Chapitre 6
Les lois scolaires et l’enseignement primaire français dans le contexte international
Texte intégral
1L’histoire de l’enseignement primaire est essentiellement étudiée à partir d’évolutions et d’enjeux propres à la trajectoire historique de la France au xixe siècle. L’instruction gratuite, obligatoire et laïque, symbole de la politique scolaire républicaine, n’échappe pas à cette logique. L’objectif de ce chapitre est de replacer les grandes lois scolaires de la Troisième République – et notamment les lois Ferry – dans le contexte réformateur international de l’époque. Il s’agit plus précisément de discuter l’idée d’une spécificité ou d’une singularité française en mettant en valeur les logiques exogènes qui accompagnent la mise en place de principes à la base du système scolaire français moderne.
2À cet égard, il est communément admis que la défaite militaire de Sedan en 1870 provoque en France une profonde remise en question de l’instruction publique. Or, si l’organisation scolaire allemande est particulièrement admirée par les contemporains, le mouvement de scolarisation dans les sociétés occidentales joue également un rôle considérable. En effet, les missions pédagogiques, les congrès internationaux mais surtout les expositions universelles identifient dans l’universalisation de l’enseignement primaire une condition sine qua non de la modernité. L’introduction progressive de l’obligation scolaire dans de nombreux pays européens et extra-européens pendant le xixe siècle exerce ainsi une pression sur les réformateurs français, pression exacerbée dans les années 1870 par l’issue de la guerre franco-prussienne1. Les lois Ferry de 1881 et 1882 traduisent alors moins des phénomènes de transferts de politiques éducatives d’un pays à l’autre qu’une tentative d’harmonisation avec un mouvement scolaire international souvent perçu et présenté comme inéluctable.
L’enseignement primaire français : dynamiques endogènes et pression exogène
3L’issue du conflit de 1870-1871 constitue un point de rupture pour l’histoire de l’éducation en France : l’« instituteur prussien » est en effet identifié par les contemporains comme le véritable vainqueur de la guerre. L’instruction publique entrerait donc dans les facteurs ayant contribué à la victoire de l’ennemi. Si l’enseignement supérieur est particulièrement au centre des polémiques, cet événement accélère aussi la multiplication des débats concernant l’enseignement primaire en relançant notamment les querelles sur l’introduction formelle de la gratuité et de l’obligation scolaire. Certes, c’est avec patriotisme et esprit revanchard que les réformateurs français se proposent de redresser le pays2. Toutefois, il faut apprendre de l’ennemi, car ce redressement passe par l’instruction publique, domaine dans lequel l’Allemagne exerce depuis très longtemps une indéniable fascination. Le mouvement réformiste qui s’enclenche au début des années 1870 et qui se conclut sur les lois scolaires portées par Ferry en 1881 et 1882 mobilise ainsi constamment l’exemple étranger pour soutenir la nécessité de réformer profondément l’éducation. La décennie se caractérise par conséquent par deux phénomènes en l’apparence contradictoires, qui ne peuvent qu’interroger le chercheur. D’une part, les contemporains développent une rhétorique dénonçant un supposé retard français en matière scolaire, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. D’autre part, il s’avère que les arguments à la base de ce discours sont en relative contradiction avec la réelle situation de l’instruction en France, dans la mesure où la scolarisation du pays est déjà largement accomplie bien avant l’instauration de l’obligation et de la gratuité scolaire. 3.
4En effet, il convient de rappeler qu’en termes de scolarisation les lois Ferry ne représentent pas un tournant quantitatif majeur, ce processus étant déjà très avancé, voire pratiquement accompli au moment de leur promulgation4. Comme le souligne Pierre Caspard, au moment de sa mise en œuvre, la loi sur l’obligation ne touche qu’une fraction résiduelle de la population. Elle est, en France, plus importante que dans d’autres pays en raison de retards régionaux plus marqués5. Selon Jean-Michel Gaillard aussi, « à la veille des lois Ferry, on peut considérer que la quasi-totalité des enfants vont à l’école »6. Celles-ci peuvent être interprétées comme « une prolongation de la scolarité effective », dans la mesure où « il s’agissait de maintenir à l’école un an ou deux de plus des élèves qui la fréquentaient déjà tous »7. Claude Diebolt note d’ailleurs que la croissance des effectifs de l’enseignement élémentaire a même tendance à stagner après la mise en place des lois Ferry8. Françoise Mayeur confirme également que l’essentiel des structures éducatives est déjà mis en place bien avant l’accès des républicains au pouvoir en 1879, dans la mesure où la scolarisation de la population française connaît des progrès incessants depuis les années 1830, grâce notamment à l’accroissement plus ou moins constant du nombre d’écoles9. En 1829, il existe sur le territoire national 14 000 communes sans écoles. Elles se réduisent à 5600 en 1837, à 818 en 1863 et à seulement 159 en 1881-188210. Les mesures prévues par la loi Guizot de 1833 qui obligent notamment les communes à entretenir une école primaire et la loi Falloux de 185011 contribuent pour beaucoup à la scolarisation des Français, un lent et complexe processus qui se caractérise par des décalages géographiques et des disparités entre les milieux urbains et ruraux12. Ce phénomène est en outre plus prononcé pour les garçons que pour les filles. Néanmoins, la scolarisation féminine connaît elle aussi des progrès considérables dans la seconde moitié du xixe siècle, notamment grâce à la loi de 1850 et aux réformes de Victor Duruy en 1867, qui obligent les communes de plus de 800, et ensuite de plus de 500 habitants à créer une école de filles13. Enfin, les résultats des travaux de François Furet et de Jacques Ozouf sur l’alphabétisation montrent très clairement que les Français savent lire et écrire depuis longtemps au moment des lois Ferry14. Les résultats des examens de conscription sont un autre indicateur de ce progrès : les illettrés représentent 15 % en 1876 et 4,7 % à la fin du siècle15.
5Si elle stimule une profonde remise en question du système éducatif français, la défaite militaire contre la Prusse ne fait que renouveler des débats qui se posent depuis longtemps. En effet, l’idée de rendre l’instruction gratuite et obligatoire s’inscrit dans une longue tradition, et ceci en France comme à l’étranger. Prost rappelle par exemple que le principe de gratuité remonte même à l’Ancien Régime et qu’il est introduit d’abord sous forme partielle avec la loi Guizot et celle du 10 avril 1867 de Duruy, qui prévoit que les municipalités puissent décider de la gratuité totale de leurs écoles et établir une caisse des écoles destinée à faciliter et à encourager leur fréquentation. Avant l’adoption de la loi du 16 juin 1881, près de 7000 communes ont déjà établi la gratuité de façon absolue16. La promulgation de cette loi ne fait alors qu’achever « en l’accélérant, une évolution séculaire »17. De même, depuis le xvie siècle, des déclarations d’origines diverses (des communes comme des Églises) affirment périodiquement le caractère plus ou moins obligatoire de l’instruction, sans l’assortir de mesures réellement contraignantes et coercitives18.
6La campagne pour la réforme scolaire des années 1870 doit donc être étudiée selon les spécificités du contexte français et son histoire scolaire. Des questions comme l’obligation, la gratuité et la laïcité de l’enseignement ont une profondeur historique et, à la différence d’autres pays, sont indissociables dans les conceptions des pédagogues républicains. Elles participent en effet à l’affirmation d’un véritable projet politique et témoignent de l’affirmation du principe qu’il appartient à l’État de garantir et d’assurer la scolarisation de la population19. Ainsi, il est tout à fait légitime de soutenir que les lois Ferry constituent l’aboutissement symbolique de l’évolution des demandes sociales et des mœurs d’une collectivité. Selon Mayeur, « les lois scolaires venaient à leur heure, à la rencontre d’une évolution sociale qui s’est reconnue en elles »20.
7Sans négliger les apports de ces analyses, l’histoire de l’éducation française au xixe siècle, et plus particulièrement au début de la Troisième République, mérite également d’être inscrite dans un cadre d’étude plus attentif à l’économie des échanges et des circulations internationales. Le traumatisme provoqué par la défaite militaire contre la Prusse, attribuée par les républicains à l’insuffisante instruction du peuple, facilite en effet l’usage de plus en plus explicite de la référence au modèle scolaire allemand. Le recours à l'exemple du voisin d’outre-Rhin constitue une source de légitimité, la supériorité prussienne étant désormais établie sur le champ de bataille, ainsi qu’un moyen d’accélérer les débats et d’asseoir les projets politiques républicains21. Par ailleurs, même des pédagogues allemands comme Karl Laubert, directeur du Realgymnasium de Francfort-sur-le-Main, remarquent l’intérêt accru des réformateurs républicains pour les expériences des autres pays occidentaux : dans les années 1870, ceux-ci « cherchent partout des modèles, s’enquérant de ce qui se fait pour l’enseignement dans les autres pays, en Allemagne, en Suisse, en Hollande, dans la Scandinavie, dans les États-Unis d’Amérique »22. C’est donc à la suite des moments de « crise », tels que la défaite militaire et la Commune de Paris, que le savoir sur l’étranger prend tout son sens et joue un rôle spécifique dans l’orientation des politiques scolaires nationales23.
Un « effet structurant » : l’objectivation du modèle scolaire allemand après 1870
8À partir du moment où le soldat et l’instituteur prussien sont considérés comme les deux acteurs majeurs du succès allemand, les politiciens républicains cherchent à réformer les deux institutions les plus discréditées : l’armée et l’école. C’est ainsi que, suivant le modèle prussien, la conscription universelle est introduite en 1872, en dépit d’une hiérarchie militaire souvent récalcitrante à l’idée d’une armée de citoyens pouvant constituer une force militairement et politiquement subversive24. Mais c’est tout particulièrement l’éducation populaire qui se trouve au centre des débats. Plusieurs voix s’élèvent pour associer le redressement national à l’introduction de l’école gratuite et obligatoire. La Ligue de l’enseignement joue un rôle important pour la propagation de ces idées25. Le Cercle havrais de la Ligue recueille déjà en 1869 plus de 300 000 signatures pour soutenir cette revendication, et le comité de propagande en faveur de l’instruction obligatoire et gratuite, formé à Strasbourg, en fait autant en 1870. En 1871, 1 270 000 signatures sont recueillies par son cercle parisien en faveur de l’obligation et de la gratuité26. Sur le plan législatif aussi, en 1871 et 1872, une série d’initiatives pour la réforme de l’enseignement primaire sont présentées à la Chambre des députés, sans succès, notamment par Jules Simon. En dépit de ces déboires, la gratuité totale est de plus en plus perçue comme l’application du principe républicain de l’égalité, et est rendue nécessaire par l’affirmation de plus en plus pressante du principe d’obligation27.
9Dans la France des années 1870, l’ensemble de ces débats présente, en toile de fond, une relation de rivalité et d’émulation avec l’Allemagne. Nombre de réformateurs de l’époque, comme le rédacteur du rapport de l’Exposition universelle de 1889 à Paris Alfred Picard, affirment même que le modèle allemand exerce un « effet structurant » sur le développement des politiques éducatives en France28. Des observateurs comme l’historien Gabriel Monod s’interrogent très rapidement sur les facteurs expliquant l’« intelligence » du soldat allemand pendant la guerre. S’il précise qu’il savait « avant la campagne combien était élevé le niveau de l’instruction en Allemagne », il se montre étonné de constater « à quel point cette instruction universelle a développé l’esprit de la Nation. Presque tous les soldats avaient sur eux des carnets où ils prenaient des notes […] ; ils aimaient lire et savaient tous écrire »29. Les réformateurs qui s’intéressent au système scolaire allemand admirent particulièrement la capacité de ce pays à avoir précocement apporté les bonnes solutions aux problèmes auxquels la France se trouve désormais confrontée. En ce qui concerne les mesures législatives, l’obligation scolaire introduite progressivement dans les États allemands déjà à partir de la fin du xviiie siècle retient particulièrement l'attention. En 1863, le futur chancelier de l’Empire d’Allemagne Bismarck s’adresse à Eugène Rendu, en mission à Berlin, d’une façon très directe : « Voulez-vous savoir ce qui a fait la Prusse ? Deux choses : l’obligation du service militaire, l’obligation du service scolaire. La Prusse ne renoncera pas plus à la seconde qu’elle n’a pensé à renoncer à la première. » Et Rendu de commenter laconiquement quelques années plus tard : « Nous comprîmes le sens réel de ces paroles trois ans plus tard, après Sadowa. »30 En 1872, Michel Bréal se demande comment la France a pu se laisser devancer par de nombreuses nations voisines où le principe de l’obligation scolaire est en vigueur depuis longtemps, sans qu’on se soucie toutefois de son effective application et surtout de son respect31. Léon Gambetta, tout en préconisant le service militaire obligatoire et une application plus rigoureuse de la souveraineté nationale, place d’ailleurs au-dessus de tout « une éducation véritablement nationale, c’est-à-dire, une éducation imposée à tous »32.
