Chapitre 8
La démarche du J-PAL à l’aune de ses expériences sur le paludisme
p. 195-216
Texte intégral
Plus d’un million d’enfants africains, et peut-être même trois millions, succombent chaque année du paludisme. Cette horrible catastrophe se produit malgré le fait que cette maladie est en partie évitable – avec l’utilisation de moustiquaires et d’autres contrôles environnementaux qui n’atteignent malheureusement pas les plus démunis des villages du Malawi et du reste de continent – et complètement traitable. Il n’y a absolument aucune excuse concevable pour que cette maladie emporte des millions de vies chaque année. (Sachs 2005, p. 7, ma traduction)
Mais si les moustiquaires constituent un remède si efficace pourquoi les planistes n’en ont-ils pas équipé les pauvres auparavant ? Hélas, parce que ni les célébrités ni les administrateurs de l’aide humanitaire ne savent comment faire parvenir ces moustiquaires à destination et que celles-ci sont souvent récupérées par le marché noir et disparaissent rapidement des hôpitaux – quand elles ne finissent pas comme filets de pêche ou voile de mariée… (Easterly 2006a, p. 24)
1En 2001, Jeffrey Sachs publie un article écrit en collaboration avec l’économiste John Gallup (voir Gallup et Sachs 2001) cherchant à montrer l’étroit lien qui unit le paludisme et la pauvreté. Les deux auteurs constatent que les pays les plus pauvres sont aussi ceux où le paludisme est le plus important. La question est alors de savoir si le paludisme cause la pauvreté, conclusion à laquelle arrivent Sachs et Gallup. Lutter contre le paludisme revient donc à lutter contre la pauvreté. La lutte contre le paludisme est d’ailleurs un des objectifs du millénaire pour le développement1. L’un des moyens les plus efficaces de prévenir le paludisme est l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide2. Pour Jeffrey Sachs, ces moustiquaires représentent un moyen peu coûteux et efficace de lutter contre la pauvreté : la communauté internationale devrait donc financer massivement ce bien (voir Sachs 2002). Dans la même lignée, l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), publie en 2008 son premier rapport sur le paludisme3 dans lequel elle prône explicitement la subvention intégrale des moustiquaires dans tous les pays où le paludisme est endémique.
2À l’inverse des positions de Sachs ou de l’OMS, comme cela a été évoqué dans le chapitre précédent, William Easterly s’élève contre le principe d’une subvention massive de ces moustiquaires, considérant que ces dernières finiront au marché noir, en voiles de mariées ou encore en filets de pêche. Selon lui, les moustiquaires doivent être en partie payantes afin que les individus accordent davantage de valeur à celles-ci et que de ce fait ils les utilisent au mieux. La question des moustiquaires est l’illustration la plus brûlante de ce débat sur l’aide au développement et d’une certaine façon le cristallise. Pour offrir des réponses à la question de l’aide au développement, Banerjee et Duflo expliquent qu’il ne faut pas rester dans l’abstraction, il faut du concret. Par exemple, la question de la subvention des moustiquaires ne peut être tranchée que si on la divise en trois autres questions relevant de faits précis :
Pour éclairer ce débat, il faut répondre à trois questions. Tout d’abord, si les gens doivent payer le prix de marché (ou presque) pour acheter une moustiquaire, ne préféreront-ils pas s’en passer ? Deuxièmement, si les moustiquaires leur sont distribuées gratuitement, ou à un prix réduit, les gens les utiliseront-ils, ou seront-elles gâchées ? Troisièmement, après avoir obtenu des moustiquaires à prix réduit, seront-ils plus ou moins prêts à en acheter une autre si les subventions à l’achat sont ensuite réduites ? (Banerjee et Duflo 2011, p. 27-26)
3Pascaline Dupas, chercheuse au J-PAL, mène plusieurs expériences au Kenya4 afin de répondre à ces différentes questions. Je choisis de présenter ici les expériences de Pascaline Dupas, tout d’abord car elles portent directement sur le débat de l’aide au développement en cherchant à déterminer si les moustiquaires doivent être gratuites ou payantes. Elles sont aussi très largement discutées à la fois en économie du développement et en philosophie des sciences. De plus, présenter de façon chronologique ces expériences me permettra de définir précisément la façon de procéder du J-PAL afin de déterminer comment sont collectées les preuves et comment elles sont utilisées. L’objectif de ce chapitre est de rendre compte de ces expériences afin d’estimer la portée des évaluations du J-PAL dans le débat sur l’aide au développement5.
Lutte contre le paludisme, pauvreté et subvention
4La première expérience randomisée menée par Jessica Cohen et Pascaline Dupas (2010) a pour objectif de savoir si afin d’être efficaces les moustiquaires doivent être subventionnées intégralement ou si elles doivent être payantes, même à un très faible prix. La subvention intégrale des moustiquaires est justifiée par le fait qu’elles possèdent une externalité positive. Les faire payer même un faible prix permettrait, à l’inverse, d’en réduire le gaspillage. Partager le prix des moustiquaires impliquerait trois effets positifs. Le premier est un effet de sélection : les individus qui n’accordent pas de valeur à ce bien ne paieraient donc pas pour ce dernier, alors que ceux qui lui attribuent une utilité seraient prêts à payer. Il y a ainsi (1) une sélection presque mécanique entre ceux qui vont réellement utiliser le bien et ceux qui vont le gaspiller. Le deuxième effet est (2) un « effet psychologique » : payer un faible prix devrait inciter les individus à utiliser le bien. Enfin, le troisième effet traduit (3) un effet de signal : un prix plus élevé inciterait les individus à utiliser davantage le bien. L’objectif de Cohen et Dupas consiste donc à déterminer laquelle des deux propositions est la plus efficace dans l’utilisation des moustiquaires. Pour elles, les différents niveaux de subvention dépendent de quatre facteurs clefs :
- l’élasticité de la demande au prix ;
- l’usage des moustiquaires ;
- l’existence d’un effet psychologique ;
- l’impact d’une variation de prix sur la vulnérabilité, c’est-à-dire sur les besoins.
5C’est l’importance de ces quatre facteurs clefs que Cohen et Dupas (2010) cherchent à évaluer. C’est donc à travers ces derniers qu’elles cherchent, d’une certaine manière, à offrir une réponse à la question de l’aide au développement.
Contexte et mise en place d’une première expérience : les moustiquaires doivent-elles être gratuites ou payantes ?
6La première expérience que mènent Jessica Cohen et Pascaline Dupas (2010) a lieu au Kenya de mars à mai 2007. Le Kenya est un pays d’Afrique particulièrement touché par le paludisme6. En 2001, le gouvernement kenyan lance un programme d’envergure en matière de lutte contre le paludisme ; le ministère de la Santé, avec l’aide de 17 millions de dollars allouée par le Fonds mondial pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme, distribue plus de 3 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide7. L’expérience de Cohen et Dupas se concentre sur des femmes enceintes dans quatre districts de l’Ouest du Kenya (Busia, Bungoma, Butere et Mumias). Les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables face au paludisme car beaucoup de parasites peuvent s’accumuler dans le placenta, causant alors une importante anémie et une naissance prématurée. De plus, chez les enfants de moins de quatre ans la principale transmission du paludisme se fait de la mère à l’enfant pendant la grossesse. L’expérience cible la distribution des moustiquaires pour les femmes enceintes qui se rendent dans les cliniques des districts pour le suivi de leurs grossesses.
