Chapitre 6
La science contre les précaires ? Retour sur l’étude des mobilisations collectives de livreurs à vélo
p. 135-155
Texte intégral
Quand je dis que les travaux de sociologie sont écrits par des gens de gauche et lus par des gens de droite.1
1Les luttes collectives des « précaires » constituent un terrain d’enquête attirant pour les chercheur·es, en raison de leur caractère « improbable » (Collovald et Mathieu 2009). Elles le sont encore plus pour la·le chercheur·e militant·e, qui y voit une manière de s’engager sur le terrain, tant du fait de la « convergence normative » (Uhalde 2008, p. 108) avec les acteur·rices engagé·es que parce qu’il·elle y voit une possibilité d’agir. Il est alors tentant de se penser comme un·e allié·e de la cause étudiée, voire de se rendre indispensable en adoptant la posture de l’intellectuel objectif garant de la bonne parole sur la cause (Dunezat 2011).
2Pourtant, il arrive que la confrontation au terrain nous rappelle à notre condition d’universitaire, dont les motivations (scientifiques et professionnelles) peuvent diverger de celles des enquêté·es, voire leur être contraires. Se joue alors un dilemme moral entre ces deux identités, celles de chercheur·e et de militant·e.
3C’est une « mauvaise expérience » qui est à l’origine de cette réflexion méthodologique : celle de l’insatisfaction d’une partie de mes enquêté·es2 face à la restitution de mon travail de recherche qui a, pendant un certain temps au moins, créé une rupture entre eux et moi (voir encadré 1). Les reproches concernaient un non-respect de l’anonymat promis, le fait que mon travail était trop descriptif et beaucoup trop précis, à un moment stratégique crucial pour leur lutte, et qu’il risquait de « tomber dans de mauvaises mains ». Au-delà du non-respect des règles déontologiques d’anonymat, ce qui m’était reproché était d’avoir trahi leur confiance, alors que j’avais pu, grâce au statut de militante avec lequel je m’étais présentée à elle et eux, accéder facilement au terrain et recueillir davantage de données.
4L’objectif de cet article est double : tout d’abord, donner un sens aux « déconvenues » (Bizeul 1999) nées du rapport aux enquêté·es, en s’intéressant à ce qu’elles révèlent du terrain et de l’objet d’enquête. Ce retour réflexif attire l’attention sur les erreurs méthodologiques des chercheur·es, afin de proposer une manière plus apaisée d’aborder le terrain et les enquêté·es. Dans l’ouvrage collectif intitulé Des sociologues sans qualités ?, dirigé par Delphine Naudier et Maud Simonet, les auteur·es envisagent les « qualités » des chercheur·es comme des caractéristiques personnelles et des trajectoires propres qui sont mobilisées dans leurs analyses du monde social, à rebours d’une pseudo-neutralité qui serait gage d’un travail « de qualité ». Dans la continuité de ces constats, nous estimons ici qu’être une chercheuse « sans qualités » (au sens de « faillible ») permet d’objectiver les failles et erreurs pour les considérer comme des données de l’enquête à part entière. Muriel Darmon invitait déjà à considérer que « les erreurs ou les blocages ne sont plus des accidents à éliminer mais des matériaux à prendre en compte » (2005, p. 98). Son retour sur les nombreux refus de terrain auxquels elle a été confrontée lui permet de tirer plusieurs conclusions sur le fonctionnement de l’institution étudiée, notamment d’éclairer les logiques de domination à l’œuvre dans la relation d’enquête.
5Les conclusions de Muriel Darmon sont essentielles puisque, si elle reconnaît que la conflictualité dans la négociation d’entretiens est en partie due à « [sa] propre inexpérience et [ses] maladresses » (2005, p. 103), elle va au-delà d’une simple « complaisance narcissique » (Beaud 2011, p. 150), où le chercheur nous en apprendrait plus « sur lui-même ou sur sa discipline » que sur les « individus, [les] groupes et [les] sociétés » qu’il étudie (Fassin et Bensa 2008, p. 9). Au contraire, elle en fait une question non pas seulement méthodologique mais également épistémologique, en faisant apparaître dans le discours de son enquêté « l’identité structurelle de posture épistémologique » (Darmon 2005, p. 105), c’est-à-dire le positionnement de ce dernier – représentant de l’institution psychiatrique dans laquelle il s’inscrit – vis-à-vis de la sociologie.
Encadré 1. Présentation du terrain d’enquête
Mon mémoire de recherche de master 2 portait sur un syndicat et un collectif de livreurs en France, situés dans deux villes différentes, dont j’ai interrogé 14 membres (7 dans chacune des deux structures), ce qui correspondait à la quasi-intégralité des membres de ces deux organisations au moment de l’enquête. L’échantillon est constitué de 13 hommes et 1 femme, dont l’âge varie entre 20 et 34 ans, à l’exception d’un des leaders du collectif, âgé de 50 ans. 12 d’entre elle et eux ont fait des études supérieures, du BTS au master, et tous ont exercé l’activité pendant une durée de un à cinq ans environ au moment de l’enquête. Ils ont presque tous contribué à la création du collectif ou du syndicat et seuls cinq d’entre eux se présentent comme étant militants avant leur entrée dans l’une de ces structures. 6 d’entre eux étaient alors engagés dans une reconversion militante ou professionnelle en lien avec l’activité (coopérative, fédération de collectifs, coursier salarié, perspective de carrière de représentant de livreurs), tandis qu’ils étaient 3 à continuer l’activité de coursier pour des plateformes comme Deliveroo ou Uber Eats en dehors de ces nouveaux engagements.
Les prises de contact, qui se sont faites lors d’événements militants ou par le biais de recommandations, ont autant été le fait de « créations d’opportunités », facilitées par mon inscription dans le champ militant, que la conséquence d’un effet « boule de neige » (Audemard 2017).
Le principal apport de ce travail de recherche a consisté à présenter la genèse et les formes organisationnelles de ces groupes « nouveaux » qui demeurent fragiles, bien qu’ils occupent une position centrale dans le champ du fait de l’absence de représentation syndicale préalable. Nous avons constaté que si ces organisations se distinguent des syndicats « traditionnels », il existe des similitudes et des proximités relationnelles avec ces derniers, notamment du fait de la multipositionnalité de leurs membres, mais aussi de rapports « utilitaristes » aux syndicats. La description des trajectoires sociales et professionnelles des individus engagés dans la cause des livreurs a permis de dégager deux profils types : d’un côté les coursiers à temps plein, peu dotés en capital militant et impliqués dans l’activité professionnelle, de l’autre les étudiants, souvent inscrits dans le champ militant et détachés vis-à-vis de l’activité. Or, ces deux profils ne semblent pas représentatifs de la population générale des livreurs, plus faiblement dotés en ressources et plus fortement dépendants de l’activité.
