5. La terre vue du ciel ?
Les apports contradictoires de l’aérostation aux savoirs géographiques, fin xviiie - début xixe siècle
p. 129-152
Texte intégral
1À la fin du xviiie siècle, avec l’invention de l’aérostation par les frères Montgolfier et les premières expériences de ballons en 1783 et 1784 (Gillispie 1983), le survol est possible. Le regard du géographe a-t-il pour autant pris de la hauteur ? Lors des premiers vols, les conditions de possibilités (pratiques, épistémologiques, sociales) ne sont pas vraiment réunies pour que la production de vue aérienne directe ait un sens quelconque1. L’ascension et la mise en équilibre du ballon à une hauteur donnée comptent plus que son utilisation pour produire une vue d’en haut. Toutefois, l’aérostation est une technique inscrite durablement dans le paysage de la fin du xviiie siècle. L’élévation semble en effet ouvrir deux perspectives nouvelles. D’une part elle permettrait de saisir de façon globale un espace et d’y découvrir les détails cachés à l’approche horizontale. le regard omniscient s’inscrit alors dans la tradition des usages de la topographie militaire dont l’un des objets est de saisir le territoire à vol d’oiseau, ses caractéristiques comme ses frontières (Pansini 2002). D’autre part, la possibilité de se servir du ballon comme outil pour la production de cartes pourrait être évoquée et venir alimenter le débat sensible qui s’ouvre en 1802 sur l’homogénéisation des conventions cartographiques, précisément au sujet de la perspective aérienne. La problématique ne renvoie pas seulement à la technique d’élévation mais à ses effets sur un ensemble de connaissances et de pratiques. En effet, l’intégration de la vue aérienne dans le corps des savoirs géographiques ne va pas de soi. Des techniques élaborées depuis le xvie siècle rendent possible la constitution de perspectives à vol d’oiseau2, tout comme des projections horizontales rigoureuses permettent d’obtenir une planimétrie de plus en plus précise ; la géodésie, dans le sillage de l’astronomie3, a beaucoup progressé en exactitude, et ce de manière totalement indépendante de la conquête aérienne.
2Partant de ce constat, la question se pose de savoir dans quelle mesure le fait d’accéder à la vue aérienne directe aurait pu participer à la reformulation des savoirs géographiques, de leur pratique et de leur enseignement au tournant des xviiie et xixe siècles, rendant possible une approche nouvelle du territoire. L’articulation entre les promesses entrevues de ce nouvel objet et son intégration pour la géographie peut se révéler parfois paradoxale ; elle a fait déjà l’objet d’excellentes études consacrées aux tentatives de géographies expéditives depuis le ballon sous la Révolution (Bret 1990-1991). Nous souhaiterions ici reprendre la question du point de vue de la connaissance et de la restitution du terrain : dans un premier temps, du point de vue de la production du dessin pour la cartographie, et dans un second temps à travers les voyages aériens comme possible outil de (re-) découverte du territoire.
L’aérostation : une nouvelle technique au service des topographes (1794-1802)
Les « ballons de la République »
3La Révolution française a su capter l’héritage d’une invention qui avait donné lieu à un enthousiasme tout à fait remarquable au moment de son apparition4. Devenu objet de mémoire collective, le spectacle impressionnant et consensuel des envols constitue un moment fort des grandes fêtes révolutionnaires5. Plus encore, l’utilisation de cette « invention française » au service des armées révolutionnaires, notamment lors de la bataille victorieuse de Fleurus, figurera parmi les heures de gloire de l’histoire des ballons. Patrice Bret a bien montré comment le comité de Salut public, dynamisé par la participation de nombreux savants, favorise l’utilisation de techniques nouvelles, poursuivant activement toutes sortes d’initiatives sous le Directoire. Les sciences de la révolution ont donc pris le ballon au sérieux (Bret 2002 ; 1988).
4Parmi ces savants, nombreux s’étaient intéressés au ballon dès 1784. Une compagnie militaire d’aérostiers est créée le 29 mars 1794 (9 germinal an II)6 : utilisé de manière captive, le ballon fournit un point d’observation idéal produisant un effet de surprise sur les lignes ennemies. Puis cet usage s’officialise au travers de la création d’une école d’aérostation, décrétée le 31 octobre 1794 (10 brumaire an III) par Gaspard Monge, Claude Louis Berthollet, Antoine-François Fourcroy, Louis-Bernard Guyton et Claude Antoine Prieur, dirigée ensuite par Nicolas Conté et Jean-Marie Coutelle. Elle peut ainsi ouvrir de nouvelles perspectives dans le contexte de recomposition des disciplines et de leur enseignement de la période révolutionnaire.
5Il n’est pas étonnant que le ballon fasse partie des techniques possibles envisagées pour la géographie expéditive et les levés de plan, principalement pour la formation des ingénieurs topographes militaires7. Mais l’articulation de cet art avec les usages géographiques dépend grandement de la situation de l’enseignement de la discipline elle-même. Celle-ci connaît des tensions profondes entre les compétences des ingénieurs civils des Ponts et Chaussées et les savoirs hérités des corps de géomètres militaires. La Révolution a brouillé certains clivages, mais avec la création de nouvelles écoles, elle en fait apparaître d’autres. Patrice Bret (1991) a dénoué les fils complexes qui relient l’école des aérostiers et la formation des géographes. La concurrence domine entre l’École polytechnique, tournée vers l’application de la géométrie descriptive, et le dépôt de la guerre, qui forment des topographes militaires, et enfin l’École des géographes. Cette dernière, créée éphémèrement sous la houlette de Gaspard-Clair-François-Marie Riche de Prony en 1797 et supprimée en 1802, est liée à la mise en place du cadastre. Elle s’associe à l’École nationale d’aérostation, devenant accessible après une année passée à l’École polytechnique. Dans cette configuration nouvelle, un ensemble de dispositifs crée donc des occasions multiples et bien réelles d’application de l’aérostation à la géographie (Bret 1990-1991).