7Ces quatre districts comptent 70 cliniques : 53 publiques et 17 privées. L’expérience ne retient que 20 cliniques (toutes publiques), choisies par Cohen et Dupas en fonction de leur taille, des services qu’elles offrent, de leur situation géographique, afin d’assurer une certaine homogénéité. Ces 20 cliniques sont assignées, de façon aléatoire, à cinq groupes distincts. Le premier groupe, (1) groupe de contrôle, compte quatre cliniques. Cinq cliniques font partie (2) du groupe où les moustiquaires sont subventionnées à 100 % et (3) pour cinq autres la prise en charge financière des moustiquaires est de 97,5 %. Dans ce groupe les femmes ont alors à payer 10 shillings kenyans (0,12 dollar) pour bénéficier d’une moustiquaire. Au sein (4) d’un quatrième groupe la part subventionnée est de 95 % et cela pour trois cliniques. Pour ces trois cliniques les femmes doivent payer 20 shillings kenyans (0,23 dollar). Les trois dernières cliniques constituent (5) le dernier groupe et au sein de ce dernier la part subventionnée est de 90 %. Les femmes de ce dernier groupe doivent donc payer 40 shillings kenyans (0,60 dollar).
8Afin que le programme soit bien implanté et que le personnel soignant respecte les différents niveaux de subvention, Cohen et Dupas (2010) leur ont donné des incitations financières8. Chaque mois où le programme a été implanté sans qu’aucune mauvaise gestion n’ait été observée, la clinique recevait une prime en espèces d’une valeur de 5000 shillings kenyans (57 dollars) ou un équipement de son choix de la même valeur. Afin de vérifier que les différents niveaux de subvention avaient bien été respectés, les cliniques étaient visitées de façon aléatoire, tout comme les bénéficiaires des moustiquaires. Une mauvaise gestion a été observée dans quatre des onze cliniques où les moustiquaires étaient payantes. Cette mauvaise gestion n’a pas impacté les différents niveaux de subvention et donc l’expérience, puisque le personnel soignant n’a pas fait payer un prix plus élevé ou inférieur aux femmes enceintes mais a fourni des moustiquaires à des personnes qui n’étaient pas éligibles pour l’expérimentation. Aucune mauvaise gestion n’a été observée dans le groupe de contrôle et dans le groupe où les moustiquaires étaient gratuites. Pour les cliniques où les moustiquaires avaient un coût, un second niveau de randomisation a été ajouté cinq semaines après l’implantation du programme. Les femmes qui faisaient partie des groupes où les moustiquaires étaient payantes pouvaient participer à une loterie. Chaque femme devait piocher une enveloppe. Il y avait trois types d’enveloppes : une vide, une avec écrit « moustiquaire gratuite », et une où la moustiquaire avait un coût mais inférieur à celui que payaient les autres femmes enceintes.
Résultats : le rôle trouble de la subvention des moustiquaires
9Les résultats de Cohen et Dupas (2010) s’articulent autour des quatre facteurs clefs qu’elles cherchent à évaluer. Le premier niveau, (1) l’élasticité de la demande au prix, rend compte d’une demande très élastique au prix. La demande des moustiquaires chutant, par exemple, de 60 % lorsque le prix à payer passe de zéro à 40 shillings kenyans. Lorsque la part subventionnée passe de 100 % à 97,5 % la demande diminue de 7 points de pourcentage, et lorsque la part subventionnée passe de 95 % à 90 % la demande décroît de 43 points de pourcentage, enfin lorsque la part subventionnée passe de 100 % à 90 % la demande chute de 60 %. La forte élasticité de la demande au prix, ici, joue en faveur d’une subvention à 100 % des moustiquaires. Le résultat extrêmement frappant de cette expérience concerne le deuxième facteur clef, (2) l’utilisation des moustiquaires. Afin de vérifier l’utilisation des moustiquaires, les chercheurs ont rendu visite à 246 femmes qui en ont bénéficié gratuitement ou qui ont dû les acheter. Elles étaient alors interviewées et il leur était demandé de montrer les moustiquaires et de dire qui dormait dessous. Malgré la gratuité des moustiquaires, Cohen et Dupas soulignent une faible utilisation de celles-ci :
De façon générale, on peut être surpris que le niveau net d’usage ne soit pas plus élevé que 60 %.
De façon générale, nos résultats suggèrent que, au moins dans le contexte kenyan, payer n’aide pas à générer une intensité d’usage plus importante [des moustiquaires] que celle provenant d’une distribution gratuite [de ces moustiquaires]. (Cohen et Dupas 2010, p. 30, ma traduction)
10Les femmes enceintes sont très sensibles au prix, cependant même lorsque les moustiquaires sont gratuites, elles sont peu utilisées. Cette faible utilisation des moustiquaires sera nuancée dans l’expérience suivante qui bénéficie d’une durée plus longue, sur une année, et qui montre alors qu’au bout d’une année, 90 % des femmes bénéficiant gratuitement des moustiquaires les utilisent.
11De plus, les auteurs montrent que le fait de payer ne permet pas une plus grande utilisation du bien, ce qui conduit alors au troisième facteur clef défini par Cohen et Dupas (2010) : (3) l’existence d’un effet psychologique. Celui-ci présuppose que le fait de payer augmente la valeur accordée au bien et donc en améliore l’utilisation. Cohen et Dupas montrent qu’il n’y a pas d’effet psychologique. Le point de vue de William Easterly est donc infirmé : rendre les moustiquaires payantes ne favorise ni n’améliore leur utilisation. Cependant, le fait que les moustiquaires soient payantes évite-t-il, comme l’envisage Easterly, un important gaspillage ? Le fait que les moustiquaires soient payantes va-t-il permettre de cibler la population la plus vulnérable – ici les femmes enceintes ?
12Si le prix de la moustiquaire est trop élevé, les femmes, même les plus vulnérables, ne pourront pas en acheter, c’est pourquoi le niveau de la subvention doit quoi qu’il arrive absolument en tenir compte. C’est (4) le quatrième facteur clef soulevé par Cohen et Dupas. Cohen et Dupas (2010) montrent qu’il n’y a pas d’effet de sélection. Les femmes les plus vulnérables ne sont donc pas celles qui sont prêtes à payer le prix le plus élevé pour bénéficier des moustiquaires, ce qui réfute l’effet de sélection anticipé par Easterly. Enfin, Cohen et Dupas mènent une analyse coûts/bénéfices évaluant le prix de chaque stratégie (les différents niveaux de subvention) en termes de vies d’enfants sauvées. Cette analyse conclut qu’il est moins coûteux de faire payer les moustiquaires et que cela tend à une plus grande efficacité ; cependant moins de vies sont sauvées selon ce schéma. La recommandation politique est donc ambiguë et laisse place à un impératif moral, souvent sous-jacent à de telles analyses : quel est le prix des vies sauvées ?