6Les réflexions méthodologiques permettent d’« accorder une place à l’analyse de ce qui pourrait sembler n’être qu’une condition de possibilité de l’enquête et du début des “choses sérieuses” » (Darmon 2005, p. 98). C’est pourquoi le terrain est l’objet de nombreuses productions scientifiques : qu’il soit considéré comme « sans sympathie » (Herlin-Giret et al. 2019), « sensible » (Lamarche 2015) ou « difficile » (Boumaza et Campana 2007), les chercheur·es constatent que chaque terrain a ses logiques propres, dont l’analyse fait partie intégrante des résultats scientifiques. La mauvaise réception d’un travail de recherche peut contribuer à révéler les propriétés du terrain étudié. En effet, nous verrons dans un premier temps que le fait de se demander pourquoi un travail a été mal reçu – en portant attention à ce que cela dit de la fragilité du groupe ou de l’institution étudiée, du contexte ou de l’état du rapport de force entre les différents acteurs à ce moment-là – donne des éléments d’analyse de l’objet et du terrain.
7Cependant, en rester à une analyse strictement méthodologique ne permet que de donner des sortes de « conseils pratiques » généraux pour éviter les « simples erreurs » (anonymisation, négociation, posture de domination), sans pour autant empêcher que ne se reproduisent les erreurs de posture décrites tout au long de ce retour réflexif. Le point de départ de la seconde étape de la réflexion présentée ici est la position de chercheuse militante ou en sympathie avec ses enquêté·es ou leur cause. Il n’est pas question de s’attarder sur la traditionnelle question de la « neutralité axiologique » : nous admettons que « c’est en acceptant de penser ces engagements et non en les laissant dans l’ombre du savant, justement, que l’on peut aussi faire œuvre de science » (Naudier et Simonet 2011, p. 6). La question n’est donc pas « est-ce qu’une chercheuse est autorisée à être militante ? », mais « comment peut-on être chercheuse-militante et militante-chercheuse ? ».
8Lorsque notre sujet d’étude nous tient à cœur, qu’il « nous engage », lorsque l’identité militante est une condition sine qua non de l’accès au terrain (Mauger 1991), de nombreuses questions se posent : comment utiliser ces récits sans « trahir » ? Comment promettre une parfaite maîtrise de la production scientifique quand celle-ci est incertaine (Guillaume et Pochic 2011) ? Ces questionnements – qui, s’ils ne sont pas nécessairement propres à une recherche militante, se posent alors avec encore plus de force –, lorsqu’ils restent irrésolus et « paralysent », comme ce fut mon cas, sont en réalité le fruit d’un impensé qui est de nature épistémologique et qui représentera le second temps de mon analyse. La question fondamentale est celle de la nature du savoir créé par rapport à celui des enquêté·es : les connaissances produites ont-elles de la valeur parce qu’elles résultent d’une position de surplomb forte de la légitimité de l’institution scientifique ou parce qu’elles sont le produit des échanges avec les enquêté·es ?
9Cela nous permet, dans un troisième temps, de poser la question de la manière d’aborder le terrain lui-même : lorsqu’on parle de terrains de « précaires », on envisage la précarité comme une catégorie allant de soi et on s’empêche de voir qu’il s’agit d’une construction discursive de la part des acteur·rices militant·es (Boumaza et Pierru 2007). Or, en déconstruisant la manière dont les acteur·rices se voient et se présentent (c’est-à-dire faiblement doté·es en ressources), mon travail de recherche s’est retrouvé en contradiction avec le discours de mes enquêtés.
10Finalement, si l’absence de rupture épistémologique entre travail scientifique et savoirs militants (Corcuff 1991) est un enjeu qui ressort plus clairement lorsqu’on a de la sympathie (idéologique, affinitaire ou biographique) pour ses enquêté·es, la « circularité des savoirs » (Ollitrault 1996) est-elle toujours possible ? C’est la question que nous nous poserons dans un dernier temps, en nous demandant comment concilier ces discours « savants » et « ordinaires », particulièrement lorsqu’on étudie des militant·es dont on partage la cause.
Discours scientifiques versus discours militants : « je t’aime, moi non plus » ?
« Partir comme on est venu·e » : quand la restitution questionne l’entrée sur le terrain
11Les chercheur·es qui ont engagé des réflexions d’ordre méthodologique ou éthique sur la relation d’enquête concluent à une injonction accrue à la restitution des travaux de la recherche, que ce soit auprès des commanditaires comme des enquêté·es (Chauvier 2003 ; Dunezat 2011 ; Guillaume et Pochic 2011 ; Kobelinsky 2008 ; Laurens et Neyrat 2010). Il est effectivement assez significatif de voir que l’incontournable Guide de l’enquête de terrain (Weber et Beaud 2010), dans son édition réactualisée parue en 2003, ne s’attarde pas sur la restitution. Partager les résultats de sa recherche auprès de celles et ceux qui l’ont rendue possible est une nécessité non seulement morale (elle fait souvent partie des « gages » donnés aux enquêté·es lors de la négociation d’entrée sur le terrain), mais également académique, puisqu’elle permet la discussion des travaux avec les enquêté·es et donc participe à une coproduction des savoirs.
12Seulement, la restitution doit être pensée : l’exemple présenté ici est éloquent, puisqu’un simple envoi de manuscrit a posteriori3 a conduit à une rupture du lien de confiance. Parce que j’étais alors candidate à un contrat doctoral sur le même sujet, le maintien de la relation était déterminant pour la poursuite de mon travail en thèse. En effet, pour Xavier Dunezat, la restitution sous forme de transmission du manuscrit a le désavantage d’« éluder l’ambivalence de l’action collective : la démarche sociologique isolant des morceaux du réel pour l’ordonner, ce décorticage peut choquer les mobilisé·es parce que leurs pratiques et représentations ne sauraient s’épuiser dans un seul paradigme » (Dunezat 2011, p. 93).
13La restitution, qui représente théoriquement l’étape finale du travail de recherche, consiste en fait à revenir sur l’étape de négociation de l’entretien. Si « la restitution passe aussi par l’ensemble des relations affectives construites par le militant de la cause lors de ses participations observantes » (ibid., p. 96), elle dépend en premier lieu de la posture épistémologique du ou de la chercheur·e, c’est-à-dire de la manière dont il ou elle a présenté l’objectif de sa recherche, mais aussi de la façon de produire ce savoir. Pour Carolina Kobelinsky, il existe deux types d’attentes envers le ou la chercheur·e : qu’il ou elle apporte une expertise qui permette « d’avancer et améliorer » ou qu’il ou elle constitue l’intermédiaire entre les différent·es acteur·rices (Kobelinsky 2008, p. 185).
