19. Comment la mise en œuvre d’une technologie peut-elle échouer ? Le dévidage mécanique dans deux deltas de Chine (1860-1936)
p. 347-367
Texte intégral
1L’étude des rapports entre technologie et société a été développée dans le déterminisme technologique ou social, mais rarement au-delà de la philosophie sociale1. L’application d’une technologie, qui est au cœur de la relation technologie-société, est considérée comme une boîte noire. L’Histoire regorge d’exemples de technologies de pointe, parfois les plus avancées de leur temps, dont l’utilisation a été très limitée, et qui ont soit fini dans un musée des techniques, soit été complètement oubliées (voir Singer et al. 2004 ; Young 1999). Du point de vue du déterminisme technologique, l’introduction d’une nouvelle technologie influe sur les organisations et la société en raison de ses exigences sur l’environnement utilisé (Ellul 1964). Si cette conclusion est vraie, alors la même technologie devrait produire les mêmes effets dans différentes organisations et communautés. Toutefois, Stephen R. Barley (1986) a prouvé que la technologie CT-scan a eu, pour chacune de ses applications, un impact différent sur la structure organisationnelle des différents hôpitaux concernés ; il en a déduit que la technologie est seulement un déclencheur qui conduit au changement de la société et des organisations. L’implication, la direction et les conséquences de changements organisationnels et sociaux pourraient être aléatoires. Qiu Zeqi pense que les changements organisationnels et sociaux survenant à la suite de la mise en application de certaines technologies ne sont pas aléatoires, mais qu’ils sont au contraire influencés par les caractéristiques propres aux applications de ces technologies. Tandis qu’elle influence les changements organisationnels et sociaux, la technologie peut être elle-même influencée par l’environnement social. Technologie et organisation (société) se construisent l’une l’autre (Qiu Zeqi 2005). Les recherches de Liu Zhenye (2004) et Liu Xiaotao (2004) sur la bière de Qingdao, les recherches de Xie Zheng (2007) et Liu Weihua (2007) sur l’entreprise sidérurgique de Maanshan, corroborent ce point de vue.
2Qu’il s’agisse de la sociologie ou de la philosophie, toutes deux concentrent leur attention sur les mécanismes de changement des organisations ou de la société imputables à la technologie, ainsi que sur ceux de la technologie imputables à la société ou aux organisations, ou encore sur les contextes sociaux et culturels influant sur la diffusion des innovations. En revanche, elles n’ont jamais cherché à savoir à quel point l’environnement social pouvait entraver la diffusion de l’innovation ou comment la structure sociale ou la culture pouvaient la faire échouer (Roggers 2002), pas plus qu’elles n’ont exploré les questions de savoir si innovation technologique rimait avec développement linéaire du progrès ou si les changements amorcés par différentes technologies participaient de l’innovation.
3L’introduction et la mise en œuvre de la technologie de dévidage mécanique dans le delta du fleuve Yangzi et dans celui de la rivière des Perles2 au xixe siècle nous donne l’exemple d’une expérience grandeur nature, grâce auquel nous pouvons examiner comment les conditions sociales affectent l’utilisation des technologies dans un micro-environnement ainsi que leur impact sur le succès ou l’échec de ces dernières. À partir du milieu du xixe siècle, la mécanisation de l’industrie de la soie et l’internationalisation du commerce de soie brute affaiblissent l’artisanat traditionnel face aux exigences de qualité du marché international. Le prix des soies produites en Chine sur le marché international est passé de plus de 600 dollars US à 200 dollars US par Tam (unité de mesure) entre 1865 et 1894. C’est dans ce contexte que la technologie de dévidage mécanique a été introduite en Chine. En 1860, la société britannique Jardine Matheson fonde le Bureau de la filature à Shanghai. En 1894, on compte 12 usines de dévidage mécanique à Shanghai, 4076 voitures de fil au total, 5254 Tam de soie grège de production annuelle. Chen Qiyuan, ancien homme d’affaires au Vietnam, a fondé la première usine de filature mécanique du delta de la rivière des Perles dans sa ville natale, située dans la circonscription de Nanhai (province du Guangdong), en 1873. En 1894, il y a 75 usines de soie, 22 260 voitures de fil, 22 000 Tam de soie de production annuelle dans le delta de la rivière des Perles (Xu Xinyu 1990). Les conditions pour l’application de la technique de dévidage mécanique sont initialement bien meilleures dans le delta du fleuve Yangzi que dans celui de la rivière des Perles. Mais entre 1860 et 1936, l’industrie de dévidage mécanique dans le delta de la rivière des Perles a connu un progrès plus rapide que celle du delta du fleuve Yangzi (ibid.). En 1900 et en 1920, dans le delta du Yangzi, les taux de commercialisation des cocons de ver à soie étaient respectivement de 20 % et 41 % (ibid., p. 692, 702-704), tandis que dans le delta de la rivière des Perles, ils atteignaient respectivement 53 % et 96% (Howard et Buswell 1925, p. 39). De plus, la taille de l’industrie de dévidage mécanique dans le delta du fleuve Yangzi a été pendant longtemps inférieure à celle du delta de la rivière des Perles. Avant 1924, la valeur de la production de soie des usines du delta de la rivière des Perles est plus élevée que celle des usines du delta du fleuve Yangzi (Xu Xinyu 1990). On peut dès lors considérer comme un échec l’application de la technologie du dévidage mécanique dans le delta du Yangzi par rapport aux résultats observables dans le delta de la rivière des Perles.
4La question peut à première vue sembler historique ou relever de l’histoire économique ; en réalité, ces disciplines se concentrent seulement sur les facteurs économiques3. Elles supposent que les capitaux, les technologies et d’autres facteurs économiques ont déterminé le développement de l’industrie de dévidage mécanique. De toute évidence, une telle hypothèse ne peut expliquer le phénomène précédemment décrit. Les faits historiques montrent que la raison immédiate du retard de l’industrie de dévidage de la soie du delta du fleuve Yangzi est que ses usines ont longtemps été dans une situation de pénurie de cocons de vers à soie. Si la production de matières premières est beaucoup plus importante dans le delta du fleuve Yangzi que dans le delta de la rivière des Perles, pourquoi observe-t-on une pénurie de matières premières dans le premier ? Dans le même temps, comment se fait-il qu’une technologie visant à démultiplier la productivité ne se développe pas plus dans un environnement favorable que dans un environnement moins propice ?
