1. Qu’est-ce que vivre un paradoxe ?
Texte intégral
La chance initiale de la bonne rencontre
1Comment faire saillir la possibilité d’une libération ? La vie est un processus d’irréversibilité avec lequel l’apprentissage doit composer : les clichés participent de la stabilité de l’individuation, c’est-à-dire rendent un individu de moins en moins capable de s’individuer. Gilbert Simondon fait une description saisissante du devenir stable de l’humain comme tendance vers la mort. Rejoignant Sénèque, Spinoza et Rousseau, il problématise celle-ci non pas comme un état, mais comme une évolution graduelle au sein du vivant, de manière inversement proportionnelle à la puissance de s’individuer.
On pourrait dire que l’individu vivant se structure de plus en plus en lui-même, et tend ainsi à répéter ses conduites antérieures, lorsqu’il s’éloigne de sa naissance. En ce sens, la limitation de la durée de la vie […] est la conséquence de formes très complexes de l’individuation dans lesquelles les conséquences du passé ne sont pas éliminées de l’individu et lui servent à la fois d’instrument pour résoudre les difficultés à venir et d’obstacle pour accéder à des types nouveaux de problèmes et de situations.1
2C’est à la fois une chance de réponse adaptée et un mouvement « irréversible » d’opérativité de plus en plus forte du « déterminisme des situations passées ». Il est plus difficile de se libérer avec l’âge croissant. Bien sûr, ce qu’on appelle « l’expérience », entendant par là le bagage de situations vécues par un individu, peut être un atout si l’on considère les expériences individuantes, mais il y a aussi des phénomènes d’habituation qui rendent toujours plus difficile l’appréhension de la nouveauté rencontrée. En effet, les moyens de la libération que sont les problèmes deviennent de plus en plus difficiles d’accès : trop difficiles à poser – on ne les voit même plus – et pénibles à construire – on n’en a plus la force, car il y aurait trop de choses à remettre en cause.
3Apprendre est donc un combat face à la réification : le vivant n’évoluant que s’il y est contraint, il tendra à revenir au non-vivant faute de rencontrer des problèmes. Appelons cela le principe de constance : face aux perturbations extérieures, la constance répond par le minimum d’excitation – c’est la part d’automate en nous. La rencontre avec l’inédit se heurte à cette résistance aux nouvelles perspectives. D’où cette difficulté : d’un côté, il faut un choc pour sortir de la constance des préjugés ; de l’autre, c’est précisément le rôle de la constance de prévenir et d’immuniser contre les « chocs ». L’enjeu est donc de penser la manière dont un individu, comme le professeur, peut mettre en place un choc de la nouveauté – « noochoc », dirait Deleuze – qui évite le double écueil : d’un côté, demeurer en deçà des clichés donc passer inaperçu (problème de l’imperception), de l’autre, constituer une violence symbolique qui ne fasse vaciller les clichés qu’au prix de l’imposition d’autres clichés (l’émancipation conçue comme conversion). Le problème est d’atteindre une situation à la fois impliquante (être pris par le « présent réel » de l’événement) et impersonnelle (qu’elle ne soit pas l’imposition arbitraire d’une volonté sur une autre). Une situation pédagogique peut-elle être à la fois impliquante et impersonnelle ? Réussir à imaginer un sens à ce paradoxe est la condition pour établir la possibilité d’une aide à l’émancipation de l’autre. Tout l’objet de cet ouvrage est de comprendre une corrélation conceptuelle entre « implication » et « impersonnalité » là où le sens commun suggère spontanément une contradiction. Du point de vue des ambitions, cette perspective a le mérite de guérir des grandes eschatologies du xixe siècle : loin de compter sur une chimérique « libération collective » (fantasme nécessairement abstrait), elle fait plutôt se concentrer sur les conditions locales de microlibérations effectives à travers le collectif. De fait, un pédagogue ne peut pas espérer anticiper et organiser pour l’autre les modalités de sa libération, mais seulement essayer de mettre en place les conditions pour que l’autre, à travers lui, puisse capter l’occasion donnée pour se libérer. Et réciproquement : il n’y a pas des « déjà libérés » venant libérer les autres, il existe uniquement des situations de libération mutuelle. L’autre qui s’impose par sa présence et son existence ne limite pas, mais promeut ma liberté en créant une situation à partir de laquelle je pourrai continuer à m’individuer grâce à lui et avec lui vers une plus grande perfection.
Exemple 1. Aucun adulte n’est assez sage pour ne pas avoir encore à apprendre. Or, il est une source d’apprentissage privilégiée, mais bien souvent oubliée, dans la relation éducative : l’enfant lui-même. Toute relation gagne à être envisagée dans la réciprocité : les problèmes réclament le régime immanent de la cotransformation, à l’opposé des solutions qui viennent toujours informer sur le mode de la transcendance. Faire passer des solutions suppose nécessairement une forme de certitude psychologique (« c’est comme ça »), alors que les problèmes invitent à apprendre ensemble (« il me semble, mais je ne suis pas sûr… eh bien, essayons d’en savoir plus ensemble »). Or, le problème de l’école n’est-il pas d’en rajouter sur l’amour des solutions, alors que son rôle devrait être au contraire de créer une plus grande liberté de penser, c’est-à-dire former la puissance de questionner le monde ?