Un premier dispositif : effet de cadrage et engagement oral
13Pascaline Dupas (2009, p. 224) émet plusieurs hypothèses sur la faible utilisation des moustiquaires montrée dans l’expérience qu’elle a menée avec Jessica Cohen :
- l’insuffisante utilisation des moustiquaires peut être due à quatre facteurs ;
- la sous-estimation des bénéfices potentiels de l’utilisation des moustiquaires ;
- la contrainte de crédit des individus ou le fait qu’ils n’étaient pas en mesure de payer, même à un très faible coût, les moustiquaires ;
- l’incohérence temporelle des individus ;
- l’incertitude des individus face à leurs préférences et aux décisions qu’ils doivent prendre.
14Dupas évoque ensuite la littérature grandissante en psychologie9 montrant que les décisions des individus sont souvent très influencées par le cadrage ou les signaux10 quand il s’agit d’investir dans un produit ou de l’utiliser. Afin d’augmenter l’utilisation des moustiquaires, Pascaline Dupas mène une seconde expérience, toujours au Kenya (voir Dupas 2009). Elle souhaite y évaluer l’impact de deux interventions visant à changer le comportement des individus (ici les amener à utiliser les moustiquaires). L’objectif d’une telle expérience est donc de tester deux hypothèses pouvant expliquer la faible utilisation des moustiquaires observée chez les femmes enceintes dans l’expérience précédemment menée par Dupas. Les deux hypothèses mises en avant sur les quatre envisagées par Dupas, sont que la faible utilisation des moustiquaires est due (1) à une sous-estimation des bénéfices de la part des individus et (2) à l’incertitude des préférences des individus. Afin de contrecarrer ces comportements, Dupas envisage deux dispositifs changeant le cadre (frame). Le premier dispositif cherche à contrecarrer la sous-estimation des bénéfices par les individus. Dupas (2009) procède pour cela à un effet de cadrage ; la présentation des choix pourra alors avoir une influence sur ces choix eux-mêmes. Le second dispositif vise à réduire l’incertitude des individus face à leurs préférences ; elle les fait donc s’engager oralement sur le fait qu’ils vont acheter une moustiquaire.
Cadre expérimental et implantation
15Cette seconde expérience a toujours lieu au Kenya et concerne plus de 1200 ménages entre le mois d’avril et le mois d’octobre 2007. Ces derniers sont sélectionnés à partir des registres scolaires. Ces différents ménages sont ensuite assignés aléatoirement à des niveaux de subvention différents. Le niveau de subvention peut varier de 40 % à 100 %. Le premier groupe est le groupe « marketing », le second le groupe « engagement oral », et le dernier le groupe « ciblé ». Au sein du premier groupe, les ménages reçoivent un message publicitaire concernant les moustiquaires. Dans le second groupe, les ménages s’engagent oralement à acheter les moustiquaires. Enfin dans le troisième groupe, différents niveaux de subvention sont appliqués, afin de relier les résultats de cette expérience avec la précédente.
L’échec du nudge
16Dans les résultats obtenus par Dupas je distingue quatre dimensions : (1) l’utilisation des moustiquaires par les ménages les plus aisés de l’expérience, (2) l’élasticité de la demande au prix des moustiquaires, (3) les effets des dispositifs de nudge sur l’utilisation des moustiquaires, et (4) les effets des dispositifs de nudge sur le groupe ciblé – les femmes. L’expérience montre que les ménages les plus éduqués et les plus riches dorment plus sous une moustiquaire que les autres ménages. En second lieu, la demande est toujours très élastique au prix mais moins que ne l’était celle de la première expérience menée par Cohen et Dupas (voir Dupas 2009, p. 226-227) : l’explication donnée par Dupas pour la plus faible élasticité de la demande renvoie au fait que les ménages disposaient de trois mois pour acheter leur coupon afin de bénéficier des moustiquaires. Ces trois mois offraient alors la possibilité d’épargner un peu, et donc d’être en mesure d’acheter les moustiquaires. Cette possibilité d’épargne expliquerait alors la plus faible élasticité de la demande, les ménages étant rassurés de savoir qu’ils pourraient réunir l’argent nécessaire à l’achat des moustiquaires sans crédit. Par contre les deux dispositifs testés dans le but de contrecarrer la sous-estimation des bénéfices et l’incertitude des individus face à leurs préférences n’ont pas fonctionné, ils n’ont eu aucun effet (ibid., p. 228).
17Ces deux dispositifs n’ont donc pas permis d’accroître l’achat de moustiquaires. Cela revient-il à invalider l’hypothèse de Dupas (2009), selon laquelle les individus n’utiliseraient pas suffisamment les moustiquaires car ils sous-estimeraient les bénéfices qu’ils pourraient en tirer ou qu’ils seraient incertains face à leurs préférences ? En d’autres termes, les résultats obtenus par cette expérience ne permettent pas de comprendre pourquoi les individus n’utilisent pas suffisamment les moustiquaires. Cette expérience ne permet pas non plus de savoir quel dispositif permettrait une plus grande utilisation puisque les deux dispositifs testés n’ont eu aucun effet. Le dernier résultat développé par Dupas (2009) concerne le groupe cible, à savoir les femmes. En effet, les femmes semblent être davantage enclines à partager leurs moustiquaires avec leurs enfants que les hommes et favorisent donc l’utilisation des moustiquaires pour les enfants. Cibler les femmes apparaît ainsi comme une stratégie efficace, en ce qui concerne la protection des enfants.
Énigme politique et théorique en matière de santé préventive
18Pour Dupas, cette deuxième expérience ne permet pas de comprendre pourquoi les pauvres n’investissent pas dans des biens de santé préventifs, alors même qu’ils utilisent ces derniers lorsqu’ils sont subventionnés. C’est donc une énigme qui apparaît :
Étant donné les rendements [élevés] des moustiquaires imprégnées d’insecticide [LL-INT], il est surprenant que les ménages ne parviennent pas à surmonter leur contrainte de liquidité et à investir dans des produits même à des prix modérés. Cette énigme a été observée pour d’autres investissements en capital humain et ce dans d’autres contextes […] et suggère que les ménages sont fortement contraints en termes d’épargne ou fortement incohérents temporellement (ou les deux), causant leur sous-investissement en matière de santé comparé à ce qui apparaîtrait optimal. Des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de comprendre les rôles respectifs de ces facteurs. (Dupas 2009, p. 230, ma traduction)
19Le principal problème serait donc la contrainte de crédit, les individus pauvres n’achètent pas de moustiquaires car ils n’ont pas assez d’argent. Dupas (2009) souligne ensuite qu’il est surprenant, vu les effets positifs des moustiquaires, que les pauvres n’arrivent pas à dépasser cette contrainte de crédit. Le sous-investissement dans les moustiquaires aurait deux explications possibles : (1) les pauvres rencontrent des difficultés à épargner, et (2) ils souffrent d’incohérence temporelle. Dupas (2009) suggère de continuer les recherches sur ces deux dimensions, de manière à améliorer l’utilisation des moustiquaires et donner une raison à cette faible utilisation 11.
