnerot qui rappelle au lendemain de la guerre :
Ce n’est pas trente-huit millions d’habitants gaulois qui ont triomphé de soixante-dix millions de Teutons : en réalité la guerre a prouvé que la France peut compter sur une population d’empire qui dépasse cent millions d’âmes. On peut se faire une idée de l’impression produite soit aux colonies françaises, soit à l’étranger, par cette constatation si simple, simple comme l’évidence même.99
35Ce doit être une évidence aussi pour Ernest Lavisse qui préside justement La ligue française, revue dans laquelle Joseph Monnerot écrit ces lignes. Face à l’évidence que révèlent les recherches historiques et anthropologiques, et lorsque l’académicien s’adresse à un public universitaire et cultivé, Ernest Lavisse n’hésite pas à rappeler les nombreux apports démographiques qui ont constitué la population française comme nous l’avons vu dans son Histoire de France contemporaine parue en 1922. Publiée à 79 ans, au terme de sa carrière (il décède quelques mois plus tard), on peut y observer l’évolution de son argumentaire. Reconnaître la diversité des origines anthropologiques de la France ne fragilise en rien sa défense effrénée de l’unité de la nation. De façon habile, Ernest Lavisse en fait au contraire une force puisqu’il conclut que « la France se trouve être comme la synthèse ethnographique de l’Europe. La nation française est celle qui contient peut-être la plus grande somme d’humanité »100. En intégrant l’altérité (européenne) au roman national, le grand historien de la nation française, au soir de sa vie, réaffirme l’identité et la spécificité française dans le vaste programme de ce qu’il qualifia de « vocation universelle de la France ». Mais ses manuels scolaires s’en tiennent encore à « nos pères les Gaulois ».
Notes de bas de page
1 S. Rieckhoff, « Les Celtes : peuple oublié ou fiction ? », dans L’archéologie, instrument du politique ? Archéologie, histoire des mentalités et construction européenne, Dijon / Glux-en-Glenne, CRDP de Bourgogne / Centre archéologique européen, 2006, p. 25. Voir aussi A.-M. Thiesse, La création des identités nationales. Europe xviiie-xixe siècle, Paris, Le Seuil, 2001.
2 M. Heidegger, Être et Temps [1927], traduction de François Vezin, Paris, Gallimard, 1986 ; J.-F. Courtine, « Historicité, philosophie et théologie de l’histoire chez Heidegger », dans J. Benoist et F. Merlini (dir.), Après la fin de l’histoire : temps, monde, historicité, Paris, Vrin, 1998, p. 203-230.
3 E. Lavisse, Histoire de France. Cours moyen, 1912 (1re édition), p. 26.
4 É. Pasquier, Des recherches de la France, Paris, V. Sertenas, 1560.
5 A. Thierry, Histoire des Gaulois, depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’entière soumission de la Gaule à la domination romaine, Paris, A. Sautelet, 3 vol., 1828. Voir K. Pomian, « Francs et Gaulois », dans P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, vol. 2, 1997, p. 2272-2277.
6 G. de Mortillet, Le préhistorique, antiquité de l’homme, Paris, Reinwald, 1883, p. 126.
7 W. Z. Ripley, The Races of Europe : A Sociological Study, New York, D. Appleton and Co., 1899 ; G. Sergi, The Mediterranean Race : A Study of the Origin of European Peoples, Londres / New York, W. Scott / W. Scribner, 1901.
8 H. d’Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l’Europe, d’après les écrivains de l’Antiquité et les travaux des linguistes, Paris, E. Thorin, 1889-1894, p. xi-xii. Voir aussi p. xviii.
9 Ibid., p. i.
10 C. Jullian, « Nord et Sud, Gaulois et Ligures », Revue de Paris, 7e année, vol. 5, septembre-octobre 1900, p. 383.
11 Voir notamment, H. d’Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l’Europe, ouvr. cité ; A. Meillet, Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes, Paris, Hachette, 1903. Pour une approche récente, voir J.-P. Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d’origine de l’Occident, Paris, Le Seuil, 2014 ; I. Lebedynsky, Les Indo-Européens : faits, débats, solutions, Paris, Errance, 2009.
12 A. Thierry, Histoire des Gaulois, ouvr. cité, vol. 1, 1828, p. v-vi. Voir aussi C Reynaud Paligot, De l’identité nationale : science, race et politique en Europe et aux États-Unis, xixe-xxe s., Paris, Presses universitaires de France, 2011, p. 99.
