Entre le livre et le journal, le recueil périodique du xixe siècle
p. 9-25
Texte intégral
1La presse périodique catholique n’est autre que « le prône par la poste », un atout de plus pour la propagation de la foi, écrivait La Dominicale, le 2 novembre 1834. En juillet 1836, le vicomte Walsh préfaçait le premier numéro de La Revue catholique en la situant dans le monde de l’imprimé périodique. Destinée avant tout aux prêtres, La Revue catholique voulait combler un vide et donner aux prêtres des villes et des campagnes ce dont ils avaient besoin « pour ne pas rester en arrière dans ce siècle de progression générale », par le biais d’un recueil périodique spécialement conçu. « Tout le monde aujourd’hui ne va pas à la messe, mais tout le monde lit [des périodiques] », écrivait encore L’Ange gardien, en janvier 1857. L’engouement pour les recueils périodiques avait commencé au début des années 1830. La Revue critique des livres nouveaux (juin 1834) reconnaissait par exemple la vogue des recueils illustrés, tout en la déplorant :
Nous avons vu régner la fièvre des éditions compactes, celle des résumés, celle des réimpressions, enfin aujourd’hui nous avons la fièvre des pittoresques à bon marché. Le défaut de la plupart de ces recueils, tels que Le Magasin pittoresque, Le Musée des familles, La Lanterne magique, etc., est d’être simplement amusans, et de ne contenir qu’un mélange confus d’articles sans suite, et par conséquent sans véritable instruction. Tous ont cependant un prodigieux succès.
2Ces témoignages, empruntés à des recueils d’époques différentes, attestent un même phénomène : le recueil périodique, nouvel objet de lecture dans le paysage éditorial français du xixe siècle, sut se tailler une place importante assez rapidement auprès de lectorats variés. Mais qu’est-ce qu’une revue, un recueil ou un magasin ? La nature même du recueil périodique du xixe siècle – revue ou magasin – ne se laisse pas facilement appréhender, tant ces publications, leurs formats, leurs publics, leurs visées diffèrent. On situe généralement l’émergence du magasin au début de la monarchie de Juillet, avec l’apparition du Journal des connaissances utiles (1831) et du Magasin pittoresque (1833) – le modèle du Magasin avait été emprunté par Édouard Charton à l’Anglais Charles Knight1. Charton n’avait d’ailleurs pas hésité à reconnaître sa dette à l’endroit de Knight, dans un texte (daté du 31 décembre 1833) préfaçant la mise en volume des premières livraisons du Magasin pittoresque :
[…] si nous nous sommes hasardés les premiers, sans patronage, sans prospectus, à importer en France l’idée de livrer au plus humble prix un texte varié, entremêlé de gravures et divisé par livraisons, c’est seulement après avoir connu le succès des Magazines en Angleterre, et surtout celui du recueil publié à Londres, sous une haute et digne influence, par M. Charles Knight, écrivain économiste distingué, qui, par ses relations bienveillantes avec nous, a contribué à rendre moins décourageantes les premières difficultés de notre entreprise.
3Sous l’Empire et sous la Restauration, il existait cependant des revues, qui s’adressaient surtout à des publics ciblés (les distinctions à établir entre revue et magasin seront explorées un peu plus loin). Le format des revues du premier tiers du siècle (tout comme leur public et leur visée) les rapproche de celui de l’ancien régime (typographique) plutôt que de celui qu’on verra naître et évoluer à partir du début des années 1830 avec les magasins. Ces premières revues ressemblent à s’y méprendre au livre : la division entre les articles n’était guère plus marquée que celle qui marque le passage d’un chapitre à l’autre dans un livre ; la périodicité n’était pas toujours indiquée ; seuls un filet ou un bandeau venaient parfois ponctuer la lecture et alléger une mise en page somme toute assez austère. Au contraire, les recueils périodiques du début de la monarchie de Juillet installèrent des caractéristiques qui seront celles, reconnaissables très vite, du magasin tel qu’il finira par s’offrir au public lecteur : bandeau illustré, gravures, articles de longueur variable, abondance de sujets, rubriques labellisées, réclame, publicité, table des matières, identification des collaborateurs, prix des abonnements, réseaux de distribution clairement annoncés, périodicité bien indiquée. Le lecteur ne pouvait plus guère, même d’un coup d’œil rapide, confondre livre et magasin tant les formats avaient évolué : le magasin s’était distingué du livre, avait pris ses distances, sans pour autant renier entièrement la filiation qui les unissait – ce dont il sera question plus loin. La revue, elle, ne prit ses distances que dans une relative mesure et elle continuera de cultiver et de marquer sa filiation au livre.
4C’est suivant cette double voie, évoluant en parallèle – revue, proche du livre par le format et la mise en page ; magasin, illustré et attirant pour l’œil – que se développera le recueil périodique jusque vers les années 1880 environ2. La fin du siècle marquera un troisième moment du développement du recueil périodique. Les petites revues de la Belle Époque, avant tout littéraires, brouillèrent à nouveau les frontières entre le recueil périodique et le livre, tant par leurs contenus que par leurs publics, leurs producteurs et leur format même, apparenté au livre d’artiste plus qu’aux publications périodiques qui précédèrent3. Ces revues littéraires de la Belle Époque présentent un intérêt considérable (de tous les points de vue), et elles ont fait l’objet de plusieurs recensements : il suffit de penser aux bibliographies de Gourmont, d’Arbour, ou de Place et Vasseur, entre autres. De nombreuses études leur ont été consacrées4. Les conclusions qu’on peut tirer de l’examen de ces petites revues littéraires ne s’appliquent toutefois pas à l’ensemble du siècle, ni à tous les genres de revues (scientifiques, pour enfants, pour la famille, de délassement, religieuses, etc.), dont les visées éditoriales étaient clairement moins esthétisantes. Depuis l’Empire jusqu’à la Troisième République, il y eut des années de recherche et de tâtonnements, d’essais éditoriaux et d’expérimentation de toute nature. Les décennies qui précédèrent les années 1880 virent émerger, par à-coups, un type de publication qui cherchait à définir sa spécificité : un objet de lecture nouveau, entre le livre et le journal. Le recueil périodique ne peut être amalgamé à la presse quotidienne, et ce n’est pas un livre non plus (encore que la revue se réclamera souvent du sérieux et de la qualité du livre). Entre le livre, pérenne et destiné à demeurer sur les rayons d’une bibliothèque, et le journal, éphémère (et dont les usages post-lecture sont bien attestés encore au xxe siècle5), que fut donc le recueil périodique du xixe siècle ?