5Cette contribution tente d’analyser les liens entre l’application d’une technologie et son environnement social grâce à l’étude des relations entre les sériciculteurs et la pénurie de matières premières dans l’introduction et l’application de la technologie de dévidage mécanique. Il cherche à expliquer dans quelles conditions sociales et économiques spécifiques l’application d’une technologie amène la technologie et la société à s’influencer réciproquement, et détermine ainsi le succès ou l’échec de cette même technologie.
Le delta du fleuve Yangzi, un site aux conditions économiques et technologiques favorables
6La technologie tient une place importante dans le développement de l’industrie moderne du dévidage. Dans la Chine moderne, que ce soit dans le domaine de la technologie de dévidage mécanique ou dans celui des techniques de dévidage traditionnelles, le delta du fleuve Yangzi est mieux pourvu que le delta de la rivière des Perles. La technologie de dévidage mécanique a été introduite dans le delta du fleuve Yangzi il y a treize ans avant d’arriver dans le delta de la rivière des Perles. Les machines, toutes importées de pays étrangers ou de Hong Kong, y sont plus perfectionnées. Dans le delta de la rivière des Perles, la technologie utilisée pour le dévidage de la soie est une technique dite « dégressive » (retrait de certains éléments, simplification des machines) adaptée par Chen Qiyuan, qui ne fait pas intervenir l’énergie de la vapeur avant les années 1890. Les usines du delta du fleuve Yangzi emploient des étrangers experts en gestion, des consultants, des techniciens et des superviseurs. Par la mise en œuvre du modèle de gestion étranger, plus strict et standardisé, le processus de dévidage est devenu plus spécialisé, ce qui a amélioré la qualité de la soie brute.
7Du point de vue des facteurs techniques, le delta du fleuve Yangzi a un avantage évident par rapport au delta de la rivière des Perles. Un indicateur visible en est la supériorité du rendement et de la valeur de la production des voitures de fils, qui aident à la production d’une soie de qualité supérieure dont le prix unitaire est plus élevé – environ 1,56 fois plus que le prix de la soie des usines du delta de la rivière des Perles (Zhang Maoyuan 2008, p. 70)4. La position des usines du delta du fleuve Yangzi sur le marché est aussi avantageuse. Avant 1924, les soies produites par les usines des deux deltas sont indistinctement exportées en Europe, Amérique et Asie du Sud. Bien que la qualité et les caractéristiques de ces soies soient différentes, elles sont confrontées à un même marché international (une même demande qui ne les distingue pas).
8La soie des usines du delta du fleuve Yangzi est de meilleure qualité, plus chère, plus populaire sur le marché international et a une meilleure capacité concurrentielle. Entre 1895 et 1904, le prix moyen d’exportation de la soie est 1,56 fois plus élevé pour celle produite dans le delta du Yangzi que pour celle du delta de la rivière des Perles, et le restera tout au long des trente années suivantes. Nous ne disposons pas d’éléments sur la valeur exacte des exportations avant 1895, mais nous pouvons supposer que l’écart était encore plus grand étant donné qu’il faut attendre 1895 pour que les usines du delta de la rivière des Perles se modernisent (utilisation de la machine à vapeur) et voient ainsi la qualité de leur soie brute s’améliorer. En outre, la quantité disponible et la qualité des matières premières sont également supérieures dans le delta du fleuve Yangzi (Zeng Tongchun 1933 ; Yan Xuexi 1986). On dit même de l’espèce de vers à soie du delta de la rivière des Perles qu’elle « ne permet pas de tourner de la bonne soie » (East Asian Institute 1943, p. 880 et 881 ; Xu Xinyu 1990, p. 221).
9Pour résumer, le delta du fleuve Yangzi emploie une technologie de dévidage de la soie plus avancée, mais dispose aussi d’une plus grande quantité de matière première d’une meilleure qualité ; sa capacité concurrentielle sur le marché est donc meilleure. Du point de vue financier, les premières usines de filature mécanique du delta du fleuve Yangzi disposent d’un capital relativement abondant5. Les hommes d’affaires étrangers investissent de plus en plus à Shanghai et Hong Kong en raison de l’exclusion croissante dont ils sont l’objet au Guangdong, où se trouve le delta de la rivière des Perles (Eng 1986). Les conditions économiques sont donc bel et bien plus avantageuses dans le delta du fleuve Yangzi. Le développement de l’industrie de dévidage aurait dû être plus rapide dans le delta du Yangzi que dans le delta de la rivière des Perles.
10Cependant, le résultat est à l’exact opposé : sur le long terme, le développement de la technologie du dévidage mécanique dans le delta du fleuve Yangzi se situe loin derrière celui du delta de la rivière des Perles.
Opportunité d’emplois, soutien et résistance des sériciculteurs
11Les lois ne contrôlent pas systématiquement les comportements humains, pas plus que la politique ne change automatiquement la société ; il en va de même pour les nouvelles technologies, qui ne peuvent pas toujours être appliquées, et qui ne changent pas la société (ou qui ne sont pas changées par la société) par leur seule mise en pratique. Les technologies créées par des groupes d’innovation technologique doivent être mises en pratique avant de pouvoir devenir une force productive. En dehors de la technologie en tant que telle, quels sont les autres facteurs qui jouent un rôle dans ce sens ?
