Grand Dictionnaire universel du xixe siècle (Larousse) Définitions : « Magazine », « Revue »
p. 361-386
Texte intégral
1 MAGAZINE s.m. (ma-ga-zi-ne - mot angl.tiré du fr.magasin), Littér. Ouvrage périodique traitant des sujets divers, accompagnés de gravures : « Les MAGAZINES vinrent ensuite, comme le Magasin pittoresque, le Musée des familles, vulgariser les portraits d’Hoffmann. », Champfleury.)
2Encycl. Les magazines sont des publications anglaises et américaines que nous avons importées chez nous et auxquelles nous avons donné le nom de magasins. Nous n’allons faire qu’un seul article de ces deux mots qui sont l’expression exacte d’une même chose.
3Le goût des magazines ou magasins nous vient d’Angleterre, où il florissait au siècle dernier, et l’importation en doit être principalement attribuée à Mme Leprince de Beaumont. Cette dame, qui était chargée de l’éducation de plusieurs jeunes personnes et dont la réputation première s’était faite à Londres, puisa dans le succès de quelques ouvrages périodiques anglais l’idée du titre et du fond de son Nouveau magasin français ou Bibliothèque instructive, qui, commencé en 1750, suspendu en 1752, fut repris en 1755 et n’alla pas au delà. Il paraissait à Londres tous les mois, par cahiers. En 1757, elle publia le Magasin des enfants ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses élèves, le plus connu et assurément le meilleur de tous ses magasins, qui, dès son apparition à Londres en fut traduit dans la plupart des langues de l’Europe. Il a souvent été réimprimé. Le succès du Magasin des enfants encouragea Mme de Beaumont à faire de nouveaux pas dans la même carrière. Après avoir donné, en 1760, au public le Magasin des adolescents, qui n’eut pas moins de succès que le Magasin des enfants, et qui fournit à Alletz l’idée d’une publication tout à fait semblable, elle quitta l’Angleterre et vint se fixer à Chavanod, dans les environs d’Annecy, où elle rédigea le Magasin des pauvres, des artisans, des domestiques et des gens de la campagne (Lyon, 1768), et plus tard la Dévotion éclairée ou le Magasin des dévotes (Paris, 1779). Beaucoup d’autres magasins parurent au xviiie siècle, mais fondés dans des buts différents. Le plus célèbre est le Magasin encyclopédique, fondé en 1792. Ce recueil, dont le savant Millin prit la direction en 1795, offre un grand nombre de dissertations intéressantes et approfondies sur les lettres et les sciences historiques. Il compta parmi ses collaborateurs des érudits et des écrivains distingués. En 1817, il fut remplacé par les Annales encyclopédiques. Un magasin, fondé à une époque plus rapprochée, a eu et conserve une réputation méritée ; c’est le Magasin pittoresque, que M. Charton créa en 1833 et auquel nous avons consacré un article spécial. Depuis 1830 nous avons vu naître et mourir une quantité de publications portant les noms les plus divers, mais que l’on pourrait faire figurer parmi les magazines, dont elles avaient ou ont encore le caractère. La révolution de février 1848 vit éclore le Magasin politique, recueil in-4° de matières bien choisies, publié par livraisons, sur beau papier et en beaux caractères, et dont l’existence fut éphémère. En 1856 parurent un Magasin utile, consacré à la religion, à la morale ; un Magasin de la jeunesse chrétienne, faisant suite au Magasin de l ’enfance chrétienne (in-8° mensuel). En 1858 furent fondés un Magasin industriel, recueil des découvertes les plus récentes et les plus utiles, et sous le nom de Magasin de librairie, une revue littéraire d’une certaine importance. Ce magasin, publié par l’éditeur Charpentier, composé d’ouvrages inédits, de genres très-différents (histoire, littérature, romans, philosophie, théâtre, poésie, etc.), était en quelque sorte un cours à l’usage de ceux qui s’intéressent au mouvement de la civilisation et aux plaisirs de l’esprit. Il avait pour collaborateurs MM. Paul Janet, Clément Caraguel, Taxile Delord, Paul de Musset, Alfred Mézières, Émile Saissut, etc., et débuta en publiant les œuvres posthumes d’Alfred de Musset. Il s’est depuis transformé en Revue nationale et étrangère. Parmi les publications qui ont encore adopté le titre qui nous occupe, sans pour cela y être toujours fidèles, nous citerons encore le Magasin des écoles du dimanche (in-12, mensuel), qui s’est bien gardé de faire le moindre bruit ; le Magasin des demoiselles, bimensuel ; le Magasin des Familles, journal de gravures de modes et de patrons, également bimensuel ; le Magasin d’illustration, né en 1859 et dont la vie fut courte ; le Magasin des Français en 1859, écho de la guerre, illustré, œuvre de circonstance ; enfin Paris-Magazine, fondé en 1866 et qui, après diverses transformations successives en des mains diverses, n’a pu réussir à enlever le succès. Paris-Magazine était la suite du Grand journal.
4 Magazines anglais . Les publications mensuelles connues en Angleterre sous le nom générique de magazines tiennent une place importante dans la littérature de ce pays, tant par leur nombre, qui s’élève à plus de 400, que par la vogue dont ils jouissent auprès de la bourgeoisie notamment dont ils sont devenus la principale lecture. Le premier recueil de ce genre parut à la fin de janvier 1731 ; il existe encore aujourd’hui : c’est le Gentleman’s Magazine. On doit à Edouard Cave, dont Johnson a écrit la vie, d’avoir naturalisé en Angleterre le mot français de magasin en l’appliquant à un ouvrage périodique où le lecteur trouverait emmagasinées en un cahier de 48 pages in-8, imprimées sur deux colonnes en caractères très-fins, les matières les plus diverses. Un prospectus précédant l’entreprise en avait exposé le plan et l’objet. « Elle consistera en premier lieu, y était-il dit, à mettre tous les mois sous les yeux des lecteurs tous les articles spirituels, gais ou instructifs, publiés chaque jour dans les journaux, dont le nombre depuis quelque temps s’est multiplié au point de rendre impossible, à quelqu’un qui n’en fait pas métier, de les consulter tous. Nous y joindrons, en second lieu, les communications utiles ou amusantes qui nous seront faites. » Ce prospectus établissait ensuite combien la quantité des journaux était grande et combien leurs communications d’intérêt public, leurs articles d’agrément, disséminés à l’aventure dans des feuilles détachées, étaient peu faciles à conserver comme elles eussent mérité souvent de l’être pour le bien et l’instruction de tous. « Cette considération a déterminé plusieurs personnes à réclamer un recueil mensuel où fussent rassemblés, comme dans un magasin, les articles les plus remarquables sur les matières dont nous parlons, ou au moins des analyses impartiales de ces articles, comme une façon de conserver les pièces curieuses bien plus sûre que de les transcrire. »
5Le Gentleman’s Magazine, qui avait pour second titre le Nouvelliste mensuel, comprenait les divisions suivantes : 1° la reproduction ou l’analyse des principaux articles de politique, de morale ou de critique publiés dans le courant du mois par les journaux, alors presque tous hebdomadaires ; 2° des pièces de vers ; 3° le récit, ou plutôt la mention très-sommaire des principaux événements du mois, classés à leur date, jour par jour ; 4° la liste des décès, naissances et mariages dans les grandes familles, les nominations dans l’Église et dans l’armée ; 5° les cours des denrées, des fonds et du change, et la liste des déclarations de faillite ; 6° la liste des livres et brochures publiés dans le mois ; 7° des observations sur le jardinage, l’élevage du bétail, l’art vétérinaire avec l’indication des foires. Chaque numéro était livré au public, non pas dans le mois dont il portait la date, mais dans les premiers jours du mois suivant. Le titre était surmonté d’une vignette représentant une main tenant un bouquet avec cette devise : E pluribus unum. Comme le fait remarquer M. Cueheval-Clarigny, c’était un emprunt fait au Gentleman’s Journal, de Pierre Alotteux, ce Rouennais chassé de France par la révocation de l’édit de Nantes, qui, dès 1692, avait eu l’idée première d’un recueil de mélanges, comprenant à la fois des nouvelles et des écrits de natures diverses. L’auteur de L’Histoire de la presse en Angleterre et aux États-Unis nous apprend que le Gentleman’s Journal, qui ne vécut que trois ans, était en tout point, et même par le titre, le prototype du Gentleman’s Magazine. Il contenait, outre les nouvelles du mois, des morceaux, de prose et de vers et des traductions. Après lui, le Monthly Miscellany or Memoirs for the Curious, le Monthly Transaction, le Monthly Amusement n’avaient pas mieux réussi. De telle sorte que Cave, pendant quatre années consécutives, avait vainement soumis aux libraires de Londres le plan de son magazine. Autorisés par des précédents aussi peu engageants, ces derniers avaient tous repoussé ses offres, et ce fut avec ses seules ressources qu’il se vit contraint d’entreprendre, à l’âge de quarante ans, la publication du Gentleman’s Magazine, qui eut le plus grand succès et fut la source de sa fortune, et de sa célébrité. Cave s’était personnellement chargé dans le Gentleman’s Magazine d’une tâche dont il s’acquittait avec talent et discernement. Il s’était réservé le département de la reproduction et de l’analyse des journaux, qui n’occupent pas moins de 15 à 20 pages sur 48 ; ses résumés sont clairs et substantiels ; on y trouve rapprochées les attaques et les réponses, ce qui permet de suivre jour par jour la polémique des partis, les discussions politiques et les fluctuations de l’opinion. Cela dit, avons-nous besoin d’ajouter que le Gentleman’s Magazine de Cave forme une collection précieuse à consulter ? Pope, Thompson, Samuel Johnson, Savage y inséraient quelquefois leurs poésies ; mais le plus souvent ses collaborateurs étaient d’obscurs écrivains, des hommes médiocres, comme John Leckmann, Moses Brown, Duyck, etc. Le succès obtenu par le Gentleman’s Magazine excita naturellement l’émulation des éditeurs, de ceux-là surtout qui avaient repoussé le plus loin le projet de Cave. Aussi vit-on bientôt naître et mourir une foule d’ouvrages portant le titre nouveau de magazine ; un seul, le London Magazine, parvint cependant à prospérer. Une publication mensuelle, intitulée le Monthly Chronicle, consacrée à l’énumération abrégée des livres, brochures, pièces de théâtre, sermons, etc., qui paraissaient chaque jour, avait été achetée par le libraire Wilbort qui, un an à peine après la naissance du Gentleman’s Magazine or Monthly Intelligencer, la transforma en London Magazine or Gentleman’s Intelligencer Monthly. L’imitation n’était pas visible par le titre seulement ; elle fut bien plus frappante encore quand, trois mois après, Wilbort, associé à trois autres libraires et à un imprimeur, adopta le format, le plan, la distribution