Chapitre 9
La prise de décision dans le camp de Buchenwald à travers les textes littéraires de Bruno Apitz, Ernst von Salomon et Jorge Semprún
p. 211-226
Note de l’éditeur
Traduction de Sonia Combe.
Texte intégral
1La prise de décision joue un rôle central dans les récits sur les camps de concentration nazis. Elle est généralement liée à la survie individuelle, mais la survie collective peut être en jeu lorsqu’il s’agit par exemple de l’approvisionnement du camp, et la décision comprend dans ce cas une dimension éthique dès lors qu’elle a des conséquences plus ou moins directes sur la vie d’autres détenus. La possibilité de prendre des décisions, de même que la portée de ces choix, dépendait de l’appartenance à un groupe de détenus, qu’il s’agisse des catégories formées par les SS, de la nationalité ou du Kommando de travail auquel on était affecté. Cela résultait d’une fonction attribuant une position de pouvoir conférée par les SS à certains détenus. C’est dans ce cadre que ces derniers pouvaient décider qui devait mourir, qui devait être sauvé, ou encore qui allait travailler dans tel ou tel kommando, qui devait occuper telle ou telle fonction dans le camp, qui devait aller en transport vers un camp d’extermination, etc. Les motivations à l’origine de ces décisions pouvaient être différentes. Elles sont souvent difficiles à élucider, ce qui rend pratiquement chaque décision par nature contestable. Lorsqu’elles étaient prises afin de protéger les autres détenus, on pouvait se demander s’il ne s’agissait pas simplement d’une forme d’autoprotection étendue à la collectivité. Si elles étaient prises pour se protéger soi-même, la raison pouvait également être stratégique : en se maintenant soi-même dans une position de pouvoir, on pouvait assurer la protection des autres. Quoiqu’il en soit, la possibilité d’avoir une certaine marge de manœuvre nécessitait toujours un degré de coopération avec les SS.
2Toutes ces décisions sont, selon deux perspectives, prises dans des situations extrêmes. Premièrement, parce qu’elles peuvent avoir des conséquences dramatiques. Deuxièmement, parce que la contrainte sous laquelle elles sont prises soulève la question de savoir si on peut encore parler de choix entre différentes alternatives. L’expérience du camp se caractérise d’abord par l’absence, ou du moins par la réduction, de marge de manœuvre. Celui qui a été déporté dans un camp n’a plus, ou presque plus, la possibilité de faire des choix. La décision n’est alors que l’expression de la contrainte à laquelle elle est soumise. Soit la marge de manœuvre décisionnelle est très réduite, soit elle est éventail de possibles illusoires, soit encore elle s’accompagne de la nécessité de collaborer avec les SS et, dans ce cas, risque d’être éthiquement compromise. Enfin, les décisions sont souvent prises dans des conditions telles qu’un choix « rationnel » est pratiquement impossible. D’une manière ou d’une autre, épistémique ou éthique, la question se pose de savoir si la décision en est toujours une eu égard au contexte dans lequel elle a été prise.
3La question du choix se pose différemment selon les groupes de détenus. Parmi les victimes de la déportation du régime national-socialiste, la majorité des Juifs, des Sinti et des Roms (encore appelés de manière indifférenciée « Tziganes » en français), des homosexuels ou des Témoins de Jéhovah étaient soumis à la contrainte des camps d’une manière qui réduisait leurs possibilités de prise de décision à un minimum. En règle générale, ces détenus ne pouvaient pas atteindre une position qui leur permettrait de prendre des décisions stratégiques liées à leur propre survie. D’autres groupes de détenus avaient, en revanche, cette possibilité. Outre les prisonniers de droit commun, c’était le cas des détenus politiques, notamment dans le camp de concentration de Buchenwald. Pour ces derniers, la question du choix s’est donc posée dans la pratique. Ces prises de décisions ont été très controversées après 1945 et même au-delà, comme l’a montré au début du xxie siècle le débat autour du sauvetage de « l’enfant de Buchenwald ». Non seulement ce groupe de détenus a fait l’objet d’attaques publiques, comme dans le rapport Robinson1, mais il y a eu des conséquences juridiques pour certains des anciens détenus ayant occupé une fonction d’encadrement dans le camp.
4Il existe plusieurs types de cas. Ernst Busse et Erich Reschke, deux Kapos de Buchenwald, ont été condamnés à la prison à vie par un tribunal militaire soviétique en 1951, et Busse est mort dans un camp soviétique en 19522. Tous deux ont été réhabilités discrètement par la République démocratique allemande (RDA) après la mort de Staline. Arthur Dietzsch, qui travaillait comme infirmier dans le Revier (infirmerie), a été condamné en 1947 à quinze ans de prison par un tribunal américain. En France aussi, le rôle des politiques – dont de nombreux communistes de Buchenwald – a été discuté avec véhémence, par exemple à travers la personne du syndicaliste et bref ministre sous le gouvernement de Charles de Gaulle, Marcel Paul. Mais il ne s’agissait dans ce cas que d’une condamnation morale au sein de l’opinion publique3.