Un second dispositif : effets d’apprentissage et effets sociaux
20Dupas mène une troisième expérience toujours au Kenya, dans le but de savoir si le fait d’avoir bénéficié d’une subvention augmente ou diminue l’investissement en produits de santé préventifs sur le long terme. L’objectif est ici de déterminer s’il existe pour la population étudiée un effet d’apprentissage après avoir bénéficié gratuitement une première fois des moustiquaires. Dupas (2014) montre que deux principaux points de vue s’opposent face à cette question. Le premier présuppose l’existence d’un effet d’apprentissage important : lorsque les individus ont bénéficié une première fois d’un bien gratuitement, qu’ils s’y sont faits, se sont habitués à ce dernier, ils auront plus de facilité à l’acheter la fois suivante et donc à l’utiliser sur le long terme. Cet effet d’apprentissage permettrait donc de contrecarrer la faible utilisation des moustiquaires en réduisant la sous-estimation des bénéfices que supposent Cohen et Dupas (2010) chez les femmes enceintes de la première expérience. Cependant, le fait d’avoir bénéficié d’une moustiquaire gratuitement une première fois peut aussi freiner l’achat ou l’utilisation de celle-ci la seconde fois. Ici Dupas (2014) évoque les travaux de l’économiste Itamar Simonson et du psychologue Amos Tversky (voir Simonson et Tversky 1992) autour du concept « d’effet de contraste ». Ceux-ci montrent qu’un individu dispose d’une référence financière, c’est-à-dire que le contexte d’acquisition de la première moustiquaire sera sa référence financière pour ce bien. De ce fait, lorsqu’on lui proposera le même bien à un prix plus élevé, il ne sera pas enclin à l’acquérir car le prix sera supérieur à sa référence financière. Dans cette perspective, ceux qui ont bénéficié de la subvention ont intégré la gratuité de ce bien et ne seront donc pas prêts à payer pour l’obtenir la seconde fois.
21Afin d’évaluer la portée de ces deux propositions et donc de déterminer s’il existe un effet d’apprentissage positif grâce à la subvention des moustiquaires, Dupas (2014) construit dans un premier temps un modèle afin de comprendre le rôle des prix dans l’adoption de nouvelles technologies en matière de santé. Dans un second temps, Dupas souhaite tester ce même modèle à l’aide d’une expérience randomisée, sur une technologie particulière – les moustiquaires. Le principal trait caractéristique du modèle est que les individus évaluent dans l’incertain, et ce à un double niveau : (1) ils ne connaissent pas l’efficacité du produit (ils perçoivent des signaux de son efficacité mais cela peut prendre du temps), et (2) ils ne connaissent pas le coût non monétaire du bien (par exemple, ils ne savent pas si dormir sous une moustiquaire tient plus chaud) – puisque c’est en utilisant le bien qu’ils pourront le mesurer.
Structure expérimentale et implantation
22L’expérience a été réalisée dans le district de Busia à l’est du Kenya en mai 2007 et portait sur 1120 ménages12. Ces ménages ont été sélectionnés à l’aide des registres scolaires : il s’agit des familles avec enfants. Ils ont ensuite été inscrits sur une liste qui a été utilisée pour assigner aléatoirement les ménages aux différents groupes. Chaque groupe bénéficiait d’un niveau de subvention distinct, allant de 100 % à 40 %, ce qui fixait le prix pour une moustiquaire de 0 shilling kenyan à 250 (de 0 $ à 3,8 $ au moment de l’expérience). L’expérience se concentre sur six régions. Dans quatre d’entre elles, cinq groupes sont constitués. Ils se distinguent par le prix que leurs membres ont à payer pour acquérir une moustiquaire : 50 shillings kenyans pour le premier groupe, 100 pour le deuxième, 150 pour le troisième, 200 pour le quatrième et 250 pour le cinquième. Dans les deux autres régions, la fourchette de prix est différente et permet de constituer quatre groupes distincts. Pour le premier groupe, les moustiquaires sont gratuites, pour le deuxième, elles coûtent 40 shillings kenyans, 50 pour le troisième groupe et enfin les membres du quatrième groupe doivent payer 70 shillings kenyans pour bénéficier d’une moustiquaire. Pendant un an les participants ont été suivis, des recenseurs rendaient visite aux différents ménages. Ils demandaient aux ménages s’ils utilisaient les moustiquaires et regardaient parfois si ces dernières étaient accrochées au-dessus des lits.
Effets d’apprentissage et effets sociaux : une énigme irrésolue ?
23Pascaline Dupas cherche à évaluer deux effets : un effet d’apprentissage et un effet social. L’effet d’apprentissage renvoie au fait qu’utiliser un bien permet d’apprendre sur ce dernier et donc de se rendre compte de ses bénéfices. L’effet social caractérise le fait que l’on peut apprendre à partir du discours de personnes qui ont utilisé le bien et mesuré ses éventuels bénéfices. La première évaluation vise à mesurer si en ayant bénéficié d’une moustiquaire durant la phase 1 il y a un effet d’apprentissage. On cherche ici à savoir si les individus apprennent des bénéfices de la moustiquaire et sont donc plus enclins à en acheter une sur la période suivante. La seconde évaluation vise à apprécier l’existence d’externalités positives, c’est-à-dire l’apprentissage par les pairs, par exemple si une personne ayant utilisé une moustiquaire communique sur ses bénéfices auprès de ses voisins. Dupas (2014) s’intéresse donc à ces effets d’apprentissage. Pour cela, elle se concentre tout d’abord sur l’effet statique de la subvention et du processus d’apprentissage, et montre qu’une importante subvention génère un effet d’apprentissage conséquent : plus la subvention est importante plus les individus utilisent le produit et plus ils sont en mesure d’apprendre de son efficacité. Dupas se concentre ensuite sur les effets dynamiques de la subvention sur le processus d’apprentissage. Elle cherche donc à voir si les individus qui ont bénéficié d’une subvention totale ou très importante sont plus enclins à acheter une moustiquaire en phase 2. En d’autres termes elle cherche à savoir s’il y a un effet d’ancrage, si les individus qui ont bénéficié de la moustiquaire gratuitement seront prêts à payer pour cette dernière durant la seconde période ou s’ils ont intégré le prix nul et ne seront donc pas prêts à payer pour les moustiquaires. Elle montre alors qu’il n’y a pas réellement d’effet d’ancrage. De plus, lorsque Dupas évalue l’effet d’ancrage de façon directe, elle conclut que les personnes qui ont bénéficié gratuitement des moustiquaires n’ancrent pas du tout le prix.
24C’est donc un autre effet qui serait prédominant. Pour Dupas (2014), deux chaînes peuvent expliquer cela : la première est ce qu’elle cherche à évaluer, l’effet d’apprentissage, la seconde est l’effet revenu. Les moustiquaires ont une incidence positive dans la réduction de la transmission du paludisme. Cette incidence positive, en améliorant le niveau de santé des individus, joue sur leur productivité, ce qui contribue à une augmentation des revenus. Cet effet revenu pourrait expliquer pourquoi les individus qui ont bénéficié gratuitement des moustiquaires sont prêts à payer pour ces dernières durant la seconde période.