4Dans ce cadre, la liberté n’est pas une (auto)position « courageuse » du sujet souverain, mais de multiples petites chances de libération offertes du dehors. L’imaginaire lucrétien du clinamen, infinitésimale déviance dans un système de contraintes, donne le mieux à sentir ce que pourrait être le rôle d’une intervention pédagogique susceptible d’être réappropriée dans le procès d’individuation des êtres en train d’apprendre et de s’apprendre. Je suis donc une orientation commune à des penseurs comme Foucault ou Bourdieu, pour qui il est devenu inconcevable que le progrès des savoirs scientifiques ne suffise jamais, comme l’avait espéré la pensée du siècle précédent, à refonder la rationalité pratique des actions sociales en les calquant sur la rationalité épistémique des raisonnements réglés du savant. C’est pourquoi l’institutionnalisation doit demeurer au cœur des exigences de cette enquête. D’un côté, une enquête honnête sur la réalisation institutionnelle des ambitions de l’enseignement de la philosophie tracerait plutôt un portrait sombre – de plus, des analyses comme celles de Rancière montrent la contradiction intrinsèque de la posture émancipatrice lorsqu’elle est institutionnalisée. De l’autre, si l’on refuse de compter sur un volontarisme héroïque pour que le « déclic » ait lieu, on aperçoit clairement que la mise en place à grande échelle de rencontres pédagogiques est une idée politiquement très forte. Loin de laisser à chacun le choix d’aller dans des « cafés philo » ou de faire la démarche d’acheter un « livre de philo », l’institutionnalisation de l’apprentissage de la philosophie crée une formidable matrice de rencontres aléatoires susceptibles de devenir des occasions, donc d’amorcer le cercle vertueux du devenir actif. Je reviendrai en conclusion sur l’écart, parfois grand, entre une analyse conceptuelle rigoureuse et les conséquences qui peuvent s’ensuivre dans l’imaginaire institutionnel.
La quatrième dimension du problème : l’exposition
5Jusqu’à présent, l’enquête a posé qu’il y a émancipation en acte si et seulement si un individu met en marche sa puissance de penser. Chomsky résume parfaitement cet enjeu, face à l’incrédulité que suscitent souvent ses analyses sur la propagande de nos soi-disant « démocraties » occidentales – puisque ses propos, volontiers contre-intuitifs, demandent du temps et des moyens pour vérifier leur véracité. Il se réjouit ainsi du sceptique s’exclamant : « comment savoir si ce que vous dites est vrai ? », et lui rétorque :
C’est la réaction raisonnable. Je réponds que c’est la bonne. Vous ne devez pas croire que ce que je dis est vrai. Les notes sont là et vous permettent de vérifier si tel est votre désir, mais si vous ne voulez pas vous en donner la peine, rien n’est possible. Personne ne vous versera la vérité dans le cerveau. C’est une chose que vous devez faire par vous-même.2
6L’analyse de cette condition énergétique de l’esprit critique est le problème de l’enquête. C’est pourquoi le concept de désir est le cœur de la problématologie. En effet, le règne des solutions est constitué de pensées déjà individuées et ne permet en rien de concevoir la dynamique de formation donc d’émancipation d’un individu. À l’inverse, l’individuation des êtres humains est concevable uniquement par l’individuation de la connaissance : toutes deux ont lieu en tant que résolution d’un problème. Il est donc impossible de concevoir l’individuation de la pensée hors des problèmes d’où elle émerge. Constituant justement le moteur de l’individuation humaine, le désir peut se décomposer en trois questions : comment démarré-je ? comment m’orienté-je ? comment continué-je ? C’est le problème de l’amorce du désir, de son orientation et de sa perpétuation. D’où le titre de ce livre : la situation pédagogique concerne la conduite érotique des problèmes, c’est-à-dire les conditions de leur circulation – contre la stabilisation de l’individu par canalisation des flux de désir.