Les propositions du commandant Lomet : des mesures relatives au dessin
6Les premiers essais concernent très directement la topographie à des fins de productions cartographiques. La topographie comprend alors la géodésie, le levé de terrain ; elle est extrêmement performante, grâce à la technique de triangulation construite à partir de point haut (collines, clochers, etc.). Les spéculations sur l’usage des ballons sont alors nombreuses car ils semblent offrir de nouvelles possibilités pour effectuer des mesures d’angles. Très rapidement plusieurs problèmes surgissent et en premier lieu la mesure d’un point en altitude qui soit exacte. Dans ce cadre, les ascensions systématisent en fait une mesure approximative de l’altitude par le baromètre8. Mais il apparaît très vite en second lieu que l’instabilité – encore accrue par le fait que la machine est retenue au sol par des cordes – constitue un obstacle majeur. Les relevés effectués depuis la nacelle se révèlent finalement de peu d’utilité pour les pratiques de la géodésie, qui se développe a contrario dans une culture de l’exactitude de la mesure. Cependant le topographe pourrait avoir besoin de faire des relevés approximatifs du terrain, des levés dits « par induction » : il s’agit alors d’avoir « le compas dans l’œil », voir de loin un point fixe qui permette de produire une sorte d’estimation des grandeurs absolues et relatives, particulièrement utile quand le terrain est inaccessible. C’est ce que se propose de faire Antoine François Lomet, ingénieur des ponts et fils d’ingénieur, qui travaille activement à la mise en place des enseignements de géographie à l’École polytechnique. Il se penche très sérieusement sur les possibilités de l’aérostation et produit un essai publié dans le Journal de l’École polytechnique en 18019. La mesure simultanée de trois points, nécessaire à tout relevé, permettrait selon lui de compenser l’instabilité et il perfectionne à cette fin un double sextant. Ces observations rapides demeurent des mesures relatives destinées à fournir des relevés intermédiaires pour produire « une esquisse dessinée du terrain », déjà très utile pour « opérer dans un pays hors d’atteinte de l’ennemi » (p. 253-254).
7Cependant Lomet ne s’arrête pas à cet usage militaire ; si son objectif est de faire un travail de géométrie descriptive, il s’agit aussi pour lui de montrer que l’œil du voyageur aérien pourrait avec profit porter un regard différent sur le paysage. L’ascension en ballon permet d’accéder à une vue en grand indépendamment d’un sommet. Les avantages pour saisir l’organisation générale des espaces sont à ses yeux indéniables, et l’usage du ballon semble présenter « le plus haut degré d’intérêt » également d’un point de vue pédagogique. En effet, la vue depuis le ballon permet à l’observateur (ici futur ingénieur cartographe) de s’habituer aux aspérités de la terre vue d’en haut, d’en reconnaître la variété des détails, de s’habituer aux tons des couleurs qui différencient des parties du territoire et, « si l’on cultive avec fruit ce nouveau moyen d’observation » insiste-t-il, « il est indubitable qu’il amènera une amélioration sensible dans l’art de dessiner les plans » (p. 257). On retrouve là à l’œuvre la tension qui anime la démarche picturale de la cartographie, évoquée par Catherine Bousquet-Bressolier (1995, p. 95), entre vérité de la représentation (via l’application des lois empiriques de la lumière et de la perspective) et exactitude des mesures. Pour Lomet, si les projections des objets sur le plan sont rigoureuses quant à leur emplacement, la « fidélité d’expression » fait souvent défaut aux cartes, lorsqu’on les compare à la réalité du paysage perçu. Son projet serait donc de s’acclimater à la vue aérienne directe grâce au ballon pour progresser dans « l’expression du figuré du terrain dans les cartes de toutes espèces » afin obtenir un résultat plus exact en rendu (Lomet 1802, p. 257).
Les contradictions d’une cartographie directe depuis le ballon
8Ces propositions renvoient au rapport non linéaire entre la perception du territoire et les conventions utilisées pour le rendre lisible par le dessin. Les techniques de reproduction du paysage, à défaut de cohérence, sont néanmoins stabilisées. On peut les lire explicitement dans l’ouvrage classique de Dupain de Montesson, Le spectacle de la campagne, maintes fois réédité jusqu’au début du xixe siècle. Il propose une méthode pragmatique dans le cadre d’un travail en plein air (avec des outils portatifs) afin de « représenter avec les couleurs tout ce qui s’offre aux yeux sur la surface d’un pays »10. La carte se construit d’abord par le maillage les chemins, puis on remplit les blancs. Il s’agit de respecter une « juste proportion » en élévation pour figurer des éléments signifiants tels croix, moulin à vent, potence, arbres, vignes, « d’exprimer les montagnes », de signaler l’eau, les terrains qu’on ne peut cultiver, les marécages et tourbières, et de signaler les marques des installations humaines, routes, rigoles et ponts. Chaque élément, identifié, est ainsi compris isolément, puis restitué dans sa relation aux autres. En procédant à leur juxtaposition, élément après élément, couleurs après couleurs, le cartographe apprend à situer les richesses et les particularités d’un espace donné. La confection de la carte devient un processus central dans la compréhension du territoire, car il conduit à appréhender la logique de l’agencement des différents éléments de la nature11. C’est une construction analytique nourrissant une réflexion sur « le partage des biens champêtres et des réflexions qu’on doit y faire » (Dupain de Montesson 1803, préface). Les particularités deviennent objets de connaissance, utiles au voyageur comme à l’administrateur.