5La controverse portait sur la question de savoir si ces détenus disposaient d’une marge de manœuvre décisionnelle, et si oui, de quelle manière et dans quels cas ils prenaient des décisions. On soupçonnait que la possibilité de choix résultait des « privilèges » dont auraient bénéficié des groupes de détenus et que leurs décisions visaient à les protéger. Du point de vue de l’accusé, était-il plus judicieux d’admettre la marge de manœuvre ou bien de la contester ? En effet, d’un côté on pouvait avoir intérêt à nier toute possibilité de choix, afin que la décision prise apparaisse comme le résultat de la situation de contrainte, mais, de l’autre, on pouvait en faire un avantage en mentionnant l’aide ainsi accordée à d’autres détenus. Dans les deux cas, reconnaître la possibilité de choix faisait courir le risque d’être tenu pour responsable des actes commis. Du moins, l’argumentation devenait désormais plus complexe, car il fallait alors clarifier, par rapport à certaines situations, s’il y avait eu oui ou non une marge de manœuvre et dans quelle mesure.
6Il ne faudrait cependant pas réduire ce dilemme à une question de stratégie. Il concernait en particulier les prisonniers politiques, mais il se posait à un niveau fondamental, pas seulement politique. Au fond, il s’agissait toujours de la (re)constitution narrative d’eux-mêmes par les détenus, dans laquelle la mise en récit des choix participait de leur construction en tant que sujets éthiques. Seul celui qui a eu le choix a pu se comporter de manière éthique. Or, de nombreux rapports sur les camps parlent de la suspension des catégories morales dans le camp, y compris chez les détenus.
7Au vu du questionnement que soulèvent pratiquement toutes les décisions prises dans les camps par les détenus politiques, il n’est pas étonnant que celui de leur évaluation joue un rôle central dans les textes. On pourrait même se demander si, dans la lutte pour le pouvoir des années d’après-guerre, en RDA, entre les rémigrés de l’URSS et les antifascistes déportés – dont la plus grande chance de survie dans les camps par rapport aux détenus ordinaires est attestée –, le besoin d’évoquer cette question ne serait pas à l’origine du nombre relativement important de récits écrits par les détenus politiques ayant survécu à la déportation.
8C’est à la trace laissée par ce dilemme et sa justification dans les textes littéraires (au sens large) que je m’intéresse ici. La forme la plus simple est certainement la justification explicite, telle qu’on la trouve par exemple dans le récit de Walter Poller, Arztschreiber in Buchenwald, dans lequel il s’agit en grande partie de savoir pourquoi il faisait lui-même partie du groupe des détenus pourvus d’une fonction politique, de mettre en balance les privilèges qui y étaient liés et les risques qui y étaient associés, ainsi que de légitimer les décisions prises en faveur de certains – le dilemme éthique s’inscrivant toujours dans le contexte d’une sélection du « matériel humain [plus] précieux »4. Dans d’autres cas, la question est plus complexe, revêtant parfois des aspects contradictoires.
9Trois récits portent sur ce thème : le roman de Bruno Apitz, Nu parmi les loups5, le récit d’Ernst von Salomon, Le destin de A. D.6, et le roman de Jorge Semprún, Le grand voyage7. En dépit de toutes les différences quant aux conditions d’écriture, au public auquel ils s’adressent, à leur ambition littéraire, ces textes ont trois points en communs. Tous proviennent et/ou traitent de survivants du camp de Buchenwald, dont l’administration interne des détenus était, à partir de 1942, presque exclusivement confiée à des prisonniers politiques. Ces trois auteurs appartenaient à ce groupe et occupaient donc une position particulière dans le camp. Ces trois écrits ont été publiés entre 1958 et 1963 et rédigés dans des systèmes politiques différents, ce qui n’est pas sans incidence sur leur contenu. En outre, il convient d’articuler la question des prises de décisions avec les conditions dans lesquelles elles ont été prises, à chaque fois dans un contexte différent à Buchenwald, afin d’éviter de se référer d’emblée à un imaginaire collectif du camp de concentration.
