Chapitre 6
Du soin à la sélection : choix, adaptation et stratégies de survie dans les thèses soutenues par des médecins sur leur expérience concentrationnaire
p. 147-167
Texte intégral
La lutte pour les places, c’est-à-dire la lutte pour la vie, devint très dure, impitoyable.
— Guy Lemordant, Pathologie concentrationnaire, 1946
Introduction
1Cette recherche porte sur les témoignages de médecins déportés qui ont, le plus souvent, exercé des soins sous la contrainte dans les infirmeries des camps, les Reviere1. Ces médecins ont été déportés soit parce qu’ils étaient Juifs, soit parce qu’ils étaient résistants, soit pour leurs opinions politiques ou dispositions morales2 en opposition à l’occupant, dont les NN3. À côté du livre du journaliste Christian Bernadac4, qui compile des témoignages de médecins qu’il a le plus souvent sollicités, seuls les témoignages de quelques psychiatres, psychologues ou psychanalystes sont connus du grand public (Bruno Bettelheim, Ernst Federn, Viktor Frankl, etc.), alors qu’il existe des récits très variés. Chez les spécialistes, constat similaire, la littérature secondaire cite presque toujours une série semblable de témoignages de médecins, notamment parce que les autres sont plus difficiles à identifier sans réédition ou citation récente. En somme, ce corpus n’a jamais été analysé de manière systématique. Il faut certes connaître les bibliothèques médicales pour en établir une liste plus complète, un domaine dans lequel les historiens manquent de repères. Une longue fréquentation de ces institutions en tant qu’historien de la santé explique comment j’ai mis à jour un corpus beaucoup plus vaste que ce qui était connu jusqu’à aujourd’hui.
2En tout, il se compose de 70 témoignages. Pour rendre ma démarche facile à suivre, j’ai délimité un corpus de base composé de tous les témoignages d’anciens médecins déportés publiés en France à partir de 1945. Ce sont de simples critères opératoires. Cela signifie qu’ils ont eu un lectorat, contrairement aux manuscrits qui sont restés à l’état d’archive dans des institutions publiques ou dans les familles ; j’en lis aussi, comme je lis d’autres témoignages, dans plusieurs langues, dans une perspective comparée. Finalement, dans ce chapitre, j’examine uniquement un sous-corpus formé d’une dizaine de thèses de doctorat soutenues entre 1945 et 1948, qui ont la singularité d’être basées sur l’expérience concentrationnaire et d’en témoigner. Voici un tableau récapitulatif.
Tableau récapitulatif. Thèses de doctorat soutenues par d’anciens médecins déportés sur leur expérience concentrationnaire
Auteur de la thèse | Référence de la thèse |
Paul Czitrom Né à Tragul-Mures (Roumanie) le 26 juillet 1913 | Le suicide dans les camps de concentration, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Paris, no 277, 1948. Camp documenté : Auschwitz-Birkenau Directeur de thèse : Jean Delay |
Henri Despujols Né à Langon le 29 novembre 1916 | Les médecins déportés politiques à Hambourg-Neuengamme et Barth (Kommando de Ravensbrück), thèse de doctorat de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Bordeaux, no 23, 1945. Camps documentés : Neuengamme et Barth Directeur de thèse : Fernand Villemin |
Paulette Don Zimmet-Gazel, née Gazel Née à Le Mans le 10 février 1905 | Les conditions d’existence et l’état sanitaire dans les camps de concentration de femmes déportées en Allemagne, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Genève, no 1867, 1947. Soutenue en 1946 Camp documenté : Ravensbrück Directeur de thèse : Théodore Reh |
Joseph-Désiré Hafner Né à Gallatz (Roumanie) le 1er juillet 1918 | Aspects pathologiques du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Paris, 1946. Camp documenté : Auschwitz Directeur de thèse : Christian Champy |
Émile Igner Né à Técuci (Roumanie) le 18 mai 1910 | Un hôpital et le rôle du médecin dans le camp de concentration, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Paris, no 762, 1945. Camps documentés : Buchenwald, Auschwitz-Birkenau, Monowitz, Gleiwitz Directeur de thèse : Robert Debré |
Charles-Julien Kaufmann Né à Nancy le 30 novembre 1919 | L’entreprise de la mort lente. Konzentrationlager Hambourg-Neuengamme, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Nancy, 1946. Camp documenté : Neuengamme Directeur de thèse : Jacques Parisot |
Guy Robert Lemordant Né à Brest le 3 octobre 1908 | Pathologie concentrationnaire, Université de Strasbourg, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Strasbourg, 1946. Directeur de thèse : Marc Klein Camp documenté : Mauthausen et Melk |
André Abraham David Lettich Né à Poiana-Micului (Roumanie) le 27 juin 1908 | Trente-quatre mois dans les camps de concentration. Témoignage sur les crimes « scientifiques » commis par les médecins allemands, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Paris, no 697, 1946.a Soutenue le 10 juillet 1946 Camp documenté : Auschwitz Directeur de thèse : Christian Champy |
Anita Martinet, née Rosenberg Née à Tulnici (Roumanie), le 1er avril 1918 | Ce que j’ai vu en Allemagne. Quelques aspects médicaux de la déportation, thèse de doctorat de la faculté de médecine de Montpellier, 1945. Soutenue le 27 juillet 1945 Camp documenté : Auschwitz Directeur de thèse : Gaston Giraud |
Henri Rosencher Né à Varsovie (Pologne) le 27 mars 1915 Faculté de médecine de Paris | La pathologie du déporté. La médecine au camp de concentration de Dachau, faculté de médecine de Paris, no 366, 1946. Soutenue le 18 juin 1946 Camp documenté : Dachau Directeur de thèse : Charles Richet |
Suzanne Weinstein Faculté de médecine de Paris | Aperçu sur les conditions de vie et l’état sanitaire du camp de concentration de Ravensbrück : février-juillet, 1944, faculté de médecine de Paris, 1946. Soutenue le 3 juillet 1946 Camp documenté : Ravensbrück Directeur de thèse : Henri Bénard |
a. Cette thèse reproduit plusieurs extraits de témoignages en annexe, dont la première version du témoignage d’Adelaïde Hautval (p. 43-50), qui a été réédité à plusieurs reprises : Médecine et crimes contre l’humanité [1946], Arles, Actes Sud, 1991. Une édition posthume, augmentée, est parue sous le titre : Médecine et crimes contre l’humanité. Le refus d’un médecin, déporté à Auschwitz, de participer aux expériences médicales, Paris, Éditions du Félin, 2006. |
3On peut parler de « littérature testimoniale » pour caractériser ce corpus, car les récits ont été rédigés après coup, sur la base de souvenirs et parfois de données quantitatives (statistiques) fragmentaires5, dans l’objectif de délivrer un message rétrospectif sur les camps. L’historiographie a déjà établi le constat que cette littérature est marquée après-guerre par un régime mémoriel qui valorise la Résistance, alors que les témoignages de la fin du xxe siècle sont beaucoup plus marqués par la mémoire de la Shoah6. Dans les thèses soutenues entre 1945 et 1948, cela se traduit par une glorification de la Résistance et du patriotisme, tandis que l’extermination des Juifs est peu thématisée ou subordonnée au régime mémoriel dominant. Par exemple, Henri Rosencher, dont la famille fut assassinée en déportation, dédia sa thèse à son maître Charles Richet en « hommage respectueux d’un déporté au grand Résistant rescapé de Buchenwald ». Joseph-Désiré Hafner tint à rappeler que, alors qu’il fut témoin de l’extermination des Juifs à Birkenau, les condamnés à mort chantèrent La Marseillaise. Le phénomène bien connu des solidarités nationales (les Français se sont protégés entre eux dans les camps, comme d’autres nationalités) ou politiques (les communistes étaient la force politique la mieux organisée) est également explicite dans le contenu des textes.