7La place centrale du problème dans l’individuation de la connaissance a déjà sa lignée de philosophes au xxe siècle : Dewey, Bachelard, Simondon et Deleuze ; ensuite, ce philosophème fut théorisé comme tel par Michel Meyer et Michel Fabre. Leurs sillages m’offrent des pistes depuis lesquelles j’espère prolonger l’enquête – quitte à bifurquer en route. La bifurcation consiste moins à contester les sillons déjà tracés qu’à en tracer d’autres, dont la nécessité découle de cette enquête centrée sur le geste d’apprendre. Dans ses travaux sur la problématisation, Michel Fabre a bien établi que problématiser est « un processus multidimensionnel impliquant position, construction et résolution de problèmes »3. Or, la sensibilité à la dimension érotique de la pensée impose de poser une nouvelle dimension fondamentale : l’exposition. Si la tripartition de Michel Fabre permet de penser les coordonnées cartésiennes d’un problème dans l’espace de la pensée4 ; il lui manque le quatrième facteur, celui du temps, capable d’assurer le devenir du problème. Je propose d’appeler « exposition » cette quatrième dimension du problème, en vertu de la définition topologique qu’on peut lui donner :
Au cours des expériences, le temps ne jaillit ni de la position, voilà l’équilibre statutaire, ni de l’opposition, deuxième stabilité d’où rien ne peut venir […], mais d’un écart à l’équilibre qui jette ou lance la position hors d’elle-même, vers le déséquilibre, qui l’exclut de son repos, exactement d’un porte-à-faux : la langue usuelle l’exprime expressément par le mot d’exposition. […] Le temps s’expose, et, dans l’espace, jaillit des lieux où il n’y a pas d’être-là. L’espace s’ensemence de lieux d’exposition où se déploie le temps.5
8L’exposition a une fonction dynamique qui permet de corréler les autres dimensions – c’est pourquoi elle fonctionne comme la variable temporelle. Les dimensions ne sont pas des étapes d’un problème se faisant – d’abord la position, puis la construction et enfin la résolution ; l’exposition fait justement circuler en permanence la pensée d’une dimension à l’autre : dans l’élaboration d’un problème, je suis sans cesse rabattu sur des démarches de positionnement au cours de la construction, qui elle-même progresse par résolutions partielles, réinjectées dans une nouvelle construction, etc.
9L’exposition est une épreuve, à la lettre. 1) Exposé, je me lance dans la preuve : l’exposition est l’amorce du processus de problématisation et sa relance perpétuelle, seule garantie réelle de ma puissance à filer les positions et à construire la preuve. 2) L’exposition est relationnelle : lorsque quelque chose s’expose, je m’expose. Le double pronominal court-circuite les prétentions des pôles objectifs et subjectifs à valoir comme conditions de la relation. L’exposition désigne ce moment premier ontologiquement où la relation triomphe comme événement structurant les polarités au sein d’un champ. 3) L’exposition est également une épreuve, au sens de l’endurance ; elle est la dimension qui assure le paramètre de la nécessité : si les coordonnées spatiales sont contingentes – on peut être à tel ou tel endroit, on pourrait se poser tel problème comme ceci –, la coordonnée temporelle est ce avec quoi il faut faire et ce qui fait faire. L’exposition rend nécessaire la position : « qu’ai-je rencontré ? » ; elle permet la construction : « il faut que j’aille voir ! » ; elle relance les résolutions : « moi qui croyais que… » Elle est donc bien une dimension du problème, et pas seulement son commencement : elle est coextensive à toutes les dimensions et permet de poursuivre l’effort de problématisation. Sa puissance temporelle est bien de relance perpétuelle : dure le plus ce qui recommence le mieux. 4) Enfin, l’exposition est une épreuve, au sens sportif, puisqu’elle m’oblige à me changer : elle augure d’un problème dont la résolution sera non pas l’obtention d’une solution, mais la construction elle-même en tant qu’individuation – spirituelle et corporelle. J’en sortirai transformé.
10Récapitulons. Si l’on déploie le problème central de cette enquête, on remarque que « désirer les problèmes » peut se diviser en quatre dimensions : celui de l’amorce et de la relance de l’apprentissage (exposition du problème), celui de l’orientation après avoir été déboussolé par le noochoc amoureux (position du problème), celui du parcours que nous fait faire cette rencontre (construction du problème), et celui du devenir de l’hypothèse comme incorporation et réactivation permanente (résolution du problème).6
Quel type de paradoxe intéresse l’enquête ?
11Avant de se lancer plus avant dans l’enquête, il convient de clarifier le vocabulaire logique. Si l’on définit l’exposition aux problèmes comme une expérience du paradoxe, il faut se demander ce que l’on entend exactement par de mot. Le paradoxe est susceptible de nous intéresser ici n’a pas grand-chose à voir avec les arguties, certes passionnantes, mais souvent très techniques, des logiciens.7 Les paradoxes logiques sont des failles au sein d’une architecture. Dès lors, ils sont certes d’un enjeu décisif, excitant, crucial pour la pensée soucieuse de cohérence, mais ils ne sont pas aisément perceptibles sans une vue synoptique du système des concepts d’une axiomatique logique. À ce titre, ils intéressent peu les situations banales du quotidien.