9La démarche de l’observation aérienne est dans une certaine mesure inverse, car elle propose une appréhension globale où tout est déjà donné à voir de manière plane. Le cartographe déjà placé devant un espace miniaturisé ne serait plus amené à produire une carte par une démarche analytique, mais reproduirait directement ce qu’il perçoit. La vision aérienne directe demande alors un autre travail de mesure et d’adaptation dont on réalise qu’il s’articule difficilement avec l’ensemble des pratiques cartographiques contemporaines de son apparition. Néanmoins cette géographie au ballon, empirique et directe, a pu séduire quelques amateurs de projets, comme l’abbé Bertholon (1784, p. 39), et elle été ébauchée par un savant anglais du nom de Thomas Baldwin. Ce dernier réalise un vol à Chester en 1785 avec le ballon de l’aéronaute Lunardi. Il publie l’année suivante une relation de son voyage, assortie d’un traité dans lequel il propose un rigoureux programme d’observations :
Un nouveau système s’impose naturellement aussi bien pour les cartes que pour les graphiques, avec lequel l’essentiel des proportions seraient bien plus exactes que par la présente méthode. Pour faire des dessins d’après la vue depuis la nacelle du ballon il faudrait utiliser une camera obscura, munie d’un micromètre appliqué sur le coté d’une glace transparente.12
10Il ne s’agit pas là non plus de prendre des mesures d’angles permettant de reconstituer un espace donné sur le plan, mais bien de s’appuyer sur des instruments différents, telle la camera obscura, en ajustant ensuite les mesures à l’aide d’un micromètre13. C’est à peu de chose près l’esprit des premières photographies aériennes réalisées en 1858 par Nadar, via un instrument d’enregistrement instantané du paysage depuis un axe vertical (Gervais 2001). Le problème de l’instabilité n’a pas échappé à Baldwin, mais, plutôt que réfléchir avec un ballon captif, il tente de trouver une solution prometteuse lors des phases en vol où il observe que le ballon reste stationnaire à une altitude moyenne. Le point de vue du dessinateur, en épousant le point de vue de l’aéronaute, serait à même de comprendre comment se traduit l’objet en trois dimensions lorsqu’il est perçu en perspective zénithale. Au début du xixe siècle, en France, alors que s’ouvre une commission autour de l’homogénéisation des signes conventionnels de la cartographie, on pourrait s’attendre à ce que ces réflexions y trouvent un prolongement.
La commission de 1802 et l’omission aérostatique
Pratique directe et conventions de la perspective aérienne
11En 1802, à l’initiative du Dépôt général de la guerre, une commission composée des différents acteurs du monde de la cartographie se réunit14. L’enjeu est précisément d’homogénéiser les représentations du terrain par la fixation de conventions communes, de s’accorder sur la perspective et les signes choisis pour figurer les objets. Les représentations superposent fréquemment des réseaux, des chemins, des bâtiments, selon les règles de la projection horizontale, avec une projection verticale demi-perspective quand il s’agit des bois, des montagnes, des villages15. Il s’agit donc de « bannir les ombres portées » et de généraliser la perspective zénithale rationnelle.
12Cette vision théorique coïncide bien avec la vision aérienne à laquelle seul le vol peut concrètement faire accéder. Mais les procès-verbaux de la commission montrent qu’aucune interférence avec ces expériences concrètes n’est évoquée dans les discussions. Il s’agit d’un problème de géométrie perspective où la pratique directe n’est jamais envisagée, à une exception près cependant. La commission reconnaît que pour les couleurs, il faut s’inspirer de la nature. Ainsi on convient qu’il faut donner à voir le modelé de vue aérienne au cartographe, afin d’habituer l’œil au relief vu d’en haut. Le ballon est une technique éprouvée, stabilisée, qui peut être un outil de connaissance pour les cartographes, mais il n’en est fait aucune mention. La commission propose un tout autre moyen :
La commission pense d’ailleurs qu’il sera très utile pour rendre plus sensible cette manière d’envisager les couleurs de donner suite à la proposition de M. Hennequin, de mettre sous les yeux des dessinateurs des reliefs-modèles de différents sites naturels, accidentés, et dans la construction desquels on se rapprochera le plus possible de la nature. (Ibid., p. 41)
13L’idée est bien ici de faire coïncider la vue zénithale abstraite du territoire avec la nature qu’elle représente, via un meilleur travail sur les couleurs, d’autant plus complexe que les ombres sont à supprimer. Mais pour suppléer cette vision directe, on propose l’usage d’un artefact devant habituer le regard des praticiens. Ce moyen est cependant innovant. Le plan-relief de la Suisse fabriqué par Franz Ludwig Pfyffer est achevé seulement en 1786 et suscite une grande admiration par la suite partout en Europe (Bürgi et alii 2007, p. 77-111).
14Or, Lomet, comme son beau-frère le chevalier Allent qui représente le Génie, tous deux défenseurs de l’usage des ballons, sont présents à cette réunion. Mais leurs positions ne filtrent pas dans l’espace intellectuel de la commission. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette omission. Elles sont d’ordre épistémologique : la préférence donnée à l’usage de l’artefact pour accéder à la compréhension aérienne du terrain révèle la difficulté d’ajuster l’expérience réelle avec ses représentations. Mais des raisons d’ordre pratiques, voire politiques se font jour également. En effet, pour que l’aérostat apporte une contribution à la formation des géographes, il faudrait que ces derniers aient accès à ces machines, afin de se former à leur usage. Or il n’existe plus en 1802 de bataillon d’aérostatiers prêt à servir. La dernière compagnie d’aérostatiers militaires a été dissoute par Napoléon et leur école est fermée (Bret 1988). Les ballons sont des objets de grande technicité, dont l’entretien est extrêmement coûteux, et auquel, comme l’a bien montré Patrice Bret, les armées ne veulent rien devoir. La décision prive donc les écoles de géographie de cet outil à peine deux ans plus tôt. Lomet concluait dans son mémoire, sur le fait qu’il serait « impolitique » de négliger ces machines, alors même qu’il pouvait encore engager une série d’expériences. Mais le contexte bien fragile s’est inversé, et l’usage des aérostats n’est plus à l’ordre du jour.