25Pour autant, Dupas (2014) montre qu’il n’y aurait qu’un effet revenu limité via la santé. L’effet qui semble donc prendre le dessus est celui de l’apprentissage. La première partie des résultats développés par Dupas conclut sur le rôle positif de l’effet d’apprentissage dans l’adoption des moustiquaires.
26Le second effet auquel s’intéresse principalement Dupas (2014) est l’apprentissage social. Autrement dit, voir, par exemple ses voisins, utiliser des moustiquaires, échanger sur ce sujet, acquérir à travers autrui (et non comme l’effet d’apprentissage, à travers sa propre utilisation du bien) des connaissances sur un bien et ses bienfaits, permet-il une adoption plus large des moustiquaires durant la seconde période ? Cet effet contrecarrerait là aussi la sous-estimation des bénéfices par les individus. Il semble, comme le souligne Dupas (2014), que cet effet joue un rôle dans l’adoption des moustiquaires. Le fait que l’entourage possède une moustiquaire augmente la probabilité qu’un individu achète une moustiquaire mais n’a pas d’impact sur la probabilité qu’il en achète deux. Cet effet social est-il dû à un apprentissage ou bien est-ce le résultat d’une imitation ? En d’autres termes, les individus achètent-ils une moustiquaire parce que grâce aux échanges avec leurs voisins ils ont conscience des bénéfices d’un tel bien ou simplement parce que leurs voisins en possèdent une ? Pour Dupas (2014), de façon générale, les effets sociaux que nous observons s’expliquent par l’apprentissage social, non par l’imitation.
27Il y aurait donc un effet d’apprentissage des individus eux-mêmes lorsqu’ils utilisent le bien et un apprentissage social lorsque ces derniers échangent avec leur entourage. Les individus sont donc prêts à payer pour acheter une moustiquaire, même lorsque cette dernière a d’abord été intégralement subventionnée, et cela est dû pour Dupas à un double effet : un effet d’apprentissage et un effet social. Cela conduit Dupas (2014, p. 224) à favoriser une importante subvention des moustiquaires. Favoriser une subvention intégrale rejoint pleinement la recommandation de l’OMS faite en 2008 afin de lutter contre le paludisme13, ainsi que les recommandations faites par Jeffrey Sachs.
Économie du développement et comportements de santé : un paradoxe insoluble ?
28Pour Pascaline Dupas, les comportements des individus pauvres en matière de santé se caractérisent par deux faits stylisés : (1) un important niveau de dépenses en soins curatifs et (2) un faible niveau de dépenses en matière de prévention. C’est l’énigme que la série d’expériences conduites par Dupas sur le paludisme et les moustiquaires met en avant. Pour elle, cela semble constituer un important paradoxe, et conduire à une forte inefficacité.
29Le premier fait stylisé s’explique, pour Dupas, à travers deux principales raisons : (1) une maladie soignée trop tardivement conduit à une extrême souffrance rendant la demande de soins infiniment inélastique au prix, (2) un accès limité à de bons diagnostics expliquerait aussi que les individus achètent trop tardivement les médicaments. De plus, les individus, en matière de paludisme, ont tendance à prendre des médicaments dont ils n’ont pas besoin car ils ne sont pas malades, et ce souvent à cause de mauvais diagnostics ou d’absence de diagnostics. Ces deux faits stylisés entraînent de nombreuses questions, en partie soulevées par Dupas :
Ces deux faits stylisés discutés dans cette section soulèvent plusieurs questions : pourquoi les ménages n’achètent-ils pas les médicaments dont ils ont besoin ? Pourquoi les ménages n’achètent-ils pas des produits de santé préventifs dont les rendements l’emportent largement sur les coûts ? Ces comportements sont incohérents avec le modèle néoclassique des comportements économiques, au sein duquel les ménages parfaitement informés pèsent les bénéfices et les coûts avant de décider d’investir. (Dupas 2011a, p. 429, ma traduction)
30Les comportements mis en évidence par les expériences de Dupas (2009, 2014) et Cohen et Dupas (2010) semblent donc contredire le cadre économique standard, considérant qu’informer les individus opère un arbitrage efficace entre les coûts rencontrés et les avantages qu’ils peuvent en tirer. Dupas (2011a) pose alors quatre autres questions :
- Cette différence de comportements est-elle le propre des pauvres, et le modèle néoclassique serait-il insuffisant pour appréhender de tels comportements ?
- Cette inefficacité est-elle due à une absence d’information ou à une difficulté à la traiter de la part des pauvres ?
- Ou encore, cette absence d’efficacité est-elle due au fait que les pauvres ont un accès difficile au marché financier ?
- Enfin, cette inefficacité est-elle due à une irrationalité de la part des pauvres ?
31Ces quatre questions rejoignent les deux explications offertes par Dupas (2011a) : la sous-estimation des bénéfices et l’incohérence temporelle. (1) Le modèle néoclassique semble donc insuffisant pour rendre compte de ces deux biais, (2) la sous-estimation des bénéfices est due à un manque d’information de la part des pauvres, (3) l’incohérence temporelle explique en partie le problème financier des pauvres et (4) pointe clairement un biais de rationalité de ces derniers, reste cependant à savoir si c’est un trait propre aux pauvres, la question demeure ouverte. Afin de contrecarrer ces biais de rationalité, Dupas (2009, 2011a) propose de jouer sur le comportement des individus14 en introduisant des dispositifs de nudge.
Pauvreté et comportements irrationnels : sous-estimation des bénéfices et incohérence temporelle
32Le manque d’information est la principale raison invoquée pour expliquer le sous-investissement en matière de soins préventifs. Un simple accès à l’information permettrait donc d’améliorer les investissements en matière de prévention. Dupas confirme cette position mais la nuance en montrant que l’information compte sous réserve qu’elle soit ciblée, pointant alors la complémentarité entre éducation et information, ainsi que le rôle de l’apprentissage social. Cependant en reprenant une expérience qu’elle a menée avec Duflo et Kremer15, toujours au Kenya, centrée cette fois-ci sur la prévention du VIH auprès des jeunes filles, Dupas (2011a) montre qu’il est plus efficace de délivrer des messages préventifs ciblés expliquant précisément les risques plutôt que d’encourager un comportement spécifique16. La population ciblée a une importance toute particulière dans l’impact de l’information. Par exemple, l’expérience fameuse de Kremer et Miguel (2004) sur les vermifuges montre que l’information transmise aux enfants n’a aucun impact et qu’elle aurait été beaucoup plus efficace si elle avait été destinée aux parents. Enfin, le genre peut aussi jouer dans le ciblage de l’information un rôle important ; Dupas montre en effet que les hommes et les femmes ont des comportements différents en matière d’acquisition de nouvelles technologies, comme les moustiquaires.
