5. Droit d’organisation et intervention étatique dans l’usage de la propriété privée : une étude de cas des relations entre l’État et les chambres de commerce
Texte intégral
1Le présent texte trouve son origine dans l’intérêt et la réflexion de l’auteur face aux deux phénomènes consécutifs suivants, observés lors d’une étude sur les relations des gouvernements locaux avec les entreprises : d’une part ces gouvernements se retirent du contrôle des capitaux des entreprises, entraînant la privatisation d’entreprises jadis collectives ; mais d’autre part, alors que ces entreprises connaissent un développement rapide, les gouvernements non seulement poussent activement les chefs d’entreprise à se constituer en chambres de commerce, mais vont jusqu’à placer à la tête de ces organisations certains de leurs fonctionnaires, pratiquant ainsi une infiltration active des compagnies privées.
2Bien évidemment l’établissement des chambres de commerce, rassemblant entreprises privées et chefs d’entreprise, repose sur le droit à la propriété privée inscrit dans la loi. Mais alors pour quelles raisons l’État manifeste-t-il ces deux tendances apparemment contradictoires de retrait et d’intrusion au sein de ces organisations ? Quelle est la logique cachée de ces attitudes divergentes ? Dans quelle mesure la structure de ces organisations privées à composante gouvernementale est-elle endogène ? Comment fonctionnent-elles ? Quelles significations sous-jacentes se déploient lorsque l’on examine ces organisations au fonctionnement endogène sous l’angle de la mise en place et des délimitations du droit de propriété ? Telles sont les questions que l’auteur se propose d’examiner.
3On remarquera que dans le monde académique chinois, si l’on considère généralement que l’étude des structures et des fonctionnements de l’entreprise est un domaine fondamental de la théorie du droit de propriété, bien plus rares sont les travaux qui envisagent les organisations non entrepreneuriales (telles que chambre de commerce, syndicats professionnels ou associations paysannes) sous ce même biais d’analyse1. Les chercheurs qui étudient ces organisations utilisent des cadres d’analyse structurés par des concepts comme dissociation-intégration, l’État et la société, les fonctionnaires et le peuple, certaines de ces analyses touchent au droit de propriété sans qu’il soit jamais un outil fondamental (Wang Ying, Zhe Xiaoye et Sun Bingyao 1993 ; Tian Kai 2004 ; Xu Jialiang 2010). Notre étude souhaite élargir le domaine de l’analyse en termes de droit de propriété. Si on limite l’horizon du droit de propriété à la fondation et au fonctionnement des entreprises et au cadre des pratiques marchandes, si l’on néglige le rôle de la propriété au sein d’autres types d’organisations et de constructions sociales plus larges, alors non seulement l’analyse en termes de propriété privée sera prise en défaut, mais la compréhension des interactions entre différentes composantes des transformations sociales accusera aussi des insuffisances.
Droit de propriété et droit de formation des organisations
4Les travaux contemporains des économistes en matière de droit de propriété diffèrent de ceux publiés par le passé, non seulement parce qu’ils intègrent l’analyse du droit de propriété et l’étude des coûts des transactions, obtenant ainsi des outils d’analyse plus puissants, mais aussi parce qu’ils élargissent le domaine de la théorie du droit de propriété, lui incorporant des champs jadis ignorés des analyses traditionnelles. Par exemple, Ronald D. Coase (1990) associe ce qu’il appelle « l’externalité » avec la question des coûts sociaux, dans une analyse en termes de droit de propriété ; en outre il analyse aussi des problématiques environnementales comme celle des rejets polluants ; Yoram Barzel (1997) utilise le droit de propriété pour nous parler du domaine public, des files d’attente ou encore des comportements singuliers excessifs ; Harold Demsetz (1999) montre que certaines questions qui ont été traitées comme des problématiques d’économie gouvernementale, par exemple celle des « obstacles internes », relèvent de l’économie du droit de propriété. Cependant aucun chercheur ne s’est soucié de la formation et du fonctionnement des organisations publiques non entrepreneuriales.
5Chez ces économistes, la théorie du droit de propriété est envisagée comme un angle d’approche ainsi qu’une méthode d’analyse systématique et d’induction comportementale. Parce qu’ils ont cette compréhension et cette approche, ils ont pu appliquer la théorie économique des droits de propriété à des domaines qui généralement ne relevaient pas d’une telle problématique. Dans ce chapitre nous adopterons cette ligne de recherche, cependant nos objectifs diffèrent de ceux de la théorie susmentionnée. En effet le principal souci de celle-ci est de comprendre quel type de droit de propriété particulier (total ou partiel, explicite ou implicite) engendre tel type de comportement, telle structure du droit de propriété, pour telle répartition des ressources ; or ce qui nous intéresse, c’est de comprendre dans quelles conditions, à travers quelles interactions sociales, ces types et ces structures particulières de droits de propriété se sont constitués.
6Il est maintenant indispensable de préciser notre compréhension du concept de droit de propriété. Nous le définissons comme la reconnaissance sociale accordée à un agent de ses biens économiques. Ce que nous appelons ici reconnaissance sociale est la reconnaissance mutuelle, entre les membres d’une société, des ressources particulières de chacun. Cette reconnaissance n’est pas un acte pur et dénué de calculs mais s’exprime généralement après observation des réactions des autres membres de la société, elle intervient comme l’issue d’un jeu préalable. Il existe sans doute des possessions exonérées de cette reconnaissance extérieure (il en existe plus ou moins dans toutes les sociétés), mais on ne peut pas parler alors de droit de propriété2. Comme l’a montré James Coleman (1992), le droit existe grâce à un consensus social, dès lors seule une opinion unanime quant à son existence au sein de la société peut l’actualiser.
