Chapitre 1
Lire, écrire : de Montaigne à Wittgenstein
p. 17-31
Texte intégral
1Au cours de la dernière période de sa vie, dans les Cévennes, alors que la tentative menée avec les enfants autistes perdure mais décroît lentement, Deligny s’intéresse de près à Montaigne et à Wittgenstein. Avant de se pencher un peu plus sur ce que l’on peut entendre par cette proximité, disons qu’il entreprend ce qui peut s’apparenter chez lui à une lecture attentive de Montaigne au début des années quatre-vingt et qu’il s’intéresse à Wittgenstein à partir des années quatre-vingt-dix. On en trouve des traces dans l’œuvre publiée, dans sa correspondance, mais surtout dans deux textes conservés dans les archives Deligny à l’Imec1 qui s’intitulent « L’être sans avoir – Sur Montaigne » et « À propos d’un mot de Wittgenstein ». Le premier, rédigé en 1982, fait près de trois cents pages et était probablement destiné à la publication. Le second, plus difficile à dater, comporte une quinzaine de pages de réflexions sur le langage à partir d’une seule phrase de Wittgenstein.
2En compagnie de ces deux auteurs et comme avec bon nombre d’autres, lorsque Deligny lit, il écrit. À leur propos, à leur sujet, à partir d’eux ou directement à eux, et ce faisant son rapport au texte dévoile en partie son rapport à l’écriture. Lire, écrire, deux verbes à l’infinitif chez un auteur qui en utilise plus d’un, et qui vont de pair dans sa pratique quotidienne.
3Deligny est un lecteur avant tout. Il passe beaucoup de temps à lire et lit beaucoup de choses, très différentes. C’est également un écrivain, un auteur qui passe une grande partie de son temps à écrire, ce dont la masse des archives répertoriées à l’Imec peut donner une idée. De la pièce de théâtre au scénario, du conte au roman jusqu’à cette forme d’essai très particulière qui caractérise ses ouvrages publiés après Adrien Lomme, les types de textes qu’il rédige au quotidien sont très variés.
Vous savez comment je travaille, et sur quel fil, comme on le dirait d’un funambule. D’une part, les enfants qui viennent en séjour ; d’autre part, ce tas de livres sur ma table, à portée de main, le hasard n’y étant pas pour rien dans les pages dont je m’empare pour aller voir ce qui s’y dit.2
4Au fond, son travail journalier s’articule autour de trois choses : les enfants, les livres et l’écriture. Partir de ces deux textes ne servira donc pas ici à examiner si Deligny a compris, intégré, ou utilisé d’une manière ou d’une autre les écrits de Montaigne ou de Wittgenstein pour construire sa propre pensée ; c’est en réalité une porte d’entrée pour aborder des questions particulières qui concernent son œuvre et son travail : comment lit-il ? Comment écrit-il ? Et quels sont les rapports entre ces deux activités chez lui ?
5L’enjeu est alors de montrer comment sa pensée – ses idées, ses réflexions, voire ses concepts – s’imprime dans sa manière même d’écrire, se transcrit dans une forme particulière, dans un usage matériel du langage.
« Je ne sais pas lire »
6Prenons pour point de départ une phrase du début du texte qu’il écrit sur Montaigne. Dès le commencement, et avant même d’avoir le livre sous les yeux, Deligny revient sur les souvenirs des rapports qu’il a déjà eus avec lui. Lecture obligatoire et contrainte lorsqu’il était écolier, Montaigne était au panthéon des auteurs dont il fallait lire quelques morceaux choisis dans les années trente. Deligny se met à le relire en 1982, à près de cinquante ans de distance et dresse un premier un constat en guise d’avertissement :
Je viens de m’apercevoir – à nouveau – que je ne sais pas lire. Je m’en doutais, et depuis 1933, alors qu’à la bibliothèque universitaire, j’y passais des heures et des heures ; à vrai dire, le plus clair de mon temps.3
7Que faut-il entendre par ce « je ne sais pas lire » ? L’énoncé est paradoxal lorsque l’on sait que Deligny est un grand lecteur, de romans, d’essais mais aussi d’éthologie, d’ethnologie ou de philosophie. Melville, Conrad, Simenon croisent dans sa bibliothèque Wallon, Makarenko, Rousseau, ou encore Conrad Lorenz, Karl von Frisch et Lévi-Strauss, Pierre Clastres ou Leroi Gourhan. Deligny lit, mais ne sait pas lire, et à la fréquentation de ses œuvres, lorsqu’il en parle, on peut commencer à cerner ce qu’il veut dire par là. Lire ne veut pas dire parcourir un livre de la première à la dernière page, en saisir les nuances, les implications, décortiquer une pensée pour ensuite la restituer. Deligny lit mais n’étudie pas. Il s’intéresse à un passage, puis à un autre, suit le fil de ce qu’il trouve d’intéressant dans un ouvrage et qu’il saisit ensuite, qu’il happe – parfois au mépris du reste du texte voire de la pensée de l’auteur. Lire n’est pas une activité déterminée par le savoir, c’est plutôt partir à la découverte d’un auteur ou de ce qui peut en intéresser le lecteur. Il n’y a pas d’étude ni d’examen systématique simplement parce que « le hasard n’y [est] pas pour rien dans les pages dont je m’empare pour aller voir ce qui s’y dit ».
