Contextes
p. 15-36
Texte intégral
Hommes et citoyens, nous avons dit plus d’une fois dans notre orgueil : – Le xviiie siècle a proclamé le droit de l’homme ; le xixe proclamera le droit de la femme ; – mais il faut l’avouer, citoyens, nous ne nous sommes point hâtés.
(Victor Hugo, Discours de l’exil, « Le Droit de la femme », 1854)
1L’association des différents termes constitutifs du titre de cet ouvrage pourrait engendrer l’impression que leur jonction s’impose avec évidence, alors qu’il s’agit plus d’une hypothèse à soutenir que d’un constat qui ne laisserait aucune place à la contradiction. Lisse en apparence, le titre retenu en chacun de ses termes mérite réflexion, voire suspicion. Le féminisme américain, entendu comme la conscience des diverses formes de discrimination dont les femmes étaient l’objet, et la volonté d’y remédier, ne fut pas le résultat d’un phénomène de génération spontanée. Comme toute naissance, il fut précédé par une période de gestation, dans un contexte spatio-temporel dont il convient de prendre la mesure. Telle est la perspective dans laquelle s’inscrivent aux États-Unis les recherches récentes sur Seneca Falls et le rôle d’Elizabeth Cady Stanton1.
Un monde
2Le contexte international, avec les poussées libérales et nationalistes des années 1830 en Italie, en France, en Autriche, en Hongrie et en Allemagne, puis les révolutions de 1848 en France, en Autriche, en Allemagne, en Pologne et en Italie, est celui du printemps des peuples, toile de fond de révoltes et d’effervescence, voire de révolutions. Dès les années 1830, des liens commencèrent à s’établir entre les toutes premières féministes de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et des États-Unis. Le développement des moyens de communication et d’échanges à cette époque les multiplia et les renforça au fil des ans2. Souvent peu appréciées par leurs compatriotes, les premières féministes comptèrent sur une meilleure compréhension de la part de leurs homologues d’autres pays. Il ne s’agissait pas encore de mouvements organisés, mais des voix s’élevèrent, qui reçurent ainsi un écho favorable hors de leurs frontières, et gagnèrent en vigueur à la suite des révolutions de 18483. En particulier, la répression qui suivit les révolutions en France, en Allemagne et en Autriche incita les féministes de ces pays, parfois condamnées à l’exil, à faire appel à leurs sœurs des États-Unis et d’Angleterre. Ainsi s’élaborait la « matrice d’un féminisme qui transcendait les frontières des nations »4.
3Comment concevoir alors le poids de Seneca Falls, petite localité du nord de l’État de New York, au regard du train du monde ? Comment ne pas comprendre que la Convention sur les droits de la femme qui s’y tint en 1848 ne fut pas un commencement absolu ? Comment apprécier le rôle d’Elizabeth Cady Stanton, à la mise savamment apprêtée, mère affectueuse d’une nombreuse famille, bien née dans une famille privilégiée, figure improbable tellement éloignée des stéréotypes véhiculés par les tenants d’un patriarcat bien établi ? Nombre de questions trouvent leur réponse, et nombre de doutes s’apaisent si l’on accepte de considérer dès le départ que quelle que soit sa colère, ce n’est pas un simple coup de tête de sa part, ni quelque brusque accès d’une incoercible indignation, qui peuvent expliquer la décision capitale prise par un après-midi de juillet 1848. Le titre proposé annonce l’esquisse d’une double naissance, ou plutôt d’une double éclosion : celle du féminisme américain, et celle d’une femme qui devait peu à peu mettre son intellect remarquable au service d’une cause à laquelle elle allait demeurer fidèle jusqu’à la fin de ses jours.
Une nation
4Aux États-Unis, pendant la première moitié du XIXe siècle, le droit coutumier hérité d’Angleterre perdurait. Il rapprochait la situation légale de la femme de celle des esclaves, malgré des conditions de vie plus favorables. Le principe de coverture faisait de la femme mariée une feme covert, toute entière soumise à l’autorité de son mari auquel elle devait obéissance, et susceptible de se voir infliger une modest correction si elle se montrait par trop rétive. Chef de famille, l’époux avait également totale autorité sur les enfants du mariage. Seules les femmes célibataires âgées de plus de vingt et un ans ou les veuves, bénéficiaient de quelques menus avantages liés à leur statut de feme sole. Les Commentaries on the Laws of England (Commentaires sur les lois d’Angleterre) publiés entre 1765 et 1769 par William Blackstone5, juriste anglais, étaient la source principale d’un arsenal législatif contraignant qui signait l’incapacité de la femme : selon une logique imparable, mari et femme devenaient une seule et même personne, ce qui privait de tout fondement l’idée même de droits pour l’épouse, dès lors inutiles par définition. Tels furent les fondements, complétés par les ouvrages et les décisions des juristes américains James Kent et Joseph Story, de la formation reçue en son étude par les stagiaires du juge Daniel Cady, père d’Elizabeth. Tels furent aussi les principes qui guidèrent ses conseils aux femmes venues lui demander de l’aide, en des conversations qui parvenaient aux oreilles attentives de sa fille6.
5À cet héritage juridique, s’ajoutèrent peu à peu de nouveaux éléments de pesanteur liés à une transformation progressive de la société américaine. Alors que dans l’Amérique coloniale l’homme et la femme avaient été, par nécessité, étroitement associés par le travail de la ferme et de l’aménagement du territoire, les premières années du XIXe siècle virent émerger une classe moyenne qui tirait ses revenus du commerce, puis de l’industrie naissante. Le fossé se creusa alors entre la sphère privée, celle du foyer, domaine de la femme, et la sphère publique, celle du monde du travail et de l’argent, réservée à l’homme. De cette division de la société américaine en deux sphères séparées Alexis de Tocqueville fit en 1840 l’apologie dans le volume 2 de De la démocratie en Amérique en un chapitre tout à la gloire de ce qu’il considérait comme un modèle d’égalité démocratique dont l’Europe était très éloignée. Ainsi l’on peut lire que :
Les Américains ont appliqué aux deux sexes le grand principe d’économie politique qui domine de nos jours l’industrie. Ils ont soigneusement divisé les fonctions de l’homme et de la femme, afin que le grand travail social fût mieux fait. […] Si l’Américaine ne peut point s’échapper du cercle paisible des occupations domestiques, elle n’est, d’autre part, jamais contrainte d’en sortir.7
6Hormis le fait qu’il n’est tenu aucun compte par cet aristocrate de l’obligation dans laquelle se trouvaient certaines femmes de sortir du cercle domestique pour gagner l’argent du foyer, on perçoit clairement chez Tocqueville la vision partiale et entièrement positive d’un fait de société bientôt érigé en une véritable théorie. La pression idéologique interdisait à la femme l’accès aux activités liées au domaine public, qu’il s’agisse bien sûr de véritables carrières, de participation politique, mais même de tout ce qui la mettait en contact avec le monde extérieur. Le devoir de se taire devenait impératif, renforcé en sa vigueur par nombre d’influences religieuses qui puisaient leur autorité dans la lecture de certains passages de la Bible, et notamment dans quelques extraits des épîtres de Paul8. Les femmes qui avaient l’audace de prendre la parole en public étaient taxées de Fanny Wrightism9. Les sœurs Grimké10 durent livrer un véritable combat pour avoir le droit de parler en public. L’expression « femme publique » était synonyme de « prostituée », et les femmes qui se mêlaient d’écrire et de publier n’étaient guère mieux considérées. D’elles le romancier Nathaniel Hawthorne déclara même en 1842 qu’elles perdaient alors toute délicatesse, et qu’un tel acte « avait sur elles les mêmes effets que celui qui aurait consisté pour elles à se promener à travers les rues complètement nues »11. Seule circonstance atténuante pour l’omission dont Tocqueville se rend coupable, seules méritaient le titre de ladies celles qui respectaient les préceptes sur lesquels reposait le culte de la vraie femme, élaboré dès les années 1820, et qui resta vivace jusqu’à la veille de la guerre Civile12.