14Dans mon cas, l’assignation à la position d’« experte » a moins été imposée qu’elle n’a été un moyen de me légitimer sur le terrain. Cette position était toutefois ambivalente en raison de la connivence (biographique et politique) avec mes enquêté·es, volontairement mise en avant. Une forme de division du travail s’était tacitement établie entre nous : d’un côté les militants luttant pour leurs droits, de l’autre la sociologue « spécialiste de l’ubérisation », sorte d’« intellectuelle organique »4 qui allait participer, en apportant un savoir scientifique, à la dénonciation de l’exploitation exercée par les plateformes, mais qui allait peut-être aussi, grâce à son regard extérieur, trouver des « solutions pour mieux lutter ». Parce qu’elle devait constituer un témoignage renseigné et méthodique de ce que je percevais comme une nouvelle exploitation, mais aussi parce qu’elle se proposait de démontrer que ce n’était pas une fatalité et que l’organisation collective rendait possibles des formes de résistance, j’espérais que ma recherche se révélerait « utile ». La question de l’ubérisation étant alors au cœur de l’actualité politique et sociale, ma recherche permettait également de recouper les sujets propres à la sociologie du travail et à la sociologie des mobilisations collectives, ce qui me tenait à cœur. Pourtant, je n’étais pas à proprement parler engagée dans la lutte des livreurs et je n’y étais pas immergée à la manière d’une anthropologue : je n’étais pas devenue livreuse moi-même, je ne participais pas aux manifestations ni aux réunions des collectifs. Mon action militante se résumait à relayer des informations et les communications des organisations étudiées sur les réseaux sociaux et au sein de mes réseaux militants. J’étais vue comme la « spécialiste de l’ubérisation » dans les cercles militants, étudiants et syndicalistes que je côtoyais, alors que j’étais extérieure à cet univers professionnel et à ses luttes et que mon action militante de terrain se limitait à celle d’une syndicaliste étudiante. Alors que je ne faisais que graviter autour de ce champ militant, je restais pourtant convaincue que ma présence constituait une forme d’engagement. Mon erreur a probablement été de ne pas réussir à trancher entre le rôle d’experte porteuse de solutions – que j’endossais implicitement en me présentant comme une étudiante en sociologie dont le travail, aux yeux des enquêtés, pourrait bénéficier aux acteurs du terrain, mais que j’incarnais imparfaitement – et la position de militante de la cause des livreurs – que je n’adoptais pas vraiment non plus. Parce que les attentes de l’institution académique et de mes enquêté·es étaient contradictoires et que je voulais « jouer sur les deux tableaux », je ne pouvais ni totalement assurer le détachement émotionnel que le milieu universitaire me semblait exiger, ni promettre aux enquêtés de taire les réalités observées qui pouvaient entrer en dissonance avec leurs discours.
Aller contre les identités stratégiques des enquêté·es : présentation de soi et enjeux d’anonymisation
15Lorsqu’un·e sociologue prend contact avec une personne qu’elle souhaite interroger, il·elle prend soin de rassurer l’enquêté·e : « Ne vous inquiétez pas, c’est anonyme ». Bien souvent, la personne enquêtée ne réagit pas, acquiesce ou répond que ce n’est pas un problème ; au mieux, elle demande qui aura accès au travail final et la discussion s’arrête là. Si la question de l’anonymisation est un principe fondamental du travail d’enquête, elle peut parfois paraître si évidente qu’on oublie d’en spécifier les modalités ou de se demander pourquoi on anonymise. L’anonymisation n’est pas « automatique » et il peut arriver qu’elle ne soit pas dans l’intérêt des enquêté·es. Muriel Darmon explique ainsi que certain·es enquêté·es ont exigé la désanonymisation de leur hôpital ou de leur service, parce que le fait que ceux-ci soient nommément cités comme des lieux de recherche constitue un critère d’évaluation de leur qualité (Darmon 2005). Pour une rapide définition de cette notion, on peut se référer aux écrits d’Aude Béliard et Jean-Sébastien Eideliman, qui proposent de ne pas distinguer « confidentialité » et « anonymat », mais bien de les considérer comme « les deux faces d’un même problème » (Béliard et Eideliman 2008, p. 124), c’est-à-dire le fait de garantir aux enquêté·es que les paroles qu’ils et elles livrent ne seront reconnaissables ni par leurs proches (confidentialité) ni par le grand public (anonymat). Cela veut aussi dire que l’anonymisation doit être adaptée aux enquêté·es et aux terrains et se faire en fonction des risques encourus ou anticipés.
16Concernant les livreurs à vélo mobilisés, il fallait faire face à deux difficultés : les spécificités du milieu et la méthode d’analyse choisie. Il s’agissait tout d’abord d’une enquête en milieu d’interconnaissance avec un nombre d’individus très restreint, puisqu’avec une quinzaine d’entretiens, j’estimais avoir touché l’intégralité des membres effectifs des deux collectifs présents dans deux villes différentes. Il s’agit d’un « tout petit monde » (Oriot 2010, p. 106) où tous se connaissent, en dépit de la distance géographique, les plus impliqués des deux collectifs discutant régulièrement ensemble sur un réseau social.
17De plus, les enquêtés interrogés étaient majoritairement des porte-parole de leurs organisations et donc des figures identifiées. Au moment de la restitution et depuis celle-ci, la majorité d’entre eux sont totalement engagés (bénévolement ou non) dans la représentation et la défense des livreurs, l’un d’eux est même devenu assistant parlementaire. Se considérer comme une « personnalité publique » implique des enjeux politiques de présentation de soi qu’Annie Collovald décrit, à propos des hommes et des femmes politiques, comme une « identité stratégique » (1988). Le contrôle de cette identité est fondamental pour ces entrepreneur·euses de cause bénéficiant de ressources médiatiques qui leur permettent de peser dans le rapport de force et d’être vu·es comme des interlocuteur·rices privilégié·es dès qu’il s’agit de fournir un discours autour des livreurs, que ce soit dans les médias, auprès de partis et de syndicats ou au sein de consultations législatives ou gouvernementales. Cela s’accompagne d’un souci de vigilance accrue vis-à-vis des plateformes, dont les livreurs craignent la surveillance permanente. La « gouvernance par les nombres » (Supiot 2015) exercée par ces « patrons invisibles », qui passe par des mécanismes de notation et de rappels à l’ordre, mais aussi par des sanctions envers les livreurs contestataires, dont les comptes ont été désactivés (Lemozy 2019), conduit à prendre ces craintes au sérieux. Dès lors, maintenir le secret, ou du moins un flou, sur les stratégies militantes, mais aussi sur la constitution des collectifs, vis-à-vis des plateformes est une nécessité pour ces militants qui savent que la « médiatisation du conflit » (Giraud et al. 2018, p. 182) constitue leur principale ressource militante.
18Or, pour analyser le rapport des livreurs engagés au travail et à l’action collective, le choix avait été fait d’aborder ce terrain par une approche en termes de carrière (Becker 1985 ; Fillieule 2001). Considérer ainsi l’engagement de manière processuelle, en faisant attention aux différentes étapes, mais aussi aux différentes sphères de vie dans lesquelles évoluent les individus, nécessite de poser des questions assez précises sur les parcours personnels. Caractériser ainsi les individus et leurs appartenances sociales, dans une démarche se rapprochant de l’ethnographie multi-intégrative (Weber 2001), ne permettait pas de garantir l’anonymat des personnes interrogées. Cette impossible confidentialité – qui n’avait pas été précisée lors de la négociation des entretiens – a fait l’objet de vifs reproches de la part des enquêtés : la mention de leur âge ou de leur fonction au sein du collectif permettait en effet de les identifier. « Je pensais que tu allais faire quelque chose de bien plus flou », « explique-nous l’idée d’écrire sur la CGT par exemple en changeant le prénom de Martinez », ont ainsi déclaré Fernand et Emmanuel, membres du collectif étudié.