des matières et jusqu’au prix d’abonnement du Gentleman’s Magazine ; toutefois, le nouveau recueil se fit remarquer par une innovation fort goûtée ; il donna les débats du Parlement à partir d’août 1732, ce que Cave dut faire à son tour pour soutenir la concurrence. Mais le Parlement d’alors, très-jaloux de ses privilèges, voulut s’opposer à cette publicité donnée à ses séances. Le London Magazine imagina de substituer aux noms des orateurs des noms romains, tandis que dans le Gentleman’s Magazine Johnson transformait le Parlement en sénat de lilliput, divisé en deux chambres, celle des Hurgoes et celle des Clinabs, et faisait parler les orateurs sous des noms de fantaisie. Certaine réponse supposée du premier Pitt (lord Chatham) à Horace Walpole eut un tel retentissement que l’honnête Johnson, scandalisé de son propre succès, déclara ne pas vouloir encourager le mensonge et cessa ses comptes rendus. On raconte que, en apprenant que Smollett écrivait une histoire d’Angleterre, il le mit en garde contre les « débats » du Magazine en lui avouant qu’ils étaient entièrement l’œuvre de son imagination. Quoi qu’il en soit, Cave et ses concurrents furent traduits devant la Chambre des lords, réprimandés et, condamnés à l’amende ; mais l’opinion ne tarda pas à imposer aux Chambres le contrôle de la publicité. Après avoir donné de loin en loin des vignettes sur bois, le Gentleman’s Magazine ajouta à son texte des cartes qui représentaient le théâtre de la guerre ; puis, à partir de là des portraits de célébrités. Sa réussite allait toujours croissant et il voyait mourir l’un après l’autre tous les concurrents que la jalousie et la cupidité lui suscitaient. À l’étranger même, il trouvait des imitateurs ; des recueils portant le même titre et rédigés sur le même plan furent fondés à Philadelphie en 1741, à Boston en 1743, à Copenhague et à Hambourg en 1748, à Leipzig et à Stockholm en 1754, à Brème en 1751. Cave rédigea le Gentleman’s Magazine jusqu’à sa mort, survenue le 10 janvier 1754 ; son beau-frère, David Henry, lui succéda, puis le recueil passa, vers 1778, aux mains du célèbre libraire et bibliographe J.-B. Nichols, qui le laissa en mourant à ses deux fils (1826). Ceux-ci le dirigèrent pendant trente ans, après quoi ils se déchargèrent de ce lourd fardeau sur des associés plus jeunes. Le Gentleman’s Magazine est aujourd’hui encore le plus prospère des recueils mensuels de l’Angleterre. Quant au London Magazine, au succès duquel étaient cependant intéressés les plus riches libraires de Londres, il cessa de paraître en 1783. L’Universal Magazine, fondé en 1747, était mort depuis longtemps après avoir joui d’une vogue passagère. En 1782 avait paru l’European Magazine, qui ne survécut que peu de temps à son fondateur, James Ferry, rédacteur en chef du Morning Chronicle, mort en 1821. À côté de l’European Magazine, nous ne trouvons pendant longtemps que des recueils spéciaux, le Farmer’s Magazine, qui parut à Édimbourg de 1800 à 1817 et le Philosophical Magazine, fondé à Londres en 1798 par Alexandre Tilloeh, exclusivement scientifique, vivant surtout d’emprunts faits aux savants français ; celui-ci a été suivi dans la tombe par beaucoup d’autres publications analogues. Parmi les magazines contemporains, nous citerons le Blackwood’s Magazine qui date du 1er avril 1817. Il a eu pour fondateur le libraire Blackwood, d’Édimbourg ; c’est le premier recueil mensuel qui ait fait une place à la politique ; le New Monthly Magazine, presque exclusivement littéraire, que Bulwer dirigea en 1832 et que le romancier Ainsworth acheta en 1845 à la maison de librairie Colburn. Ainsworth avait fondé, trois ans auparavant, le Ainsworth’s Magasine, dont il était presque l’unique rédacteur. Citons encore le magazine de Fraser, Fraser’s Magazine for town and country, né en janvier 1830, qui a eu longtemps pour principal collaborateur le romancier Thackeray, caché sous le pseudonyme de Titmarsh ; le Tait’s Edinburg Magazine, qui ne coûte qu’un schelling quand tous les autres recueils mensuels se vendent deux schellings et demi ou une demi-couronne ; il paraît depuis le 1er janvier 1834 avec ces deux mots pour épigraphe : Fiat justitia. Enfin à côté des magazines littéraires et politiques nous pourrions en signaler d’autres qui s’adressent à des lecteurs tout spéciaux, comme le Nautical Magazine ; le United Service Magazine, fondé en 1829 et qui traite les questions relatives aux armées de terre et de mer ; le Mechanic’s Magazine, etc. En 1857, on comptait dans le Royaume-Uni 381 magazines. Leur valeur intrinsèque varie nécessairement beaucoup ; mais ils ont en commun une qualité précieuse : on peut les oublier sur la table de famille. Il y en a pour tous les âges, pour toutes les bourses, pour tous les rangs. Presque tous sont dans une situation prospère. Aujourd’hui, tous les magazines, comme toutes les revues, paraissent simultanément à Édimbourg et à Londres. L’Irlande possède le Dublin University Magazine, que dirigea pendant quelque temps, à partir de 1842, un romancier spirituel retiré depuis lors à Florence, Charles Lever. Depuis quelques années les magazines anglais, jaloux de retenir la faveur populaire, se sont tous efforcés de s’attacher un conteur en vogue, qui leur donne dans chaque numéro plusieurs chapitres d’une immense composition destinée à durer un an ou deux. La Foire aux vanités et Pendenis, de Thackeray, ont été publiés de cette façon. « Le feuilleton, au lieu de vivre au jour le jour comme en France, dit M. Cucheval-Clarigny, à qui nous empruntons une partie de ces renseignements, s’est mis à paraître de mois en mois dans les magazines. Les conséquences en ont été presque les mêmes : les romanciers, irrésistiblement entraînés à se reposer sur leur facilité, ont enfanté des œuvres incommensurables où la fantaisie s’est donné carrière aux dépens du goût et du bon sens, et où leur talent s’est épuisé ; mais les recueils mensuels ont dû à ces débauches d’esprit une recrudescence de la faveur publique et une vitalité nouvelle. »
6 REVUE s.f.
7Littér. Sorte de journal paraissant à des époques assez éloignées : La REVUE de Paris. La REVUE des Deux-Mondes. La REVUE encyclopédique. La REVUE médicale. […]
8Littér. Les revues proprement dites sont des recueils périodiques qui paraissent à intervalles plus ou moins éloignés et qui passent en revue les questions littéraires, politiques, historiques, scientifiques, artistiques, etc. Le plus souvent, les revues ont la forme de volumes in-8° ; toutefois, un assez grand nombre, traitant de matières spéciales, consistent en fascicules ne contenant qu’un petit nombre de pages. Dans le long article que nous avons consacré aux journaux (v. JOURNAL), nous avons parlé des recueils littéraires qui ont paru à l’étranger sous divers titres et sous celui de revue. Nous y renverrons donc le lecteur, ainsi qu’à l’article magazine. Nous ne donnerons ici qu’un court historique des revues proprement dites, particulièrement en ce qui concerne la France, et nous nous bornerons à une énumération, nous réservant de consacrer ci-après des articles spéciaux aux recueils de ce genre qui ont acquis le plus de réputation. C’est en Angleterre qu’a paru, en 1749, la première revue, la Monthly Review (Revue mensuelle), suivie, en 1756, de la Critical Review, fondée par Smollett. Ces deux recueils n’eurent qu’un succès médiocre. Les revues n’ont acquis en Angleterre une importance véritablement considérable qu’après la fondation de la célèbre Edinburgh Review (Revue d’Édimbourg), publiée en 1802. L’immense succès de cette publication provoqua la création de la Quarterly Review (1809), qui devint, entre les mains de Gifford, une véritable puissance politique et littéraire, et d’un grand nombre de recueils du même genre, parmi lesquels nous nous bornerons à citer : l’Electrik Review [sic], la Foreign Quarterly Review (1827), la Westminster Review (1824), la London Review, la Dublin Review, la Weekly Review, la North British Review (1844), la New Quarterly Review (1852), la Retrospective Review, etc. Dans ces revues, les articles paraissent presque toujours sans signature. Comme elles représentent ordinairement de grands partis politiques, elles ont une puissante influence sur l’esprit public, et les écrivains qui les rédigent jouissent par cela même d’une grande considération, qui leur facilite fréquemment l’accès du pouvoir. Les revues, en France, sont loin d’avoir la même action sur l’opinion publique, et ce n’est pas sans peine qu’elles se sont acclimatées parmi nous. La première qui ait paru est la Revue philosophique (1804), faisant suite à la Décade de Ginguené. En 1818 parut la Revue encyclopédique, fondée par Jullien, et qui subsista jusqu’en 1833. La Revue britannique vit le jour en 1825. Cinq ans plus tard, parut la Revue de Paris, et, en 1829, la Revue des Deux Mondes, fondée par MM. Ségur-Dupeyron et Mauroy, puis reprise en 1831 par M. Buloz. En 1833, M. Taschereau publia la Revue rétrospective. En 1839, M. Louis Blanc fit paraître la Revue du Progrès, destinée à servir d’organe à la fraction la plus avancée du parti républicain. Malgré tout le talent de ses rédacteurs, ce recueil vécut peu de temps. Il fut remplacé en 1841, pour le parti démocratique, par la Revue indépendante, créée par Pierre Leroux, Viardot et Mme Sand, et qui parut jusqu’en 1848. De 1845 à 1847, Eugène Forcade fit paraître, sous le titre de Revue nouvelle, une charmante publication ; une nouvelle Revue encyclopédique, créée en 1846, n’eut également que deux ans d’existence. Le marquis de Belval fonda, en 1852, la Revue contemporaine, dont M. de Galonné devint propriétaire en 1855. Puis l’on vit paraître successivement : la Revue chrétienne, de M. de Pressensé (1854) ; la Revue européenne (1859), qui eut pour directeur M. Lacaussade ; la Revue de Paris, ressuscitée en 1854 par M. Laurent Pichat ; la Revue française, qui vécut, sous la direction de M. Jean Morel, de février 1855 à la fin de 1859 ; la Revue germanique, fondée en 1857 par MM. Dollfus et Nefftzer, et qui, modifiant son programme et son titre, est devenue, en 1868, la Revue moderne. Mentionnons encore une revue importante, créée par l’éditeur Charpentier, d’abord sous le nom de Magasin de la librairie (1860), puis de Revue nationale. Nous ne citons point ici les recueils qui, bien qu’étant en réalité des revues, comme le Correspondant, le Cosmos, etc., ne portent point ce titre. Quel que soit le développement auquel est arrivé, en France, le genre de publication désigné sous le nom de revue, le succès de ces publications n’atteint pas celui qu’elles ont en Angleterre et en Allemagne. Dans ces pays, outre les revues spéciales ou locales, il y en a plusieurs d’une étendue et d’une importance considérable, qui comptent des abonnés nombreux. En