Défendre et protéger les prisonniers à Milan au temps de Beccaria
L’expérience d’Alessandro Verri
Texte intégral
1Dans la plupart des travaux consacrés à la genèse des Délits et des peines, on trouve mention de la fonction de protecteur des prisonniers exercée par Pietro Verri en 1751-1752, puis par son frère cadet Alessandro de 1763 à 1765, fonction qui les avait amenés à plaider la cause de certains détenus indigents d’une des plus anciennes prisons de Milan, la Malastalla. Pourtant, l’un et l’autre sont toujours restés discrets sur cette expérience dans leurs écrits privés. Seules quelques allusions émaillent leur correspondance : on apprend ainsi, comme l’écrit Alessandro à sa belle-sœur Vincenza Melzi en 1808, que Pietro avait « marqué les esprits au tribunal de Milan par une élégance nouvelle et la connaissance d’auteurs qui n’étaient pas encore lus communément »1 ; et on apprend de la plume de Pietro que son frère avait « défendu et assisté » les prisonniers milanais « comme s’ils étaient [s]es amis »2.
2L’Archivio Verri de Milan ne conserve aucune trace des documents relatifs à cet aspect de la carrière de Pietro Verri. Il n’en va pas de même pour son frère : l’abondante documentation manuscrite, prochainement éditée3, livre un témoignage saisissant, de la part d’un des plus proches collaborateurs de Beccaria à l’Académie des Coups de poing, sur le système carcéral milanais et la procédure pénale au mitan des années 1760. Elle permet une plongée vers le monde de la petite délinquance, du brigandage et des rixes d’auberge, à une époque où le Milanais était confronté à un grave problème de criminalité, qui expliquait aussi la rigueur avec laquelle le Sénat administrait une justice répressive et punitive, non sans favoriser en retour l’essor d’une réflexion sur les réformes du système pénal et sur son efficacité4. Il est à peu près certain que l’expérience des prisons et des tribunaux acquise par les frères Verri, et en particulier par Alessandro, qui composa ses plaidoiries durant les années clés de la genèse des Délits5, a nourri la réflexion de Beccaria. Mais s’il existe des porosités entre la pensée du jeune marquis et celle du défenseur des prisonniers, dont les textes rappellent, s’il en était besoin, la précarité du sort des prisonniers et les limites des secours dont ils pouvaient disposer face au juge et au Sénat de Milan, quelques divergences notables ne tardent pas à poindre.
La place de la défense dans la procédure inquisitoire
3Pietro Verri note dans ses Observations sur la torture qu’« il n’est pas permis à l’inculpé d’être assisté ou défendu » pendant « la longue et cruelle instruction » qui précède sa comparution devant le juge6. Cette remarque est juste, puisque la présence d’un défenseur n’est effectivement pas obligatoire pendant la phase d’instruction et les interrogatoires. Mais la formulation, incomplète, pourrait faire penser que les instances de défense sont absentes de la procédure pénale d’Ancien Régime. Or, même si, comme l’a relevé Loredana Garlati dans son analyse du « Précis de pratique criminelle »7, accusation et défense combattent à armes inégales, et que la justice sénatoriale possède toutes les apparences d’une « machine à produire des coupables »8, l’accusé n’est pas dépourvu de droits dans le rite lombard.
4Un grand nombre de travaux menés à partir des pièces de procédure conservés dans les archives lombardes a permis de mieux cerner les rapports entre le tribunal et le prévenu, ainsi que le rôle dévolu à la défense dans le modèle inquisitoire qui prévaut à Milan comme dans une grande partie de l’Europe occidentale jusqu’à la fin du xviiie siècle9. Dans le cadre établi par le « Précis »10, le juge-accusateur, après avoir fait constater la nature du délit (corpus delicti), ouvre l’instruction du procès dont les actes sont consignés par écrit selon des règles strictes. Au cours d’une première phase informative secrète, le juge fait recueillir les indices et les preuves de la culpabilité du reus, c’est-à-dire de l’individu soupçonné d’avoir commis l’offense (le prévenu), presque toujours désigné par ce terme signifiant « coupable ». Le procès entre ensuite dans sa phase dite offensive, dont l’objectif est de parvenir à la condamnation du prévenu, soumis, ainsi que les témoins, à un interrogatoire au cours duquel l’usage de la torture est prévu et réglementé par les textes. L’objectif est la recherche de la vérité par les aveux et la confession du reus. Après l’interrogatoire commence la phase conclusive, dite défensive, au cours de laquelle le reus emprisonné et son défenseur peuvent prendre connaissance des procès-verbaux de l’inquisitio. Le défenseur dispose alors d’un temps limité pour présenter un mémoire écrit11, joint au dossier. Toute restreinte que soit sa place dans la procédure inquisitoire et toutes limitées que soient les options de l’avocat, la défense joue donc bien un rôle. Si l’accusé a reconnu sa faute, l’avocat peut soutenir que la confession a été extorquée ou n’est pas assez étayée pour justifier la condamnation ; s’il a refusé de se confesser, le défenseur légal peut s’appuyer sur des objections et des exceptions, arguer d’éventuels vices de forme, d’interrogatoires « suggestifs » ou d’erreurs du juge et du notaire pour obtenir la nullité de la procédure. Son argumentaire, reposant sur un corpus érudit d’opinions doctrinales et de précédents jurisprudentiels, vise à faire prévaloir l’interprétation des textes et l’analyse des circonstances du délit les plus favorables à l’accusé12.