4Bien sûr, il n’est pas question de faire l’histoire des Reviere sur la base des témoignages des seuls médecins. Ils n’étaient pas représentatifs des prisonniers des camps, dont on ne peut sérieusement reconstruire l’histoire qu’en variant les points de vue, en évitant les biais induits par une catégorie socioprofessionnelle privilégiée (meilleure nourriture, accès prioritaire aux médicaments, davantage de repos). L’étude doit être élargie à d’autres sources et acteurs pour faire une histoire des Reviere, comme nous l’invite l’« histoire intégrée » qui s’est développée ces dernières décennies grâce à l’historien Saul Friedländer. Il faut aussi bien penser aux déportés qui ont évité les infirmeries par crainte des assassinats, qu’aux soldats, secrétaires des camps, etc. – un travail poursuivi par Nikolaus Wachsmann7. Ensuite, rappelons que les Kapos et détenus de droit commun promus infirmiers donnaient les ordres, décidaient du diagnostic officiel et autorisaient parfois des soins, et non pas les médecins déportés, qui restaient leurs subalternes : « Au Revier, le Pfleger (infirmier), était tout puissant, le médecin n’étant qu’un vague et gênant auxiliaire »8.
5En définitive, pourquoi s’intéresser aux témoignages ? La réponse a déjà été donnée par les historiens de la Shoah et du national-socialisme : ils offrent la possibilité de retrouver la trace des victimes sur lesquelles il n’y a parfois pas d’archives9 puisque les bourreaux ont tenté d’éliminer les victimes ainsi que les indices de leur existence. Or les médecins étaient des professionnels de l’observation et ils ont beaucoup témoigné10. De plus, la littérature testimoniale se prête bien au repérage de phénomènes narratifs comme l’intertextualité : les témoins se citent les uns les autres et citent des œuvres de fiction11, pas seulement ce qu’ils ont vu. Enfin, ce corpus, par certaines absences sélectives ou certains non-dits, pose question et désigne en creux des catégories de victimes, au premier rang desquelles les médecins juifs, puisqu’il y a peu d’informations sur leur assassinat. Les infirmeries furent le lieu par excellence des sélections ordonnées par les SS, c’est-à-dire du choix des victimes et des mises à mort. Dès 1945, les médecins parlent de « transport » dans leurs témoignages, y compris dans les thèses de doctorat :
Les malades chroniques sont de temps en temps désignés pour un transport et partent paraît-il pour un « camp de travaux légers ». Ces hommes, au moment de leur départ, sont marqués sur la poitrine, avec un crayon dermographique, de leur numéro. J’ai assisté à ces préparatifs, mais j’étais bien inquiet sur le sort des pauvres camarades que je quittais dans de telles conditions. Je dois dire qu’aucun de ceux que j’ai ainsi vu partir n’est revenu en France. Ce médecin SS peut tout faire, aussi bien prendre la décision de faire faire une piqûre à un homme pour le supprimer que de s’exercer à faire des opérations ou des expériences.12
Témoigner dans le cadre d’institutions médicales très hiérarchisées
6Les thèses représentent une partie importante (un septième) du corpus de base de ma recherche. Or, une thèse de médecine est un document particulier, réalisé sous l’autorité d’un patron. Cela signifie que la question des choix sous contraintes dans des situations extrêmes est en quelque sorte encadrée et parfois neutralisée par des relations de pouvoir et institutionnelles propres au champ médical, à la formation et la carrière des médecins13, qu’il faut exposer brièvement. En effet, la majorité des thèses ont été soutenues à Paris, autour de 1946, ce qui signifie qu’il s’agit en partie d’un phénomène concerté et organisé d’« en haut », et non d’un phénomène spontané. La composition des jurys et les hommages rendus aux « maîtres » font apparaître trois noms récurrents de professeurs de la faculté de médecine de Paris : Christian Champy (histologie), Henri Desoille (médecine légale et d’hygiène, spécialiste de médecine du travail)14 et Charles Richet (médecine de l’alimentation). Le premier a dirigé deux thèses ; les deux autres ont été déportés et ont témoigné ; le troisième a dirigé une thèse et s’est imposé à la tête d’un centre de recherche sur les pathologies de la déportation15, soutenu par le ministère des Anciens combattants. Ajoutons que les candidats avaient des profils variés, dont une moitié de médecins juifs nés en Roumanie : Czitrom, Igner, Lettich, Hafner et Martinet16. Ils étaient plutôt jeunes (surtout la génération des années 1910) puisqu’ils n’avaient pas encore soutenu leur thèse de doctorat au moment de leur déportation. Les femmes sont moins représentées17, une minorité qui reflète la démographie estudiantine de l’époque.