France, la seule Revue des Deux-Mondes a complètement réussi. Indépendamment des recueils que nous venons de citer, il existe ou il a existé un grand nombre de revues, pour la plupart spéciales. Nous mentionnerons particulièrement : la Revue d’Alsace, la Revue d’anthropologie, dirigée par le docteur Broca ; la Revue archéologique, de M. Leleux, dirigée depuis 1860 par M. Léon Renier ; la Revue d’artillerie, la Revue de l’art chrétien, la Revue bibliographique, la Revue celtique, la Revue catholique, la Revue chrétienne, la Revue des autographes, dirigée par M. Charavay ; la Revue critique de législation et de jurisprudence, la Revue critique d’histoire et de littérature, la Revue des documents historiques, la Revue de droit international et de législation comparée, la Revue de l’École des chartes, la Revue d’économie politique, la Revue d’économie rurale, la Revue des familles, la Revue fantaisiste, la Revue de France, la Revue et gazette musicale, la Revue et gazette des théâtres, la Revue financière, la Revue générale de l’architecture et des travaux publics, Revue hebdomadaire de chimie scientifique et industrielle, Revue illustrée des lettres, sciences et arts, Revue industrielle et chronique de l’industrie, Revue de l’instruction publique, Revue Israélite, Revue des jeunes poètes, Revue de linguistique, Revue maritime et coloniale, Revue médicale, Revue militaire de l’étranger, Revue de la mode, Revue du monde catholique, Revue musicale, Revue de musique sacrée, Revue nouvelle, Revue numismatique, Revue de philologie et d’ethnographie, Revue politique et littéraire, Revue des cours publics, Revue pratique de droit français, Revue des questions historiques, Revue des sciences ecclésiastiques, Revue des sciences médicales, Revue scientifique de la France et de l ’étranger, Revue des cours scientifiques, Revue des sociétés savantes des départements, Revue spirite, Revue suisse, Revue des théâtres, Revue de théologie et de philosophie, Revue théologique, Revue de thérapeutique, Revue universelle, etc. […]
9 Revue d’Édimbourg (La), publication trimestrielle, paraissant à Édimbourg (Écosse) depuis le 10 octobre 1802. […] Raconter les luttes soutenues par la Revue d’Édimbourg et provoquées par ses attaques, ce serait faire l’histoire de la politique et de la littérature anglaise pendant les premières années de ce siècle. […] La Revue d’Édimbourg paraît tous les trois mois dans cette ville, sous la forme d’un fort volume in-octavo. Elle compte toujours au nombre de ses rédacteurs les principaux écrivains de l’Angleterre et s’occupe plutôt de critique que de la publication d’œuvres originales. […]
10 Revue de Westminster (La), recueil périodique anglais, fondé en 1824. Cette revue fut le premier organe du radicalisme dans un pays aristocratique où les monopoles de la finance et du négoce s’ajoutaient aux privilèges de la noblesse et aux prérogatives d’une Église d’État. […] Aujourd’hui, elle compte parmi les grands recueils périodiques anglais ; ses articles de statistique commerciale et d’économie manufacturière, ses études géographiques et politiques sur les pays étrangers, se font remarquer par l’intérêt et par la richesse des faits présentés à un public qui réclame avant tout des documents exacts. […]
11 Revue de l’Amérique du Nord (La), recueil littéraire et philosophique, fondé en 1815 et paraissant trimestriellement. […]
12 Revue encyclopédique (La), recueil littéraire et scientifique, publié à Paris de 1819 à 1833. Jamais publication périodique ne justifia aussi pleinement son titre. À vrai dire, c’est la seule revue que la littérature française ait possédée. Voici le plan sur lequel ses fondateurs l’avaient établie : Exposer avec précision et avec fidélité la marche et les progrès successifs des connaissances humaines dans leurs rapports avec l’ordre social et son perfectionnement ; rechercher et consulter les ouvrages les plus instructifs et les plus utiles, pour en donner un compte rendu exact et impartial ; analyser les principaux travaux scientifiques et littéraires, historiques, économiques et politiques ; insérer des mémoires originaux, des notices diverses ; résumer la substance des journaux spéciaux, de manière à réunir dans un centre commun tous les savants, à embrasser le système entier des connaissances humaines et à contribuer à la circulation des richesses intellectuelles et morales. Le cadre de la Revue encyclopédique embrassait tout le domaine du savoir et de la pensée : les sciences physiques et mathématiques, la technologie, les sciences religieuses, rationnelles, morales et politiques, l’éducation, la science sociale, le droit public, l’histoire, la géographie, la grammaire, la critique, la littérature, l’archéologie, les arts libéraux. L’ordre des matières se divisait en quatre sections : 1° analyses et critiques raisonnées d’ouvrages choisis, classés méthodiquement : 2° mémoires, notices et mélanges, extraits de journaux étrangers, etc. ; 3° nouvelles littéraires, relation sommaire des travaux des sociétés savantes, programmes académiques, articles nécrologiques ; 4° bulletin bibliographique. La Revue considérait les faits et les doctrines au point de vue philosophique ou social et non au point de vue technique ; les systèmes, les opinions, les œuvres, les inventions et les découvertes ne l’intéressaient que dans leurs rapports avec le progrès général de la civilisation ; d’ailleurs l’étendue de son plan lui interdisait une exploration approfondie de chaque branche du savoir humain. Dirigée dans un esprit libéral, indépendante des partis, classique en littérature, la Revue s’attachait à présenter la situation de chacune des connaissances humaines, à rendre les sciences plus accessibles, à faire connaître les sources, à préparer le jugement du lecteur au lieu de le lui imposer. Elle mit en valeur dans un recueil périodique la pensée baconienne de l’unité, de la dignité et de l’accroissement des sciences et des lettres. Elle fut rédigée par Jullien (de Paris), le directeur de la publication, Andrieux, Al. de Laborde, Lanjuinais, Lemercier, Amaury Duval, Depping, Sismondi, Llorente, Ferry, Patin, Le Normant, Parent-Réal, Buchon, Salfi, Jomard, Langlès, Mahul, Villenave, Émeric David, Dufaut, Busèbe Salverte, L. Thiessé, Ph. Chasles, Ar. Beugnot, Boissonade, Geoffroy Saint-Hilaire, Ad. Balbi, Ph. Golbéry, Francœur, Héreau, etc., etc. La Revue encyclopédique continua en quelque sorte le Magasin encyclopédique de Millin. En 1831, passant sous la direction de MM. H. Carnot et P. Leroux, elle changea de caractère. Sa publication fut suspendue en 1833. Dans sa première période, elle avait formé une collection de 50 volumes in-8° ; il faut y ajouter les volumes de tables rédigées par Miger (1831). L’interruption de ce recueil est à regretter, car la Revue de Paris et la Revue des Deux-Mondes ne suppléent qu’en partie, et d’une manière diffuse, à un tel répertoire de faits et de documents, où tout était classé, noté et apprécié sans phraséologie.
13Revue britannique (La), recueil international, publié à Paris depuis 1825. Cette revue a eu pour fondateur et pour premier directeur Saulnier fils. Elle est destinée à initier le public français au mouvement social et littéraire de la Grande-Bretagne. Ce recueil avait eu des précurseurs dans le courant du xviiie siècle ; sans parler du journal de l’abbé Prévost, le Pour et le contre, qui fit connaître les œuvres de plusieurs auteurs anglais, il y eut la Bibliothèque anglaise ou Histoire littéraire de la Grande-Bretagne, par M. de La Roche et A. de La Chapelle (Amsterdam, 1717-1728, 15 vol.) ; la Bibliothèque britannique ou Histoire des ouvrages des savants de la Grande-Bretagne (La Haye, 1733 et suiv.) et la Bibliothèque britannique, par Aug. Pictet et F.-G. Maurice (Genève, 1796-1815, 140 vol. et 4 vol. de tables in-8°) ; ce dernier journal existe encore, mais modifié quant au plan, sous le titre de Bibliothèque universelle de Genève. Ces divers recueils, même le dernier, qui faisait marcher parallèlement ses trois divisions : littérature, sciences et agriculture, ne répondaient qu’en partie au plan que la Revue britannique s’était tracé. Pour cette publication, il ne s’agit pas seulement de traduire les meilleurs articles des principaux écrits périodiques de la Grande-Bretagne ou les romans en vogue ; elle a une mission plus haute et plus utile à remplir : suivre dans leur développement le caractère et le génie anglo-saxon, la puissance, l’industrie, le commerce, les mœurs du peuple anglais et du peuple américain. L’administration publique, la législation, l’économie politique, les finances, la statistique, les voyages lui importent autant que les œuvres littéraires, et les hommes politiques l’intéressent encore plus que les écrivains. « L’antiquité n’a plus rien à nous apprendre, disait M. Saulnier. La véritable érudition doit consister désormais dans la connaissance des mouvements et des progrès de l’esprit humain chez tous les peuples civilisés. » Pensée juste et féconde. On lui doit d’avoir mieux connu et mieux compris, en France et ailleurs, à l’issue d’une période de commotions et de guerres, la pratique du régime représentatif, l’organisation du travail manufacturier, les débouchés commerciaux, les progrès de la navigation, l’histoire contemporaine non-seulement de l’Angleterre, mais encore celle des peuples civilisés on barbares que visitent les pavillons anglais et américain. La littérature n’a été ni oubliée ni sacrifiée ; une de ses branches, le roman, a reçu peut-être un accueil trop favorable ; des analyses exactes, fidèles, animées, usurperaient moins d’espace et donneraient un aperçu plus vaste de ce genre de productions, les meilleurs produits de la presse anglaise. La critique littéraire figure avec honneur à la Revue britannique ; mais parfois elle y a été traitée d’une façon singulière ; sous prétexte d’élaguer des détails trop anglais et de plier l’article original à une forme plus française, tel ou tel traducteur s’est permis de le mutiler, de l’altérer, de le dépayser, et parfois aussi de s’en déclarer l’auteur. M. Amédée Pichot, directeur du recueil depuis 1840, a commis des bévues étranges : il lui est arrivé de reproduire des articles de la Revue des Deux-Mondes, traduits en anglais et retraduits en français, avec altérations et mutilations. La partie la plus intéressante de chaque volume est invariablement ou la relation d’un voyage, ou une esquisse de mœurs, ou bien un article de statistique et autres variétés. Une correspondance de Londres augmente l’attrait exotique de chaque livraison ; on ne peut en dire autant d’une chronique parisienne, écrite par M. Pichot, dont la nécessité ne paraît pas être démontrée. La Revue britannique publie six volumes par an ; elle réclame quelques améliorations.