7Piété, pureté, docilité et attachement indéfectible au foyer familial (domesticity) telles étaient les vertus cardinales constitutives de toute féminité digne de ce nom. Elles étaient censées protéger la femme du bruit et de la fureur du monde extérieur, et lui permettre d’assurer le bonheur de son seigneur et maître, sorte de repos du guerrier, pour celui qui devait affronter les dures réalités d’une économie en mutation. Elles tenaient en fait la femme prisonnière de ce que Barbara Welter appelle joliment « ceinture de chasteté sociétale »13. On pardonnait à l’homme des écarts, adultère compris, qui soumettaient la femme aux pires disgrâces. Deux poids, deux mesures, telle était l’égalité démocratique à l’américaine célébrée par Tocqueville. La maternité, conséquence logique du mariage, et la mission éducative qui incombait à la femme, contribuaient aussi grandement à son maintien au foyer. Les vraies femmes intériorisaient ce partage des tâches et des attributions, et certaines d’entre elles faisaient facilement leur le slogan suivant : « que les hommes s’occupent de politique, et nous nous occuperons des enfants ». La femme devenait l’ange du foyer dans l’imaginaire collectif, entraînée à se dévouer pour les autres, à développer et à incarner les qualités du cœur tandis que l’homme, lui, était censé représenter la tête pensante. Ce faisant, elle signait fatalement sa dépendance, sa soumission à celui qui se présentait comme son protecteur, tout de force et de courage. Le piédestal sur lequel on plaçait les épouses et les mères américaines faisait illusion au regard de certains visiteurs européens (dont Tocqueville), alors qu’il s’agissait d’un leurre qui ne pouvait compenser leur infériorité légale et sociale. Il n’empêche que la métaphore du « lierre accroché au pin majestueux » en vint à représenter couramment les relations idéales entre l’homme et la femme de cette époque14.
8Néanmoins dans le même temps, l’ère des réformes battait son plein. L’Amérique vit naître dans les années 1820-1830 un vaste courant d’activité intellectuelle et réformatrice. Nourri à la fois par la perception d’un décalage entre les idéaux républicains du XVIIIe siècle et l’évolution de la société américaine, mais aussi par la persistance d’une croyance optimiste en la perfectibilité de l’être humain, il se déclina, sauf dans les États du Sud, en de multiples croisades auxquelles les femmes s’associèrent à des degrés divers. Ce fut pour elles l’occasion d’un espoir : celui de jouer un rôle public plus important malgré des limites dont les plus déterminées tentèrent de s’affranchir. Cependant les obstacles rencontrés expliquent pour une part le ralentissement jusqu’en 1848 de l’éclosion d’un mouvement que Lucretia Mott et Elizabeth Cady Stanton avaient formé le projet de lancer dès 1840 lors de leur rencontre à Londres15.
9Historiennes et historiens divergent sur les causes de l’éruption des divers mouvements de réforme qui virent le jour entre 1830 et la guerre Civile. Toutes et tous s’accordent néanmoins à reconnaître l’importance de la flambée d’évangélisme protestant qui impulsa le Second Great Awakening (Deuxième grand réveil religieux)16. Nombre de revival-meetings (réunions pour le renouveau) de la foi parfaitement orchestrées, furent organisées, aux pratiques spirituelles parfois très spectaculaires où l’émotion l’emportait volontiers sur la réflexion. Cet intense effort d’évangélisation dépassait le clivage entre les diverses sectes protestantes, nombreuses aux États-Unis, même si l’influence des quakers, des unitariens et de certains baptistes fut particulièrement décisive. Le plus célèbre des évangélisateurs de l’époque, Charles Grandison Finney17, rendit inoubliable le Grand Troy Revival de 1831, où s’affirma un clair rejet des dogmes du calvinisme, au premier rang desquels celui de la prédestination. Le rôle des femmes dans ce contexte fut longtemps sous-estimé, alors qu’elles prirent part aux réunions dont elles assurèrent parfois la promotion. Elles s’employèrent même à provoquer des conversions, objectif essentiel de ces manifestations. Tel fut le cas, par exemple de Sojourner Truth, ancienne esclave, remarquable prédicatrice18. Ce réveil du sentiment religieux venait renforcer chez les femmes le sens de la haute mission salvatrice qui leur était confiée. Le culte de la vraie femme paradoxalement portait en lui les germes de sa propre destruction : hors de sa sphère la femme devrait s’occuper du monde que les hommes étaient en train de défigurer. Les réunions de prière, les séances de lecture de la Bible stimulaient l’effort de réforme morale d’une société qu’il semblait possible d’améliorer.
10Nombreux furent les domaines animés par l’esprit de réforme. Des femmes apportèrent leur contribution active aux efforts de réformes sociales, sans que la défense de leurs droits soit d’emblée leur premier souci. Les mouvements les plus visibles concernaient l’opposition aux lynchages, le traitement des Indiens d’Amérique, la réforme des prisons, les soins aux malades, le sort des malades mentaux et des handicapés, et maintes autres formes d’activisme bienfaisant. La lutte contre l’alcoolisme, stimulée dès le début du siècle par les Églises qui le dénonçaient comme un péché, constitua dans bien des cas le premier combat des futures féministes. La croisade contre la prostitution, et l’opposition à un système qui édictait des règles morales infiniment plus strictes pour les femmes que pour les hommes mobilisèrent aussi les énergies. Il existait en 1833 quelque 6 000 associations locales qui œuvraient en ce sens, auxquelles la New York Female Moral Reform Society, réunie en 1834, fournit une vitrine nationale. Un même esprit, à coloration spirituelle, inspirait ces différents combats : selon la belle remarque d’Angelina Grimké dans une lettre à Theodore Weld, en août 1837 :
Les réformes morales sont liées entre elles par un cercle, tout comme les sciences ; elles se fondent les unes aux autres comme les couleurs de l’arc-en-ciel, elles sont les parties d’un tout glorieux, et ce tout, c’est le christianisme, le christianisme en sa pureté et sa mise en pratique.19
11Si dans bien des cas les organisations réformatrices furent dominées par des hommes et des femmes de race blanche, plutôt aisés, faisant montre parfois d’un certain sentiment de supériorité, néanmoins quelques remous agitèrent les couches laborieuses de la société. Le salaire des femmes employées dans les usines et les ateliers en 1833 représentait le tiers de celui des hommes, et les femmes qui travaillaient à domicile vivaient le plus souvent dans de véritables taudis. La révolte commença à gronder à Lowell, localité du Massachusetts, cœur de la production textile, où en 1834 une ouvrière prononça un discours sur les droits des femmes inspiré de Mary Wollstonecraft20. Des grèves éclatèrent en 1840, et l’on commença à s’organiser. Ainsi la Lowell Female Labor Reform Association vit émerger Sarah Bagley, première femme syndicaliste d’envergure entre 1845 et 1846. On découvrait la nécessité de l’union, de la contestation organisée, tandis que résonnait la voix d’Orestes Brownson21 qui, en 1840, avec The Laboring Classes (La classe ouvrière), préfigura Karl Marx dans son annonce d’une révolution prolétarienne.