8Ce n’est peut-être pas pour rien si, lorsqu’il revient sur ses années de vie étudiante, les heures passées à lire à la bibliothèque sont associées aux parties de 421 qui se déroulent au bistrot :
Étudiant j’étais donc… Je jouais souvent au 421, moments importants de la journée, quotidiennement réitérés, et j’allais souvent lire à la bibliothèque universitaire. Je prenais toujours plusieurs livres à la fois. Je veux dire que je n’étudiais pas. Je lisais ; dix pages d’un auteur, vingt pages d’un autre. C’est vous dire le disparate d’une culture acquise au ras des phrases sans jamais poursuivre une pensée.4
9Voilà donc ce qu’il en est, lorsqu’il lit Deligny pioche, indiscipliné, dans les pages des ouvrages qui l’intéressent, peu scrupuleux lorsqu’il a à s’en resservir. Même lorsqu’il décide de lire intégralement un texte comme les Essais, son attention dérive et dans le texte qu’il écrit à ce propos en 1982, très rapidement il ne s’agit plus d’une discussion suivie de l’ouvrage ou des principales idées de Montaigne. Deligny rend compte de sa lecture chemin faisant, s’arrête sur les points qui l’intéressent, qui le marquent, qui font écho à sa propre pensée et qu’il entend bien discuter avec Montaigne en personne.
L’attrait du biographique et l’auteur comme voisin
10Justement, l’une des caractéristiques de sa manière de lire est son intérêt pour la personne des auteurs qu’il lit, pour leur biographie. D’une manière générale, Deligny se montre tout autant intéressé par leurs idées que par le parcours et le vécu qui sont les leurs, ceux-ci s’avérant parfois plus déterminants dans le choix de tel ou tel ouvrage. C’est le cas pour Melville et sa jeunesse aventureuse dont le Moby Dick restera sûrement l’un des romans préférés de Deligny. C’est également l’une des manières dont il se rapporte à Montaigne ou Wittgenstein.
11Dans toute la première partie du texte qu’il consacre à Montaigne, Deligny lui reproche de ne pas avoir fait publier Le discours de la servitude volontaire de La Boétie alors qu’il en a fait publier les autres œuvres, au prétexte de ne pas heurter le roi et susciter la censure des œuvres de son ami. Trahison à la mémoire de La Boétie que Deligny porte à charge de Montaigne et sur laquelle il revient pendant plusieurs pages. Idem quand il commence à lire Wittgenstein au milieu des années quatre-vingt, il en lit surtout plusieurs biographies et envisage de faire le scénario d’un film sur la vie du philosophe autrichien5.
12Au-delà de son goût certain pour l’anecdote, le biographique donne une matière à ce que contient le livre, de la même manière que celui-ci est avant tout un objet qu’il faut manipuler physiquement. Le livre est le fait d’un homme, dont l’existence a été marquée de faits et d’événements, qui a eu une consistance dans le réel. Au-delà de la mésentente induite par le renom6, revenir à l’auteur permet en partie de revenir à la matérialité de l’ouvrage, ce qui n’est pas neutre chez un penseur matérialiste comme Deligny. Les idées ne volent pas d’un sujet à l’autre mais la matière importe, comme dans les premières pages du texte sur Montaigne où Deligny prend le temps de décrire les conditions matérielles dans lesquelles il lit : la planche de châtaignier qui lui sert de bureau ou « d’établi », le fossile d’escargot qu’il a à portée de main, etc. Il s’étend longuement sur le livre dans ce qu’il a de plus concret : il en décrit la forme, le gabarit ou les enluminures de la couverture.
13Le livre et son auteur deviennent un voisin avec lequel Deligny a décidé de discuter. La proximité entre les deux est avant tout géographique et tout au long de son texte, lorsqu’il commente les Essais, Deligny s’adresse directement à Montaigne, parle de lui, l’appelle par son prénom, Michel Eyquem, ou plus souvent « le voisin ».
À le lire, je vais m’y mettre, tout comme j’écoutais un voisin me dire ; l’attrait serait le même, de même que l’appréhension. J’ai décidé de le lire tout comme il m’arrive de décider que, ce voisin là, je le verrai pour peu qu’il le souhaite, et peu importe que Michel Eyquem n’ait rien voulu, ne veuille rien à ce propos. Il a écrit et c’est de sa part, indice d’un souhait.7
14Lire devient le pendant de dire, et dans son mode de lecture, dans son rapport à l’auteur, Deligny décale les positions. Ce n’est pas tant lui qui lit, que Montaigne qui lui dit quelque chose, et devant lequel il se doit simplement d’écouter. Deligny lecteur replace l’auteur dans une position centrale. Mis en présence l’un en face de l’autre par la réalité consistante du livre, l’auteur et le lecteur redeviennent contemporains, situés tous deux en un même temps et un même lieu. Deligny déplace sa propre position, il n’est pas tant sujet du verbe (lire) que celui auquel s’adresse l’action du livre et de l’auteur (dire). En somme, il est le destinataire de ce dire particulier où le livre et l’auteur se confondent presque physiquement pour devenir ce voisin bien particulier qu’il va se mettre à fréquenter quotidiennement pendant plusieurs mois.