7Les thèses des médecins sont des thèses d’exercice souvent courtes ; elles traitent d’une question médicale sans l’approfondir au-delà de quelques dizaines de pages. Le choix du sujet n’appartient pas vraiment au candidat. Sous l’Ancien Régime, il était normal que le professeur18 fût lui-même l’auteur, le candidat n’ayant qu’un rôle limité de faire-valoir. Le xixe siècle voit une réorganisation des études médicales et la création de l’internat des hôpitaux de Paris (1802)19. La thèse de médecine vient désormais couronner la période pendant laquelle le jeune médecin finit son internat, le plus souvent dans un service où il vit à résidence. Même si la formation médicale se rallonge (quatre ans d’internat) et se complexifie progressivement, le rapport d’emprise du patron reste fort, d’autant plus qu’il y a peu de découvertes scientifiques et de thérapeutiques efficaces avant le mitan du xxe siècle. La profession médicale est aussi hiérarchisée que compétitive, réglementée au moyen de concours, de l’externat jusqu’au chef de service ; méconnaître ces codes peut briser une carrière. Comme le rappelle Bénédicte Vergez-Chaignon, l’internat était un lieu d’apprentissage sur le vif et de vie commune20, ses rituels participaient à la construction d’un corps avec un fort sentiment d’appartenance. Une fois admis dans le sérail, les jeunes médecins rivalisaient d’habileté pour obtenir les faveurs d’un chef, qui siégeait dans des jurys et plaçait d’abord les siens. La thèse contraignait le candidat à intégrer une écurie.
8Après la Seconde Guerre mondiale, des concours exceptionnels21 furent organisés pour les mobilisés, les prisonniers de guerre et les victimes des lois raciales sous Vichy. Or, dans le système de l’internat, les candidats au doctorat cosignaient en général leurs premiers travaux de recherche avec un patron, et rédigeaient dans le même temps leur thèse. En résumé, ils se trouvaient dans un rapport de subordination qui ne se prêtait guère à la liberté de parole. Cependant, un biais rendait possible le mélange des genres : la thèse était souvent basée sur l’expérience de l’interne, illustrée par des cas cliniques. La Grande Guerre22 fut un précédent important car elle a donné lieu à des thèses basées sur l’expérience des tranchées.
9Une rapide cartographie de cette dizaine de thèses identifiées montre que Paris et l’Est de la France dominent : six thèses soutenues à Paris, une à Strasbourg, une à Nancy, une à Genève mais publiée par une Française en Savoie, une à Bordeaux, une à Montpellier. Il ne faut pas tirer de conclusion trop hâtive de cette répartition, car mon corpus général est marqué par un groupe de médecins catholiques de l’Ouest de la France qui ont été arrêtés pour avoir soigné des maquisards, mais qui ne sont pas représentatifs des résistants politisés ni des victimes juives. Il y a peu de témoignages de médecins communistes en France. Finalement, les médecins juifs qui ont été rattachés à l’infirmerie du Sonderkommando de Birkenau, comme Lettich, constituent un groupe particulier. En effet, les membres des Sonderkommandos étaient normalement voués à être éliminés par les SS au bout de quelques mois pour ne pas laisser de trace – je renvoie aux travaux de Philippe Mesnard23 et d’Aurélia Kalisky24 à ce sujet, ainsi qu’au chapitre de Sila Cehreli dans cet ouvrage. Les thèses présentent aussi le plus souvent une longue litanie de maladies et de pratiques médicales de fortune. On ne les expose pas ici, car les carences, les épidémies, les opérations chirurgicales improvisées et les pathologies des camps sont bien connues. Richet a publié un livre de synthèse en rassemblant les observations et en procédant à des analyses biologiques complémentaires : Pathologie de la déportation25.
Les thèses de femmes médecins
10Parmi les thèses, il existe cinq témoignages sur Auschwitz (différentes parties du camp), deux sur Ravensbrück26, un sur Dachau, un sur Buchenwald, deux sur Neuengamme et un sur Mauthausen et Melk, en tenant compte du fait que certains déportés ont connu plusieurs camps. Certains témoins sont bien connus des historiens : Don Zimmet-Gazel, Lettich, Hafner et Hautval (la première édition du témoignage de Hautval apparaît en annexe de la thèse de Lettich). Le récit de Martinet27 sur Auschwitz est moins connu, tout comme celui de Suzanne Weinstein sur Ravensbrück. Ceux de Czitrom, Despujols, Igner, Kaufmann, Lemordant et Rosencher sont peu ou pas cités. Ces thèses furent encadrées par des personnes possédant à la fois un pouvoir académique et représentant une autorité morale dans la France de l’après-guerre, avec la double légitimité de l’université et de la Résistance. La communauté juive n’y était pas représentée, hormis Robert Debré, qui a dirigé la thèse de Igner. Mais Debré était avant tout connu pour son rôle dans la Résistance.
11Commençons par examiner les thèses des trois femmes. Anita Martinet est née en Roumanie. Dès le début de sa thèse, elle parle des chambres à gaz à Auschwitz. Mais jamais elle ne précise l’origine juive des victimes alors que l’on peut deviner par son nom de jeune fille (Rosenberg) qu’elle était juive. Son texte très court (à peine 17 pages) évoque la misère des prisonniers réduits à l’état de « Musulman »28 et les sélections, mais aucun choix n’est débattu. Elle parle de « service sanitaire » à propos du Revier et n’incrimine que les médecins SS dans les sélections. La date de soutenance de sa thèse – en 1945, seulement quelques semaines après son retour –, la brièveté du document et l’encadrement professoral peuvent contribuer à expliquer l’absence de récit détaillé et la facture académique convenue de la thèse, qui tranchent avec le reste du corpus. Pourtant, celle d’Henri Despujols29, soutenue également en 1945 mais dans une autre université, est rédigée dans la perspective inverse : un témoignage prenant la forme d’un court récit dénué de données quantitatives et médico-scientifiques.
12La thèse de Paulette Don Zimmet-Gazel30 est de facture beaucoup plus savante et a été couronnée par l’Académie nationale de médecine en 1947. En tant qu’ancienne assistante à l’Institut de physiologie et de chimie physiologique de l’université de Genève (1929-1940), le tableau des pathologies qu’elle dresse est dominé par des explications scientifiques sur les maladies de la nutrition et les carences, dans une perspective très proche du travail de Richet (qu’elle cite, ainsi que sa nièce Jacqueline Richet, déportée avec elle à Ravensbrück). C’est comme résistante (Forces françaises de l’intérieur, ou FFI) et déportée politique NN que l’auteure se présente ; elle parle au nom de la France. La question des choix sous contraintes n’est pas abordée ; comme elle n’a pas travaillé au Revier, son témoignage (« Rien ne surpasse le Revier en horreur ») se place d’un point de vue externe31. Dans sa relation des expériences qui ont été menées par les médecins SS sur des femmes déportées d’origine polonaise, elle décrit les pratiques de substitution de noms sur les listes de condamnés à mort (mettre le nom de détenues déjà décédées à la place de ces femmes), c’est-à-dire une pratique de gestion des vivants et des morts par la falsification des listes exigées par les SS. Mais jamais elle ne parle de substitution de victimes encore vivantes : « Nous nous arrangeâmes pour faire disparaître les lapins32 en changeant leurs numéros car nous avions toujours en réserve des numéros de femmes décédées et les aidâmes à se disperser dans les autres Blocks »33.