13 J. Michelet, Histoire de France, Paris, A. Lemerre, vol. 1, 1885, p. 157. Il ajoute ensuite l’apport des Germains.
14 V. Duruy, Histoire des Romains depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’invasion des Barbares, Paris, Hachette, vol. 3, 1881, p. 75.
15 Ibid., p. VIII-IX.
16 Ibid., p. 85, n. 2.
17 Ibid., p. 86.
18 C. Jullian, « Nord et Sud, Gaulois et Ligures », art. cité, p. 381-401.
19 Ibid., p. 386.
20 D. F. L. Roget de Belloguet, Ethnogénie gauloise ou mémoires critiques sur l’origine et la parenté des Cimmériens, des Cimbres, des Ombres, des Belges, des Ligures et des anciens Celtes, Paris, Maisonneuve, 1872.
21 É. Levasseur, La population française : histoire de la population avant 1789 et démographie de la France comparée à celle des autres nations au xixe siècle, Paris, A. Rousseau, 3 vol., 1889-1892.
22 A. Gérard, « Philippe Sagnac revu et corrigé par Ernest Lavisse : un modèle de censure discrète », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 48-4, 2001, p. 123-160.
23 V. Duruy (auteur), E. Lavisse (directeur) et A. Moret (modificateur), Histoire de l’Orient. Classe de sixième, Paris, Hachette, 1896, p. 7-8.
24 V. Duruy (auteur), E. Lavisse (directeur) et A.-E.-É. Parmentier (modificateur), Histoire romaine. Pour la classe de 4e, Paris, Hachette, 1892, p. 309-310.
25 D. Blanchet et J. Pinard, Cours complet d’histoire de France, Paris, Belin, 1891, p. 7-8. Voir aussi de D. Blanchet, Petite histoire générale. Cours supérieur, Paris, Belin, 1895, p. 5-8 ; G. Beleze, Petite histoire de France pour le premier âge [1848], Paris, Delalain, 1885 (48e édition), p. 1 ; Coudert et Cuir, Memento pratique du brevet élémentaire, Paris, A. Colin, 1913, p. 403.
26 Les deux termes nation et patrie ne sont pas synonymes puisque, comme le rappelle Pierre Larousse, la nation renvoie à « tous les habitants d’un même pays vivant sous un même gouvernement » alors que la patrie désigne le « pays où l’on est né » (Dictionnaire complet de la langue française, Paris, A. Boyer et Cie, 1882). Cette nation qui prend corps dans son espace de vie et d’identité se décline, comme le rapporte Littré, dans les différentes acceptions du mot pays. Il désigne ainsi dans son Dictionnaire à la fois une étendue spatiale (un canton, une région, une contrée, la ville où l’on est né), et bien sûr « la patrie ». Il rappelle, à l’appui de sa définition, des citations de Corneille extraites d’Horace (« Avant que d’être à vous, je suis à mon pays ») et du Cid (« Mourir pour le pays n’est pas un triste sort ; C’est s’immortaliser par une belle mort ») qui soulignent à la fois la fréquente synonymie entre pays et patrie, mais aussi les champs sémantiques communs qui unissent la patrie et le patriotisme, entre attachement absolu et honneur à la défendre. Alfred de Musset aussi, en 1836, rappelait : « la patrie, vieux mot assez usé ; on dit le pays » (Lettres de Dupuis et Cotonet [1836], dans Œuvres complètes, Paris, A. Lemerre, vol. 9, 1876, p. 213).
27 E. Fureix et F. Jarrige, La modernité désenchantée. Relire l’histoire du xixe siècle français, Paris, La Découverte, 2015, p. 213-228.
28 J. Michelet, Histoire de France, ouvr. cité, vol. 1, p. 158.
29 G. de Mortillet, Formation de la nation française, Paris, F. Alcan, 1897.
30 C. Jullian, « Les origines historiques du sol français », Revue bleue, no 1, 1er janvier 1910, p. 1.
31 Ibid.
32 Ibid., p. 40.
33 E. Lavisse, Histoire de France. Cours moyen, 1912 (1re édition), p. 26.
34 A. Thierry, Histoire des Gaulois, ouvr. cité, vol. 1, p. ii.
35 H. Martin, Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, Paris, Furne, vol. 1, 1855, p. 1.
36 E. Garcin, Les Français du Nord et du Midi, Paris, Didier, 1868, p. 113.
37 Voir notamment M. Gauchet : « Non moins mystérieuse Nation qui déborde infiniment, qui transcende de toutes parts les présents vivants qui la composent bien qu’elle n’ait de réalité que par eux » (Un monde désenchanté ?, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2004, p. 150).