5Mais ce sont là des « flèches émoussées » à l’arc de la défense13, bien souvent perçue comme une gêne plus que comme un droit du prévenu. Dans un système réputé pour la lenteur des procédures14 (dénoncée par Beccaria dans le chapitre sur la « Promptitude des peines » et amplement illustrée par les plaidoiries d’Alessandro Verri15), tout dénote la volonté d’en finir au plus vite avec l’enquête et l’instruction. Si bien qu’une fois mise en marche la machine judiciaire, « pratiquement plus rien ne pouvait l’arrêter, jusqu’à sa conclusion presque toujours défavorable au prévenu »16.
6À l’issue du procès, le juge réfère sa décision à la Curie criminelle qui transmet son rapport et son avis au Sénat, libre de modifier la sentence sans autre contrainte que « la bonne conscience du juge »17, ce qui advient couramment18. L’arrêt, alors prononcé in nomine regis, est définitif et inattaquable en appel19.
Le protecteur dans la hiérarchie des acteurs du droit
7C’est dans un contexte marqué par la précarité de la situation du prévenu et par un manque de considération général pour les instances de la défense que s’inscrit le travail du protecteur des prisonniers. Le terme d’« avocat » utilisé par les frères Verri pour désigner leur charge20 recouvre dans le système des professions juridiques lombardes une pluralité d’états et des statuts réunis en une hiérarchie rigide – en fonction de leur origine sociale, de leur formation, de leurs prérogatives21. Car si la « belle troupe » des hommes de lois, curiali ou causidici, raillée par Pietro Verri, pâtit dans son ensemble d’une réputation peu flatteuse dans la culture des Lumières, en raison de son parasitisme allégué, de son pédantisme, de sa responsabilité dans l’allongement des procédures, tous les défenseurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les nobles jurisconsultes, dont font partie Pietro et Alessandro Verri, membres du puissant Collège des jurisconsultes issus du patriciat milanais, se situent au sommet de la pyramide des praticiens du droit en Lombardie22. À l’échelon inférieur viennent les avocats diplômés du Collège ou de l’Université, admis au prétoire par le Sénat, figures intermédiaires qui assistent les accusés en composant des allegationes juris. En dessous, jouissant d’un moindre prestige social, se trouve le corps des causidici et des procuratori legali (avocats et assesseurs de rang inférieur), souvent dépourvus de titre doctoral, dont la formation pratique déroge à la noblesse. Ils se trouvent chargés notamment du recueil par écrit des dépositions et des témoignages, ainsi que des preuves nécessaires au déroulement du procès. L’impératrice Marie-Thérèse tenta, dans la seconde moitié du siècle, de concurrencer les anciens collèges professionnels en restructurant les universités, notamment celle de Pavie, malgré l’opposition du Sénat ; mais il fallut attendre les réformes plus audacieuses de Joseph II pour que le pouvoir des collèges, privés de leur prérogative de cooptation, diminue fortement, et pour que soit supprimée la discrimination de naissance23.
8À l’époque d’Alessandro Verri, la société des protecteurs des prisonniers, instituée en 1466 par Bianca Maria Visconti, est composée de huit membres issus des strates les plus élevées de l’avvocatura, généralement nommés pour deux ans : trois membres du patriciat, trois docteurs du Collège des nobles jurisconsultes et deux avocats (causidici) issus de la bonne société milanaise24. Dotée à son origine d’un caractère purement philanthropique, cette société laïque, héritière de la longue tradition lombarde des œuvres de bienfaisance destinées à alléger la misère carcérale et à compenser la sévérité des pratiques25, disposait depuis le xve siècle d’amples prérogatives en faveur des prisonniers, qui allaient de l’organisation de quêtes à la révision des procès, la sollicitation des grâces, voire la libération des détenus ayant purgé leur peine ou abusivement détenus, sans consultation préalable des juges.
9Évoqué une seule fois dans le « Précis de pratique criminelle »26, l’office du protecteur des prisonniers est brièvement décrit dans les Statuts de Milan de 155027 et dans les Constitutions rééditées par Gabriele Verri en 1764. Il est précisé dans ce dernier texte que « la juridiction du protecteur des prisonniers ne concerne pas la rectitudinem, c’est-à-dire la justice de la cause de l’emprisonnement, mais seulement la rititudinem, c’est-à-dire ce qui regarde l’ordre, la solennité et la nullité de la détention »28. Le terme recte désigne en latin ce qui est juste au regard de la raison, tandis que rite désigne ce qui est prescrit par la loi ou par la tradition doctrinale. Le protecteur doit donc s’en tenir à vérifier que tout était conforme aux règles établies par les Statuts de Milan et par les Nouvelles Constitutions, sans irrégularité de procédure. Au xviiie siècle, les cas de maltraitance, de vols ou d’extorsions subis par les détenus, de la part des geôliers mais aussi des notaires29, restaient monnaie courante et plusieurs documents attestent que les protecteurs, en raison précisément de leur action en faveur des prévenus, pouvaient être perçus par le Sénat ou par le capitaine de justice comme une gêne dans l’administration des prisons et dans le rapide règlement des procès. Carlo Capra a ainsi relevé les efforts déployés en novembre 1751 par le protecteur Cesare Lampugnani pour s’opposer, contre l’avis du capitaine de justice, aux pratiques des notaires et des attuari, fonctionnaires en charge de l’enregistrement des actes judiciaires, qui faisaient payer les dépôts de plainte ou s’appropriaient les biens séquestrés des prisonniers malgré l’interdiction formelle qui leur en était faite30. Certains protecteurs, découragés, renonçaient à leur office ou s’en acquittaient sans grande conviction. Cela ne semble pas avoir été le cas d’Alessandro Verri.