De l’interlocution à l’adresse
15On retrouve ici un des aspects les plus saillants de l’écriture de Deligny : la place de l’interlocution dans son travail d’auteur. Tout au long de son parcours il va avoir, et se choisir, une foule d’interlocuteurs dont la Correspondance des Cévennes publiée à L’Arachnéen peut donner une idée. Psychologues comme Wallon ou Irène Lézine, psychiatres comme Tosquelles, Oury ou Guattari, philosophes comme Althusser ou Marcel Gauchet, la liste de ses interlocuteurs est longue. Au nombre d’entre eux, il y a ceux avec lesquels un dialogue s’engage, se déploie pendant plusieurs années, et qui souvent lui permettent de donner une forme, littéraire ou cinématographique, à sa pensée : Émile Copfermann, Isaac Joseph, Jean-Pierre Chaumont ou Renaud Victor.
16Mais il y a également les interlocuteurs indirects, ceux avec lesquels il ne s’agit pas tant de dialoguer que de s’adresser, comme Wallon, Pierre Clastres, Levi Strauss, La Boétie ou Wittgenstein. Sa pensée se construit dans un étrange dialogue avec des auteurs et des ouvrages, dont il tire une citation de-ci de-là, qu’il commente, sur laquelle il s’appuie ou contre laquelle il entre en guerre. Contrairement à ce que peut laisser penser son retrait dans les Cévennes, ou même la difficulté croissante de ses textes, Deligny écrit pour être lu. Le livre devient la matière et le support de cette interlocution par laquelle se déploie son écriture. C’est un trait que l’on retrouve dès son premier ouvrage publié, Pavillon III, qui revient sur son expérience « d’éducateur chef » dans le pavillon des adolescents à l’asile d’Armentières. C’est dans son préambule qu’il écrit au sujet des enfants :
j’ai eu envie de les décrire, comme on parle à sa femme des amis du collège ou du régiment : si on ment un peu, c’est pour être plus vrai.8
17Au-delà de la simple dédicace, on s’aperçoit que de la même manière que lire c’est écouter ce qu’un voisin peut bien avoir à dire, écrire relève du même mouvement, un mouvement dans lequel l’autre est nécessaire, et où sa présence, même lointaine, parfois imaginée, s’avère constitutive. Écrire, et dans ce cas décrire, c’est dire par d’autres moyens, que ce soit à sa femme, aux éducateurs de Graine de crapule, aux instituteurs des Enfants ont des oreilles. Lire, écrire, deux verbes à l’infinitif qui se répondent et s’appellent, dans une pensée qui en compte par ailleurs bien d’autres : agir, faire, tracer, repérer… Mais si le lien entre les deux semble un peu plus clair, leur place dans la liste de ces infinitifs est assez particulière et mérite qu’on s’y attarde un peu plus.
18D’où une seconde question : en quoi lire et écrire sont-ils des infinitifs différents d’agir, tracer, repérer, manger ou boire ?
Les infinitifs primordiaux
19Deligny veut écrire, et dans une certaine mesure penser, à l’infinitif. Au nombre de ces infinitifs il y a tout d’abord ceux qu’il appelle les « infinitifs primordiaux »9. Tracer, manger, boire, agir… c’est ce que fait l’humain que nous sommes, c’est-à-dire cet animal naturel qu’est l’humain, avant toute socialisation, avant tout rapport aux autres et au monde, avant tout rapport à lui-même. C’est cet humain qu’il s’agit de retrouver pour Deligny. Il préexiste en chacun de nous mais les différentes phases d’acculturation engendrées par notre existence sociale l’ont occulté. Pour le dire autrement, l’humain est devenu homme en apprenant et en utilisant le langage, et ainsi en médiatisant son rapport au monde par une épaisse couche de pré-compréhension héritée du langage et de sa place dans la société. C’est ce qui fait la différence, pour lui, à partir des années soixante-dix, entre l’humain et l’homme-que-nous-sommes, c’est-à-dire cet homme social pour qui la compréhension arrive avant tout type d’action, l’oriente, l’inféode10.
20C’est là la différence entre le faire et l’agir. Faire est une action qui s’inscrit dans une finalité, dans un réseau de significations – lorsque l’on fait quelque chose, cela possède une fin voire un sens. L’agir au contraire, est à comprendre comme la marque de la nature de l’homme, d’un animal comme les autres pour lequel l’action est gratuite, c’est-à-dire qu’elle se place avant même toute signification possible. Elle est faite pour elle-même sans « viser à… » quoi que ce soit, comme ce regarder – parfois zieuter – de l’enfant autiste, sa manière de repérer un espace, de taper sur un morceau de bois ou de tracer avec un crayon.