7Le droit de se constituer en organisation (droit d’organisation) est au cœur de notre étude, et nous allons nous pencher sur ce cas concret chez les dirigeants d’entreprises privées. Ce que l’on appelle droit d’organisation peut être défini comme la reconnaissance sociale de la possibilité pour les individus d’utiliser leurs ressources humaines et matérielles afin de constituer des organisations et d’agir collectivement grâce à ces structures stables. Barzel (2006) a affirmé que les organisations sociales et l’action collective protègent le droit de propriété des membres de la société des affres du pillage, en particulier celui exercé par le pouvoir d’État ; en réalité la légalisation des organisations sociales et de leur action elle-même est déjà une forme de droit de propriété.
8Comme on l’a montré plus haut, le droit de propriété découle de la reconnaissance de toute la société des ressources économiques d’un individu, mais cela ne signifie pas une exclusivité totale pour le propriétaire (tous les autres individus étant exclus de la possession de ces mêmes ressources), ou que l’on puisse s’approprier des biens à sa guise (Liu Shiding 1996, 2001). Il en va de même pour le droit d’organisation. Les individus ont obtenu le droit de s’approprier certaines ressources économiques selon des procédés donnés, mais le fait qu’ils puissent choisir de dépenser ces ressources pour leur consommation personnelle ou de les échanger contre d’autres biens ne signifie pas qu’ils aient nécessairement obtenu le droit d’organisation ; et s’ils ont le droit de constituer certains types d’organisations, cela n’étend pas automatiquement ce droit à des organisations d’une autre nature ; le droit d’utiliser certaines ressources dans un cadre organisationnel donné ne signifie pas que d’autres agents puissent s’adjoindre à la propriété commune de ces biens. Seuls quelques chercheurs, tenants du droit de propriété, adoptent cette position extrême qui veut que du moment que celui-ci a été établi, le propriétaire dispose de l’exclusivité et d’un usage illimité de ses ressources. En réalité, les limites de ce droit se trouvent dans le jeu auquel participent les membres de la société, et varient selon le contexte, les ressources dont disposent les autres participants, leur niveau de connaissance et bien d’autres facteurs fluctuants.
9Le processus de démarcation du droit de propriété dans une société donnée met en jeu les forces diverses de bénéficiaires premiers ou secondaires qui jouent tous un rôle donné. L’État aussi joue un rôle important. Cependant dans des configurations législatives différentes, des forces sociales diverses, dont celle de l’État, voient sans doute varier l’importance, mais aussi les structures et le champ de leur intervention. Dans le processus de constitution du droit d’organisation, le rôle de l’État est très prégnant. Dans notre étude nous nous efforcerons tout particulièrement de mettre en évidence l’action du gouvernement – même à son niveau le plus simple – et l’expression des forces étatiques au sein du processus de constitution du droit d’organisation.
10En un sens, on peut voir les réformes du système chinois entamées à la fin des années 1970 et au début des années 1980 comme un processus d’octroi progressif du droit d’organisation par le gouvernement aux citoyens. Avant les réformes, le monopole du gouvernement sur les organisations était une des caractéristiques premières du système chinois, et l’économie planifiée était une expression de ce monopole. Bien que le gouvernement ait entamé une timide reconnaissance des biens privés des membres de la société, ceux-là ne pouvaient encore être utilisés pour former des organisations entrepreneuriales, sans parler d’organisations sociales d’un autre type. Après les réformes, le signe le plus manifeste du changement fut le droit progressivement accordé de monter des entreprises, c’est l’obtention du droit de constituer des organisations qui permit la multiplication des entreprises locales, la réforme de leur direction et le développement rapide des biens privés. Si l’on compare l’intensité des deux processus, l’octroi du droit de former des organisations sociales fut bien plus prudent, limité et plus lent que celui de monter des entreprises3. Cette évolution n’est à ce jour pas encore achevée. L’étude de cas qui va suivre prend place dans cet entre-deux avec d’une part l’octroi sans réserve du droit d’entreprendre et d’autre part les limites du droit sur les autres organisations sociales.
Reconnaissance et singularités du droit d’organisation dans la fondation des chambres de commerce
11Les données analysées ci-après proviennent d’une enquête continue menée par l’auteur dans le bourg de S au sud du Jiangsu, sur l’application des réformes de la structure du droit de propriété dans les entreprises locales.
12Des années 1980 au milieu des années 1990 les entreprises collectives de S étaient très prospères. Le gouvernement local exerçait un contrôle important sur les capitaux et la gestion de ces entreprises. À partir du milieu des années 1990, leur vitalité déclina et le gouvernement local entreprit des réformes de leur régime de propriété. Il s’agissait de privatiser leur capital ; cela signifiait, en termes de relations entre le gouvernement local et les entreprises, le « désengagement progressif du gouvernement, la séparation de l’entreprise et de l’État »4. En réalité, avant même cette réforme du régime de propriété des entreprises collectives locales, leurs gérants avaient déjà obtenu une propriété exclusive de la majeure partie des capitaux, cependant le gouvernement local ne reconnaissait pas encore cette exclusivité quant à ses propres parts dans l’entreprise ; la réforme impliqua donc que le gouvernement reconnaisse la légalité de cette exclusivité et ne fasse plus partie des actionnaires. Le gouvernement renonçait donc à son droit de participer à la gestion de ce type d’organisations. Cependant ce renoncement ne signifiait pas que le gouvernement local abandonne tout contrôle sur le droit d’organisation des entrepreneurs. La promotion des chambres de commerce est une forme d’instrumentalisation par l’État de ce droit d’organisation.