19De fait, la description de leurs trajectoires personnelles et professionnelles risquait de mettre en péril le storytelling officiel, ou plutôt de lever le voile sur un passé qu’ils ne souhaitaient pas rendre public. Le fait que les mobilisations de livreurs représentent un terrain multi-investi par les chercheur·es leur permet d’établir des comparaisons entre les acteur·rices étudié·es. Or, on se rend compte que la présentation de certains enquêtés diffère selon les enquêteur·euses. Cela témoigne de la volonté de ces militants professionnalisés de contrôler leur image. Pour Carolina Kobelinsky, cette méfiance est compréhensible puisque « chaque personne, ayant ses propres histoires et étant préoccupée par sa réputation, a des raisons de se méfier d’un inconnu et s’efforce de contrôler son émission d’information selon l’idée qu’elle se fait des intentions effectives de son interlocuteur » (Kobelinky 2008, p. 185). Les craintes, légitimes, liées à l’utilisation qui pourrait être faite d’un travail publiquement diffusé, sur lequel ni eux ni moi n’aurions plus le contrôle, ont poussé les enquêtés à me demander de ne pas rendre mon mémoire accessible, ce que j’ai accepté. La temporalité militante, immédiate, ne correspond pas à la temporalité de la recherche. Ainsi, comme le fait remarquer Xavier Dunezat, le temps de restitution exigé par les enquêté·es ne correspond pas forcément à celui prévu par le·la chercheur·e (retour précoce demandé par les enquêté·es pour résoudre un conflit, par exemple).
L’exemple de la qualification de « précaires » : se réapproprier les catégorisations « indigènes » ?
20Cette méfiance quant à la description de leurs trajectoires sociales et professionnelles révèle un enjeu définitionnel autour de leur statut supposé de « précaires ». En montrant qu’ils étaient davantage dotés en ressources que ce que leur présentation de soi comme livreur à vélo laissait entendre, je m’opposais directement à leur identité stratégique militante. Cela permet de poser la question, dans le sillon de Magali Boumaza et Emmanuel Pierru (2007), de ce qu’implique la mobilisation de cette catégorie de « précaires ». De la même manière, Nicolas Jounin se demandait, dans la partie méthodologique de l’ouvrage issu de sa thèse, Chantier interdit au public (2009), comment utiliser de manière pertinente la catégorisation raciale mobilisée par ses enquêté·es, afin « d’éviter la réification de [ces] catégories » (p. 256) puisque, pour lui, « nommer c’est déjà prendre position » (p. 255). Or, les livreurs seraient précaires parce qu’ils sont considérés comme tels dans les champs scientifique, médiatique et politique. C’est précisément cette catégorisation qui est mise en avant par les porte-parole des mouvements sociaux, par l’emploi d’expressions comme « les esclaves modernes »5, « les tâcherons », ou par la surmobilisation dans leur communication publique des termes « précaires » et « précarité »6. De fait, mes enquêtés s’autodésignent très souvent ainsi : le terme « précaire » revient 28 fois dans la compilation des 15 entretiens menés pour mon mémoire de master 2. La première affiliation du syndicat des livreurs lyonnais au Comité chômeurs et précaires de la CGT est également révélatrice de l’image que ce groupe militant produit de lui-même. De même, du côté des chercheur·es, la catégorie de « précaire », voire « des précaires » comme groupe social spécifique, est presque systématiquement mobilisée. Les bibliographies qui accompagnent les nombreuses recherches portant sur des travailleurs ubérisés font presque toujours référence aux travaux de référence consacrés aux mouvements de précaires ou des « sans »7. Dans le dernier rapport d’Anne Dufresne (Dufresne et Leterme 2021), une des spécialistes du sujet au niveau européen, on compte plus de 30 occurrences du terme « précaire(s) », tandis qu’on en dénombre 16 dans l’article d’Arthur Jan paru dans La nouvelle revue du travail (2018).
21Or, la précarité est une notion qui peut prendre des formes diverses. Dans leur manuel intitulé Enquêter sur le travail (2010), Christelle Avril, Marie Cartier et Delphine Serre nous invitent à distinguer précarité et instabilité, la première renvoyant à un statut qui n’implique pas forcément la seconde, et à considérer, à partir des enquêtes de Nicolas Jounin (2009) et de Sébastien Chauvin (2010), que la précarité, pour les travailleur·euses, se caractérise d’abord par l’incertitude des conditions d’emploi et l’imprévisibilité de l’avenir. Pour Paul Bouffartigue, la précarité est le résultat d’une triple fragilisation : fragilisation de l’emploi (contrat ou droit du travail), fragilisation du travail (collectifs, conditions et sens de l’activité) et fragilisation des relations professionnelles (capacités de défense et représentation collectives) (Bouffartigue 2012, p. 102).
22Si la catégorie de « précaires » peut être refusée par les acteur·rices parce qu’elle ne correspond pas à la vision qu’ils·elles ont d’eux·elles-mêmes (Abdelnour et al. 2009), on constate qu’elle peut aussi, a contrario, faire partie des stratégies des porte-parole des groupes défendus. La catégorie de « précaires » apparaît alors en partie comme une invention militante permettant d’englober des acteurs et actrices aux profils sociaux très différents (Boumaza et Pierru 2007), des sans-papiers aux intermittent·es en passant par les non-titulaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, par exemple.
23Les livreurs à deux roues sont indéniablement précaires au vu des deux premiers critères qu’identifie Paul Bouffartigue (emploi et travail). Quant aux relations professionnelles, elles sont encore peu institutionnalisées dans ce secteur : la mise en œuvre d’un dialogue social n’y est que très récente (ordonnance du 21 avril 2021)8. Par ailleurs, si l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) garantit la mise en place de la représentation, elle laisse de côté le droit à l’organisation syndicale. Il s’agit donc davantage d’un droit au dialogue social que d’un droit syndical. Si la représentation est bien structurellement fragile – tant du côté des travailleur·euses que des institutions qui l’organisent – et faiblement institutionnalisée, on peut cependant nuancer ce constat, en reconnaissant par exemple aux porte-parole des collectifs une place centrale dans la production de discours sur l’ubérisation, sujet qui bénéficie d’une forte audience médiatique. Par ailleurs, parmi les enquêté·es, certains « précaires » sont en réalité bien dotés en ressources scolaires ou militantes. La plupart d’entre eux ont effectivement suivi des études supérieures et, parmi ces derniers, plusieurs sont détenteurs d’un master. En outre, les leaders les mieux identifiés ont soit pu vivre de leur activité militante (mandat de développement syndical), soit bénéficié de ressources (familiales) leur permettant de se consacrer intégralement à un militantisme bénévole. Paradoxalement, l’étude de « précaires », dans ce cas, pose moins le problème d’un « inconfort » supplémentaire (La Soudière 1988) pour les chercheur·es, qui serait dû à des positions sociales inégales ou à une incompatibilité entre les finalités des chercheur·es et celles des militant·es, que celui de la production d’un discours sur les précaires qui vient concurrencer celui des précaires eux-mêmes, et donc d’une confrontation entre deux discours légitimes.
Décloisonner la recherche : comment concilier discours ordinaires et vérité scientifique ?