Un phénomène éditorial singulier
5La présente étude est née d’une autre recherche, portant sur les échanges, tractations, contrats et collaborations entre éditeurs français et britanniques durant la monarchie de Juillet et les premières années du Second Empire. Nous cherchions à documenter ces rapports commerciaux (et parfois amicaux) entre producteurs de livres français et anglais, rapports qui prenaient la forme de traductions, de coéditions ou d’échanges de gravures, entre autres choses. Le dépouillement d’une centaine de revues et de magasins du xixe siècle (appartenant à la Collection du xixe siècle français Joseph Sablé de l’Université de Toronto) avait constitué une partie importante de cette recherche6. Ces dépouillements tendaient à considérer les périodiques, avant toute chose, comme sources d’information, comme des « mines à exploiter », pour reprendre les termes d’Alain Vaillant7. Information colorée, certes, par les positions politiques ou littéraires du recueil considéré, ou par la qualité des collaborateurs, indices et marques qui étaient alors pris en compte pour l’interprétation de l’information repérée. Or, la lecture intensive de centaines de numéros de recueils périodiques a permis d’entrevoir la richesse et l’intérêt d’une étude qui considérerait le recueil périodique comme faisant partie du monde de l’imprimé, c’est-à-dire le recueil dans ses tensions et ses ressemblances avec, à la fois, le livre et le journal. C’est le recueil périodique lui-même, à travers les dépouillements, qui jeta un peu de lumière sur la nature de ce type de publication, ses origines, ses lectorats et ses rapports avec le monde de l’imprimé.
6Deux constats se sont imposés. Dans un premier temps, on remarque que le recueil périodique est un phénomène éditorial singulier au xixe siècle. C’est, littéralement, un corps étranger, qui trouvera cependant bien vite à s’adapter. Le recueil périodique, tel qu’il va s’installer et se développer en France au xixe siècle, est un objet né en Angleterre et importé de l’autre côté de la Manche en deux grandes étapes. C’est la revue (review) qui apparaît la première (au début des années 1800) ; elle sera suivie du magasin (magazine) durant les premières années de la monarchie de Juillet. Ces deux types de publications périodiques (la revue et le magasin, desquels dérivèrent des modèles hybrides, qu’il est parfois difficile de classer : le journal reproducteur, par exemple) présentent des caractéristiques distinctes, dont il sera question plus bas.
Un observatoire du monde de l’imprimé
7Dans un second temps, les dépouillements révèlent que les revues et magasins, tout au long du xixe siècle, ont accordé une attention considérable à l’univers de l’imprimé. On ne devrait pas s’en étonner. Le recueil périodique, entre livre et journal, dut se forger une identité. Cette quête identitaire s’organisa autour des deux grands pôles connus et reconnus : le journal et le livre. Le recueil périodique dut s’affirmer par rapport au journal, dont les allégeances politiques (sinon, parfois, la soumission au pouvoir), la vitesse de production, l’absence de profondeur et le caractère de consommation immédiate furent critiqués par les nouveaux compétiteurs. Puis par rapport au livre, qui a le temps de la réflexion et dont le statut est certain, mais qui n’offre ni diversité ni suivi de l’actualité.
8Le recueil périodique, par nécessité de positionnement et de légitimation, développa un discours promotionnel promettant la réunion des avantages des deux types de publications – livre et journal –, sans aucun de leurs inconvénients. En 1832, dans un prospectus rédigé pour La Revue des deux mondes, Sainte-Beuve décrivait les revues comme une « méthode de pensée et d’enseignement, qui participe à la fois du caractère actuel des journaux et de la discussion grave des livres »8. Cette déclaration de principe ne manquera d’être reprise et on en retrouve la trace une décennie plus tard. Le 7 mai 1843, La Revue de Paris écrivait encore : « En effet, la lecture des journaux ne livre sur toute chose que les notions les plus superficielles, et c’est dans les recueils périodiques qu’on a l’habitude, tant en Angleterre qu’en France, de chercher des faits moins vulgaires et des jugemens plus approfondis.»9 Appartenant de fait à l’univers de l’imprimé, le recueil périodique devait prêter attention à ce qui s’y passait – et d’autant plus que l’existence même du recueil périodique relevait en bonne partie des développements technologiques, qu’il s’agisse des capacités de production (presses à vapeur, à cylindres, papier continu, gravure et lithographie, photographie…) ou de distribution (chemin de fer, routes, télégraphe). Cette inscription du monde de l’imprimé dans le recueil périodique va bien au-delà de la présence des chroniques bibliographiques et des listes de publications nouvelles. Du début à la fin du siècle, on trouve des articles sur une pléiade de sujets touchant le monde de l’imprimé : par exemple sur la censure, qui parfois touche assez brutalement les recueils périodiques ; sur les progrès techniques (certains recueils font construire des presses à leur propre usage et ne manquent pas d’en avertir le lecteur ; cette modernisation de l’équipement était généralement accompagnée de promesses d’amélioration qualitative : gravures plus fines, lecture plus aisée, meilleur papier) ; sur l’état des bibliothèques publiques, la statistique de l’imprimé (dans laquelle les périodiques se font la part belle), sur les ventes d’autographes (qui iront se multipliant) et le développement de la bibliophilie, sur les machines à fabriquer le papier, les machines à encrer, les recherches menées sur la composition mécanique, la reliure, la gravure, la lithographie, les ventes, le commerce de l’imprimé et la contrefaçon, la formation des imprimeurs et des typographes, le commerce international et la circulation des idées, enfin, sur tout ce qui touchait, de près ou de loin, à cet univers auquel appartenaient les recueils périodiques.