Le roman de Bruno Apitz : Nu parmi les loups
10Bruno Apitz a probablement été l’auteur le plus interrogé sur l’ambiguïté de la fonction de détenu en charge de l’administration du camp. Interné à Buchenwald de 1937 jusqu’à la libération du camp, Apitz n’a pas occupé lui-même une fonction dans l’administration interne du camp par les détenus, mais, en tant que communiste, il a pu bénéficier de sa proximité avec ce milieu en étant affecté dans des kommandos de travail relativement protégés. Son roman a longtemps été lu comme un récit glorifiant l’antifascisme communiste et de ses héritiers en RDA. Depuis l’unification allemande, la recherche a quelque peu nuancé cette version, d’une part en soulignant que le roman d’Apitz, écrit en 1958, relevait de représentations populaires ne pouvant être simplement réduites à une fonction idéologique légitimatrice, d’autre part en évoquant la relation qui s’était instaurée entre les communistes soviétiques en exil et ceux qui avaient survécu au nazisme dans les camps et les prisons allemandes. Comme déjà évoqué, il en avait résulté pour ces derniers une obligation de justifier de leurs actes. Ces deux aspects sont à prendre en considération pour comprendre les décisions prises dans le roman d’Apitz. Il faut se souvenir de la fonction dramaturgique des décisions dans les textes littéraires. Elles intensifient l’action et permettent le jugement éthique. Les décisions nourrissent le conflit qui fait vivre le roman, créent du suspense. L’autre fonction du roman était également de justifier les communistes dont la participation à l’encadrement du camp était contestée. Là encore, pour qu’ils puissent être considérés comme des résistants, il fallait qu’ils aient des possibilités de faire des choix. Or, ces possibilités résultant d’une coopération avec les SS, il ne fallait pas cependant jeter une ombre sur les décisions prises8.
11Dans le roman d’Apitz, deux détenus politiques décident de cacher un enfant arrivé dans le camp avec un convoi de Juifs. Tous deux appartenant au groupe des communistes, le sauvetage de l’enfant met en danger le réseau de résistance, raison pour laquelle il est décidé d’envoyer l’enfant en transport vers Auschwitz, la perspective de la libération du camp étant prioritaire. Sauver un enfant entre en conflit avec le possible sauvetage de 50 000 prisonniers. Tel est le dilemme. D’un côté, il est rationnel de sauver le plus grand nombre. De l’autre, en sacrifiant l’enfant, les communistes font preuve d’une froideur inhumaine.
12La question du choix constitue la trame explosive du roman, dans la mesure où l’on a affaire, avec Höfel et Pippig, les deux détenus qui se décident en faveur de l’enfant, à des personnages dont l’impulsion humaine conduit à résister aux directives du parti. Le critique littéraire ouest-allemand, Marcel Reich-Ranicki, croyait même en 1961 reconnaître dans cet acte de désobéissance communiste la raison du succès du roman en RDA : « Dans un pays où l’on chante une chanson qui commence par les mots “Le Parti, le Parti a toujours raison…”, on est reconnaissant à un roman qui vante une action rendue possible parce qu’un camarade s’est opposé au Parti »9.
13Toutefois, les décisions, l’une humaine pour sauver un seul être, la seconde inhumaine pour sauver 50 000 personnes, sont à chaque fois prises par des communistes. La fin du récit est au bout du compte heureuse, les deux choix s’avérant justes : le camp est libéré et l’enfant est sauvé. S’il en est ainsi, c’est grâce aux qualités éthiques et aux compétences stratégiques que le roman attribue aux communistes du camp. Même sous la torture, Pippig, Höfel et Kropinski ne révèlent rien sur le réseau de résistance ni sur le sort de l’enfant. Les conséquences tragiques du conflit sont évitées grâce à leur héroïsme. Un héroïsme qui ruine d’une certaine manière la décision elle-même, car l’alternative entre la survie de l’enfant ou la libération collective a pu être évitée. L’alternative n’en était donc pas une.
14Nu parmi les loups résout ainsi le dilemme qui consiste, comme cela a été esquissé plus haut, à ce que les prisonniers politiques soient considérés dans le roman comme sujets ayant le pouvoir d’agir, sans pour autant être remis en question sur le plan éthique. Mais cela se produit aussi parce qu’une limite de la subjectivité éthique s’introduit en même temps dans la communauté du camp. En effet, dans le dessein des détenus juifs, qui représentaient la plus grande partie des détenus du camp au moment de l’histoire du roman, on remarque qu’ils ne se distinguent pas des détenus politiques par une autre histoire de la déportation ou une appartenance politique, mais par leur incapacité à prendre des décisions et l’impuissance d’action qui en résulte. Dans la perspective du roman, ils ne se constituent donc pas du tout en tant que sujets éthiques.
Le récit d’Ernst von Salomon : Le destin de A. D.