Circularité des savoirs et réappropriation des acquis des sciences sociales
24À partir des précédents constats, on peut questionner la supposée « circularité des savoirs » (Giddens 1987) entre militant·es et chercheur·es qu’observe Sylvie Ollitrault à propos des scientifiques et militant·es écologistes (1996). Ces dernier·ères se sont réapproprié le concept de « nouveaux mouvements sociaux » développé par le sociologue Alain Touraine parce qu’il leur permettait de présenter leur mouvement comme inédit, voire innovant, et de régler des conflits internes sur la définition de l’action et de la stratégie à mettre en œuvre9. L’auteure présente ici une « circularité réussie », c’est-à-dire que « des cadres d’interprétations sont susceptibles de se rencontrer, de produire de la circularité lorsque la coïncidence avec le cadre d’interprétation légitime du moment et la connivence entre le “sens visé” par les acteurs et les catégories savantes se conjuguent » (Ollitrault 1996, p. 144). Cela implique donc une sorte de correspondance stratégique entre discours scientifique et militant, mais pas uniquement, puisque « la circularité ne joue pas qu’en fonction de leur intérêt stratégique à être entendus, légitimés, elle doit correspondre à la représentation idéale que l’acteur se fait de son action » (ibid.).
25À partir de cette analyse, on peut envisager son terrain d’enquête de plusieurs manières : tout d’abord, il existe effectivement une forme de continuum « entre les usages professionnels et les usages non professionnels des schèmes interprétatifs » (Corcuff 1991, p. 528), et ce notamment du fait d’une forte interpénétration des champs académique et militant autour de la question de l’ubérisation. Les porte-parole des collectifs et syndicats sont fréquemment invité·es aux événements scientifiques où ils·elles rencontrent les chercheur·es qu’ils·elles croisent, ou ont déjà croisé·es, lors des différents événements militants, au point que la gestion de ces deux types d’acteurs est prise en compte dans leur organisation, comme lors de la première assemblée transnationale des livreurs, coorganisée par un organisme de recherche (GRESEA) et une association de community organizing (ReAct) en 2018 à Bruxelles. Lors de cette assemblée, des temps d’échanges « non mixtes » entre livreurs ont été imposés par ces derniers au moment de l’élaboration des revendications communes, afin de se retrouver entre « premiers concernés », sans chercheur·es ni militant·es ne travaillant pas dans la livraison.
26Les porte-parole, dont les enquêtés avec qui j’ai été en conflit, sont par ailleurs invité·es à présenter leurs conditions de travail et leurs revendications auprès de différentes institutions politiques (auditions auprès de la Commission européenne, participation à des commissions parlementaires) auxquelles participent également ces mêmes chercheur·es. La proposition de loi visant la création d’un statut des travailleur·euses des plateformes numériques, déposée par le groupe CRCE au Sénat, est le résultat d’un travail de deux ans porté par les sénateurs communistes Pascal Salvodelli et Fabien Gay, mais aussi et surtout par Barbara Gomes, maîtresse de conférence en droit du travail, titulaire d’une thèse sur le travail de plateforme, conseillère à la Ville de Paris, ancienne déléguée syndicale CGT et assistante parlementaire de Pascal Salvodelli. Cette chercheuse et militante multipositionnée était présente dans les luttes de livreurs et a activement travaillé à la coproduction de cette loi avec mes enquêtés. Cette interpénétration s’est même révélée très explicitement en 2021 avec la sortie de l’ouvrage collectif Ubérisation, et après ?, coordonné par Pascal Salvoldelli, auquel ont participé sociologues, militant·es, élu·es et syndicalistes. De même, le colloque « Ubérisation et santé des livreurs » organisé par l’Institut de psychodynamique du travail, qui s’est tenu les 5 et 6 novembre 2021 au Sénat, accueille des syndicalistes dans son comité d’organisation10.
27Tout cela contribue à donner une image plutôt positive des chercheur·es en sciences sociales aux livreurs enquêtés, qui ont l’habitude que les discours universitaires convergent avec les leurs quant à la dénonciation de leurs conditions de travail et de l’ubérisation. Ils ont alors probablement été surpris en voyant que l’objectif de mon travail ne consistait pas à dénoncer la précarité qu’ils subissaient, mais à les prendre eux-mêmes pour objet d’étude. La proximité constatée n’impliquait pas pour autant que les enquêtés aient une parfaite maîtrise de la sociologie. Par ailleurs, lorsqu’on est proche de ses enquêté·es – en termes de caractéristiques sociales et/ou de proximité idéologique, ce qui était doublement le cas pour moi –, il est facile de mener un entretien sur le ton de la simple conversation, de la confidence, voire du « défouloir ». Il est alors tentant d’oublier sa position de sociologue, sa position de dominant inhérente à son statut social et intellectuel11, ou de penser que la sociologie « va de soi ». Lorsque les enquêté·es sont fortement médiatisé·es et habitué·es à répondre aux questions de journalistes ou de sociologues, on est encore plus tenté de penser la relation d’enquête sur le mode de l’évidence. Là encore, les mauvaises expériences nous rappellent à une forme d’humilité et de remise en question en tant que professionnel·les du social. Après avoir été agacée par les reproches relatifs à l’anonymisation et à l’utilisation des données (c’est-à-dire les entretiens enregistrés et intégralement retranscrits), j’ai été forcée de reconnaître que mon travail était loin d’être évident ou transparent, loin aussi des réalités sociales des personnes interrogées12 et qu’il aurait fallu davantage expliquer la démarche sociologique, qui est bien souvent assimilée à un travail journalistique ou, dans mon cas, à un engagement militant.
28Cependant, on peut également envisager, comme le fait Muriel Darmon à propos d’un psychiatre qui mobilise dans ses travaux des références sociologiques, que la distance manifestée par les enquêté·es vis-à-vis de la sociologie vient en réalité du champ d’intervention limité auquel ils assignent cette discipline. Une forme de « sélection » dans les apports scientifiques retenus semble effectivement s’effectuer selon leur utilité stratégique supposée, privilégiant l’utilisation des analyses juridiques, conformément d’ailleurs à la juridicisation du répertoire d’action que nous avons observée. Cette primauté accordée aux analyses juridiques correspond également aux propriétés sociales des acteurs, puisque plusieurs des enquêtés sont détenteurs d’un diplôme en droit et m’ont opposé un discours de juristes, me prévenant du potentiel « dol » (expliqué comme une rupture de consentement) qu’avait constitué ma recherche. Ce qui s’est joué alors relevait plus d’une bataille entre expert·es que d’un rapport inégalitaire entre chercheur·e (supposé·e dominant·e) et enquêté·es (supposé·es dominé·es).
Espace des représentations syndicales et épistémologie ordinaire du syndicalisme
29La capacité des acteur·rices à se réapproprier et à sélectionner les acquis des sciences sociales, voire à produire des analyses sur leur propre activité (Ollitrault 1996), qui peuvent être opposées à celles des chercheur·es (comme dans le cas présenté ici), pousse à considérer qu’il n’existe pas de « rupture épistémologique » entre les savoirs scientifiques et ordinaires.
30Philippe Corcuff propose une approche en termes d’« épistémologie ordinaire du syndicalisme » justifiée par le fait que « les sociologies propres aux chercheurs professionnels – en particulier, mais non exclusivement, ceux spécialisés dans l’étude du syndicalisme – comme les savoirs mis en œuvre quotidiennement par les acteurs syndicaux participent à la constitution de l’univers syndical » (1991, p. 517). La définition de l’action syndicale serait ainsi coproduite, de façon conjointe mais aussi antithétique, par les chercheur·es et les militant·es syndicaux·ales. La multipositionnalité des acteur·rices, rapidement mentionnée ci-dessus, participe à ce constat puisque la recherche-action est particulièrement présente et revendiquée dans l’étude des mobilisations de livreurs13.