14 Revue française (La), recueil littéraire et philosophique. Cette revue a compté quatre existences sous divers gouvernements, et, comme le titre en est bien trouvé, on doit s’attendre tôt ou tard à une cinquième incarnation de ce Protée. Elle eut pour premiers fondateurs, en 1828, les rédacteurs du journal Le Globe, MM. Guizot et ses amis les doctrinaires. M. de Rémusat écrivit l’introduction de l’œuvre collective, qui parut tous les deux mois, par livraisons de 300 pages. Consacrée à la philosophie, à l’histoire, à la critique littéraire, aux études morales et savantes, la Revue traitait à loisir, avec étendue, les grandes questions à l’ordre du jour, qu’un journal discute à la hâte et d’une manière superficielle. En politique, les patrons de la Revue se déclaraient différents des hommes de 1789, étrangers à leurs passions et point asservis à leurs idées, mais héritiers et continuateurs de leur œuvre, se vouant à l’accomplissement des légitimes espérances de la Révolution et à l’affermissement des libertés conquises. Les travaux de la Revue avaient une valeur considérable et jouissaient de l’autorité accordée au talent. En dispersant les collaborateurs dans les hautes fonctions publiques, la révolution de Juillet mit fin à la publication, qui avait donné dans cette première période 16 volumes in-8°. De la seconde phase du recueil (1837-1838), il y a peu de chose, à dire, sinon qu’elle compte 12 volumes. La troisième (1855-1860) compte à peu près le même nombre de volumes publiés sous la direction de M. Morel ; la plupart des écrivains de talent et d’avenir que la Revue des Deux-Mondes tenait à l’écart trouvaient auprès de l’éditeur un accueil intelligent. La Revue paraissait trois fois par mois en livraisons bien imprimées. La quatrième phase recueillit en quelque sorte l’héritage de la précédente ; le nouveau directeur, M. L. Amat, se montra également sympathique à la jeunesse ; il accorda une place d’honneur à la critique et ouvrit les portes de la citadelle à cette ennemie des revues sérieuses qu’on appelle la chronique parisienne. La publication s’arrêta tout à coup, et ainsi finiront tous les recueils périodiques qui ne feront plus marcher de pair la littérature et la politique, la science et l’art : les lettres ne sont qu’une des faces de la civilisation, et non toute la civilisation.
15 Revue des Deux-Mondes (La), recueil périodique. Fondée en 1829 par MM. Ségur Dupeyron et Mauroy, cette revue fut reprise en 1831 après une suspension d’un an, par M. Buloz, sous la direction duquel elle est restée jusqu’à ce jour. Dans le cours de son existence, elle s’est annexé trois autres recueils périodiques ; elle a usé trois sociétés commanditaires et absorbé plus de 550,000 fr., avant d’avoir conquis non la notoriété, mais bien une position solide. Ce succès définitif date seulement de l’année 1849, ou plutôt de l’année 1856. Compromise par l’avènement de la presse à 40 fr., la publication de M. Buloz trouva un regain de fortune dans les péripéties de la révolution de 1848. Ce qui devait la tuer la sauva. Elle rallia les partis monarchiques en désarroi, tous les intérêts alarmés ; après le coup d’État, elle se tint sur la défensive, pour affirmer de plus en plus ses tendances constitutionnelles, ses aspirations libérales. Cette conduite habile assura à la Revue le concours des classes riches ou aisées, les seules qui puissent s’abonner à une publication d’un prix assez élevé. Toutefois ce prix (50 fr. par an) est relativement inférieur à celui fixé par les autres revues ou journaux français et étrangers. Simple magazine à ses débuts et dans sa longue période d’enfantement, le recueil édité par M. Buloz publie deux livraisons par mois, soit six volumes par an, de 1,000 pages chacun, et, en outre, un Annuaire historique, d’égale dimension. Cet annuaire, commencé en 1850, est une histoire et une statistique des divers États, un tableau des affaires politiques et du mouvement commercial de chaque pays, mais ne saurait être, malgré ses prétentions, un panorama intellectuel. Ce supplément annuel atteste que la Revue des Deux-Mondes n’est pas une revue ; la chronique de la quinzaine, véritable premier-Paris, toujours en retard de quinze jours, n’embrasse que l’horizon politique et parfois la scène littéraire. Venue à la suite de deux révolutions, l’une littéraire, l’autre politique, la revue de M. Buloz a su durer et obtenir une circulation considérable, grâce à des efforts persévérants, à des améliorations successives. Recueil purement littéraire à l’origine, puis ouverte aux travaux de philosophie et de science, elle admit, en 1833, l’histoire politique, la politique active. Substituant de plus en plus la critique à la fantaisie, la discussion aux romans et aux pièces de vers, elle a suivi, d’un pas lent, le mouvement de l’esprit humain et les phases de la civilisation. Elle a marché sur deux jambes, la littérature et la politique, mais, suivant la remarque de Jeffrey, la politique est sa jambe droite. Par ce mot, il faut entendre non la polémique de journal à journal, mais l’étude des intérêts majeurs, des questions sociales, des rapports internationaux, des mouvements de la diplomatie, des grandes affaires du monde politique. La Revue n’a jamais reçu l’appui, le secours d’aucun pouvoir, et elle prétend n’avoir jamais consenti à se faire l’instrument d’une coterie ou des passions du moment, l’organe étroit et complaisant d’un parti ou de quelques hommes. Au risque de faire tomber une illusion de l’amour-propre, et sans rechercher à quelle fraction parlementaire le recueil de M. Buloz s’était rattaché sous le régime de Juillet, il sera permis de signaler une contradiction manifeste entre une de ces assertions et les actes acquis au procès qu’on peut intenter à la Revue du fait de sa conduite après 1848. Une pensée de réaction, un esprit de ressentiment contre la République, inspira ses publicistes ; dans les livraisons de l’année 1849, on lit tel ou tel article politique que leurs auteurs ne signeraient pas aujourd’hui. Le numéro du 1er janvier 1849 s’ouvre par une introduction anonyme (œuvre de M. Albert de Broglie) telle qu’elle eût pu passer pour le programme de la rue de Poitiers. Faisant appel, au nom de la Revue, « à toutes les forces de résistance et de conservation », l’écrivain déclare que ses amis et lui consentent tout au plus « à subir les institutions nouvelles » ; mus de compassion, ils assisteront à « l’expérience étrange » qui se poursuit contre leur gré ; ils regrettent « l’organisation savante et si bien en harmonie avec les sentiments de la France » qu’un grand homme avait établie au commencement de ce siècle. Revenue à un plus juste sentiment des choses, elle s’est replacée, depuis, dans l’attitude et sur le terrain qui conviennent le mieux à son rôle et à son tempérament. La défense des idées libérales, la discussion des réformes utiles, l’étude approfondie des questions sociales, l’amour sincère du vrai et l’aspiration au progrès, c’est là ce que doit rechercher un recueil influent qui représente en France la civilisation extérieure et la France à l’étranger. Telle est l’ambition de M. Buloz. Il a cherché à maintenir son œuvre dans la sphère du bon sens et de la modération ; il a su grouper un assez grand nombre d’esprits sérieux, distingués, former une phalange de publicistes éminents et d’habiles écrivains, suppléer à l’unité des doctrines par la liberté d’examen ; mais son recueil représente-t-il vraiment le mouvement littéraire, scientifique et politique de la France ? Distinguer les rêveurs des penseurs, préférer le talent au faux génie, repousser les pamphlétaires, les libellistes, les utopistes, c’est très-bien ; mais réserver la place d’honneur aux universitaires et aux académiciens, borner la France intellectuelle entre l’Institut et la Sorbonne, n’est-ce pas être trop exclusif ? Que sait donc l’Université ?… Elle ignore la science suprême, la science de la vie. Que représente l’Académie ?… Au sein d’une démocratie où germe l’esprit américain, elle honore et perpétue la tradition monarchique de Louis XIV, les mœurs de la royauté, le bouddhisme romain, les vieilles défroques d’une rhétorique sans idées, la routine et l’impuissance. M. Buloz joue quelque peu le rôle d’Orgon, un homme confiant qui laisse un homme dévot ou éclectique s’installer chez lui en maître. Ses exclusions, comme ses préférences, témoignent d’un rigorisme exagéré. Bien des noms marquants brillent par leur absence du tableau de ses collaborateurs. À qui la faute ? Reconnaissons cependant que M. Buloz, quoi qu’on en dise, s’assimile volontiers la jeunesse. Il l’a toujours bien accueillie, celle du moins dont sa prudence n’avait à redouter ni péril ni scandale. Les Sainte-Beuve, les de Vigny, les Musset, les G. Sand et tant d’autres furent jeunes et le sont encore, car l’intelligence ne vieillit pas plus que le cœur. M. Buloz fut leur hôte, leur ami. Assiégé de toutes parts, soit par les vanités, soit par les rancunes, soit même par les calculs d’argent, impuissant à prolonger la bonne harmonie du début, la lune de miel de la critique et de la poésie, il ne sut pas empêcher des ruptures pénibles. Balzac, évincé de la Revue des Deux-Mondes et en butte à des critiques acerbes, fulmina de violents réquisitoires contre l’éditeur de la Revue et contre Sainte-Beuve ; Victor Hugo ne pardonna pas à Gustave Planche la guerre beaucoup trop vive que le critique de la Revue des Deux-Mondes fit à ses plus belles œuvres. L’historique de la Revue des Deux Mondes serait incomplet s’il ne faisait connaître les noms des principaux collaborateurs et les ouvrages ou les études que chacun de ces écrivains a donnés au recueil. La nomenclature qui suit a été dressée suivant l’ordre alphabétique : Ed. About (romans), AM. Achard (id.), J.