15Chez Ernst von Salomon, la question se pose dans un contexte sociopolitique différent10. L’auteur à succès de la république de Weimar, national-conservateur et complice des assassins du ministre des Affaires étrangères, Walther Rathenau, en 1922, n’a lui-même jamais été incarcéré dans un camp de concentration. Au contraire, il avait survécu de façon plutôt confortable à la période nazie comme scénariste à la société de production cinématographique du IIIe Reich, l’Universum Film AG (UFA), dont il prétendit plus tard qu’elle était politiquement neutre. Il doit sa célébrité dans la jeune République fédérale (RFA) au best-seller révisionniste Le questionnaire11. Le questionnaire établi par les Alliés en vue de la dénazification lui sert de prétexte à un récit autobiographique de 700 pages. L’énorme succès du livre (à la fin de 1953, plus de 200 000 exemplaires avaient déjà été vendus) s’explique par le fait que Salomon a habilement combiné son non-conformisme avec la revendication de reconquête de l’autonomie nationale et la critique de l’occupation américaine, tout en relativisant le nazisme. Les camps de concentration sont certes mentionnés, mais à peu près dans les mêmes termes que les camps d’internement français décrits eux aussi comme des camps de concentration. Salomon évoquait les camps de concentration anglais pendant la guerre des Boers, comme l’avait fait Hitler à des fins de propagande, ou des camps de concentration dans lesquels des nationaux-socialistes autrichiens auraient été détenus avant l’Anschluss. Dans la partie du livre consacrée à l’après IIIe Reich, lorsqu’il est question des camps d’extermination, il en minimise l’ampleur en déplaçant le débat sur le viol de sa compagne par des soldats américains. Pour décrire le lieu de son propre internement après 1945 par les Alliés, il s’inspire des images des camps de concentration nazis en rendant les ex-prisonniers politiques des camps de concentration responsables de la mise sur pied des nouveaux lieux d’internement. Salomon se présente comme un opposant au nazisme en se gardant de recouper ses propres convictions nationalistes et antidémocratiques avec l’idéologie nazie. C’est dans ce même esprit qu’il entreprend son livre suivant, Le destin de A. D., de connivence avec la maison d’édition Rowohlt pour tenter de renouer avec le succès du livre précédent. Derrière ces initiales se cache Arthur Dietzsch., dont l’histoire est certainement l’une des plus étranges dont Buchenwald fut le théâtre.
16Né en 1901 à Plauen, Dietzsch a d’abord rejoint les corps francs après son baccalauréat, avant de s’engager dans la Reichswehr pour devenir officier. Sous la république de Weimar, il transmet des informations afin de prévenir l’arrestation de communistes, et est arrêté et condamné à quatorze ans de prison pour haute trahison. Il y restera sous le nazisme au-delà même de la fin de sa peine en raison de ses sympathies communistes et passera par différents camps avant d’arriver finalement en 1938 à Buchenwald, où il est affecté comme infirmier dans le Revier. En 1946, il est à nouveau arrêté par les Alliés et condamné à quinze ans de prison lors du procès de Dachau en raison de sa participation aux expériences sur le typhus qui avaient été menées à Buchenwald. À la suite de l’intervention d’un ancien détenu britannique de Buchenwald, de Kurt Schumacher, devenu président du parti social-démocrate après la guerre, et de Marion Gräfin Dönhoff, qui dirige l’hebdomadaire Die Zeit, il est toutefois libéré en 1950, à un moment où d’autres criminels nazis, dont la culpabilité était bien plus évidente, le sont également.
17Deux épisodes de sa détention ont joué un rôle central dans l’évaluation morale et juridique de sa conduite : d’une part, sa participation aux expériences sur le typhus, menées par le médecin SS Erwin Ding-Schuler, à la suite desquelles des dizaines de détenus ont trouvé la mort ; de l’autre, son soutien à l’action du résistant antifasciste Eugen Kogon ayant sauvé trois officiers alliés qui devaient être exécutés à Buchenwald, dont Stéphane Hessel, en échangeant leur identité avec celle de trois détenus français décédés peu auparavant. Ces officiers furent alors envoyés dans des camps extérieurs de Buchenwald, où leur identité ne pouvait plus guère être vérifiée. Concernant le premier épisode, Dietzsch dit avoir été obligé de suivre les instructions du médecin nazi Ding-Schuler et revendique avoir partiellement saboté les essais. Concernant le second, il avance au contraire avoir disposé d’une marge d’action. Il s’agit donc de deux stratégies de défense contradictoires.
18Grâce à l’intervention de Marion Gräfin Dönhoff dans Die Zeit, l’affaire bénéficia d’une certaine notoriété. À plusieurs reprises, Dönhoff évoqua le cas de Dietzsch dans l’intention de s’en saisir pour démontrer par l’absurde l’ensemble de la jurisprudence des Alliés12. Selon elle, il y aurait eu violation du droit tant par la justice alliée que par la justice nazie. D’autres journalistes, comme ceux du magazine Stern, font de Dietzsch l’exemple d’une justice injuste dont des Allemands innocents auraient également été victimes. Dönhoff mentionne la participation de Dietzsch au sauvetage des trois officiers et trouve des excuses à sa participation aux essais sur le typhus en se référant au règlement du camp auquel il était soumis. Cette argumentation sera ensuite transposée par Dönhoff à d’autres cas, notamment celui d’un jeune homme de 17 ans, membre de la Wehrmacht, qui avait participé à des exécutions, ou encore celui d’un membre administratif de l’établissement d’« euthanasie » Hadamar, des « hommes insignifiants » (kleine Männer), comme l’écrivit Dönhoff.