Le problème des cocons de ver à soie
12En comparant le rendement réel et la capacité de production des usines de soie, on constate que de 1894 à 1930, celles du delta du fleuve Yangzi tournaient en moyenne seulement 240 jours par an. Ce chiffre correspond aux données enregistrées dans un certain nombre de rapports, qui mentionnent une ouverture de seulement huit ou neuf mois par an au plus (Chen Ciyu 1989). En revanche dans le delta du fleuve des Perles, les usines sont maintenues en activité toute l’année sans interruption, et ne sont pas soumises à des restrictions saisonnières (Chen Tianjie et Chen Qiutong 1963, p. 63 ; Zeng Tongchun 1933, p. 50, 63 ; Chen Ciyu 1989, p. 187). On a déjà vu que les usines situées dans le delta du fleuve Yangzi disposaient d’une technologie plus avancée que celles du delta de la rivière des Perles en matière de dévidage mécanique. Si leur matière première est de meilleure qualité, les usines requièrent une plus petite quantité de cocons, et leur capacité concurrentielle sur le marché s’améliore en conséquence. Dès lors, pourquoi ces usines sont-elles ouvertes trois ou quatre mois de moins par an que celles du delta de la rivière des Perles ? Il ne s’agit pas d’un problème de fonds : ces usines disposent d’assez d’argent pour acheter des cocons (ibid., p. 21).
13Il ne s’agit pas non plus d’un problème de taille du marché. En effet, la demande des industries d’Europe et des États-Unis en soie grège est à la hausse ; toute la production de soie de ces usines peut donc être exportée avec succès. Tout cela montre bien que la raison pour laquelle ces usines sont ouvertes seulement 240 jours par an ne réside pas dans la taille du marché.
14Beaucoup de rapports montrent que c’est principalement du fait de la pénurie de matières premières (cocons de vers à soie) que les usines du delta du Yangzi peinent à se développer6. Ne pouvant acquérir des cocons en quantité suffisante, ces dernières se retrouvent souvent en situation de rupture de stock, et doivent suspendre leur activité. On a vu précédemment que la production totale de cocons du delta du fleuve Yangzi est bien supérieure à celle du delta de la rivière des Perles ; en revanche, leur commercialisation est très limitée. Des documents d’archives nous révèlent que dans le delta de la rivière des Perles, plus aucun paysan ne tisse chez lui après les années 1880 (Su Yaochang 1987). À l’inverse, les sériciculteurs du delta du Yangzi, notamment ceux vivant dans les zones d’élevage traditionnelles, ont longtemps été réticents à l’idée de vendre leurs cocons, qu’ils préféraient garder afin de maintenir l’activité familiale de dévidage manuel (Sun Yutang 1957, p. 70 ; Yi Liangying 1931, p. 12 ; Brown 1979). Pourquoi les sériciculteurs n’ont-ils pas voulu faire plus de bénéfices en vendant leurs cocons et ont-ils préféré maintenir leur propre système de dévidage ?
15L’introduction et l’application de la technologie de dévidage mécanique impliquent une division du travail entre sériciculture et dévidage. Ce processus de spécialisation professionnelle divise les intérêts. Quant à la question de savoir si les foyers précédemment spécialisés dans ces deux activités étaient en mesure de réaliser des bénéfices équivalents voire supérieurs, les réponses diffèrent largement en fonction des choix de répartition des tâches effectués. Pour les sériciculteurs habitués à mener les deux activités de front, s’ils vendaient leurs cocons aux usines et ne recevaient aucune autre espèce de compensation, ils perdaient les revenus du système traditionnel de dévidage.
Situation des usines et approvisionnement en matières premières
16Face à l’arrivée de la technologie de dévidage mécanique, pourquoi les sériciculteurs du delta de la rivière des Perles ont-ils accepté de vendre leurs cocons et d’abandonner les revenus liés à leur occupation de dévidage familiale, et non pas leurs confrères du delta du fleuve Yangzi ? En confrontant des documents historiques, on peut découvrir que les deux emplacements – le delta du fleuve du Yangzi et celui de la rivière des Perles – présentent de grandes différences, qui se sont ressenties dans l’application de cette nouvelle technologie. Dans le delta du Yangzi, les usines sont situées principalement à Shanghai et Wuxi, et non sur les lieux traditionnels de production des cocons tels que Huzhou ou Suzhou. La matière première consommée par les usines vient principalement du secteur où naissent les vers à soie. Dans le delta de la rivière des Perles, les usines sont situées sur le lieu de production de cocons comme Shunde et Nanhai.
17À Shanghai et Wuxi, les bases de la sériciculture sont assez faibles. À l’origine, ni Shanghai ni ses banlieues ou sa province ne produisaient de cocons. Les usines de dévidage ont dû compter sur le secteur du lac Taihu dans les provinces du Jiangsu et du Zhejiang. Bien que le développement de la sériciculture à Wuxi ait été plus rapide, sa production de cocons n’a jamais été en mesure d’assurer son autosuffisance ; il lui a donc fallu se tourner vers les mêmes zones d’approvisionnement que Shanghai (Zhang Maoyuan 2008). Les usines du delta du Yangzi ont dès lors dû acheter la grande majorité de leurs cocons à des sites en dehors de l’endroit où elles étaient implantées.
18Le cas du delta de la rivière des Perles est tout autre. Presque toutes ses usines ont été construites dans les villages de Shunde et Nanhai qui sont des foyers d’origine pour les cocons. Sur les 86 usines présentes à Shunde entre 1881 et 1911, on a pu retrouver les adresses de 38, réparties entre 26 villages et bourgs (Statistical Bureau 1913, p. 162-174 ; Peng Yuxin 1989, p. 63-64). Les 131 usines recensées en 1924 étaient disséminées dans 41 grands villages de la circonscription de Shunde. Cela revient à dire que tous les grands villages y avaient leur usine (Howard et Buswell 1925). Il en est de même pour les 35 usines présentes dans la circonscription de Nanhai à la fin de la dynastie Qing, réparties dans 22 villages (Yao Shaoshu 1908, p. 4-5 ; d’après Peng Zeyi 1962, p. 357). Il est à noter que la quantité de cocons produite par ces deux sites suffisait largement à pourvoir leurs usines. Les cocons consommés par ces usines étaient donc localement produits. Se pose alors la question suivante : comment l’emplacement des usines a-t-il pu inciter les sériciculteurs à vendre leurs cocons ou pas ?