10La Malastalla, où se trouvait le siège de la société des protecteurs et où officiait Alessandro Verri, était l’une des plus anciennes – et archaïques – prisons de Milan31. Ce lieu, rebâti en 1477 après un incendie et fermé en 1787, avait vocation à accueillir les débiteurs insolvables et les prisonniers indigents. D’ordinaire, les familles des détenus devaient pourvoir à leur maintien, mais les prisonniers de la Malastalla bénéficiaient de l’assistance juridique et matérielle des protecteurs. D’autres détenus (déserteurs, voleurs, assassins, récidivistes, dont certains condamnés à mort) étaient venus s’ajouter à la population carcérale, estimée vers le milieu du siècle à cent quarante personnes environ.
11Les plaidoiries d’Alessandro Verri se composent de trente-trois textes : six tirés à part, pour un ensemble de cinquante-deux pages imprimées (Archivio Verri, cart. 481.1), et vingt-sept textes manuscrits, d’un total de cent dix-huit feuilles manuscrites recto verso (cart. 481.2). Ces dernières, parfois lourdement raturées, contiennent en marge ou à l’interligne des interventions et corrections de plusieurs amis de Verri. Au moins trois sont de la main de Beccaria, corrigées par Alessandro ; sept comportent des annotations d’Alfonso Longo, membre de l’Académie des Coups de poing de 1763 à 1765, principalement de nature stylistique ; et un feuillet présente des corrections de Pietro Verri. Cette collégialité, dont les manuscrits du Caffè portent également la trace, est la « marque de fabrique » du petit cercle milanais. Il faut adjoindre à ce corpus trois suppliques en italien, calligraphiées. En marge de certains documents apparaissent les sentences prononcées par le Sénat ; d’autres figurent dans un fascicule in-octavo conservé dans les archives Verri (cart. 481.3.1) ; enfin, la condamnation à mort d’un protégé d’Alessandro Verri est mentionnée dans sa correspondance avec Pietro32. L’issue de dix procès nous est ainsi connue.
Le protecteur face à la « vérité » du fisc : doutes, rappels de méthode et de doctrine
12Alors que prévaut au cours des interrogatoires la recherche de la vérité par les aveux – « la vérité à tout prix, et il y aurait évidemment beaucoup à dire sur la “qualité” de cette vérité »33, dans la mesure où le juge entend au premier chef valider ses propres intuitions –, le travail du protecteur, semblable à celui de tout autre avocat, consiste à ébranler les certitudes et les conclusions de l’accusation publique, en leur opposant sa propre version et sa propre interprétation des faits à partir des éléments du procès-verbal (cahiers des dépositions, recueil des indices et des preuves). La qualité et la recevabilité des témoignages sont un angle d’attaque privilégié du défenseur. Dans sa plaidoirie en faveur de Paolo Busnello, accusé d’avoir dérobé de nuit quelques pièces de monnaie chez le comte Agliardi, Verri récuse la déposition de la femme du prévenu, qui ne peut, par son statut, être entendue comme témoin, comme le prescrit le Tractatus de Testibus du jurisconsulte romain Prospero Farinaccio34 ; il disqualifie les témoignages de visu estimés probants par le fisc, car la scène s’est déroulée dans les ténèbres, citant à son secours Giulio Claro ; il s’appuie enfin sur la Practica nova Rerum Criminalium de Benedikt Carpzov pour réfuter une qualification de vol aggravé par effraction35 : renouant avec « la masse confuse des faits »36 dont il entend offrir une plus fidèle relecture, le protecteur joue donc à la fois la carte du doute (incertitude des mobiles et des circonstances, contradictions des dépositions) et celle de la précision des déductions et des citations doctrinales.
13Le protecteur apparaît aussi comme un intermédiaire entre la justice et l’homme du commun, un interprète nécessaire à l’instauration d’un dialogue entre ces deux instances séparées par une incompréhension réciproque. La langue de la justice est inaccessible au reo, de même que la parole du prévenu est mal comprise, voire n’est pas du tout comprise par la justice. « Perturbé » par son séjour en prison, rendu « chancelant » par la faim et par la présence terrifiante du juge et des notaires37, l’accusé dont les dépositions en langue vulgaire sont insérées dans les défenses latines bredouille et se méprend, réduit à l’hébétude face à une institution dont il ne comprend ni les rouages ni la langue. Sa timidité est la raison de son « inconstance », explique Verri, qui se réfère à Carpzov et Claro pour rappeler que les prévenus placés devant le juge perdent leurs moyens et peuvent, sous le coup de l’émotion, se tromper dans leurs déclarations38. Inversement, certains accusés ignorent la gravité de leur faute ou la nature de leur peine, par méconnaissance du latin juridique. Seules la sottise ou l’ignorance des lois, et non la volonté de nuire, souligne Verri dans sa défense de Giuseppe Reina, peuvent expliquer l’infraction à l’exil commise par son protégé, qui ne connaissait ni la durée de sa précédente condamnation, ni la peine encourue en cas de contravention39. Le droit doit être connu de tous pour que les mœurs puissent s’y conformer et le coupable doit avoir conscience du caractère illicite de l’action délictueuse, rappelle-t-il encore dans sa défense d’Anna et Maria Perina, s’appuyant sur Grotius40. Il revient encore, dans sa défense d’Andrea Casirago, sur la nécessité de lier la définition de la « faute » à « l’usage de la raison », et sur la difficulté de cerner l’intention et la personnalité d’un accusé connu pour ses sautes d’humeur confinant à la manie et à la démence41.