-J. Ampère (littérature, histoire et voyages), A. Audiganne (économie sociale, statistique morale), J. Autran (poésie), Babinet (sciences), H. de Balzac (nouvelles), Aug. Barbier (poëmes), Barchou de Penhoen (philosophie), Ad. Barrot (histoire politique), Barthélemy Saint-Hilaire (philosophie), J.-J. Baude (géographie et statistique), H. Baudrillart (études littéraires), princesse de Belgiojoso (récits de voyage et scènes politiques), Ch. de Bernard (romans), Claude Bernard (physiologie), H. Beyle, dit Stendhal (nouvelles), Beulé (archéologie et beaux-arts), H. Blaze (études critiques et musicales), Gaston Boissier (études sur les mœurs et la littérature à Rome), A. Brizeux (poésies), prince A. de Broglie (histoire, philosophie, sociale, politique), E. Burnouf (philologie), L. de Carné (histoire politique, études morales), P. de Castellane (scènes de la vie militaire en Afrique), E. de Cazalès (études historiques et politiques sur l’Allemagne), Philarète Chasles (études sur la littérature et sur les mœurs de l’Angleterre et des États-Unis), V. Cherbuliez (romans), Michel Chevalier (lettres sur l’Amérique, politique, industrie, économie sociale, finances), A. Cochut (études littéraires, économiques, sociales, financières, coloniales), Ch. Coquelin (id.), V. Cousin (instruction publique, philosophie, histoire et littérature), Cucheval-Clarigny (études sur l’Amérique et l’Angleterre), Allan Cunningham (littérature anglaise contemporaine), G. d’Alaux (travaux politiques et littéraires), H. de Laborde (art), E. Delacroix (id.), H. Delavau (littérature russe), H. Desprez (études sur l’Europe orientale, le Danemark et la Russie), Ch. Didier (voyages et littérature italienne), Arthur Dudley (poëtes et romanciers anglais), Maxime Du Camp (romans, nouvelles, études sur Paris), A. Dumas (impressions de voyage), Duvergier de Hauranne (histoire parlementaire et politique), Alph. Esquiros (statistique morale et politique), L. Etienne (littérature étrangère), L. Faucher (histoire et économie politique), Fauriel (littérature au moyen âge), J. Ferrari (philosophie italienne), G. Ferry (scènes de la vie américaine), Feuillet de Conches (beaux-arts), O. Feuillet (proverbes, romans), E. Flaudin (voyages, archéologie), A. Fontany (mœurs espagnoles, critique littéraire), E. Forcade (chronique, études historiques, littéraires, diplomatiques, financières), E. Forgues (littérature anglaise), H. Fortoul (critique littéraire), E. Fromentin (voyages), Th. Gautier (voyages, poésie, études critiques), A. Geoffroy (histoire politique et littéraire), G. de Nerval (scènes d’Orient), Guizot (histoire politique), E. d’Haussonville (études politiques et diplomatiques), E. Havet (exégèse religieuse), H. Heine (études littéraires, poëmes et récits), de Jancigny (Indes anglaises et hollandaises), J. Janin (fantaisie, critique, etc.), E. Jurien de La Gravière (variétés navales et maritimes), Charles Labitte (histoire et critique littéraires), F. de Lagenevais (c’est un pseudonyme collectif, le Boniface de la revue), V. de Laprade (poëmes), L. de Lavergne (politique extérieure, économie publique et rurale, critique), Gh. Lavollée (histoire politique et politique commerciale), Lefebvre de Bécour (politique extérieure, critique), E. Lerminier (polémique philosophique, religieuse ; critique historique et littéraire), P. Leroux (philosophie et histoire), Letromie (histoire et archéologie), G. Libri (sciences, études politiques et littéraires), P. Limayrac (histoire et critique littéraires), Littré (science, philosophie, littérature), Loeve-Veimars (politique contemporaine, critique historique), L. de Loménie (histoire littéraire), Ch. Louandre (statistique littéraire, études historiques et littéraires), Ch. Magnin (histoire du théâtre, critique), X. Marinier (voyages et littératures du Nord), V. de Mars (gérant et suppléant de Lagenevais), A. Maury (érudition, physiologie, histoire naturelle), Ch. de Mazade (littérature et politique), F. Mercey (voyages, beaux-arts), P. Mérimée (roman, histoire, critique), Michelet (histoire), Mignet (notices historiques), J. Milsand (littérature anglaise), G. de Molenes (nouvelles, critique), Em. Montégut (essais critiques), H. Murger (romans), A. de Musset (poésie, proverbes, nouvelles), P. de Musset (portraits, scènes d’Italie), Nisard (histoire littéraire et critique), Ed. Pailleron (poésies), Th. Pavie (scènes de l’Inde et d’Amérique, littérature orientale), G. Planche (critique littéraire et artistique), A. de Pontmartin (critique littéraire), A. de Quatrefages (sciences naturelles), E. Quinet (histoire, critique et philosophie), E. Reclus (voyages, économie politique), Ch. de Rémusat (critique, philosophie, politique, histoire), Er. Renan (mélanges philosophiques et littéraires), L. Reybaud (portraits politiques, voyages, industrie), G. Robert (politique et littérature slaves), P. Rossi (critique historique, chronique générale, de 1839 à 1844). Saint-Marc Girardin (histoire littéraire et politique), A. de Saint-Priest (histoire politique et diplomatique), Sainte-Beuve (portraits littéraires, etc.), E. Saisset (critique philosophique), G. Sand (romans, lettres, essais de critique), J. Sandeau (romans), P. Seudo (critique musicale), J. Simon (critique philosophique), E. Souvestre (scènes bretonnes), Saint-René-Taillandier (études littéraires, politiques et philosophiques), H. Taine (critique), Am. et Aug. Thierry (histoire), Vacherot (essais philosophiques), A. de Valon (voyages), L. de Viel-Castel (variétés littéraires et diplomatiques), Alfred de Vigny (romans, poëmes), Villemain (histoire et critique), L. Vitet (beaux-arts, archéologie, critique littéraire), Vivien (études administratives). Les ducs d’Aumale et de Joinville ont publié, sous l’anonyme, des études sur l’armée et la marine. On voit, par cette énumération, que la Revue a laissé en dehors d’elle maint écrivain et maint publiciste de talent. On l’accuse d’effacer l’individualité des jeunes écrivains, en imposant à leur pensée et à leur style l’uniforme de l’ancien régiment ; M. Buloz aime, en effet, donner des conseils aux débutants, et, s’ils l’écoutent, ils courent grand risque de perdre leur originalité. D’autres reproches peuvent encore être adressés au recueil. Il comprend trop de séries, de divisions inutiles qui déroutent les recherches ; il ne réimprime pas certains numéros épuisés ; il ne possède point de table générale, index indispensable qui devrait clore chaque période décennale. Des titres complexes, vagues et ambitieux, précèdent parfois des articles où il est question d’un sujet assez vulgaire (le hareng, par exemple). Des préambules disproportionnés, où les considérations générales viennent estomper l’objet en vue et gâtent souvent des études qui pourraient se passer de dogmatisme. Certains travaux (les monographies littéraires de M. Cousin sur Mazarin et Mlle de Scudéri), ont paru déjà, sous une forme à peine différente, dans le Journal des savants ou ailleurs. Tant de critique et tant de métaphysique exercent à la longue sur l’esprit une influence pénible. Les questions ne paraissent plus simples, les idées perdent leur lumière naturelle. M. L. Veuillot compare la Revue à un engrenage qui broie, divise, triture, peigne et carde, pour transformer le tout en étoupe. Il y a de la vérité dans cette épigramme. Un écrivain moins irrévérencieux, M.Ch. Asselineau, a fait observer très-justement que le despotisme d’une revue toute-puissante, donnant le ton et servant de modèle, doit amener une littérature disciplinée et hiérarchisée par comptoirs et par rayons comme un magasin de nouveautés. Le recueil de M. Buloz est un véritable magasin de librairie. Il monopolise certains écrivains par des traités exclusifs, et, par d’autres traités, il s’attribue le droit de reproduction dans d’autres journaux. Au point de vue, non de la stricte légalité, mais de la dignité des lettres, il est impossible d’admettre de tels procédés, par trop léonins. Disons, en outre, que, payés à tant la feuille, les travaux insérés dans la Revue ne sont pas rétribués dans une mesure convenable ; les revues anglaises se montrent plus libérales. Il est douloureux d’avoir vu mourir Gustave Planche dans la détresse et P. Scudo à l’hôpital. Les deux maîtres critiques de la Revue des Deux-Mondes avaient donc désespéré de sa reconnaissance.