21Progressivement, au fil de son travail, c’est sur ce point que s’étoffe l’essentiel des réflexions anthropologiques de Deligny et que se développe son écriture : à la recherche de cet humain qui, avant tout langage, toute conscience et toute signification, préside à l’homme que nous sommes devenus.
22Si l’infinitif primordial est celui qui nous ramène à un agir, gratuit, premier, immotivé et spontané, est-ce que lire et écrire peuvent faire partie de la liste de ces infinitifs primordiaux ? Est-ce qu’ils peuvent exister et avoir une réalité en dehors de cet individu réflexif, conscient de lui-même qu’est le sujet ? Autrement dit, lire et écrire peuvent-ils se passer d’un sujet ? Que seraient ce lire et surtout cet écrire « à l’infinitif » que Deligny a semble-t-il toujours cherchés11 ?
Les infinitifs redoutables
23Pour essayer de clarifier ce problème que pose sa pensée, revenons à ce qu’il dit dans le texte sur Montaigne :
À en croire la légende familiale, à quatre ans, je savais déjà [lire] ; j’avais donc appris sans m’en apercevoir ; de même pour écrire, infinitif redoutable dont je me suis retrouvé pourvu à mon insu.
24Écrire, comme son envers, lire, est un « infinitif redoutable ». En quoi l’un ou l’autre peuvent-ils être redoutables ? Peut-être parce que lire et écrire, cela s’apprend, cela exige de connaître un alphabet, un langage, des règles de grammaire et de conjugaison. Bref, cela demande d’acquérir de manière totalement incorporée, jusqu’à ce qu’elle en devienne inaperçue, une réalité sociale au sein de laquelle ils deviennent possibles en tant qu’activité. Lire et écrire ne sont pas comme repérer, manger, boire ou agir, des infinitifs primordiaux, qui adviennent à l’humain en naissant. Ils sont au contraire le fait d’un apprentissage social long, parfois difficile, mais qui a pour caractéristique de devenir par la suite inaperçu, comme une seconde nature qui viendrait rapidement se surimposer à la première. Dans le vocabulaire délinéen, repérer, manger ou tracer sont d’agir ; lire et écrire sont de faire, d’une action dont la finalité a tellement été incorporée qu’elle en est devenue inaperçue.
25Pour s’en donner une idée très prosaïque, il n’y a qu’à comparer les réactions d’un enfant devant les premiers caractères qu’il a à déchiffrer et qui lui restent totalement hermétiques, et celles d’un adulte sachant lire qui décode et intègre sans même s’en rendre compte les slogans de la première publicité qu’il croise dans le métro. Si lire et écrire sont « redoutables » c’est justement parce qu’ils deviennent rapidement – et malgré nous, « à notre insu » dit Deligny – une seconde nature dont il est par la suite impossible de se départir. L’un comme l’autre marquent l’une des manières dont nous devenons les « hommes que nous sommes », comme il l’écrit souvent : c’est-à-dire des êtres de société et non d’espèce, des hommes et non des humains, des sujets et non plus des individus.
Le but de l’écriture de Deligny
26Entre ces deux types d’infinitifs, et une fois que l’on a éclairci cela, quel peut être le but que poursuit Deligny quand il écrit, et comment essayer d’écrire à l’infinitif ?
27L’idée sous-jacente est claire : en passant des infinitifs primordiaux (boire, manger, agir, repérer…) aux infinitifs redoutables (lire et écrire), on voit clairement de quelle manière on passe de l’humain (de nature) à l’homme que nous sommes. En posant cette distinction, et en la travaillant dans la matérialité de son écriture, c’est-à-dire dans son texte même, Deligny essaie de faire le trajet inverse. Il tente d’utiliser ces « infinitifs redoutables » pour faire prendre à son lecteur la mesure des « infinitifs primordiaux ». Comme souvent, le passage est à entendre au sens le plus géographique possible, non pas au sens propre mais au ras du sol : c’est l’écriture en elle-même, le texte produit qui doit devenir le lieu dans lequel il faut tenter de rendre compte de ce passage.
Ceci pour dire que les infinitifs primordiaux n’ont lieu, comme on dit, que si le lieu – topos – le permet.12
28Pour le comprendre un peu mieux, il faut revenir à son travail avec les enfants autistes mutiques à partir de la tentative des Cévennes. Ceux-ci sont pour lui en dehors de la conscience et de tout ce qui fait de nous, individus socialisés, des sujets. Entendu en ce sens, Janmari, enfant autiste mutique d’une douzaine d’années, n’est pas un « sujet » parce qu’il n’a pas plus conscience de lui-même que de la table, de la pelure d’orange retournée à côté de la poubelle ou de ses chaussettes posées bien parallèles au pied de son lit lorsqu’il se couche. Janmari n’est pas sujet parce que le langage ne signifie à proprement parler rien pour lui, qu’il n’est qu’une suite de sons à peine plus agréables ou désagréables que celui d’un coup sur une table ou du crissement des pneus d’une voiture sur du gravier. En cela l’autiste mutique est celui qui peut montrer – encore faut-il être capable de le voir et c’est là tout le problème – ce qu’il en est de l’humain, c’est-à-dire de l’homme débarrassé de la couche de socialité, imposée essentiellement via le langage, qui obscurcit l’animal qu’il est.