33Selon Dupas (2011a, p. 435), l’éducation joue un rôle important dans le traitement de l’information. Cependant, les individus éduqués ont aussi tendance à se montrer sceptiques face à l’information, sans doute parce qu’on leur a appris à l’être. L’apprentissage social semble jouer un rôle central dans l’information disponible pour les pauvres et être l’outil le plus efficace pour contrecarrer la sous-estimation des bénéfices. Pour autant, l’information seule n’est pas suffisante, il est aussi important que les individus expérimentent et apprennent eux-mêmes du bien ou de l’expérimentation des autres (Dupas 2011a, p. 437).
34La contrainte de crédit à laquelle font face les pauvres empêche souvent cette expérimentation et cet apprentissage. Beaucoup de soins préventifs requièrent un investissement financier qui peut être impossible pour des individus vivant avec moins d’un dollar par jour. La question devient alors, pour Dupas : les pauvres n’ont-ils pas de moustiquaires (avant l’introduction de la subvention) parce qu’il leur est trop difficile d’emprunter ? Dupas (2011a) reprend une expérience menée par Banerjee, Duflo, Glennerster et Kothari (2010) cherchant à évaluer l’impact de la possibilité de souscrire à un prêt pour acheter une moustiquaire. L’expérience montre que seuls 2 % des individus du groupe de contrôle ont acheté en liquide une moustiquaire, alors que 52 % des individus pouvant bénéficier d’un prêt ont acheté une moustiquaire à l’aide d’un emprunt.
Même s’ils ne peuvent pas emprunter dans des produits de santé préventifs, les ménages devraient être en mesure d’épargner dans le but d’acquérir ces produits, même si cela se fait sur le long terme. (Dupas 2011a, p. 439, ma traduction)
35Dupas se demande alors pourquoi les pauvres n’épargnent pas. L’incohérence temporelle17 et la procrastination qui la caractérise semblent expliquer, pour Dupas, la faiblesse de l’épargne et donc de l’investissement en matière de santé préventive :
Une autre barrière potentielle à l’épargne est que les individus peuvent souffrir d’un biais temporel. Même s’ils aimeraient épargner sur le long terme, ils peuvent être sujets à des tentations quotidiennes qui les empêchent d’accumuler autant qu’ils le souhaiteraient. (Bhattacharya, Dupas et Kanaya 2013, p. 440, ma traduction)
36Les pauvres souffriraient donc d’un biais temporel, ils souhaiteraient épargner mais seraient « rattrapés » par les tentations du présent, tout en continuant de croire que ces tentations seront moins importantes dans le futur et qu’ils seront, à ce moment-là, à même d’épargner. Les quatre enjeux soulevés par Dupas se retrouvent en un double problème : l’incohérence temporelle et la sous-estimation des bénéfices. Les pauvres n’ont aucune incitation à épargner s’ils doutent des bénéfices qu’ils vont tirer de l’utilisation d’un bien. Ce qui, cela a été souligné, justifie pour Dupas une subvention totale sur le court terme afin que les individus puissent expérimenter le bien et apprendre de ses bénéfices. Dupas montre d’ailleurs que concernant les moustiquaires, cet apprentissage est important. Cependant, sur le long terme, les investissements en matière de prévention sont faibles, ce qu’explique l’incohérence temporelle. La question de savoir si cette incohérence temporelle en matière de prévention est le propre des pauvres, soulevée une seconde fois par Dupas (2011a, p. 440), reste ouverte. Le problème semble donc bien être une irrationalité, un comportement biaisé de la part des pauvres.
Implications politiques : jouer sur les incitations et imposer des mandats
37Les implications politiques développées par Dupas visent à contrecarrer cette incohérence temporelle. Sans y faire explicitement référence, elles s’inspirent très clairement du paternalisme libertarien18 développé par Sunstein et Thaler19. Selon eux, le paternalisme libertarien n’a rien d’un oxymore20. Il est possible de mener des actions paternalistes sans pour autant entraver la liberté des individus. L’illustration phare de cela est l’exemple de la ligne de cafétéria développé par Sunstein et Thaler ; ces derniers montrent que de petits arrangements peuvent avoir des effets importants. Afin de démontrer cela, ils imaginent une situation fictive dans laquelle une directrice du service des repas pour le système scolaire d’une grande ville doit décider de l’organisation de la ligne de la cafétéria. Ils montrent qu’en changeant certains arrangements de la cafétéria, cette directrice est capable de diminuer ou d’augmenter la consommation de certains biens alimentaires de 25 %. Par exemple, en plaçant les frites sur un étal plus élevé qu’auparavant ou en disposant les légumes au premier niveau, de façon très accessible. Le premier arrangement permet de diminuer la consommation de frites et le second augmente la consommation de légumes. Cette directrice représente ce que Sunstein et Thaler nomment une architecte des choix : « Carolyn est ce que nous appelons une architecte du choix. Une architecte du choix a la responsabilité d’organiser le contexte dans lequel les individus prennent leurs décisions » (Sunstein et Thaler 2008, p. 3, ma traduction). L’organisation qu’elle choisit permet d’orienter les décisions des individus. En ce sens, si cette directrice souhaite favoriser des comportements alimentaires sains, il lui est possible de procéder à un placement particulier des aliments afin d’orienter les individus. Ce paternalisme est libertarien au sens où aucun choix n’est retiré aux individus, aucune décision n’est prise à leur place. On parle pourtant de paternalisme, car un agent extérieur a défini en amont ce qui lui semblait préférable. Ce paternalisme libertarien se traduit par la mise en place d’une architecture de choix qui oriente les individus vers un comportement efficace. Ces dispositifs sont appelés nudge. Un autre type de politique21 vise à jouer sur les incitations ou sur les sanctions pour orienter la décision des individus, celle dite « de la carotte et du bâton », comme le souligne Dupas :
Dans beaucoup de cas, l’expérimentation est véritablement ce dont les gens ont besoin afin d’être convaincus des bénéfices d’une technologie donnée en matière de santé. En outre, en présence de contrainte de crédit ou d’externalités, les niveaux d’expérimentation peuvent être inefficacement bas. Deux types d’intervention de politiques publiques peuvent redresser cette inefficacité : les bâtons, comme les mandats, ou les carottes, comme les subventions ou les incitations financières. (Dupas 2011a, p. 443, ma traduction)
38Dupas propose de jouer sur les incitations des individus pauvres afin qu’ils adoptent un comportement en matière de santé plus efficace. Elle envisage donc des dispositifs incitatifs fondés aussi bien sur les récompenses que sur les sanctions. En ce sens, elle s’inscrit complètement dans la perspective de Sunstein et Thaler.
39Un des premiers dispositifs envisagés par Dupas pour pousser les individus à investir en matière de prévention est qu’ils s’engagent dans ce processus. C’est exactement ce que teste Dupas, dans la deuxième expérience qu’elle mène au Kenya, avec un dispositif d’engagement oral. Une autre expérience, concernant toujours les moustiquaires et réalisée en Inde22, évalue un autre dispositif d’engagement à travers le microcrédit. Dans cette expérience, il était nécessaire de réimprégner les moustiquaires d’insecticide tous les six mois afin que ces dernières soient efficaces. Deux types de contrats sont alors comparés à travers l’expérience. Un premier contrat laisse les individus libres d’acheter ou non la moustiquaire et de la réimprégner par eux-mêmes. Le second contrat est un contrat d’engagement, les individus achètent la moustiquaire et s’engagent à venir la réimprégner une première fois au bout de six mois et une seconde fois un an après l’expérience. La réimprégnation des moustiquaires a été plus importante dans le groupe bénéficiant d’un contrat d’engagement. S’engager permet alors, pour Dupas, de réduire d’une certaine façon l’incohérence temporelle23.