Nouvelles opportunités économiques pour les sériciculteurs
19En fait, la question que pose l’emplacement des usines est celle de la possibilité qu’elles offrent aux sériciculteurs de maintenir leur niveau de vie ainsi qu’une perspective d’amélioration économique. Pour les sériciculteurs, la vente de leurs cocons signifie l’abandon d’une longue tradition de dévidage manuel familial. Dans le cas présent, les régions étudiées sont toutes deux densément peuplées et disposent de peu de terres ; le revenu du dévidage familial revêt une tout autre importance (Fei Xiaotong 1939) :
Du fait de la rareté des terrains, de la densité de population et du poids des impôts, les revenus agricoles générés par les récoltes céréalières ne suffisaient pas, ce qui a poussé les paysans à cultiver le mûrier. (Xu Xinyu 1990, p. 27)
20La plantation de mûriers et la sériciculture ont besoin de plus de temps de travail que les cultures du riz et du blé, mais leurs recettes totales sont également plus élevées (Wang Xiang 2005), ce qui explique le remplacement progressif des dernières par les premières. Les bénéfices ont été réalisés à tous les niveaux de la chaîne de l’industrie séricicole, depuis les plantations jusqu’à l’élevage des vers à soie et au tissage. En 1939 Fei Xiaotong révèle également que les éleveurs de vers à soie pratiquent eux-mêmes le dévidage afin d’augmenter leurs revenus (Fei Xiaotong 1939, p.141-167).
21L’abandon de la pratique familiale du dévidage sans la compensation offerte par d’autres sources de revenus serait une menace directe pour la subsistance de la famille du sériciculteur. Mais à l’époque, il n’y avait que trois possibilités pour obtenir d’autres sources de revenus : augmenter le prix des cocons, élargir la taille de son élevage, ou offrir à la main-d’œuvre excédentaire de nouvelles possibilités d’emploi. Avec la commercialisation des cocons et le prix de la soie soumis à une concurrence internationale féroce, il est devenu de plus en plus difficile de vendre les cocons plus cher. D’un autre côté, même si le prix des cocons devait grimper au point que les bénéfices réalisés sur leur vente soient plus élevés que ceux réalisés sur la vente de soieries, un sériciculteur ne se réjouira pas nécessairement de vendre ses cocons à des usines. En effet, en voyant le prix des cocons grimper, il se doutera que celui de la soie finira bien par augmenter ; il préférera dès lors ne pas vendre ses cocons et se les réserver. Aucun des documents historiques consultés par nos soins ne relate le cas d’un paysan ayant augmenté le prix d’acquisition de ses cocons dans le but de pouvoir répondre indéfiniment à la demande en matière première des usines.
22À la fin du xixe siècle, il n’y a presque plus de terrains vagues ou de terres agricoles disponibles dans les régions des deux deltas (Yan Xuexi 1986). Il y devient très difficile d’élargir la taille des entreprises séricicoles afin de répondre à la demande de plus en plus importante de la technologie de dévidage mécanique. La main-d’œuvre excédentaire a pour seul choix d’obtenir de nouveaux emplois. Transformer l’entreprise familiale en usine représente un moyen efficace de fournir de nouvelles possibilités d’emploi et de passer d’une société agricole à une société industrielle. Normalement, si un sériciculteur peut obtenir un emploi dans une usine de soie, la division du travail lui permet d’obtenir un poste intéressant et donc de compenser les pertes occasionnées par l’abandon de son entreprise familiale.
23Mais pourquoi les sériciculteurs du delta de la rivière des Perles ont-ils réussi à extraire le dévidage des cocons de leur pratique d’artisanat familiale quand ceux du delta du fleuve Yangzi ont échoué ? Peut-on expliquer cet état de fait par des facteurs purement technologiques, par un rejet social, ou d’autres facteurs sont-ils à prendre en compte ? On constate qu’un problème que l’on croyait lié à l’implantation géographique tient en fait à l’existence et à l’usage des possibilités d’embauche.
Ordre social et emploi des femmes
24La spécificité de l’industrie séricicole se retrouve dans les possibilités d’embauche dans les usines de dévidage mécanique. Dans les deux régions étudiées, tout un chacun peut entreprendre la culture du mûrier et l’élevage des vers à soie, alors que le tissage est avant tout une tâche féminine. Jusqu’au début du xxe siècle, dans les régions des deux deltas, le poids des traditions empêche le travail des femmes en dehors du village, plus encore quand il implique de ne pas rentrer le soir à la maison. Dans le delta de la rivière des Perles, « si une femme travaille à l’extérieur, on s’inquiète de ce qu’elle goûte à la vie nocturne et prenne de mauvaises habitudes » (Chen Tianjie et Chen Qiutong 1963).
25Dans le delta du Yangzi, la famille d’une femme qui travaille à l’extérieur rejoint automatiquement la plus basse catégorie sociale (Huang 1992). Dans ce delta, des archives révèlent que, au tout début, la plupart des ouvrières des filatures de Shanghai étaient issues des couches de population les plus défavorisées de la ville ainsi que de la proche campagne ; par la suite, les usines se sont mises à recruter dans les campagnes du nord de la région (Jiangbei) où sévissait une grande pauvreté. À l’inverse, des centres traditionnels de la sériciculture comme Hangzhou, Huzhou, Jiaxing, etc., bien que plus proches du Jiangbei que Shanghai, n’embauchaient que très peu d’ouvrières originaires de cette région. En 1928, sur plus de 55 000 ouvrières travaillant dans une usine de Shanghai, seules 10 % viennent du Zhejiang, qui est le berceau traditionnel de la magnanerie7.
26Dans le delta de la rivière des Perles, si les traditions locales imposent aux femmes d’aller travailler en ville, personne ne s’oppose à ce qu’elles aillent à l’usine tant qu’elles ne sortent pas de leur village ; dès les années 1880-1890, l’essor du dévidage mécanique a « attiré dans les usines de soie la plupart des paysannes, ce qui a fait de la magnanerie un métier quasi exclusivement masculin » (Chen Ciyu 1989).