14La rédaction des plaidoiries d’Alessandro Verri précède de peu celle de ses grands articles juridiques du Caffè, en particulier « De Justinien et de ses lois », ainsi que le « Raisonnement sur les lois civiles » achevé en novembre 1765. Dans ce dernier article, l’auteur s’érige contre l’incertitude du droit, qui le condamne à devenir le règne de l’opinion : « On ne comprend plus selon quelle norme juger. Les hommes les plus versés dans l’art du prétoire comprennent bien que toutes les opinions peuvent se défendre et on ignore, le plus souvent, à quelles lois recourir pour juger. » Il propose en conséquence de « remplacer les questions par les lois et les interprétations par leur ininterprétable clarté »42. Pourtant, le jeune avocat pénaliste, rompu aux stratégies des exceptions et aux spéculations doctrinales, semble évoluer à son aise dans le maquis de la jurisprudence, loin du postulat rationaliste d’une équivalence entre délits et peines présent dans ses articles et dans l’ouvrage de Beccaria. Ce n’est pas le caffettista qui parle dans les plaidoiries : c’est l’homme du prétoire, attentif à l’« âme troublée » des assassins, attiré par le domaine émergent de la médecine pénale43, intrigué par les motivations nébuleuses des criminels, qui compliquent l’établissement de la responsabilité pénale, troublent l’identification des mobiles, introduisent des contradictions dans les dépositions ; c’est, enfin, le futur romancier, qui ressuscite dans ses écrits le théâtre du crime et le discours du coupable.
Des convergences « beccariennes » ?
15En dépit d’une opposition de contextes, de méthodes et de registres, en dépit d’une divergence entre les prérequis d’un exercice rhétorique informé par des siècles de dispute doctrinale et la distance critique, l’audace novatrice de l’auteur (alors anonyme) des Délits, des convergences existent entre le travail de Verri et l’ouvrage de Beccaria44. Tous deux, unis par une même sensibilité pour le sort des prévenus et des condamnés, dressent un tableau sinistre des prisons et de l’enfermement45 ; tous deux sont mus par un même désir d’en finir avec les procédés expéditifs de l’accusation publique pour privilégier ce que Beccaria nomme « le vrai procès, le procès informatif, c’est-à-dire la recherche impartiale du fait »46. Seulement alors, affirme Verri, peuvent prévaloir « les droits d’une société universelle acquise au prince par le pacte civil commun », afin « qu’aucun espoir d’impunité ne demeure pour le délinquant, et que, de la même façon, les chemins de l’innocence s’ouvrent pour quiconque s’est soustrait sain et sauf aux accusations infondées »47. Tous deux établissent un lien entre les délits et les fortes inégalités économiques (Verri excusant les larcins dérisoires dictés par la misère et stimulés par le spectacle de l’opulence48) ; tous deux, enfin, partagent le goût de certains procédés littéraires, comme la prosopopée, pour créer des effets d’empathie avec le sort du prévenu ou la détresse de ses proches49.
16Mais nombre de ces éléments faisaient déjà partie du bagage rhétorique des avocats. L’exorde invitant les juges à la « pietà » et à la compassion pour l’accusé est récurrent dans les plaidoiries, comme l’a montré par exemple l’étude de Maria Gigliola di Renzo Villata sur Francesco Gerolamo Corio50. Dans le contexte d’une justice répressive où le protecteur avait pour mission de conjurer la perspective des pires châtiments, nombre de défenses s’achèvent sur la mention de la nécessaire douceur et de l’utilité des peines, formulent une exigence de mesure entre crime et châtiment51 et en appellent à la miséricorde du Sénat52.
17En outre, la volonté d’humaniser la justice n’est pas nécessairement le signe d’un écart vis-à-vis de la doctrine pénale d’Ancien Régime. Maria Gigliola di Renzo Villata a relevé les indices « multiples » d’une favor defensionis53 dans le droit canonique, qui accréditerait l’idée d’une « perspective plus “douce” du droit pénal et, en fin de compte, plus humaine » et « plus nuancée »54, du moins chez des criminalistes comme Egidio Bossi ou Christian Thomasius55. Gian Paolo Massetto a également signalé quelques tentatives, même dans les franges conservatrices de l’aristocratie sénatoriale à l’époque des réformes thérésiennes, de remédier aux défauts les plus flagrants du système judiciaire. Le sénateur Gabriele Verri, père de Pietro et Alessandro, avait ainsi cosigné en 1753 un rapport préconisant de réduire « les retards de la justice » et d’accélérer l’instruction des dossiers tant civils que criminels ; il critiquait aussi la façon dont le fisc, négligeant les indices favorables au prévenu, induisait le juge à se prononcer sur la seule base du procès offensif, « avec la conséquence supplémentaire de s’exposer “au grave danger de punir un innocent ou d’aggraver outre mesure le délit commis par un coupable” »56. Massetto rappelle cependant que les « tendances » ou « idéologies » plus progressistes qui couvaient sous le « rigide conservatisme » du Sénat, et qui entendaient faire valoir « des exigences éclairées de douceur et d’humanité des peines », restèrent lettre morte, en raison même des fluctuations de la doctrine et des interprétations divergentes permises par la variété des opinions juridiques, refuge d’une justice sénatoriale plus arbitraire et plus expéditive que ne le prévoyaient certains textes et que ne le souhaitaient les milieux culturels lombards57.