13Au moment de la réforme structurelle des entreprises collectives locales, les cadres du gouvernement de S pensèrent à promouvoir les associations de dirigeants d’entreprises privées et la fondation d’une chambre de commerce. En 2001, une enquête révèle que d’après M. Qian, membre du comité local du parti (et promu par la suite vice-secrétaire), c’est-à-dire seulement deux ans après le début de la campagne de réforme des entreprises collectives, le gouvernement local avait déjà l’intention de promouvoir le développement des chambres de commerce5. Par la suite, les membres du comité local du parti, du gouvernement local et les principaux dirigeants des entreprises privées commencèrent à se rencontrer lors de ce qu’ils appelaient des « entrevues ». M. Qian explique que lorsque le projet de chambre de commerce n’en était encore qu’à sa forme embryonnaire, le gouvernement « consulta de nombreuses sources » :
Une sorte de cercle s’était constitué dans des rencontres plus ou moins planifiées avec les dirigeants des plus grandes entreprises. Ces entrevues avaient généralement lieu au sein des entreprises. Elles offrirent une très bonne base pour la constitution d’une chambre de commerce.6
14Il se tenait chaque mois plusieurs entrevues auxquelles participait généralement une dizaine de personnes. Les principaux représentants du comité local du parti et du gouvernement local étaient le secrétaire du comité et le vice-secrétaire, qui était aussi directeur général d’une corporation agro-industrielle et responsable de la ligne du parti pour le comité local. Pour les officiels du parti, il s’agissait surtout de transmettre l’esprit de leur politique et de donner quelques directions de travail, de comprendre aussi les étapes et les exigences du développement des entreprises privées ; pour les dirigeants de ces entreprises c’était l’espoir d’obtenir la résolution de certains des problèmes qu’ils rencontraient. L’apparition de ces « entrevues », en ces temps de réformes, montrait déjà l’intention officielle d’accentuer la coopération entre les dirigeants d’entreprise et d’ajuster les institutions à la transition économique, enfin de mettre en place la promotion gouvernementale des organisations de commerce.
15Si l’on considère ces entrevues avec les chefs d’entreprise comme des réunions convoquées par le gouvernement local, elles ne révèlent pas le droit d’organisation de ce dernier. Cependant si l’on considère que, pendant ces réunions, les officiels suggéraient aux entreprises de se regrouper en associations et les y préparaient, on comprend que les gouvernements développaient leur reconnaissance du droit d’organisation des chambres de commerce, même si elle ne signifiait pas l’obtention d’un droit d’association sans réserve.
16Ces entrevues se tenaient depuis un peu plus de dix ans quand la chambre de commerce du bourg de S fut véritablement fondée le 18 juin 1999. Son président était le vice-secrétaire du comité local du parti M. Zhang, et son secrétaire M. Qian, lui aussi membre du comité local. Le vice-président et les autres membres étaient des dirigeants d’entreprises privées. En reconnaissant cette structure d’organisation, les chefs d’entreprise reconnurent aussi le droit du gouvernement local d’y participer. Après la fondation de la chambre de commerce du bourg, et sous l’impulsion du gouvernement local, on fonda successivement deux subdivisions, les chambres de commerce de Wenzhou7 et de Canton. Avant cela en 1996, à S, des dirigeants d’entreprise originaires du Fujian fondèrent l’Association de promotion économique du Fujian méridional (lors de notre enquête on s’y référera souvent comme à la chambre de commerce du Fujian méridional, et nous conserverons cette désignation dans la suite de cette contribution). Lorsque le président de l’organisation quitta S pour regagner le Fujian, son activité cessa pendant un temps. Le gouvernement local dans sa volonté de promouvoir le dynamisme des chambres de commerce encouragea l’association à jouer un rôle, et en 2000 on procéda à l’élection d’une nouvelle équipe administrative. Sous l’impulsion du gouvernement de S, la chambre de commerce opéra les modifications suivantes8 :
Tableau 1 Fondation et réformes de la chambre de commerce de S
Désignations des associations → |
Chambre de commerce de S |
Association de promotion économique du Fujian méridional (deuxième version) |
Chambre de commerce de Wenzhou |
Chambre de commerce de Canton |
Principaux paramètres ↓ |
||||
Date de fondation ou de réforme |
18-06-1999 |
(1996) 18-08-2000 |
28-10-2000 |
28-12-2001 |
Principaux secteurs professionnels des membres |
Produits manufacturés |
Produits manufacturés |
Produits manufacturés |
Commerce |
Origine géographique des membres |
Bourg de S |
Fujian méridional |
Wenzhou |
Canton |
Présidence de l’organisation |
M. Zhang |
M. Shi |
M. Lu |
M. Chen |
17Le récit des « entrevues » nous enseigne que la reconnaissance du droit d’organisation emprunte parfois des chemins quelque peu officieux. Cependant une reconnaissance officielle est fondamentale pour la poursuite d’activités légales. Pour les nouveaux chefs d’entreprise, l’enregistrement direct auprès du Département de l’administration civile est certes une manière d’obtenir le droit d’organisation, mais la reconnaissance du gouvernement local est aussi une voie à ne pas négliger, en particulier dans les périodes relativement troubles évoquées plus haut. Et si les officiels ne choisissent pas systématiquement d’infiltrer les organisations commerciales, ils savent cependant s’en garder la possibilité.