12Les paradoxes logiques ne sont donc pas pertinents ici pour trois raisons essentielles. 1) Ce sont des paradoxes disant faux (puisque logiquement contradictoires) et « graves », c’est-à-dire insolubles dans l’état actuel de la science et des outils logiques. Comme l’écrit Russell, de tels paradoxes « s’ils doivent être résolus, ce doit être par une modification des assomptions logiques courantes »8. Ils constituent ainsi des troubles exemplaires pour la pensée logique – paradoxe d’Eubulide de Milet, celui que Russell adressa à Frege dans une lettre du 16 juin 1902. S’aventurer dans des réformes aussi fondamentales pour la pensée, il ne saurait en être question dans l’apprentissage nescient de l’art de penser. 2) Les présupposés de la compréhension de leur nature paradoxale et des enjeux de leur existence sont très forts en termes d’apprentissage. Ils constituent moins des points de départ que la pointe de la recherche actuelle. Ils posent des difficultés très techniques : un « florilège » proposé par Philippe de Rouilhan9 suffit à faire comprendre que, faute d’avoir élucidé le problème de l’exposition, on se fourvoierait en mettant les novices face à des situations paradoxales qui ne pourraient être pour eux qu’effrayantes ou ennuyeuses – selon leur degré d’adhésion au jeu scolastique. On peut dire une chose des paradoxes logiques : la philosophie s’intéresse à eux et a intérêt à s’y intéresser ; mais ce serait trahir le plus élémentaire bon sens que de soutenir l’inverse, à savoir : ces paradoxes sont l’intéressant et créent le désir de penser. En effet, le genre d’embarras dont ils relèvent ne peut donner à penser qu’à un individu déjà animé d’une bonne volonté de chercher – notamment ceux qui contestent frontalement les croyances, tel Zénon en guerre contre l’évidence sensible. L’intérêt pour ces paradoxes est rétrospectif et concerne un souci de cohérence – axiomatisation – qui ne peut venir que relativement tard dans la genèse du désir des problèmes. Il est donc faux de dire que « l’enquête philosophique commence fréquemment par l’examen de tels paradoxes »10 puisque, de fait, ils font le plus souvent fuir les débutants et décrédibilisent l’activité philosophique à leurs yeux, créant plutôt une peur de la nouveauté (misonéisme) qu’un désir de penser. Or, on peut considérer que le misonéisme est la stabilité par excellence, ennemie la plus redoutable de la fonctionnalité des noochocs donc de toute individuation future. En bref, ces paradoxes nécessitent de réfléchir, mais ils sont loin d’être une condition suffisante pour donner à penser. 3) Face à un paradoxe logique, on trouve des prétendants à la bonne solution. Par exemple, le paradoxe de Frege a généré une lignée de « résolutions » : Russell, Carnap, Quine et celle de De Rouilhan.11 Puisque les paradoxes logiques font vaciller le système du savoir, les individus qui comprennent l’enjeu du problème sont animés d’un fort désir d’en sortir, et souvent sous le mode du colmatage. Ce réflexe est caractéristique de l’image dogmatique de la pensée : toute solution est un pareil colmatage tant que le problème est conçu comme une brèche, un manque, un défaut.
13Quels sont donc les paradoxes qui nous intéressent ? On peut distinguer quatre types de paradoxes. On les obtient en croisant deux couples de caractéristiques : d’un côté, un paradoxe peut « dire vrai » ou « dire faux », de l’autre, et il peut être « léger » ou « grave »12.
14Un paradoxe est « léger » lorsqu’il ne résiste guère à l’analyse parce qu’il peut être résolu avec les outils dont la pensée dispose actuellement. Par exemple : « cet homme a vingt-et-un ans et n’a fêté que cinq anniversaires » est étonnant à première écoute, mais s’effondre vite lorsqu’on devine qu’il est né un vingt-neuf février. Un paradoxe est au contraire « grave » s’il nécessite l’invention d’outils expérimentaux, physiques, logiques nouveaux ! Cette distinction est donc graduelle et relative : un paradoxe est grave seulement pour un temps, pour une époque de la doxa. Pensons à l’effet qu’a pu avoir la découverte des nombres irrationnels pour les Grecs : ce paradoxe grave pour eux est devenu un paradoxe léger pour nous puisque nous disposons des outils mathématiques qu’il a fallu créer pour surmonter ce paradoxe.
15Le paradoxe « disant vrai » est une vérité paradoxale : quelque chose nous semble faux ou absurde au regard de notre système de croyances, et seule une argumentation suivie peut nous la faire comprendre comme vraie. Il est donc « contre-intuitif » : il n’existe que relativement à un état donné d’un système de croyances subjectif. Autrement dit, le paradoxe a raison en tant qu’il dit la vérité d’un rapport, contre l’hallucination des clichés qui nous empêchent de voir ce rapport. Ainsi, tous les paradoxes de la perception sont par définition des paradoxes disant vrai puisqu’ils ne font que traduire la vérité d’un rapport en contexte et forcent à faire varier les perspectives pour comprendre la loi de leurs rapports d’apparition. Remarquons d’ailleurs que la résolution du paradoxe peut être elle-même paradoxale : les résolutions de paradoxe se font parfois au prix de la création d’un autre paradoxe. La construction d’un problème peut être aussi paradoxale que les difficultés initiales qui ont suscité cette construction. Par exemple, la caractérisation par Galilée du problème de l’infini grâce à la bijection suppose d’accepter cette construction paradoxale où l’ensemble des entiers pairs est aussi infini que celui des entiers – bien qu’ayant intuitivement « deux fois moins d’éléments ». Le paradoxe « disant faux » est une fausseté ou une absurdité qu’un argument fallacieux prétend nous contraindre à accepter. Cette fois-ci, c’est l’argumentation qui donne vie au paradoxe : celui-ci n’est appréhendable que si l’on accepte de suivre et si l’on comprend l’argumentation qui crée le paradoxe. Par exemple, le paradoxe d’Épiménide le Crétois (version « faible » du paradoxe du menteur)13 permet d’entraîner l’adhésion de l’auditoire si celui-ci n’est pas concentré.
