Introduction de la deuxième partie
p. 103-104
Texte intégral
Il y aurait donc un choix à faire entre les études par assignation aléatoire dont la validité interne est forte, et les études non expérimentales dont la validité externe est plus grande. Pourtant, cela n’est pas nécessairement vrai. Une partie du problème est de savoir ce que l’on veut dire par effet généralisable : cela signifie que si l’on mène la même action dans un lieu différent, on obtiendra le même résultat. Mais de quelle action et de quel résultat parlons-nous ? (Banerjee et Duflo 2009, p. 706)
1La méthode du J-PAL bénéficie d’une importante validité interne, faisant de cette dernière le gold standard méthodologique en matière d’évaluation d’impact. Cependant, les expériences du J-PAL sont fortement critiquées sur leur faible validité externe. De telles expériences offrent des résultats solides, mais dans le cadre très précis de l’expérience. Si l’effet positif d’un programme est évalué dans une région particulière du monde, on ignore si les mêmes effets seront obtenus dans une autre région. Les résultats obtenus par le J-PAL dépendent donc, d’une certaine manière, de leur contexte. Si les expériences menées par le J-PAL se réalisent à petite échelle, il n’est pas sûr qu’étendre un programme à une plus grande échelle garantisse les mêmes effets. La question de la validité externe se pose alors à deux niveaux. Le premier niveau traduit l’utilisation politique des résultats offerts par le J-PAL, tandis que la généralisation d’un programme à une échelle plus large renvoie au second niveau de la validité externe d’une telle approche. Il semble que l’approche du J-PAL se concentre sur la validité interne de ses expériences laissant de côté les deux niveaux de la validité externe. Cela tend à fragiliser le second objectif que se fixe le J-PAL : guider la décision politique. Afin de réaliser ces deux objectifs, le J-PAL aurait donc un arbitrage à faire entre sa validité interne et sa validité externe.
2L’objectif de cette partie sera de s’intéresser à l’arbitrage entre la validité interne et la validité externe de la randomisation du J-PAL. L’analyse de Nancy Cartwright me permettra de poser un cadre épistémologique précis, tout en rendant compte du premier niveau de la validité externe de l’approche du J-PAL. Le second niveau, quant à lui, sera développé au travers des différentes critiques adressées à l’approche du J-PAL, ce qui me permettra de les analyser. Enfin, selon moi ces deux niveaux de la validité externe se retrouvent autour du rôle accordé à la théorie dans la randomisation du J-PAL. En effet, le statut de la théorie au sein de la randomisation du J-PAL ne se limite pas à sa simple absence. Tout d’abord, afin de garantir la validité interne de leur approche, les chercheurs du J-PAL se refusent à toute théorie a priori. Néanmoins, leur objectif étant de parvenir – à partir des résultats obtenus – à la construction d’une théorie a posteriori, il apparaît difficile d’envisager cette théorie a posteriori sans évoquer une théorie préalable, qui guiderait les différentes expériences. Par ailleurs, ce défi théorique possède sa traduction politique : comment passer de la recommandation politique locale à des recommandations politiques globales ? Cette question traduisant explicitement le second niveau de la validité externe de la randomisation du J-PAL, ce passage reste opaque dans l’approche de Duflo et Banerjee. Questionner le statut de la théorie au sein de la randomisation du J-PAL me permettra donc de penser simultanément les deux niveaux de la validité externe d’une telle approche. Je montrerai alors que ces deux niveaux sont extrêmement fragiles et ne permettent pas au J-PAL de réaliser pleinement le second objectif qu’il se fixe. L’accent porté sur la preuve empêche cette approche de guider la décision politique, rendant ces deux objectifs contradictoires.
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