10Cette doctrine qui voit dans l’instruction publique le moyen privilégié pour une « régénération nationale » puise explicitement sa source dans l’histoire scolaire allemande. Celle-ci donne en effet l’impression que le pays a réussi à forger son unité et sa puissance militaire grâce à son système éducatif. L’œuvre de Fichte et Stein ainsi que la réorganisation de l’enseignement prussien après la défaite contre les troupes de Napoléon à Iéna en 1806, centrée sur l’enseignement civique et national, sont régulièrement mentionnées dans les rapports de mission ou dans les enquêtes. L’ancien conseiller d’État et secrétaire général du ministère de l’Instruction publique sous le Second Empire, Charles Robert, affirme en 1871 que « l’histoire du peuple allemand justifierait à elle seule »33 ce changement d’attitude par rapport à la place de l’éducation dans la nation. À cet égard, Michel Bréal relate que la France devrait prendre modèle sur ses adversaires en investissant de la même manière le champ éducatif. En appui, il cite une déclaration de l’empereur Guillaume Ier selon lequel il faut que « l’État regagne en force intellectuelle ce qu’il a perdu en force physique »34.
11Certes, la France ne découvre pas l’Allemagne scolaire après la défaite de Sedan et sa supériorité en matière d’éducation est signalée très précocement. L’un des exemples les plus connus est sans doute la mission effectuée en 1831 par Victor Cousin. Il identifie déjà à cette époque certains points forts de l’organisation scolaire prussienne qui, fait intéressant, sont repris tels quels dans la rhétorique des réformateurs scolaires presque cinquante ans après. L’expérience outre-Rhin de Cousin est ainsi réactualisée en fonction des enjeux du moment : c’est notamment « l’habitude enracinée » des parents d’envoyer leurs enfants à l’école (Schulplichtigkeit) et ce qui est vu comme son pendant, le service militaire obligatoire (Dienstplichtigkeit), qui attirent l’attention des réformateurs35. Cousin rappelle que ces deux principes constituent les caractéristiques fondamentales de l’organisation scolaire germanique :
Ces deux mots sont la Prusse tout entière. Ils contiennent le secret de son originalité comme nation, de sa puissance comme État et le germe de son avenir. Ils expriment, à mon gré, les deux bases de la vraie civilisation, qui se compose à la fois de lumières et de force.36
12Finalement, ce que la défaite métamorphose est la nature même du rapport de rivalité et d’imitation vis-à-vis de l’Allemagne. La débâcle militaire change la donne et accélère les débats en leur conférant un caractère d’urgence. L’issue de la guerre contribue aussi à raffermir les engagements personnels. Hippeau et Bréal, par exemple, identifient dans la défaite militaire l’une des origines de leur implication dans le mouvement de la réforme scolaire. Lorsque Hippeau publie sa série d’enquêtes sur les systèmes scolaires étrangers entre la fin des années 1860 et le début des années 1870, cet événement est constamment invoqué pour justifier son œuvre. Dans son livre sur l’instruction publique en Allemagne publié en 1873, il insiste particulièrement sur les progrès à accomplir dans l’enseignement populaire. L’évocation de la supposée supériorité allemande est liée à cet objectif. La comparaison et la nécessité d’apprendre de l’étranger ne se déclinent pas en termes de coopération et d’échange mais plutôt en fonction d’enjeux strictement nationaux, voire patriotiques :
Tout citoyen honnête s’est senti blessé dans son patriotisme, en voyant opposé aux progrès accomplis chez les autres nations dans l’enseignement populaire, l’état d’infériorité dans lequel languissait celui de son pays.37
13Ainsi, l’intérêt pour le système scolaire allemand s’explique et se structure en fonction d’enjeux et de besoins internes à la France et sert essentiellement à pallier les problèmes qui se posent sur le plan national :
Nous donc, qui retenons le savoir en si grand honneur, nous qui demandons pour tous les enfants de la France l’instruction gratuite et obligatoire, parce que nous voyons dans la diffusion et l’accroissement des lumières la condition essentielle de la prospérité et de la grandeur morale de notre pays, nous avons intérêt à connaître pourquoi la docte Allemagne a fait un si déplorable usage d’une culture intellectuelle que nul ne lui conteste et d’une organisation de l’instruction publique qui, sur beaucoup de points, pouvait servir de modèle à des peuples placés dans des conditions moins favorables.38
14Rien d’étonnant donc à ce que la prise en compte de l’exemple allemand, la référence constante à celui-ci et la reconnaissance de ses points forts cohabitent avec l’esprit de revanche. Particulièrement véhiculé à la fin du xixe siècle par les manuels scolaires39, l’enseignement « patriotique » est d’ailleurs appelé à contribuer, comme le note Philippe Alexandre, « dans la France en crise, […] au relèvement intellectuel et moral, à la régénération du pays »40.
Du protestantisme ou de la supériorité de l’Allemagne
15Depuis le début du xixe siècle le prestige pédagogique de l’Allemagne repose sur le degré d’instruction de ses citoyens. Preuve de l’attention marquée pour l’éducation du peuple, les rapports de nombreuses missions pédagogiques mettent systématiquement en exergue le faible taux d’analphabétisme qui caractériserait les différents États germaniques. Bien que les chargés de mission fassent souvent l’impasse sur la qualité des données disponibles relatives à l’alphabétisation, ces bons résultats, notamment en Prusse, s’expliqueraient notamment par l’importance accordée à l’instruction publique par la religion protestante, pour laquelle tout fidèle doit être en mesure de lire la Bible. Celle-ci se répercuterait positivement à la fois sur la qualité de la fréquentation des écoles – en Prusse elle frôlerait le 100 % – et sur la durée de la période de scolarisation41. Du même coup, voilà expliquées la qualité militaire et la discipline de l’armée triomphante à Sedan. N’est-il pas vrai, comme le rappelle Albert Sorel, que « sur 100 conscrits examinés en Prusse, 3 seulement ne savent ni lire, ni écrire » et qu’« en France, nous en comptons 27 »42 ?
16La question religieuse constitue un sujet d’investigation central dans les expertises comparatives menées par les réformateurs qui s’intéressent à l’évolution du mouvement scolaire dans les pays étrangers. L’impulsion donnée par la réforme protestante à l’instruction publique, et notamment à l’instruction populaire (la Volksschule), contribue depuis longtemps à la prétendue supériorité de l’Allemagne et plus généralement des pays réformés en matière d’éducation, une précellence déjà sensible au début du xixe siècle43. La construction mythologique du modèle allemand joue ici un rôle essentiel44. Si certaines régions et villes allemandes, surtout prussiennes, présentent effectivement un taux d’alphabétisation particulièrement élevé, la France se trouve aussi parmi les pays les mieux classés au niveau européen. Au début de la Première Guerre mondiale, selon les données de David Vincent, le taux d’alphabétisation des hommes dans les deux pays est presque identique, alors qu’à la fin des guerres napoléoniennes l’avance allemande était encore de 30 %45. Quoi qu’il en soit, l’idée d’un obscurantisme catholique face à l’Aufklärung protestante est depuis le début du xixe siècle l’un des grands thèmes des tenants revendiqués du progrès46. Dans l’ouvrage La réforme intellectuelle et morale publié en 1871, Ernest Renan envie explicitement à l’Allemagne son enseignement primaire tout en soulignant que son efficacité est directement issue du protestantisme47. La puissance prussienne se fonderait d’ailleurs sur un esprit de discipline bien particulier : même si la « religion y est chose d’État », le clergé s’est toujours montré favorable à l’instruction obligatoire, car il serait « sous la dépendance entière du gouvernement, et ne montre nulle tendance à s’y soustraire »48. L’impulsion éducative du protestantisme est aussi remarquée lors de l’Exposition de Vienne en 1873, lorsque Émile Levasseur établit un classement des pays en fonction de l’état de leur éducation populaire. Tout en reconnaissant l’imperfection des données statistiques et des informations à sa disposition, il situe la France dans un rang moyen au niveau européen, entre les États scandinaves et ceux de la péninsule Ibérique qui sont parmi les derniers. Plus que le régime politique, la « race » ou le « climat », c’est le rapport vertueux entre protestantisme et développement des institutions éducatives qui expliquerait en grande partie le classement. En effet, la matrice religieuse est souvent mise en relation avec la mise en place d’une réglementation législative conséquente, ce qui enclenche une véritable spirale vertueuse :
Ne voit-on pas que le protestantisme, en imposant à tout fidèle l’obligation morale, bien autrement puissante, de lire les Saintes Écritures, a été pour beaucoup dans les progrès de l’instruction et a préparé l’obligation légale ?49
17Selon Levasseur, les pays protestants sont ceux où l’instruction publique se porte le mieux, les États catholiques sud-européens ayant été entraînés « par la force » dans le mouvement de scolarisation50. Toutefois, les avancées législatives dans ce domaine, et notamment l’instauration de l’obligation scolaire, ne semblent pas être un facteur toujours décisif pour le progrès de la scolarisation. En effet, il constate que dans les pays protestants n’ayant pas encore introduit la scolarité obligatoire, l’instruction est tout de même florissante, comme dans les colonies d’Australie, en Écosse, ou encore aux Pays-Bas. Bréal décrit avec ces mots le lien entre religion protestante et développement de l’instruction publique : « […] le protestantisme, par un enchaînement d’idées dont il serait hors de propos de discuter la valeur philosophique, […] mit au service de l’instruction le stimulant le plus efficace et l’intérêt le plus puissant qui agisse sur les hommes. »51 De la même manière, en parlant des États scandinaves, Hippeau note que « dans ces pays, comme dans les divers États d’Allemagne, c’est au protestantisme qu’il faut attribuer les progrès qui s’accomplirent dès le commencement du xvie siècle dans l’organisation de l’enseignement populaire »52.
18L’instruction obligatoire n’est donc pas toujours identifiée comme la solution miracle, les clivages religieux pouvant considérablement modifier son effet sur la fréquentation des écoles. De ce fait, les exemples étrangers ne témoignent pas toujours de corrélations nécessairement positives entre l’introduction de l’obligation, la fréquentation scolaire et, plus généralement, l’alphabétisation des populations. Malgré ces limites, le mouvement réformateur qui débouche sur les lois scolaires du début des années 1880 se nourrit constamment de la comparaison, dans la mesure où celle-ci permet de fabriquer l’argument d’un retard scolaire de la France, non seulement vis-à-vis de l’Allemagne, mais également par rapport à une évolution scolaire internationale dont les réformateurs républicains sont bien conscients.
L’universalisme français mis à l’épreuve : les lois Ferry entre national et international
19La défaite de Sedan intensifie ce que Schriewer définit comme le processus d’ouverture à des « impulsions externes », et donne ainsi un sens tout particulier au vaste déploiement d’activités qui produisent un savoir sur les systèmes scolaires étrangers53. Or, si l’Allemagne joue un rôle important dans les configurations discursives de l’époque, il est aussi utile d’examiner de plus près le contexte international dans lequel se pensent et se mettent en place les lois scolaires des années 1881-1882, tout comme les horizons de référence qui les entourent.
20Les recherches menées par Francisco Ramirez, John Meyer et John Boli à partir des années 1980, qui questionnent les conditions d’émergence d’une « culture mondiale », montrent que l’instauration et la diffusion du principe de l’obligation scolaire dans l’espace européen et mondial aux xixe et xxe siècles ne sont pas nécessairement liées à des facteurs économiques, tels que le niveau d’industrialisation ou d’urbanisation d’un pays54. De même, le lien entre l’introduction du principe d’instruction obligatoire et le recul du taux d’alphabétisation n’est pas automatique, les deux phénomènes n’étant pas superposables55. L’obligation participerait plutôt aux processus de construction nationale qui, tout en suivant des rythmes différents en fonction des pays, s’épanouissent tout au long du xixe siècle56. Christophe Charle attribue aussi aux mesures d’obligation et de gratuité totale ou partielle de l’enseignement primaire un rôle important dans la reconfiguration de la demande d’éducation en Europe : elles constitueraient l’un des aspects de l’« expansion de la vie culturelle » qui caractérisent la fin du xixe siècle57.