18Dans les différentes organisations commerciales de S, l’implication du gouvernement local est une particularité organisationnelle notoire et se traduit concrètement par la présence d’officiels dans leurs instances de responsabilité. Dans la chambre de commerce de S, celle de Wenzhou et celle de Canton les fonctions assumées par les membres du gouvernement sont évidentes9. Dans la chambre de commerce de S, comme on l’a évoqué plus haut, les fonctions de président sont assumées par le vice-secrétaire du comité local du parti, aussi président général d’une corporation agro-industrielle, et celles de secrétaire en chef par le responsable de la ligne du parti au comité local. Les deux hommes n’ont pourtant pas été élus par l’assemblée générale. À la chambre de commerce de Wenzhou, bien que les fonctions de président, de vice-président et de secrétaire en chef soient assumées par des chefs d’entreprise, celles de président honoraire et de consultant reviennent respectivement au vice-secrétaire du comité local du parti (déjà président de la chambre de commerce de S) et au président de l’assemblée locale aussi responsable de la ligne du parti (le secrétaire en chef de la chambre de commerce de S) ; pour ce qui est de la chambre de Canton, les deux postes de présidents honoraires appartiennent à l’ancien et au présent secrétaires du comité local du parti, et le rôle de consultant revient au responsable de la ligne du parti10. Dans la chambre de commerce du Fujian méridional, les officiels n’assument pas de fonctions directes, cependant l’un de leurs consultants occupait le poste de directeur général d’une entreprise collectiviste locale avant la réforme de privatisation, et grâce à ses compétences gestionnaires et à l’importance de son réseau social avait ensuite été nommé vice-président général d’une corporation agro-industrielle de S11.
Tableau 2 Structure des postes au sein de la chambre de commerce de S
Chambre de commerce de S |
Deuxième mouture de la chambre de commerce du Fujian Méridional |
Chambre de commerce de Wenzhou |
Chambre de commerce de Canton |
|||||
Effectif |
Profession |
Effectif |
Profession |
Effectif |
Profession |
Effectif |
Profession |
|
Président |
1 |
Vice-secrétaire du comité local du Parti |
1 |
Chef d’entreprise |
1 |
Chef d’entreprise |
1 |
Chef d’entreprise |
Vice-président |
8 |
Chef d’entreprise |
14 |
Chef d’entreprise |
11 |
Chef d’entreprise |
7 |
Chef d’entreprise |
Secrétaire en chef |
1 |
Responsable de la ligne du parti |
1 |
Chef d’entreprise |
1 |
Chef d’entreprise |
1 |
Chef d’entreprise |
Président honoraire |
2 |
Chef d’entreprise |
2 |
Vice-secrétaire du comité local du parti, président de l’assemblée locale |
2 |
Ancien secrétaire du comité local du parti, secrétaire actuel et responsable de la ligne du parti |
||
Consultants |
2 |
Dont l’ancien vice-directeur général d’une corporation agro-industrielle de S |
2 |
Dont le responsable de la ligne du parti |
2 |
Dont le responsable de la ligne du parti |
||
Administrateurs |
19 |
Dont 2 fonctionnaires officiels et 17 dirigeants d’entreprises |
25 |
Chefs d’entreprise |
26 |
Chefs d’entreprise |
7 |
Chefs d’entreprise |
19L’implication du gouvernement local dans les chambres de commerce transparaît aussi dans leurs statuts. Le texte fondamental de la chambre de commerce de S s’intitule « Système de travail de la chambre de commerce de S (proposition à débattre) ». On y stipule les règles suivantes :
- la chambre de commerce de S accueille les dirigeants du comité du parti, du gouvernement et des entreprises ;
- la gestion et l’instruction des membres de l’organisation par le gouvernement et ses départements concernés peuvent ainsi être renforcées12.
20Les chambres de commerce de Wenzhou et de Canton ont toutes deux des statuts et ceux-ci stipulent que la présente organisation et ses membres réunis font partie de la chambre de commerce de S et se placent sous sa gestion et son contrôle13. Dès lors, la structure de la chambre de commerce de S tient sous sa coupe les deux organisations. Le cas de la chambre de commerce du Fujian méridional est un peu particulier puisqu’elle a été fondée avant la création de la chambre de S, en tant qu’association pour la promotion économique, et enregistrée auprès du département de l’administration civile ; les statuts rédigés alors sont toujours en vigueur à ce jour et diffèrent donc de ceux des chambres de Wenzhou et de Canton.
21La répartition des fonctions et les statuts révèlent donc que le gouvernement local possède bien un droit d’organisation au sein de la chambre de commerce. Le droit d’organisation des chefs d’entreprise doit donc coexister avec celui du gouvernement. Dès lors on comprend au fil de notre enquête que la chambre de commerce de S ne saurait être considérée comme une pure association de dirigeants d’entreprise, ni non plus comme contrôlée unilatéralement par le gouvernement14. Cette spécificité concorde avec les découvertes de certains chercheurs travaillant sur les organisations sociales chinoises contemporaines (Wang Ying, Zhe Xiaoye et Sun Bingyao 1993).
22Il apparaît donc que si les chefs d’entreprise ont obtenu un droit d’organisation exclusif en matière entrepreneuriale, ce n’est pas le cas pour les autres organisations sociales.
Pourquoi le gouvernement a-t-il besoin des chambres de commerce ?
23Le droit, et la reconnaissance réciproque qu’il implique, repose sur un jeu d’équilibre. Dans la prochaine section et les suivantes nous tenterons de comprendre en quoi le gouvernement local et les chefs d’entreprise ont besoin des chambres de commerce, afin d’analyser les mécanismes de ce jeu subtil.
24Pourquoi les gouvernements cherchent-ils à infiltrer les chambres de commerce ? Pourquoi souhaitent-ils garder un droit d’organisation au sein de ces organismes ? Avant d’aborder cette question, il nous faut examiner plus avant les raisons pour lesquelles les autorités locales ont besoin desdites organisations commerciales. Dans le système politique et l’environnement social au sein desquels nous avons conduit notre enquête, les succès politiques, les rémunérations et même la réputation des fonctionnaires d’État ont partie liée avec le développement économique de leur localité. Dès lors celui-ci est une part importante de leurs buts et de leurs motivations.