13Suzanne Weinstein34 a aussi été arrêtée pour résistance. Elle a connu le Revier de Ravensbrück comme malade, puis comme infirmière, avant de parvenir au statut de médecin d’un Kommando de travail extérieur à Genthin, d’où elle s’est évadée à la fin de la guerre. Elle indique également dans sa thèse la présence de la chambre à gaz installée à Ravensbrück au début de l’année 1945. Elle précise que les malades tuberculeuses étaient sélectionnées par le médecin SS Adolf Winkelmann, mais elle ne parle pas du rôle des médecins déportés affectés au Revier. Elle rappelle qu’être médecin au Revier était une position privilégiée, évoque les phénomènes de solidarités nationales, la falsification des courbes de températures des malades35, ainsi que la protection des Polonaises utilisées comme cobayes grâce à la complicité36 des détenues travaillant dans l’administration du camp. Sa description des pathologies de la déportation s’appuie sur l’autorité de Richet (faim, carences, calcul de la valeur nutritionnelle des rations alimentaires, etc.). Cependant, elle relate davantage les événements du camp que Don Zimmet-Gazel. Le gazage des Juifs et des Tziganes est évoqué, ainsi que la présence d’enfants juifs dans le camp, mais les choix ne sont pas thématisés. L’auteure évite de parler des malades prioritaires (médecine du tri) et de celles qui ne l’étaient pas dans le Revier. Seul le thème des solidarités nationales laisse entrevoir l’implication des médecins déportés dans les choix faits pour protéger certains prisonniers en priorité, en fonction de leur nationalité37. Weinstein ne cache pas le rôle du Revier dans les sélections des médecins SS, mais n’intègre jamais la question des choix auxquels les médecins déportés étaient acculés :
Des sélections furent faites d’abord au Revier et dans les blocs de malades, puis dans les blocs mêmes, par l’ignoble Docteur Winkelmann et son acolyte Herr Pflaum. Toutes les victimes désignées étaient emmenées directement en camion puis gazées, cette chambre à gaz avait l’air d’une anodine salle de douches. Des convois entiers de Tziganes et de Juives venant de Pologne subirent ce sort dès leur arrivée au camp.38
14Le rôle actif des prisonniers dans la gestion des condamnées à mort est donc tu quand elle décrit les modalités de fonctionnement du Revier, les soins et les catégories de victimes39.
15Ajoutons que la thèse de Lettich contient la première version du témoignage d’Adelaïde Hautval40, une psychiatre d’origine alsacienne et protestante, dont le récit a été republié par la suite, puis complété par d’autres textes écrits au cours de sa vie. Or, Hautval était une figure morale importante dans la littérature mémorielle existante sur les camps d’Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück, ainsi que dans l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance (ADIR), parce qu’elle avait refusé de participer aux expériences de médecins SS dans les camps et, par conséquent, refusé les choix imposés aux médecins par le système concentrationnaire. Plusieurs fois condamnée, elle a été sauvée par d’autres déportées. On ne peut l’ignorer, la thèse de Lettich a aussi été lue pour le récit de Hautval publié pour la première fois en annexe41.
Comment survivre dans les camps
16Cependant, même si les choix sous contraintes n’apparaissent pas dans ces premiers documents, plusieurs problématiques émergent des sources pendant leur lecture, que l’on présentera d’abord sous la forme d’une série de questions, avant d’aborder les autres thèses : 1) Quelles furent les stratégies de survie des médecins déportés ; comment ont-ils concilié le serment d’Hippocrate, la médecine du tri et leur propre survie ? 2) Comment les savoirs médicaux ont-ils été mobilisés par les médecins pour s’adapter à la vie quotidienne dans les camps régis par des nouvelles normes de vie spécifiques ? 3) Les médecins n’auraient-ils pas « survalorisé »42 leur rôle de soignant dans les témoignages à cause de leur habitus professionnel et autorité sur les malades, sachant leur peu de moyens ? 4) Les thèses de médecins qui ont été déportés permettent-elles de documenter les choix, voire la gestion des listes de condamnés à mort exigées par les SS et l’échange des victimes dans les infirmeries ? 5) Ces médecins ont-ils eu tendance à minimiser leur implication pour se dédouaner des conséquences de leurs décisions, alors qu’ils incriminent les médecins d’autres nationalités dans leurs témoignages ? 6) Comment les Reviere ont-ils participé aux dispositifs d’assassinat des Juifs et comment les médecins ont-ils justifié leurs choix face à l’extermination des Juifs ?
17Il serait assez vain de vouloir statuer sur les soins, comme le résuma en une phrase lapidaire Lemordant, déporté à Mauthausen et Melk : « Qu’importait la justesse des diagnostics puisque nous ne pouvions rien en thérapeutique »43. Rusant avec les normes des SS, les soignants des Reviere évitaient les vrais diagnostics de maladies contagieuses pour sauver les détenus malades : « Pendant des mois, porter ce diagnostic, équivalait à désigner pour l’extermination »44, rapporte-t-il à propos de la tuberculose. Lemordant ne cacha pas non plus que les rapports des médecins SS étaient falsifiés pour camoufler leurs crimes et que les dossiers, comme les courbes de températures, quand ils ont échappé aux autodafés à la fin de la guerre, n’apportaient rien sur la véritable mortalité dans les camps :
Tout cela n’avait rien à voir avec la vérité, et, les décisions du SS n’étaient fonction que de son barème. Un détenu mort de pneumonie se trouvait dans les dossiers « suicidés par pendaison », et, un suicidé par pendaison, mort du typhus. Le suicide dans ces différentes formes avait en effet un pourcentage dans le barème. Les avitaminoses n’en avaient pas. Et, surtout, n’en avait pas, la mort par injection intra cardiaque ou pulmonaire de benzine, la mort par strangulation, la mort à la suite de coups, ce qui explique pour moi, le pourquoi de ces considérables archives qui finirent brûlées, lors de l’évacuation du camp de Melk. Ce travail, aussi faux qu’inutile, a tout de même sauvé la vie du Docteur Hertzgowitch et de son fils, ces deux vies humaines pèsent plus lourd que toutes les autres considérations.45
18Dans la même veine, Despujols témoigne de la falsification des diagnostics pour couvrir les assassinats orchestrés par les SS et leurs supplétifs dans le camp de Neuengamme :
Il était très fréquent d’être obligé d’écrire sur un constat de décès que la mort avait été provoquée par un collapsus cardiaque ou une hémorragie cérébrale, alors que le cadavre portait autour du cou un sillon très caractéristique et ne permettant aucun doute.46
19Il est donc plus intéressant de faire apparaître les logiques d’adaptation et les stratégies de survie. Lemordant en témoigne dans sa thèse en décrivant le rôle d’un dentiste :
Les soins dentaires, et, surtout, l’extraction de tout métal précieux qu’un prisonnier mort pouvait avoir dans la bouche, étaient confiés à mon jeune camarade René Perrier, dentiste de Clermont-Ferrand. J’ai su ce qu’il lui en coûtait d’arracher ainsi aux cadavres l’or et le platine de la bouche, et puis, il fit comme tous, il s’y habitua, finit par le faire avec désinvolture, sans y penser, ce qui était la seule attitude possible.47
20Car les médecins s’habituaient à la mort et au détournement de leurs compétences par les SS pour voler l’or des morts, parfois des codétenus exécutés dans leurs propres infirmeries ou laissés sans soin, voire sans nourriture pour favoriser la survie des plus endurants.