[Comme les femmes] habitaient dans les environs, elles pouvaient partir tôt le matin et rentrer tard le soir, les usines n’avaient donc pas besoin de les loger ; les chefs de famille n’avaient quant à eux pas à s’en faire dans la mesure où elles ne travaillaient pas avec des inconnus. (Chen Tianjie et Chen Qiutong 1963, p. 60)
27Dans les années 1920, plus de 100 000 ouvrières travaillaient dans les usines de soie de Shunde et de Nanhai, et l’immense majorité d’entre elles étaient originaires de ces circonscriptions (Rao Xinmei 1930). C’est aussi la raison pour laquelle, dans ces régions, la plupart des enfants de paysans rentrent à l’usine dès qu’ils en ont l’âge (Chen Ciyu 1989). Les nouvelles possibilités d’embauche qu’offraient les usines de dévidage mécanique parvenaient-elles à compenser les emplois détruits par la disparition des entreprises familiales ? Cela dépendait de la capacité de ces usines à non seulement créer de l’emploi pour les femmes initialement séricicultrices mais aussi à permettre à leurs ouvrières de rester dans leur région d’origine. Le cœur du problème réside donc dans la situation géographique des usines.
Conséquences de la résistance ou du soutien des sériciculteurs
28Nous avons vu que l’application de la technologie de dévidage mécanique dépendait fortement des réserves disponibles en cocons. En cas de surplus, l’offre en cocons dépendait du degré de commercialisation de ces derniers, qui dépendait quant à lui de l’empressement des sériciculteurs à vendre leur production, empressement manifesté si et seulement si ces derniers voyaient dans l’abandon de leur activité de dévidage un quelconque moyen d’obtenir un emploi rentable et des compensations à même d’égaler les bénéfices économiques autrement réalisés. Ces compensations ne pouvant guère s’effectuer autrement que dans le cadre d’un emploi, le problème a dès lors été de trouver un moyen de faire entrer à l’usine les séricicultrices aussi bien que les dévideuses. Dans le delta du Yangzi, l’arrivée de la technologie de dévidage mécanique a incité les usines situées dans la ville de Dazhong à instituer une division spatiale du travail : les campagnes sont devenues le lieu de production des matières premières et les villes celui de transformation de la soie grège. Les possibilités d’emploi ainsi créées par les usines étaient en fait offertes à la société tout entière. Par la suite, les rapports entre les sites de production de cocons et les usines de dévidage sont devenus purement commerciaux, de même que les profits liés à la vente des cocons ou à l’entrée à l’usine sont devenus deux processus de marché indépendants l’un de l’autre. C’est cela qui a ramené l’empressement des sériciculteurs à vendre leurs cocons, soutenus ou non par les notables locaux, à la seule protection de leurs intérêts privés.
29Du point de vue des sériciculteurs, si personne ne pouvait garantir à la main-d’œuvre présente sur les sites de production des cocons un emploi à l’usine et si les conditions de bonnes mœurs et de transport n’étaient pas réunies pour permettre aux femmes d’y travailler également, abandonner l’entreprise familiale de dévidage en vendant leurs cocons revenait à faire une croix sur les bénéfices réalisés grâce à cette activité. Qui vendrait dans de telles conditions ? Les notables locaux n’auraient quant à eux rien gagné à encourager les paysans à vendre leur production, dans la mesure où cela aurait profité au développement des usines de Shanghai, Wuxi ou d’ailleurs. Une fois le procédé de dévidage mécanique implanté à Shanghai et Wuxi, le volume commercial de la soie locale aurait diminué et elle aurait perdu son avantage comparatif en matière de prix ; là encore, qui chercherait à convaincre les sériciculteurs de vendre pour arriver à un tel résultat ? On comprend mieux pourquoi les sériciculteurs et les notables locaux se sont donné autant de mal pour protéger la dimension familiale de leur activité de dévidage :
Dans les régions où s’est traditionnellement développée l’industrie de la soie (dévidage et filage), la plupart des paysans continuent à pratiquer conjointement élevage et dévidage ; ces régions ne sont pas devenues des sites de production de matière première. (Chen Ciyu, 1989)
30Au début du xxe siècle, l’Union du Jiangsu et du Zhejiang pour le tissage mécanique de la soie et du satin alliée à des groupes de marchands de soie a demandé au gouvernement d’interdire la profession intermédiaire de marchands de vers à soie. En 1919, dans ses règlements sur la vente de vers à soie et les usines de soie, le parlement du Zhejiang a fortement limité l’exploitation et le commerce du ver à soie et de la soie. Cette obstination des paysans à protéger leurs entreprises familiales de dévidage a donné lieu à une chute du taux de commercialisation des cocons, chute d’autant plus spectaculaire dans les régions historiquement productrices de ces cocons. À la différence de celles situées dans la plaine de Hang-Jia-Hu (Zhejiang), la plupart des magnaneries du Jiangsu ont vu le jour après les guerres de l’opium ; avec l’arrivée de la mécanisation, comme leurs techniques de dévidage n’étaient pas abouties, ces familles ont décidé de vendre leurs cocons. En 1916, le nombre maximal de cocons sortant des salles de séchage du Zhejiang était seulement d’un tiers supérieur à celui du Jiangsu ; les salles de séchage et les magnaneries de ces deux provinces se sont principalement concentrées sur les nouveaux sites d’élevage de vers à soie (Wang Guoding 1924).
31Le faible degré de commercialisation des cocons explique pourquoi, au sein des usines du delta du Yangzi, celles de Shanghai travaillent moins que celles de Wuxi. D’après les relevés du Bureau des usines de soie et de la magnanerie de Shanghai, entre les années 1913 et 1928, 22,7 millions de Tam de cocons séchés sont passés par les marchés de Shanghai (Sanshigyō Dōgyō Kumiai Chūōkai 1929, p. 227-228 ; Chen Ciyu 1989, p. 72) ; une telle quantité ne pouvait garantir aux usines que 185 jours en moyenne de travail par an. À l’inverse, des villes partiellement ou complètement autonomes en termes de production de matières premières comme Wuxi (et toutes les autres villes du delta à l’exception de Shanghai) pouvaient garantir à leurs usines environ 270 jours de travail par an (Zhang Maoyuan 2008), soit presque moitié plus que Shanghai8.