Dans le respect du rite lombard
18En dépit de leur parenté intellectuelle avec quelques-uns des grands principes de la pensée beccarienne, les plaidoiries de Verri ne remettent en cause ni l’autorité ni les pratiques du Sénat. La torture des détenus et des témoins, pièce maîtresse du système des preuves légales, mentionnée dans la majorité de ses textes, ne soulève pas d’opposition de principe de la part du protecteur. Il la juge certes inutile sur les prévenus ayant spontanément avoué, mais ne la récuse pas dans le cas d’accusés récalcitrants, pour qui elle constitue même une première forme de punition : « Les douleurs de la torture doivent être infligées pour punir. En effet, s’il s’agit d’un accusé qui nie avec ardeur [reo pervicaciter negante], peut-être les tourments de la question doivent-ils augmenter en fonction de son opiniâtreté. »58 La torture apparaît non moins légitime lorsque des témoins de mauvaise réputation ou « du genre des hommes très vils » sont appelés à déposer dans le cadre d’une affaire criminelle59. Non seulement Verri reconduit les critères limitatifs concernant la qualité des personnes admises à témoigner, mais on retrouve chez lui la finalité « thaumaturgique » de la torture, qui permet de rendre « crédible », comme l’a montré Loredana Garlati60, la parole de l’accusé ou du témoin réputé infâme.
19Quant à la peine de mort et aux châtiments publics, les positions d’Alessandro Verri s’accordent là encore globalement avec la sévérité de la pratique sénatoriale. Il ne remet pas en cause devant les juges le principe des exécutions publiques des criminels de sang-froid, car elles inspirent au peuple « une terreur profitable et salutaire » et lui inculquent la « révérence des lois »61. L’exemple public dans sa dimension formatrice reste toutefois son horizon d’attente : la peine capitale n’a pas pour Verri vocation à devenir une simple punition expiatoire et ne peut par exemple s’appliquer au fou, qui n’est pas « conscient »62 de son geste et ne mérite que la commisération publique, étant déjà assez puni par son état. Le rappel n’est pas anodin, puisque l’arsenal punitif d’Ancien Régime recourt abondamment aux peines corporelles en Lombardie, où le supplice de la roue est resté en usage jusque dans les années 1780 et où la sévérité exacerbée des peines publiques avait pour finalité de « frapper la sensibilité des populations et jouer un rôle de prévention générale »63. Mais Verri reste peu sensible aux enjeux de la question abolitionniste, comme le confirme, du reste, sa longue lettre du 15 janvier 1767, de Londres, où il relate la pendaison de quatre condamnés sur un échafaud devant lequel l’assistance se plaît à s’envoyer des boules de neige. La scène, dépeinte avec la fraîcheur coutumière du jeune peintre des mœurs, est dépourvue de toute dimension critique. Cette description détachée, qui a fait dire à Franco Venturi que Verri avait « oublié les discussions milanaises sur le droit pénal au moment même où sortait à Londres la traduction anglaise des Délits et des peines »64, fait surtout rejaillir l’originalité de Beccaria sur la question de la peine de mort et son relatif isolement, au sein même du petit groupe de penseurs milanais. L’attitude de Verri rappelle également que la sévérité de la justice sénatoriale milanaise était soutenue « par le consensus populaire et par celui des classes dirigeantes », qui partageaient avec le Sénat une « conception rétributive de la peine », notamment en raison de la grave situation de la criminalité en Lombardie65.
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20Composées dans le giron de l’Académie des Coups de poing, les défenses de Verri sont contemporaines d’une époque décisive dans la transformation des institutions lombardes d’Ancien Régime, une époque où, en réponse à l’intransigeance des procédures pénales et à la sévérité de la pratique sénatoriale, de nouvelles idées sur le droit, de nouvelles exigences humanitaires, une aspiration à un renouveau du système pénal, mûrissent dans le duché de Milan, en amont des grandes réalisations réformatrices de Joseph II et de l’entreprise française de codification pénale66. Ces textes reflètent-ils pour autant les « nouvelles idéologies pénalistes et processualistes »67 caractéristiques des milieux éclairés lombards ?
21Dans ses défenses, ancrées dans le terreau de la doctrine et du rite lombards, Verri n’envisage pas la possibilité de changer de modèle processuel. Ce n’est pas le lieu. Ce n’est pas non plus le lieu d’une indignation semblable à celle qui transparaît dans l’ouvrage de Beccaria et qu’exprimera son frère Pietro dans les Observations sur la torture, restées inédites de son vivant. Gardons à l’esprit que la liberté du protecteur, fils de sénateur et contraint de s’exprimer à visage découvert devant les tribunaux, n’est évidemment pas comparable à celle de l’auteur – anonyme – des Délits et des peines. Toutefois, les efforts d’Alessandro Verri pour pondérer dans ses plaidoiries les aspects les plus iniques et cruels de la procédure inquisitoire (de la lenteur des procédures à l’instruction « à charge » menée par le fisc), sa préoccupation pour le respect des personnes, font écho dans une certaine mesure aux propositions réformatrices du Beccaria « processualiste », qui hérite aussi – et la précieuse documentation manuscrite de Verri permet de le rappeler – de la tradition lombarde des sociétés philanthropiques d’assistance aux détenus.