21Pour aller plus loin dans l’analyse des choix sous contraintes, il faut parler des substitutions de noms sur les listes de condamnés à mort, déjà rapportées par les historiens48. Lettich a été déporté à Auschwitz, comme Hautval. Il arriva en juillet 1942 par le convoi no 8 qui était directement parti d’Angers. Il témoigna des sélections et des chambres à gaz. Lui-même fut sélectionné en septembre 1942 alors qu’il était malade et ne dut sa survie qu’à la solidarité49 d’un autre médecin qui l’avait caché ; cependant, son récit ne précisait pas si un autre malade avait été sélectionné à sa place, alors qu’il rappelait lui aussi le fait que les SS réclamaient un nombre précis de victimes à chaque sélection. Être malade ne signifiait pas la même chose au camp que dans la vie d’avant, le camp étant régi par des normes de vie auxquelles les prisonniers devaient s’adapter rapidement pour survivre dans ces conditions extrêmes. Ainsi, être malade était une chose, mais être reconnu comme malade en était une autre : cela signifiait la sélection. Atteint à son tour par le typhus, il évita l’infirmerie pour échapper à une condamnation à mort : « mais dans un sursaut d’énergie, et pour ne pas être qualifié de malade, nous sommes allés travailler »50. Rosencher affirme la même chose dans sa thèse : « Il n’y avait primitivement pas de médecine dans les camps d’internement. Le déporté ne pouvait choisir qu’entre être vivant et au travail, ou bien mort et au crématoire »51.
22L’assassinat des Juifs et des médecins juifs apparaît au détour d’une ou deux phrases dans la thèse d’Émile Igner, né en Roumanie, et déporté à cause de ses origines juives. Son témoignage porte sur les pratiques de soins et les stratégies de survie à Gleiwitz, un camp satellite d’Auschwitz52. Utilisant l’expression « déportés raciaux », il précisait que la majorité des déportés à Gleiwitz étaient d’origine slovaque et hongroise – c’est-à-dire des Juifs hongrois et slovaques – mais il ne parla pas directement de leur assassinat alors qu’il était lui-même passé par Birkenau.
23Toutefois, Igner rapporta que l’infirmerie de Monowitz53 avait une fonction de repos et de cachette, contrairement aux témoignages précédents se rapportant à un autre camp : « L’hôpital était considéré comme une des meilleures planques »54. Ce témoignage fait écho à celui d’Hermann Langbein55 et aux livres de David Rousset, basés notamment sur des témoignages de médecins, qui décrivaient certains Reviere comme des lieux de répit et de protection, notamment pour les prisonniers politiques les mieux organisés, alors que d’autres étaient d’une extrême dangerosité. Après 1942, des médecins polonais déportés56 entrèrent en fonction à l’infirmerie ; le témoignage de Igner est alors centré sur les rivalités et les solidarités nationales, tout en occultant le fait qu’un phénomène de solidarité entre Français constituait le pendant du phénomène qu’il dénonçait entre Polonais et qui pesait sur les choix de tous les médecins déportés. En tout cas, il est important de relever que Igner introduisit la question de la sélection dans sa thèse, en entrelaçant la question de l’assassinat de médecins déportés et celle de l’extermination des Juifs :
C’est également à leurs intrigues qu’est due la « sélection » en 1942 du Dr. René BLOCH, chirurgien des Hôpitaux de Paris, ainsi que celui, en 1945, de trois autres médecins raciaux, deux Hollandais et un Allemand, âgés il est vrai, mais dont deux n’étaient même pas malades.57
24Or, ce qui attire l’attention de l’historien aujourd’hui est la mention « âgés il est vrai ». Il s’agit en effet d’un indice que Igner était resté habitué, après sa libération, à l’idée du tri parmi les victimes qui constituait dans les camps une norme parfaitement intériorisée, pour discriminer les déportés qui étaient prioritaires (ceux qui pouvaient encore travailler, etc.) dans les modalités de fonctionnement du Revier, ceux qui ne l’étaient pas (ici les détenus plus âgés ou agonisant), et ceux qui ne bénéficiaient d’aucune protection : les Juifs. C’est un indice explicite d’un comportement d’adaptation aux normes de vie de l’univers concentrationnaire, par opposition au monde extérieur où un médecin a le devoir d’apporter des soins à tous ses patients, selon le serment d’Hippocrate. L’âge était ainsi devenu une sorte de critère implicite lorsque les médecins devaient faire un choix entre les victimes du camp, « quand on ne peut pas sauver tout le monde », pour reprendre l’expression de Frédérique Leichter-Flack58. Ce que le témoignage de Igner ajoute par rapport à d’autres est une description du processus d’adaptation à de nouvelles normes de vie pour survivre, un phénomène de normativité, c’est-à-dire la capacité à créer des nouvelles normes de vie59, par exemple en acceptant les règles des sélections SS. Seule la conclusion de sa thèse de doctorat porte sur les choix moraux :
Mais ce n’était pas là le rôle primordial du médecin. Son rôle véritable consistait à protéger ses camarades de détention ; nous étions seuls à pouvoir le faire, car les cadres SS même avaient souvent besoin de nous. Si, dans certains cas, le médecin détenu soignait presque officiellement les SS malades, dans notre camp, malgré l’interdiction formelle, les SS et non les moindres, venaient en cachette se faire examiner et soigner, et nous pouvions par ce moyen exercer une pression morale qui allait quelquefois même jusqu’au chantage pour obtenir une amélioration de la situation des autres détenus.60
25Plus loin, il explique que pour lui le rôle du médecin était en vérité de « saboter la sélection » et non de soigner : Igner parle alors de manière explicite de gestion des listes de condamnés à mort, en sachant que les malades qu’il ne pouvait sauver étaient systématiquement assassinés.