16 Revue de Paris (La), recueil littéraire, fondé en 1829, par le docteur Véron. Quels qu’aient été les ridicules d’un quasi-personnage dit le Bourgeois de Paris, on ne peut dénier au docteur Véron une qualité bien rare, une vive et réelle sympathie pour les gens de lettres. En fondant la Revue de Paris, il voulut ouvrir les deux battants d’une grande publicité à tous les jeunes talents encore obscurs, comme à tous les écrivains déjà célèbres, et en même temps assurer une certaine rémunération aux compositions littéraires. Il introduisit le roman dans la presse périodique, et les noms de Balzac, d’Al. Dumas, de Delatouche, d’E. Sue, d’A. Karr, de L. Gozlan, de J. Janin, de Loeve-Veimars se mêlèrent à ceux de B. Constant, de Lamartine, de Scribe, de G. Delavigne, de Vigny, de Musset, de Sainte-Beuve, de Saint-Marc Girardin, de Cuvillier-Fleury et autres. Pour un médecin, ce n’était pas avoir un mauvais diagnostic. Sous la direction de M. Véron, la Revue de Paris parut avec un certain éclat, mais sans devenir jamais une bonne entreprise financière. De 1831 à 1834, sous la conduite de M. Am. Pichot, son succès déclina ou s’arrêta ; car, de l’aveu de son acquéreur, M. Buloz, la publication n’avait que sept cents abonnés. M. Buloz en fit une sorte d’annexe de la Revue des Deux-Mondes, un magazine plus spécialement consacré à la fantaisie, à l’art, aux œuvres littéraires. Quelques-uns des écrivains en titre de la grande Revue prirent part à la rédaction de celle-ci ; mais elle fut réservée aux Dii minores de la littérature, quoique tel article inséré dans la Revue de Paris vaille autant que telle dissertation admise dans la Revue des Deux-Mondes. Mais la presse à 40 francs, inaugurant le roman-feuilleton, devait tuer la fille du docteur Véron, en lui enlevant son principal attrait. Le pressentiment de sa mort, annoncé par un agrandissement de format, l’amena à faire une guerre fort vive aux improvisations des romanciers à la toise : E. Sue, Alex. Dumas, P. Féval ; Mystères de Paris, Mystères de Londres, Juif errant, Mousquetaires, tous s’assirent au banc de sa police correctionnelle. Cependant son propre arrêt était prononcé ; en date de son trépas, elle ne comptait que 900 abonnés. De 1829 à 1844, elle avait publié 181 volumes in-8°. En 1855, un groupe d’écrivains romantiques, MM. Laurent Pichat, L. Cormenin (commanditaires de l’entreprise), Th. Gautier, Ars. Houssaye, L. Ulbach (secrétaire de la rédaction) essayèrent de ressusciter la Revue de Paris. Ils accueillirent les écrivains, les poëtes et les critiques tenus en suspicion par la Revue des Deux-Mondes. C’est ainsi que M. Gustave Flaubert et M. Louis Bouilhet purent révéler leurs aptitudes. Devenue organe politique, la Revue de Paris fut supprimée en 1858, au lendemain de l’attentat d’Orsini. Quelques années après, une autre direction publia pendant peu de temps une Nouvelle Revue de Paris, dans les mêmes conditions typographiques et sur le même plan. Cette tentative devait échouer : une revue ne peut vivre qu’autant qu’elle s’appuie soit sur l’autorité d’un groupe de noms illustres, soit sur les assises d’une doctrine neuve et féconde. Dans ces deux dernières phases, la Revue de Paris était pauvre en idées conquérantes et en signatures célèbres.
17 Revue rétrospective (La), par M. Taschereau. Deux recueils du même auteur ont paru sous ce titre : le premier de 1833 à 1837, composé de douze volumes ; le second, en 1849, ne formant qu’un volume et ne comprenant que trente-trois numéros ; ce dernier est exclusivement politique et rédigé dans un sens le plus souvent réactionnaire. Il est surtout connu par un procès en diffamation que M. Blanqui intenta à M. Taschereau au sujet de la publication d’une pièce sans nom d’auteur, qu’on lui attribuait et qu’il prétendait être apocryphe. Cette affaire eut un grand retentissement et passionna pendant quelques jours le public, divisé en deux camps. Les tendances de la Revue attirèrent plus d’un ennui à l’auteur, qui fut criblé de brocards par le parti avancé. Ces querelles sont aujourd’hui oubliées, et cette seconde Revue rétrospective, n’offrant plus l’intérêt de l’actualité, n’a guère plus pour elle que celui d’une curiosité historique. La première Revue rétrospective, au contraire, n’a presque rien perdu de son intérêt auprès des lettrés. On le comprendra facilement rien que sur l’énoncé de son titre complet : Revue rétrospective ou Bibliothèque historique contenant des mémoires et documents authentiques, inédits et originaux, pour servir à l’histoire proprement dite, à la biographie, à l’histoire de la littérature et des arts. L’histoire générale ou particulière forme le fond de ce recueil. M. Taschereau s’attache à mettre en lumière les faits passés qui étaient restés ignorés, ou incomplètement connus, ou qui avaient été présentés sous un faux jour. Des lettres non encore publiées, émanées de personnages historiques ou d’écrivains célèbres, et dans lesquelles se montre en saillie leur caractère, ou qui expliquent les événements de leur vie, composent la part de la biographie et de l’histoire littéraire. L’histoire proprement dite y tient la première place. On y trouve de nombreux mémoires et documents authentiques inédits. Enfin, les arts n’y sont point oubliés, et de nombreuses pièces officielles ou originales servent à faire constater leur marche, leurs progrès successifs et la considération dont ils ont inégalement joui aux différentes phases de notre société. De longues et heureuses recherches avaient mis M. Taschereau et ses collaborateurs en possession de documents précieux et variés qui alimentèrent la Revue rétrospective sans jamais lasser le lecteur. Elle ne publia que des morceaux inédits, sauf dans deux ou trois cas où la religion du directeur avait été surprise, notamment à propos d’un article de Mirabeau sur les Lettres de Mme de Sévigné, article qui avait été copié dans des écrits de Suard et de Laharpe.
18 Revue contemporaine (La), recueil bimensuel, fondé le 15 avril 1851, par MM. de Belval, A. de Galonné et Nettement. Une pensée de réaction monarchique et religieuse inspira, la création de cette Revue, consacrée aux dissertations philosophiques, historiques, littéraires, etc. Le comité de la rue de Poitiers tenait en échec la République et comptait bien se délivrer du président pour lui substituer un roi ; mais le coup d’État de décembre vint modifier la situation. Comme tant de gens, la Revue contemporaine passa dans le camp du parti victorieux. Deux de ses fondateurs se retirèrent sous leurs tentes. M. de Galonné resta directeur de la publication et la maintint dans la voie gouvernementale jusqu’au milieu de l’année 1868. L’Université, le conseil d’État, enfin les corps constitués lui fournirent le personnel de sa rédaction. Habilement conduite, la Revue contemporaine avait mission de contre-balancer l’influence de la Revue des Deux-Mondes ; le succès était difficile à discuter. Au milieu des plus énergiques efforts tentés contre sa rivale, un ministre, M. Rouland, vint lui porter (on ne sait trop pourquoi) un coup terrible dont elle pouvait bien ne pas se relever. De 1859 à 1861, au prix de grands sacrifices imposés au budget, parut la Revue européenne, annexe du Moniteur, publiée dans les mêmes conditions typographiques que le recueil de M. de Galonné, lequel imite en tout, sauf les tendances générales, celui de M. Buloz. Le coup devait être d’autant plus fatal que la nouvelle publication enlevait à la première une bonne partie des rédacteurs officiels ou officieux. La Revue contemporaine résista au choc, et, deux ans après, son directeur acheta la clientèle de la Revue européenne, de même qu’il avait fondu dans son recueil, quelques années avant, l’Athenæum français, dont le titre est encore conservé en tête du bulletin bibliographique. En 1868, à la suite d’une série d’articles sur la malheureuse expédition du Mexique, dus à la plume de M. de Kératry, la Revue contemporaine a pris une attitude indépendante et s’est engagée dans le mouvement libéral. Au nombre des principaux collaborateurs, nous mentionnerons M. Léo Joubert, secrétaire de la rédaction ; M.A. Claveau, chargé de la critique courante des livres et des pièces dramatiques ; M. F. Boilay, qui a rédigé assez longtemps la chronique politique ; MM. Boinvilliers, de Parieu, qui ont fourni à la Revue des études administratives, et MM. Troplong, Franck, Ambert des travaux historiques. MM. Sainte-Beuve, Lacaussade, L. Etienne, Saint-Julien, de Mouy, L. Moland ont traité divers sujets de littérature française et étrangère ; MM. Horn, E. Chesneau, L. Liévim, E. Chasles, L. Enault, C. Caro, P. Janet se sont occupés de questions d’art, de philosophie, d’économie sociale, etc.
19 Revue chrétienne (La), recueil mensuel, fondé en 1854 par M. Edmond de Pressensé, pasteur protestant. La thèse qui fait le fond et l’unité de cet intéressant recueil est la séparation de l’Église et de l’État. Quoique protestants, les collaborateurs de M. de Pressensé ne connaissent point de variations. « Séparez-vous », disent-ils sans cesse aux orthodoxes et aux libéraux. Et ils prêchent d’exemple ; ils ont abandonné à tout jamais cette Église nationale, où l’on entend tour à tour prêcher des doctrines opposées. Les deux principaux rédacteurs de cette Revue sont MM. de Pressensé et Bersier. Parmi les autres collaborateurs, nous citerons MM. Bonnet, J. Monod, A. Sehseffer, Rossew, Saint-Hilaire, Charles Waddington, Secretan, de Guerle, etc. Les articles que contient cette Revue ont trait à la philosophie religieuse, l’histoire religieuse, l’histoire générale ; on y trouve des biographies intéressantes, des études contemporaines, des revues de livres judicieusement faites. Libérale en politique, la Revue chrétienne est orthodoxe en religion. Au point de vue de la rédaction et du style, on y trouve un langage contenu, modéré, quelque peu dédaigneux, élégant et d’une fine raillerie à l’égard des hommes et des choses qu’on y combat.