9Les grandes revues ont fait l’objet de monographies (La Revue des deux mondes, La Revue de Paris, Le Mercure de France, etc.), de même que bon nombre de revues littéraires ; il en va de même des journaux. Ce qui a ici retenu l’attention, c’est plutôt l’ensemble diversifié de la production du recueil périodique, dans la mesure où le phénomène du recueil, distinct du journal quotidien, est un réel mouvement dans le monde de l’imprimé du xixe siècle, sa diversité même étant d’une très grande richesse : revues populaires, artistiques, scientifiques, religieuses, politiques, pour enfants, pour les femmes, pour la famille, pour les corps de métier, pour les fonctionnaires, les juges, les avocats, les ingénieurs… Au moment où naît le métier de journaliste, alors que les écrivains reconnus prêtaient leur plume aux journaux, les recueils périodiques, dans leur diversité, offraient leurs pages à tous, aux plus grands talents (publicité et rétention des abonnés y obligeant) tout aussi bien qu’aux débutants ou à ceux qui finirent par vivre de cette forme d’écriture10 (et de gestion d’entreprise – car les recueils, comme les journaux ou les maisons d’édition, furent des entreprises11). Il fallait bien remplir les pages de ces publications prépayées par l’abonné, qui attendait toutes les semaines ou tous les mois sa dose de lecture et d’information (on reviendra sur la question de l’abonnement un peu plus loin). La centaine de périodiques dont les dépouillements sont présentés ici couvrent le siècle (1800-1914) et appartiennent à des ordres bien différents de publications : Le Journal des connaissances utiles (1831, vulgarisation) côtoie L’Ami de la religion et du roi (1814, catholique), Le Salon littéraire (1841, reproducteur), La Science sociale suivant la méthode de F. Le Play (1886, « vulgarisation et propagande »), La Sylphide (1840, modes), Les Cancans de Bérard (1831, légitimiste), Le Monde moderne (1895, actualité), Le Journal amusant (1856, populaire illustré), ou L’Ouvrier (1861, éducation ouvrière12). C’est cette diversité, cette variété même (à l’image de celle des magasins…) qui ouvre la porte aux remarques qui vont suivre, sur la nature, le rôle et l’impact du recueil périodique au xixe siècle en France, tant comme objet éditorial singulier que comme observatoire et relais d’information des bouleversements du monde de l’imprimé.
La revue et le magasin, éléments de typologie
10La locution recueil périodique, communément utilisée au xixe siècle, inclut à la fois la revue et le magasin. Mais ces deux types de publications diffèrent sensiblement, par leur périodicité, leur contenu et leur public-cible. Pour le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, deux caractéristiques unissaient ces types de publications : les recueils étaient originaires de l’Angleterre et ils paraissaient à des époques déterminées (proches ou éloignées)13.
11Le magasin était presque toujours illustré, alors que la revue ne l’était qu’occasionnellement. On peut ajouter un certain nombre d’éléments à ces observations de base, ce qui permet d’affiner la typologie des recueils périodiques : d’abord, il existe une hiérarchie entre le magasin et la revue. Le premier vise un public plus vaste, plus populaire ; sa périodicité est rapide (hebdomadaire ou mensuelle plutôt que trimestrielle, par exemple). Ses contenus sont diversifiés, variés, les articles plutôt courts, ponctués de vignettes ou d’illustrations, la mise en page sur deux ou trois colonnes. Variété est bien le maître mot du magasin, qui devait enseigner sans ennuyer, délasser sans (trop ouvertement) moraliser et ouvrir à la diversité du monde le lecteur qui ne pouvait voyager. Instruire, amuser, moraliser : c’est encore la triple voie qu’empruntera Le Passe-Themps en 1856 : « instruire sans pédanterie, amuser sans mauvais goût, moraliser sans ennui » (3 mai 1856). Le recueil devait donc plaire sans nuire, pour reprendre la devise du Magasin catholique illustré (1850-1858). La rubrique labellisée finit par revêtir une importance grandissante, car elle fidélisait le lecteur (c’est-à-dire l’abonné). Dans bon nombre de magasins, le chroniqueur s’adressait directement au lecteur, par le rappel d’événements passés, ou par l’évocation d’une chronique ayant paru plusieurs mois auparavant, ce qui établissait un dialogue, une conversation, un lien en quelque sorte personnel et continu entre le magasin et son lecteur14. La toute première livraison du Magasin pittoresque s’ouvrit par une déclaration intitulée « À tout le monde », donnant ainsi le ton du type de rapport que le recueil souhaitait établir avec ses lecteurs, tous ses lecteurs. Il s’agissait encore parfois d’un mea culpa : par exemple, en décembre 1839, Le Journal des jeunes personnes recommandait avec chaleur Les Français peints par eux-mêmes, vantant la qualité des textes, « le luxe des vignettes », la « perfection des gravures »15. Six mois plus tard, en juillet 1840, le chroniqueur, choqué de certains passages contenus dans les livraisons qui venaient d’être mises sur le marché, se rétracta : « Oubliez donc, mesdemoiselles, ce que nous vous avons dit il y a six mois […]. » L’abonné était parfois même invité à participer à l’élaboration de la revue en écrivant à la rédaction, en proposant des sujets d’articles. Le Magasin des familles souhaitait être « une œuvre collective dont chaque abonné est l’influent collaborateur » (Prospectus, septembre 1849), ce qui amenait Léo Lespès, directeur de la publication, à intituler ses communications avec les abonnés du Magasin des familles : « Entretiens intimes où le directeur se permet de causer avec ses abonnés ».