Persistance de la géographie au ballon
15L’opportunité d’appliquer l’aérostation à la cartographie s’éloigne et l’idée ne subsiste plus que comme une hypothèse sporadique. Le chevalier Allent reprend parallèlement, dans le Mémorial topographique, les propositions avancées par Lomet dans le Journal de l’École polytechnique, dans un Essai sur la reconnaissance militaire en 1803. Il souligne l’intérêt offert par l’aérostat de pouvoir embrasser d’un coup d’œil un espace immense et de saisir, malgré les obstacles, « le tableau de la nature, tel qu’il s’agit de le dessiner ou de le peindre ! »16. La diffusion de ces idées dans des revues auprès du public restreint, mais concerné, des ingénieurs géographes, est donc attestée mais reste sans effet. Les premiers numéros du Mémorial topographique sont réédités en 1827. Le mémoire d’Allent fait alors l’objet de commentaires de l’éditeur, qui constate que l’aérostat n’est toujours qu’un « objet de spéculation ». Cette remarque met en évidence la rupture qui a eu lieu entre la génération issue de la période pré-révolutionnaire, qui a vécu la fascination pour les premiers ballons, et les années 1820 où son usage, marginalisé, intéresse surtout des pratiques foraines isolées. Les problèmes semblent prioritairement d’ordre matériel, car ce genre de navigation demande « un enseignement, de la pratique », et donc une structure d’apprentissage qui n’existe pas. Durant les trois décennies qui séparent les essais de géographie expéditive de l’École polytechnique de la réédition du Mémorial topographique, l’usage de l’aérostation a été complètement délaissé. La situation ne changera guère, même si sous le Second Empire le timide retour de l’aérostation scientifique ouvre de nouveaux horizons (Locher 2006).
16In fine, la disqualification de l’expérience directe et sensible dans la construction d’une discipline géographique nouvelle renvoie peut-être également, et plus profondément, à un clivage construisant au même moment la séparation des champs scientifique et littéraire17. La cartographie se fonde sur des bases scientifiques de plus en plus précises, la maîtrise de la géométrie descriptive, l’exactitude des calculs. Reconstituer une réalité à trois dimensions par la projection sur une surface plane à l’aide de la géométrie et des mesures d’angles, et restituer l’image vue d’en haut ne relèvent pas de la même démarche. La vue aérienne met en évidence des hiatus nous permettant de cerner les catégories qui construisent l’intelligibilité des espaces perçus : à la frontière de l’indescriptible, comme l’écrit Baldwin, le voyage aérien place l’aéronaute au centre de l’espace créant les conditions d’une nouvelle manière pour l’œil18.
L’œil de l’aéronaute : nouveau voyage et nouvelles pratiques de l’espace
Pratique du voyage et récit des premiers voyages
17La connaissance du terrain n’est pas réductible à la cartographie. Le vol en ballon demeure un outil possible, qui interroge de manière neuve la découverte des espaces parcourus, ici survolés, et dont les relevés s’ancrent peut-être plus explicitement dans le registre des récits de voyages. Le paysage vu d’en haut ne coïncide en rien avec ce qui est connu. Très peu de personnes en définitive eurent accès à l’expérience aérostatique : une poignée d’élèves de l’école d’aérostation, de géographes, d’ingénieurs et de militaires en campagne (entre 1794 et 1801). Encore moins nombreux sont ceux qui eurent l’occasion d’un vol libre. Par ailleurs l’essentiel a été réalisé par des amateurs éclairés, munis d’instruments de mesure, entre 1783-1786 : ils laissent petit à petit la place dans la nacelle, à de rares exception près19, à des entrepreneurs intrépides, habiles à manœuvrer la machine et prompts à satisfaire les attentes des spectateurs (villes, cours princières, etc.) : Jean-Pierre Blanchard, Jacques-André Garnerin, Eugène Robertson, puis Charles Green ou Jules-François Dupuis-Delcourt pour la génération suivante. Les objectifs du vol, quoique expérimentaux dans un premier temps, sont orientés vers la compréhension d’une technique de déplacement dans l’atmosphère. Le ciel prend une épaisseur et une densité certaines : la nature de l’air, la nomenclature des nuages à l’esquisse, notamment chez Thomas Baldwin, délivrent autant de sensations physiques nouvelles, étonnantes20. Elles sont recensées comme autant de pièces à verser au dossier du voyage, tandis que l’inédit domine un processus non exempt de dangers. La quiétude se fera plus présente dans les récits des aéronautes professionnels du xixe siècle, qui soulignent habilement les dangers et aléas pour valoriser leur dextérité.
Survoler le paysage et se repérer
18Les récits des premiers aéronautes constituent un petit corpus de textes qui rencontrèrent un immense succès. Certains furent maintes fois réédités, d’autres connurent une diffusion plus locale et confidentielle. En règle générale, le récit décrit le départ, donnant lieu à un procès-verbal, depuis un espace urbain sous les acclamations de la foule. Le voyage, ensuite, consiste à planer au-dessus de la campagne pour un temps variant de 15 minutes à 2 heures environ…, et à se poser tant bien que mal. Le contrôle de l’élévation verticale et horizontale engage des projets davantage liés à la performance du vol lui-même (altitude, passages des montagnes, temps des voyages, etc.), qu’à des objectifs savants, a fortiori géographiques, produits depuis la nacelle. Toutefois, pour rendre compte des trajets, l’aéronaute réalise quelquefois une carte de ses voyages. Il ne s’agit pas de vue directe, mais de reporter sur une carte déjà existante les points des trajets qui ont pu être identifiés, voire parfois de dessiner alors une coupe aérographique marquant pour chaque endroit reconnu l’altitude estimée à laquelle s’est trouvée le ballon. Parmi les instruments du voyage, il arrive bien souvent que des cartes soient embarquées dans la nacelle. Thomas Baldwin déplie une carte de Chester et de ses environs pour tracer les aléas du déplacement de sa machine. Il emporte de plus de nombreux ustensiles, dont deux crayons à mine rouge taillés des deux bouts, prévoyant qu’il lui faudra être réactif et qu’il sera périlleux de tenter de préparer à bord le matériel nécessaire… Ainsi trace-t-il « directement » l’ombre de sa machine sur le paysage, le dessin et la coloration des objets. La carte sert à comprendre la vue aérienne, mais les objets résistent et le voyageur remarque les nombreuses discordances entre la carte et les objets perçus d’en haut21.