19Ce qui compte ici, ce n’est pas tant la manière dont ils abordent le problème que pose réellement Dietzsch, mais le fait qu’ils s’en saisissent pour l’appliquer à d’autres cas, avec des arguments similaires, tels que celui de l’industriel Flick Otto Steinbrinck, de l’ancien commandant militaire en Grèce Wilhelm Speidel, du neveu du délégué du Reich pour l’industrie de l’acier Hermann Röchling, Ernst Röchling, du général Alexander von Falkenhausen, et surtout du secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères Ernst von Weizsäcker. Dans ce contexte, les différences entre les régimes politiques de la république de Weimar, du nazisme, du communisme et de la démocratie américaine s’estompent pour façonner l’image d’un ennemi du monde moderne qui se dresse contre l’individu.
20Après avoir d’abord envisagé d’écrire elle-même l’histoire de Dietzsch, Dönhoff en charge l’auteur à succès Salomon. À la suite d’entretiens avec Dietzsch et en utilisant ses notes, Salomon compose une série de 16 articles qui paraissent entre décembre 1959 et janvier 1960 dans Die Zeit et, la même année, sous forme de livre chez l’éditeur ouest-allemand Rowohlt. À ce moment-là, Dietzsch est déjà sorti de prison depuis longtemps. Certes, il craint toujours d’être à nouveau inculpé, mais la dimension symbolique a dépassé la dimension juridique de l’affaire. Salomon a fait de Dietzsch un Allemand sans qualités, en qui rien ne serait frappant, « si ce n’est sa discrétion ». Sa silhouette serait moyenne, l’homme tout entier serait médiocre et, pour parachever le tableau, son costume serait gris et son chien de « race indéterminée »13. Salomon fait raconter par Dietzsch les deux épisodes litigieux de la participation aux essais sur le typhus et du sauvetage des officiers, mais il neutralise la question des choix qui s’offraient à lui en le supplantant par son propre récit d’un sujet sans volonté propre qu’aurait représenté Dietzsch. Selon Salomon, ce dernier n’était guère capable de prendre des décisions de façon autonome et n’avait qu’une capacité de réflexion limitée. Il n’avait pas non plus de convictions politiques spécifiques. Cette manière de le présenter permettait désormais : a) de l’identifier à tout autre Allemand ; b) de l’excuser. Car, d’une part, cet A. D. est un Allemand quelconque ; d’autre part, il n’est en quelque sorte pas responsable devant l’histoire. Cela, bien sûr, n’est pas seulement dû à ses propres limites, mais également à une histoire qui n’apparaît en principe au sujet moderne que comme un destin auquel il est livré et contre lequel il ne peut rien. Comme chez Dönhoff, la situation historique concrète est absorbée par une critique de la modernité qui fait de l’impuissance, c’est-à-dire de l’absence de conséquences des choix individuels, une condition de l’homme moderne. L’impuissance de Dietzsch n’est plus celle d’un prisonnier politique allemand dans un camp de concentration allemand, mais celle d’un sujet moderne qui, par principe, est impuissant face à l’histoire :
Cet homme […] appartient donc sans aucun doute à la grande masse des humains, aux fourmilières de notre temps. Il fait partie de la foule étrangère aussi bien à la splendeur des milieux qui dominent le monde qu’à la volonté obscure et farouche de ceux qui recherchent les bouleversements et les ordres nouveaux. Il se peut que de nos jours la question de savoir si le destin est un fait politique ou économique reste sans réponse, il se peut qu’à notre époque, les fils de la politique et de l’économie ne puissent plus guère être démêlés ; mais il est certain que l’une et l’autre prétendent au rôle du destin. Pour la foule, il ne reste que la destinée. Mais dans la personne de A. D., nous avons la chance de rencontrer un homme qui fut isolé de la foule, un homme choisi par le sort pour représenter la foule par l’authenticité même de son destin, par l’exemple de sa vie.14
21Ainsi, le camp lui-même se transforme en symbole de ce contexte historique contraignant. Le camp n’est plus le lieu où les gens sont victimes de crimes violents allemands, il est plutôt le lieu où les Allemands sont soumis aux contraintes d’un contexte historique. En ce qui concerne le récit de Dietzsch, la contradiction entre son pouvoir (sauver les officiers) et son impuissance (à refuser de participer aux essais médicaux) relève évidemment d’une stratégie de défense, même si elle est en soi contradictoire. À l’Allemand en tant que sujet symbolique, Salomon refuse toute possibilité de choix dans un sens quasiment philosophique de l’histoire.