29Le travail de Deligny, au-delà d’œuvrer à trouver un mode d’existence pour ces enfants qui leur permette une vie la plus apaisée possible, son travail d’écriture à proprement parler est alors de recueillir ce qu’il en est de cet humain que « nous » ne sommes plus. Dans cette optique, l’écriture est une tentative pour rendre compte, par le langage, de ce qui est avant même toute forme de langage. C’est là un paradoxe, voire une gageure. C’est en tout cas le problème – à la fois théorique et pratique – avec lequel il va se débattre tout au long de son travail d’écriture. Et pour y répondre, c’est la matière de son écriture qu’il va travailler, en forgeant une manière d’écrire bien particulière.
30Comment écrire ce qui ne relève pas du langage ? Pour répondre à cette question, il faut entrer un peu plus avant dans la matérialité même de l’écrire délinéen, dans sa manière d’utiliser les mots, la syntaxe, la grammaire. Il s’agit alors de se demander, plus précisément, ce qui caractérise cet écrire délinéen.
Contre le sujet, la prédominance du verbe
31La question est trop vaste pour pouvoir y répondre ici mais on peut déjà en esquisser quelques réponses à partir des textes évoqués. Tout d’abord, écrire à l’infinitif est à prendre au sens propre, c’est-à-dire que dans la phrase de Deligny, c’est le verbe qui fait la loi. S’il l’explicite clairement dans ses écrits de la fin des années soixante-dix, notamment dans Le croire et le craindre, et qu’il revient ensuite plusieurs fois dessus, on en trouve des traces dès ses premiers ouvrages. Comme dans les Vagabonds efficaces, de 1946, lorsqu’il décrit les enfants auxquels il a affaire au Centre d’observation et de triage de Lille :
Ils sont soixante-quinze, et quatre-vingts, et cent à courir nus dans la gouttière, à démonter les serrures, à transformer l’installation électrique, à cavalcader dans les escaliers, à déclouer les planchers pour y faire des cachettes, à chier dans le lit du voisin, à casser quinze assiettes d’un coup, à faire eux-mêmes la police pour le plaisir de se mettre à trois pour bourrer la gueule du quatrième, à pisser dans les marmites de nouilles, à boucher les lavabos avec des morceaux de couvertures, à jeter les copains tout habillés dans l’eau du bassin, à jouer à cache-cache à longueur de journée (et de nuit ?), à quitter furtivement leur lit à trois heures du matin pour aller cambrioler un dépôt de cigarettes de l’US Army, à mollarder sur les planchers, à aller bazarder les couvertures dans un petit bistrot complice de leur quartier natal, à aller voir les copains dans les maisons d’éducation voisines pour les décider à s’évader et à venir avec eux au centre « où on n’est pas emmerdé »…13
32On a dans cette avalanche d’infinitifs ce qui deviendra une des marques clairement conscientes de l’écriture de Deligny par la suite. Le primat du verbe, à l’infinitif, et du même coup la disparition quasi totale du sujet. De la même manière qu’il n’est pas question de l’enfant « en tant que sujet » dans son travail, il n’est pas question de l’individu – quel qu’il soit : enfant, adulte ou autre – en tant que sujet du verbe dans son écriture. Ce qui caractérise le sujet, son intériorité, son rapport psychique et langagier aux choses, aux autres et au monde, n’est pas ce qui intéresse Deligny. Ce qui lui importe c’est ce qu’il manifeste dans son extériorité et qui va lui servir de marque distinctive.
33Dans le cas présent il s’agit de « courir, démonter, transformer, cavalcader, déclouer, faire, chier, casser, faire, bourrer, pisser, boucher, jeter, quitter, cambrioler, mollarder, bazarder, aller voir, décider, s’évader, venir » et voilà comme un condensé de toute l’activité des enfants arrivés là. C’est elle qui résume dès le début de la phrase ce qu’ils « sont », indépendamment de leurs histoires personnelles, de leurs souffrances biographiques, de leurs conditions sociales, de leurs dépravations subies ou de leurs perversions supposées. En énumérant ces activités à l’infinitif, Deligny dépasse à la fois la simple étude de cas et le discours généraliste et théorique sur l’inadaptation. À mi-chemin, il dessine le portrait de cet enfant dit inadapté, de l’activité et du mouvement qui le caractérisent bien plus sûrement que les traits subjectifs censés dessiner son caractère. C’est là que se devine une position qu’il adoptera de manière constante d’un bout à l’autre de son travail et qui reste, encore aujourd’hui, bien particulière au sein de l’éducation spécialisée et du travail social en général.