25Quand les entreprises collectives étaient la force motrice de l’économie locale, le principal ressort des gouvernements était de promouvoir le développement économique afin d’aider ces entreprises à obtenir des crédits, des financements (y compris par des déductions d’impôts) et à étendre leur réseau social. Mais quand les entreprises collectives locales ont cessé d’être la première force du développement économique, et que leurs intérêts se sont progressivement éloignés de ceux des gouvernements locaux dans cette atmosphère de bouleversements macroéconomiques (les banques, en particulier, n’acceptant plus la caution étatique pour les demandes de prêts), les procédés traditionnels de promotion économique ont perdu leur efficacité. Si le gouvernement local souhaite jouer un rôle actif dans le développement, il lui faut donc rechercher de nouveaux procédés. Un membre du comité local du parti à S explique :
Hier comme aujourd’hui le développement de notre bourg dépend de deux éléments clefs, d’une part il s’agit de mobiliser les capitaux dont disposent les habitants et qui sont assez importants, de faire des travailleurs des investisseurs, et d’autre part il faut attirer les investissements extérieurs, tous ceux qui ne proviennent pas directement de S.15
26La question qui émerge alors pour le gouvernement local est celle des moyens dont il dispose après la réforme sur la propriété privée des entreprises, et de promouvoir le développement des entreprises privées et d’attirer les investissements extérieurs. Les dirigeants du gouvernement de S accordent toute leur attention aux relations qu’entretiennent les chefs d’entreprise entre eux, car celles-ci sont décisives pour la circulation des capitaux et permettent la levée de financements ; certains entrepreneurs locaux appellent cela : « stimuler le commerce par le commerce ».
27La chambre de commerce est évidemment un organe utile pour former, renforcer ou étendre les relations des entrepreneurs entre eux, c’est pourquoi le gouvernement local lui porte tant d’intérêt. Et en effet certains entrepreneurs venus d’autres localités considèrent l’organisation comme un élément intrinsèque à un climat d’investissement. Un entrepreneur de Canton (nommé par la suite président de la chambre de commerce de Canton), Chen Mou, avait accompagné le secrétaire du comité local du parti de S et le responsable de la ligne du parti à Canton pour attirer les entreprises et les investissements. À cette occasion, un commerçant de Canton qui avait déjà fait des affaires à S suggéra au secrétaire du parti que la formation d’une chambre de commerce cantonaise à S serait bénéfique aux investissements cantonais dans le bourg. Le secrétaire fut convaincu par cette proposition qui fut ajoutée au calendrier officiel dès son retour à S.
28Dans l’établissement de cette nouvelle organisation, le gouvernement local choisit au départ de s’employer à attirer des entreprises. M. Qian, membre du parti très actif dans la promotion de la nouvelle organisation, résume ainsi la situation :
Le travail du gouvernement en matière économique tient en deux dimensions, attirer les entreprises d’une part, et d’autre part proposer un service attractif, qui a lui aussi pour objectif de faire venir plus d’entrepreneurs […]. La chambre de commerce fait beaucoup pour l’attractivité commerciale, elle joue aussi un rôle important notamment grâce à son travail de publicité pour les entreprises déjà membres.16
29Le vice-secrétaire du parti évoque lui aussi l’installation de nouvelles compagnies parmi les fonctions essentielles de la chambre de commerce : « Chaque organisation peut attirer de nouveaux acteurs commerciaux et faire connaître la ville. »17 Les entretiens avec les chefs d’entreprise confirment le rôle de la chambre de commerce en matière de levée de fonds et de recrutement d’investisseurs. Selon le vice-président de la chambre de commerce de Wenzhou, M. Fan :
La chambre travaille main dans la main avec le gouvernement et le comité local du parti pour attirer les entreprises et les investisseurs en espérant apporter une aide efficace. Moi-même j’ai déjà eu l’occasion de promouvoir l’image de ma ville. On reçoit souvent cette demande, même s’il ne s’agit pas de publicité au sens strict. Enfin si je n’étais pas là, ils ne viendraient pas investir ici. […] À la mi-juillet 2002, quand des responsables locaux sont allés à Wenzhou, à Keqiao, etc., c’est nous qui les avons accompagnés. Pour nous, utiliser la chambre pour attirer les entrepreneurs, c’est attirer le commerce par le commerce. Lorsqu’il s’agit d’aller dans le Fujian, c’est ceux de l’Association de promotion économique du Fujian méridional qui s’y rendent, et pour Canton, ceux de la chambre de commerce de Canton.18
30Dans les faits, tous les membres dirigeants des différentes chambres de commerce ont déjà accompagné des membres du gouvernement pour un voyage d’affaires dans leur localité d’origine.
Relations entre le gouvernement et les entreprises
31D’un point de vue technique, si l’existence d’une organisation commerciale saine est considérée par les investisseurs potentiels comme un attribut indispensable d’un environnement d’investissement sain, alors on peut affirmer que le fonctionnement même des chambres de commerce en a fait spontanément des organismes attractifs pour les imports de fonds. Dès lors, il semble que si le gouvernement a besoin de ces organisations, il ne lui est cependant pas nécessaire de mettre en place une coopération directe avec les chefs d’entreprise. Pourtant lorsque nous observons certaines activités gouvernementales destinées à attirer les capitaux, la coopération avec des chefs d’entreprise et des associations commerciales déjà implantées apparaît véritablement indispensable afin de convaincre les investisseurs et de leur présenter la situation locale. Ainsi à S, le gouvernement utilise les chambres de commerce pour attirer des capitaux, aussi bien grâce à leur fonctionnement en tant que tel qu’à travers une coopération active avec les chefs d’entreprise. Hormis le recrutement d’entrepreneurs, le gouvernement coopère avec les dirigeants d’entreprise dans les domaines suivants.