32Dans le delta de la rivière des Perles, le fait que les usines soient situées à la campagne a amené une division du travail à l’intérieur de cet espace, division déjà introduite par le progrès technologique. La tradition qui voulait que les femmes ne travaillent pas à l’extérieur s’est affaiblie avec l’arrivée des usines de dévidage, et a pesé sur la division technologique du travail jusqu’à ce qu’elle devienne division sociale. Cette nouvelle division a fait sortir les ouvrières du système d’entreprise familiale et les a fait entrer dans le domaine d’une division sociale du travail, ajoutant aux transactions ayant lieu entre les sites de production de cocons et les usines de soie un lien social supplémentaire. C’est aussi cette division qui est à l’origine du souci qu’ont les sériciculteurs de protéger leurs intérêts privés dans la vente de leurs cocons et du choix que font les notables locaux de leur donner leur aval.
33Après les années 1880, les sériciculteurs du delta de la rivière des Perles sont très peu nombreux à continuer à « dévider chez eux » (Su Yaochang 1987). Les opportunités d’embauche et les revenus que la technologie de dévidage mécanique et les usines mettent à la disposition des familles paysannes leur valent le soutien d’une grande majorité des sériciculteurs. Les notables locaux profitent eux aussi des bénéfices ainsi réalisés, en investissant par exemple dans des usines ou en participant à la circulation du commerce de la soie grège (Zhang Maoyan 2008). La technologie de dévidage mécanique obtient ainsi dès son introduction un approvisionnement assuré en cocons séchés. Le degré de commercialisation des cocons frôle alors les 100 %. Avec le développement des usines et l’augmentation graduelle du salaire des ouvriers, être ouvrier dans une usine de soie devient une position presque enviable (Lü Xuehai, p. 63 ; Peng Zeyi 1962, p. 53). Les usines du delta de la rivière des Perles n’ont jamais eu à souffrir d’une pénurie de cocons ; au contraire, les nouvelles usines construites dans le sud-est de la Chine travaillent 365 jours par an (Zeng Tongchun 1933). Jusque dans les années 1920, alors que le marché de la soie connaît une grave crise, les usines du delta de la rivière des Perles sont encore capables de faire tourner leurs machines en moyenne 300 jours par an.
Amélioration par « régression » et adaptation sociale de la technologie
34Il nous semble avoir répondu jusqu’ici à toutes les questions précédemment posées. En lieu et place d’une pénurie en matières premières, les causes de l’échec de l’application de la technologie de dévidage mécanique sont davantage une question de résistance des sériciculteurs garants de cet approvisionnement et de l’emplacement géographique des usines. En raison des contraintes liées à la tradition sociale, les usines situées dans des villages ont obtenu le soutien des sériciculteurs et ont ainsi pu tirer des résultats remarquables de cette nouvelle technologie, tandis que celles implantées loin des secteurs de production de cocons accusaient un retard de développement.
35Mais pourquoi les usines du Yangzi se sont-elles implantées en ville et celles du delta de la rivière des Perles dans les villages ? Il ne fait aucun doute que les sériciculteurs du delta du Yangzi auraient pu mettre en place la technologie de dévidage mécanique dans leurs propres campagnes ; la preuve en est qu’après les années 1920, les villages produisant traditionnellement les cocons sont devenus les lieux d’implantation de nouvelles usines de dévidage. L’amélioration par régression apportée à la technologie dans le delta de la rivière des Perles a cependant grandement facilité et accéléré son introduction dans les villages. La principale amélioration apportée par Chen Qiyuan à la technologie de dévidage mécanique consiste en la séparation de la machine à vapeur (qu’il a destinée exclusivement à la cuisson des cocons) et de la voiture à fil (actionnée désormais par une pédale activée au pied).
36Ces améliorations ont contribué à la forte baisse des investissements en capital fixe, à la réduction du capital initial à mobiliser pour ouvrir une usine de soie (Xu Xinyu 1990 ; Zhang Maoyuan 2008), ce qui a réduit le temps nécessaire aux investissements en immobilisations, et rendu cette technologie beaucoup plus accessible aux notables locaux (Chen Qiyuan [1875-1908] ; Su Yaochang 1987, p. 162). Du fait d’un retour d’investissement plus rapide, cette nouvelle technologie a facilité et encouragé les investissements, les acquisitions sur place et la construction de petites usines décentralisées. Elle a également rassuré les sériciculteurs et les ouvriers, qui y retrouvaient le fonctionnement de leurs outils traditionnels (sans vapeur). La nouvelle machine a aussi permis un recrutement plus important, car elle nécessitait plus d’ouvriers en raison de la division de la chaîne opératoire. L’amélioration régressive a donc favorisé l’implantation d’usines dans les villages, à proximité des lieux d’élevage du ver à soie. Parallèlement, cette technologie-relais a limité le nombre d’intervenants dans le processus de production, a permis de multiplier les économies d’échelle, encourageant ainsi le développement et la diffusion d’usines de soie de petite taille.
37Débarrassée de sa fonction de dévidage à la vapeur, cette technologie s’apparentait davantage aux techniques d’artisanat local en vigueur dans les foyers de cette région, qui ne l’ont de ce fait pas jetée aux orties en tant que nouveauté suspecte. Mieux intégrée par les sériciculteurs et les dévideuses, elle a également contribué à calmer la haine épidermique des notables à l’égard des machines et en a assez facilement obtenu les bonnes grâces. Cette technologie s’est également avérée mieux adaptée à une utilisation massive de main-d’œuvre, et a ainsi été à même d’attirer à elle tous les laissés-pour-compte des foyers pratiquant le dévidage ; ce faisant, elle a permis à une part toujours croissante de sériciculteurs de profiter des bénéfices réalisés par son application. En 1894, les usines du delta du Yangzi ont ainsi investi 3,26 millions de taels d’argent et recruté 9600 ouvriers, tandis que celles du delta de la rivière des Perles investissaient à hauteur de 1,025 million de taels mais embauchaient 24 930 ouvriers (Xu Xinyu 1990).