12La revue, elle, tendait à s’adresser à un public plus lettré, ou encore à un public spécialisé16. Sa périodicité, de manière générale, était plutôt mensuelle, trimestrielle, ou même semestrielle et annuelle. Les articles étaient beaucoup plus longs, parfois accompagnés de notes de bas de page et d’une bibliographie, de plans, de cartes ou de graphiques servant de supports visuels. La variété ne jouait pas le même rôle que pour le magasin – on ne cherchait pas à amuser le lecteur, mais plutôt à l’informer, de manière systématique et organisée17. Pas de clin d’œil au lecteur en ces pages, ni d’appel du pied. Les communications entre le recueil et les abonnés prenaient surtout la forme de lettres adressées au rédacteur, ou encore de compléments d’information sur des articles donnés. Les rubriques labellisées tendaient à se concentrer autour de sujets déterminés ou de mises au point sur l’actualité (« semaine politique », « mouvement diplomatique », « littérature étrangère »). La mise en page était sobre, encore une fois plus proche de celle du livre que de celle du magasin. Bon nombre de magasins avaient adopté une mise en page sur deux ou trois colonnes, phénomène plus rare dans les revues ; les formats tendaient également à respecter celui du livre, en in-octavo ou en in-quarto. En un mot, une fois reliés, les numéros de revue ne se distinguaient guère des livres sur une étagère de bibliothèque.
13Quand paraît le tome du Grand Dictionnaire universel du xixe siècle contenant le mot revue (vers 187518), l’apothéose du magasin, tel qu’il s’était développé depuis les années 1830, est pour ainsi dire terminée et l’entrée en scène du magazine moderne vient tout juste de s’amorcer. L’article « Magazine » du Grand Dictionnaire est presque entièrement consacré aux périodiques anglais ; seuls une quinzaine de titres français y sont énumérés. L’article « Revue » est beaucoup plus substantiel : une cinquantaine de recueils portant le mot revue en leur titre sont répertoriés et une quinzaine font l’objet d’une notice détaillée19. L’appellation magasin disparaît presque complètement après 1880 et le mot revue en viendra à désigner les deux types de publications périodiques. C’est sans doute pourquoi le mot magasin ne figure plus, quelques années plus tard, dans La Grande Encyclopédie (publiée sous la direction de Marcellin Berthelot, entre 1885 et 1902). L’article « Revue » de La Grande Encyclopédie, rédigé par Lucien Quittard (lui-même « publiciste », comme le signale la table des collaborateurs), englobe tant les publications savantes que les publications populaires, toutes réunies sous l’appellation de « revue »20.
Trois périodes de développement du recueil périodique
14On peut, grosso modo, distinguer trois périodes de développement de ce nouvel objet de lecture qu’est le recueil périodique, revue ou magasin. La première période va du début du siècle jusqu’à l’aube des années 1830 : c’est le moment où le recueil périodique ne se distingue guère du livre, sur le plan matériel. Ces publications périodiques – essentiellement des revues – étaient destinées à des publics ciblés et les périodicités variaient, avec une dominante du mensuel. La deuxième période va des années 1830 au début des années 1880. Ces décennies sont marquées par un foisonnement éditorial remarquable, un désir d’expérimentation sur le plan de la matérialité du recueil périodique, l’introduction de gravures, de vignettes, de culs-de-lampe, de bandeaux, toutes initiatives qui permirent au magasin, nouveau venu, de se distinguer du livre, du journal et de la revue tout à la fois. Enfin, la troisième période (1880 à 1914 environ) est marquée d’une part par l’irruption des écrivains en tant que concepteurs dans le domaine du recueil périodique (les fameuses « petites revues littéraires », conçues, pensées, dirigées, produites par des écrivains et par l’avant-garde littéraire et artistique), et d’autre part par la naissance de revues à très grand tirage, qui introduisirent, entre autres innovations, la photographie en leurs pages et qui se réclamèrent de l’influence américaine, c’est-à-dire des magazines21.
15Ce qui semble définir le recueil périodique, c’est d’abord, bien sûr, sa périodicité : le recueil périodique n’est pas quotidien, comme le journal proprement dit ; il n’est pas non plus une publication unique, comme le livre ; il s’offre de manière continue et régulière, et la fréquence de l’offre pouvait être déclinée selon des temporalités différentes. Il pouvait être publié deux ou trois fois par semaine (L’Ami de la religion et du roi) ou tous les cinq jours (Le Voleur) ; hebdomadairement (La Semaine) ; toutes les deux semaines (La Chronique) ; mensuellement (Le Monde moderne), trimestriellement (Les Annales de la propagation de la foi) et même semestriellement22. Le format du recueil contribuait également à son caractère distinct. Sous l’Empire et la Restauration, les recueils périodiques, essentiellement des revues, s’offraient dans une mise en page et dans un format comparables à ceux du livre, mais très éloignés du journal quotidien. À partir du début des années 1830, les recueils périodiques, les magasins en particulier, changèrent matériellement. Ils devinrent plus reconnaissables, leur format se standardisa peu à peu (déclinant souvent des variations sur le folio pour le magasin) et les renseignements sur les abonnements, la périodicité, la rédaction, etc. sont plus clairement indiqués, qu’il s’agisse des revues ou des magasins d’ailleurs. Les chroniques et les rubriques deviennent plus clairement marquées23. En un mot, le recueil périodique s’éloigne de la mise en page du livre, il élabore un format qui lui est propre. Les périodiques des années précédentes, notamment sous la Restauration, n’avaient pas ce caractère : les articles se suivaient, séparés le plus souvent par un simple filet – la seule chronique qui est très tôt marquée dans sa forme, c’est la chronique bibliographique. Notons aussi au passage que les recueils de la deuxième période servaient souvent de librairies pour les abonnés. On proposait à bon prix des ouvrages récents, en particulier (il ne faut pas s’en étonner) ceux qui faisaient l’objet d’une recension dans les pages mêmes du recueil. La Lecture, mensuel catholique, offrait à ses abonnés le privilège de la remise de l’éditeur (15 novembre 1847). L’Époque, en 1835, annonçait un service rapide de librairie pour les ouvrages allemands. À la fin de chacune des livraisons du Littérateur universel (1836), on retrouvait la mention suivante : « Tous les ouvrages annoncés dans Le Littérateur universel se trouvent au bureau du Journal. » L’Illustration (à partir d’avril 1849) offrit des livres au « prix coûtant » à ses abonnés, commerce « accessoire » de la publication principale et destiné tout à la fois à fidéliser les abonnés et à en recruter de nouveaux, appâtés par cette abondance supplémentaire de lecture à bon marché offerte par le périodique :
Les éditeurs de L’Illustration, à partir de ce jour, considérant leur journal comme leur entreprise principale, sont décidés à faire du riche fonds de livres qu’ils possèdent l’accessoire de cette grande opération si bien accueillie du public. Leurs abonnés deviennent des clients auxquels ils livrent, par privilège et à prix coûtant, des ouvrages qui resteront absolument aux prix forts pour toute personne qui en ferait la demande sans être inscrite sur les registres d’abonnement de L’Illustration. Ce n’est point une librairie au rabais qu’ils vont exploiter, c’est une clientèle d’abonnés qu’ils veulent augmenter et qu’ils prétendent attacher à leur journal par une sorte d’association entre eux et le public qui les suit avec une bienveillance dont ils doivent se montrer reconnaissants.