12Le deuxième quart du XIXe siècle vit aussi l’éclosion de maintes communautés utopiques sur lesquelles le grand public portait un regard plutôt sceptique et amusé, mais qui marquèrent leur époque. Les théories avancées par Ralph W. Emerson, principale figure du transcendentalisme américain, allaient même laisser une empreinte durable sur l’histoire des idées aux États-Unis. Avec The American scholar en 1837, célébration des vertus américaines, puis sa Divinity school address, hymne à la présence de Dieu dans chaque individu en 1838, le « sage de Concord » posa les bases d’une philosophie nouvelle qui rejetait clairement la vision pessimiste du calvinisme. La croyance en la perfectibilité de l’être humain et le rêve d’accomplissement du potentiel de chacun, animèrent toutes les communautés utopiques, parmi lesquelles l’expérience menée à Brook Farm, dans une ferme proche de Boston, à l’initiative de George Ripley (ancien pasteur unitarien) et de sa femme Sophia, de 1841 à 1847. Dans sa Constitution cette communauté, promettait aux femmes qu’elles seraient libérées de la tyrannie des hommes et du fourneau, et pourraient développer leur identité propre. On peut la reconnaître dans The Blithedale Romance que Nathaniel Hawthorne publia en 1852. Son personnage de Zenobia y fait figure de double fictif de Margaret Fuller, auteure en 1845 de Woman in the Nineteenth Century22. Sensible à la misère intellectuelle des femmes, cette amie d’Emerson et de Bronson Alcott, tenta d’y remédier par ses conversations du samedi, à Boston, entre 1830 et 1844. Ses efforts et son renom, lui valurent d’être décriée au même titre que les blue stockings (bas bleus) ridiculisées par les caricatures d’Honoré Daumier en 1844. Edgar A. Poe alla même jusqu’à affirmer qu’il y avait « les hommes, les femmes et Margaret Fuller », espèce à part, donc, en marge du genre humain23. Tel était le prix à payer par celles qui se mêlaient de penser.
13Mais de tous les combats menés par les réformateurs, ce fut la lutte pour l’abolition de l’esclavage qui s’avéra la plus productive pour la promotion des droits des femmes. Bloqué au Congrès par les représentants des États du Sud, le sentiment s’exprima en d’autres lieux, notamment dans les églises où, à partir de 1830, le discours revêtit des accents moraux et religieux. Les femmes alors purent y prendre part, mettant à profit leurs qualités de cœur, signes distinctifs d’une féminité respectable. Ce fut l’occasion pour elles de développer des qualités organisationnelles, de prendre conscience des préjugés sexistes dont leurs frères de combat n’étaient pas exempts, de parler et de revendiquer leur droit à la parole. Même dans le cas de la très respectée Lucretia Mott, des limites leur furent imposées en effet : on admettait qu’elles répandent la bonne parole antiesclavagiste aux autres femmes, tandis que les hommes s’en prenaient aux structures du pouvoir au niveau le plus élevé. Ainsi dans l’American Anti-Slavery Society (Association américaine contre l’esclavage) créée par William L. Garrison24 et Theodore Weld en 1833, elles avaient le droit d’assister aux réunions et de parler, mais ne pouvaient voter lors de prise de décisions importantes. De telles entraves furent à l’origine de la création de la Philadelphia Female Anti-Slavery Society (Société antiesclavagiste des femmes de Philadelphie) à l’initiative de Lucretia Mott, imitée par d’autres à New York, à Boston et ailleurs en Nouvelle-Angleterre. Puis se tint, en 1837, la première convention de la National Female Anti-Slavery Society (Association nationale des femmes contre l’esclavage). Faisant fi de ces résistances, et parfois de ces hostilités, des voix influentes s’élevèrent, parmi lesquelles celle d’Abby Kelley qui organisait des female anti-slavery fairs (kermesses de femmes antiesclavagistes) et consacra une vingtaine d’années de sa vie à parcourir le pays en tournées de conférences dans lesquelles elle s’élevait contre tous préjugés, qu’il soient liés à la race ou au genre25. Décisive aussi fut la détermination de Sarah et Angelina Grimké, qui quittèrent leur vie sur la plantation paternelle en Caroline du Sud, pour s’installer à Philadelphie et défendre non seulement l’abolition de l’esclavage, mais aussi le droit des femmes à parler en public, et devinrent les premières femmes agents officiels contre l’esclavage aux États-Unis. Rien ne les effarouchait, même pas les menaces des Églises à travers la Pastoral Letter (Lettre pastorale) de 1837, à laquelle Sarah opposa dès 1838 une réplique cinglante dans ses Letters on the Equality of the Sexes and the Condition of Woman (Lettres sur l’égalité des sexes et la condition de la femme). Impressionnée par leur courage, l’historienne Gerda Lerner, dans un texte publié en 1979, allait voir en ces deux soeurs « les deux femmes oubliées qui lancèrent le mouvement de défense des droits de la femme »26. Avec elles le droit de dire prévalait sur le devoir de se taire. Avec l’abolitionnisme fut ouverte la brèche la plus sérieuse dans la cloison étanche qui séparait les sphères, même si, très vite, on commença à prier les femmes de ne pas nuire à la cause des esclaves en militant pour la leur, fixant ainsi à leur action des limites dont elles allaient faire l’expérience à la Conférence mondiale contre l’esclavage réunie à Londres en 184027.
Un lieu
14Si, sans oublier le contexte européen et national, l’approche revêt un caractère plus régional, voire local, il convient de constater que les forces évoquées à l’instant produisirent leurs effets à ce niveau également. La partie septentrionale de l’État de New York fut transformée par l’ouverture en 1825 du canal de l’Érié qui relia l’Hudson au lac Érié et établit une voie fluviale entre l’océan Atlantique et les Grands Lacs. Elle devint alors le Burned-Over District, balayé par une flambée d’activités religieuses et réformatrices. Charles G. Finney y remporta quelques-uns de ses succès les plus éclatants, des groupes utopistes souvent inspirés de Charles Fourier28 y prospérèrent, le sentiment antiesclavagiste y trouva un terreau fertile, et c’est là aussi que le sentiment de défense des droits des femmes allait engendrer les prémices d’un véritable mouvement.