22On voit la perfidie d’une telle généralisation qui consiste à faire du cas d’Arthur Dietzsch la version allemande du cas d’Alfred Dreyfus, auquel il est fait allusion avec les initiales du titre. En effet, Salomon le dit explicitement : « il s’est agi en quelque sorte d’une deuxième « affaire Dreyfus »15. Dietzsch lui-même, sans avoir tout à fait compris la stratégie rhétorique de Salomon, reprendra plus tard cette comparaison à son compte. Dietzsch n’est pas le premier à être comparé à Dreyfus dans le cadre de la jurisprudence des Alliés. Même le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Carl Friedrich von Weizsäcker avait bénéficié de cette comparaison par l’intermédiaire du ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ce que Hannah Arendt, dans son livre Les origines du totalitarisme, avait alors considéré comme une répétition générale de l’antisémitisme national-socialiste n’est alors pas vu ou est sciemment occulté. Dreyfus et Dietzsch deviennent des victimes idéologiquement interchangeables de l’histoire.
23Niant la possibilité de choisir dans le camp, Salomon l’étend à l’ensemble de ses lecteurs allemands et finalement à la condition subjective de l’homme moderne. Ainsi, l’Allemand est englobé à nouveau dans une humanité immature. Mais contrairement aux deux autres textes ici analysés, qu’il s’agisse de Nuit parmi les loups de Bruno Apitz, ou du Grand voyage de Jorge Semprún que nous allons voir, Salomon renonce ainsi à faire du héros de son récit un sujet éthique.
Jorge Semprún : Le grand voyage
24Le grand voyage est le premier roman de Jorge Semprún. Il y raconte, dans une première partie, son voyage de Compiègne à Buchenwald effectué en cinq jours dans un wagon de marchandise, et dans une seconde, plus brève, le chemin qu’il a parcouru entre la gare de Buchenwald et le seuil du camp de concentration. Ce récit a surtout été lu comme une narration authentiquement moderne du traumatisme, qui évite de restituer l’événement traumatisant lui-même. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas tout16. La notion de décision est utile pour mettre en évidence ce à quoi cette stratégie narrative pourrait encore être liée. Semprún occupait un poste subalterne dans l’Arbeitsstatistik à Buchenwald. Ce bureau était dirigé par des prisonniers politiques, ce qui leur permettait une marge de décision relativement importante. C’est ici que se décidait l’envoi dans tel ou tel kommando. De telles décisions ne revêtaient pas seulement une importance capitale quant aux chances de survie qui variaient selon le lieu où on était affecté. Elles permettaient également aux prisonniers politiques de constituer leurs réseaux dans la lutte pour le pouvoir avec d’autres groupes de détenus. Semprún était trop jeune et avait passé trop peu de temps dans le camp pour jouer un rôle décisif dans ce poste. Mais il dut aussi sa survie à son appartenance au groupe qui prenait les décisions et, de la sorte, avait eu un aperçu de la façon dont elles étaient prises.
25En faisant l’impasse sur le récit à l’intérieur du camp, Semprún évite ce point névralgique. Il serait faux de n’y voir qu’une stratégie narrative, mais cette impasse lui permettait de ne pas prêter le flanc à des critiques, d’autant plus que, quoiqu’étant alors en désaccord avec le Parti communiste espagnol (PCE), il en était encore un cadre. Il est tout de même frappant de constater que le deuxième livre de Semprún sur Buchenwald, Quel beau dimanche !, écrit après sa démission du PCE et alors qu’il est pleinement averti de l’existence du goulag soviétique, évoque bien cette question et le problème d’ordre éthique qu’elle soulevait, tout en respectant cependant ce qu’accomplirent ces communistes qu’il précise endurcis par des années de camp.
26On pourrait penser que les décisions – surtout celles prises dans une situation extrême – ne jouent aucun rôle dans Le grand voyage de Semprún, puisque le camp en lui-même n’est pas décrit dans le roman. Pourtant, ce n’est pas le cas. Les prises de décision hors du camp deviennent lisibles par contraste avec celles prises dans le camp, même si ces dernières ne sont pas racontées. Le fait qu’elles ne l’aient pas été peut donc être lu soit comme l’indice du traumatisme, soit comme une omission stratégique pour éviter que les détenus communistes soient critiqués, soit encore comme une thèse sur le lien entre le camp et la décision, à savoir : dans le camp, la liberté de décision n’existe pas. Cette liberté est fondamentalement anéantie par et dans le camp, tant et si bien qu’il n’est même plus possible de parler de « décision sous contraintes », mais de décision tout court. C’est dans ce sens que l’on peut lire le dialogue avec un gardien allemand dans la prison d’Auxerre. Gérard, le personnage principal et le narrateur, lui explique que son incarcération est le résultat d’un choix. La détention est le résultat de son choix et donc de sa situation : « Je suis prisonnier parce que je suis un homme libre […] »17. En détention, il n’y a plus de choix possible, mais la détention est le résultat d’un choix. Tel est le message politique et éthique du livre.