16La loi fermait les yeux sur ce commerce d’appoint, pratiqué dans plusieurs secteurs d’activité ; pharmacies ou bureaux d’omnibus, par exemple, se prévalaient aussi de ce privilège, proposant pour l’un des brochures médicales, pour l’autre des guides de voyage24. Les recueils périodiques offrirent des livres à leurs abonnés à peu près jusqu’à la fin du siècle.
L’échantillon étudié
17Il est difficile d’établir avec précision combien de recueils périodiques furent lancés, publiés, vendus, distribués entre 1800 et 1914. Il y eut des enquêtes, menées par les recueils périodiques eux-mêmes, mais le mode de comptabilisation des résultats est incertain et les chiffres présentent des variations importantes. Le Voleur publia en 1829 une « Statistique des journaux et recueils non politiques publiés à Paris » recensant plus de 150 titres. Beuchot, dans La Bibliographie de la France la même année, établit une autre liste qui ajoutait à la précédente une soixantaine de titres, dont, prudemment, il ne garantissait pas tout à fait l’existence25. Les mêmes remarques de prudence accompagnèrent la liste des recueils périodiques, publiée le 26 juin 1842 (p. 4) dans le Feuilleton du Journal de l ’imprimerie : « On ne peut garantir que cette liste soit complète et exacte. » Ne serait-ce même que pour la seule région parisienne, le chiffre exact des publications est difficile à établir pour tout le siècle, surtout quand on considère l’ensemble des recueils périodiques, et non pas seulement les grandes revues, les revues littéraires ou les magasins ayant marqué leur époque. Une recherche bibliographique par titres dans les catalogues des grandes bibliothèques est une entreprise quelque peu périlleuse. En effet, si certaines publications intègrent dans leurs titres les mots revue, journal, annales, magasin, bulletin, indiquant par là une périodicité qui n’est pas celle du quotidien, nombre de périodiques portent des titres parfois difficiles à repérer de manière intuitive, sans parcourir dans leur entier les catalogues des bibliothèques26.
18Le corpus dépouillé présenté ici comprend 103 recueils périodiques, publiés entre 1801 et 1914. La constitution de ce corpus s’est effectuée sur une période d’environ vingt-cinq ans. Un premier don, substantiel et important, fut celui du père Joseph Sablé, avide collectionneur et longtemps professeur à l’Université de Toronto. Le père Sablé s’intéressait surtout à la première moitié du siècle ; il n’hésita pas à jeter largement son filet et à recueillir des objets alors peu prisés des collectionneurs. Son fonds comprend, entre autres, des recueils catholiques (Le Conservateur [1818] ; Le Défenseur [1820], La Dominicale [1833]…) ; des recueils pour enfants (Le bon génie [1824] ; Le Caméléon [1834] ; La Gazette de la jeunesse [1841]…) ; des recueils de grande diffusion (Le Journal des connaissances utiles [1831] ; Le Magasin pittoresque [1833] ; L’Illustration [1843], Le Journal amusant [1856]…) ; des recueils littéraires et artistiques (L’Artiste [1831] ; L’Écho de la Jeune France [1833]…) ; des journaux reproducteurs (Le Voleur [1829] ; L’Écho des feuilletons [1841] ; Les Veillées littéraires illustrées [1849]…) ; quelques « grandes revues » (La Revue des deux mondes [1829] ; La Revue de Paris [1829] ; La France littéraire [1832]…). La collection fut enrichie et diversifiée par l’addition de recueils tels le Journal des travaux de l’Académie de l’industrie française agricole, manufacturière et commerciale (1831), La Science sociale suivant F. Le Play (1886) ou Le Monde moderne (1895), l’un des premiers recueils à utiliser la photographie. L’échantillon étudié comprend donc une bonne variété de recueils périodiques français publiés entre 1801 et 191427.