15C’est à Seneca Falls surtout que l’on songe quand on pense aux droits des femmes, et l’on peut se demander, pourquoi porter l’attention sur ce coin reculé de l’État. Telle est la question posée par Judith Wellman qui nous relate un « Conte de deux villages »29, celui de Waterloo et Seneca Falls, alors les deux centres principaux du comté de Seneca, où l’énergie hydraulique fournie par le fleuve Seneca favorisa le développement d’usines. Les premiers colons de la région, fermiers pour la plupart, écoulaient leurs produits dans ces deux localités. Avec les années 1840, les deux villages connurent une période de transformation économique, démographique et culturelle remarquable. Dès la fin des années 1820, l’aménagement du canal Cayuga-Seneca favorisa les échanges et stimula le développement des minoteries à Seneca Falls dont la population passa de 2 603 à 3 786 habitants entre 1830 et 1835. La dépression de la fin des années 1830 entraîna cependant la fin de la prospérité au début des années 1840. Waterloo, dont la vie économique n’était pas liée aux céréales, connut dans le même temps une histoire plus heureuse. Le village acquit une usine de traitement de la laine, depuis la tonte jusqu’à la fabrication d’étoffes, sorte d’illustration de la révolution industrielle. Sa population s’accrut de 37 % entre 1835 et 1840. Si bien qu’en 1845, les deux villages étaient pratiquement à égalité d’un point de vue démographique30. L’industrialisation et le développement des transports par voie ferrée transformèrent la vie économique et sociale de l’une et l’autre localités. La plupart des adultes de Seneca Falls étaient des immigrants venus d’États autres que celui de New York, ou même de contrées plus lointaines. Certains groupes de protestants et d’Anglo-Saxons nourrissaient des sentiments mêlés à l’égard d’immigrés irlandais, catholiques, celtes et pauvres.
16Dans l’espoir de recréer un monde ordonné et moral, beaucoup se tournèrent alors vers la religion. Des réunions de renouveau religieux furent organisées çà et là, dont certaines avec Joseph Smith31 conduiront ultérieurement à la naissance des mormons. Les réformes religieuses furent particulièrement nombreuses en 1842 et 1843. Certains baptistes et méthodistes préparaient le retour du Christ, et se montraient sensibles au message de William Miller qui prédit l’événement pour une date comprise entre le 21 mars 1843 et le 21 mars 184432. Quelques méthodistes désapprouvant la position de leur Église trop indulgente pour les esclavagistes formèrent la secte dissidente des Wesleyan Methodists en 1843. Mais aux structures strictement religieuses on préféra parfois diverses organisations de réformes : associations de lutte contre l’alcoolisme ou contre l’esclavage essentiellement, mais non exclusivement. Quelques-uns encore rejoignent l’une des deux communautés utopistes de la région, à Sodus Bay, au bord du Lac Ontario, ou à Skaneateles, à l’est de Seneca Falls, toutes deux d’inspiration fouriériste. Seneca Falls fut atteint par la philosophie transcendaliste développée par Emerson et Bronson Alcott grâce aux articles du Dial, relayés et vantés par le Seneca Falls Democrat qui alla jusqu’à déclarer : « C’est notre magazine favori. »33
17L’esprit de réforme, nourri par une certaine déception à l’égard de l’existant et une aspiration à la perfection, animait maints habitants de Seneca Falls34. Parmi eux la famille Bascom se distingua tout particulièrement. Le père, Ansel Bascom, juriste et homme politique, était le réformateur le plus enthousiaste de la ville. Favorable aux réformes de la loi, à l’abolition de l’esclavage et à la lutte contre l’alcoolisme, il soutenait le journal The Water Bucket (Le seau d’eau), tandis que sa fille Mary présidait la Ligue antialcoolique féminine de Seneca Falls. La maison des Bascom, sur la colline, servait de centre pour des pique-niques antialcooliques, et des conférences sur diverses réformes. Ainsi, en 1842, une temperance parade, vaste défilé contre l’alcoolisme, rassembla mille personnes qui pique-niquèrent dans le verger des Bascom. À cette occasion on lut la Déclaration d’indépendance des États-Unis, puis une nouvelle Temperance Declaration of Independence, Seneca Falls se prononça par un vote pour une abstinence totale, et en 1849 Amelia Bloomer35 allait lancer The Lily (Le Lis), son journal contre l’alcoolisme.
18S’agissant de la lutte contre l’esclavage, Ansel Bascom et Henry Stanton étaient actifs dans l’organisation de l’Underground Railroad, réseau clandestin de passeurs et de demeures d’abolitionnistes qui aidaient à la fuite des esclaves vers le Canada. Mary Bascom elle-même prononça nombre de discours, cependant écrits par son mari. Des pétitions avaient été adressées au Congrès par les femmes de la région dès 1838. Et Abby Kelley, originaire du Massachusetts, introduisit l’essentiel du débat sur la question à Seneca Falls où elle se rendit en 184336. Engagée dans un tour du pays pour le compte de l’American Anti-Slavery Society, cette adepte de l’abolition immédiate de l’esclavage prônée par William L. Garrison se vit refuser à Seneca Falls l’accès des églises où elle souhaitait s’exprimer. Elle le fit alors depuis la terrasse de la maison des Bascom. Face à l’hostilité qu’elles rencontrèrent, les femmes réagirent en organisant des cercles de couture ou l’on parlait de bien autre chose que de l’art de repriser les bas, des foires antiesclavagistes, et soutinrent ouvertement le journal de Frederick Douglass publié à Rochester. La fureur des presbytériens stimula paradoxalement leur activité et leur réflexion près de cinq ans avant qu’advienne la Convention de Seneca Falls. On peut affirmer, avec Judith Wellman qu’en juillet 1848 à Seneca Falls et aux alentours, il y avait de la « révolution dans l’air »37.
19Les femmes, prisonnières de la théorie des sphères, passaient généralement plus de temps entre elles qu’en la compagnie des hommes, et un sentiment de solidarité peu à peu émergeait, qui donnait sens au « nous » utilisé prématurément mais courageusement par Abigail Adams dans la lettre célèbre adressée à son époux en mars 177638. S’y ajoutait donc un contexte favorable qui les galvanisa. Il permit à Elizabeth Cady Stanton, à qui il fut donné de goûter à la fois aux réformes impulsées par de grandes esprits à Boston, puis aux tourments et turbulences de Seneca Falls, d’infléchir le cours du temps.
Une femme
20Le resserrement progressif du champ de ces remarques contextuelles conduit assez logiquement à l’évocation des principales étapes du parcours d’Elizabeth Cady Stanton, à travers quelques repères biographiques significatifs, touche finale de ce rapide survol en forme de prologue39.
21Elle naquit le 12 novembre 1815, dans la famille la plus importante de Johnstown (New York), huitième de onze enfants dont cinq moururent en bas âge, et l’un à l’âge de vingt ans. Seules Elizabeth et quatre de ses sœurs vécurent jusqu’à l’âge adulte. Son père, Daniel Cady, l’un des plus riches propriétaires de l’État, presbytérien obsédé pas son salut, conservateur en politique, siégea au Congrès de New York, puis au Congrès des États-Unis pour le parti fédéraliste de 1814 à 1817. Juge éminent, il devint membre de la Cour suprême de l’État de New York en 1847. Juriste renommé, expert en droit de la propriété, il attirait des stagiaires venus de tout le pays, dont quatre allaient devenir ses gendres. Son épouse, Margaret Livingston, était une femme de tempérament, peu présente dans l’autobiographie d’Elizabeth Cady Stanton qui utilisera cependant pour elle l’adjectif queenly (semblable à une reine) également employé avec respect pour l’éducatrice Emma Willard40. Il est malaisé d’apprécier l’influence au sein de la famille de cette mère épuisée par de nombreuses grossesses et rendue dépressive par la perte de tant d’enfants. Tryphena, de onze ans plus âgée qu’Elizabeth, allait, avec son époux Edward Bayard, assumer en grande partie l’éducation de sa jeune sœur.