21Proposée et débattue à plusieurs reprises, dans les années 1850 par Eugène Rendu58 puis dans les années 1860 par l’enquête promue par Victor Duruy59 – pour ne citer que quelques exemples parmi les plus connus –, l’obligation est en France l’une des questions prioritaires dans les appels pour la régénération nationale à travers la réforme de l’enseignement. Dans le Dictionnaire de pédagogie édité par Ferdinand Buisson, il est ainsi reporté qu’« à partir de 1850, mais plus encore depuis 1860, le mouvement de l’opinion s’accentua de plus en plus en faveur de l’obligation, dans la presse, dans les livres, dans les Congrès et les Expositions internationales »60. Par ailleurs, selon les mots d’Augustin Cochin, « la question de l’obligation légale est de celles que la guerre avec l’Allemagne a tranchées »61. Si la mise en place de l’école républicaine en France vise à établir le principe de l’État comme référent principal de l’éducation des jeunes générations, l’obligation scolaire et son corollaire, la gratuité, s’imposent alors comme un élément de consolidation de l’État républicain. En 1872, Hippeau identifie dans ces principes le moyen même pour établir la « forme républicaine » de la France62. Dans ce contexte, les effets structurants des exemples étrangers, médiatisés à travers les formes sociales explorées dans les deux premières parties de l’ouvrage, doivent être pris sérieusement en considération. En effet, le principe d’obligation, voire de gratuité totale de l’enseignement primaire, sur lequel reposent les progrès de l’éducation populaire selon les réformateurs républicains, est déjà en vigueur dans plusieurs pays occidentaux, certes avec des nuances et des limites fort importantes selon les cas. Le tableau suivant montre les dates d’introduction de ce principe dans quelques pays occidentaux.
Tableau 11. Introduction du principe de l’instruction obligatoire dans quelques pays occidentaux.
Pays | Date | Pays | Date |
Prusse | 1763 | Suisse | 1874 |
Danemark | 1814 | Italie | 1877 |
Grèce | 1834 | France | 1882 |
Espagne | 1857 | Argentine | 1884 |
Suède | 1842 | Irlande | 1892 |
Portugal | 1844 | Pays-Bas | 1900 |
Norvège | 1848 | Luxembourg | 1912 |
Autriche | 1869 | Belgique | 1914 |
Grande-Bretagne | 1870 | États-Unis | (1918) |
Source : Les informations sont tirées de Yasemin Soysal, David Strang, « Construction of the first mass education systems in nineteenth century Europe », Sociology of Education, vol. 62, no 4, 1989, p. 278, et de Peter Flora, State, Economy, and Society in Western Europe, 1815-1975, t. II, Francfort, Campus Verlag, 1983.
22La lecture de ce tableau suscite trois remarques. Premièrement, le principe d’instruction obligatoire est présent dans les textes législatifs de presque tous les pays occidentaux à la fin du siècle. Comme le souligne Levasseur dans son ouvrage sur l’enseignement primaire paru en 1897, l’instauration de l’instruction obligatoire est l’une des grandes caractéristiques du xixe siècle. Elle aurait même entraîné « un changement de l’équilibre moral du monde », en raison de la croissance de l’alphabétisation et des effets sociaux qui lui seraient corrélés, comme l’élévation des salaires, l’amélioration de l’hygiène et de la moralité des masses populaires63. C’est d’ailleurs en partant de ce constat que les sociologues de l’école de Stanford identifient le processus de convergence vers un « modèle d’école » commun à l’échelle mondiale, l’obligation – avec la mise en place d’une administration scolaire publique – constituant l’un des éléments centraux de la forme moderne du système scolaire. Certes, les différences dans la durée de la période d’obligation, les classes d’âges visées, les décalages entre milieux urbains et ruraux ainsi que la diversité des administrations scolaires censées la contrôler ou la sanctionner (État, communes, etc.) constituent autant de facteurs qui peuvent accorder des significations fort différentes à ce principe selon les contextes nationaux. Il convient aussi de rappeler que la gratuité de l’enseignement (totale ou partielle) n’est pas nécessairement liée à cette mesure, les pays européens présentant des situations fort disparates. Cela dit, comme le remarque justement Novoa, l’instauration légale de l’instruction obligatoire, « même s’il s’agit d’une date plus symbolique que réelle, […] est à retenir car elle marque un tournant dans la façon d’envisager les politiques de scolarisation »64.
23Deuxièmement, l’adoption du principe d’obligation peut être en fort décalage avec son application effective. Depuis le xviiie siècle, les déclarations prônant son instauration ne manquent pas65. En outre, si des pays comme le Portugal, la Grèce et l’Espagne introduisent la scolarité obligatoire très tôt, son respect et ses répercussions sur le taux d’alphabétisation ne sont pas automatiques et nécessairement vertueuses66. En dépit de leur supposée précocité, Levasseur classe d’ailleurs la péninsule Ibérique aux derniers rangs des pays dits « civilisés ». En revanche, un pays comme la Belgique introduit ce principe tardivement, mais vers 1900 la quasi-totalité des enfants fréquentent l’école primaire67.
24Troisièmement, les trois pays qui sont souvent érigés en modèles par les réformateurs français, qui occupent les premières places dans les pays de destination des missions pédagogiques et qui sont l’objet de nombreux articles dans les revues pédagogiques – à savoir l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis –, introduisent ce principe bien avant 1882. La Prusse est le premier pays à inscrire l’obligation scolaire dans des textes législatifs, déjà au xviiie siècle. Différentes lois entrent en vigueur à partir de 1763 et en 1819 une disposition particulière permet la mise en place d’un système de contraintes afin d’obtenir un meilleur respect de l’obligation68. Aux États-Unis, le système politique décentralisé explique que l’instauration de l’obligation dans tous les États se soit faite progressivement entre 1852 et 191869, d’abord dans les États unionistes, puis dans le sud du pays70. Le décalage temporel et les nombreuses disparités géographiques sont toutefois compensés par la conception d’une école gratuite et ouverte à tous les enfants, dont les structures administratives sont créées à partir de 183071. En Suisse, la grande majorité des cantons introduisent l’instruction obligatoire, assortie de mesures pour en assurer le respect, bien avant l’inscription de ce principe dans la Constitution fédérale en 187472, qui ne constitue qu’une date symbolique73. Quant à l’Angleterre, l’Education Act de 1870 accorde la possibilité à chaque School Board (conseils d’école chargés d’organiser l’offre scolaire au niveau local) de décréter l’obligation scolaire74. En 1899, l’école primaire est obligatoire jusqu’à douze ans et totalement gratuite à partir de 191875.
25Il s’agit évidemment d’une présentation très sommaire d’évolutions législatives très complexes, qui doivent être interprétées avec précaution76. L’objectif n’est d’ailleurs pas d’écrire une histoire de l’obligation et de la gratuité scolaire en Europe. Ce qui importe est de souligner que les faisceaux d’expertises fournis à la fois par les rapports des missions pédagogiques, les articles dans les revues pédagogiques et les comptes rendus des expositions universelles font entrer avec force la conjoncture scolaire internationale dans les débats et les propositions des réformateurs français. La conscience de l’évolution législative scolaire dans les pays étrangers constitue en effet l’un des résultats des pratiques de production de savoir sur l’étranger analysées jusqu’ici77. Ce n’est donc pas un hasard si en 1900 le vice-recteur de l’académie de Paris Liard, après l’Exposition parisienne, déclare : « […] dans tous les pays civilisés, l’instruction primaire est maintenant, en vertu des lois ou des usages, obligatoire et gratuite, et l’État reconnaît enfin ses devoirs sur ce point. »78 Il apparaît par conséquent difficile d’étudier les réformes scolaires de l’époque sans prendre en considération les trajectoires des autres pays et le cadre général que celles-ci façonnent pour l’ensemble des sociétés occidentales. Dans le cas français, il est même possible d’identifier dans le rapport à l’international un facteur qui pousse et légitime un processus d’harmonisation avec des principes de plus en plus adoptés en dehors des frontières nationales et qui, de plus, répondent aux clivages du contexte politique de l’époque.
Comparaison internationale et construction du « retard scolaire » de la France
26Les expositions universelles constituent un lieu-clé pour la prise de conscience de l’évolution scolaire internationale et de la place que la France y tient. Avec les missions et les congrès, elles témoignent de la généralisation du principe d’obligation de l’enseignement primaire. Déjà, lors de l’Exposition de Londres en 1862, le rapport de jury international de la classe 29 consacrée à l’enseignement accorde une place d’honneur à la Prusse, à la Suisse et aux pays scandinaves « où l’instruction est érigée en devoir légal ». Par conséquent, ces pays tiendraient « le premier rang en Europe quant au degré d’instruction du peuple »79. L’idée d’un retard de la France est mise en relief par Michel Chevalier, président du jury international, dans les pages dédiées à l’instruction publique du rapport de l’Exposition universelle de Paris en 1867 :
Le point principal sur lequel l’attention semble particulièrement appelée par les documents scolaires rassemblés à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1867, est incontestablement la nécessité de donner […] à chaque habitant de tout pays qui se prétend civilisé, les éléments indispensables de l’enseignement primaire : lecture, écriture, calcul. Ce but est généralement atteint dans les pays où l’instruction a été rendue obligatoire ; dans les autres […] les résultats obtenus ne sont pas en rapport avec les dépenses faites. Dans beaucoup d’États, d’ailleurs, notamment en France, le budget de l’instruction publique est insuffisant.80
27À l’Exposition de Paris en 1878, les lacunes du système scolaire français sont soulignées à maintes reprises par les observateurs dans de nombreux comptes rendus. La comparaison avec les pays voisins est souvent sans appel. Félix Pécaut y constate par exemple l’état d’infériorité de l’enseignement primaire, notamment en ce qui concerne l’enseignement féminin81. De même, le directeur de l’École supérieure de Marseille Raoulx ne peut que remarquer le retard français. Tout en reconnaissant l’importance des initiatives et les progrès accomplis pour l’éducation populaire à partir de 1870 – comme les bibliothèques populaires et les cours pour adultes82 –, il avoue que la plupart des États européens ont devancé la France et que les instituteurs, auxquels son rapport s’adresse, doivent comprendre cette « vérité »83. L’obligation et la gratuité de l’enseignement primaire sont clairement identifiées comme des conditions sine qua non pour le progrès de l’instruction populaire84. Raoulx pointe notamment les insuffisances des différentes mesures qui, depuis 1833, sont censées favoriser la scolarisation, à l’instar de la gratuité des études pour les enfants pauvres et de l’exemption des écolages pour les familles qui ne sont pas en mesure de payer la rétribution scolaire85.
28Les expositions ne constituent pas la seule occasion d’élaborer l’argument du retard scolaire français. Les échanges de renseignements entre les administrations scolaires de différents pays dans les années 1870 et ensuite la centralisation de documents législatifs mise en place par le Musée pédagogique dès 1879 permettent aussi de se renseigner aisément sur tout débat ou réforme en cours à l’étranger. Ainsi, le consul de France à San Francisco envoie au ministère de l’Instruction publique une note bien documentée concernant l’introduction de l’obligation scolaire en Californie, le 1er juillet 187586. En 1879, Jules Ferry demande au ministre des Affaires étrangères de lui envoyer des documents par l’intermédiaire des agents diplomatiques en poste dans les capitales de plusieurs pays européens87. Cette soif d’information demeure d’ailleurs intacte même après la promulgation des lois de 1881 et de 188288.