Instabilité des repères et ajustement du regard
19Ce n’est pas tant l’altitude que la rapidité du changement de position de leur corps dans l’atmosphère qui déroute les aéronautes. Le phénomène du changement d’échelle est profondément troublant car il n’est pas précédé du long effort que demanderait une ascension en montagne par exemple, permettant d’ajuster graduellement le regard avec l’altitude atteinte. Ici, le rapetissement des objets perçus s’accompagne en un temps extrêmement court d’un élargissement du territoire visible, entraînant une difficulté à reconnaître le paysage habituel. « [L]es objets diminuent, leurs formes s’altèrent, se confondent »22, écrit par exemple le comte de Laurencin, contemplant la ville de Lyon depuis la nacelle du Flesselles, en janvier 1784, en compagnie de Joseph de Montgolfier. « La scène la plus imposante s’agrandit avec une rapide progression » écrit l’abbé Carnus, à bord de sa montgolfière Ville de Rodez, en août 1784, « les bornes de l’horizon » reculent (Carnus 1784, p. 3). Ce schéma perceptif et narratif court de manière très similaire sous la plume des aéronautes du xixe siècle (voir par exemple Nadar 1864).
20L’identification géographique de leur position demeure cependant le souci constant des voyageurs : villages, églises, cours d’eau leur permettent de se situer, mais le défilé rapide des objets crée sans cesse un effacement des repères. Lors de son quatrième voyage, en mai 1784, Blanchard embarque avec un greffier du parlement de Normandie, qui sert le récit par ses remarques naïves :
Je demandais à M. Boby, qui contemplait la terre avec admiration, s’il reconnaissait la montagne Sainte-Catherine. Il la chercha, mais inutilement ; il m’avoua de bonne foi être désorienté & ne plus voir la surface de la terre que comme un niveau superbe qui enchantait son âme. (Blanchard 1784b)
21Le nivellement des reliefs est bien la preuve de l’altitude atteinte. Pour l’abbé Carnus, « [l]e cantal, les Cévennes avait disparu », et « les Pyrénées se montrèrent à nous comme une longue suite de tas de neige réunis à leur base » (1784, p. 6). Alors que le rendu des reliefs fait l’objet de débats, notamment sur le figuré des ombres, des hachures et des teintes, le regard aérien, annulant la montagne même, n’apporte pas de solution. Par la suite, les mesures barométriques permettront de saisir à partir de quel palier les formes se confondent : Jules-François Dupuis-Delcourt l’estimera autour de 4000 mètres tandis qu’il évalue entre 500 et 700/800 mètres l’altitude la plus propice à l’observation où les déformations ne sont pas encore trop importantes. C’est également la distance préconisée par Lomet.
22Cette difficulté renvoie aux conditions de l’expérience visuelle : de multiples pratiques (expéditions scientifiques, tourisme naissant) ont fait naître au regard les rivages et les montagnes, ont nourri l’intérêt pour le spectacle de la nature, et ont engendré de nouvelles sensibilités (Corbin 1990, et entre autres, Bourguet et Licoppe 1997). Ce processus a été consolidé par le succès d’artefacts comme les panoramas qui contribuent à accoutumer le regard a une vision à 380 degrés (Oettermann 1980 ; Besse 2004). Alain Corbin souligne avec justesse que, dans la nomenclature des rapports qui lient l’homme au paysage, l’appréhension de la vision scopique liée à la mobilité pose un problème d’ordre culturel : les catégories pour voir un paysage mobile ne sont pas stabilisées. La vitesse prenant consistance empêche les voyageurs de reconnaître le paysage, et ils ne peuvent dans un premier temps ajuster leur regard23. Comme le décrivent l’abbé Carnus, ou Jean-François Pilâtre de Rozier placé dans un « théâtre mobile », le spectacle serait l’horizon changeant. Mis à l’épreuve par le mouvement de l’ascension qui désorganise les repères habituels, les voyageurs aériens envisagent d’en construire de nouveaux. Percevoir, puis identifier, enfin retranscrire, constituent une série d’opérations différentes. La narration du voyage est bousculée par l’expérience physique et sensorielle, et les modalités possibles de traduction narrative renvoient souvent soit à des apories du langage, soit à des tentatives qui déplacent le registre de la relation du vol vers la fiction.
Le voyage aérien comme nouvelle connaissance du territoire
Le tableau d’une nature révélée
23L’esthétique de la contemplation est prégnante. L’expérience révèle aux yeux de l’aéronaute une vérité de la nature : Pilâtre de Rozier, lors de son ascension de Versailles à Chantilly le 13 juin 1784, relate qu’il vit tout à coup le spectacle le plus admirable « comme si on eût tiré le rideau qui cachait la nature » (1784, p. 11). L’abbé Carnus laisse filtrer dans son récit une vibration préromantique :
Je sentis alors naître dans mon âme des sensations inappréciables. J’ai souvent réfléchi sur les ouvrages de la nature, leur magnificence m’a toujours rempli d’admiration. Dans ce moment délicieux que la nature était belle. (1784, p. 3)
24Le récit de voyage est amplement dominé par la description des sensations éprouvées par l’aéronaute traversant les météores (pluie, froid, vent, lumières…). L’homme est absorbé par la grandeur de la nature, ainsi révélée dans sa beauté sauvage et ses coloris. Les tentatives de passer du registre du sublime, non dicible, au pittoresque, pointent dans les récits. L’aéronaute peut avoir recours à des solutions narratives particulières, comme Pilâtre de Rozier qui évoque « ces métamorphoses miraculeuses des fées » (1784, p. 3). Pour être intelligibles, les descriptions des tout premiers vols des années 1784 s’arriment ainsi à un héritage littéraire : le merveilleux ici devient le réel. Pilâtre de Rozier importe le modèle « gullivérien » : la miniaturisation donne la mesure de la transformation des objets. « [U]n terrain immense couvert de villes et de villages » devient « beaux châteaux isolés, & entourés de jardins […] en un mot, les prés & les champs n’avaient que l’ensemble des verdures et des gazons qui embellissent nos parterres »24. La nature sauvage est domestiquée en un jardin dont les objets deviennent au sens propre préhensibles. Ce procédé narratif deviendra presque un topos du récit de voyages aériens. Quelques décennies plus tard, Nadar transforme le paysage en une « boîte à joujoux » :
La terre se déroule sous vos yeux en une nappe immense de couleurs variées, où la dominante est le vert dans tous ses tons et dans tous ses mariages. – Les champs en damiers irréguliers ont l’air de ces couvertes, faites de pièces diverses rapportées par l’aiguille de la ménagère. Une immense boîte à joujoux est répandue sous vos yeux. Joujoux ces petites maisons, expédiées par le fabriquant de Carlsrhue : joujoux cette église, cette citadelle. (1865, chap. xvii, p. 264-265)
25Ce que permettent de saisir ces récits c’est également l’évocation omniprésente de la chaleur des tons chatoyants. Si les éléments remarquables (monuments et montagnes) apparaissent toujours comme des repères auxquels peut s’accrocher le regard, la compréhension du paysage semble avant tout guidée par les couleurs et la matière. Le regard aérien révèle une autre dimension du paysage que celle de la carte : celle de la densité et des couleurs variables des éléments naturels, l’eau, les champs, les forêts, cela même que Lomet tentait de mettre en évidence. L’ascension permet d’appréhender la nature de manière plus sensible et de donner consistance à une nouvelle approche du territoire. En prenant de la hauteur, l’espace maintes fois parcouru, et qui n’est en rien une contrée lointaine, s’ouvre à une re-découverte.