22Dans un contexte familial conservateur, grâce à une sécurité matérielle garantie, Elizabeth acquit une remarquable confiance en elle-même, et une éducation bien supérieure à celle de la grande majorité des femmes de son époque. Après les rudiments transmis dans sa petite enfance par la Maria Yost’s dame school (école maternelle tenue par une femme), elle fréquenta la Johnstown Academy, école secondaire privée où mixité et égalité étaient la règle. Elle y partagea avec joie les jeux des garçons, et aimait rivaliser avec eux dans les classes de mathématiques et de langues.
23Une première et cinglante expérience personnelle de la discrimination à l’encontre des femmes lui fut infligée quand, en 1830, à l’issue de sa scolarité à la Johnstown Academy, elle se vit interdire l’entrée à Union College où ses camarades masculins furent admis alors qu’elle les avait souvent surpassés. À cette date aucun établissement d’enseignement supérieur n’admettait de jeune fille41, et son père ne comprit guère qu’elle voulût poursuivre ses études. Grâce à l’insistance d’Edward Bayard elle put cependant, en janvier 1831, intégrer le Troy Female Seminary (New York) fondé par Emma Willard. Elizabeth n’apprécia guère cet isolement unisexe, mais éprouva une grande admiration pour cette pionnière en éducation, la première à préparer les jeunes filles au digne accomplissement de leurs devoirs domestiques, tout en leur enseignant la physiologie, la logique et la philosophie des Lumières sur les droits naturels. Elle fut en outre séduite par le message de Charles G. Finney qui, lors de son passage à Troy, parlait d’un puritanisme sans prédestination, tellement différent du calvinisme presbytérien qui berça son enfance.
24Diplômée de Troy en 1833, Elizabeth Cady retourna chez ses parents à Johnstown où elle mena la vie d’une jeune fille de la bonne société. Souci de sa coiffure et de sa tenue vestimentaire, courses à cheval, jeux de toutes sortes, fêtes en excellente compagnie, constituaient autant d’ingrédients qui en d’autres lieux étaient le quotidien des belles du Sud. Puis, après 1838, elle multiplia les visites à son cousin Gerrit Smith42 à Peterboro (New York). Elle y côtoya des abolitionnistes et des esclaves fugitifs au sein d’une famille engagée dans maintes réformes, où allaient bon train des discussions proscrites chez elle par son père le juge Cady. Elizabeth fut alors écartelée entre les opinions conservatrices qui prévalaient à Johnstown, et l’ouverture d’esprit qui régnait à Peterboro ou à Seneca Falls où sa sœur Tryphena et son époux s’étaient installés au milieu des années 1830.
25C’est à Peterboro qu’en octobre 1839 elle rencontra Henry B. Stanton, orateur de talent, abolitionniste de renom, qui avait œuvré pour l’admission des Noirs et des femmes à Oberlin College. Il se fixa pour mission de convertir Elizabeth à la cause abolitionniste et de la soustraire au « tourbillon vertigineux des extravagances mondaines »43. Gerrit Smith et Edward Bayard l’incitèrent eux aussi à élargir la sphère de ses préoccupations. La personnalité de Henry B. Stanton, qui lui parla assez vite de mariage, ne la laissa pas indifférente. Comme il devait partir pour Londres pour participer à la Convention mondiale pour l’abolition de l’esclavage, elle décida, malgré l’opposition du juge Cady qui menaça de la déshériter, d’épouser celui qui était de dix ans son aîné, et n’avait ni carrière, ni véritable projet, ni revenu stable. D’un commun accord, lors de la cérémonie de mariage, les deux époux supprimèrent la promesse d’obéissance de l’épouse à son mari. Ils embarquèrent peu après, le 12 mai 1840, sur le Montreal, en partance pour Londres, afin de participer à l’événement mondial qui leur tiendrait lieu de voyage de noces.
26À Londres, Elizabeth Cady Stanton fit la connaissance de Lucretia Mott, quaker respectée, dûment accréditée comme déléguée à la Convention, avec laquelle elle partagea l’humiliation et l’indignation de voir les femmes exclues des débats. De retour en Amérique en décembre 1840 les époux s’installèrent dans la maison des Cady à Johnstown. Henry étudia le droit avec son beau-père, et passa l’examen du barreau en octobre 1842. Il fut ensuite engagé par un cabinet de Boston (Massachusetts) où le jeune couple s’installa en juin 1844. Entourée d’amis cultivés, aidée par des domestiques, Elizabeth savoura la joie de régner sur une maisonnée dont les corvées les plus éreintantes lui étaient épargnées. La vie sociale, politique et intellectuelle de Boston la satisfaisait pleinement, et la liste des amis du couple ressemblait à l’annuaire des réformateurs de l’époque44. Elle put assister à des réunions d’abolitionnistes, et apprécier la compagnie de Frederick Douglass, William L. Garrison, Louisa May Alcott, Robert Lowell, Ralph W. Emerson et bien d’autres éminentes personnalités. Elle put même visiter la communauté utopique de Brook Farm qui l’impressionna beaucoup45. Elle subit l’influence de Theodore Parker, voisin d’Emerson, en son refus d’une interprétation littérale de la Bible, et un libéralisme qu’il poussa jusqu’à suggérer que Dieu était peut-être androgyne. Là se trouvèrent amorcées la libération et l’indépendance religieuses d’Elizabeth Cady Stanton. Là aussi se trouva esquissé ou creusé, à propos du droit de vote des femmes, le désaccord qui l’opposait à son époux et à son père, et la poussa à opter pour les positions plus libérales de William L. Garrison.
27En 1847 diverses raisons incitèrent Henry Stanton à s’éloigner de Boston, et il décida de s’installer à Seneca Falls, au nord-ouest de l’État de New York. La maison, achetée par le juge Cady en dépit de ses réticences à l’égard d’un gendre politiquement et financièrement peu conforme à ses rêves, était située à l’écart de la ville, près du lac Cayuga. Les époux lui donnèrent le nom de Grasmere, en souvenir de celle de Wordsworth qu’ils avaient visitée en Angleterre46. Quatre enfants allaient y naître entre 1851 et 185947, selon un programme de maternités volontaires si l’on en croit Elizabeth Cady Stanton qui considérait que les femmes devaient avoir la maîtrise de leur sexualité et de leurs grossesses. Mère joyeuse, joueuse, indulgente, aux méthodes éducatives novatrices, Elizabeth était déjà mère de trois garçons âgés de deux à cinq ans lors de cette installation à Seneca Falls48. Privée d’aide pour assumer la charge de cette nombreuse famille, et privée aussi de l’environnement intellectuel stimulant de Boston, elle supportait difficilement la solitude, l’ennui et le surmenage, aggravés par les absences fréquentes de son mari, qui la gagnèrent dans ce nouvel environnement. Elle s’efforçait d’oublier sa fatigue, et de combler le vide, en s’investissant dans la vie de la communauté. Elle tissa dès 1848 des liens solides avec les femmes de son entourage avec lesquelles elle se sentait en harmonie. La déception, la découverte du sort peu enviable de nombre de femmes et les liens ainsi établis furent des éléments déclencheurs de la Convention sur les droits de la femme qu’elle organisa en juillet 1848 en collaboration avec Lucretia Mott, Martha Coffin Wright, Mary Ann McClintock, et Jane Hunt49. La réunion qui suivit quinze jours plus tard à Rochester confirma sa vocation d’activiste et de réformatrice : elle adopta dès lors le comportement offensif qu’elle avait jusqu’ici surtout observé chez d’autres. De maîtresse de maison désenchantée, elle devint féministe militante, propulsée aux avant-postes une vingtaine d’années avant que le mouvement en faveur des droits des femmes se donne une organisation, et soixante-douze ans avant l’amendement constitutionnel qui allait leur permettre de voter. Lucretia Mott eut tôt fait de discerner en elle ce rôle moteur quand, dès le 3 octobre 1848, elle lui écrivit : « Tu es à ce point mariée à cette cause que tu dois t’attendre à œuvrer comme pionnière de la tâche à accomplir. »50
28Ce destin prit forme grâce à la rencontre, le 12 mai 1851, de Susan B. Anthony51, alors enseignante dans une école quaker, de passage à Seneca Falls pour assister à une conférence sur l’abolition de l’esclavage52. Elle fut présentée à Elizabeth Cady Stanton par Amelia Bloomer53. Ce fut le début d’un tandem efficace, selon lequel Elizabeth rédigeait textes et discours que Susan, célibataire et donc plus libre de ses mouvements, diffusait dans tout le pays, portant ainsi la bonne parole de celle qui devint la tête pensante du mouvement. Associées d’abord dans le combat contre l’alcoolisme, elles se consacrèrent ensuite plus directement au sort des femmes. Les préoccupations d’Elizabeth couvraient une large palette de revendications qui incluait entre autres la garde des enfants, le droit de propriété, l’accès à l’emploi, les salaires, le divorce, la santé et le contrôle des naissances. Susan B. Anthony, elle, se concentrait davantage sur le droit de vote. Mais en dépit de quelques désaccords, la collaboration et l’amitié des deux femmes ne se démentirent jamais.