29Cette prise de conscience de l’ampleur et des formes du processus de scolarisation qui caractérisent les pays occidentaux dans la seconde moitié du xixe siècle se traduit souvent par l’idée que l’imposition du principe d’instruction obligatoire – étape incontournable vers la modernité – est inéluctable. Les exemples de l’utilisation d’un tel argument sont multiples et prennent plusieurs formes. Tous témoignent néanmoins de l’usage de la référence internationale comme argument de légitimation. Véritable stratégie, elle se retrouve de façon permanente dans la dizaine d’initiatives parlementaires et de projets de loi discutés dans les années 1870. En 1872, Jules Simon présente un projet de loi sur l’enseignement primaire pour assurer un « minimum d’instruction », la gratuité totale n’étant pas encore envisagée. Parmi les arguments qu’il expose afin de légitimer ses vues, la précocité de certains pays est explicitement soulignée. Parmi les moyens qu’il identifie pour « répandre l’instruction primaire », après la multiplication des écoles, voie suivie par la France jusque-là, vient l’instruction obligatoire, une idée qui n’est pas inédite au niveau international :
En Prusse […] elle existe depuis un siècle ; dans la plupart des États de l’Allemagne, en Suisse, en Portugal, en Espagne, en Danemark, en Norvège. Tous les peuples en auront compris avant nous l’utilité, la nécessité.89
30Le projet de loi de 1879 du ministre de l’Instruction publique Agénor Bardoux, l’un des promoteurs du Musée pédagogique, s’appuie aussi sur l’évolution législative en matière scolaire dans les pays étrangers. S’il souligne les progrès accomplis dans les années 1870, il se demande néanmoins si « la France restera […] longtemps en dehors du mouvement qui s’est accompli autour [d’elle] »90. Dans un discours à la Chambre des députés en 1880, Paul Bert n’hésite pas à rappeler la trajectoire d’un ancien ministre de l’Instruction publique, François Guizot, qui entre 1830 et 1860 s’est toujours exprimé contre l’application de ce principe avant de changer d’avis. Devant les parlementaires, Bert cite un extrait d’une lettre de Guizot datée de 1873 expliquant son revirement :
Le mouvement en faveur de l’enseignement obligatoire est sincère, sérieux, national. De puissants exemples l’autorisent et l’encouragent : en Allemagne, en Suisse, au Danemark, dans la plupart des États d’Amérique, l’instruction primaire a ce caractère, et la civilisation en a recueilli d’excellents fruits.91
31Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si le rédacteur en chef de la Revue internationale de l’enseignement Dreyfus-Brisac signale que Ferry a lu avec beaucoup d’intérêt l’ouvrage de Hippeau sur l’instruction publique aux États-Unis publié en 1870. Les résultats de son étude auraient produit sur lui « une vive impression » dans la mesure où l’obligation et notamment la gratuité des études jadis préconisées par Condorcet apparaissent bien ancrées dans ce pays92. Quelques mois avant l’adoption de la loi sur la gratuité de l’enseignement, Bert revient encore sur les caractéristiques du système scolaire américain. Il cherche un argument pour asseoir les avantages de la gratuité totale des études par rapport à la gratuité partielle, après avoir constaté qu’en France nombre de familles pauvres rechignent à formuler la déclaration d’indigence qui leur donnerait accès à la gratuité. Les informations dont il dispose sur les systèmes scolaires étrangers, fondées aussi sur les rapports rédigés par les délégués américains lors de l’Exposition de Paris en 1878, lui permettent de mieux légitimer et d’argumenter ses propositions :
En Amérique, les résultats sont encore plus considérables. Les documents que nous a fournis l’honorable M. Buisson, dans son très beau rapport sur l’Exposition de Philadelphie, les rapports des surintendants de l’instruction publique dans les différents États, sont unanimes pour constater que le mouvement de la gratuité a donné des résultats excellents.93
32La démarche est la même dans la discussion parlementaire sur la gratuité du 6 juillet 1880. Bert s’étonne du fait qu’on accueille avec défaveur des « systèmes législatifs qui sont appliqués tout autour de nous à l’étranger ». En guise de justification, il ajoute :
[…] la gratuité est actuellement établie dans un très grand nombre de pays : elle est établie dans presque toute l’Amérique, en Suisse depuis la constitution de 1874, au Danemark, en Prusse, en Italie, en Espagne même ! Nous pouvons, je crois, l’établir en France sans être soupçonnés de vouloir dilapider les finances et de susciter des révolutions sociales.94
33En 1881, la commission chargée d’examiner le projet de loi sur l’obligation scolaire, après avoir retracé l’historique de la question par le rappel de vœux et projets de loi inachevés ou abandonnés, souligne avec clarté l’intérêt et la sensibilité grandissante pour ces questions en France, mais aussi à l’étranger, où elle se généralise de plus en plus. Son application transcenderait tous les clivages politiques et géographiques :
Devons-nous rester indifférents à l’exemple qui nous est donné par tant de nations si diverses d’institutions sociales, de formes de gouvernement et cependant si unies entre elles dans l’organisation et dans la pratique de l’enseignement obligatoire ? Des monarchies, des républiques, des états constitutionnels et parlementaires, l’Angleterre, la Prusse, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Autriche-Hongrie, la Suisse, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, une grande partie des États-Unis d’Amérique, du Canada, du Brésil et des colonies anglaises de l’Australie, de près et de loin, dans l’ancien et dans le nouveau monde, dans les lois, dans les mœurs, nous trouvons l’institution de l’enseignement obligatoire, acceptée, pratiquée comme une condition de développement intellectuel et moral, comme une garantie de sécurité et de puissance. L’obligation est devenue la règle : est-ce bien la République française qui doit y faire exception ?95
34Le contexte international apparaît donc à maintes reprises dans les argumentaires des partisans de la gratuité et de l’obligation scolaire. Il intervient aussi a posteriori, une fois les lois adoptées. Par exemple dans les brochures ayant pour but d’expliquer la nouvelle législation aux administrations et aux personnes qui sont appelées à l’appliquer quotidiennement96. Dans son Commentaire de la loi du 28 mars 1882 à l’usage des instituteurs, des familles, des commissions scolaires, des juges de paix et des délégués cantonaux, l’avocat de la Cour de Paris Ambroise Rendu défend de cette manière le principe de l’instruction obligatoire : « Nos voisins l’ont d’ailleurs bien compris, l’Allemagne surtout, dont les lois sur l’enseignement peuvent passer pour des modèles. »97 L’usage de la référence étrangère en tant qu’instrument de légitimation ne se limite pas à la simple mention des expériences accomplies en dehors des frontières nationales. En 1882, l’Académie des sciences morales et politiques lance un concours sur la question des droits de l’État en matière d’enseignement et d’éducation. La récompense est accordée à un pasteur genevois, Louis Warin, premier titulaire de la chaire de sociologie de l’université de Genève. Connu sur le territoire genevois pour ses positions anticatholiques, il rédige un pamphlet intitulé L’État et l’école, ou des devoirs et des droits de l’État en matière d’enseignement et d’éducation, qui constitue un plaidoyer pour une éducation laïque et l’éviction de l’Église de ce domaine98. L’auteur récompensé reflète à quelques détails près la doctrine scolaire des républicains laïcs au pouvoir depuis 1879. Ognier n’hésite pas à qualifier cette récompense de « véritable caution étrangère » de l’idéologie scolaire des républicains99.
35Il convient cependant de souligner que l’exercice de la comparaison internationale ne débouche pas systématiquement sur l’impératif d’adopter le principe de l’obligation scolaire. Par exemple, le travail de comparaison des systèmes scolaires mené par Levasseur nuance fortement les effets positifs escomptés. Outre des réserves sur l’introduction de la gratuité scolaire, qui provoquerait des coûts retombant sur les communes ou l’État, il signale que l’instruction obligatoire ne saurait établir une « différence nette entre une nation ignorante et instruite » et que « c’est surtout en regardant l’Allemagne et la plupart des États protestants qu’on s’est engoué »100. L’exemple de pays catholiques ayant introduit le principe d’instruction obligatoire, comme l’Espagne, ne permet pas nécessairement de plaider en faveur d’une telle mesure. La religion protestante est vue comme un facteur qui peut, à lui seul, faire la différence dans la scolarisation d’une population. Mais si la France ne dispose pas de l’arme religieuse, comme l’affirme Edgar Quinet, elle devrait a fortiori adopter le principe de la gratuité totale des études, qui n’existe pas en Allemagne par exemple, et l’utiliser pour remplacer l’effet spontané du protestantisme101.
36Quoi qu’il en soit, l’argument international peut être également mobilisé contre l’introduction de tels principes en France. L’opposition à ces mesures ne se structure pas autour d’une méconnaissance des expériences accomplies dans les autres pays mais, bien au contraire, par leur prise en considération en tant que contre-modèles. La commission chargée d’examiner le projet de loi de Jules Simon en 1871, par exemple, se prononce contre la mise en place de l’instruction obligatoire, en mettant notamment en cause le caractère souvent contradictoire des exemples étrangers, voire la pertinence même du modèle allemand.
On a beaucoup invoqué, dans ces derniers temps, l’exemple des nations étrangères, et il semblait, à entendre certains discours, que les succès de la Prusse et nos revers fussent dus principalement sinon uniquement, à la diversité des régimes scolaires. Mais, pour qui examine les choses de plus près, il est facile de constater que l’élection et l’abaissement de l’instruction obéissent à d’autres causes, qu’à tel ou tel système auquel on les voudrait exclusivement rattacher. La libre Belgique n’a rien à envier à l’Allemagne. La plupart des États d’Amérique ignorent les sanctions dont on voudrait nous doter. […] Le Portugal vit sous l’obligation scolaire sans que personne ait la pensée d’invoquer son exemple et ses pratiques.102
37En effet, en Belgique et dans de nombreux États américains, l’instruction n’est pas obligatoire. Le Portugal est seulement très rarement mentionné dans les enquêtes et il ne fait l’objet d’aucune mission d’étude. Il est donc loin d’être un modèle. Le lien vertueux et presque naturel entre gratuité, obligation et amélioration de la fréquentation des écoles peut être aussi remis en cause, comme dans l’étude d’Athanase Cucheval-Clarigny publiée en 1883 et consacrée en partie au système scolaire des États-Unis103. Il est toutefois intéressant de noter que les exemples et les contre-exemples mentionnent les mêmes pays de référence, dans lesquels chacun peut puiser des arguments pouvant légitimer des propos antagonistes. En dépit des interprétations divergentes, le cadre international demeure un référent incontournable pour évaluer la situation française. L’Allemagne est sans doute une référence centrale, en raison de son prestige en matière pédagogique depuis le début du siècle et de sa victoire militaire sur la France. Son importance dans les discours et les écrits de l’époque ne doit toutefois pas entraîner l’exclusion d’autres référents également importants. Certains pays fournissent des horizons de comparaison pour des considérations politiques qui paraissent s’accorder avec les projets républicains. En ce sens, les modèles scolaires suisses et américains représentent sans doute des exemples importants104. Par ailleurs, dans les missions pédagogiques consacrées à l’enseignement primaire, les États-Unis et la Suisse, plus que l’Allemagne, font l’objet de recherches et de questionnements. La participation française à l’Exposition de Philadelphie de 1876 et la présence de nombreux délégués américains à Paris en 1878 contribuent pour beaucoup à la diffusion de la pédagogie américaine en France et à l’établissement de connexions entre les réformateurs des deux pays. Les efforts financiers dans la mise en place d’écoles et la gratuité de l’enseignement aux États-Unis montrent par exemple aux républicains français comment il est possible d’universaliser et de démocratiser l’enseignement105.
38Outre-Atlantique, en effet, l’enseignement serait gratuit mais surtout démocratique, dans la mesure où les ordres de l’enseignement sont, selon les différentes enquêtes de l’époque, moins segmentés socialement, représentant ainsi un exemple d’égalité face à l’offre éducative106. Levasseur explique d’ailleurs que le free school system est un « séminaire dans lequel l’enfant du riche et celui du pauvre se trouvent mêlés »107 et fournit à tous la possibilité de tirer profit des bienfaits et des avantages de l’éducation. L’argument démocratique revient également pour le cas suisse108. Les témoignages exaltent souvent l’horizontalité des institutions politiques et de la vie publique en Suisse. Esprit public et esprit scolaire y seraient fortement liés : Pécaut, lors d’une rapide visite des écoles du canton de Berne en 1886, voit « se côtoyer des enfants de conditions différentes, apprenant dès leur jeune âge à vivre en concitoyens d’un État démocratique »109. L’instauration relativement précoce des principes de gratuité et d’obligation dans tous les cantons et leur inscription dans la Constitution fédérale en 1874 est à nouveau un argument souvent utilisé110. Ognier souligne très justement que « l’affirmation des droits de l’État en matière d’éducation et d’instruction est une première conséquence de l’inspiration démocratique du système scolaire suisse et un élément évident de convergence idéologique avec la France »111. Enfin, si en France l’école primaire est considérée comme un « lieu d’éducation civique et politique »112, les observateurs de l’époque remarquent à plusieurs reprises ce même point de vue à l’étranger. Le conseiller d’État Du Mesnil, après sa participation au congrès international de Bruxelles de 1880, est envoyé en 1884 au congrès des instituteurs suisses alémaniques à Zurich ; il signale qu’en Suisse comme aux États-Unis, on est convaincu que l’école doit préparer des hommes et des citoyens113. Dans les années 1880, la place importante de l’instruction civique et de l’histoire dans les programmes scolaires suisses est présentée comme une preuve supplémentaire de la fonction « démocratique » de l’école. Par ailleurs, comme le rappelle à nouveau Ognier, la référence au modèle scolaire helvétique passe par l’idéalisation de sa démocratie, qui est exemplaire non seulement en elle-même mais aussi dans son application à l’institution scolaire114.