Matières et couleurs des éléments naturels
26Ainsi, l’eau constitue l’élément le plus présent dans ces récits, pour une raison qui n’est pas seulement esthétique mais aussi liée à la technique du vol. En effet, il s’agit de comprendre si le comportement de la machine change au-dessus de l’eau : il s’y produit des courants d’air et des variations de pressions. C’est un obstacle complexe à franchir, voire un danger si l’on s’aventure en mer. Celle-ci est aisément identifiable par sa brillance, comme l’évoque Jean-Pierre Blanchard, qui le premier franchira la manche en 1785 :
Après avoir traversé un nuage très léger, j’aperçus la mer devant moi dans le lointain ; les rayons du soleil la rendaient resplendissante comme une glace.25
27L’eau, élément structurant du territoire vu d’en haut, fait donc l’objet de nombreuses observations. Le dessin de la rivière et de ses méandres forme la colonne vertébrale du paysage, comparé à un mince filet d’eau ou à un ruban. Ainsi l’aéronaute Eugène-Gaspard Robertson décrit l’Elbe se dessinant en blanc comme un ruban très étroit et, en faisant usage d’une lunette de Dollon, en conclut que la réflexion de la lumière lui donne une couleur blanchâtre. Les cours d’eau, étincelants, qui revêtent une grande importance pour Baldwin, font apparaître en revanche des teintes rougeâtres, dues à la transparence du liquide et à la couleur de la terre26. Ce dernier propose par ailleurs une nomenclature des couleurs. Respectant l’application des lois de l’optique sur les nuances graduelles qui dépendent de l’éloignement de l’œil, il note scrupuleusement ces changements par rapport à la distance. Par transparence, par réfraction, les aspérités du sol apparaissent au travers de leur interaction avec l’air qui les recouvre. La température ou l’humidité, la composition de l’atmosphère qui entoure la machine, sont autant d’éléments qui doivent être pris en compte car ils sont susceptibles de modifier la perception depuis la nacelle, en créant des effets de trompe-l’œil par exemple. Certes, il n’y a pas de lien de causalité explicite entre les remarques hydrométriques générales et les types de paysages, mais les conditions d’un rapport entre les éléments du paysage et le climat, non encore identifié comme tel, sont bien posées.
28La vue aérienne met en évidence aussi des modes de cultures, des formes d’occupation humaine, qui à défaut d’être systématisées, sont toutefois repérées. Thomas Baldwin décrit les enclosures par exemple, processus majeur que connaissent des campagnes anglaises au xviiie siècle : les haies se distinguent nettement, et la palette des tons de verts est très large et nuancée. De fait, à l’inverse de la convention cartographique qui stipulera de laisser en blanc la place des terres cultivées et des labours, pour ne marquer que les traces pérennes, arbres fruitiers ou vignes, le regard aérien prend plaisir à distinguer la variété des cultures, et à s’étonner et à en comprendre les dessins (pommelés, striés…). Par exemple, dans le récit de voyage de Dupuis-Delcourt en 1831, on voit apparaître non seulement une réflexion sur les cultures, mais également sur l’intelligence de l’organisation spatiale : il souligne le maillage des routes et le réseau hydrographique, et met en valeur les traces d’aménagements. Il permet de saisir le rapport entre l’habitat et les terres arables ou cultivées27.
29Au fur et à mesure des voyages, la vision s’affine et met en valeur l’agencement des éléments, le rapport entre la nature cultivée et travaillée et les contraintes du paysage (relief, eau) que le ballon survole. L’emprise urbaine et industrielle transparaît relativement peu dans les récits du premier xixe siècle. Par la suite, la ville et des innovations comme le chemin de fer viendront sillonner les comptes rendus, ceux de Nadar par exemple. Le regard aérien offre un état du territoire à un moment donné, où interfèrent de manière timide un ensemble de facteurs. Il permet de saisir de nouvelles singularités locales, de voir d’un œil neuf les espaces familiers. Ainsi, l’altitude, d’après l’abbé Carnus, efface le relief accidenté qui caractérise le Rouergue pour le « voyageur qui se traîne à la surface de la terre », coteaux fertiles, précipices affreux, antiques châteaux perchés sur des rocs effrayants (1784). En revanche, le regard aérien met en valeur d’autres éléments de pertinence. Certains ont trait à l’organisation générale du « pays », d’autres à des particularités régionales qui sautent soudainement aux yeux. Thomas Baldwin souligne ainsi que l’usage généralisé de l’ardoise pour couvrir tous les toits de Chester rend la ville vue d’en haut « complètement bleue »28.