38 A. Fouillée, Psychologie du peuple français [1898], Paris, F. Alcan, 1903, p. i.
39 Journal des instituteurs, 17 août 1902, p. 672.
40 Ibid., p. 4-5.
41 N. Denis Fustel de Coulanges, La cité antique [1864], Paris, Hachette, 1876, p. 5.
42 A. Fouillée, Psychologie du peuple français, ouvr. cité, p. 143
43 Ibid., p. 149.
44 E. Lavisse, Histoire de France. Cours moyen, 1912 (1re édition), p. 26.
45 Y. Lequin (dir.), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, Paris, Larousse, 1992, p. 73.
46 J. Dupâquier et al. (dir.), Histoire de la population française, 1. Des origines à la Renaissance, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 159. Voir la récente mise en évidence de filiations génétiques entre les Angles, Jutes, Saxons et les populations des îles britanniques après la chute de l’Empire romain d’Occident (S. Leslie et al., « The fine-scale genetic structure of the British population », Nature, 519 (7543), 2015, p. 309-314). Citons aussi « The Viking DNA Project » mené en 2015 par l’université de Leicester (M. Jobling) en collaboration avec l’Oslo University College (B. M. Dupuy) qui vise à quantifier la part des populations actuelles de différentes régions d’Angleterre et du Cotentin qui compteraient des ancêtres vikings (G. R. Bowden et al., « Excavating past population structures by surname-based sampling : the genetic legacy of the Vikings in Northwest England », Molecular Biology and Evolution, 25 (2), 2008, p. 301-309).
47 J. Dupâquier et al. (dir.), Histoire de la population française, ouvr. cité, p. 156.
48 F. Clément, « Des musulmans à Montpellier au xiie siècle ? » et « Les esclaves musulmans en France méridionale au xiie-xve siècle », dans M. Arkoun (dir.), Histoire de l’islam et des musulmans en France : du Moyen Âge à nos jours, Paris, A. Michel, 2006, p. 47-48.
49 J. Dupâquier et al. (dir.), Histoire de la population française, ouvr. cité, p. 123.
50 Y. Lequin (dir.), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, ouvr. cité, p. 63.
51 Voir A.-M. Thiesse, Ils apprenaient la France : l’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997, chap. 4, « La miniature historique », p. 55-77.
52 F. Ploux, Une mémoire de papier : les historiens de village et le culte des petites patries rurales à l’époque contemporaine (1830-1930), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, notamment chap. 7, « L’histoire de France en miniature », p. 239-270.
53 J.-F. Chanet, L’école républicaine et les petites patries, préface de M. Ozouf, Paris, Aubier, 1996, p. 74.
54 E. Lavisse, Histoire de France. Cours élémentaire, 1913 (1re édition), p. 11 et 105.
55 Ibid., p. 21.
56 Ibid., p. 24.
57 Ibid., p. 41.
58 L’action régionaliste, janvier 1903, no 1, p. 37-38.
59 M. Dumoulin, « Questionnaire ethnographique : la race française », Revue de synthèse historique, février 1902, p. 34-36. Sur ce sujet, voir L. Mucchielli, « Psychologie des peuples, races, régions et milieu social. Problèmes scientifiques et enjeux disciplinaires d’une théorie de l’histoire autour d’Henri Berr et de la Revue de synthèse historique (1890-1925) », dans A. Biard, D. Bourel et É. Brian (dir.), Henri Berr et la culture du xxe siècle, Paris, A. Michel, 1997, p. 81-110 ; et A. Burguière, « Archéologie du Centre de recherches historiques. Les enquêtes collectives de Marc Bloch et de Lucien Febvre et leur postérité », Les cahiers du Centre de recherches historiques, no 36, 2005, p. 2-14.