31Dans notre cas, il semblerait que certains enquêtés tendent à reprendre à leur compte les thèses des sciences sociales qui se montrent critiques envers le syndicalisme – ou en tout cas envers un syndicalisme présenté comme « archaïque ». Les livreurs organisés en collectif se réapproprient en effet les théories sociologiques sur le militantisme total, qui se serait construit contre le militantisme distancié (Ion 1997), sur l’engagement « en réseau » (Boltanski et Chiapello 1999) et plus généralement sur le renouveau du militantisme, ainsi que tous les écrits sur le « crise du syndicalisme »14. Ils justifient ainsi leur forme organisationnelle par une défiance vis-à-vis du syndicalisme, comme me l’explique Emmanuel : « on s’est appelé “collectif” parce qu’on voulait pas s’appeler “syndicat”, hein. C’était un souhait, parce qu’on savait que le syndicat, tout de suite on serait, on serait étiqueté moustachu, chasuble, mégaphone »15. Un autre membre du collectif affirme qu’« il faut faire avec les coursiers, avec le syndicalisme coursier, comme ce que font les plateformes avec la flexibilité »16. Des chercheur·es font le même constat : « la contestation d’un capitalisme devenu “réticulaire”, fondé sur des connexions rapides entre petites unités flexibles, exigerait une critique isomorphe, organisée elle aussi sur le mode du réseau et amenant différentes unités contestataires à se coaliser ponctuellement dans la visée d’un “projet” » (Abdelnour et al. 2009, p. 74). Il ajoute : « T’as les syndicats de France et de Navarre qui sont aux fraises sur plein de sujets, plein de sujets dont l’ubérisation »17. Cette dernière affirmation entre en résonance avec les célèbres constats de Dominique Andolfatto et Dominique Labbé selon lesquels les principales causes du déclin du syndicalisme « ne sont pas à rechercher dans les changements de l’économie et de la société, mais résident dans les faiblesses du syndicalisme français, notamment dans son financement, ses divisions et sa politisation » (2011, p. 4).
32Ce discours de défiance est partiellement repris par les livreurs et la livreuse syndiqué·es à propos de leur confédération pour lever des incompréhensions et justifier une forte autonomie : « Je fais partie d’un syndicat de coursiers, qui lui est rattaché au syndicat, c’est moins direct tu vois, c’est pas comme dire “je fais partie du syndicat”. Y a une image différente »18.
33On pourrait argumenter que ce discours distinctif vis-à-vis « des syndicats », dont ils ont incorporé la critique, leur permet alors, tout comme l’usage de la catégorie de « précaires », de se présenter comme des acteurs « nouveaux » et, indissociablement, plus légitimes.
34Le rapport des enquêté·es au savoir scientifique, et aux chercheur·es, reste cependant tributaire des logiques propres à l’espace dans lequel ils·elles construisent leur cause. En effet, après un an de défiance à mon égard de la part des enquêtés suivant la restitution de mon mémoire, les enquêtés des deux organisations ont finalement progressivement recommencé à s’adresser à moi, allant jusqu’à me faire des confidences lorsque nous nous croisions au cours de rassemblements de livreurs, et même à accepter de refaire des entretiens. J’ai constaté que cette « réconciliation », qui n’a cependant jamais été « officialisée », intervenait au moment où les tensions entre ces deux organisations se stabilisaient. En cela, la relation aux enquêté·es est révélatrice des dynamiques présentes sur le terrain et fournit des matériaux utiles à l’interprétation scientifique.
*
35Quel rôle pour le·la chercheur·e ?
36On l’aura compris, le recherche produit du savoir considéré comme scientifique en tant qu’il respecte une méthodologie particulière censée garantir sa prétention à établir du vrai. Mais elle produit aussi un discours « comme les autres » au sens où il se retrouve en concurrence avec d’autres discours (militants, journalistiques, politiques…) sur le marché des biens symboliques.
37Étudier des militant·es, en s’intéressant aux logiques propres à ces groupes sociaux et non pas seulement à la cause défendue, cela revient, en tant que sociologue, à introduire une sorte de « blessure narcissique » dans la représentation que le·la militant·e se fait de lui ou elle-même et à ouvrir une brèche dans la représentation stratégique qu’il·elle cherche à donner de lui ou elle-même. En mettant au jour les logiques organisationnelles qui sont à l’œuvre, on met en exergue le hiatus qui existe entre la réalité de l’organisation et la représentation qui en est donnée dans l’espace public. La blessure ressentie est d’autant plus vive que le contexte est menaçant : dans le cas des livreurs, de nombreuses batailles médiatiques et juridiques sont en cours, dans un environnement socioprofessionnel et politique qui leur est défavorable. En tant que chercheur·e en sympathie avec la cause défendue, on se retrouve alors face à un dilemme : d’un côté, le maintien de l’objectivité scientifique et la production d’une sociologie critique, de l’autre, la mise en péril de la cause défendue.
38L’une des solutions envisageables pourrait consister à sortir de la « rupture objectivante » distinguant savoir profane et savoir savant et à considérer sérieusement les craintes des enquêté·es quant à la production du savoir scientifique. Plutôt que de mettre à jour des dysfonctionnements internes sans les relier aux conditions sociales qui les éclairent, on peut imaginer trouver des formes d’écriture publique qui ne soient ni disqualifiantes ni normatives vis-à-vis des groupes étudiés, en s’attachant à décrire les différentes contraintes structurelles et environnementales dans lesquelles ils évoluent.
39Sans tomber dans l’ethnométhodologie qui « tend à englober de manière indifférenciée les activités interprétatives des chercheurs et des acteurs » (Corcuff 1991, p. 526), ce qui reviendrait à nier les logiques propres au champ académique et notamment les potentiels effets de domination qu’exercent les chercheur·es, on peut considérer la coproduction de savoir comme le fait que « les sciences sociales formaliseraient (et donc transformeraient) des schèmes interprétatifs déjà présents chez les acteurs et, dans un deuxième temps, réinjecteraient leurs productions dans le monde social (d’où les effets de théorie). Si ces deux moments peuvent être détachés analytiquement, théories des chercheurs et “théories-en-usage” des acteurs seraient concrètement “entrelacées” […] de par un processus continuel de réalimentation réciproque et d’amalgame » (ibid., p. 531-532).
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Abdelnour Sarah, Collovald Annie, Mathieu Lilian et al., 2009, « Précarité et luttes collectives : renouvellement, refus de la délégation ou décalages d’expériences militantes ? », Sociétés contemporaines, no 74, p. 73-95.
10.3917/soco.074.0073 :Andolfatto Dominique et Labbé Dominique, 2011, Sociologie des syndicats, Paris, La Découverte.
10.3917/dec.andol.2011.01 :Audemard Julien, 2017, « De quoi le contexte est-il le nom ? Critique de l’usage de la notion de contexte en sociologie électorale », Revue française de science politique, vol. 67, no 2, p. 271-289.