34Il semble alors que l’on peut – et que l’on doit – voir une jonction et une correspondance entre la pensée de Deligny et son écriture ; ou pour le dire autrement, qu’il s’agit pour lui de trouver une écriture qui corresponde au plus près à sa manière de travailler. Les considérations grammaticales sont chez lui révélatrices d’une manière de penser l’individu et le travail à effectuer avec lui. Le discours sur l’écriture rejoint le discours sur l’existence comme lorsqu’il écrit, à quelques dizaines d’années de distance, à la fin de sa vie, dans Essi & copeaux,
De par ma nature profonde – si j’ose dire – je vivrais plutôt à l’infinitif.14
Déplacer le sujet, pour faire place à l’événement
35Le primat du verbe minore, déplace, voire supprime le sujet. Dans toute l’énumération des Vagabonds efficaces, la périphrase « ils sont soixante-quinze, quatre-vingts à courir, démonter, transformer… » met le sujet au début et le laisse de côté ensuite. Ce qui importe ce ne sont pas les petites individualités de ces enfants réunis dans un nombre lui-même indistinct, mais bien ce que cette étrange bête de quatre-vingts têtes, de deux cents pattes et autant de bras, peut être capable de faire, comment elle se comporte, comment elle réagit.
36De manière plus caractéristique encore, et progressivement à partir des années soixante-dix, la périphrase devient une manière d’écrire récurrente qui va participer du style plus obscur ou plus difficile de Deligny. Le primat du verbe à l’infinitif déplace le sujet dans la phrase jusqu’à le transformer en une autre entité grammaticale : en complément d’objet indirect le plus souvent. C’est ce que l’on constate dans une tournure de phrase qui revient constamment dans les textes des années quatre-vingt conservés à l’Imec, comme dans son dernier texte Essi & Copeaux rédigé au milieu des années quatre-vingt-dix : « ce qui m’est arrivé, c’est de… ». Les mentions dans ce dernier ouvrage en sont légion et lui servent toutes à revenir sur un moment de son passé :
Ce qui m’est arrivé, c’est d’aller vivre en Sologne […]
Ce qui m’est arrivé, c’est d’être pris une fois en mer par un ouragan […]
Ce qui m’est arrivé, c’est d’être soldat de guerre […]
Ce qui est arrivé, c’est que je me suis assis sur un clou rouillé qui dépassait du plancher.15
37Au cœur des événements, Deligny déplace sa propre place de sujet. Il n’est plus sujet du verbe, et d’une manière symétrique dans sa pensée, il n’y a plus de sujet dans l’histoire, que le « h » de celle-ci soit majuscule ou minuscule. Même le pronom finit par disparaître tant c’est l’événement qui prime sur le sujet, qui agit sur l’individu et le modifie en retour. Plus que le sujet, ou les différents personnages dans lesquels il s’instancie, c’est l’événement qui importe, son influence, ses répercussions – ses ricochets pour le dire comme Deligny – sur l’existence des individus.
38La distance avec la littérature professionnelle de l’époque est radicale, essentiellement produite par des médecins et des juristes qui cherchent à identifier des cas, c’est-à-dire des sujets examinés autour desquels est pensée et organisée une situation. De la même manière qu’il se dissocie de la littérature romanesque, d’inspiration psychologique, où l’action se déploie autour et en fonction des méandres cogitatifs des personnages en présence. Ce que l’on retrouve dans les romans ou les récits qui ont cours dans le domaine de l’enfance inadaptée dans les années 1940-1960, et qui auront une influence considérable, qu’il s’agisse des romans de Henri Joubrel16, de Makarenko17 ou de Gilbert Cesbron18.
39D’où l’étrange impression que produisent sur le lecteur les romans de Deligny, Puissants personnages, Adrien Lomme ou La septième face du dé. L’histoire ne progresse pas au fil de la volonté explicitée des personnages, les sentiments et les émotions des uns et des autres n’entrent presque jamais en ligne de compte, mais il s’y rencontre, s’y croise, un certain nombre d’événements biographiques présentés le plus souvent de manière brute, voire désincarnée. La dimension du récit n’est plus le temps mais bien l’espace, il ne s’ordonne plus le long de la chronologie de ce qui advient mais il est le lieu où peut prendre consistance l’événement. Comme dans Adrien Lomme où dès la première phrase, c’est d’un événement premier que découlent un certain nombre d’autres qui vont alors impliquer – d’une manière presque mécanique – un enfant d’une dizaine d’années, Adrien :
Ce matin, premier octobre mil neuf cent quarante-six, Adrien Lomme a décidé de ne pas aller à l’école. Il devrait y aller : tous les autres y vont.19
40L’énoncé est liminaire, et il n’y est pas question de la décision d’Adrien, de ses mobiles ou des motifs personnels qui l’amènent à ne pas aller à l’école. Il s’agit plutôt de ce fait brut, manifeste, incongru : c’est la rentrée des classes et un enfant ne va pas aller à l’école. Voilà qui n’était pas escompté, voilà qui déroge à ce qui était prévu, voilà qui sort du cours ordinaire des choses. C’est là un événement, au sens propre, ce qui vient à l’être sans pouvoir être complètement relié de manière causale à ce qui le précède.