29Elizabeth Cady Stanton trouva une forme d’épanouissement dans sa famille, essentielle à son équilibre. Son bonheur atteint des sommets lors de la naissance de sa première fille en 1842, et la lettre jubilatoire adressée à Lucretia Mott à cette occasion suffirait à prouver à quel point pour elle vie publique et vie privée étaient inextricablement liées. Son domicile devint un lieu ouvert à tous les défenseurs des droits des femmes54. Lieu de réunion pour tout le voisinage, il fut le cadre de danses et de fêtes, mais aussi de « conversations » sur le modèle de celles que Margaret Fuller organisait à Boston. Hommes et femmes de toutes conditions sociales étaient invités, le samedi soir, à présenter des essais d’une dizaine de minutes que l’on discutait ensuite55. Cette maison de Seneca Falls que les gens du village appelaient Locust Hill à cause des locust trees (caroubiers) qui l’entouraient devint aux yeux de certains, non sans quelque raison, le centre de la rébellion.
30En 1862, Henry Stanton, appelé à New York pour des raisons professionnelles s’y installa avec sa famille. La grande ville permit à Elizabeth de retrouver quelque peu l’animation qu’elle avait connue à Boston. Par excès d’optimisme, ou de naïveté, contrairement à Susan B. Anthony qui s’avéra plus méfiante, Elizabeth Cady Stanton approuva la guerre Civile, seul moyen à ses yeux de mettre un terme à l’esclavage mais aussi de s’attirer la reconnaissance du parti républicain qui – croyait-elle – accorderait alors aux femmes le droit de voter en récompense de leurs efforts. Elle fut atterrée par l’apparition du terme male dans l’énoncé des droits garantis par le 14e amendement à la Constitution fédérale. Quand, comme elle, certaines des premières féministes s’aperçurent que ni cet amendement ratifié en 1868, ni en 1870 le 15e amendement qui permit aux Noirs de voter ne concédaient le moindre droit aux femmes, elles rompirent avec les abolitionnistes qu’elles avaient soutenus dans leur combat. Leur vive colère les opposa à d’autres femmes, mais aussi à Gerrit Smith et Frederick Douglass en raison de la priorité accordée aux Noirs après l’émancipation. Dès 1860, pourtant, Elizabeth Cady Stanton avait exprimé son indignation dans un discours au Congrès de New York :
Les préjugés contre la couleur de peau, dont nous entendons tellement parler, ne sont pas plus forts que ceux qui s’exercent contre le sexe. Ils sont produits par les mêmes causes, et se manifestent de très semblable manière. La peau du Noir et le sexe de la femme sont tous deux la preuve visible et immédiate que l’un et l’autre sont destinés à être assujettis au Saxon blanc de sexe masculin.56
31La priorité accordée aux Noirs entraîna un véritable schisme chez les féministes elles-mêmes, et la création de deux organisations distinctes, voire rivales. La National Woman Suffrage Association – NWSA (Association nationale pour le droit de vote des femmes) fondée en mai 1869 par Elizabeth Cady Stanton et Susan B. Anthony, la plus radicale, n’admettait pas d’hommes parmi ses membres. Elle s’intéressait au sort des ouvrières en des accents parfois proches du socialisme qui, chez Elizabeth Cady Stanton, se teintaient de vagues connotations xénophobes à l’encontre des immigrés, et d’un anticléricalisme qui effaroucha les femmes les plus conservatrices. En novembre 1869 une autre association, l’American Woman Suffrage Association – AWSA (Association américaine pour le droit de vote des femmes) vit le jour à Boston, avec, entre autres membres, Lucy Stone et son époux Henry Blackwell. Moins choqué par la priorité accordée aux Noirs, ce groupe se focalisait sur le droit de vote, et s’intéressait moins aux autres aspects de la condition féminine dénoncés par Elizabeth Cady Stanton dès la Déclaration de sentiments de 1848.
32Après 1870, Elizabeth Cady Stanton consacra dix années de sa vie à parcourir le pays comme conférencière rémunérée, assurant la promotion du droit de vote en de nombreux États, et passant en moyenne huit mois par an hors de chez elle. Son allure maternelle, digne, ses rondeurs de plus en plus marquées jusqu’à l’obésité, étaient connues et respectées de tous. En 1880, fatiguée de cette vie itinérante, elle décida de se consacrer davantage à l’écriture. Ainsi, après la mort de Lucretia Mott en 1880, elle se mit au travail avec Susan B. Anthony et Matilda Joslyn Gage pour la rédaction et la publication de History of Woman Suffrage (Histoire du droit de vote des femmes) dont les trois premiers volumes parurent entre 1881 et 1885. Ses nombreux articles sur la Bible furent couronnés par The Woman’s Bible (La Bible de la femme), publiée à partir de 1895, où s’exprimait sa foi en un état laïc, et où elle tentait de montrer aux femmes comment l’orthodoxie religieuse et la théologie élaborée par les hommes obéraient leurs chances de devenir des êtres autonomes et des âmes libres. Ce traité lui valut inévitablement de vives inimitiés. Bien que désormais moins mobile, elle traversa six fois l’océan Atlantique entre 1880 et 1890 pour rendre visite à sa fille Harriot mariée à un Britannique, et à son fils Theodore, marié à une Française. À la demande de Susan B. Anthony, elle rentra cependant aux États-Unis pour la première réunion du International Council of Women (Congrès international des femmes) organisée à Washington (D. C.) en 1888 à l’occasion du quarantième anniversaire de la Convention de Seneca Falls57.