Notes de bas de page
1 A. Verri, lettre à V. Melzi d’Eryl, 16 mars 1808, dans Lettere di Alessandro Verri a Vincenza Melzi d’Eryl (1794-1816), S. Rosini (éd.), Pavie, Pavia University Press, 1998, p. 647.
2 P. Verri, lettre à A. Verri, 21 février 1767, dans Voyage à Paris et à Londres, M. Baccelli (trad.), Paris, L. Teper, 2004, p. 301.
3 L’ensemble des manuscrits relatifs aux fonctions de Protettore dei carcerati exercées par Alessandro Verri, conservés à l’Archivio Verri de Milan (Fondazione Raffaele Mattioli per la storia del pensiero economico), seront publiés sur le portail « illuminismolombardo.it », sous la direction de Gianni Francioni. Toutes les pièces de procès et les plaidoiries d’Alessandro Verri citées dans cet article seront accompagnées de leur cote de conservation dans ce fonds d’archives.
4 Voir C. Capra, M. T. Ciserani, « Criminalità e repressione della criminalità in Lombardia nell’età delle riforme : appunti per una ricerca », dans Criminalità e società in età moderna, « La Leopoldina », L. Berlinguer, F. Colao (éd.), Milan, Giuffrè, vol. 12, 1991, p. 1-23.
5 Son activité de protecteur couvre la période de rédaction des Délits (mars 1763-janvier 1764), la parution de l’ouvrage (juillet 1764), puis le travail de révision du texte jusqu’à la parution de la « troisième » édition dite de Lausanne (mais de Livourne) en 1765.
6 P. Verri, Observations sur la torture, F. Bouchard (trad.), Paris, V. Hamy, 1992, § xv, p. 138-139.
7 Ce manuscrit italien du xviiie siècle, vade-mecum du déroulement des procès, a été édité par Loredana Garlati dans Inseguendo la verità. Processo penale e giustizia nel Ristretto della pratica criminale per lo stato di Milano, Milan, Giuffrè, 1999.
8 M. Sbriccoli, « Tormentum idest torquere mentem », dans Storia del diritto penale e della giustizia : scritti editi e inediti (1972-2007), Milan, Giuffrè, 2009, p. 116. Loredana Garlati définit elle aussi le rite lombard comme « un système expéditif, fondé sur le présupposé, jugé généralement valable, que le coupable ordinaire, même s’il avouait, n’avouait qu’une partie de ses méfaits » (Inseguendo la verità, op. cit., p. 157).
9 Voir notamment A. Monti, Iudicare tamquam deus. I modi della giustizia senatoria nel Ducato di Milano tra Cinque e Settecento, Milan, Giuffrè, 2003 ; Formare il giurista. Esperienze nell’area lombarda tra Sette e Ottocento, M. G. di Renzo Villata (éd.), Milan, Giuffrè, 2004 ; et L’arte del difendere. Allegazioni, avvocati e storie di vita a Milano tra sette e ottocento, M. G. di Renzo Villata (éd.), Milan, Giuffrè, 2006.
10 Sur les phases du procès pénal en Lombardie, voir L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 94-96.
11 C’était le cas dans la plupart des tribunaux italiens, sauf à Venise où « les avocats plaidaient “de vive voix” » (S. T. Salvi, Tra privato e pubblico : notai e professione notarile a Milano (secolo xviii), Milan, Giuffrè, 2012, p. 16, note 18). Il faut attendre la fin du siècle et la chute des anciennes structures juridiques de droit commun pour que la nouvelle codification pénale fasse évoluer le rôle de l’avocat (ainsi que son statut dans la hiérarchie sociale). La défense devient alors un débat oral, public et contradictoire, avec ce que cela comporte de théâtralité et d’éloquence. Voir E. Dezza, Lezioni di storia del processo penale, Pavie, Pavia University Press, 2013, p. 135-137.
12 Voir A. Monti, « Allegazioni innanzi al Senato e ricusazione del giudice », dans L’arte del difendere, op. cit., p. 531. Sur les sources du droit, qui associent au Corpus Juris Justinianeum des « stratifications doctrinales » et des decisiones ou opiniones jurisprudentielles, voir S. T. Salvi, Tra privato e pubblico, op. cit., p. 21.
13 L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 205.
14 Sur la lenteur des procédures, malgré les recommandations des Constitutions milanaises de 1541, voir G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica nell’età delle riforme : il ruolo del Senato milanese », dans Saggi di storia del diritto penale lombardo (secc. xvi-xviii), Milan, LED, 1994, p. 346.
15 Domenico Ventura, emprisonné pour fraude en juin 1763, voit son procès débuter « plus d’un an plus tard » (cart. 481.3.5, f° 2r., en marge) ; Giuseppe Bianco, accusé de meurtre, est condamné à sept années d’exil au terme de cinq ans de prison (cart. 481.1, f° 22r. ; cart. 481.3.1, f° 1v. pour le verdict) ; Antonio Vanni, voleur d’oies et de poires, doit patienter six mois avant le début de son procès (cart. 481.2, f° 22r.).
16 L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 125.
17 Ibid., p. 215.
18 Le Sénat « modifie souvent la peine prescrite, dès lors que l’imposent les circonstances ou les défenses du coupable » (G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 342, note 41).