41L’événement, avec le surgissement qui est le sien, modifie le régime causal de la narration. Au cœur de l’écrire de Deligny il rappelle la place de la contingence, du hasard dans l’existence. Sortant de l’ordinaire, il sort du cours habituel des choses où les mêmes causes produisent les mêmes effets. À chaque rentrée des classes, les enfants vont à l’école. À chaque rentrée des classes Adrien était allé à l’école. Ce matin-là, 1er octobre 1946, Adrien ne va pas à l’école, et de cette contingence-là vont naître bon nombre de faits d’importance pour son existence qui ne pourront y être raccrochés qu’après coup.
42Autrement dit en mettant au cœur de son écriture – à l’infinitif – l’événement, Deligny délie l’histoire des individus, leur biographie, d’un rapport causal où chaque période dépend de celle qui précède et ouvre sur la suivante, dans un temps scandé, mesuré, autrement dit chronologique. Parce qu’un événement – aussi imprévisible que la mort d’un proche ou la rencontre de l’amour – change de fait la vie d’un individu, c’est avant tout à le décrire et à décrire les possibles sur lesquels il ouvre – ses ricochets – que s’attache Deligny. Suivre l’événement c’est tout à la fois se détacher des pré-compréhensions du sujet : « Lors d’un événement, tout compte et tout est bon à dire au-delà des intentions des protagonistes »20. C’est également changer de façon d’écrire, décrire bien plus qu’écrire, c’est-à-dire restituer sa multiplicité dans le texte et non pas, volontairement ou non, tenter de lui donner une signification, le ramener au régime causal univoque auquel il reste irréductible.
C’est peu dire qu’il peut partir dans tous les sens. Mais est-ce à moi de donner un sens aux événements ? Je m’efforce de les décrire. (ibid., p. 65)
43L’événement dépasse la cause, il l’excède tout comme il dépasse de loin le sujet – intentionnel, conscient – autour duquel s’articule le récit classique. Le changement de conception engage un changement d’écriture ; au cœur du récit, le contingent, le fortuit, l’occasion l’ouvrent en direction d’une myriade de possibles.
Décrire un événement, c’est manière de s’apercevoir que le moindre est inépuisable. Encore faut-il ne pas en abuser et respecter en lui l’aléatoire – de alea : jeu de dés. (p. 65)
44Affranchie de la fiction d’une écriture centrée sur le sujet, l’écriture devient le lieu où peut apparaître l’événement, et c’est à lui qu’elle s’attache puisque les éléments qui le composent sont si nombreux qu’ils en deviennent inépuisables. Impossible de le réduire à l’univocité de la causalité, l’événement conserve la part de contingence qui l’habite et que l’écriture ne peut chercher à épuiser une fois affranchie de la fiction d’une écriture centrée sur le sujet, compris comme le point autour duquel une existence doit se cristalliser pour devenir cohérente. C’est qu’une vie – et les vies qu’a croisées Deligny, celles des enfants fous, des enfants orphelins ou délinquants, en sont probablement le meilleur exemple – n’a souvent rien de cohérent. Les accidents de la vie font écho aux grandes catastrophes, et les grands bonheurs sont souvent rarement prévisibles.
45Délivré de la centralité du sujet, c’est à une conception de l’existence ouverte sur l’accident, sur l’imprévu, où le hasard et les coïncidences deviennent des maîtres mots qu’il s’attelle, dans son travail comme dans son écriture. Ce qu’il explique dans une lettre adressée à Émile Copfermann, à propos du manuscrit d’un roman qu’il envisageait de publier, Rue de l’Oural :
J’écris à l’infinitif d’où le fait que ce qui reste sur le papier évoque des moments et pas des histoires singulières, individuelles. […]
Tel est l’événement auquel je tiens. La « morale » ? c’est que les infinitifs préexistent au subjectif. Si je respire c’est bien que respirer existe ; de même si je bois ou chante ou tout ce qu’ON voudra.21
46Écrire à l’infinitif et raconter des histoires où l’événement prime sur le sujet, voilà qui nous ramène aux deux textes desquels nous sommes partis et qui se déploient l’un et l’autre de même manière. Dans l’un et l’autre, après avoir parlé de Montaigne ou de Wittgenstein, de la manière infidèle que l’on a évoquée, Deligny se met rapidement à raconter des histoires.
47Sur ce point, « Sur un mot de Wittgenstein » mérite d’être pris lui aussi au pied de la lettre puisque c’est à partir d’une seule phrase de celui qu’il nomme par ailleurs « l’ami Witt, le dernier des philosophes »22 qu’il se met à inventer l’histoire du premier homme à avoir en bouche un mot, mi-grêle mi-cailloux, qu’en définitive il cracha et dont il fut le premier surpris. La suite du texte fait le récit de cette première aventure de l’homme et du langage, et des péripéties qui vont s’ensuivre. Dans un texte qui veut traiter de l’origine du langage et qui part de la pensée, plutôt austère et rigoureuse, d’un philosophe tel que Wittgenstein, on peut clairement se demander à quoi il veut en venir et de manière générale quelle valeur donner au récit dans son écriture.