Au médecin SS, on donnait toutes les fausses indications possibles : « spécialiste indispensable », car on savait qu’en règle générale les spécialistes n’étaient pas sélectionnés », ou guérira très vite, « viens [sic] de rentrer », et dès le choix fait on essayait de camoufler une partie des fiches des « sélectionnés » ; pour les autres, on créait le mythe du « camp de repos » ou de l’hôpital central, bien aménagé.61
26La thèse de Igner confirme donc que le médecin déporté était bel et bien confronté malgré lui aux choix des victimes, qu’il participait sous la contrainte aux sélections en prenant en compte les normes des SS pour sauver certains détenus, en mentant aux victimes au besoin.
27D’autres témoignages abordèrent plus explicitement l’extermination des Juifs62, notamment ceux venus de Theresienstadt en 1944. C’est le cas de la thèse de doctorat de Hafner qui porte en grande partie sur Birkenau, où il passa 28 mois. Il ne se présentait pas lui-même comme un Juif, mais comme Français d’origine roumaine, de même que son ami Lettich63. Dans sa thèse, Hafner témoigne également que la survie dans les conditions extrêmes de Birkenau dépendait de la capacité à s’adapter : « Chez tous, une série de fonctions d’adaptation ont fait leur apparition »64. Czitrom, psychiatre juif né en Roumanie, déporté à Auschwitz-Birkenau, définit l’adaptation comme une « période de réaction »65 pendant les premières semaines d’internement, qui conditionnait la survie des plus aptes à saisir les règles du camp.
28La thèse de doctorat de Lettich décrit le fonctionnement de plusieurs Reviere à Birkenau, en particulier aux Blocks 12 et 7, et la collaboration de médecins déportés dans les sélections des SS aux Reviere : « Nous avons vu par la suite que cet interné allemand choisit de lui-même des centaines et des milliers de nos camarades pour les envoyer aux gaz »66. Cette fonction était secondée selon lui par un médecin déporté d’origine polonaise, qui prit en main la gestion des listes de condamnés à mort :
Pour faciliter le travail au moment d’envoyer le contingent bi-hebdomadaire à la chambre à gaz, le Docteur Zenkteller avait trouvé un moyen simple sinon ingénieux. Il désignait d’avance les victimes, inscrivait sur leur fiche d’admission au Bloc 7 (car les Allemands nous obligeaient à établir des fichiers), et faisait tatouer, sur leur bras gauche devant le numéro matricule, la terrible lettre L (Leiche = cadavre). Et c’est ainsi que les condamnés à mort savaient plusieurs jours à l’avance le sort qui les attendait. Pendant ce laps de temps ils ne recevaient aucune nourriture puisqu’ils étaient destinés à la chambre à gaz.67
29On voit dans ce cas que l’ancien médecin déporté saisit l’occasion offerte par sa thèse de médecine pour témoigner que certaines infirmeries des camps servaient de plaque tournante pour le choix des victimes – choix imputés aux médecins d’autres nationalités sans questionner les phénomènes de solidarité identiques chez les Français. Selon Lettich, les malades du Block 7 étaient destinés à la sélection, deux fois par semaine68, et lui-même y échappa de peu quand il tomba malade. Cependant, si la thèse de Lettich est singulière et souvent citée en tant que témoignage, c’est parce qu’il y parle du Sonderkommando :
Nous entendîmes, un jour, parler d’un Kommando (kommando spécial), où l’on réclamait un médecin et où, disait-on, l’on ne souffrait pas de la faim.
Nous voyant dépérir, nous avons demandé à être envoyé en qualité de médecin, au bloc où se trouvait ce kommando.
Nous avions cru que le « Sonderkommando » était un kommando qui s’occupait à brûler uniquement les morts ; mais dès notre entrée en fonction et notre contact avec ces codétenus, nous avons appris sa véritable destination. C’étaient eux, ces codétenus, dans ce kommando spécial, qui assuraient le service de mort à l’arrivée des trains, lorsque de nouveaux déportés de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Yougoslavie, de Belgique, de Hollande, de France, hommes et enfants innocents, devaient être immédiatement et directement conduits à la chambre à gaz et incinérés.
C’est là que nous avons eu l’occasion de recueillir le témoignage le plus précis sur les actes de barbarie commis par les SS.69
30Lettich dut sa survie à son affectation au camp des Tziganes d’Auschwitz, dont il rapporta aussi l’élimination. Finalement, c’est parce qu’un médecin SS le prit dans son service pour la mise au point d’une technique de stérilisation (aux rayons X) que Lettich put, selon lui, échapper au sort normalement réservé aux condamnés à mort des Blocks où il fut affecté. Il fut également témoin de l’assassinat par injection létale des Juifs d’origine grecque70. Son témoignage se poursuit par la description des expériences des médecins SS sur la stérilisation de prisonniers – réalisée avec la complicité de certains médecins déportés travaillant sous les ordres des médecins SS Horst Schumann et Friedrich Entress – et de leur mort. En effet, Lettich accepta de participer à des observations pour les médecins SS, alors que d’autres témoignages, comme celui de Hautval, étaient plus explicites quant au refus de collaborer aux expériences des médecins SS. La stratégie de Lettich, qui était encore étudiant à l’époque, fut visiblement de se soustraire le plus rapidement possible aux choix sous contraintes, en changeant régulièrement de Block, de Revier et de Kommandos de travail dans le camp, mais sans s’opposer aux règles. Il rapporte également que trop collaborer était aussi dangereux pour les médecins détenus et n’était en définitive pas une bonne stratégie de survie ; à titre d’exemple, il rapporta le cas d’un autre médecin déporté, de nationalité allemande, qui accepta davantage de collaborer aux expériences de médecins SS sur les détenus d’Auschwitz, mais qui fut éliminé par la SS en 1944 car il était un témoin gênant (pour ne pas dire « trop adapté »).
31Enfin, il rapporte les stratégies de survie inattendues des médecins des laboratoires de l’Institut d’hygiène d’Auschwitz où se déroulaient les expériences des médecins nazis, comme la cuisson des cadavres d’animaux de laboratoire afin d’améliorer les repas des médecins détenus affectés à ce service.