16En croisant les propriétés des paradoxes, nous obtenons les quatre types. 1) Comme Quine, appelons un paradoxe léger et disant vrai un « paradoxe véridique ». 2) Un paradoxe léger et disant faux serait un « paradoxe trompeur ». 3) Nommons le paradoxe grave et disant vrai le « paradoxe heuristique ». 4) Enfin, le paradoxe grave et disant faux sera désigné comme « paradoxe retors ».14 Les deux premiers types de paradoxe sont statiques puisqu’ils sont légers. Leur exposition ne constitue pas une différence de potentiel : dans le premier cas, le paradoxe ne choque rien ni personne et retombe très vite ; dans le second cas, seul celui qui est déjà intéressé pourra en comprendre la teneur, et ceci pour ne plus avoir à s’inquiéter : « une fois la faute dénoncée, tout rendre en ordre, il n’est plus de paradoxe qui tienne »15. Ce second type de paradoxe est rempli notamment par les sophismes ; or, dans le problème de cette enquête, la mystification n’est pas ce qui nous intéresse premièrement. La capacité à la débusquer suppose une bonne volonté de suivre le raisonnement pour en déceler la faille. Les conditions de possibilité d’une telle attention sont justement ce que l’enquête essaie de problématiser. Quant à la dernière catégorie, elle renferme les paradoxes logiques les plus ardus : nous avons vu qu’elle concerne plus les logiciens patents que les conditions d’amorce de la pensée. Pour l’enquête, nous intéresse donc le paradoxe heuristique. D’abord, il dit vrai, donc il affirme la vérité d’un rapport amené à devenir problématique ; de plus, il est grave relativement, donc il comporte une différence de potentiel susceptible de créer une dynamique de résolution graduelle : il pourra devenir léger si je réussis à individuer mon système de croyances autrement – devenu « plus vrai » en termes d’intégration.
Comment peut fonctionner le paradoxe heuristique ?
17Nous disposons d’un concept de paradoxe plus précisément défini ; voyons de quelle manière il peut être opératoire. Il est maintenant possible de le distinguer rigoureusement des concepts proches que sont l’antinomie et la contradiction. 1) Cette dernière a un sens purement logique : elle est une incompatibilité logique qui vaut comme critère. Elle est donc un outil et fonctionne dans le raisonnement en général – donc pour tous les types de paradoxes – en tant que réquisit de l’honnêteté intellectuelle.16 On peut donc considérer que la contradiction sert à s’orienter dans la construction des problèmes : la rencontrer, c’est savoir qu’on fait fausse route. 2) L’antinomie désigne, quant à elle, une difficulté subjective et valuative. À l’origine de toute antinomie se trouve un jugement moral : comme l’indique son étymologie, le terme a une origine juridique. Il s’agit d’une contradiction entre des lois telles que deux parties en présence peuvent prétendre toutes deux avoir le droit de leur côté : l’« antinomie n’est donc pas synonyme de contradiction, l’antinomie est une espèce de contradiction jouant entre des textes promulgués ou des valeurs instituées par une instance législatrice »17. Parler d’antinomie ne dit donc rien de la réalité d’une contradiction : l’antinomie est un genre dont la vraie contradiction et la contradiction préjugée sont les espèces.