19 Voir L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 208.
20 On trouve « avocat », « avocat criminel » et « avocat des coupables » dans leur correspondance : voir A. Verri, lettre à P. Verri, 7 novembre 1766, dans Voyage à Paris et à Londres, op. cit., p. 85 ; P. Verri, lettre à A. Verri, 21 février 1767, ibid., p. 301 ; A. Verri, lettre à P. Verri, 26 juillet 1767, dans Carteggio di Pietro e Alessandro Verri dal 1766 al 1797, E. Greppi et al. (éd.), Milan, Cogliati, vol. 1, t. II, 1923, p. 13.
21 Voir la reconstitution de S. T. Salvi, Tra privato e pubblico, op. cit., p. 10-24 et notes bibliographiques.
22 Sur la formation du jurisconsulte, voir E. Brambilla, « Il “sistema letterario” di Milano : professioni nobili e professioni borghesi dall’età spagnola alle riforme teresiane », dans Economia, istituzioni, cultura in Lombardia nell’età di Maria Teresa, G. Barbarisi, A. De Maddalena, E. Rotelli (éd.), Bologne, Il Mulino, vol. 3, 1982, p. 112-113.
23 S. T. Salvi, Tra privato e pubblico, op. cit., p. 24. En raison des ménagements de Marie-Thérèse à l’égard du Sénat, « le cadre général du procès pénal en Lombardie reste essentiellement inchangé à la mort de la grande monarque en 1780 » (L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 20).
24 Alessandro exerça ses fonctions aux côtés du marquis Matteo Ordoño de Rosales. Ce dernier, nommé vicaire de provision en 1771, puis avocat fiscal et capitaine de justice, remarqué pour ses résultats en termes de sécurité publique, devint sénateur en 1781, puis conseiller du Tribunal suprême de justice en 1786-1796. Voir notamment P. Verri, lettre à A. Verri, 6 mars 1782, dans Carteggio di Pietro e Alessandro Verri, op. cit., Milan, Giuffrè, vol. 12, 1942, p. 213-214.
25 Sur les diverses confréries vouées à l’assistance et à la protection des détenus milanais, voir A. Noto, Gli amici dei poveri di Milano, 1305-1964, Milan, Giuffrè, 1966. Voir en particulier les décrets et édits ducaux des années 1467-1478 relatifs à l’amélioration des conditions de vie des prisonniers de la Malastalla, vol. 1, p. 143-164.
26 Voir L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 308 ; voir aussi ibid., p. 192, note 317.
27 Voir Statuta Mediolani cum appostillis clarissimi viri iureconsulti mediolanensi, 1550, IIe partie, « Novissima Mediolani Statuta », rubr. « De officio e potestate Dominorum Protectorum, seu defensorum carcerum Mediolani », chap. 150-154, p. 49-50.
28 Constitutiones Mediolanensis dominii, G. Verri (éd.), Milan, G. Marelli, 1764, livre V, « De officio protectorum carceratorum », p. 370. Voir la traduction italienne de ce texte dans Supplementi al primo e al secondo volume degli Statuti di Milano volgarizzati, Milan, G. Galeazzi, 1775, p. 175.
29 Sur les abus des notaires, des gardiens, etc., voir S. Biffi, Sulle antiche carceri di Milano e del Ducato milanese, e sui sodalizj che vi assistevano i prigionieri ed i condannati a morte, Milan, Rebeschini, 1884, p. 24 ; et S. T. Salvi, Tra privato e pubblico, op. cit., p. 484-487.
30 Voir C. Capra, I progressi della ragione. Vita di Pietro Verri, Bologne, Il Mulino, 2002, p. 104-105. Voir aussi, sur l’expérience de Francesco Gerolamo Corio, les considérations similaires de M. G. di Renzo Villata, « L’interprete, il diritto, la vita. Osservazioni a margine di una raccolta lombarda di allegationes (xviii-xix sec.) », Acta Histriae, 17, 3, 2009, p. 463-464.
31 Voir A. Liva, « Carcere e diritto a Milano nell’età delle riforme : la Casa di correzione e l’Ergastolo da Maria Teresa a Giuseppe II », dans « La Leopoldina ». Criminalità e giustizia criminale nelle riforme del’700 europeo, XI. Le politiche criminali nel xviii secolo, L. Berlinguer, F. Colao (éd.), Milan, Giuffrè, 1990, p. 63-142.
32 Voir A. Verri, lettre à P. Verri, 14 juin 1777, dans Carteggio di Pietro e Alessandro Verri, op. cit., Milan, Milesi, vol. 9, 1937, p. 60 : Giuseppe Caresana, accusé d’homicide, est qualifié de « scélérat mort par la main du bourreau ».
33 L. Garlati, « Il “grande assurdo” : la tortura del testimone nelle pratiche d’età moderna », Acta Histriae, 19, 1-2, 2011, p. 84.
34 Voir A. Verri, « Pro Paulo Busnello », cart. 481.1, f° 9r.
35 Voir ibid., f° 11r.
36 A. Verri, « Pro Joseph Rognono », ibid., f° 18r.
37 A. Verri, « Pro Johanne Baptista de Ghiffantis », ibid., f° 15r.
38 Voir ibid., f° 13r., notes d et e.
39 Voir A. Verri, « Pro Joseph Reina », cart. 481.2, f° 64v.
40 Voir A. Verri, « Pro Francisco Ratti, et Anna, et Maria, Mater, et Filia de Perinis », ibid., f° 100r. : « Eos excusamus qui legum notitiam non habuerunt » (H. Grotius, De jure belli ac pacis, II, xx, 43).