Épilogue
32Cet examen des thèses de médecine nous apprend que les stratégies narratives diffèrent, comme on peut s’y attendre, d’un témoin à un autre, d’un camp à l’autre. Lemordant s’exprime avec une liberté de parole qui tranche avec ses confrères ; mais gageons qu’il ne dut pas édulcorer ses propos avec son directeur de thèse à Strasbourg, Marc Klein, lui-même déporté à Auschwitz et Buchenwald, qui avait frôlé la mort. Certains médecins citent davantage les grands patrons de la médecine française, en particulier à Paris, où l’esprit de corps des anciens internes des hôpitaux de Paris est très fort dans la profession médicale depuis le xixe siècle. D’autres médecins s’appuient volontiers sur les témoignages de tiers, mais pas tous. Par exemple, Charles-Julien Kaufmann71 s’y refuse, tandis que certains témoins ne distinguent pas les événements observés de ceux rapportés par un tiers, bien qu’ils aient parfois conscience du phénomène des fausses rumeurs72 connu depuis la Première Guerre mondiale.
33Les femmes déportées à Ravensbrück qui ont fait une thèse sur leur expérience concentrationnaire sont celles qui évitent le plus de thématiser la question des choix. Cela peut s’interpréter de différentes façons. Tout d’abord, cet évitement peut être dû à la logique de domination dans les études médicales. D’un point de vue sociohistorique, j’ai pris soin de rappeler la relation de pouvoir et de hiérarchie qui pesait sur les jeunes médecins à la fin de leur internat dans leur relation avec leur patron. Ce rapport de domination s’exerçait encore plus sur les jeunes femmes, qui étaient en minorité dans la profession médicale, encore très patriarcale et conservatrice dans l’immédiat après-guerre. Ensuite, le témoignage de Hautval ayant au contraire pour assise ses valeurs morales et son refus des choix imposés sous la contrainte des SS, on peut se demander si celui-ci n’était pas écrasant pour les autres femmes médecins, en quelque sorte paralysées face à ce témoignage implacable et diffusé très tôt au sein des associations d’anciens déportés. Laissons la question ouverte pour éviter toute surinterprétation.
34Les témoins d’Auschwitz-Birkenau, en particulier les médecins français nés au sein de familles juives en Roumanie, sont ceux qui témoignèrent le plus de l’assassinat des déportés dans les Reviere et de l’extermination des Juifs. Mais leur témoignage n’échappe pas au régime mémoriel de l’époque, qui valorise surtout l’esprit de la Résistance et du patriotisme français. Ce patriotisme est en même temps ce qui libère en partie la parole des anciens médecins déportés face aux choix qu’ils ont dû faire dans des situations extraordinaires. En effet, la nécessité de protéger des déportés français en raison des logiques de solidarités nationales est de loin le type de contrainte ou de norme le plus facilement donné en exemple dans les témoignages :
De très nombreux cas de conscience se posaient aux médecins. Pour la dispense de l’appel, j’étais limité à une quinzaine de privilégiés pour dix fois plus de malades. Comment mettre un seul nom sur les listes d’invalides que l’on exigeait de nous alors que la chambre à gaz, nous le savions, était leur destinée ? Pour quelques joies, celles de sauver des camarades de transports meurtriers, de camoufler au Revier les meilleurs de nos compatriotes, que de déceptions. Souvent, nous étions mal jugés par des déportés qui nous croyait [sic] davantage de possibilités.73
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Notes de bas de page
1Parfois le terme Krankenbau est employé. En allemand, le pluriel de Revier est Reviere, mais certains Français écrivent « Reviers ». Le mot hôpital est évité par les témoins, qui préfèrent parler d’infirmerie.
2Cas bien connu d’Adelaïde Hautval, qui a partagé le sort des déportés pour avoir voulu protéger des victimes.
3Rappelons que Nacht und Nebel, ou NN (en français « Nuit et brouillard »), était le nom de code pour les personnes reconnues coupables d’infractions contre l’occupant. Voir le décret de décembre 1941.
4Christian Bernadac, Les médecins de l’impossible, Paris, France-Empire, 1968.
5C’est le cas d’Émile Igner, qui présenta des statistiques dans sa thèse, ce qui laisse entendre qu’il conserva des notes. Charles-Julien Kaufmann indique qu’il a pu emporter avec lui des données sur les pathologies du camp de Neuengamme, mais qu’il a perdu ces documents dans un naufrage. C.-J. Kaufmann, L’entreprise de la mort lente, thèse citée, p. 8.
6Le changement se fait progressivement après le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem (1961), les procès de Francfort (1963), la série américaine Holocaust (1978) et surtout le film de Claude Lanzmann Shoah (1985). Voir Annette Wieviorka, L’ère du témoin [1998], Paris, Fayard/Pluriel, 2013.
7Nikolaus Wachsmann, KL. Une histoire des camps de concentration nazis, Paris, Gallimard, 2017.
8H. Rosencher, La pathologie du déporté, thèse citée, p. 17.
9Florent Brayard, « Comment écrire l’histoire sans archives ? », Le génocide des Juifs entre procès et histoire, 1943-2000, F. Brayard dir., Paris, Éditions Complexe, 2000, p. 135-188.
10Annette Wieviorka, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Paris, Pluriel/Fayard, 2013.
11Martinet cite Baudelaire et l’Enfer de Dante, Don Zimmet-Gazel cite Aragon, Nietzsche et Virgile, Paul Czitrom cite David Rousset, Guy Lemordant cite Georges Duhamel, etc.
12H. Despujols, Les médecins déportés politiques à Hambourg-Neuengamme et Barth (Kommando de Ravensbrück), thèse citée, p. 22. Je remercie Peter Kuon de m’avoir fait connaître ce document.
13Pour une analyse générale et des points de vue variés, voir Claudine Herzlich dir., Médecine, maladie et société, Paris, Mouton, 1970.
14Jean-Paul Richez, « DESOILLE Henri », Le Maitron, 2016. En ligne : [https://maitron.fr/spip.php?article185914]. Desoille fut déporté à Gusen.
15Il prit le nom de Centre de recherche Charles Richet, sous la direction d’Antonin Mans, en 1964.
16Les étudiants juifs étaient discriminés par un numerus clausus en Roumanie. C’est pourquoi ils allaient en France pour étudier la médecine. La date de leur naturalisation française est inconnue.
17Les premières femmes françaises internes des hôpitaux de Paris ne sont acceptées qu’au début du xxe siècle.
18Voir Claudio Milanesi, Mort apparente, mort imparfaite. Médecine et mentalités au xviiie siècle, Paris, Payot, 1991.
19Voir Bénédicte Vergez-Chaignon, Les internes des hôpitaux de Paris, 1802-1952, Paris, Hachette, 2002.
20Ibid., p. 11.
21Ibid., p. 43.
22Ibid., p. 265.
23Philippe Mesnard dir., Sonderkommando et Arbeitsjuden. Les travailleurs forcés de la mort, Paris, Éditions Kimé, 2015.