27Mentionnons deux autres situations – dans lesquelles des décisions, en rapport avec la dimension éthique du livre, seront prises – qui cette fois ne concernent pas le personnage principal, mais deux personnages secondaires juifs. Hans von Freyberg est un camarade du narrateur qui, dans la Résistance, lors d’une fusillade sans issue avec les Allemands, décide de continuer le tir des mitrailleuses pour couvrir la fuite de ses camarades, car il préfère la mort dans la Résistance à la mort sans résistance : « Je ne veux pas mourir simplement parce que je suis juif », dit-il. L’autre personnage, également juif, est un garçon anonyme qui, avec un autre enfant plus jeune, est poursuivi par des chiens SS dans les derniers mètres qui les séparent de l’entrée du camp de Buchenwald. Juste avant que les chiens ne les atteignent, au moment où il n’y a plus vraiment de choix possible, il trouve le moyen d’en avoir un : il s’arrête et saisit la main de l’enfant. Le roman ne dit pas pourquoi il fait cela. Avait-il voulu apporter du réconfort à l’enfant ou simplement, comme Hans von Freyberg, échapper à la situation de non-choix en se reconstituant comme sujet libre par ce geste ? Les deux interprétations sont possibles. Le pathos de la scène ne provient pas seulement du fait qu’il s’agit d’êtres jeunes qui trouvent ici la mort, mais du rapport entre l’ampleur de la décision et la marge de manœuvre minuscule pour la prendre.
28Il n’est pas anodin que dans ces deux cas, il se soit agi de Juifs. Contrairement au roman d’Apitz et à d’autres récits de résistants, le roman de Semprún inclut les Juifs, évitant que la situation de contrainte sous laquelle la décision est prise ne s’inscrive à nouveau comme un acte de sélection. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles le récit de Semprún est encore lu aujourd’hui, alors que d’autres livres ne peuvent plus être lus désormais que comme produits de discours historiquement clos. Mais c’est aussi, me semble-t-il, systématiquement lié au choix de ne pas parler du rôle des prisonniers politiques à Buchenwald. Les décisions que Semprún rapporte sont « innocentes », contrairement à celles que prirent les détenus politiques. Dans ce dernier cas, il s’agissait de décisions « coupables » puisque avantageuses pour certains et parfois mortelles pour d’autres. Personne n’a à souffrir de la décision de Gérard de s’engager dans la Résistance, contrairement à ce qui se passe dans le roman de Joseph Kessel, L’armée des ombres18.
29Après son départ du Parti communiste, dans son deuxième livre sur Buchenwald qui a manifestement pour but de réviser le premier, Semprún se penche sur l’action des détenus politiques dans le camp, et son jugement sur la question du choix va également changer : « [Nous] ne sommes […] pas innocents »19, y lit-on. Les décisions des communistes dans le camp ne sont pas délégitimées, mais la manière dont il les justifie est modifiée. Il s’agit désormais plutôt d’assumer cette culpabilité et de nuancer en même temps le jugement éthique.
Conclusion
30Les trois textes ont été publiés à des dates différentes et dans des systèmes politiques différents. Ils témoignent également d’un rapport au passé qui n’est pas le même. Apitz avait développé l’idée de son roman dès 1950 en RDA, dans le climat de concurrence idéologique entre les dirigeants qui avaient passé l’exil en URSS et les antifascistes qui avaient survécu dans des camps, afin de réhabiliter l’action de ces derniers. Salomon écrit son livre en 1959 en RFA, à un moment où la pression juridique s’est déjà relâchée non seulement sur les anciens détenus politiques, mais également sur les coupables clairement incriminés qui ont bénéficié en RFA de lois d’amnistie. Ici, le cas de Dietzsch n’est plus qu’un instrument de la stratégie collective de déculpabilisation, qui concerne moins l’ancien détenu de Buchenwald que ses lecteurs et son auteur. Semprún, lui, commence à travailler sur son roman en 1959 alors qu’il est encore membre du Parti communiste. La pression exercée sur les détenus politiques pour qu’ils se justifient a diminué, tandis que d’autres groupes de victimes passent lentement au premier plan. Le texte de Semprún associe les deux, les victimes juives et les ex-détenus politiques. Malgré leurs différences littéraires, idéologiques et historiques, les textes d’Apitz et de Semprún vont dans le sens d’une reconstruction des acteurs politiques comme sujets éthiques. La décision sert de médium à cette reconstruction, aussi contradictoire que cela puisse être et quel que soit l’écart entre les types de décision. Salomon, en revanche, ne peut préserver ses lecteurs allemands de leur culpabilité qu’en niant la possibilité de choix et d’éthique.