38On peut ainsi voir que l’intégration de cette technologie au sein des sériciculteurs a déterminé sa mise en application, intégration qui repose sur la capacité de cette technologie à dégager des profits dans le cadre fixé par les traditions. Mais le développement d’une technologie se fonde aussi sur son domaine d’application. L’amélioration régressive apportée à la technologie de dévidage mécanique a ouvert les portes des sites traditionnels de production de cocons à des technologies plus simples et à des investissements moins importants, permettant ainsi de concilier, d’un côté, le coût et les exigences techniques d’une nouvelle technologie et, de l’autre, les capacités d’investissement des notables locaux, le savoir-faire technique des sériciculteurs ou des ouvrières ; c’est donc son amélioration qui a encouragé l’application de cette technologie. Un des objectifs du progrès technique est d’affranchir l’homme d’un travail physique ou mental trop contraignant ; l’amélioration apportée par Chen Qiyuan s’inscrit précisément à l’encontre de cette tendance générale. Ce sont pourtant deux améliorations qu’on pourrait à première vue qualifier de régressives qui ont permis à la technologie de dévidage mécanique de s’implanter plus rapidement dans les villages, qui ont encouragé la spécialisation des ouvriers et la division du travail au sein des familles et des zones concernées, et qui ont permis aux femmes de faire leur entrée dans un système de division du travail (l’usine). Tout cela a eu une influence directe sur les transformations à l’œuvre dans la structure de la société.
Progrès technologique et transformations de la société
39Entre 1860 et 1936, la sériciculture et le dévidage en Chine connaissent une évolution technologique révolutionnaire. Initialement, la région du delta du Yangzi profite d’une meilleure situation pour ce qui est de la technologie, des ressources, de la protection du capital et de l’expérience du marché. L’introduction de la technologie de dévidage mécanique la voit cependant reculer au profit de la région du delta de la rivière des Perles, pourtant moins avantageusement prédisposée.
40D’un point de vue économique, il est impossible d’expliquer ce phénomène (Schumpeter 1989 ; Solow 2004). La science économique nous explique que le progrès technologique vise toujours à la division spécialisée, qui est censée améliorer l’efficacité d’une production. Mais l’économie ne mentionne pas (ou ignore) les problèmes liés à la répartition des revenus que cause cette course à l’efficacité. L’exemple traité dans cette contribution montre que les progrès technologiques et la spécialisation professionnelle contribuent en effet à améliorer l’efficacité d’une production et à générer plus de profits, mais ne conduit pas nécessairement à des améliorations au sens de Vilfredo Pareto. Au contraire, l’introduction de nouvelles technologies peut creuser des écarts de richesse (Roggers 2002) ; en outre, si certains groupes subissent des pertes – même toutes relatives – au cours des progrès et des spécialisations professionnelles, ils en deviendront les principaux détracteurs. Et si ces individus ou les ressources qu’ils possèdent sont précisément les facteurs qui commandent à l’application d’une nouvelle technologie, comme les matières premières, leur résistance entraînera l’échec de ces technologies.
41L’histoire économique, en s’intéressant aux principaux facteurs économiques (capitaux, technologie, etc.), montre que le delta du fleuve Yangzi est depuis longtemps confronté à une pénurie de cocons de vers à soie, sans pour autant avoir cherché à en déterminer la cause. À cet égard, l’analyse des données historiques révèle que la pénurie de cocons de vers à soie a pour cause la réticence des sériciculteurs à vendre leur production. Or, pour pouvoir être appliquée, la technologie de dévidage mécanique a besoin de cocons et d’une division du travail entre sériciculture et dévidage, qui revient à une désintégration de la structure sociale traditionnelle de la famille dans la mesure où celle-ci exerçait ces deux types d’activités. Le modèle qui résulte de cette désintégration est d’une part des sériciculteurs fournisseurs de matières premières et d’autre part des usines de dévidage de plus en plus concurrentielles. Bien que les sériciculteurs (ainsi que les notables locaux) reconnaissent l’efficacité du dévidage mécanique, qui leur permet d’augmenter leurs revenus, ils voient aussi que ces profits sont liés à la division spatiale du travail et pas le moins du monde à leur contribution ; soutenir cette nouvelle technologie reviendrait donc à aller à l’encontre de leurs propres intérêts. Les facteurs qui entravent l’application d’une technologie ne sont donc ni les capitaux ni la technologie elle-même, mais le fait que cette activité ne peut bénéficier qu’à un nombre limité de groupes d’intérêt. Les méthodes traditionnelles de production et les coutumes sociales, comme l’interdiction faite aux femmes de travailler à l’extérieur, ne permettent pas aux sériciculteurs de bénéficier de cette avancée technologique. Ainsi traditions sociales et progrès technologique entrent en conflit.
42Si la théorie de la diffusion des technologies semble ici validée, elle ne l’est en fait pas entièrement. Elle a seulement réussi à s’interroger sur l’influence que peuvent avoir les conditions sociales sur la réussite, et non sur l’influence qu’une technologie peut avoir sur sa propre application. La théorie de l’interaction de la technologie et de la société dans leurs développements respectifs nous montre que l’introduction d’une nouvelle technologie fait intervenir des acteurs différents, sans pour autant nous en montrer les mécanismes microscopiques. L’analyse comparative menée sur l’application de la technologie de dévidage mécanique montre qu’elle a, dans le même temps, amélioré la productivité et causé des problèmes de distribution des dividendes. La comparaison entre le delta du fleuve Yangzi et le delta de la rivière des Perles montre que si et seulement si la distribution des dividendes perçus grâce à une innovation technologique bénéficie aux principaux groupes d’intérêt concernés et offre une compensation, même mince, à quelques-uns des groupes non bénéficiaires, cette technologie pourra jouir du soutien de la société.
43L’élément décisif dans le succès d’une technologie serait donc de trouver le moyen par lequel tous les groupes concernés par celle-ci y voient un bénéfice. Le cas du delta du Yangzi montre que le monopole local de ressources en matières premières et la concurrence entre les usines de soie et les fournisseurs ont conduit à l’échec de l’application d’une nouvelle technologie. Personne ne s’est inquiété des pertes affectant les fournisseurs de matières premières, qui ont conduit ces derniers à une production de plus en plus limitée ; qui dit moins de matières premières dit moins de travail pour les usines, qui n’ont dès lors pas pu appliquer de nouvelles technologies. Le succès de la technologie du dévidage mécanique dans le delta de la rivière des Perles démontre que se débarrasser d’un fonctionnement à la vapeur, qui peut sembler être une régression d’un point de vue technologique, est en fait l’ajustement pratique d’une technologie. Utiliser la main-d’œuvre de manière intensive n’implique pas forcément un manque d’efficacité d’une technologie donnée ; bien au contraire, c’est en faisant ainsi que cette région a pu instaurer une plus grande efficacité et une société à même de mettre en pratique des technologies de plus en plus avancées.