20 Revue germanique (La), recueil littéraire, fondé à Paris en 1859, par MM. Ch. Dollfus et Nefftzer. Bien que des préjugés nationaux séparent la France de l’Allemagne, il s’est établi entre les deux pays des rapports intellectuels, lesquels ne furent jamais plus suivis. Toutefois, cet échange d’idées, de vues, de résultats divers ne correspond pas encore à la somme de services qu’il pourrait rendre. La France connaît mal l’Allemagne, et l’Allemagne ne comprend pas la France ; le génie saxon et le génie latin se tiennent à deux points opposés ; mais ces points étant des pôles d’un axe commun, il résulte de cette corrélation que les deux hémisphères juxtaposés doivent tourner d’un même mouvement. Une revue internationale, destinée à initier l’esprit français aux travaux de la pensée allemande et aux phases de la civilisation germanique, une publication analogue à la Revue britannique, était, ce semble, une entreprise utile, féconde, prospère. Dirigée par deux écrivains de talent et d’expérience, elle pouvait prétendre à un succès de bon aloi ; rédigée avec soin et intelligence, elle devait offrir un intérêt soutenu aux lecteurs réfléchis, aux esprits sérieux qui désirent ne pas rester étrangers aux conquêtes de la science. Née sous des auspices aussi favorables, la Revue germanique a tenu presque toutes les promesses que renfermait son programme ; elle a ouvert des sources ignorées, elle a creusé des filons oubliés de la critique, et cependant ses efforts ont échoué. Paraissant d’abord deux fois par mois, elle ne vint à publier ensuite qu’une livraison ou douze numéros par an ; enfin, en 1868, elle s’est transformée ou plutôt elle a cessé d’exister, la Revue n’ayant maintenu ni son titre ni son plan, encore moins ses tendances. Cet insuccès doit-il être mis au compte d’une fatalité aveugle, irresponsable ? Nous pensons, quant à nous, que l’entreprise, excellente en principe, a été mal conduite ; et comme sa déconfiture est un malheur public en un certain sens et que sa résurrection est chose possible et désirable, nous indiquerons les causes efficientes de sa chute et les moyens de la relever. Une Revue germanique doit se proposer pour but de faire connaître la France, c’est-à-dire à tous ceux qui parlent notre langue cosmopolite, l’histoire, les mœurs, la littérature, la philosophie, la science, la politique, l’industrie, l’art des peuples allemands. Mais comment ? En mettant toujours les objets étudiés en rapport avec le caractère français, en considérant les questions traitées relativement à l’importance qu’elles occupent dans les intérêts majeurs de l’époque, dans l’ensemble de la civilisation générale. Tout ce qui répugne essentiellement aux habitudes d’esprit et au goût des peuples méridionaux, tous les éléments que leur génie refuse de s’assimiler, tout cela doit être tenu à l’écart. Que nous importent les rêveries d’une métaphysique ténébreuse, les subtilités compliquées d’une critique transcendante, les innombrables trouvailles d’une érudition de mandarins lettrés, si ces découvertes restent sans utilité pratique, si ces exégèses, ces allégories, ces systèmes déroutent le sens commun ? À tout le moins faudrait-il rendre clair, intelligible, saisissable cet amas d’entités et trier ce fumier d’Ennius. Il conviendrait d’éviter de se faire soi-même Allemand. La Revue germanique n’a pas très-bien compris son rôle ; souvent elle a méconnu sa mission, soit en devenant un recueil européen, soit en se rattachant à une école philosophique aujourd’hui en défaveur au delà du Rhin (l’école de Hegel), soit en s’occupant trop des côtés excentriques de l’esprit allemand ou des infiniment petits de l’érudition. En 1868, la Revue germanique, acquise par M. Kératry, est devenue la Revue moderne.
21 Revue européenne (La), recueil périodique, publié à Paris de 1859 à 1862. Un caprice ministériel fit sortir cette revue des flancs du Moniteur ou plutôt de la Revue contemporaine. M. Rouland, ministre de l’instruction publique, trouvant sans doute insuffisant le concours officieux, prêté au gouvernement par la publication que dirigeait M. de Galonné, créa, dans les mêmes conditions et sur le même plan, un recueil destiné à contre-balancer l’influence de la Revue contemporaine et le crédit toujours croissant de la Revue des Deux-Mondes. Ces deux recueils rivaux recrutaient déjà le personnel de leur rédaction dans les rangs de l’Université et dans l’état-major des fonctionnaires en retraite ou en activité de service. La nouvelle revue ne procéda pas autrement ; mais, ne pouvant enlever à ses aînées qu’un petit groupe d’écrivains, elle dut combler les vides de ses cadres par des enrôlements précipités. Assurément les hommes de talent, de savoir et d’expérience ne firent pas défaut à la Revue européenne ; toutefois, les non-valeurs, les médiocrités de la bureaucratie y occupèrent parfois trop de place. Imprimée par les presses du Moniteur et subventionnée par le budget, elle ne pouvait vivre, elle ne pouvait durer. Une telle entreprise exige autre chose qu’un haut patronage, qu’une organisation puissante. L’initiative privée, mieux conseillée par ses intérêts directs, trouve la voie du succès plus sûrement qu’un secrétaire ou sous-secrétaire d’État, obligé de reporter son attention sur les services réguliers dont il a la responsabilité. Un éditeur non officiel s’attache à mettre en œuvre tous les éléments de vogue et de prospérité ; s’il fait fausse route, il modifie son plan et son programme ; n’ayant pas à défendre une cause personnelle, il peut laisser le champ libre à l’examen, au contrôle ; il le doit même, une revue ayant pour objet essentiel la discussion. Au contraire, un ministre imposera l’approbation ; une réserve craintive arrêtera l’essor et la spontanéité de la pensée chez des écrivains dont la position pourrait être compromise par eux-mêmes. C’est ce qui explique l’insuccès de la Revue européenne, obligée de suspendre sa publication, après son 17e volume, en décembre 1861. La Revue contemporaine recueillit sa succession.
22 Revue du monde catholique (La), recueil bimensuel, politique, théologique, philosophique, historique, littéraire, scientifique, etc. Fondée au mois d’avril 1861, dirigée on ne sait par qui, rédigée par des prêtres et par des écrivains laïques du groupe du Monde et de l’Univers, cette Revue, qui publie quatre volumes par an, s’est proposé pour but la défense de l’Église par l’enseignement et par la polémique. Appliquer la théologie, la philosophie, l’histoire, les sciences et les arts à l’apologie, à la glorification du catholicisme ; justifier les dogmes, la morale et la mystique de la religion romaine ; réhabiliter le droit canonique ; étudier les sciences, surtout les sciences naturelles, dans leurs rapports avec la religion ; démontrer la concordance de la doctrine orthodoxe et de la science ; démentir les découvertes gênantes qui contredisent les textes sacrés ; porter la défense sur tous les points attaqués ; suivre enfin le mouvement catholique sur toutes les routes du globe et dans toutes les branches de l’activité humaine, tel est le programme de ce recueil. En politique, il déclarait s’abstenir ; maintenant, il ne s’abstient plus. Le catholicisme et ses défenseurs n’ont plus, en effet, aucune raison d’être, s’ils renoncent aux affaires temporelles, au pouvoir séculier, au gouvernement des intérêts sociaux. Mais le but réel, à peine dissimulé dans le manifeste des fondateurs anonymes, lesquels paraissent appartenir à la compagnie de Jésus, est celui-ci : établir dans l’esprit des croyants les doctrines de l’ultramontanisme renforcé et combattre le gallicanisme. « L’Église, mère et maîtresse de toutes les Églises », voilà l’axiome fondamental que décrètent des gens sans mandat. Ce dogme de l’absolutisme papal pouvait inquiéter quelques évêques, jaloux de leurs prérogatives ; mais il est suivi d’un autre article de foi : « le pape et les évêques » qui rassure l’épiscopat, en maintenant l’absolutisme épiscopal à côté, c’est-à-dire au-dessous de l’autre. Cependant, l’Église étant catholique ou universelle, l’Église ou la catholicité n’aurait-elle pas le droit, elle seule, d’être consultée sur ces matières litigieuses ? La Revue du monde catholique aura encore beaucoup à faire si, renonçant aux invectives de la polémique pieuse, ou bien aux affirmations à priori et aux pétitions de principe, elle entreprend de mettre en harmonie la foi et la raison, la théologie et la science. Et comment le tenter, quand on ne croit pas à la science et qu’on répudie la raison ? Elle n’échappe pas à la fatalité qui pèse sur les doctrines exclusives, intolérantes, absolues. Suspects à la grande masse d’un public incrédule, tantôt dénoncé, tantôt insulté, les journaux religieux ne peuvent avoir pour adhérents que des croyants, des fidèles, des gens déjà convertis. Leur tâche est donc stérile ; le prosélytisme leur est interdit par la nature même de leurs opinions. D’ailleurs, il n’y a pas de clergé qui lise moins que le clergé français. Il s’occupe peu des nouvelles du monde entier ; il dispose de loisirs trop précieux pour s’aviser de les absorber dans la lecture des bons romans catholiques, destinés à neutraliser le venin des mauvais romans. Quant aux laïques, même fidèles, que leur importent et la critique littéraire en matière ecclésiastique et les actes ou décisions de la cour pontificale ? La Revue du monde catholique avait failli succomber dès son origine ; elle s’annexa une autre feuille religieuse, le Croisé, d’un enthousiasme exalté jusqu’à l’extravagance. Ne se trouvant guère réconfortée de ce romantisme ascétique, elle recueillit deux naufragés du journalisme quotidien, MM. Veuillot frères. Il serait difficile aujourd’hui de dire si, grâce à ce remède in extremis, elle se porte mieux ou plus mal.
23 Revue politique et littéraire (La). Cette revue hebdomadaire a paru d’abord sous le titre de Revue des cours littéraires, du 1er décembre 1870 au 30 juin 1871. Elle avait alors pour objet de faire connaître au public les leçons les plus intéressantes faites au Collège de France, à la Sorbonne, etc., et de permettre de se faire ainsi une idée de notre haut enseignement littéraire. Ce recueil fort bien fait eut un plein succès. Toutefois, à partir de juillet 1871, les directeurs de cette revue, MM. Eugène Yong et Émile Alglave, voulant élargir considérablement leur cadre, firent précéder le titre primitif de celui de Revue politique et littéraire. Depuis lors, tout en continuant de publier les principales leçons du Collège de France et des Facultés, ce recueil donne chaque semaine une chronique politique, un bulletin des sociétés savantes rendant compte des principales questions discutées à l’Institut, dans les sociétés de géographie, de linguistique, etc., une causerie littéraire dans laquelle sont analysés et jugés les ouvrages récemment parus. Tous les mois, la Revue publie un bulletin géographique et, de temps à autre, une revue diplomatique expliquant au point de vue français les évé[ne]ments importants qui ont lieu à l’étranger. Ce recueil, très-varié, embrassant tous les sujets et donnant une fidèle image du mouvement contemporain, compte ou a compté un très-grand nombre de rédacteurs, parmi lesquels nous citerons MM. Ad. Franck, Laboulaye, Littré, Alfred Maury, Jules Barni, Legouvé, Coquerel, de Pressensé, Ernest Duvergier de Hauranne, Taxile Delord, Beaussire, Caro, Lévêque, Janet, Huxley, Ribot, Vera, Sprel, Havel, Ritter, Maspero, Eggers, Boissier, Martha, Georges Perrot, Paul-Albert de Loménie, Édouard Fournier, Claretie, Philarète Chasles, Mézières, Levasseur, Himly, Alglave, Gaidoz, Buisson, Despois, Selden, Gebhart, Vischner, Mme Coignet, etc.