Vers un modèle français ? L’école laïque entre circulation internationale des idées et singularité française
39Les débats relatifs à l’instruction obligatoire et gratuite s’appuient sur un faisceau d’expertises concernant les expériences accomplies dans les pays étrangers : de même, la question de la laïcité n’échappe pas à cette dynamique115. Les rapprochements, les comparaisons et les contacts avec l’étranger permettent en effet aux réformateurs français de puiser des arguments et des éléments de réflexion même sur une question qui est souvent présentée comme une spécificité hexagonale. À ce sujet, la remarquable thèse de doctorat de Benoît Mély a fortement contribué à relativiser l’idée d’une singularité française116. Dans sa vaste recherche comparative sur le mouvement de séparation des Églises et de l’école en Europe, il met notamment en doute l’idée selon laquelle l’entrée dans la modernité des pays de tradition protestante se serait accomplie selon un processus de sécularisation, tandis que les pays de tradition catholique auraient connu un mouvement de laïcisation de leurs institutions plus conflictuel. L’objectif n’est pas de discuter la pertinence de ces thèses mais plutôt d’explorer l’une des hypothèses avancées par Mély, notamment celle selon laquelle il n’y aurait aucune raison de considérer la séparation de l’institution scolaire et du religieux comme un mouvement spécifique à la France117. En adoptant en 1882, pour la première fois dans l’histoire moderne à l’échelle d’un État, le principe de séparation de l’enseignement religieux et de l’école publique, « la France républicaine de ce temps ne faisait que prendre la tête d’un mouvement général de sortie de l’école hors du religieux qui affectait, à des degrés divers, toutes les sociétés occidentales »118.
40Au même titre que l’obligation scolaire, la laïcité est au centre d’une circulation internationale d’idées. Les rapports complexes entre l’autorité étatique et les institutions religieuses suscitent souvent l’intérêt des chargés de mission français. Les comptes rendus se focalisent sur le rôle de l’Église dans le système scolaire public de nombreux pays étrangers. En revanche, il est intéressant de remarquer qu’aucun des congrès internationaux consacrés à l’enseignement primaire à la fin du xixe siècle ne met à l’ordre du jour cette question. Cela peut s’expliquer par le fait que ces congrès réunissent les partisans de l’enseignement laïc, notamment ceux organisés en France sous l’égide des pédagogues républicains en 1889 et 1900. Un public donc déjà acquis aux thèses laïques. Quant aux expositions universelles, elles permettent d’établir un état des lieux de la question. Levasseur remarque l’existence d’un processus qui se déroule à l’échelle européenne depuis le début du siècle :
Il s’est donc produit, en Europe comme hors d’Europe, un mouvement marqué dans le sens de la séparation ou du moins de l’émancipation de l’école, qui prétend aujourd’hui exister pour elle-même et se gouverner par elle-même.119
41Tout comme pour l’instruction obligatoire, l’idée d’un mouvement commun est à nouveau mise en avant et la circulation des idées en favorise la prise de conscience dans les espaces nationaux. Parmi les conclusions tirées par les réformateurs français à la suite de leurs travaux d’enquête se trouve l’analyse suivante : la laïcisation de l’institution scolaire n’est pas une véritable exception française mais une solution destinée à s’imposer au monde moderne, processus qui est d’ailleurs déjà en marche120. Cette évolution va de pair avec l’affirmation progressive de l’État en tant qu’entité régulatrice de l’enseignement121.
42La place du religieux dans les questions éducatives est donc un sujet de questionnement majeur. L’idée d’une supériorité naturelle du protestantisme dans ce domaine, « dont les conséquences pratiques furent d’un prix inestimable »122, est d’ailleurs très présente dans les propos des réformateurs français. Elle se traduirait non seulement dans les progrès de l’instruction primaire mais également dans la nature des rapports entre les acteurs qui investissent le champ éducatif. Les rapports de mission insistent sur le fait que les relations entre l’État et l’Église sont plus conflictuelles dans les pays catholiques que dans les pays protestants. Si la validité de cette thèse est désormais mise en discussion par l’historiographie, elle revient régulièrement dans les discours des réformateurs de l’époque. Tout se passe comme si les chargés des mission et les experts avaient cherché des arguments en mesure d’expliquer la violence des polémiques qui caractérisent le contexte français. Selon Levasseur, dans des pays catholiques comme la France ou la Belgique, le clergé « se mêle activement à la politique, constitue un parti et a provoqué l’hostilité des partis contraires »123. Dans les États qui ont connu la réforme protestante, et notamment en Allemagne, tout cela se passerait différemment. Levasseur insiste sur le fait que « dans la plupart des États, surtout protestants, l’émancipation a été plutôt le résultat d’un compromis entre les différents cultes que d’une hostilité contre le culte »124. Dreyfus-Brisac, rédacteur en chef de la Revue internationale de l’enseignement, n’hésite pas à le remarquer pour le cas de la Prusse :
La Prusse, où tout le personnel enseignant est laïc, est bien éloignée cependant d’appliquer la laïcité telle que nous la comprenons en France. Dans un pays catholique, le Kulturkampf signifie : guerre au cléricalisme. Dans un pays protestant, il signifie : prédominance de l’esprit protestant sur l’esprit catholique.125
43Si le cas français est inscrit dans un contexte plus large et si les expériences étrangères sont bel et bien prises en considération, quelles leçons en tirent les réformateurs ? Pour l’obligation et la gratuité scolaire, le problème est relativement simple : adoption ou rejet de ces principes. En ce qui concerne la question religieuse, la comparaison internationale fait apparaître un ensemble de situations nettement plus hétérogènes et complexes. En effet, le degré de séparation de l’État et de l’Église, que ce soit au niveau de la laïcisation du personnel enseignant ou de l’enseignement religieux dans les écoles, peut être fort différencié. Les réformateurs républicains notent que la laïcité complète, telle qu’ils la préconisent en France, est très difficile à retrouver à l’étranger. Par conséquent, il est aussi moins simple de construire un argumentaire fondé sur l’idée du retard, contrairement aux dispositifs législatifs concernant la gratuité et l’obligation scolaire. Certes, des mesures allant vers « plus de laïcité » sont prises assez précocement dans certains pays. La notice consacrée à la laïcité dans le Dictionnaire de pédagogie mentionne à cet égard que « quelques pays avaient précédé [la France] dans cette voie »126. En effet, plusieurs pays établissent des formes de neutralité religieuse de l’institution scolaire avant la France : les Pays-Bas (1806), l’Autriche (1869), la Prusse (1872), la Saxe (1873), la Suisse (1874)127, l’Italie (1877)128. Mais cela ne signifie pas que l’enseignement religieux dans les écoles y soit aboli ou que les enseignants soient exclusivement des laïcs. La conception de la laïcité chez les réformateurs français est nettement plus radicale. La laïcisation du personnel enseignant avec la loi Goblet de 1886 et, plus tard, la suppression de l’enseignement congréganiste en 1904 et la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État témoignent de l’importance de la laïcité dans les valeurs scolaires républicaines. Les exemples étrangers révèlent la diversité des formules en vigueur, en soulignant les combinaisons variées entre les principes d’obligation, de gratuité et de laïcité, voire l’absence de cette dernière129. Or, la laïcité n’est que très rarement appliquée comme les républicains le souhaiteraient dans leurs projets politiques. En Italie, Suisse, Prusse, Belgique, Angleterre et aux États-Unis elle n’est pas complète, son application et son respect connaissant de nombreuses exceptions130. Contrairement au principe de l’obligation et de la gratuité, la laïcité est l’une des singularités françaises que la comparaison internationale permet de mettre en évidence, voire de renforcer. L’étude des formules étrangères débouche en effet sur la conclusion que la France s’engage dans une voie nouvelle. Dans son ouvrage sur l’histoire de l’école sous la Troisième République publié en 1912, Joseph Vaujany ironise même sur la cruelle absence de modèles étrangers et cite à cet effet une intervention à la Chambre de Paul Bert :
Il cherche dans quels pays on a déjà pu mettre en pratique le système nouveau : il trouve la Hollande et… Honolulu. Il y a bien la Belgique, la Suisse, l’Angleterre, l’Irlande, les États-Unis, où il semble que la question ait été posée, mais il ne s’agit nullement de laïcisation intégrale : c’est un accord, entre les diverses confessions religieuses, sur une base religieuse commune. Et la France innove véritablement ; elle fonde, elle seule, l’école sans religion.131
44Existe-t-il tout de même des modèles pouvant intéresser les réformateurs français ? Un document du ministère de l’Instruction publique datant de la fin des années 1870 présente un intéressant état des lieux des réglementations de l’enseignement libre en vigueur à l’étranger. Tout en soulignant que dans aucun pays l’État ne dispose du monopole absolu sur l’éducation de l’enfance, la Suisse semblerait toutefois incarner une formule intéressante :
En Angleterre, dans les États allemands, l’enseignement présente un caractère confessionnel très marqué. Les cantons suisses, démocratiques et qui, pour la plupart, ont un enseignement laïc, ont des législations qui peuvent facilement être des exemples pour nous.132
45Le document commente les textes législatifs de quelques cantons de la Confédération dans lesquels la laïcité scolaire est inscrite dans la loi. L’exemple suisse se caractérise néanmoins par des lacunes qui ne laissent pas indifférents les observateurs républicains133. La délicate question de la laïcité montre comment ces derniers, sensibles sur d’autres aspects aux atouts du système scolaire helvétique, peuvent rapidement désacraliser ce modèle. Des rapports et des notices publiés dans la Revue pédagogique relatent les carences dans l’application du principe constitutionnel de 1874 relatif à la neutralité confessionnelle, notamment dans les petits cantons catholiques (comme Schwyz, Unterwald et Zoug) mais aussi à Fribourg ou dans le Valais134. Les cas de refus ou de non-application de la laïcité et de résistance à la loi fédérale font partie des informations qui circulent jusqu’en France, relativisant l’emprise de ce modèle et renforçant ainsi le sentiment d’une spécificité hexagonale.
46Outre les cantons suisses, certains États américains présentent également un certain intérêt. Dans la partie du rapport de l’Exposition de Philadelphie de 1876 consacrée à l’enseignement de la religion, Ferdinand Buisson admire notamment le fait que les religieux de ce pays n’utilisent pas l’école comme moyen de prosélytisme, comme le font, selon ses accusations, les catholiques en France135. Selon lui, l’école publique américaine n’interfère pas avec l’appartenance religieuse des familles et leur accorde une complète liberté136. De même, lors de son intervention dans le cadre du congrès international de l’enseignement de La Nouvelle-Orléans en 1884, Benjamin Buisson n’hésite pas à souligner les points de rapprochement entre les systèmes scolaires français et américain. Il loue tout d’abord les nouveaux États de l’Union qui ont introduit la gratuité scolaire à partir de 1870, et qui selon lui ont aidé à faire comprendre que gratuité et obligation sont deux notions interdépendantes. Son intervention au congrès se conforme aux objectifs de sa mission à l’Exposition : illustrer, expliquer et défendre les nouvelles réalisations de la pédagogie républicaine, y compris la loi sur la laïcité de 1882 :
Ce n’est pas dans ce pays que je dois gaspiller des mots pour plaider l’évidente justesse de cette loi, qui fut néanmoins contestée par le parti clérical […]. Mais j’espère que vous allez plutôt remarquer l’équité et la tolérance de nos législateurs, qui ont accordé trois ans aux enseignants non certifiés, et concernés par le nouveau dispositif, pour obtenir le certificat requis.137
47Ainsi, le processus réformateur qui aboutit à la mise en place des principales lois régissant l’enseignement primaire se nourrit de la comparaison internationale. La mobilisation constante des exemples étrangers nourrit l’idée qu’il est nécessaire de répondre, à travers la réforme scolaire, aux défis et aux enjeux d’un mouvement de scolarisation qui se manifeste au niveau global et dont les réformateurs français sont bien conscients. Dans le cas de l’enseignement primaire, la réappropriation de l'international passe par l’adaptation du système scolaire à un modèle d’école dont les fondements sont de plus en plus communs aux pays occidentaux et répondent à une vision linéaire du progrès. Fait remarquable, les différentes législations nationales s’harmonisent aussi entre elles : en 1888, par exemple, la France et la Suisse signent une convention internationale pour garantir mutuellement à leurs ressortissants le respect de l’obligation scolaire et de la gratuité de l’enseignement primaire138. Ces négociations, qui ne constituent pas une pratique occasionnelle sur la scène européenne, témoignent du consensus autour d’une culture scolaire partagée139.