19Le classement de ces recueils peut s’établir selon des critères différents, qui d’ailleurs se recoupent : périodes (Empire, Restauration, monarchie de Juillet, Deuxième République, Second Empire, Troisième République) ; format (revue ou magasin) ; public visé (populaire, savant, lettré, bourgeois ; femmes, enfants, adolescents, clergé…) ; objectifs éditoriaux (propagande religieuse ou politique, modes, délassement et reproduction, vulgarisation scientifique, dissémination savante28), pour ne donner que quelques exemples de la diversité qui attend le chercheur. Ce qui a retenu ici notre attention, c’est d’abord et avant tout le type de publication – c’est-à-dire le recueil périodique, tel qu’il se distingue du livre et du journal : peu importe à qui il s’adressait. Les revues littéraires ont déjà été étudiées ; mais ces recueils ne représentent qu’une portion de la production du recueil périodique au xixe siècle. Le foisonnement du recueil périodique, la diversité de ces publications, la longue durée, et la difficulté où l’on est d’établir un inventaire systématique et complet même pour la seule région parisienne exigeaient un examen de la représentativité de l’échantillon proposé. La liste des recueils périodiques parisiens publiée en 1832 par Lewis Goldsmith permet une sorte de test statistique, tant pour les types de publications que pour leur périodicité. Et surtout, la liste Goldsmith, en date de 1832, donc, se situe à une année charnière, à l’aube de l’introduction des magasins comme le Pittoresque. La Statistics of France, publiée par Goldsmith, fut un ouvrage entrepris à la demande de Villèle (vers 1825 et peut-être à des fins de surveillance politique), et poursuivi sous Martignac et Polignac29. Goldsmith y recensait environ 135 titres de recueils périodiques (à l’exclusion des journaux quotidiens) publiés à Paris en 1832, c’est-à-dire des publications parfois assez anciennes (Le Journal des dames et des modes, 1797) tout aussi bien que des précurseurs des magasins comme Le Journal des connaissances utiles (1831 – voir la liste de Lewis dans la « Liste des périodiques publiés en 1832 »). Ces titres appartiennent encore, dans une bonne mesure, à l’ancien régime des recueils périodiques – l’on notera que les appellations les plus prisées sont celles d’Annales et de Journal30. Cette liste révèle la variété des périodicités, allant de tous les deux jours (Journal des villes et des campagnes, 1815) au mensuel, en passant par les publications paraissant trois fois par semaine, tous les cinq jours, hebdomadairement, ou deux fois par mois. Jusqu’en 1832, selon la liste établie par Lewis, la majorité des recueils périodiques semblaient s’adresser d’abord à des publics spéciaux, qu’il s’agisse des professionnels de la santé, des juges et des avocats, du clergé, des musiciens ou des amateurs de modes ou de musique sacrée. Quelques recueils plus tardifs (fondés dans les dernières années de la Restauration) visaient un public plus général, Le Voleur par exemple, ou encore un public lettré, telles La Revue des deux mondes ou La Revue britannique. Peu de chose pour les enfants, donc, et encore moins pour la famille, qui deviendra le public-cible des magasins à partir de 183331. Les mensuels dominaient numériquement en 1832, représentant environ les deux tiers des titres recensés par Lewis. Il s’agissait surtout de périodiques spécialisés, sérieux. L’examen de notre propre échantillon pour la même période (une trentaine de titres, y compris des recueils dont l’existence fut courte) conduit aux mêmes conclusions. Après 1833, les mensuels continueront de dominer, et les hebdomadaires augmenteront en nombre, soutenant les nouvelles habitudes de lecture que les recueils périodiques destinés à un public non lettré, non savant et familial contribuèrent à développer. C’est aussi ce que confirme la liste des périodiques publiée dans le Feuilleton du Journal de l’imprimerie du 26 juin 1842. Le nombre de recueils périodiques recensés a considérablement augmenté, dépassant les 450 titres ; les mensuels représentent plus de la moitié des recueils recensés, alors que les hebdomadaires constituent un quart du relevé32.
Notes de bas de page
1 La Revue encyclopédique (1819) est donnée par Marc Martin comme étant « le premier-né de la famille » des revues (« Journalistes et gens de lettres, 1820-1890 », Mesure(s) du livre, Alain Vaillant dir., Paris, Bibliothèque nationale, 1992, p. 110). Il s’agit bien sûr d’une revue portant le mot revue en son titre, ce qui n’est pas toujours le cas des publications comparables. Sans devoir remonter jusqu’au Mercure, il a été possible de retracer d’autres revues lancées au tout début du xixe siècle (se reporter au « Tableau chronologique des recueils dépouillés »). Sur Charles Knight et son influence, voir Marie-Laure Aurenche, Édouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Paris, Honoré Champion, 2002, et Valerie Gray, Charles Knight. Educator, Publisher, Writer, Aldershot, Ashgate Publishing, 2006.
2 La périodisation proposée diffère de celle établie par Jean-Pierre Bacot, qui s’est penché sur la presse illustrée plutôt que sur le recueil périodique en tant que tel, illustré ou non. La presse illustrée au xixe siècle. Une histoire oubliée, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2005.
3 Voir l’article d’Évanghélia Stead, « De la revue au livre : notes sur un paysage éditorial diversifié à la fin du xixe siècle », Revue d’histoire littéraire de la France, n° 4, vol. 107, 2007, p. 803-823. La revue littéraire fin de siècle aspirait au statut de livre, et elle y atteignit grâce à de magnifiques productions typographiques, dont Stead rappelle de nombreux exemples.
4 Le lecteur pourra se reporter à l’excellente bibliographie qui clôt l’ouvrage collectif dirigé par Évanghélia Stead et Hélène Védrine, L’Europe des revues (1880-1920). Estampes, photographies, illustrations, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2008 ; à l’ouvrage collectif dirigé par Jacqueline Pluet-Despatin, Michel Leymarie et Jean-Yves Mollier, La Belle Époque des revues, 1880-1914, Paris, IMEC, 2002, pour une vision d’ensemble et des études de cas éclairantes ; enfin, à la chronologie des petites revues établies par Bénédicte Didier, Petites revues et esprit bohème à la fin du xixe siècle (1878-1889), Paris, L’Harmattan, 2009.
5 François Cavanna rappelait que sa mère rapportait des journaux de chez sa patronne et qu’elle s’en servait pour allumer le feu et garnir la poubelle (Les Ritals, Paris, Albin Michel, 1996).