33Bien que peu favorable à la fusion des deux organisations féministes, elle accepta néanmoins d’assumer la présidence de la National American Woman Suffrage Association – NAWSA (Association nationale américaine pour le droit de vote des femmes), résultat de leur jonction, en 1890. En 1892, pour la première fois dans cette longue carrière d’agitatrice, elle s’adressa au Congrès fédéral à travers la commission judiciaire de la Chambre des représentants. Elle utilisa alors le texte de The Solitude of Self or Self-Sovereignty, qu’elle livra aussi en son intégralité à la Convention nationale de la NAWSA, et que d’aucuns considèrent comme le plus beau qu’elle ait jamais rédigé. En 1898 son autobiographie, Eighty Years & More : Reminiscences, 1815-1897, fut publiée pour la première fois. C’est dans l’appartement qu’elle occupait avec deux de ses enfants à New York qu’elle mourut le 26 octobre 1902. La veille encore, en un ultime geste public, elle avait dicté une lettre en faveur du droit de vote des femmes, lettre adressée à l’épouse du président Theodore Roosevelt. Lors de son inhumation dans le Woodlawn Cemetery du Bronx, un portrait de Susan B. Anthony fut placé sur son cercueil à la tête duquel on installa la table où avait été signée la Déclaration de sentiments à Seneca Falls, en 184858.
Notes de bas de page
1 Voir en particulier les travaux de B. S. Anderson, « The lid comes off : international redical feminism and the revolution of 1848 », et Joyous Greetings. The First International Women’s Movement, 1830-1860 ; et J. Wellman, « The Seneca Falls convention : setting the stage for women’s suffrage ».
2 Voir M. H. McFadden, Golden Cables of Sympathy : The Transatlantic Sources of Nineteenth-Century Feminism.
3 Voir B. S. Anderson, « The lid comes off : international radical feminism and the revolutions of 1848 ».
4 Voir B. S. Anderson, « Les débuts du féminisme international : les apports de l’histoire comparée et ses difficultés », p. 68.
5 Sir William Blackstone (1723-1780).
6 Les différents éléments hérités de Blackstone allaient se trouver déclinés, sous forme de doléances, dans la Declaration of Sentiments rédigée à Seneca Falls en 1848, dont on trouvera le texte ci-dessous. Les noms de Blackstone, Kent et Story, constituent une sorte de trilogie dans les souvenirs d’E. C. Stanton : voir Eighty Years & More : Reminiscences, 1815-1897, p. 26 et 50. James Kent (1763-1847) diplômé de Yale, publia quatre volumes de Commentaries on American Law (Commentaires sur le droit américain), New York, O. Halsted, 1826-1830, sorte de reformulation des commentaires de Blackstone. Joseph Story (1779-1845), diplômé de Harvard, fut nommé en 1811 par le président James Madison à la Cour suprême des États-Unis, où il siégea jusqu’à sa mort.
7 Voir A. C. H. Clérel de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, vol. II, 3e partie, chap. xii, « Comment les Américains comprennent l’égalité de l’homme et de la femme », p. 264. Alexis Charles Henri Clérel de Tocqueville (1805-1849) publia les deux volumes de son ouvrage en 1835 et 1840. Envoyé en mission aux États-Unis pour y étudier le système carcéral, il s’intéressa au système politique américain.
8 À titre d’exemple, voir la Ire Épître de Paul à Timothée, 2, 12 : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence. »
9 Voir B. S. Anderson, Joyous Greetings…, p. 120. Frances « Fanny » Wright, d’origine écossaise, prit la nationalité américaine en 1825 et eut aux États-Unis une réputation sulfureuse. Elle défendit l’abolition de l’esclavage, une éducation égale pour tous, l’amour libre et maints autres droits, notamment pour les femmes et les Noirs. Elle fut, en 1828, la première femme à prendre la parole en public devant un auditoire mixte, lors de son discours à New Harmony (communauté utopique fondée par Robert Owen) le jour de la célébration de l’Indépendance des États-Unis. Il convient de remarquer que c’est son portrait que Elizabeth Cady Stanton, Susan B. Anthony et Matilda Joslyn Gage, firent figurer en première page de leur History of Woman Suffrage (1881).
10 Sarah Moore (1792-1873) et Angelina Emily (1805-1879). Nées dans une famille d’aristocrate du Sud, elles rejoignirent les quakers de Philadelphie, Sarah en 1821 et Angelina en 1829. Un ouvrage leur sera consacré par Colette Collomb-Boureau, dans le cadre de la collection les Fondamentaux du féminisme anglo-saxon publiée par ENS Éditions.
11 Cité dans B. S. Anderson, Joyous Greetings…, p. 102.
12 Expression empruntée à Barbara Welter, dans son article « The cult of true womanhood, 1820-1860 », publié pour la première fois en 1966.
13 Pour les divers éléments qui, aux États-Unis, concouraient au maintien du statut d’infériorité de la femme, voir C. Fillard et C. Collomb-Boureau, Les mouvements féministes américains, chap. i, « Aux origines du féminisme américain », p. 9-27.
14 Voir B. S. Anderson, Joyous Greetings…, p. 42.
15 Que l’Amérique n’ait plus été à la hauteur de ses idéaux démocratiques d’origine, est l’une des idées forces de Harriet Martineau dans Theory and Practice of Society in America, Londres, Saunders and Otley, 1837. Harriet Martineau (1802-1876), journaliste, sociologue et activiste britannique avait séjourné aux États-Unis en 1834-1835. Pour l’allusion à 1840, voir ci-dessous, le troisième texte traduit, relatif au congrès mondial contre l’esclavage organisé à Londres. Lucretia Coffin Mott (1793-1880), quaker, était connue pour les conférences sur la religion, l’abolition de l’esclavage, la paix et autres réformes sociales, qu’elle donnait en divers lieux des États-Unis.
16 Deuxième grand réveil, entre 1830 et 1832, par allusion au Premier grand réveil que connurent la Grande-Bretagne et l’Amérique dans les années 1730 et 1740.
17 Charles Grandison Finney (1792-1875), théologien et éducateur. Professeur de théologie à Oberlin (1835) dont il devint président en 1852.
18 Cette ancienne esclave (1797 ?-1883) prit le nom de Sojourner Truth en 1843 quand elle s’installa dans le Massachusetts. Elle rivalisa d’éloquence avec Frederick Douglass. Son rôle fut si important que Cynthia DeLores Tucker (présidente du National Congress of Black Women où elle succéda à Shirley Chisholm en 1992), soutenue par Hillary Clinton, mena longtemps campagne pour que sa statue soit intégrée à celles d’Elizabeth Cady Stanton, Susan B. Anthony et Lucretia Mott dans le monument sculpté par Adelaide Johnson, présenté au public en 1921, et placé de nos jours dans le hall du Capitole à Washington. Ce projet échoua sous cette forme, mais George W. Bush signa en 2006 une loi autorisant l’érection d’un monument séparé pour Sojourner Truth. Son buste a été inauguré le 5 mai 2009 en présence de Hillary Clinton, Nancy Pelosi et Michelle Obama.
19 Cité dans C. Fillard et C. Collomb-Boureau, Les mouvements féministes américains, p. 23. Angelina Grimké épousa Theodore Weld en 1838. Theodore Weld (1803-1895), abolitionniste particulièrement influent pendant les années fondatrices du mouvement de lutte contre l’esclavage, fut l’auteur, en 1839, de American Slavery As It Is : Testimony of a Thousand Witnesses, New York, American Anti-Slavery Society, qui servit souvent de base à Harriet Beecher Stowe pour la rédaction de Uncle Tom’s Cabin, Boston, John P. Jewett & Company, 1852.