40Les individus pauvres auraient conscience de leur incohérence temporelle, et feraient donc appel à des dispositifs intérieurs sophistiqués pour la contrecarrer – Dupas ne dit pas lesquels. En ce sens, ils seraient demandeurs de dispositifs qui leur permettraient de s’engager et donc de pallier leur propre incohérence temporelle. Dans la même lignée, le second dispositif majeur que développe Dupas (2011a) tente de jouer sur les incitations des individus. L’objectif est d’offrir aux individus une récompense lorsqu’ils poursuivent un comportement jugé positif pour eux et donc rationnel. En d’autres termes, l’idée est de leur donner une « carotte ». Dupas (2011a) reprend l’expérience menée par Banerjee, Duflo, Glennerster et Kothari (2010). Cette expérience part d’un constat identique à celui posé par l’énigme de la première expérience de Dupas sur les moustiquaires et donc au premier fait stylisé développé par Dupas, les individus pauvres ne font pas vacciner leurs enfants même lorsque la vaccination est gratuite. La raison invoquée est là aussi double, et toujours la même, les pauvres sont incohérents temporellement et sous-estiment les bénéfices de la vaccination. Le dispositif incitatif envisagé par Banerjee, Duflo, Glennerster et Kothari (2010) est d’offrir un kilo de lentilles à chaque ménage venant faire vacciner son enfant. L’impact de ce dispositif est jugé extrêmement positif pour contrecarrer l’incohérence temporelle et donc augmenter le nombre d’enfants vaccinés.
41Les incitations sous forme de récompenses sont alors considérées comme un dispositif efficace permettant de contrecarrer le premier fait stylisé développé par Dupas (2011a) – le faible investissement en termes de prévention. Ces incitations permettent de réduire l’incohérence temporelle ainsi que la sous-estimation des bénéfices. Par exemple, la distribution gratuite des moustiquaires incite à les utiliser. Cette expérimentation, on l’a vu, permet à travers l’apprentissage social de réduire la sous-estimation des bénéfices de la part des individus. De plus, ces incitations peuvent réduire la contrainte de crédit qui pèse sur les pauvres. La première implication politique que tire Dupas consiste à introduire des mécanismes incitatifs au travers de récompenses. Même s’ils sont dans l’ensemble considérés comme efficaces par Dupas (2011a), beaucoup de ces dispositifs se sont révélés inopérants (voir par exemple Dupas 2009 et 2014).
42La seconde implication politique développée par Dupas (2011a) consisterait à légiférer sur les comportements voulus, ce qu’elle appelle mandater. En France par exemple, la vaccination des enfants est obligatoire ; en l’absence de vaccination les parents peuvent perdre leurs droits parentaux. Dupas (2011a) précise cependant que ces types de mandats peuvent être compliqués à mettre en place, particulièrement pour les pays en développement :
Imposer ce type de mandat peut ne pas être toujours facile, et particulièrement dans les pays à faibles revenus où les budgets gouvernementaux et les institutions sont souvent fragiles. Par exemple, tous les véhicules de transports publics au Kenya doivent avoir des ceintures de sécurité, mais la corruption rampante au sein de la police ne donne à la loi aucune prise – elle n’est simplement pas appliquée. (Dupas 2011a, p. 443, ma traduction)
43L’exemple du Kenya montre que les institutions dans les pays en développement peuvent ne pas être à même d’appliquer ce genre de mandat, car la loi ne s’applique pas. De plus, Dupas ne dit pas précisément quels types de mandats devraient être mis en place et comment. Cependant, elle souligne que de tels mandats ont été particulièrement efficaces dans certains pays en développement. Elle prend l’exemple de la Thaïlande et du VIH. En 1991, la Thaïlande lance un programme visant à ce que les travailleurs sexuels utilisent tous des préservatifs. La police fournit les préservatifs aux travailleurs sexuels, même si le travail de ces derniers est illégal en Thaïlande. Afin d’identifier ceux qui n’utilisaient pas de préservatifs, le personnel de santé demandait aux hommes suivant un traitement pour le VIH le nom de l’établissement où ils étaient allés pour avoir des relations sexuelles. Ensuite, le personnel soignant se rendait dans l’établissement pour préciser les informations. Ce programme est considéré comme un large succès, l’utilisation de préservatifs par les travailleurs sexuels étant passée de 14 % en 1989 à 90 % en juin 1992. Les gouvernements ont donc un rôle important à jouer en matière de prévention. Dupas souligne même que leurs actions seraient sans doute beaucoup plus efficaces que celles développées plus haut, c’est-à-dire au travers de dispositifs de « coup de pouce » incitant les individus à acquérir un comportement rationnel :
Le comportement des ménages a joué un rôle mineur. Néanmoins, fournir des informations, des subventions ou des incitations peut être efficace, mais cela peut ne pas être aussi efficace en termes de coûts que des interventions publiques de santé de plus grande ampleur. (Dupas 2011a, p. 445, ma traduction)
44Dupas nuance très fortement ses recommandations politiques, en affirmant que les comportements des ménages ne jouent qu’un rôle mineur et qu’il est sans doute beaucoup plus efficace de mener une politique publique de grande envergure en matière de santé. Cependant, ces grandes politiques publiques ne peuvent être évaluées par le J-PAL et entrent en contradiction avec sa stratégie d’évaluation des politiques locales et sa position de promouvoir les changements à la marge, dans le but d’obtenir des effets importants. Il est nécessaire selon Dupas d’aller plus loin et de s’interroger sur le rôle des gouvernements et des institutions, afin que les individus utilisent réellement les moustiquaires et que la prévention en matière de santé soit conséquente dans les pays en développement. Il est essentiel de retenir de ces expériences que dans les pays en développement, le comportement des individus en matière de santé s’éloigne très fortement du modèle néoclassique, ou du « modèle rationnel ». Les pauvres semblent donc agir de manière irrationnelle, ce qui expliquerait qu’ils n’utilisent pas suffisamment les moustiquaires. Cependant, les différents dispositifs cherchant à retrouver cette rationalité semblent échouer ou se montrent beaucoup moins efficaces qu’une action publique d’envergure.
*
45Les différentes expériences de Dupas, retracées chronologiquement, ont permis d’apprécier la portée théorique des évaluations du J-PAL dans le débat sur l’aide au développement. Elles mettent en évidence le manque d’investissement des pauvres dans les biens de santé préventifs, et ce malgré l’aide apportée. Cette énigme s’explique selon Dupas par les biais de rationalité que sont l’incohérence temporelle et la sous-estimation des bénéfices. Cependant les dispositifs testés afin de contrecarrer ces deux biais n’ont eu que peu d’impact.