6 Le « Tableau chronologique des revues dépouillées », en annexe, offre la liste des périodiques étudiés.
7 On lira la préface signée par Alain Vaillant dans 1836 : l’an I de l’ère médiatique. Étude littéraire et historique du journal La Presse d’Émile de Girardin, Paris, Nouveau Monde, 2001. Mais la voie avait été ouverte dès les années 1950 par Jean Prinet, conservateur du département des Périodiques de la Bibliothèque nationale : Regards sur l ’histoire de la presse et de l’information. Mélanges offerts à Jean Prinet, Jacques Godechot dir., Saint-Julien-du-Sault, F. B. Lobies, 1980.
8 Cité par Simon Jeune, « Les revues littéraires », Histoire de l’édition française, Roger Chartier et Henri-Jean Martin dir., Paris, Fayard / Cercle de la Librairie, 1990, tome 3, p. 455. Cette manière de décrire le caractère spécifique du recueil périodique, entre le livre et le journal, reviendra régulièrement dans les prospectus.
9 On retrouve ces mêmes formulations jusqu’à la fin du siècle, quasi dans les mêmes termes – on consultera Michel Leymarie, « La belle époque des revues ? », La Belle Époque des revues, ouvr. cité, p. 11. Dans le même ouvrage, on consultera aussi le texte de Jean-Charles Geslot et Julien Hage à propos du flou entourant la définition de ce qu’est une revue (p. 30-32).
10 La Correspondance d’Édouard Charton, éditée et annotée par Marie-Laure Aurenche (Paris, Honoré Champion, 2008), montre à quel point, chez les auteurs, les mouvements de va-et-vient étaient fréquents entre les divers recueils périodiques. Charton lui-même, pour des raisons économiques, publiait dans La Revue encyclopédique tout aussi bien que dans Le Journal des enfants, L’Artiste ou La Revue de Paris. Avant de prendre la direction du Magasin pittoresque, il fut rédacteur en chef du Bulletin de la Société pour l’Instruction élémentaire.
11 Sur cette question, on ne peut que renvoyer aux importants travaux de Jean-Yves Mollier, que ce soit sur les frères Lévy, sur Hachette, ou sur le phénomène, plus généralement entendu, de « l’argent et les lettres ». Le « tempo de la création » est dorénavant imposé aux auteurs par la périodicité, pour reprendre les termes de Dominique Kalifa et Alain Vaillant (« Pour une histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle », Le Themps des médias, n° 2, 2004, p. 197-214). On ne peut qu’évoquer la « culture du flot » dont parle Alain Vaillant (1836 : l’an I…, ouvr. cité, p. 10).
12 Les dates indiquées sont celles de la première année de publication. Les caractéristiques de cet échantillon seront étudiées un peu plus loin.
13 On trouvera en annexe une transcription des définitions et des exemples que donne le Grand Dictionnaire universel de ces deux mots. Dans l’une et l’autre entrées, on retrace l’histoire et le développement des principales publications anglaises, magazines et revues. Voir également Marie-Laure Aurenche, Édouard Charton, ouvr. cité, p. 161-164, qui traite de cette question relativement au Magasin pittoresque. Sur le magazine, on consultera Gilles Feyel, « Naissance, constitution progressive et épanouissement d’un genre aux limites floues : le magazine », Réseaux, n° 105, 2001, p. 19-52.
14 Alexandre Dumas s’attribuait la paternité des « causeries dans un journal », dans Le Mousquetaire (deuxième série) de novembre 1866 – Dumas aurait inauguré cette nouveauté en 1853-1854. On verra que Dumas se faisait « la part bien trop belle », ainsi que le rappelait Pascal Durand (Entre presse et littérature. Le Mousquetaire, journal de M. Alexandre Dumas (1853-1857), Pascal Durand, Sarah Mombert dir., Liège, Bibliothèque de la faculté de philosophie et lettres de l’Université de Liège / Droz, 2009, p. 45) ; dans le même ouvrage, on consultera aussi le chapitre rédigé par Olivier Isaac, « Genèse et descendance de la causerie ».
15 Voir la deuxième partie du volume (« Dépouillements »), sous Journal des jeunes personnes, à la date de décembre 1839, pour plus de détails.
16 Ces publications se situaient « dans la logique élitaire éclairée » d’un public lecteur restreint, comme le rappelle Jean-Pierre Bacot (La presse illustrée…, ouvr. cité, p. 19). Le titre de Revue sera certes utilisé par des publications d’ordre différent (La Revue des modes, par exemple) ; dans l’ensemble, le mot revue continuera de désigner des publications relativement sérieuses.
17 Pascal Berthier soulignait que les revues littéraires de bonne tenue étudiées par ses soins proposaient aussi des articles touchant un vaste éventail de sujets (« Miroirs des littératures du monde : les revues parisiennes, 1830-1835 », Romantisme, n° 89, 1995, p. 7-27).
18 On consultera l’ouvrage d’André Rétif pour la datation des fascicules : Pierre Larousse et son œuvre (1817-1875), Paris, Librairie Larousse, 1975, p. 171 et 205-207.
19 Le Grand Dictionnaire choisit de ne pas traiter des recueils ne portant pas le mot revue en leur titre : « Nous ne citons point ici les recueils qui, bien qu’étant en réalité des revues, comme Le Correspondant, Le Cosmos, etc., ne portent point ce titre. »
20 Voir en annexe la transcription de la définition du mot revue donnée par La Grande Encyclopédie.
21 On consultera Le Monde moderne de janvier 1898 et l’Histoire de l’imprimé, publiée dans la collection Des objets qui racontent l’Histoire, Lyon, EMCC, 2008, p. 90 et suiv.
22 Ces exemples, de même que ceux qui vont suivre, sont tirés de notre échantillon.
23 « La rubrique est un rendez-vous », écrivait Robert Escarpit dans « Le livre et le journal », Revue française d’histoire du livre, tome IV, 1974, p. 15.
24 Patricia Sorel a étudié cette question dans « En marge du commerce de la librairie. Les marchands sédentaires non brevetés », Histoire de la librairie française, Patricia Sorel, Frédérique Leblanc dir., Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2008, p. 40-46.