Appréhender de nouvelles frontières
30Le territoire n’est en rien homogène, et l’expérience du vol reste sensible et humaine ; elle met à tout le moins au jour des mondes contigus pourtant étrangers les uns aux autres. Le retour de l’aéronaute au sol révèle les limites de la connaissance du territoire que permet l’œil omniscient. Ce sont deux approches du territoire qui ne s’ajustent pas nécessairement et souvent se confrontent. Jean-Pierre Blanchard le comprend lors du vol qu’il entreprend à Gand en 1785. L’aéronaute déjà chevronné est amené à survoler les polders ; il échoue au milieu des landes de sables et d’eau, et mesure toute l’étrangeté de ce paysage qu’il ne comprend pas et sur lequel il n’a aucune prise : « tombé des nues seul au milieu d’une espèce d’île » (Blanchard 1786). L’atterrissage révèle la difficulté à appréhender un paysage limpide vu d’altitude. L’obstacle naturel ici se double de l’obstacle linguistique. En effet, il ne parvient que difficilement à se faire comprendre lorsqu’un paysan vient à sa rencontre29 : « Il me parla sa langue, je lui parlais la mienne, et nous ne nous entendîmes ni l’un ni l’autre. » (Ibid.)
31Mais l’homme, lui, connaît le terrain. Parfaitement à l’aise dans ce milieu hybride et fortement aménagé, gagné par les hommes sur la mer de longue date, il aide Blanchard à « sauter » par-dessus les ruisseaux muni d’un long bâton. Ce n’est pas seulement à une différence de langue que Blanchard est confronté soudain, mais bien à toute une culture qu’il saisit en quelques minutes, son corps étant transporté d’un espace urbain, Gand, dont il maîtrise les codes, à un monde qui lui est totalement inconnu. Le conte philosophique ressurgit en un récit que les lecteurs prennent plaisir à découvrir.
32Si les habitants d’un lieu peuvent aider l’aéronaute à se sortir d’un mauvais pas, ils révèlent à ce dernier des frontières inattendues. Le voyage fait d’un territoire proche, voire familier, une contrée inexplorée, nouvel objet de rencontres et de connaissances. La richesse de ces expériences trouve cependant refuge dans le registre du littéraire plutôt que dans le développement d’un récit d’exploration savante, dans le sillage d’une ethnographie naissante30. La ligne de césure entre littérature et science semble rabattre la pratique du vol et son récit du côté de la fiction.
Conclusion
33La vision déroutante depuis la nacelle du ballon invite l’aéronaute à une nouvelle lecture du paysage. Mais elle est loin cependant de produire des éléments pour la cartographie : c’est à l’inverse souvent l’artefact qui vient au secours de la construction du regard aérien direct et qui aide, au moins par métaphore, à fixer l’intelligibilité du paysage. Ainsi Jules-François Dupuis-Delcourt, dans la relation de son voyage aérien du 29 juillet 1831, accumule les comparaisons :
C’était comme en plan relief, et l’homme placé dans cette position extraordinaire a besoin de toute sa raison pour se persuader qu’il voit cette même terre qu’il a quittée un instant auparavant. Souvent dans les ascensions, j’ai été frappé par la ressemblance qu’il y a entre une carte bien coloriée, dressée sur l’échelle un peu grande, et la vue dont jouit l’aéronaute à 15 cents toises d’élévation. (Dupuis-Delcourt 1832, p. 126)
34Il nous faudrait peut-être envisager le rôle effectif que les savoirs et les pratiques géographiques auraient pu avoir dans la construction de la vision aérienne au xixe siècle. Comme Marie Pedley Sponberg l’a montré, le commerce des cartes s’est extrêmement développé au xviiie siècle, permettant une diffusion large par des gammes de prix et de formats variés (Pedley 2005). Au xixe siècle, parallèlement à l’apparition de cartes scientifiques et thématiques, la large diffusion de cartes variées et coloriées, non restreintes au monde des administrateurs et des militaires, continue d’acculturer les publics à la planimétrie et à ses conventions. Si la vue aérienne se construit en partie au xixe siècle au travers de l’évolution technique des supports de médiations, notamment l’enregistrement instantané d’images – photographies, puis cinématographe (Gervais 2001 ; Castro 2008) –, la modélisation des observations aériennes par la photographie ne sera proposée à l’usage des sciences humaines et géographiques pour lire l’occupation humaine des territoires qu’au cours du xxe siècle31.
35À la fin du xviiie siècle, l’irruption de cette possibilité bouscule les considérations théoriques sur la vraisemblance de la perspective aérienne sans les résoudre pour autant dans la pratique, et sans que l’acculturation de l’œil promise pour améliorer la vraisemblance du dessin (matière et couleurs) ne s’inscrive à l’agenda de la formation des cartographes. Au début du xixe siècle, d’autres débats dominent la production de la nouvelle carte de France, ignorant cet outil particulier. Le ballon demeure cantonné au registre forain et poétique. Néanmoins il reste le seul outil dont on dispose au xixe siècle pour survoler des espaces difficilement accessibles (Tucker 1996). Dans les années 1810-1830, les aéronautes sont déjà occupés à la construction historique d’une pratique peu diffusée hors les fêtes publiques. Ils collectionnent les événements et les récits touchant à l’aérostation32, et s’intéressent à certains textes amplement diffusés vers un grand public. Lorsque Nadar entreprend les Mémoires du « Géant », il fait explicitement référence aux récits de Jacques Alexandre César Charles et de Pilâtre. Ces textes innervent aussi fortement l’univers de la fiction. Tandis que les premières relations d’ascension se référaient au merveilleux pour rendre la mesure de la réalité, le mouvement inverse semble s’esquisser, et ce sont les relations de vol qui, à leur tour, constituent un genre que la littérature peut emprunter. Jules Verne truffe Cinq semaines en ballons de références explicites à l’histoire des premiers vols, par des appels de notes et des comparaisons créant des effets de réel (Thébaud-Sorger 2007). Les ballons participent alors à l’exploration d’un territoire inconnu et, finalement, au développement d’un imaginaire géographique.