48Il convient cependant de souligner que les enjeux propres au contexte français demeurent centraux et ne sont pas effacés par la pression représentée par l’évolution scolaire internationale. La question de la laïcité est fondamentale pour comprendre ce point. À cet égard, Mayeur rappelle que l’introduction de l’obligation scolaire aurait pu suivre un iter législatif nettement plus rapide, mais étant indissociable de l’idéal laïc, elle devait attendre un contexte politique plus favorable140. L’idée d’un « modèle français » spécifique apparaît d’ailleurs à plusieurs reprises dans les deux dernières décennies du xixe siècle. Le caractère indissociable du triptyque obligation, gratuité et laïcité constitue effectivement une exception dans le panorama scolaire de l’époque, dans la mesure où ces principes sont pensés et appliqués simultanément. Une situation que l’on ne retrouverait dans aucun pays européen, et qui est rappelée déjà vers 1890 par Compayré :
Nous n’avons rien à désavouer de l’œuvre scolaire accomplie en France dans ces dernières années. Obligation, gratuité et laïcité de l’école primaire sont et resteront, chez tous les peuples libres, les trois conditions essentielles de l’enseignement populaire. Il n’y a point en Amérique de jeune démocratie qui n’ait adopté la triple formule et qui ne s’y tienne avec faveur.141
49L’émergence, au tournant du siècle, d’un modèle français témoignerait d’un changement de nature du « régime circulatoire » qui caractérise le champ de la réforme scolaire. À l’imitation et à l’emprunt se substituerait une tendance plus nette à la diffusion des « valeurs » françaises, redevenues à nouveau universelles, et dont l’écho, comme l’attestent des recherches récentes, est retentissant142. Ce glissement est certifié par les nombreuses marques d’admiration pour l’œuvre scolaire de la Troisième République, qui, provenant de l’étranger, sont le fruit d’un travail de promotion permanent et particulièrement bien réussi, et dont témoigne Steeg :
Ce qui ressort de tous ces écrits, c’est l’étonnement, c’est l’approbation, c’est l’admiration des efforts accomplis, des méthodes suivies, des libertés accordées, des résultats obtenus. Nous ne sommes plus considérés comme des ignorants et des barbares, comme des imitateurs et des copistes ; on nous accorde l’originalité, le goût, la persévérance, l’esprit de progrès.143
50C’est donc à partir de sa reconnaissance internationale que la pédagogie française renoue avec force avec l’universalisme républicain. Au début du siècle, celle-ci semble s’affirmer de plus en plus sur le plan international, notamment aux États-Unis où en 1919 le Bureau d’éducation publie une anthologie de textes de ses plus grands représentants, parmi lesquels Ferdinand Buisson, Félix Pécaut, Octave Gréard et Gabriel Compayré144. Un engouement qui n’est pas sans rappeler celui pour la philosophie française dans les campus américains des années 1970, admirablement traité dans l’ouvrage de François Cusset145. Bref, depuis Sedan le changement est net, de la reconnaissance d’un « retard scolaire » et de la nécessité d’apprendre de l’étranger, à la mise en place d’une école qui se veut le modèle du xxe siècle :
[…] et ne voit-on pas déjà qu’au-delà des frontières françaises l’école primaire publique, telle que nous l’imaginons, telle que nous la maintenons, est l’objet de l’attention générale ? Car telle est la force de la vérité ! Notre conception de l’école entrera un jour dans tous les esprits, parce que c’est la conception vraie. Nous ne savons si ce temps est proche, mais le temps viendra, n’en doutons pas, où – nous aimons à le redire – l’école publique française, l’école de neutralité, de tolérance, de paix et de justice, sera l’école universelle.146
09. L’ouvrage French Educational Ideals of Today. An Anthology of the Molders of French Educational Thought of the Present, édité par Buisson et Farrington en 1919.

51La réflexion menée jusqu’ici permet de formuler trois remarques conclusives. En premier lieu, le processus de scolarisation en France dans la seconde moitié du xixe siècle répond à un projet politique spécifique et singulier, dont le caractère indissociable du triptyque obligation, gratuité et laïcité constitue la pierre angulaire. En deuxième lieu, aux spécificités du cas français il faut ajouter une nouvelle dimension de pensée et de référence : la sphère internationale. Celle-ci est fabriquée grâce à la circulation des idées, dont les formes et les manifestations sont étudiées dans les deux premières parties de cet ouvrage. Les réformateurs français trouvent dans la comparaison internationale un réservoir d’arguments fort variés qui accompagnent et légitiment leurs propositions. Cela se manifeste avec force lors des lois scolaires de 1881-1882, mais les références étrangères servent également à légitimer une série de projets visant à améliorer la fréquentation des établissements scolaires dans les années suivantes147. Enfin, l’évolution scolaire française est partie intégrante d’un mouvement de scolarisation plus général qui caractérise toutes les sociétés occidentales. La prise de conscience de ce processus global, souvent présenté par les contemporains comme inéluctable, facilite par conséquent le regard sur les autres expériences et stimule une autoréflexivité qui façonne en retour les débats nationaux.
Notes de bas de page
1 Bien que renvoyant à des notions et des pratiques sensiblement différentes, « instruction obligatoire », « obligation scolaire » et « école obligatoire » sont utilisées ici comme des synonymes.
2 Philippe Alexandre, « Le patriotisme à l’école en France et en Allemagne, 1871-1914. Essai d’étude comparatiste », Apprendre et enseigner en Allemagne et en France, S. Fisch, F. Gauzy, C. Metzger éd., Stuttgart, F. Steiner Verlag, 2007, p. 80-103. Sur l’enseignement de l’histoire et la création du sentiment national, voir Antoine Prost, Benoît Falaize éd., École, histoire et nation, no 126 de l’Histoire de l’éducation, 2010.
3 Ce travail adopte la définition de scolarisation proposée par Briand et Chapoulie, à savoir l’évolution de la « proportion de la population concernée et de la durée du passage dans les écoles » (J.-P. Briand, J.-M. Chapoulie, « L’institution scolaire, les familles, les collectivités locales, la politique d’État », art. cité, p. 15).
4 Sur l’usage des statistiques scolaires voir l’ouvrage incontournable de Jean-Noël Luc, La statistique de l’enseignement primaire aux xixe et xxe siècles. Politique et mode d’emploi, Paris, INRP-Economica, 1985. Un autre ouvrage, plus controversé, sur ces questions est celui de Raymond Grew, Patrick Harrigan, School, State, and Society. The Growth of Elementary Schooling in Nineteenth-Century France. A Quantitative Analysis, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1991 (traduction française : L’école primaire en France au xixe siècle. Essai d’histoire quantitative, Paris, Éditions de l’EHESS, 2002). Sur les polémiques engendrées par ces travaux, voir Jacques Gavoille, Jean-Noël Luc, « Faut-il brûler les statistiques de l’enseignement primaire ? », Histoire de l’éducation, no 33, 1987, p. 47-64 ; Jean-Noël Luc, « L’illusion statistique », Annales ESC, vol. 41, no 4, 1986, p. 887-911.
5 P. Caspard, « Les miroirs réfléchissent-ils ? », art. cité, p. 352.
6 Jean-Michel Gaillard, Un siècle d’école républicaine, Paris, Seuil, 2000, p. 18.
7 Antoine Prost, Marc Debène, Anne-Marie Chartie et al., Repenser l’école obligatoire, Paris, A. Michel (SCEREN-CNDP), 2004, p. 26.
8 Claude Diebolt, « Les effectifs scolarisés en France : xixe et xxe siècles », Revue internationale de pédagogie, vol. 45, no 2, 1999, p. 201.
9 Françoise Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. III, De la Révolution à l’école républicaine, Paris, Perrin, 2004, p. 581.
10 A. Prost, Histoire de l’enseignement en France, ouvr. cité, p. 108.
11 Selon la loi Falloux du 15 mars 1850, toute commune doit entretenir une ou plusieurs écoles primaires. En outre, « toute commune a la faculté d’entretenir une ou plusieurs écoles entièrement gratuites, à la condition d’y subvenir sur ses propres ressources. Le conseil académique peut dispenser une commune d’entretenir une école publique à condition qu’elle pourvoira à l’enseignement primaire gratuit, dans une école libre, de tous les enfants dont les familles sont hors d’état d’y subvenir » (art. 36).
12 Claude Diebolt, « Le mythe de Ferry : une analyse cliométrique », Revue d’économie politique, vol. 115, no 4, 2005, p. 471-497.
13 Pour une bonne synthèse, voir Rebecca Rogers, Françoise Thébaud, La fabrique des filles. L’éducation des filles de Jules Ferry à la pilule, Paris, Textuel, 2010. Voir aussi Françoise Lelièvre, Claude Lelièvre, Histoire de la scolarisation des filles, Paris, Nathan, 1991. Pour un bilan historiographique relativement récent, voir Rebecca Rogers, « L’éducation des filles : un siècle et demi d’historiographie », Histoire de l’éducation, no 115-116, 2007, p. 37-79.
14 François Furet, Jacques Ozouf, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Minuit, 1977, 2 tomes.
15 J.-M. Chapoulie, L’école d’État conquiert la France, ouvr. cité, p. 201-202.
16 L’article 1 de la loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles publiques stipule qu’« il ne sera plus perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques, ni dans les salles d’asile publiques ». La loi sur l’instruction obligatoire du 28 mars 1882 atteste que « l’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute autre personne qu’il aura choisie » (art. 4) et que « les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires » (art. 2). L’intégralité des textes législatifs est disponible dans le Journal officiel de la République française.
17 A. Prost, Histoire de l’enseignement en France, ouvr. cité, p. 95.
18 P. Caspard, « Les miroirs réfléchissent-ils ? », art. cité, p. 352.
19 Ibid.
20 F. Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, ouvr. cité, p. 581.
21 Sur l’influence allemande en France sous la Troisième République dans des domaines autres que l’instruction publique, voir les ouvrages d’Allan Mitchell : The German Influence in France after 1870. The Formation of the French Republic, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1979 ; The Divided Path. The German Influence on Social Reform in France after 1870, Chapel Hill - Londres, University of North Carolina Press, 1991 ; The Great Train Race. Railways and the Franco-German Rivalry, 1815-1914, New York - Oxford, Berghahn Books, 2000.
22 Jules Steeg, « La France scolaire vue du dehors », Revue pédagogique, vol. 16, no 5, 1890, p. 428.
23 Une réflexion intéressante sur les « sorties de guerre » et le rôle de l’école en France et en Allemagne dans Jacques Gandouly, « La réponse à la défaite dans le système éducatif en France et en Allemagne après 1870 et 1918 : Jules Ferry et Carl Heinrich Becker », Nachkriegsgesellschaften in Deutschland und Frankreich im 20. Jahrhundert - Sociétés d’après-guerre en France et en Allemagne au xxe siècle, I. Mieck, P. Guillen éd., Munich, Oldenbourg, 1998, p. 145-160.
24 Sur la réorganisation de l’armée française, voir Jean-François Chanet, Vers l’armée nouvelle. République conservatrice et réforme militaire, 1871-1879, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006.
25 Sur les contacts internationaux de la Ligue de l’enseignement (notamment avec l’Angleterre et la Belgique), voir Jean-Paul Martin, « L’émergence des Ligues de l’enseignement en Europe, de la tentation cosmopolite à l’invention de la laïcité (1864-1876) », L’intelligentsia européenne en mutation (1850-1875). Darwin, le Syllabus et leurs conséquences, A. Dierkens éd., Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1998, p. 109-131.
26 Katherine Auspitz, The Radical Bourgeoisie. The Ligue de l’Enseignement and the Origins of the Third Republic 1866-1885, Cambridge, Cambridge University Press, 1982.
27 Cela s’oppose à la gratuité de charité offerte par les congrégations enseignantes. Par conséquent, la laïcité « apparaissait comme la seule garantie contre une division des esprits entretenue par des écoles rivales » (F. Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, ouvr. cité, p. 582-583).
28 A. Picard, Exposition universelle internationale de 1889 à Paris, ouvr. cité, p. 357.
29 Gabriel Monod, Allemands et Français. Souvenirs de campagne. Metz-Sedan-La Loire, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1872, p. 69.