Bibliographie
Apitz Bruno, Nu parmi les loups, Y.-P. Loreilhe trad., Paris, Éditeurs français réunis, 1961.
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Notes de bas de page
1Écrit par Donald B. Robinson, un historien de l’armée américaine, ce rapport avait été publié dans le journal American Mercury, en octobre 1946. Voir Sonia Combe, Une vie contre une autre. Échange de victime et modalités de survie dans le camp de Buchenwald, Paris, Fayard, 2014, p. 215.
2L. Niethammer dir., Der „gesäuberte“ Antifaschismus. Die SED und die „roten Kapos“ von Buchenwald, Berlin, Akademie Verlag, 1994, p. 14.
3S. Combe, Une vie contre une autre, ouvr. cité, p. 190 et suiv.
4Walter Poller, Arztschreiber in Buchenwald. Bericht des Häftlings 996 aus Block 39, Hambourg, Phoënix Verlag, 1947, p. 75. Nous traduisons. Dans L’État SS. Le système des camps de concentration allemands (1947), Eugen Kogon confirme que les décisions des prisonniers de l’Arbeitsstatistik (« bureau du travail ») privilégiaient certains prisonniers.
5Nackt unter Wölfen, publié à Halle (RDA) en 1958, a été traduit en français sous le titre Nu parmi les loups en 1961 (Paris, Éditeurs français réunis). Voir S. Combe, Une vie contre une autre, ouvr. cité, p. 185.
6Ernst von Salomon, Le destin de A. D., G. Mesiter trad., Paris, Gallimard, 1963.
7Jorge Semprún, Le grand voyage, Paris, Gallimard, 1963.
8Il existe une abondante littérature en allemand sur le sujet : Stephan Pabst, « Kommunistische Kontrafaktur. Bruno Apitz’ „Nackt unter Wölfen“ nach Erich Maria Remarque „Der Funke Leben“ », Lagerliteratur. Schreibweisen, Zeugnisse, Didaktik, S. Fischer, M. Gronich et J. Bednarska-Kociolek dir., Francfort, Peter Lang, 2021, p. 41-68 ; Klaus-Michael Bogdal, « Populäre Lagerliteratur. Bruno Apitz’ Nackt unter Wölfen und Pierre Boules Die Brücke am Kwai », Buchenwald. Zur Europäischen Textgeschichte eines Konzentrationslagers, S. Pabst dir., Berlin/Boston, De Gruyter, 2023, p. 373-392 ; également, Thomas Taterka, « Buchenwald liegt in der Deutsche Demokratischen Republik. Grundzüge des Lagersdiskurses in der DDR », Literatur Gesellschaft DDR. Kanonkämpfe und ihre Geschichte(n), B. Dahlke, M. Langemann et T. Thomas éd., Stuttgart, J. B. Metzler, 2000.
9Marcel Reich-Ranicki, Ohne Rabatt. Über Literatur aus der DDR, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1991, p. 27. Il s’agit d’une référence au poème de Hans Fürnberg, Le Parti a toujours raison. Voir Sonia Combe, La loyauté à tout prix. Les floués du « socialisme réel », Lormont, Le Bord de l’eau, 2019, p. 96.
10Pour une documentation plus complète voir, en allemand, Stephan Pabst, « Eine deutsche Dreyfusiade? Ernst von Salomons „Das Schicksal des A. D.“ », Buchenwald. Zur Europäischen Textgeschichte eines Konzentrationslagers, S. Pabst dir., Berlin/Boston, De Gruyter, 2023, p. 419-450.
11Cet ouvrage été traduit en français en 1953. Ernst von Salomon, Le questionnaire, G. Mesiter trad., Paris, Gallimard, 2016.
12Marion von Dönhoff, « Letzter Ausweg aus dem Rechts-Wirrwarr: Amnestie », Die Zeit, no 49, 8 décembre 1949 ; « Die Pest der Kategorie », Die Zeit, 18 janvier 1951.
13E. von Salomon, Le destin de A. D., ouvr. cité, p. 9 et suiv.
14Ibid., p. 10.
15Ibid., p. 86.
16Voir à ce sujet Stephan Pabst, « Disenfranchised Narratives. Slavoj Žižek reads Jorge Semprún », Holocaust Studies, vol. 27, no 3, 2021, p. 1-16.
17Jorge Semprún, Le grand voyage, Paris, Gallimard, 1963, p. 54.
18Voir le chapitre de Frédérique Leichter-Flack dans ce même volume.
19Jorge Semprún, L’écriture ou la vie, Paris, Gallimard, 1994.
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