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Notes de bas de page
1 Je remercie Jean-Marc Besse et Hélène Blais de m’avoir permis de renouer avec ce dossier et d’approfondir l’enquête précédemment menée sur l’absence, au moment de l’invention, de production de vues aériennes (voir Thébaud-Sorger 1999). La recherche a été également reprise lors d’une journée d’étude organisée par Frédéric Pousin et Marc Dorrian : La vue aérienne : savoirs et pratiques de l’espace (CNRS - British Academy, Paris, 9 juin 2007). Voir également, en prolongement pour la fin xixe et le xxe siècle, l’ouvrage de Christoph Asendorf (1997).
2 J-M. Besse, « Catoptique : vue à vol d’oiseau et construction géométrique », communication à la journée d’études La vue aérienne : savoirs et pratiques de l’espace, CNRS - British Academy, Paris, 9 juin 2007.
3 Voir le numéro thématique de la revue Histoire et Mesure, vol. XXI, n° 2, « Mesurer le Ciel et la Terre », 2006.
4 Voir Hunn 1982, et sur l’ensemble de la question, phénomène social, réceptions et analyse des récits de vol, l’ouvrage de M. Thébaud-Sorger (2009).
5 Sainte-Croix 1791. Voir à ce sujet Ozouf 1976, p. 156.
6 Selle de Beauchamp 1853 ; voir Bret 1988.
7 Belhoste 1992.
8 La coïncidence entre ces deux types de mesures fait l’objet de vrais débats une décennie plus tôt. Voir sur ce point Thébaud-Sorger 2006.
9 Lomet 1802, p. 252-258. Le manuscrit se trouve à l’École nationale des ponts et chaussés, Ms 1532.
10 Voir par exemple cette édition tardive : Dupain de Montesson 1803.
11 Catherine Bousquet-Bressolier poursuit l’analyse de la démarche picturale de la cartographie à travers le traité de Montesson (1995, p. 98-103).
12 Baldwin 1786, section 167, p. 133 (nous traduisons) : « A new System, that of Balloon Geography here suggested itself : in which the Essentials of Proportions and Bearings would be fare more accurate, than by the present method, both for Maps and Charts, viz. to make drawings by sight, from the Car of the Balloon with a Camera Obscura, aided by a Micrometer applied to under side of the transparent glass. »
13 Jonathan Crary (1990) étudie le rapport depuis la camera obscura jusqu’à la photographie entre les techniques d’enregistrement direct et les médiations induisant un nouveau rapport au monde pour l’observateur.
14 Bret 1991, p. 120. On retrouve Sanson, Prony, Lesage, des Ponts, Allent représentant les ingénieurs du Génie, mais aussi Lomet pour le ministère, Hassenfratz pour l’École des mines, entre autres.
15 « Procès-verbal des conférences de la commission chargée par les différents services publics intéressés à la perfection de la topographie de simplifier et rendre uniformes les signes et les conventions en usages dans les cartes, les plans, les dessins topographiques, 28 fructidor an X [15 septembre 1802] », Mémorial topographique et militaire, 3e trimestre an XI [1803], n° 5, p. 43, t. II, an XI [1803], p. 43.
16 Allent 1827 [1803], p. 531. En fait, le mémoire de Lomet sera reproduit par bribes au long du xixe siècle, par exemple dans le manuel d’aérostation de Jules-François Dupuis-Delcourt (1850, p. 95-100).
17 Voir la contribution de Jean-Luc Chappey dans cet ouvrage.
18 « Yet so far were they objects from losing their Beauty, that each was brought up a new manner for the eye, and distinguished by a strength of colouring, a neatness and elegance of boundary, above description charming ! », « Cependant loin de perdre de leur beauté, chaque objet a suscité de nouvelle manière de voir, se distinguant par la force de sa coloration, une finesse et une élégance dans les contours, au delà d’une description charmante ! » (Baldwin 1786, section 39, p. 37, nous traduisons).
19 L’ascension scientifique de Jean-Baptiste Biot et Louis-Joseph Gay Lussac en 1809 constitue une des rares expériences scientifiques de la période.
20 Barbara M. Stafford évoque cette conquête physique d’un nouvel élément qui porte l’homme à ses limites (1984, p. 327-328).
21 Balwin 1786, section 174, p. 144 : l’aéronaute consulte le plan « but could not bring to his Recollection any traces of the extraordinary curves which the met his eye » (« mais son souvenir n’a pu restituer les traces des courbes extraordinaires perçues par son œil », nous traduisons).
22 Laurencin 1784, p. 20.
23 Corbin 2001, p. 18. Voir également sur cette approche culturelle Studeny 1995 et Desportes 2005. Marc Desportes relie la question de la vision du paysage avec l’apparition des différents moyens de locomotion, mais traite la mobilité aérienne de manière marginale.
24 Ibid., p. 13. On retrouve la même comparaison chez Baldwin 1786, p. 48.
25 Blanchard 1784a.
26 Baldwin 1786, section 44, p. 41 ; Baldwin fait graver une vue aérienne colorée intitulée A Chromatic View above the Level of the Clouds, section « couleur des objets ».
27 L’exploration a laissé place, au xixe siècle, à une promenade sur un espace maîtrisé. C’est sur ce registre très serein que Dupuis-Delcourt raconte sa pérégrination entre Étampes, Montlhéry, Arpajon : Dupuis-Delcourt 1832 ; repris dans Dupuis-Delcourt 1850.
28 Baldwin 1786, section 45, p. 42 : « The town was entirely blue : the highest building had no appearance of high. » (« La ville tout entière était bleue : le plus haut bâtiment n’avait aucunement l’air d’être élevé », nous traduisons).
29 De même lorsque Louchet, le compagnon de Carnus, atterrit seul, il rencontre de nombreuses difficultés avec les paysans qui le prennent pour un magicien car « natif de la province de Picardie, [il] n’entend que peu et parle encore moins le patois rouergat ».
30 Voir à ce sujet le voyage de Jean-Baptiste Biot réédité par l’Académie des sciences (Poirier 2003).
31 Cette approche initiée entre autres par Paul-Henri Chombart de Lauwe (1951 et 1948), alimentera tout un versant de l’école française de géographie.
32 Dupuis-Delcourt 1846
Auteur
Université de Warwick
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