30 Cité dans « L’instruction obligatoire », Courrier des Alpes. Écho de la Savoie, no 126, 19 octobre 1872. Voir aussi Eugène Rendu, L’obligation légale de l’enseignement, Paris, Hachette, 1872.
31 M. Bréal, Quelques mots sur l’instruction publique en France, ouvr. cité, p. 12.
32 Léon Gambetta, Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta, publiés par Joseph Reinach, t. II, Deuxième partie (19 février 1871 - 24 juillet 1872), Paris, G. Charpentier, 1881, p. 387.
33 Charles Robert, L’instruction obligatoire, Paris, Hachette, 1871, p. 2.
34 M. Bréal, Quelques mots sur l’instruction publique en France, ouvr. cité, p. 2.
35 C. Hippeau, L’instruction publique en Allemagne, ouvr. cité, p. 14.
36 V. Cousin, Rapport sur l’état de l’instruction publique dans quelques pays d’Allemagne et particulièrement en Prusse, ouvr. cité, p. 86.
37 C. Hippeau, L’instruction publique en Allemagne, ouvr. cité, p. ii.
38 Ibid., p. 78-79.
39 Patrick Cabanel, « École et nation : l’exemple des livres de lecture scolaires (xixe et première moitié du xxe siècle) », Histoire de l’éducation, no 126, 2010, p. 53.
40 P. Alexandre, « Le patriotisme à l’école en France et en Allemagne », art. cité, p. 82.
41 Jacques Gandouly, Pédagogie et enseignement en Allemagne de 1800 à 1945, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1997, p. 66.
42 Albert Sorel, « La discipline et l’instruction obligatoire en Prusse », Revue des deux mondes, vol. 93, 1871, p. 282.
43 Nicolas Bourguinat, Benoit Pellistrandi, Le xixe siècle en Europe, Paris, A. Colin, 2003, p. 279.
44 L’historiographie s’est en effet depuis longtemps attelée à nuancer, voire à remettre en cause, l’association entre religion protestante et alphabétisation précoce. Il faut en effet prendre en compte une série d’autres variables (sexe, ville/campagne, etc.) qui rendent très difficile de dégager des conclusions fondées sur un seul critère. Voir M.-M. Compère, L’histoire de l’éducation en Europe, ouvr. cité, p. 126.
45 David Vincent, The Rise of Mass Literacy. Reading and Writing in Modern Europe, Cambridge, Polity Press, 2000, p. 11. Sur l’alphabétisation en Europe, voir également Carlo Maria Cipolla, Istruzione e sviluppo. Il declino dell’analfabetismo nel mondo occidentale, Bologne, Il Mulino, 2002.
46 J.-F. Chanet, « Instruction publique, éducation nationale et liberté d’enseignement en Europe occidentale au xixe siècle », art. cité, p. 17-19.
47 Ernest Renan, La réforme intellectuelle et morale, Paris, M. Lévy frères, 1872, p. 97.
48 A. Sorel, « La discipline et l’instruction obligatoire en Prusse », art. cité, p. 284.
49 É. Levasseur, « Instruction primaire et secondaire », ouvr. cité, p. 457.
50 Ibid.
51 M. Bréal, Quelques mots sur l’instruction publique en France, ouvr. cité, p. 15.
52 Célestin Hippeau, L’instruction publique dans les États du Nord. Suède, Norvège, Danemark, Paris, Didier et Cie, 1876, p. iii.
53 J. Schriewer, « L’éducation comparée », art. cité, p. 22.
54 Francisco Ramirez, John Boli, « The political institutionalization of compulsory education : the rise of compulsory schooling in the western cultural context », A Significant Social Revolution. Cross-Cultural Aspects of the Evolution of Compulsory Education, J. A. Mangan éd., Londres, Woburn, 1994, p. 1-20.
55 Leslie Limage, The Growth of Literacy in Historic Perspective. Clarifying the Role of Formal Schooling and Adult Learning Opportunities, Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2006, Paris, Unesco, 2005, p. 16.
56 John Boli, Francisco Ramirez, « Compulsory schooling in the western cultural context », Emergent Issues in Education. Comparative Perspectives, R. F. Arnove, P. G. Altbach, G. Kelly éd.,Albany, State University of New York Press, 1992, p. 31.
57 Charle remarque aussi que « les pays les plus avancés établissent une norme d’universalité qui était loin d’être admise auparavant » (Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au xixe siècle. Essai d’histoire comparée, Paris, Seuil, 1996, p. 168).
58 Voir notamment Eugène Rendu, De l’instruction primaire à Londres, Paris, Hachette, 1853 ; De l’enseignement obligatoire. Mémoire présenté à l’Empereur, Paris, Hachette, 1853. Du même auteur et toujours sur la question de l’instruction obligatoire, voir aussi De l’éducation populaire dans l’Allemagne du Nord et de ses rapports avec les doctrines philosophiques et religieuses, Paris, Hachette, 1855.
59 Charles Jourdain, Rapport sur l’organisation et les progrès de l’instruction publique, Paris, Imprimerie nationale, 1867, p. 37-38.
60 Voir la notice « Obligation », Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité. Sur la discussion concernant l’instruction obligatoire dans le cadre du congrès international de bienfaisance de Francfort en 1857, voir Gustave de Molinari, De l’enseignement obligatoire. Discussion entre M. G. de Molinari et M. Frédéric Passy, Paris, Guillaumin et Cie, 1859. La même question se pose aussi lors du congrès international de bienfaisance de Londres en 1862.
61 Cité dans Paul Bert, Discours parlementaires. Assemblée nationale - Chambre des députés, 1872-1881, Paris, G. Charpentier, 1882, p. 341.
62 Célestin Hippeau, L’instruction publique en Angleterre, Paris, Didier et Cie, 1872, p. x.
63 É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, p. 495.
64 A. Novoa, Histoire et comparaison, ouvr. cité, p. 89.
65 Sur ces projets pour la France (datant de la Révolution française), voir René Grevet, L’avènement de l’école contemporaine en France (1789-1835), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2001.
66 É. Levasseur, « Instruction primaire et secondaire », art. cité, p. 457.
67 Patrick Lefèvre, Éliane Gubin, « Obligation scolaire et société en Belgique au xixe siècle. Réflexions à propos du premier projet de loi sur l’enseignement obligatoire (1883) », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 63, no 2, 1985, p. 324-376.
68 Sur l’histoire de l’instruction obligatoire en Prusse, voir James V. H. Melton, Absolutism and the Eighteenth-Century Origins of Compulsory Schooling in Prussia and Austria, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.
69 Aux États-Unis, la gratuité et la laïcité de l’enseignement sont établies officiellement entre 1830 et 1850. Les enseignements primaires et secondaires, administrés à l’échelon local, changent considérablement d’un État à l’autre. Le développement à une grande échelle de l’enseignement public débute en 1837, avec la création d’une commission pour l’éducation dans le Massachusetts. Sur l’instruction publique aux États-Unis, voir William J. Reese, John L. Rury, Rethinking the History of American Education, New York, Palgrave Macmillan, 2008 ; William J. Reese, America’s Public Schools. From the Common School to « No Child Left Behind », Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2005.
70 La deuxième édition du Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, publié en 1911, rappelle qu’à ce moment-là le principe d’instruction obligatoire existe dans 36 États américains sur 46. Dans d’autres cas, l’application est seulement partielle ou même complètement absente. Voir « Obligation », Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité.
71 Malie Montagutelli, Histoire de l’enseignement aux États-Unis, Paris, Belin, 2000, p. 135.
72 En ce qui concerne la gratuité de l’enseignement primaire, la Suisse serait encore plus précoce que l’Allemagne. Voir Heidemarie Kemnitz, « Un “regard allemand” sur l’histoire de l’école en Suisse au xixe siècle », Une école pour la démocratie, R. Hofstetter, C. Magnin, L. Criblez, C. Jenzer éd., ouvr. cité, p. 325-342.
73 Sur cette question voir Lucien Criblez, « L’article sur la formation dans la constitution fédérale du 29 mai 1874 », ibid., p. 263-286.
74 Ambroise Rendu, Code de l’enseignement primaire obligatoire et gratuit : commentaire de la loi du 28 mars 1882. Manuel pratique à l’usage des instituteurs, des pères de famille… des juges de paix…, Paris, G. Pédone-Lauriel, 1883, p. 195. L’obligation scolaire est mise en place par plusieurs Acts entre 1870 et 1880. Plus tard, un contrôle unifié de l’État est mis en place avec l’Education Act de 1914 qui codifie l’ensemble du système scolaire.
75 Sylvie Aprile, Michel Rapoport éd., Le monde britannique, 1815-(1914)-1931, Paris, Atlande, 2010, p. 284.
76 Pour des études de cas nationaux, voir Marie-Madeleine Compère éd., Histoire du temps scolaire en Europe, Paris, INRP-Economica, 1997. Pour la France voir aussi François Grèzes-Rueff, Jean Leduc, Histoire des élèves en France. De l’Ancien Régime à nos jours, Paris, A. Colin, 2007 (notamment p. 45-72).
77 Félix Pécaut, par exemple, commente les mesures anglaises tout de suite après leur promulgation en 1870. Voir le chapitre « Les résultats de la loi scolaire de 1870 en Angleterre », dans Félix Pécaut, Études au jour le jour sur l’Éducation nationale, 1871-1879, Paris, Hachette, 1881, p. 61-68.
78 L. Liard, C.-V. Langlois, « Instruction publique. Étranger », art. cité, p. 99.
79 International Exhibition, 1862. Reports by the Juries on the Subjects in the 29 Classes into which the Exhibition was Divided, Londres, Printed for the Society of arts by William Clowes & sons, 1863.
80 Michel Chevalier, Exposition universelle de 1867 à Paris. Rapports du jury international publiés sous la direction de M. Michel Chevalier, t. XIII, Groupe X. Objets spécialement exposés en vue d’améliorer la condition physique et morale de la population – Classes 89 à 95, Paris, Imprimerie administrative de P. Dupont, 1868, p. 10-11.
81 « Exposition universelle de Paris », dans F. Pécaut, Études au jour le jour sur l’Éducation nationale, ouvr. cité, p. 163.
82 Octave Gréard publie à cette occasion un ouvrage sur l’enseignement primaire dans le département de la Seine, où il livre le bilan des efforts entrepris dans ce domaine : L’enseignement primaire à Paris dans le département de la Seine de 1867 à 1877, Paris, Imprimerie centrale des chemins de fer, 1878.
83 J.-J. Raoulx, Rapport sur l’Exposition universelle de 1878. Éducation et enseignement, Marseille, Imprimerie de Blanc et Bernard, 1880, p. 11. Pour des commentaires sur la situation scolaire de la France, voir aussi Émile Chasle, Exposition universelle internationale de 1878 à Paris. Groupe II – Classe 7. Rapport sur l’enseignement secondaire, Paris, Imprimerie nationale, 1880, et A. Mezon, Rapport général sur l’Exposition scolaire universelle de 1878, Cahors, Pignères, 1879.
84 J.-J. Raoulx, Rapport sur l’Exposition universelle de 1878, ouvr. cité, p. 41-42.
85 Ibid.
86 AN, F17 12339. Échanges avec l’étranger. États-Unis. Introduction scolarité obligatoire en Californie. Lettre du consul de France à San Francisco, 1875.
87 AN, F17 9172. Laïcisation des écoles publiques. Le ministre de l’Instruction publique à Berger (inspecteur primaire de la Seine), 19 mars 1879.
88 AN, F17 12339. Renseignements Autriche-Hongrie. Lettre du 8 mars 1883.
89 « Projet de loi sur l’instruction primaire, présenté à l’Assemblée nationale par M. Thiers, Président de la République, et par Jules Simon, ministre de l’Instruction publique, 15 décembre 1871 », dans Octave Gréard, La législation de l’instruction primaire en France depuis 1789 jusqu’à nos jours. Recueil des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, règlements, décisions, avis, projets de loi, t. IV, Paris, Delalain frères, 1896, p. 326.
90 « Projet de loi sur l’enseignement primaire obligatoire, présenté par M. Bardoux, ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-arts », Journal officiel, 9 février 1879, p. 908.
91 P. Bert, Discours parlementaires, ouvr. cité, p. 340.
92 E. Dreyfus-Brisac, L’éducation nouvelle, ouvr. cité, t. III, 1897, p. 36.
93 P. Bert, Discours parlementaires, ouvr. cité, p. 314.
94 Ibid., p. 324.
95 « Rapport de la Chambre des députés. Commission chargée d’examiner le projet de loi sur l’obligation scolaire. Séance du 21 mai 1881 », dans A. Rendu, Code de l’enseignement primaire obligatoire et gratuit, ouvr. cité, p. 232-233.