18De fait, nous sommes plein de ces fausses oppositions que les préjugés savent si bien agencer : le substantialisme du sens commun nous fait errer dans un monde structuré par les antinomies. Ces dernières reposent sur des dualismes qui témoignent du fait que nous sommes toujours déjà trop vieux, vieux de nos préjugés, binarisant volontiers le réel plutôt que de le penser dans sa complexité. Apprendre à problématiser permet premièrement de dépasser les antinomies qui nous engluent dans de faux problèmes : dualisme de la théorie et de la pratique, de la grande culture et de l’efficacité sociale, de l’épanouissement individuel et de l’insertion sociale, de l’intérêt et de l’effort, de la psychologie de l’enfant et de la logique des programmes… autant d’alternatives statiques émanant de problèmes mal posés. La question de l’apprentissage, en tant que problème d’individuation, est complètement étrangère à ces stériles taxons. Un problème en devenir part toujours du milieu, il est une direction, il occupe un point médian à partir duquel la pensée s’étale. L’objectif de l’apprentissage de l’art de penser sera donc de réussir à se placer en dessous (généalogiquement) donc par-delà (axiologiquement) les antinomies. D’où cette définition du paradoxe heuristique relativement à ses deux frères : le paradoxe heuristique est une contradiction objective entre une expérience faite (experimentum) et une antinomie. À partir de maintenant, je n’emploierai plus que le terme seul de « paradoxe », voulant signifier par là le paradoxe heuristique tel que je l’ai défini comme type pertinent pour cette enquête. Le concept de paradoxe ainsi défini montre que le premier objectif de la philosophie est de former la perception : les clichés et les préjugés fonctionnent d’abord en rendant impossible l’expérience de leur réfutation, ils nous aveuglent. La formation de l’esprit et du corps critiques pose d’abord ce premier problème : à quelles conditions puis-je apprendre à percevoir le monde par-delà les antinomies qui biaisent mes perceptions ? C’est pourquoi dire que la philosophie commence par l’étonnement, comme le fait Aristote au début de la Métaphysique, ne résout par le cœur du problème éducatif – qui est : pourquoi certains n’arrivent-ils pas à s’étonner ? L’étonnement n’est pas une explication de la curiosité car il n’est pas une faculté innée, il est en soi un objectif éducatif, une puissance perceptive qui s’apprend.
19Pour être sûr de bien comprendre, voici une autre manière de définir le paradoxe : celui-ci fonctionne comme exposition d’un problème dans la mesure où la (fausse) contradiction d’une antinomie qui habite mon système de croyances ne me permet plus de penser adéquatement une situation présentement vécue et expérimentée. L’antinomie, reposant sur un jugement de valeur, devra alors être dépassée moyennant une nouvelle position du problème. Soit par une nouvelle perception des données du problème : par exemple, j’apprends à varier mes sites de perception pour ne pas opposer faussement « subjectivité des sens » et « objectivité du réel ». Soit par une reformulation des conditions du problème : j’apprends par exemple à distinguer le jugement de mes parents (« quel désordre cette chambre ! ») de la nature nécessairement ordonnée du réel (chaque objet est à tel endroit en vertu de lois physiques précises), donc à ne pas opposer ordre et désordre puisqu’ils ne sont pas sur le même plan.
Exemple 2. On pense volontiers l’identité sur le mode de l’absence de changement. Ainsi, le fameux bateau de Thésée, à force de réparations, n’avait plus aucune planche et pièce commune avec celles d’origine : était-ce encore le même ou bien un autre ? Ce paradoxe nous force à repenser notre concept d’identité : doit-on accorder le privilège à la matière assemblée (dans ce cas ce n’est plus le même bateau) ou bien à l’ensemble fonctionnel et son histoire (dans ce cas, le remplacement progressif des pièces n’en fait pas un autre bateau) ? Dans cette deuxième perspective, l’identité d’un objet technique serait son histoire vécue au travers l’usage qu’en font les hommes. Le devenir et le changement, loin d’être des obstacles pour penser l’identité, en deviennent constitutifs. C’est l’identité-ipséité.18 S’ouvre alors à nous tout un problème de rapport moral à l’objet, bien pointé par Simondon19 : si je comprends et sais réparer l’objet, je peux tisser un rapport actif et vivant à son utilisation (c’est le cas d’un vélo, dont je peux changer les pièces autour d’un cadre fait pour durer cinquante ans au moins) ; au contraire, un rapport obscurantiste à l’objet me force à l’utiliser tel quel (on force sur la mêmeté) puis à le jeter à la moindre variation (qui est toujours une obsolescence). L’aliénation consumériste accule à la novation justement parce qu’elle empêche de penser la génération et l’évolution des objets par les usagers eux-mêmes. L’antinomie dans laquelle on veut me prendre est bousculée : l’opposition binaire spontanée entre objets (restant les mêmes) et sujets (ayant une histoire) ne va pas de soi. L’aliénation capitaliste est peut-être d’abord de nous faire perdre le rapport aux objets – et non d’être une réification des sujets humains (voir chapitre iii).