Assurer la perception des impôts
32Dans certains endroits en Chine existe un système dit de « double répartition de la perception » (Liu Shiding 1996), dont la particularité est la suivante : d’une part l’État publie les impôts et leurs taux et exige des entreprises un paiement conforme à la loi ; d’autre part, le gouvernement central délègue à ses échelons inférieurs la tâche de percevoir les impôts, qui constitue en outre un critère décisif pour juger de la politique locale. Mais, dans la réalité, il existe encore beaucoup de difficultés dans l’application rigoureuse des impôts (par exemple la collecte d’informations sur les activités économiques des payeurs reste très incomplète), c’est pourquoi le système de contrainte est devenu plus directif, plus rigide.
33À l’origine, l’État disposait d’un organisme qui se chargeait directement de la collecte des impôts et les gouvernements locaux n’avaient ni le besoin ni l’obligation de s’en occuper. Mais lorsque les instances supérieures du gouvernement ont fait des conditions et de la réalisation de la collecte des impôts des critères décisifs du bon fonctionnement politique des gouvernements locaux, ceux-ci se sont vus contraints de réfléchir à l’accomplissement de cette tâche. La détermination du montant de l’impôt est une question à double tranchant : d’une part, elle influence les chances pour le gouvernement de mener à bien la perception ; d’autre part, elle peut altérer les choix de gestion des chefs d’entreprise et à long terme les succès du gouvernement du bourg en matière économique : un impôt trop bas sera mal vu des institutions centrales, mais s’il est trop élevé, il pourra faire fuir les entreprises. Le gouvernement local doit donc s’efforcer de maintenir une situation d’impôt équilibrée au sein de son aire d’influence. La collecte d’un impôt raisonnable est une étape incontournable dans la poursuite d’une politique bénéficiaire. Et dans ce processus la collaboration des entreprises est souvent indispensable.
34Après le développement des entreprises privées, l’information sur la collecte d’impôts et la consultation des entreprises quant aux montants exigés ont constitué une part importante des ordres du jour des rencontres entre le gouvernement de S et les chefs d’entreprise. Ces problématiques ont toujours représenté un sujet de discussion important entre les deux parties, avant comme après la fondation de la chambre de commerce19.
Des services d’intérêt général
35Pour la construction d’infrastructures dédiées au service public comme les routes, les ponts ou encore les écoles, le gouvernement peut compter sur ses fonds propres ou faire appel à des contributeurs privés. Dans de nombreux bourgs ce type de services ne verrait pas le jour sans l’aide d’apports privés ; afin de mener à bien ces projets, les officiels ont besoin du soutien et de la coopération des chefs d’entreprises privées. Par exemple à S, la chambre de commerce a accordé son soutien et sa collaboration à un projet écologique pour la plantation d’arbres.
36La coopération entre le gouvernement et les entreprises, que ce soit en matière de levée de fonds, de paiement des impôts ou de service public, repose sur la communication et l’échange d’informations, et implique que chacune des parties offre une certaine prévisibilité dans sa conduite. La stabilité du cadre des organisations est bénéfique à la réalisation et à la durabilité de ces conditions préalables. Le vice-secrétaire du comité local du parti à S et le président de la chambre de commerce, M. Zhang, insistent tout particulièrement sur le rôle de pont que joue l’organisation entre les autorités et les chefs d’entreprise :
La principale fonction de la chambre est de jeter un pont entre le gouvernement et les entreprises privées. Le gouvernement peut faire passer ses idées grâce à notre organisation, et les entreprises leurs revendications. Quand la chambre n’existait pas, nous ne disposions pas de ce canal de communication. En cas de besoin, le gouvernement dispose d’un moyen subtil de transmission. Et certaines entreprises qui ne sont pas familières avec les autorités entrent plus facilement en contact avec elles par l’intermédiaire de l’organisation.20
37La satisfaction des besoins du gouvernement grâce à l’organisation des chefs d’entreprise passe donc par la reconnaissance de leur droit d’organisation. Évidemment la structure de ces organisations peut prendre des formes diverses, et les équilibres qui en résultent sont multiples. Cette question sera abordée de nouveau dans la suite de cette étude.
Quel usage les chefs d’entreprise font-ils de la chambre de commerce ?
38Si les autorités étaient les seules à souhaiter la création d’organisations commerciales mais que les chefs d’entreprise n’y aient pas d’intérêt, celles-ci n’existeraient pas. Il nous faut donc étudier maintenant le point de vue des entrepreneurs. À quelles fins ceux-ci utilisent-ils les chambres de commerce ? La synthèse des résultats de notre enquête fait apparaître cinq domaines différents : la coopération entre chefs d’entreprise, la communication avec les autorités officielles, l’obtention d’un statut social emblématique, des relations plus harmonieuses avec la société locale, et un soutien lors de négociations commerciales. Nous allons aborder chaque point séparément ci-dessous.
La coopération réciproque entre chefs d’entreprise
39La coopération entre les chefs d’entreprise ne passe pas obligatoirement par le truchement de la chambre de commerce. Cependant comme le montre notre enquête, l’établissement et la pérennité des chambres de commerce sont étroitement liés avec la coopération entre les entrepreneurs. D’une part celle-ci pose les bases de l’établissement de l’organisation, et d’autre part dès que la chambre est fondée, ses membres l’utilisent pour renforcer leur collaboration.