46Dupas n’éprouve pas véritablement l’existence de l’incohérence temporelle ou de la sous-estimation des bénéfices, elle la suppose. Ce qu’elle teste ce sont des dispositifs les contrecarrant, qui s’avèrent peu efficaces. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela infirme-t-il l’hypothèse d’irrationalité des pauvres ? Dupas ne donne pas explicitement la signification de l’échec de ces dispositifs et considère que de façon générale, les incitations constituent une implication politique à suivre. Sa position s’opacifie encore par la suite puisqu’elle contredit la perspective locale du J-PAL en affirmant qu’une politique publique aurait un impact bien plus grand. Deux étapes se distinguent alors. L’une est caractérisée par la première expérience de Cohen et Dupas (2010), autrement dit l’étape de l’énigme, que l’expérience fait émerger. Cela conforte la place initialement accordée à la théorie par le J-PAL : celle d’être créée par l’expérience. La deuxième étape est caractérisée par les deux autres expériences de Dupas (2009 et 2014), qui cherchent à contrecarrer le problème et non à y répondre.
Notes de bas de page
1 La lutte contre le paludisme est la cible 3 de l’objectif 6 du millénaire, les deux premières cibles concernent la lutte contre le VIH/SIDA. J’ai développé les différents objectifs du millénaire plus haut.
2 Plusieurs essais cliniques médicaux ont montré l’efficacité des moustiquaires imprégnées d’insecticide dans la prévention du paludisme. Voir par exemple Lengeler (1998), Schellenberg et al. (2001) pour le lien entre l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide et la survie des enfants ; pour la prévention chez les femmes enceintes, voir Dolan et al. (1993), D’Alessandro (1994), Ter Kuile et al. (2003).
3 Voir OMS (2008). L’OMS publie désormais un rapport chaque année sur le paludisme et a publié la seconde édition du rapport de 2008, voir OMS (2013).
4 Voir Cohen et Dupas (2010), Dupas (2014), Cohen, Dupas et Schaner (2015), Bhattacharya, Dupas et Kanaya (2013) et Dupas (2011a).
5 Je choisis dans ce chapitre de me centrer sur les expériences de Dupas sur la subvention des moustiquaires. Dans un autre travail (voir Favereau et Nagatsu 2020), je définis trois blocs de recherches pour toutes les expériences qu’a conduites Pascaline Dupas. Un premier bloc, celui présenté ici, porte donc sur la subvention des moustiquaires. Un deuxième bloc, quant à lui, s’attache à l’épargne des pauvres, c’est-à-dire leur possibilité d’épargner en vue d’acquérir des biens préventifs de santé. Enfin, le troisième bloc s’intéresse aux canaux de transmission des biens préventifs de santé tels que les moustiquaires, montrant que le moyen le plus efficace pour fournir les biens préventifs de santé sont au Ghana, en Ouganda et au Kenya les infrastructures déjà existantes dans ces pays.
6 L’Afrique et l’Inde sont les deux endroits où le paludisme est le plus présent et le plus meurtrier. Au Kenya, le paludisme tue un enfant sur quatre (Jenkins et Sugden 2006).
7 Une étude de Guyatt, Ochola et Snow (2002) montre qu’au Kenya, suite au programme lancé par le ministère de la Santé, les moustiquaires arrivent bien à destination. Autrement dit, il n’y a pas de gâchis et l’aide est correctement employée ce qui était la principale critique adressée à l’aide au développement, notamment par Easterly (2006a).
8 Cela soulève une question éminemment éthique inhérente à la randomisation. Il est difficile, dans un pays où tout le monde aurait besoin de moustiquaires, de refuser d’offrir gratuitement ces dernières. Cela est d’autant plus difficile pour le personnel soignant, qui à l’inverse du J-PAL n’est pas tenu par une volonté de rigueur scientifique. Lorsque Cohen et Dupas (2010) développent le rôle des incitations financières pour le personnel soignant, elles ne font absolument pas référence à cette question.
9 Voir Bertrand, Karlan, Mullainhathan, Shafir et Zinman (2008), Daryl (1967), Snyder et Cunningham (1975), et Duncan (1990).
10 La notion de cadre (frame) est développée par l’économiste Daniel Kahneman et le psychologue Amos Tversky (1981). Ils montrent, à travers une expérience, que la façon dont sont présentés les problèmes joue un rôle important dans la prise de décision. Dans leur expérience, il est demandé à un premier groupe d’étudiants de choisir entre sauver 200 personnes sur 600 et une chance sur trois de sauver les 600 personnes. Dans un second groupe, on propose aux étudiants de choisir entre laisser 400 personnes mourir sur les 600 personnes et deux chances sur trois de voir mourir 600 personnes. Les quatre possibilités possèdent la même espérance mathématique. Pour autant, dans le premier groupe les étudiants privilégient l’option « sauver 200 personnes » et dans le second groupe les étudiants choisissent d’avoir deux chances sur trois de voir mourir 600 personnes. La formulation du problème, soit « sauver des vies » ou « laisser mourir », transforme la décision des étudiants. Il y a alors un effet de cadrage.
11 Dans des travaux avec Jonathan Robinson (Dupas et Robinson 2013a, 2013b) Pascaline Dupas continue cette ligne de recherche, ce que j’ai appelé son deuxième bloc de recherche. Elle teste particulièrement l’existence d’une incohérence temporelle à travers quatre dispositifs de nudging poussant les individus à épargner. Je reviendrai sur cet aspect dans la prochaine section de ce chapitre.
12 Ici Dupas se sert de sa deuxième expérience sur le paludisme et les moustiquaires afin d’évaluer les effets d’apprentissage. Elle reprend donc les données de Dupas (2009).
13 Voir le rapport de l’OMS sur le paludisme OMS (2008).
14 Pour une analyse du lien entre les expériences du J-PAL et l’économie comportementale, voir Davis (2013).
15 Voir Duflo, Dupas et Kremer (2015a).
16 Celui évalué dans l’expérience est l’abstinence en vue de réduire la transmission du VIH chez les jeunes filles, voir Dupas (2011b).
17 Le terme d’incohérence temporelle est, tout d’abord, introduit par Robert Strotz (voir Strotz 1956, p. 165). La définition standard de l’incohérence temporelle est reliée au fait que les individus valorisent plus le présent que le futur, ce qui les conduit à privilégier les actions plaisantes d’aujourd’hui au détriment des méfaits que cela peut entraîner demain.
18 Ce dernier est aussi appelé paternalisme libéral, voir Ferey (2011).
19 Voir, par exemple, Sunstein et Thaler (2003a, 2003b, 2008)
20 Un de leur article est d’ailleurs nommé « Libertarian Paternalism is not an Oxymoron » (Sunstein et Thaler 2003a).
21 Pour une typologie de ces différents types de politiques, voir Loewenstein et Chatter (2017).
22 Voir Tarozzi et al. (2014).
23 Dupas évoque une autre expérience menée aux Philippines concernant le tabagisme (voir Giné, Karlan et Zinman 2010). Dans cette expérience, les individus devaient s’engager à arrêter de fumer. Cet engagement a été considéré comme positif dans la réduction du tabagisme.
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