25 Roland Chollet se heurta à ces difficultés de dénombrement des recueils périodiques (voir son Balzac journaliste. Le tournant de 1830, Paris, Klincksieck, 1983, p. 59 et suiv.). Vingt ans plus tard, Michel Leymarie faisait état de quelques relevés concernant la fin du siècle, comprenant les petites revues et les périodiques portant le mot revue en leur titre (« La belle époque des revues ? », La Belle Époque des revues, ouvr. cité, p. 9). Dans le même ouvrage, Jean-Charles Geslot et Julien Hage expliquaient les aléas d’un recensement des seules revues, difficiles à définir (« Recenser les revues », p. 29-41). Enfin, en 2010, Thomas Loué notait aussi à quel point les recueils périodiques constituaient une « masse bibliographique considérable », fort complexe à évaluer (Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, Paris, PUF, 2010, p. 708).
26 Notons également que certains de ces labels désignent souvent autre chose que des publications périodiques : revue théâtrale, par exemple, ou mémoires historiques, etc. Il importe aussi de signaler que les catalogues de bibliothèques ne rendent pas toujours compte de l’ensemble de la production des recueils périodiques. Jean-François Foucauld rappelait que le « relevé numérique des articles portés annuellement sur les états du dépôt légal », pour Paris, « ne tiennent pas compte des ouvrages périodiques ou paraissant par livraisons » (La Bibliothèque royale sous la monarchie de Juillet, Paris, Bibliothèque nationale, 1978, p. 121). Une autre difficulté est celle des changements de titres des périodiques : par exemple, en décembre 1842, Le Journal des maîtres de pension devient Le Moniteur de l’instruction publique ; L’Orateur, annales de l’éloquence française, annoncé par un prospectus en mars 1842, paraît sous le titre La nouvelle école, revue scientifique et littéraire en juillet de la même année. On ne peut suivre ces mouvements qu’en dépouillant Le Journal de l’imprimerie page à page ou par la consultation extensive des recueils eux-mêmes. Enfin, dans sa « Physiologie du chercheur sur la presse », Marie-Ève Thérenty a également souligné les difficultés d’établissement de pareil corpus (Alain Vaillant et Marie-Ève Thérenty, 1836 : l’an I…, ouvr. cité, p. 320-326). Une recherche dans le catalogue de la Bibliothèque nationale rend les chiffres suivants. Pour les années 1800- 1914, 801 publications portent le titre Annales ; 1697 celui de Journal ; 65 celui de Magasin et 2 100 celui de Revue, pour un total de 4663 titres. Si l’on fait la part des répétitions (plusieurs entrées pour un même titre), des doublets (par exemple, Les Annales de la Bourse, journal des intérêts de…), des « revues théâtrales » ou autres publications non périodiques portant l’un des titres ayant fait l’objet d’une recherche, on atteint un total d’environ 3500 titres. Il faut souligner qu’environ un tiers de ces titres étaient destinés à des publics très ciblés, par exemple Les Annales des courses de chevaux. Bulletin hebdomadaire du journal des haras, ou Le Journal de la brasserie, organe des brasseurs.
27 Quatre des recueils étudiés furent publiés à l’extérieur de la France : La Minerve des Pays-Bas (Bruxelles), Le Musée français (Prusse), Le Nouveau Conservateur belge (Louvain) et Le Salon littéraire et narratif (Vienne). Tous cependant se consacrèrent à la diffusion de la littérature française (journaux reproducteurs) ou au commentaire de l’actualité, ce qui justifie leur inclusion dans l’échantillon.
28 Les recueils périodiques par profession, par exemple les fabricants de parapluies, les tailleurs, etc., n’ont pas été inclus ici. Ces recueils exigeraient une étude particulière, considérant les intérêts professionnels des publics visés, publics captifs en quelque sorte.
29 Lewis Goldsmith, Statistics of France, Londres, J. Hatchard and Son, Picadilly, 1832. La préface est datée d’août 1832 et les allusions aux sources du pouvoir se trouvent p. i-iv. L’ouvrage offre un ensemble de statistiques très variées, qui vont du montant de la dette nationale à la production agricole et manufacturière, en passant par l’état de la marine, la liste civile, et bien sûr la liste des journaux et revues publiés tant en province qu’à Paris pour l’année 1832. Goldsmith était lui-même journaliste. Il fonda diverses publications périodiques (The Argus, or London reviewed in Paris, The British Monitor, etc.). Il vécut de nombreuses années à Paris (voir le Dictionary of National Biography).
30 Dix ans plus tard, la Table alphabétique du Journal de l’imprimerie pour 1842 (p. 1-103) recensait 17 Annales ; 11 Bulletin ; 19 Journal ; 18 Mémoires (sociétés savantes) ; et 22 Revue au nombre des titres les plus fréquents.
31 Christine Thirion a recensé une quinzaine de périodiques destinés à l’enfance et la jeunesse lancés entre 1815 et 1830 : « La presse pour les jeunes de 1815 à 1848. Essai d’analyse de contenu », Bulletin des bibliothèques de France, n° 3, 1972. Par comparaison, entre 1830 et 1848, plus d’une cinquantaine de ces périodiques furent lancés. Il ne faut pas cependant se leurrer : les recueils pour l’enfance ne jouissaient pas d’une très grande considération de la part du milieu du livre, comme l’a montré Jean-Yves Mollier (« Les femmes auteurs et leurs éditeurs au xixe siècle : un long combat pour la reconnaissance de leurs droits d’écrivains », Revue historique, n° 638, 2006, p. 313-333).
32 Une fois écartés les quotidiens, les recueils dont seul le prospectus a été publié et les recueils à la périodicité « incertaine », on trouve 96 hebdomadaires, 253 mensuels, 33 recueils paraissant deux fois par semaine, 10 recueils paraissant trois fois par semaine, et 34 paraissant deux fois par mois.
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