40La chambre du Fujian méridional s’est constituée de manière autonome, sans impulsion extérieure de la part du gouvernement. Le premier président en fonction juste après la fondation était déjà reparti dans le Fujian et nous n’avons pas pu le rencontrer, mais nous avons interviewé le président actuel, M. Shi, qui était aussi parmi les membres fondateurs. Il explique que ses compatriotes ont fondé cette organisation « afin de faciliter la communication ; ils se sont rapprochés, et tout le monde y trouve son compte ». Et parfois même « nous collaborons tous autour d’un projet ». Ce type d’organisation où « tout le monde trouve son compte » ne signifie pas que le profit est assuré immédiatement et de manière systématique mais celui-ci prend forme sur le long terme et passe parfois par la nécessité d’offrir son aide à autrui. Le vice-président Shi poursuit :
Certains ne passent que peu de temps ici, ils reçoivent alors le soutien des autres et se développent assez bien. […] Nous sommes ici depuis longtemps maintenant, nous avons connu du monde et c’est comme cela que tout a commencé.21
41Dans cet entretien avec le vice-président Shi, on comprend que la coopération mutuelle entre les entrepreneurs originaires de la région a posé les bases de la fondation spontanée de la chambre de commerce du Fujian méridional.
42Il existe une certaine concurrence entre les chefs d’entreprise, et celle-ci engendre des conflits et une méfiance réciproque, cependant, le besoin de communication et d’échange reste présent. Le second président de la chambre de commerce du Fujian méridional nous l’explique :
[L’organisation] rapproche les gens et leur permet d’échanger. Quand les membres font affaire entre eux, cela peut engendrer des différends que l’organisation permet de réconcilier. Des différends apparaissent aussi avec des personnes extérieures, et une médiation peut être nécessaire. Tout le monde est dans le commerce du tissu et dans cette même branche nous sommes complémentaires. Nos rencontres fréquentes nous apprennent aussi à bien nous tenir. Les avantages directs sont difficiles à recenser, ils sont immatériels et ne s’achètent pas. Ces liens sont le fruit de nombreuses années de capitalisation.22
43Le vice-président de la chambre de commerce de Wenzhou, M. Xie, évoque lui aussi cette fonction de plate-forme d’échange d’informations :
Nous nous rencontrons une fois par mois, […] nous échangeons des informations sur l’état du marché ou les nouvelles politiques gouvernementales. Le vice-président participe aux rencontres mensuelles, […] et tous les administrateurs participent aux rencontres bisannuelles. […]
L’organisation est bien utile dans certains domaines, elle joue un rôle efficace et important. Une organisation fixe apporte des informations fiables à ses membres, une connaissance des politiques mises en œuvre, et c’est bon pour le commerce. Par exemple, nous faisions tous partie de la même branche commerciale, sans vraiment savoir qui était qui et faisait quoi. Grâce à l’organisation on sait ce que chacun fait et ça aide bien pour les affaires.23
44Selon le président de la chambre de commerce de Canton, M. Chen :
Notre organisation sert principalement à échanger des informations et des nouvelles sur l’état du marché. […] Depuis sa fondation, les échanges avec notre région d’origine se sont vraiment intensifiés, et j’ai fait la connaissance de beaucoup de compatriotes que je ne connaissais pas auparavant.24
45En effet les activités communes aux membres de la chambre ne se limitent pas à la seule gestion. Dès la fondation des organisations, et en particulier pour celles qui étaient délocalisées, elles concernaient aussi des domaines de la vie quotidienne. Par exemple la chambre de commerce du Fujian méridional joue un rôle important lors des célébrations de mariage ou de funérailles.
Relations avec les autorités
46Créer un axe de communication avec les autorités gouvernementales est une motivation importante pour les chefs d’entreprise lors de la création d’une association commerciale. Cela est évidemment très lié au rôle encore décisif des gouvernements dans l’activité économique et la vie sociale.
47Le président de la chambre de commerce de Wenzhou, M. Lu, nous affirme que tel est l’avantage de l’organisation :
[…] pouvoir échanger avec les autorités locales du bourg. Par exemple si l’on souhaite investir, on peut en discuter facilement avec le gouvernement grâce à la chambre. […] et le gouvernement peut ainsi mieux comprendre notre situation.25
48Dans notre entretien, le vice-président de la chambre de commerce de S, M. Chen, non seulement confirme l’amélioration représentée par l’organisation en termes de communication entre les chefs d’entreprise et le gouvernement et d’information, mais ajoute que la chambre a aussi permis d’intensifier les relations entre les chefs d’entreprise et les bureaux des impôts ou du commerce et de l’industrie, ou encore les liens avec le système bancaire, et d’obtenir leur soutien :
Si la chambre de commerce n’existait pas, la communication avec le gouvernement serait difficile, mais grâce à elle nos échanges sont plus rapides et facilités. Lors de nos réunions, les autorités et les banques envoient des représentants. Nous dépendons souvent du soutien des banques […] ainsi que de celui des Affaires fiscales, du Commerce et de l’Industrie ou encore des fournisseurs d’énergie.26
Obtention d’un statut social emblématique
49Après les « réformes d’ouverture », le sud du Jiangsu avait mis en place un système de développement économique connu sous le nom de « modèle du Jiangsu méridional » et fondé sur les entreprises collectives. Dans cette région, avant la réforme de la propriété d’entreprise dite de « progression du peuple et de recul de l’État » et pendant encore quelque temps après, les dirigeants d’entreprises privées ne jouissaient pas d’un statut social très élevé27. De l’avis de certains d’entre eux, la fondation d’associations commerciales serait utile à l’élévation de leur statut et à l’amélioration de la confiance que leur portait le reste de la société. Le vice-président de la chambre de commerce de S, M. Sheng, est un dirigeant d’entreprise privée assez puissant. Il nous explique :