41 Voir A. Verri, « Pro Andrea Cassirago », cart. 481.1, f° 26r. et f° 30r.
42 A. Verri, « Ragionamento sulle leggi civili », dans Il Caffè (1764-1766), G. Francioni, S. Romagnoli (éd.), Turin, Bolllati Boringhieri, 1998, p. 577 et 597.
43 Voir A. Verri, « Pro Andrea Cassirago », cart. 481.1, f° 29v., où sont cités « Galeno, Boerhaave, Van-Swieten, Sauvages [sic] ».
44 Pour quelques exemples de « convergences », voir P. Musitelli, Le Flambeau et les ombres. Alessandro Verri, des Lumières à la Restauration (1741-1816), Rome, Collection de l’École française de Rome, 2016, chap. 3, « Le protecteur des condamnés », p. 47-66.
45 Voir A. Verri, « Pro Jacobo Discacciato et Petro Majerna », cart. 481.1, f° 2v., et « Pro Eugenio Sassi [et al.] », cart. 481.2, f° 55r.-55v., à mettre en regard des § xxix et xxx des Délits, parvenus tardivement à l’imprimeur en juin 1764.
46 Des délits et des peines (Fontana-Tabet, 2015), p. 123-124.
47 A. Verri, « Pro Jacobo Cebraro », cart. 481.2, f° 60v.
48 Voir A. Verri, « Pro Dominico Ferrarese », ibid., f° 106r. : « La misère est souvent la mère des vols. […] Il est assurément facile pour des hommes qui possèdent en abondance tous genres de richesses et mènent une vie splendide de résister à l’envie de dérober les biens d’autrui. » L’idée du « grand écart » entre le misérable et le riche revient dans A. Verri, « Scuse di un ladro pubblicista », dans Il Caffè (1764-1766), op. cit., p. 838, et dans Des délits et des peines (Fontana-Tabet, 2015), § xxviii, p. 155.
49 Voir A. Verri, « Pro Andrea Cassirago », cart. 481.1, f° 31r. ; « Scuse di un ladro pubblicista », op. cit. ; Des délits et des peines (Fontana-Tabet, 2015), § xxviii, p. 155-156.
50 Voir M. G. di Renzo Villata, « L’interprete, il diritto, la vita », op. cit.
51 Alessandro Verri requiert des « peines légères pour des délits également légers » (« Pro Antonio Vanni », op. cit., f° 22r.), et invite le Sénat à « diminuer et adoucir la sentence dès lors que cela est possible, sans que cette diminution ne crée une disproportion entre la faute et le châtiment » (« Supplica per Anna Perina », cart. 481.2, f° 124r.).
52 Pour des exemples de « clémence » du Sénat, voir l’indication en marge d’un exemplaire de « Pro Joseph Rognono et Carolo Maddio » (cart. 482.3, f° 2r.) et la mention de deux cas d’acquittement (« Pro Dominico Ventura », cart. 481.2, f° 49r ; « Pro Johanne Comasco », ibid., f° 57r.).
53 Voir M. G. di Renzo Villata, « Egidio Bossi e il giudice : una “finta” terza parte ? », Acta Histriae, 21, 3, 2013, p. 155 : le procès criminel d’Ancien Régime témoigne parfois d’« une favor defensionis, capable d’atténuer le cadre répressif du système ».
54 Ibid., p. 165 et 167. La théorie du droit naturel permit le développement, aux xviie et xviiie siècles, d’une conception laïcisée et moins rétributive de la peine, plus attentive aux droits des prévenus, notamment en matière de torture (Martino Bernhard, Christian Thomasius) : voir M. G. di Renzo Villata, « Quale scienza penale ? Prima e dopo Beccaria », dans Dei delitti e delle pene a 250 anni dalla pubblicazione. La lezione di Cesare Beccaria, Milan, Giuffrè, 2015, p. 141.
55 Voir M. A. Cattaneo, Delitto e pena nel pensiero di Christian Thomasius, Milan, Giuffrè, 1976.
56 G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 341, note 37, et p. 344, note 48. Voir également les propositions du « Nuovo Piano, regole per la pratica criminale » cosigné par Gabriele Verri et par le sénateur Giuseppe Santucci en 1768, cité par L. Garlati dans Inseguendo la verità, op. cit., p. 96, note 53.
57 G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 404, 410, et voir p. 359-361, ainsi que les lectures de Giulio Claro et de Giovanni Antonio Zavattari (De Fori Mediolanensis) dans L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 190, note 311.
58 A. Verri, « Pro Joseph Regalia », cart. 481.2, f° 2v.
59 A. Verri, « Pro Jacobo Discacciato », cart. 481.1., f° 6v.
60 Voir L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 156.
61 A. Verri, « Pro Andrea Cassirago », cart. 481.1., f° 31r. et 30v.
62 Ibid., f° 31r.
63 G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 362.
64 F. Venturi, Settecento riformatore, III. La prima crisi dell’Antico Regime, 1768-1776, Turin, Einaudi, 1979, p. 398.
65 G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 414.
66 Voir L. Garlati, Inseguendo la verità, op. cit., p. 272.
67 G. P. Massetto, « Aspetti della prassi penalistica », op. cit., p. 331.
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École normale supérieure
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