24Salmen Gradowski, Die Zertrennung. Aufzeichnungen eines Mitglieds des Sonderkommandos, A. Kalisky éd., A. Seiffert et M. Trinh trad., Berlin, Suhrkamp Verlag, 2019.
25Charles Richet et Antonin Mans, Pathologie de la déportation, Paris, Plon, 1956.
26La dernière partie de la thèse d’Henri Despujols porte sur un Kommando de Ravensbrück, où il y avait des hommes.
27A. Martinet, Ce que j’ai vu en Allemagne, thèse citée.
28Expression désignant les détenus des camps arrivés au terme du processus de dégradation physique et d’épuisement. Son origine n’est pas connue, mais elle fut largement employée dans l’univers concentrationnaire.
29Despujols, dentiste de profession, déporté en Allemagne pour son appartenance à un réseau de renseignement de la Résistance, rapporte que son convoi, en mai 1944, était d’abord dirigé vers Buchenwald, mais qu’il a ensuite été redirigé vers Hambourg-Neuengamme (matricule 31.503) à cause de la surpopulation du camp de Buchenwald. Son récit relate ensuite très brièvement ses activités aux Reviere de Neuengamme et de Barth, la famine, les soins, la violence et les mises à mort.
30Née à Annemasse, en France à proximité de la frontière franco-suisse, sa thèse a été imprimée dans cette ville, mais elle a été soutenue à l’université de Genève. Elle a publié une comédie dramatique chez le même imprimeur : Les voix sans visages. Une journée parmi tant d’autres… (1944).
31Elle emprunte une description du Revier au témoignage d’une déportée appelée Betty George.
32Ces jeunes femmes d’origine polonaise étaient surnommées « lapins », à cause de leur statut de cobaye.
33P. Don Zimmet-Gazel, Les conditions d’existence et l’état sanitaire dans les camps de concentration de femmes déportées en Allemagne, thèse citée, p. 25.
34Elle a fait partie du « convoi des 27 000 », qui a quitté Compiègne le 31 janvier 1944.
35S. Weinstein, Aperçu sur les conditions de vie et l’état sanitaire du camp de concentration de Ravensbrück : février-juillet, 1944, thèse citée, p. 27, 57 et 60.
36Ibid., p. 86.
37Ibid., p. 26.
38Ibid., p. 29.
39Weinstein donne des détails sur un service de maternité à Ravensbrück fin 1944 (p. 56). Elle rapporte la mort des nouveaux nés à cause des privations, alors que d’autres témoignages parlent d’assassinats ou d’euthanasie.
40Sous le titre « Aperçu sur les expériences faites dans les Camps de femmes d’Auschwitz et de Ravensbrück ».
41Voir la note du tableau récapitulatif à propos de la thèse de Lettich.
42Une attitude de surplomb que l’on retrouve dans les témoignages de médecins, déterminée par l’habitus du médecin en position d’autorité dans l’institution hospitalière, mais qui n’est pas réaliste dans les camps.
43G. Lemordant, Pathologie concentrationnaire, thèse citée, p. 20.
44Ibid., p. 35
45Ibid., p. 23. Hafner indique aussi la falsification systématique des diagnostics et causes de mort (« défaillance cardiaques »). J.-D. Hafner, Aspects pathologiques du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, thèse citée, p. 25.
46H. Despujols, Les médecins déportés politiques à Hambourg-Neuengamme et Barth (Kommando de Ravensbrück), thèse citée, p. 40.
47G. Lemordant, Pathologie concentrationnaire, thèse citée, p. 18.
48Sonia Combe, Une vie contre une autre. Échange de victime et modalités de survie dans le camp de Buchenwald, Paris, Fayard, 2014.
49André Lettich, Trente-quatre mois dans les camps de concentration [1946], 1942, Convoi no 8, nouvelle édition de Jean-Claude et David Moscovici, Paris, Éditions du Retour, 2009, p. 50 et 51.
50Ibid., p. 52.
51H. Rosencher, La pathologie du déporté, thèse citée, p. 14.
52Il ne précise pas quel camp exactement, alors qu’il y a eu quatre camps satellites (Gleiwitz I, II, III et IV) entre le printemps 1944 et janvier 1945. Son camp ouvra le 11 avril 1944 et fut évacué le 19 janvier 1945.
53Monowitz était une partie d’Auschwitz dotée d’une usine où Primo Levi fut astreint en tant que chimiste.
54É. Igner, Un hôpital et le rôle du médecin dans le camp de concentration, thèse citée, p. 2.
55Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz [1975], D. Meunier trad., Paris, Fayard, 1998.
56É. Igner, Un hôpital et le rôle du médecin dans le camp de concentration, thèse citée, p. 4.
57Ibid.
58Frédérique Leichter-Flack, Qui vivra, qui mourra. Quand on ne peut pas sauver tout le monde, Paris, Albin Michel, 2015.
59Ce concept s’est imposé en histoire et philosophie de la médecine avec Georges Canguilhem. Pour une étude de son usage, voir Claude Debru, Au-delà des normes : la normativité, Paris, Hermann, 2015.
60É. Igner, Un hôpital et le rôle du médecin dans le camp de concentration, thèse citée, p. 28 et 29.
61Ibid., p. 30 et 31.
62J.-D. Hafner, Aspects pathologiques du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, thèse citée, p. 16, 23 et 24.
63Le mot « Juif » n’est quasiment pas utilisé par Lettich, bien qu’il soit juif lui-même, qu’il ait perdu sa famille dès l’arrivée au camp en 1942. Hafner et lui posent leur témoignage en tant que Français.
64Ibid., p. 13. Par ailleurs, Hafner a témoigné en 1992 pour la collection Fortunoff (The Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies). Hafner rapporte également les exécutions des Juifs par pendaison et les meurtres par injection de phénol au Revier, ainsi que les expérimentations des médecins nazis. Il insiste beaucoup sur le caractère « prémédité » des exactions allemandes, donc d’un programme d’extermination planifié à Birkenau.
65P. Czitrom, Le suicide dans les camps de concentration, thèse citée, p. 79-80.
66A. Lettich, Trente-quatre mois dans les camps de concentration, thèse citée, p. 21.
67Ibid., p. 22.
68Ibid., p. 25.
69Ibid., p. 27.
70Ibid., p. 30. Cette partie du témoignage porte sur le Block 10 ou 12.
71C.-J. Kaufmann, L’entreprise de la mort lente, thèse citée.
72Marc Bloch, Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre [1921], Paris, Allia, 1999.
73H. Rosencher, La pathologie du déporté, thèse citée, p. 17.
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