20 Mary Wollstonecraft (1759-1797), féministe britannique. Auteure de A Vindication of the Rights of Woman (Défense des droits de la femme), Boston, Peter Edes, 1792. Lucretia Mott en recommandait la lecture à toutes les femmes. En 1840 à Londres Mary Wollstonecraft fit l’objet de discussions entre elle et Elizabeth Cady Stanton qui s’employa ultérieurement à la défendre.
21 Orestes Brownson (1803-1876), prédicateur. Transcendantaliste converti au catholicisme en 1844.
22 Margaret Fuller (1810-1850), amie d’Emerson. Militante féministe. Rédactrice en chef, de 1840 à 1842, du Dial, principal journal des transcendantalistes de 1840 à 1844. Emerson lui succéda à cette fonction. Devenue critique littéraire au New York Tribune de Horace Greeley en 1844, elle fut la première femme journaliste dans l’équipe d’un grand journal.
23 Cité dans B. S. Anderson, Joyous Greetings…, p. 131.
24 William L. Garrison (1805-1879) avait fondé The Liberator, journal abolitionniste, en 1831, et la New England Anti-Slavery Society en 1832.
25 Abby Kelley (1811-1887), quaker née dans l’État du Massachusetts en 1811, l’une des militantes les plus actives du XIXe siècle. Elle épousa Stephen Foster en 1845, et s’installa avec lui à Worcester dans une ferme devenue lieu de mémoire sous le nom de Liberty Farm.
26 Cité dans G. Lerner, The Majority Finds its Past : Placing Women in History, p. xvii.
27 Voir texte 3 traduit p. 96.
28 François Marie Charles Fourier (1772-1837), théoricien français, socialiste utopique. Plusieurs communautés utopiques s’inspirèrent de ses écrits à partir des années 1830, dont une quarantaine de phalanstères aux États-Unis entre 1841 et 1844. Karl Marx et Engels le considérèrent comme une figure du socialisme critico-utopique dont Robert Owen fut un autre représentant.
29 Rappel du titre de Dickens A Tale of Two Cities (1859). Voir J. Wellman, The Mystery of the Seneca Falls Women’s Rights Convention : Who Came and Why ?, p. 13. Voir dans ce document introduction et chapitre 2, pour l’aspect revêtu localement par les mouvements de réforme.
30 Avec 3 997 habitants à Seneca Falls et 3 634 à Waterloo.
31 Joseph Smith (1805-1844). En 1830, il publia le Livre de Mormon selon lui traduction d’un récit ancien gravé sur des plaques d’or qu’un ange lui aurait confiées. Il fonde alors The Church of Christ of Latter-day Saints (Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours). Ses adeptes le considérèrent comme un prophète.
32 William Miller (1782-1849). Prédicateur méthodiste américain, à l’origine du mouvement adventiste, il fonda ses prédictions sur Daniel 7, 14 et 9, 23.
33 Voir J. Wellman, The Road to Seneca Falls…, p. 86.
34 Voir J. Wellman, The Mystery of the Seneca Falls Women’s Rights Convention…, p. 23.
35 Amelia Jenks Bloomer (1818-1894). Peu scolarisée, mais d’une intelligence remarquable. Dès 1840 Dexter Bloomer, son époux, l’encouragea à écrire des articles contre l’alcoolisme et pour la défense des droits des femmes dans le Seneca County Courier. Elle participa à la Convention de Seneca Falls en 1848.
36 Voir J. Wellman, The Road to Seneca Falls…, p. 122-123.
37 Ibid., p. 115-116.
38 Abigail Adams (1744-1818). Dans cette lettre, souvent évoquée par ses premiers mots « Remember the Ladies », Abigail demandait à son époux John, futur président des États-Unis et pour l’heure membre du Congrès continental qui préparait l’indépendance des États-Unis, de ne pas oublier les femmes dans les textes de loi qui étaient en préparation. Le « nous » désignait les femmes qui, selon Abigail menaçaient de se rebeller si elles n’étaient pas écoutées. Elle pêcha alors par excès d’optimisme.
39 Voir E. Griffith, In Her Own Right : The Life of Elizabeth Cady Stanton, biographie la plus complète à ce jour.
40 Emma Hart Willard (1787-1870), fondatrice du Troy Female Seminary qui ouvrit ses portes en septembre 1821.
41 Oberlin College (Ohio) n’ouvrit la voie que quelque temps après sa création en 1833.
42 Gerrit Smith (1797-1874). Figure majeure des mouvements de réforme. Abolitionniste, philanthrope, homme politique. Radical en religion comme en politique, il se sépara de l’Église presbytérienne en 1843, pour devenir l’un des fondateurs de l’Église de Peterboro, institution non sectaire, ouverte à tous les chrétiens, quelle que soit leur obédience.
43 « A giddy whirl of fashionable follies », selon E. Griffith, In Her Own Right : The Life of Elizabeth Cady Stanton, p. 28.
44 Remarque d’E. Griffith, ibid., p. 44.
45 Elle y passa deux jours. Voir E. C. Stanton, Eighty Years & More…, p. 134.
46 Mentionné par J. Wellman, The Mystery of the Seneca Falls Women’s Rights Convention…, p. 9.
47 Theodore (1851), Margaret (1852), Harriot (1856) et Robert (1859).
48 Daniel (1842), Henry (1844) et Gerrit (1845).
49 Martha Coffin Wright (1806-1875), sœur de Lucretia Mott, établie à Auburn (New York) où son domicile était une halte sur le parcours de l’Underground Railroad. Mary Ann McClintock (1822-1880) et Jane Hunt (1812-1899) vivaient à Waterloo. Toutes ces femmes étaient des quakers, seule Elizabeth Cady Stanton faisait exception.
50 « Thou art so wedded to this cause that thou must expect to act as pioneer in the work. » Cité par E. Griffith, In Her Own Right : The Life of Elizabeth Cady Stanton, p. 60.
51 Susan Brownell Anthony (1820-1906).
52 W. L. Garrison et l’abolitionniste britannique George Thompson étaient en tournée dans l’État de New York. George Pryor, signataire de la Déclaration de sentiments de Seneca Falls en 1848 les escortait.
53 Amelia Bloomer dirigeait alors The Lily, pour lequel Elizabeth Cady Stanton écrivait des articles sous le pseudonyme de Sunflower. Voir par exemple texte 9 traduit p. 141.
54 Lieu qu’elle rendait plus ouvert encore en perçant portes et fenêtres en l’absence de son mari qui déclara qu’il choisirait pour épitaphe : died of fresh air (mort d’un excès d’air frais).
55 Voir J. Wellman, The Road to Seneca Falls…, p. 220.
56 Voir la transcription du discours du 18 février 1860, dans E. C. Stanton, S. B. Anthony et M. J. Gage, History of Woman Suffrage, vol. I, chap. xv, p. 681, pour cette remarque souvent citée.
57 Voir M. H. McFadden, Golden Cables of Sympathy…, p. 172-175. Cette organisation, l’une des premières organisations internationales de femmes, fut créée par Susan B. Anthony, May Wright Sewall et d’autres suffragettes.
58 Voir E. Griffith, In Her Own Right…, p. 218.
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