10.3917/rfsp.672.0271 :Avril Christelle, Cartier Marie, et Serre Delphine, 2010, Enquêter sur le travail. Concepts, méthodes, récits, Paris, La Découverte, p. 183-256.
10.3917/dec.avril.2010.01 :Beaud Stéphane, 2011, « Un fils de “bourgeois” en terrain ouvrier. Devenir sociologue dans les années 1980 », Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, D. Naudier et M. Simonet dir., Paris, La Découverte, p. 149-166.
Becker Howard S., 1985, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié.
10.3917/meta.becke.2020.01 :Béliard Aude et Eideliman Jean-Sébastien, 2008, « Au-delà de la déontologie. Anonymat et confidentialité dans le travail ethnographique », Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, D. Fassin et A. Bensa dir., Paris, La Découverte, p. 123-141.
Benford Robert D., 1993, « Frames disputes within the nuclear disarmament movement », Social Forces, vol. 71, no 3, p. 677-701.
10.2307/2579890 :Béroud Sophie, 2009, « Organiser les inorganisés. Des expérimentations syndicales entre renouveau des pratiques et échec de la syndicalisation », Politix, no 85, p. 127-146.
Béroud Sophie, 2011, « Jeunes et précaires dans l’action syndicale : modalités d’engagement et processus d’apprentissage », Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), S. Béroud, B. Gobille, A. Hajjat et M. Zancarini-Fournel dir., Paris, Éditions des archives contemporaines, p. 139-150.
Bizeul Daniel, 1999, « Faire avec les déconvenues. Une enquête en milieu nomade », Sociétés contemporaines, no 33-34, p. 111-137.
Boltanski Luc et Chiapello Ève, 1999, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.
Bouffartigue Paul, 2012, « Ambivalences dans l’expérience du travail précaire. Paroles de postiers », Un travail sans limites ? Subordination, tensions, résistances, P. Cingoliani dir., Toulouse, Érès, p. 101-118.
Boumaza Magali et Campana Aurélie, 2007, « Enquêter en milieu “difficile”. Introduction », Revue française de science politique, vol. 57, no 1, p. 5-25.
10.3917/rfsp.571.0005 :Boumaza Magali et Pierru Emmanuel, 2007, « Des mouvements de précaires à l’unification d’une cause », Sociétés contemporaines, no 65, p. 7-25.
10.3917/soco.065.0007 :Chauvier Éric, 2003, « Restitution et réception du texte anthropologique », Ethnologie française, vol. 33, no 3, p. 503-512.
10.3917/ethn.033.0503 :Cingolani Patrick, 2005, La précarité, Paris, PUF.
10.3917/puf.cingo.2017.01 :Collovald Annie, 1988, « Identité(s) stratégique(s) », Actes de la recherche en sciences sociales, no 73, p. 29-40.
10.3406/arss.1988.2418 :Collovald Annie et Mathieu Lilian, 2009, « Mobilisations improbables et apprentissage d’un répertoire syndical », Politix, no 86, p. 119-143.
10.3917/pox.086.0119 :Corcuff Philippe, 1991, « Éléments d’épistémologie ordinaire du syndicalisme », Revue française de science politique, vol. 41, no 4, p. 515-536.
10.3406/rfsp.1991.394576 :Darmon Muriel, 2005, « Le psychiatre, la sociologue et la boulangère : analyse d’un refus de terrain », Genèses, no 58, p. 98-112.
10.3917/gen.058.0098 :Dufresne Anne et Leterme Cédric, 2021, Travailleurs de plateforme. La lutte pour les droits dans l’économie numérique, Bruxelles, Gresea.
Dunezat Xavier, 2011, « Travail militant et/ou travail sociologique ? Faire de la sociologie des mouvements sociaux en militant », Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, D. Naudier et M. Simonet dir., Paris, La Découverte, p. 80-97.
Fassin Didier et Bensa Alban dir., 2008, Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte.
Fillieule Olivier, 2001, « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », Revue française de science politique, vol. 51, no 1-2, p. 199-215.
10.3406/rfsp.2001.403613 :Giddens Anthony, 1987, La constitution de la société. Éléments de la théorie de la structuration, Paris, PUF.
Giraud Baptiste, Yon Karel et Béroud Sophie, 2018, Sociologie politique du syndicalisme, Malakoff, Armand Colin.
10.3917/arco.berou.2018.01 :Guillaume Cécile et Pochic Sophie, 2011, « Peut-on enquêter sur l’égalité professionnelle sans intervenir ? Retour sur une recherche en entreprise », Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, D. Naudier et M. Simonet dir., Paris, La Découverte, p. 117-133.
10.3917/dec.naudi.2011.01.0117 :Herlin-Giret Camille, Le Roux Daphné et Momméja Adèle, 2019, « Introduction. Des terrains sans sympathie ? », Terrains/Théories, no 10, p. 1-13.
10.1111/j.1746-1561.1977.tb01083.x :Ion Jacques, 1997, La fin des militants ?, Paris, Les Éditions de l’Atelier.
10.3917/ateli.ionja.1997.01 :Jan Arthur, 2018, « Livrer à vélo… en attendant mieux », La nouvelle revue du travail, no 13. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/nrt.3803].
10.4000/nrt.3803 :Jounin Nicolas, 2009, Chantier interdit au public. Enquête parmi les travailleurs du bâtiment, Paris, La Découverte.
10.3917/dec.jouni.2009.01 :Kobelinsky Carolina, 2008, « Les situations de retour. Restituer sa recherche à ses enquêtés », Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, A. Bensa dir., Paris, La Découverte, p. 185-204.
Lamarche Karine, 2015, « L’apport heuristique d’une implication incontournable. L’exemple d’une recherche sur un terrain “sensible” (Israël-Palestine) », Civilisations, no 64, p. 35-44.
Lamarre Jean-Marc, 2016, « Tout homme est un intellectuel », Le Télémaque, no 50, p. 111-116.
10.3917/tele.050.0111 :La Soudière Martin (de), 1988, « L’inconfort du terrain », Terrain, no 11, p. 94-105.
10.4000/terrain.3316 :Laurens Sylvain et Neyrat Frédéric dir., 2010, Enquêter : de quel droit ? Menaces sur l’enquête en sciences sociales, Bellecombe-en-Beauges, Éditions du Croquant.
Lemozy Fabien, 2019, « La tête dans le guidon. Être coursier à vélo avec Deliveroo », La nouvelle revue du travail, no 14. En ligne : [https ://doi.org/10.4000/nrt.4673].
10.4000/nrt.4673 :Mauger Gérard, 1991, « Enquêter en milieu populaire », Genèses, no 6, p. 125-143.
10.3406/genes.1991.1096 :Naudier Delphine et Simonet Maud, 2011, « Introduction », Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherche et engagements, D. Naudier et M. Simonet dir., Paris, La Découverte, p. 5-21.
10.3917/dec.naudi.2011.01.0005 :Ollitrault Sylvie, 1996, « Science et militantisme : les transformations d’un échange circulaire. Le cas de l’écologie française », Politix, no 36, p. 141-162.