20Le sort de la pratique de l’art de penser est donc lié au paradoxe puisque celui-ci amorce le processus de libération contre les faux problèmes que sont les antinomies me séparant de ma puissance d’agir : « toutes les antinomies sont imaginaires, mais ce n’est pas parce qu’elles le sont qu’il faut en finir avec elles : c’est parce qu’elles sont nuisibles, calomnient l’existence et la vie, rapetissent l’homme, interdisent l’avenir »20. Monique Dixsaut explique bien en quoi cette démarche est centrale chez Nietzsche : « s’il invente les moyens de se situer tantôt par-delà et tantôt en deçà d’elles, c’est parce qu’elles masquent les véritables contradictions, les contradictions fécondes, dynamiques d’où naissent les forces créatrices d’une nouvelle conscience »21. De telles contradictions fécondes sont les paradoxes : ils dynamisent l’activité de pensée dont le corrélat ontologique est l’individuation émancipatrice. La situation paradoxale est effectivement « grave », au sens défini ci-dessus, puisque l’antinomie sur laquelle repose mon système de croyances n’est pas satisfaisante pour résoudre le problème auquel je suis confronté. Cette situation est l’exposition du problème : elle concerne la perception d’une difficulté nécessaire et objective. Sans cela, la problématisation risque d’être vécue comme une entreprise scolastique et subjective. Démarrer d’emblée par la position des problèmes, c’est prendre le risque de ce double arbitraire auquel les élèves sont si sensibles. Premièrement, les élèves s’étonnent à juste titre : « pourquoi ferait-on ça et pas autre chose ? » : le problème est imposé par une autre personne plus qu’il ne s’expose par la situation, il est donc scolastique ou contingent. De fait, les élèves conçoivent bien souvent les exercices scolaires comme la preuve du sadisme professoral : difficultés artificielles dont la seule finalité est de confondre leur ignorance. Deuxièmement, ils protestent : « et si je n’ai pas envie de le faire ? » : le problème est proclamé intéressant plus qu’il n’implique réellement, il est donc subjectif.
21La dimension d’exposition du problème est nécessaire pour ne pas faire reposer l’effort de problématisation sur des états psychiques – bonne volonté de chercher, capacité à se mettre au travail à la demande, etc. L’exposition du problème est la situation objective qui rend nécessaire de (le) penser. La situation d’amorce de toute problématisation n’est pas à situer dans un sujet, mais dans la relation d’expérience, objective, entre un sujet et un événement : nous doutons parce que la situation est intrinsèquement douteuse. Dans le vocabulaire de Simondon, on dira que le paradoxe fonctionne comme exposition du problème en ce qu’il crée de la métastabilité. Le paradoxe est riche en potentiel parce qu’il est une tension vers la contradiction, tout en n’étant pas lui-même contradictoire logiquement. C’est vers les penseurs de la tension plus que de la synthèse qu’il faut se tourner : William Blake plutôt que Hegel – dont la pensée du paradoxe est jugée par les logiciens d’une grande faiblesse.22 Le paradoxe n’est pas téléologique : il crée un contraste, une différence de potentiel, sans mener intrinsèquement vers une quelconque résorption. Le paradoxe, qui amorce une recherche, ne renferme pas en lui-même la vérité de son devenir.
22C’est la question du sens qui doit être réouverte : que signifie « faire sens » ? Est-ce trouver la réconciliation confortable et stable après les griseries de la contradiction ? C’est bien plutôt une transformation de soi qui est en jeu : il y a signification chaque fois qu’a lieu une résolution sur fond de problème, c’est-à-dire lors d’un processus d’individuation réelle. C’est toujours le même problème : veut-on faire de l’apprentissage un passage obligé, mais temporaire, une sorte de révérence hypocrite aux conditions empiriques de la pensée, ou bien doit-on hisser l’apprentissage comme moyen et finalité de la pensée en train de se faire, comme condition idéelle remplissant pleinement la définition de ce que penser veut dire ?23 Le problème n’est donc pas de guider l’autre vers un nouveau chemin – tracé « pour » lui –, mais de le conduire à tracer un chemin par lui-même.
Notes de bas de page
1 G. Simondon, L’Individuation à la lumière..., ouvr. cité, p. 237.
2 N. Chomsky, De la propagande. Entretiens avec David Barsamian, trad. G. Villeneuve, Paris, Fayard, 2002, p. 219 (je souligne).
3 M. Fabre, Philosophie et pédagogie du problème, ouvr. cité, p. 272. Sur l’enracinement privilégié de cette tripartition dans la philosophie de J. Dewey, voir M. Fabre, « Qu’est-ce que problématiser ? L’apport de John Dewey », Situations de formation et problématisation, M. Fabre et É. Vellas éd., Bruxelles, De Boeck, 2006, p. 19.
4 La clarté de l’analyse suppose la séparation des dimensions de position, construction et résolution d’un problème, mais ces dimensions ne sont pas successives : le mouvement de position a lieu en cours de construction et des résolutions partielles font déjà parties de la construction ; il est vrai aussi de dire que la position suppose des résolutions faites par ailleurs et acceptées à cet instant – car tout ne peut pas faire problème, etc.
5 M. Serres, Le Tiers-Instruit, Paris, Gallimard (Folio), 2004, p. 33-34.
6 Il faudrait prendre le temps, dans une recherche ultérieure, de discuter avec le modèle de M. Lipman, auquel l’ancrage dans la lignée pragmatiste (Peirce, Dewey) confère de grandes proximités problématologiques avec cette étude. Notamment, on pourrait considérer que l’on retrouve les quatre dimensions du problème (ici proposées et analysées) dans sa méthode critique, lorsqu’il explique la nécessité de « restructurer la pratique éducative ». En effet, la recherche est définie comme « étude des problèmes » en opposition à « l’apprentissage des solutions toutes faites », puis quatre points sont soulignés : « perception d’une problématique », « communauté de recherche », « raisonnabilité » et « relations et jugement », qui sont relativement analogues aux quatre dimensions dégagées dans ce livre. En revanche elles sont peu articulées et souffrent d’un manque d’élucidation critique. Voir M. Lipman, À l’école de la pensée, 2e édition, trad. N. Decostre, Bruxelles De Boeck, 2006, p. 31-36.