96 À ce sujet, voir par exemple Pierre Carrive, La nouvelle législation de l’enseignement primaire, exposé et commentaire, suivis du texte des lois, décrets, arrêtés, circulaires et programmes (y compris la loi du 19 juillet 1889), Paris, Hachette, 1889, p. 11-16.
97 A. Rendu, Code de l’enseignement primaire obligatoire et gratuit, ouvr. cité, p. ii.
98 Louis Warin, L’État et l’école, ou des devoirs et des droits de l’État en matière d’enseignement et d’éducation, Paris, Fischbacher, 1885.
99 P. Ognier, L’école républicaine française et ses miroirs, ouvr. cité, p. 197.
100 É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, p. 457.
101 Edgard Quinet, La République. Conditions pour la régénération de la France, Paris, E. Dentu, 1872, p. 91.
102 « Projet de loi sur l’instruction primaire, présenté à l’Assemblée nationale par M. Ernoul. Séance du 3 juillet 1872 », dans O. Gréard, La législation de l’instruction primaire en France depuis 1789 jusqu’à nos jours, ouvr. cité, t. IV, p. 386.
103 Athanase Cucheval-Clarigny, L’instruction publique en France. Observations sur la situation de l’instruction publique en France et sur les moyens de l’améliorer, Paris, Hachette, 1883, p. 16‑23.
104 Sur l’émergence du paradigme méritocratique, voir Patrick Dubois, « Figures de l’école juste et politique scolaire dans les années fondatrices de la Troisième République », Revue française de pédagogie, no 159, 2007, p. 13-22.
105 F. Buisson, Rapport sur l’instruction primaire à l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876, ouvr. cité, p. 1.
106 La question de la coéducation des sexes, notamment dans l’enseignement secondaire, représente aux yeux des réformateurs français l’un des points les plus intéressants (et problématiques) de l’éducation aux États-Unis. Chargé de mission dans ce pays, Passy note que la coéducation, « difficile en France », ne pouvait qu’être appliquée dans une « démocratie protestante » comme les États-Unis (P. Passy, L’instruction primaire aux États-Unis, ouvr. cité, p. 35-49). Un approfondissement dans Rebecca Rogers éd., La mixité dans l’éducation. Enjeux passés et présents, Lyon, ENS Éditions, 2004 ; Denise Karnaouch, « Féminisme et coéducation en Europe avant 1914 », CLIO. Histoire, Femmes et Sociétés, no 18, 2003, p. 21-41.
107 Émile Levasseur, « L’instruction primaire aux États-Unis », Revue pédagogique, vol. 24, no 5, 1894, p. 388-389 et 506-524.
108 Une récente thèse retrace bien les connexions pédagogiques franco-suisses au xixe siècle : Alexandre Fontaine, Transferts culturels et déclinaison de la pédagogie européenne. Le cas franco-romand au travers de l’itinéraire d’Alexandre Daguet (1816-1894), thèse de doctorat, Universités de Paris 8 et de Fribourg (Suisse), 2013.
109 Félix Pécaut, « Une matinée dans les écoles de Berne », Revue pédagogique, vol. 9, no 9, 1886, p. 197.
110 AN, F17 9393 A. Mission à l’étranger. Lettre à M. Dumesnil, 18 juillet 1883.
111 P. Ognier, L’école républicaine française et ses miroirs, ouvr. cité, p. 197.
112 Robis Morder, « La Troisième République, l’État, l’école : le mouvement ouvrier entre autonomie et compromis », Matériaux pour l’histoire de notre temps, no 78, 2005, p. 29.
113 Armand Du Mesnil, « L’Exposition nationale de Zurich », Revue pédagogique, vol. 4, no 5, 1884, p. 401-438.
114 P. Ognier, L’école républicaine française et ses miroirs, ouvr. cité, p. 197-199.
115 Sur la laïcité scolaire en France voir notamment les ouvrages suivants : Frédéric Mole, L'école laïque pour une République sociale. Controverses pédagogiques et politiques (1900-1914), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; Pierre Ognier, Une école sans Dieu ? 1880-1895. L’invention d’une morale laïque sous la IIIe République, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008 ; Mona Ozouf, L’École, l’Église, la République, 1871-1914, Paris, Seuil, 1982.
116 Benoît Mély, La question de la séparation des Églises et de l’école dans quelques pays européens : Allemagne, Italie (1789-1914), Lausanne, Page Deux, 2004.
117 Ce travail reprend la définition de laïcisation fournie par Mély, à savoir « un processus institutionnel menant à la réduction substantielle de la présence religieuse à l’école publique (laïcisation partielle) ou à sa complète suppression (laïcisation totale) » (ibid., p. 11-12).
118 Ibid., p. 10-11.
119 É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, p. 512.
120 Sur la question des influences et de la circulation du modèle d’école laïque, voir le cas particulièrement éclairant de l’Espagne dans Antonio Molero Pintado, « Influencias europeas en el laicismo escolar », Historia de la educacion. Revista interuniversitaria, no 24, 2005, p. 157‑177.
121 É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, p. 499.
122 M. Bréal, Quelques mots sur l’instruction publique en France, ouvr. cité, p. 15.
123 É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, 1897, p. 512.
124 Émile Levasseur, « Étude comparative de l’enseignement primaire dans les pays civilisés », Revue pédagogique, vol. 26, no 5, 1895, p. 404.
125 E. Dreyfus-Brisac, « Les principes régulateurs de l’enseignement en Prusse », art. cité, p. 390.
126 « Laïcité », Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité.
127 En Suisse, par exemple, la Constitution fédérale de 1874 stipule que « les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions sans qu’ils aient à souffrir d’aucune façon dans leur liberté de conscience et de croyance » (art. 27). Cette disposition n’institue pas d’une manière formelle la laïcité de l’école primaire et dans de nombreux cantons l’école reste confessionnelle. Dans d’autres, en revanche, le personnel enseignant est laïc. Une synthèse de ces évolutions dans Martina Späni, « La laïcisation de l’école populaire en Suisse au xixe siècle », Une école pour la démocratie, R. Hofstetter, C. Magnin, L. Criblez, C. Jenzer éd., ouvr. cité, 1999, p. 229-252.
128 En Italie, la loi du 15 juillet 1877 retire le catéchisme et l’histoire sainte des matières obligatoires. Quelques communes profitent de cette disposition pour donner à leurs écoles primaires un caractère de neutralité religieuse, mais le plus grand nombre maintient l’enseignement religieux.
129 Dans de nombreux pays, l’autorité ecclésiastique garde un contrôle sur les écoles. Levasseur signale notamment les cas de l’Espagne, de la Russie, de la Suède, de la Grèce et aussi de quelques États allemands (Hesse, Wurtemberg, Bavière). Voir É. Levasseur, L’enseignement primaire dans les pays civilisés, ouvr. cité, p. 401-403.
130 Dans le Dictionnaire de pédagogie il est d’ailleurs clairement souligné que « la législation française est la seule qui ait établi le régime de la laïcité d’une façon complète : laïcité de l’enseignement, laïcité du personnel enseignant ». Voir « Laïcité », Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité.
131 Joseph Vaujany, L’école en France sous la Troisième République, Paris, Perrin et Cie, 1912, p. 48.
132 AN, F17 12215. Monopole de l’enseignement. Réglementation de l’enseignement libre à l’étranger. Sans date.
133 Sur la question religieuse dans le « laboratoire suisse », voir les leçons tirées par Ferdinand Buisson dans Pierre Caspard, « Un modèle pour Ferdinand Buisson ? La religion dans la formation des maîtres à Neuchâtel (xixe siècle) », Éducation, religion, laïcité (xvie- xxe siècle). Continuités, tensions et ruptures dans la formation des élèves et des enseignants, J.-F. Condette éd., Lille, IRHS - Université Charles de Gaulle, 2010, p. 121-142.
134 Plusieurs exemples de ces décalages se trouvent dans P. Ognier, L’école républicaine française et ses miroirs, ouvr. cité, p. 212.
135 K. Dittrich, Experts Going Transnational, ouvr. cité, p. 181.
136 Aux États-Unis, l’école publique donne généralement un enseignement religieux « non dogmatique » (unsectarian), sous la forme de lecture non commentée de passages de la Bible. Un certain nombre de villes ont établi la neutralité absolue de l’école, dans la mesure où elles ont supprimé la prière et la lecture de la Bible. Voir « Laïcité », Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité.
137 « It is not in this country that I shall have to waste words in pleading the obvious justice of this law, which nevertheless was hotly denounced by the clerical party […]. But I hope you will rather notice the equity and tolerance of our legislators, who allowed three years to non-certified teachers affected by this new order of things to obtain the required certificate » (Special Report by the Bureau of Education, ouvr. cité, p. 267).
138 Archives fédérales suisses (AFS), Bd. 6, no 80, Ausdehnung des Primarschulobligatoriums, 1876-1890.
139 Par exemple, la Suisse entame des négociations avec des États allemands dans les années 1870, époque où les Länder procèdent à l’harmonisation progressive de leur système scolaire. En 1877, le gouvernement fédéral décide que tous les étrangers seront astreints à l’instruction obligatoire, indépendamment des lois en vigueur dans leurs pays d’origine. AFS, Bd. 6, no 82, Beschränkung der Schulplifcht in Deutschland auf deutsche Staatsangehörige, 1876.
140 F. Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, ouvr. cité, p. 589.
141 Gabriel Compayré, Études sur l’enseignement et sur l’éducation, Paris, Hachette, 1891, p. 76.
142 Sur l’existence, la diffusion et les usages d’un modèle scolaire français, voir Frédéric Abecassis, « Les lycées de la Mission laïque française en Égypte (1909-1961) : l’exportation d’un modèle français en Orient et ses contradictions », Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire, P. Caspard, J.-N. Luc, P. Savoie éd., Lyon, INRP, 2005, p. 131-145 ; Frances Nethercott, « L’établissement du système scolaire en Russie (1800-1850) : référence française ou référence allemande ? », Philologiques IV. Transferts culturels triangulaires France-Allemagne-Russie, K. Dimitrieva, M. Espagne éd.,Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1996, p. 187-204 ; Michael Sanderson, « French influences on technical and managerial education in England, 1870-1940 », Management and Business in England and France. The Age of the Corporate Economy, 1850-1990, Y. Cassis, F. Crouzet, T. Gourvish éd., Oxford, Oxford University Press, 1995, p. 111-127. Les études sont particulièrement bien développées en ce qui concerne l’influence française en Amérique latine. Voir par exemple Maria Helena Camara Bastos, « Ferdinand Buisson no Brasil. Pistas, vestigios et sinais de suas ideias pedagogicas (1870-1900) », Historia da educacão, vol. 4, no 8, 2000, p. 79-109 ; Juan Pablo Conejeros Maldonado, La influencia cultural francesa en la educacion chilena, 1840-1880, Santiago, Universidad católica cardenal Raúl Silva Henriquez, 1999.
143 J. Steeg, « La France scolaire vue du dehors », art. cité, p. 426.
144 Ferdinand Buisson, Frederic E. Farrington éd., French Educational Ideals of Today. An Anthology of the Molders of French Educational Thought of the Present, New York, World Book Company, 1919.
145 François Cusset, French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, Paris, La Découverte, 2003.
146 H. Doliveux, « Le congrès international de l’enseignement primaire de 1900 », art. cité, p. 112.
147 Sur ces initiatives, voir Jacques Gavoille, « L’obligation scolaire, un quart de siècle après Jules Ferry : le législateur face aux réalités », L’offre d’école, W. Frijohff éd., ouvr. cité, p. 341‑356.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Acteurs et territoires du Sahel
Rôle des mises en relation dans la recomposition des territoires
Abdoul Hameth Ba
2007
Les arabisants et la France coloniale. 1780-1930
Savants, conseillers, médiateurs
Alain Messaoudi
2015
L'école républicaine et l'étranger
Une histoire internationale des réformes scolaires en France. 1870-1914
Damiano Matasci
2015
Le sexe de l'enquête
Approches sociologiques et anthropologiques
Anne Monjaret et Catherine Pugeault (dir.)
2014
Réinventer les campagnes en Allemagne
Paysage, patrimoine et développement rural
Guillaume Lacquement, Karl Martin Born et Béatrice von Hirschhausen (dir.)
2013