24 Revue scientifique de la France et de l’étranger (La). Cette revue hebdomadaire, dirigée par MM. Yung et Émile Alglave, est la continuation de la Revue des cours scientifiques qui fut fondée en 1863, en même temps que la Revue des cours littéraires. Ce fut en juillet 1871 que ses directeurs lui donnèrent le titre de Revue scientifique. Comme dans la première phase de son existence, elle publie les principales leçons scientifiques faites au Collège de France, à la Sorbonne, au Muséum, dans les Facultés de départements et dans les universités étrangères ; mais, tout en laissant la première place à l’enseignement supérieur proprement dit, elle a introduit dans son cadre des matières nouvelles. Elle fait connaître non-seulement les grandes découvertes, les théories scientifiques et les idées philosophiques dans le monde savant, mais encore le mouvement scientifique dans ses développements industriels, économiques, politiques et militaires. Enfin, elle expose les travaux des sociétés savantes, des congrès scientifiques, internationaux, etc. Parmi les rédacteurs de cette intéressante revue, nous citerons MM. Alglave, Broca, Claude Bernard, Berthelot, Agassiz, Darwin, Carpenter, Ville, Bagehot, Léon Dumont, Hartmann, Spencer, Huxley, Lubbock, Lartet, Lorrain, Pasteur, Sainte-Claire Deville, Lockyer, Jnnssen, Zölner, Fonvielle, Helmhokz, Tyndall, Bouchardat, Gaudry, Quételet, Virchow, Liebreich, Onimus, Verneuil, Laussedat, Le Fort, Quatrefages, Omalius d’Halloy, Ritter, Rosenthal, etc.
25 Revue suisse (La), publication périodique, fondée dans la Suisse romande et qui a rempli avec honneur une carrière de vingt-cinq ans. Elle débutait en 1838, à Lausanne, chez l’éditeur Marc Ducloux, qui en était lui-même un des rédacteurs ; elle fut tour à tour transportée à Lausanne et à Neuchâtel, et, malgré la concurrence de la Bibliothèque universelle, acquit, à défaut d’un succès bruyant, une solide estime. Nous remarquons, parmi les noms de ses principaux rédacteurs, dans le cours de ces vingt-cinq ans, de 1838 à 1862, pour la philosophie, MM. Ch. Secretan, E. Naville, Marc Debrit ; pour la littérature ancienne, MM. Hisely, Ch. Prince ; pour la critique littéraire, MM. Eugène Rambert, Max. Buchon, Cherbuliez, Amiel ; pour l’histoire et la biographie, MM. Monnard, Vulliemin, Gaullieur, Daguet, Hornung ; pour les sciences physiques et naturelles, MM. Desor, Dufour, Kopp, Vouga, Martins, Lesquereux, Hollard, Thurmann ; pour l’histoire et la critique religieuses, MM. Monsell, Félix Bovet, Gaberel ; enfin, pour les nouvelles et variétés, MM. Marc Monnier, Fritz et Ch. Berthoud, Scioberet, E. Souvestre, Dora d’Istria. Cette revue, riche et bien fournie, comme on le voit, se faisait encore distinguer par la place qu’elle accordait, non sans bonheur, à la poésie et surtout à la poésie suisse, représentée par MM. Durand, Fréd. Monneron, Blanvalet, Petit-Senn, Favrat, Olivier, etc. Après ce quart de siècle, rempli avec d’autant plus d’honneur qu’il est difficile de soutenir deux revues aussi considérables au moyen des seules ressources de la Suisse romande, la Revue suisse s’est fondue avec la Bibliothèque universelle, et ses rédacteurs ont presque tous contribué puissamment aux succès croissants de cette dernière publication. […]
26 Revue et gazette musicale de Paris (La), l’un des meilleurs, sinon le meilleur des journaux de musique qui se publient en France. Il est le produit de la fusion de deux autres feuilles spéciales, la Revue musicale, fondée, dirigée et rédigée pendant plusieurs années par M. Fétis, et la Gazette musicale, publiée quelques années plus tard par l’éditeur de musique Schlesinger, avec le concours d’écrivains et d’artistes extrêmement distingués. Le premier numéro de la Revue musicale parut dans les premiers jours de février 1827 ; il était composé de 24 pages in-octavo, formant brochure, avec couverture imprimée, et le recueil, qui était mensuel, continua de paraître ainsi jusqu’en 1830, époque où son format fut un peu agrandi et où il eut 32 pages au lieu de 24. Dans les premiers temps, M. Fétis rédigeait son journal presque à lui seul, et ce n’est que par la suite qu’il s’attacha quelques collaborateurs : Perne, bibliothécaire du Conservatoire et érudit musical consommé ; Adrien de La Fage, donc les travaux sont justement estimés ; M. Albert Sowmski et quelques autres. La Revue musicale était un recueil utile, assez généralement bien fait, et M. Fétis, qui, avec une rare modestie, ne manque jamais l’occasion de s’adresser des éloges à lui-même, a pu dire cette fois avec assez de raison : « Malgré ses imperfections, la Revue musicale a joui de beaucoup de faveur auprès des amateurs de musique ; aujourd’hui même qu’elle a cessé de paraître, parce que, éloigné de Paris, son ancien rédacteur n’y pouvait plus donner de soins, elle est considérée comme un livre de bibliothèque ; les exemplaires en sont recherchés et se vendent cher, parce que toutes les questions de quelque importance y ont été agitées et traitées avec développement, et parce qu’on y aperçoit partout les vues consciencieuses d’un artiste qui se dévoue à son art. Ce journal a, d’ailleurs, produit un grand bien en France ; il y a augmenté le nombre des amateurs de musique, a échauffé leur zèle, fait fonder en beaucoup de lieux des écoles et des concerts publics ; a formé des lecteurs à la littérature musicale et des critiques pour les journaux ; l’érudition en musique a même fait tant de progrès parmi les Français depuis la publication de la Revue, que les livres qui y sont relatifs, et qui étaient autrefois dédaignés, se vendent maintenant à des prix très-élevés. »
27La Gazette musicale, fondée, nous l’avons dit, par l’éditeur Maurice Schlesinger, fit paraître son premier numéro (in-4°) le 2 janvier 1834. Elle avait alors pour collaborateurs des écrivains, spéciaux et autres, de premier ordre ; parmi les compositeurs, F. Halévy, Berton, Adolphe Adam ; des musiciens moins illustres, mais très-estimables, tels que Joseph Mainzer, Anclers, Fr. Stoepel, Seyfried, H. Panofta ; puis MM. Alexandre Dumas, Jules Janin, Édouard Monnais, etc., etc. Bientôt, d’autres noms vinrent se joindre à ceux-ci : le célèbre pianiste Franz Liszt, qui ne songeait pas encore à prendre les ordres ; M. Stephen de La Madelaine, l’excellent théoricien ; d’Artigue, Castil-Blaze, le savant Bottée de Toulman, l’érudit Georges Kastner, Henri Blanchard, Rellstab, de La Fage, Félix Danjou et quelques autres. Ce groupe brillant et compacte devait assurer à la Gazette musicale un véritable succès qui l’accueillit dès ses premiers pas. En 1839, M. Fétis ayant renoncé à la publication de la Revue musicale, son éloignement de Paris entourant cette publication d’énormes difficultés, les deux recueils se fondirent en un seul qui prit le titre de Revue et gazette musicale de Paris, qu’il porte encore aujourd’hui. M. Fétis se joignit aux écrivains que nous venons de citer, et bientôt MM. Maurice Bourges, Richard Wagner, B. Jouvin vinrent coopérer à la rédaction du journal, où l’on vit encore apparaître successivement MM. Elwart, Denne-Baron, G. Bénédit, Gustave Héquet, Oscar Comettant, Adolphe Botte. Aujourd’hui, les principaux collaborateurs de la Revue et gazette musicale sont MM. Thomas Sauvage, Maurice Cristal, Arthur Pougin, Paul Bernard, Armand Gouzien, Matthieu de Monter, D.A.D. Saint-Yves, Edmond Neukomm, etc. Le journal a conservé son ancienne réputation de loyauté et il a sa place au premier rang de la presse artistique française, place conquise par son respect pour l’art et par le mérite de ses représentants et des écrivains qu’il a su grouper autour de lui.
28 Revue et gazette des théâtres (La). La Revue et gazette des théâtres, journal spécial dont la publication est bihebdomadaire, est née de la fusion de deux feuilles du même genre, la Gazette des théâtres et des comédiens, fondée en 1830, et la Revue des théâtres, créée un ou deux ans après. Pendant longtemps, la Revue et gazette des théâtres, qui d’abord ne paraissait qu’une fois par semaine, eut pour directeur et rédacteur en chef un certain Pommereux, littérateur sans aucun talent, qui n’avait qu’un souci : éreinter les comédiens qui n’étaient point abonnés à son journal, afin de les amener à composition, et flatter, au contraire, par des éloges hyperboliques et exagérés, ceux qui versaient exactement le montant de leur souscription dans la caisse de ce même journal. Il faut malheureusement constater que nous ne possédons pas en France une feuille théâtrale vraiment digne de ce nom, et que les quelques journaux qui se partagent cette spécialité suivent tous les mêmes errements et tirent exclusivement profit de la vanité des comédiens de Paris et de la province, qui tous demandent à être adulés dans des conditions douces, c’est-à-dire à raison de 30 ou 40 francs l’an. Aussi ces journaux ne jouissent-ils généralement d’aucune espèce de crédit ; leur critique n’est d’aucune valeur pour l’ordinaire et le public ignore jusqu’à leur existence. Vers 1857, à la mort de Pommereux, M. Achille Denis quitta le Messager des théâtres pour prendre la rédaction en chef de la Revue et gazette, qui commença alors à paraître deux fois par semaine. On doit rendre cette justice à M. Achille Denis que, tout en maintenant la ligne de conduite adoptée par les journaux de ce genre, il sut néanmoins donner à celui-ci quelque intérêt en traitant avec une véritable expérience les questions administratives et financières qui rentraient dans sa spécialité. Il avait pour collaborateurs MM. Félix Baudillon, J. de Filippi, Léo Werth, O. Paulin, Henri Trianon, K. Palianti, Georges Sienne, etc., etc. Pendant une dizaine d’années, M. Achille Denis dirigea ainsi la Revue et gazette des théâtres avec une habileté qu’on ne saurait nier, avec un zèle qui ne s’est jamais démenti et qui tenait de près au talent. En 1868, cet écrivain abandonna la rédaction en chef de la Revue et gazette pour reprendre, au bout de deux ou trois mois, celle du Messager des théâtres, où il emmena un certain nombre de ses collaborateurs. Le journal est, depuis ce temps, dirigé par M. Jules Magnier. […]
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