44L’innovation technologique a souvent la nouveauté pour principal objectif. Les deux modèles de développement suivis par le delta du fleuve Yangzi et celui de la rivière des Perles nous montrent qu’innovation et application correspondent à deux logiques sociales différentes. Si on considère que l’innovation prend sa source dans la curiosité humaine ou dans la quête de la vérité, alors l’application prend la sienne dans sa dimension pratique. Fei Xiaotong a déclaré : « Améliorer un produit n’est pas seulement une question d’amélioration technologique, c’est aussi une question de réorganisation sociale » (1939, p. 200). L’amélioration par régression technologique, qui fait écho aux problèmes que rencontre une société en pleine réorganisation, est un autre exemple de l’influence qu’entretiennent technique et société l’une sur l’autre.
45Deux parcours ou modèles différents dans l’application d’une technologie ont produit des conséquences différentes sur deux types de sociétés, qui ont à leur tour influencé le développement de cette même technologie. L’influence directe d’une technologie sur une société donnée apparaît dans la nouvelle carte de la répartition des profits réalisés grâce à cette innovation. L’étude comparative des deltas du fleuve Yangzi et de la rivière des Perles montre que l’obtention de dividendes par les fournisseurs de matières premières (sériciculteurs, notables) est une garantie importante de l’application d’une technologie. Il a fallu tenir compte des facteurs sociaux et des traditions culturelles locales afin que les sériciculteurs et les notables puissent être bénéficiaires, et donc adapter la technologie à la société dans laquelle elle était introduite. Ces deux adaptations successives ont donné naissance à une communauté d’intérêts entre ouvriers et paysans, qui se sont mis à collaborer pour le meilleur et pour le pire ; les sériciculteurs et les notables, grâce aux profits qu’ils en tiraient, encourageaient toujours plus le développement du secteur et de la technologie de dévidage mécanique. Là où aucune de ces adaptations n’a été appliquée, la réticence des sériciculteurs à vendre leurs cocons les a privés des profits qu’ils auraient pu réaliser en se mettant au dévidage mécanique ; dans ce cas de figure, les usines ont également pâti de ne pas pouvoir tirer pleinement partie de leur capacité de production, entravant de ce fait le développement à la fois du progrès technologique et du secteur concerné. En bref, c’est l’implication – dans le respect des structures sociales ou culturelles – du plus grand nombre de groupes d’intérêt dans les profits réalisés par une technologie donnée qui devient la clé du succès de celle-ci ; une implication réussie dépend quant à elle des améliorations pratiques apportées à une technologie.
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Notes de bas de page
1 Pour une introduction au déterminisme technologique et sociologique, voir Qiu Zeqi (2008, p. 584-595).
2 On peut observer une nette tendance à la concentration localisée ou au regroupement par zones dans le développement de l’industrie de dévidage mécanique de l’époque moderne chinoise. Les usines de dévidage mécanique se sont implantées sur les deux grands sites de sériciculture traditionnels que sont les deltas du Yangzi et de la rivière des Perles. Au sein de ces zones, les industries se sont concentrées à Shunde et Nanhai pour le Guangdong et Shanghai et Wuxi pour le Jiangsu.
3 Voir Sanshigyō Dōgyō Kumiai Chūōkai (1929, p. 358) ; Zeng Tongchun (1933) ; Wang Jingyu (1957, p. 67-68) ; Sun Yutang (1957, p. 70) ; Brown (1979, p. 550-568) ; Zhu Xinyu (1985, p. 136) ; Chen Ciyu (1989, p. 19) ; Xu Xinyu (1990, p. 128) ; Wang Xiang (2005, p. 91-93).
4 Les données sont issues de l’ouvrage de Xu Xinyu (1990), respectivement p. 124, 135, 140-141, 143, 690, 705.
5 En 1984, pour ce qui est de la région du delta du Yangzi, la ville de Shanghai a à elle seule investi 3,26 millions de taels d’argent dans l’industrie séricicole ; le montant investi par le delta de la rivière des Perles atteignait pour sa part seulement 1,2 million de taels. Voir Xu Xinyu (1990, p. 135, 140-141, 124).
6 Commercial Reports from Her Majesty’s Consul in China, no 2, Shanghai, 1881, p. 142, cité dans Sun Yutang (1957, p. 70) ; Yi Liangying (1931, p. 12) ; Zen Sun, « Sericulture and silk textile production in Ch’ing China », Economic Organization in Chinese Society, William Earl Willmott éd., Stanford, Stanford University Press, 1972, p. 103-104 ; Brown (1979, p. 558-562) ; compilation du Bureau of Scientific Research Management of Chinese Academy of Social Sciences, Collection Wang Jingyu, Pékin, China Social Science Publishing House, 2001, p. 364.
7 Étude sur les usines de filature de Shanghai, Bimensuel économique, no 2, 1928, p. 11.
8 Mais avec toujours moins de jours d’ouverture par an que les usines de la rivière des Perles.
Auteurs
Professeur de sociologie au département de sociologie de l’Université de Pékin. Après une licence de biologie, il a fait un master en histoire des sciences et des techniques, puis un doctorat en sociologie. Il a travaillé pendant plus de dix ans avec Fei Xiaotong sur les études du développement et plus de dix ans sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les changements organisationnels. Il travaille actuellement toujours sur les impacts des TIC et les dynamiques des réseaux sociaux dans une perspective multidisciplinaire.
Maître de conférences à la South-China Normal University et a obtenu son doctorat en philosophie de la sociologie à l’Université de Pékin en 2008. Ses champs de recherche incluent le changement social, l’innovation technique, l’urbanisation. Il a dirigé plusieurs projets lancés par le ministère de l’Éducation et par des provinces chinoises. Plusieurs de ses articles ont été publiés dans Social Sciences in China (« Social status, organizational capability and the distribution of technological dividends », « Why does the application of technology fail ? ») ainsi que dans Sociological Research (« The technological changes and social changes in filature industry in Pearl River Delta »).
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