60 M. Dumoulin, « Questionnaire ethnographique : la race française », art. cité, p. 36.
61 Ibid., p. 34-35.
62 Ibid., p. 35-36 (sic pour l’ensemble de la citation).
63 E. Lavisse, Vue générale de l’histoire politique de l’Europe, 1890, p. 205.
64 E. Lavisse et A. Rambaud (dir.), Histoire générale du ive siècle à nos jours, vol. 1, 1894, p. 56-58.
65 E. Lavisse (dir.), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, vol. 9, 1922, p. 507-508.
66 M. Dumoulin, « Questionnaire ethnographique : la race française », art. cité, p. 36.
67 Pour une approche démographique synthétique voir F. Daguet, « Un siècle de démographie française. Structure et évolution de la population de 1901 à 1993 », Insee-Résultats, série « Démographie et société », no 47-48, décembre 1995 ; F. Daguet et S. Thave, « La population immigrée. Le résultat d’une longue histoire », INSEE Première, juin 1996.
68 M. Zimmermann, « La population de la France en 1921 », Annales de géographie, vol. 31, no 169, 1922, p. 38.
69 Y. Lequin (dir.), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, ouvr. cité, p. 337.
70 E. Lavisse (dir.), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, t. IX, 1922, p. 501 et 504 (pour la citation).
71 E. Lavisse, Histoire de France. Cours élémentaire, 1913 (1re édition), p. 175.
72 Ibid., p. 176.
73 E. Lavisse, La nouvelle première année d’histoire de France, 1898 (52e édition), p. 241.
74 Y. Lequin (dir.), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, ouvr. cité, p. 50.
75 P. Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Gallimard, 2005.
76 Y. Lequin (dir.), Histoire des étrangers et de l’immigration en France, ouvr. cité, p. 53.
77 G. Noiriel, Le massacre des Italiens, Aigues-Mortes, 17 août 1893, Paris, Fayard, 2010.
78 E. Lavisse, Histoire générale, [1884] (1re édition), p. 22.
79 E. Lavisse, Traduction en langue tamoule d’« Histoire de France avec récits » [traduction de l’Année préparatoire], par V. D.Tamby et V. A. Tamby Poulle, 1887.
80 Sur cette question voir notamment D. Bouche, L’enseignement dans les territoires de l’Afrique occidentale française de 1817 à 1920. Mission civilisatrice ou formation d’une élite ?, Paris, Champion, 1975, 2 vol. ; S. Dulucq, Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (xixe-xxe siècles), Paris, Karthala, 2009 ; T. Van Thao, L’école française en Indochine, Paris, Karthala, 1995, en particulier chap. 5, « Les manuels dans l’école indochinoise », p. 151-184 (à regretter une assimilation trop rapide de Lavisse à « l’ultranationalisme », p. 153) ; P. Barthélémy, E. Picard et R. Rogers, « L’enseignement dans l’empire colonial français (xixe-xxe siècles) », Histoire de l’éducation, no 128, 2010, p. 5-28 ; M.-P. Ha, « From Nos ancêtres, les Gaulois to Leur culture ancestrale : symbolic violence and politics of colonial schooling in Indochina », French Colonial History, vol. 3, 2003, p. 101-117.
81 S. Dulucq, Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (xixe-xxe siècles), ouvr. cité, p. 193, n. 157.
82 Ibid., p. 196-198.
83 Ibid., p. 193.
84 M.-P. Ha, « From “Nos ancêtres, les Gaulois” to “Leur culture ancestrale” », art. cité.
85 T. Van Thao, L’école française en Indochine, ouvr. cité, p. 178.
86 Ibid., p. 53. Cet enseignement est dénoncé par les évêques du Nord et du Centre comme contraire aux principes essentiels de la religion chrétienne.
87 K. V. Nguyen, Histoire du Vietnam, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 126.
88 E. Lavisse, Histoire de France. Cours élémentaire, 1919, p. 180.
89 Ibid., p. 182.
90 J.-P. Riera et C. Tournon, ANA ! Frères d’armes marocains dans les deux guerres mondiales, Mohammedia, Senso Unico, 2014.
91 E. Lavisse, Histoire de France. Cours élémentaire, 1913 (1re édition), p. 166-167.
92 E. Lavisse (dir.), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, t. IX, 1922, p. 75.
93 Ibid.
94 Ibid., p. 250.
95 Ibid., p. 251.
96 M. Michel, Les Africains et la Grande Guerre : l’appel à l’Afrique, 1914-1918, Paris, Karthala, 2003, p. 101.
97 E. Lavisse (dir.), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, t. IX, 1922, p. 256.
98 Ibid., p. 541.
99 J. Monnerot, « Le colonialisme de l’avenir », La ligue française, no 58, septembre-octobre 1921, p. 5.
100 E. Lavisse (dir.), Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, t. IX, 1922, p. 507-508.
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