48C’est une question que l’on ne peut que mentionner ici, mais il semble que derrière elle se cache un double enjeu qu’il faut signaler pour finir. Pour la philosophie d’une part comme pour les chercheurs en travail social ou les professionnels de l’enfance en marge : comment comprendre ce matériau qu’est le récit ? Quelle légitimité donner à ce genre de production, ou pour le dire autrement : quel savoir produit-on lorsque l’on raconte des histoires ?
Notes de bas de page
1 L’Institut mémoires de l’édition contemporaine, rassemble, préserve et met en valeur des fonds d’archives et d’études consacrés aux principales maisons d’édition, aux revues et aux différents acteurs de la vie du livre et de la création contemporaine : éditeurs, écrivains, artistes, chercheurs, critiques, graphistes, libraires, imprimeurs, revuistes, traducteurs, journalistes…
2 F. Deligny, Le croire et le craindre, repris dans Œuvres, Paris, L’Arachnéen, 2007, p. 1181.
3 F. Deligny, « L’être sans avoir – Sur Montaigne », 1982, Imec, Fonds Deligny, DGN 6, p. 1.
4 F. Deligny, Le croire et le craindre, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 1099.
5 Voir F. Deligny, Lettre à J. Allaire du 26 juillet 1990, Correspondance des Cévennes, 1968-1996, Paris, L’Arachnéen, 2018, p. 1185.
6 C’est une thématique sur laquelle Deligny revient souvent lorsqu’il évoque la réception de l’ouvrage qui l’a fait connaître au sortir de la guerre, Graine de crapule : « Autrement dit, je m’étais en quelque sorte succédé, le successeur n’ayant hérité que du renom ». F. Deligny, Lettres à un travailleur social, Paris, L’Arachnéen, 2017, p. 19.
7 F. Deligny, « L’être sans avoir – Sur Montaigne », 1982, Imec, Fonds Deligny, DGN 6, p. 4.
8 F. Deligny, Pavillon III, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 52.
9 F. Deligny, Le croire et le craindre, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 1121.
10 F. Deligny, « Ce voir et se regarder », L’arachnéen et autres textes, Paris, L’Arachnéen, 2008, p. 113-118.
11 « Écrire a toujours été le projet qui m’a tenu compagnie, qui m’a servi de dérive pour échapper à la carrière. Mon projet propre était d’écrire. Écrire à l’infinitif. » F. Deligny, Le croire et le craindre, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 1095.
12 F. Deligny, « Quand le bonhomme n’y est pas », L’arachnéen et autres textes, ouvr. cité, p. 205.
13 F. Deligny, Les vagabonds efficaces, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 173. C’est moi qui souligne.
14 F. Deligny, Essi & copeaux, Marseille, Le mot et le reste, 2005, p. 68.
15 F. Deligny, Essi & copeaux, ouvr. cité, passim.
16 Magistrat de formation, Henri Joubrel deviendra l’un des ardents défenseurs de la professionnalisation du métier d’éducateur à la sortie de la seconde guerre mondiale jusqu’à la création du diplôme d’éducateur en 1967. Responsable du premier syndicat professionnel des éducateurs spécialisés, l’Association nationale de jeunes inadaptés, et de son pendant international, l’Association internationale des éducateurs sociaux (AIEJI), jusqu’en 1978, c’est un auteur prolifique dont les principaux romans sont Ker Goat ou le salut des enfants perdus, Paris, Éditions familiales de France, 1945 ; La pierre au cou, Paris, L’amitié par le livre, 1953 ; et sous le pseudonyme de Victor Lapie, Saint Florent la vie, Paris, Vigot, 1946.
17 Anton Makarenko, pédagogue soviétique ayant fondé et développé des colonies pour enfants dans la région de Poltava en Ukraine dans les années 1920-1930, est un auteur traduit et commenté dans le domaine de la rééducation où les communistes sont influents au sortir de la guerre. Il fait le récit de son travail dans la colonie Gorki et dans la colonie Djerzinski dans deux romans écrits au milieu des années trente : Le poème pédagogique, Moscou, Éditions du Progrès, 1967 ; et Les drapeaux sur les tours, Moscou, Éditions du Progrès, 1967.
18 Ami de Joubrel et proche de personnages influents dans le domaine de la rééducation française au sortir de la seconde guerre mondiale comme le juge Chazal, Gilbert Cesbron est un auteur catholique à grand succès au milieu des années cinquante. Son ouvrage sur le domaine de la rééducation sera vendu à près de quatre millions d’exemplaires et contribuera grandement à donner une image du domaine au grand public : Chiens perdus sans collier, Paris, Robert Laffont, 1954.
19 F. Deligny, Adrien Lomme, repris dans Œuvres, ouvr. cité, p. 445.
20 F. Deligny, Lettres à un travailleur social, ouvr. cité, p. 64.
21 F. Deligny, Lettre à E. Copfermann du 13 octobre 1984, reprise dans Correspondance des Cévennes, ouvr. cité, p. 1090.
22 F. Deligny, « Sur un mot de Wittgenstein », Imec, Fonds Deligny, DGN 65.
Auteur
IHRIM UMR 5317
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