7 Je ne suivrai donc pas la définition logicienne qui limite le « paradoxe authentique » à ce que Quine nomme les « antinomies ». Voir J. Vidal-Rosset, Qu’est-ce qu’un paradoxe ?, Paris, Vrin, 2004, p. 7-11.
8 B. Russell,Essays in Analysis, Londres, Allen and Unwin, 1973, p. 199 ; cité par P. de Rouilhan, Russell et le cercle des paradoxes, Paris, PUF (Épiméthée), 1996, p. 290.
9 Ibid., p. 22-29.
10 C’est ce que soutient J. Vidal-Rosset dans Qu’est-ce qu’un paradoxe ?, ouvr. cité, p. 56-57.
11 On trouve dans le livre de P. de Rouilhan un passage qui illustre parfaitement la compétition des prétendants à la bonne solution. Voir P. de Rouilhan, Frege. Les Paradoxes de la représentation, Paris, Minuit, 1988, p. 150.
12 Voir W. V. O. Quine, Les Voies du paradoxe et autres essais, trad. sous la dir. de S. Bozon et S. Plaud, Paris, Vrin, 2011 et P. de Rouilhan, Russell et le cercle des paradoxes, « Prologue, § 1 », ouvr. cité, p. 9-15. Quine ne distingue que trois types de paradoxes car il réunit les paradoxes graves (sous le nom d’« antinomie »), sans distinguer ceux qui disent faux et ceux qui disent vrai, comme je vais le faire à la suite de P. de Rouilhan ; ce rapprochement a son sens dans la perspective de Quine (le temps long de l’histoire de la pensée) mais il est nécessaire d’opérer la distinction pour cette enquête, puisque le problème se concentre sur le temps court de l’apprentissage individuel.
13 Ce paradoxe est rapporté par Saint Paul dans son Épitre à Tite : « L’un d’entre eux, leur propre prophète [Épiménide], a dit : “Crétois, toujours menteur, mauvaises bêtes, ventres paresseux” ». S’il ment, il ne ment pas, puisqu’il le dit ; s’il ne ment pas, il ment, puisqu’il dit le contraire. Épiménide ment et ne ment pas.
14 Je ne peux pas utiliser la terminologie de Quine, qui parle ici d’« antinomie », puisque je réserve ce terme à un autre aspect du problème des paradoxes.
15 P. de Rouilhan, Russell et le cercle des paradoxes, ouvr. cité, p. 13.
16 Même si Aristote n’avait pas pu démontrer le principe de contradiction, on peut procéder à son établissement par le biais de l’éthique : il est certes possible de construire des systèmes formels pouvant s’en passer mais nous, humains, ne pouvons vivre sans au quotidien. Accepter le principe de contradiction, c’est valider sa nécessité pratique, non sa nécessité logique. Voir J. Lukasiewicz, Du principe de contradiction chez Aristote, trad. D. Sikora, Paris, Éditions de l’Éclat, 2000, p. 164 et suiv.
17 M. Dixsaut, Nietzsche par-delà les antinomies, Chatou, Éditions de La Transparence, 2006, p. 17.
18 Ricœur a réactivé une « distinction majeure méconnue », selon ses termes, entre identité-mêmeté (caractérisée par la permanence dans le temps, pensée selon « la détermination d’un substrat ») et identité-ipséité (caractérisée par l’unité narrative du temps de l’existence, qui devient l’élément constitutif de l’identité et non un obstacle à celle-ci). La permanence du soi trouve son fondement dans les « invariants relationnels » et non dans des propriétés objectives stables. Ce que dit ici Ricœur à propos de la personne humaine me semble intéressant pour penser la genèse et la corruption des objets techniques que nous fréquentons : il y a ici aussi un enjeu moral ! Voir P. Ricœur, Soi-même comme un autre [1990], Paris, Seuil (Points), 1996, p. 140-143.
19 Voir le très beau texte de Simondon, commençant par : « Il peut se développer un goût technique, comparable au goût esthétique et à la délicatesse morale. Bien des hommes se conduisent de manière primitive et grossière dans leur relation aux machines, par manque de culture. » (G. Simondon, L’Individuation à la lumière…, ouvr. cité, p. 512-523)
20 M. Dixsaut, Nietzsche. Par-delà les antinomies, ouvr. cité, p. 305.
21 Ibid.
22 Voir J. Vidal-Rosset dans Qu’est-ce qu’un paradoxe ?, ouvr. cité, p. 81.
23 Voir G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 215-216.
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