10.3406/polix.1996.1983 :Oriot Alain, 2010, « Entretien. Éditer des enquêtes en sciences sociales : les risques pour l’éditeur », Enquêter : de quel droit ? Menaces sur l’enquête en sciences sociales, S. Laurens et F. Neyrat dir., Bellecombe-en-Beauges, Éditions du Croquant, p. 105-113.
Paugam Serge, 2000, Le salarié de la précarité. Les nouvelles formes de l’intégration professionnelle, Paris, PUF.
10.4000/osp.3380 :Perrin Évelyne, 2004, Chômeurs et précaires, au cœur de la question sociale, Paris, La Dispute.
Sinigaglia Jérémy, 2012, Artistes, intermittents, précaires en lutte. Retour sur une mobilisation paradoxale (2003-2006), Nancy, Presses universitaires de Nancy.
Supiot Alain, 2015, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2014), Nantes / Paris, Institut d’études avancées de Nantes / Fayard.
Uhalde Marc, 2008, « L’instrumentalisation de la sociologie en situation d’intervention : analyse critique d’une notion ordinaire », Sociologies pratiques, no 16, p. 95-113.
10.3917/sopr.016.0095 :Weber Florence, 2001, « Settings, interactions and things: A plea for multi-integrative ethnography », Ethnography, vol. 2, no 4, p. 475-499.
Weber Florence et Beaud Stéphane, 2010 [1997], Guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données ethnographiques, Paris, La Découverte.
Yon Karel, 2008, Retour sur les rapports entre syndicalisme et politique : le cas de la CGT-FO. Éléments pour la sociologie d’un « monde de pensée », thèse de doctorat en science politique, université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
Notes de bas de page
1 Emmanuel, enquêté membre du collectif de livreurs mobilisés étudié (discussion sur Messenger, le 1er septembre 2019). Très engagé dans la lutte, il fait partie de ce que j’ai décrit dans mon enquête comme « professionnel », même s’il ne travaille plus pour les plateformes.
2 Le choix a été fait de ne pas féminiser le terme « livreur » lorsqu’il désigne la population de cette profession en général. La proportion de femmes y est tellement infime que la féminisation reviendrait à manifester artificiellement leur présence et à masquer leur flagrante absence parmi ces travailleurs. Au contraire, lorsqu’on se réfère au panel de l’enquête, qui comprend une femme, on recourt à l’écriture inclusive, sauf dans le cas où seuls des hommes sont concernés.
3 En cela, j’ai « contredit l’une des règles déontologiques de l’enquête ethnographique selon le Guide de l’enquête de terrain » (Kobelinsky 2008, p. 187), qui spécifie que « le mémoire ne doit pas circuler dans le milieu d’enquête » (Weber et Beaud 2010, p. 255), mais qu’il faudrait lui préférer un texte résumant nos principales conclusions.
4 Antonio Gramsci désigne ainsi l’« intellectuel qui émerge aux côtés d’une classe ascendante de la société ». Il appelle de ses vœux « l’émergence d’intellectuels organiques liés au prolétariat et aux classes subalternes » (Lamarre 2016, p. 112). C’est à cet intellectuel « allié » que nous faisons référence ici, non pas au sens où je « viendrais des livreurs », mais où nous serions du même camp social face aux entreprises capitalistes exploitantes.
5 Expression globalement abandonnée aujourd’hui, probablement en raison du changement de la composition de la population des livreurs : désormais majoritairement issue de l’immigration, cette population n’aurait pas forcément apprécié la comparaison avec l’esclavage.
6 Un exemple : le dernier communiqué du collectif du 22 septembre 2021, monté à l’occasion du futur procès de Deliveroo en correctionnelle pour « travail dissimulé », mentionne « les plateformes qui précarisent ».
7 Parmi les ouvrages et articles mentionnés dans les textes des auteur·es francophones qui mobilisent le concept de précarité, on peut citer : Paugam 2000 ; Perrin 2004 ; Cingolani 2005 ; Boumaza et Pierru 2007 ; Béroud 2009 et 2011 ; Sinigaglia 2012.
8 Ordonnance no 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation. En ligne : [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043403734].
9 Sylvie Ollitrault se réfère pour cela aux enjeux de définition historique de la lutte antinucléaire grâce au concept de intramovement frame dispute développé par Robert D. Benford (1993).
10 En ligne : [https://calenda.org/922069].
11 J’ai ressenti cette position de domination vis-à-vis des enquêté·es les moins doté·es en capital scolaire, ou plus jeunes, ce qui n’était pas le cas avec les hommes plus âgés, détenteurs d’un niveau de diplôme alors supérieur.
12 Il est d’ailleurs assez parlant de voir que le plus véhément est celui qui n’a pas de diplôme du supérieur, les autres « leaders » inclus dans la discussion Messenger, détenteurs de diplômes de l’enseignement supérieur – de droit et de relations internationales –, m’ayant davantage rappelé des règles méthodologiques.
13 On pense en premier lieu au blog Notes from Below tenu par Callum Cant, ancien livreur et leader de mobilisations, chercheur en sciences sociales et auteur de l’ouvrage Riding for Deliveroo. Resistance in the New Economy (2019), mais aussi à Jamie Woodcock, chercheur en sciences sociales britannique, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet et organizer pour l’Independent Workers’ Union of Great Britain (IWGB), syndicat qui défend les livreurs.
14 Résumés par Karel Yon dans son introduction de thèse (2008).
15 Entretien avec Emmanuel, membre fondateur du collectif, dans le cadre du master 2.
16 Entretien avec Gauthier, membre fondateur du collectif, dans le cadre du master 2.
17 Entretien avec Gauthier, membre fondateur du collectif, dans le cadre du master 2.
18 Entretien avec Alexis, livreur bordelais syndiqué, dans le cadre du master 2. Le nom du syndicat a été anonymisé dans les verbatim.
Auteur
Chloé Lebas est doctorante en science politique à l’université de Lille, au sein du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS). Elle prépare une thèse portant sur le capitalisme numérique et les nouvelles formes d’action collective. Dans ce cadre, elle effectue une analyse comparée des mobilisations des livreur·euses à deux roues et des développeur·euses de jeux vidéo en France. Ses travaux permettent de comparer les situations au travail de tous·tes les travailleur·euses du numérique, des concepteur·rices d’algorithmes à ceux·celles qui subissent la plateformisation. Elle est l’auteure de l’article « Carrière d’auto-entrepreneur et rapports (critiques) au travail : comment les coursiers à vélo font émerger des contestations », paru dans La Revue de l’IRES (no 99, 2019), et de plusieurs articles en ligne portant sur la crise du Covid-19 et publiés dans des revues grand public.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Acteurs et territoires du Sahel
Rôle des mises en relation dans la recomposition des territoires
Abdoul Hameth Ba
2007
Les arabisants et la France coloniale. 1780-1930
Savants, conseillers, médiateurs
Alain Messaoudi
2015
L'école républicaine et l'étranger
Une histoire internationale des réformes scolaires en France. 1870-1914
Damiano Matasci
2015
Le sexe de l'enquête
Approches sociologiques et anthropologiques
Anne Monjaret et Catherine Pugeault (dir.)
2014
Réinventer les campagnes en Allemagne
Paysage, patrimoine et développement rural
Guillaume Lacquement, Karl Martin Born et Béatrice von Hirschhausen (dir.)
2013