Depuis la fondation de l’organisation, le fait de convier au sein de ce cercle plusieurs patrons très capables et puissants, même sans activité commune intense, a fait naître chez chacun un sentiment de sa notoriété.28
50Le vice-président de la chambre du bourg M. Shao estime que celle-ci a apporté aux entrepreneurs privés une structure légitime :
C’est le gouvernement qui a présidé à la fondation de l’organisation, fortement soutenu par les entrepreneurs privés. Beaucoup d’entre eux souhaitaient disposer d’une organisation légitime. […] Pendant des décennies, sans association commerciale, ils se sont développés lentement jusqu’à jouer un rôle économique important. La chambre de commerce est une organisation de citoyens, elle sert à leur représentation ; avec un tel niveau de développement des entreprises privées, l’apparition d’une telle association était inévitable.29
51Parmi les différentes chambres de commerce de S, l’activité de l’organisation cantonaise est la moins intense. Pourtant le président Chen estime que l’existence de la chambre leur donne une meilleure influence sur le monde extérieur. Il affirme : « Pour ce qui est du commerce avec l’extérieur, depuis que l’organisation existe, on a plus de rayonnement. »30
Harmoniser les relations avec la société locale
52Il arrive que les chefs d’entreprise utilisent les organisations commerciales pour attirer l’attention et prendre part à des événements sociaux et à des projets d’intérêt général, et par là même harmoniser leur rapport avec l’environnement local. Par exemple en décembre 2001, la chambre de commerce du Fujian méridional a fait un don de 100 000 yuans au comité caritatif de W ; en 2001, la chambre de commerce de Wenzhou a donné 100 000 yuans au fonds de charité de la ville de W ; en janvier 2002 lors de la fête du Printemps, trois chambres de commerce d’une autre région ont commandité la diffusion à S de trente séries télévisées en guise de célébration ; en 2002 lors de la fête des Arbres, la chambre de commerce de Wenzhou a fait planter une « forêt de Wenzhou pour l’entrepreneuriat », etc.
53Nous avons aussi recensé dans notre enquête beaucoup de cas dans lesquels les membres font appel à la chambre dans la résolution de leurs différends. Ceux-ci ont trait aussi bien à des questions de gestion que de vie quotidienne, et prennent place tant à l’extérieur de la province que dans le bourg même. Certaines chambres ont alors consulté un avocat, afin de faciliter la résolution de ces différends (en particulier pour les membres qui n’ont pas les moyens de faire appel eux-mêmes à un professionnel de la loi).
Prendre l’ascendant dans une négociation commerciale
54Les chefs d’entreprise utilisent aussi la chambre en s’adjoignant les autres membres, afin de prendre le dessus dans une négociation commerciale. Cependant nous n’avons recensé dans notre enquête qu’une seule occurrence de ce type de pratiques. Comme on l’a montré ci-dessus, dans les zones où les activités industrielles et commerciales se trouvent concentrées, les associations commerciales répondent à des besoins de nature diverse pour les chefs d’entreprise. Elles jouent un rôle certain aussi bien sur le plan de la gestion commerciale que de la participation sociale ou encore de la vie quotidienne31. Ces besoins divers inspirent les chefs d’entreprise et les poussent à étendre l’utilisation de leurs ressources pour les mettre au service d’une organisation sociale, au sein de laquelle leurs décisions font l’objet d’une reconnaissance mutuelle des membres. En d’autres termes, c’est un pouvoir d’organisation qui naît de cette communauté. Ce pouvoir n’obtient évidemment pas automatiquement la reconnaissance du gouvernement. Si c’est la reconnaissance officielle qui fait de ce pouvoir un droit d’organisation légitime, l’absence de reconnaissance officielle condamne ce pouvoir émanant de la collaboration des chefs d’entreprise à rester officieux.
Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il infiltrer la chambre de commerce ?
55Le gouvernement local du bourg a besoin de la chambre de commerce afin d’attirer les investissements et de coopérer avec les chefs d’entreprise, mais avoir besoin de cette association ne signifie pas nécessairement aller jusqu’à infiltrer son organisation. Il serait tout à fait imaginable que le gouvernement laisse la chambre se développer de manière autonome, et profite des bénéfices d’une collaboration sur des sujets ponctuels comme la levée de fonds d’investissement. Mais il existe deux choix possibles. Comme on l’a vu précédemment, entre « infiltrer l’organisation » et « laisser la chambre se développer de manière autonome », le gouvernement de S a choisi la première solution. Cependant il nous est apparu au fil de notre enquête que certains officiels haut placés ne voient pas l’infiltration comme une posture idéale sur le long terme. Ainsi M. Qian, membre du comité local du parti :
La chambre de commerce est une organisation civile d’entrepreneurs privés, et normalement nous ne devrions pas y être partie prenante. Pourtant actuellement c’est un membre du gouvernement qui en assume la présidence, il s’agit du vice-secrétaire local du parti, qui est aussi directeur général d’une entreprise agro-industrielle, M. Zhang Yongqing, et je suis quant à moi secrétaire en chef.32
56Il estime qu’à l’avenir il serait souhaitable que les officiels se retirent de l’organisation. « L’organisation actuelle est transitoire et il vaudrait mieux que toutes les fonctions soient assumées par les représentants des entreprises. » Mais alors pourquoi le gouvernement du bourg a-t-il fait le choix d’infiltrer l’organisation ?
Une question d’habitude ou un choix rationnel ?
57Deux termes reviennent souvent lorsqu’on aborde avec les fonctionnaires le sujet des relations entre le gouvernement et la chambre de commerce : « guider » et « gérer ». Voici par exemple des propos tenus par le vice-secrétaire du comité local du parti, M. Zhang, au sujet des changements apportés par la réforme sur le droit d’organisation des entreprises locales :
Autrefois toutes les entreprises étaient collectives, elles dépendaient toutes de l’« Entreprise générale [agro-industrielle] », que ce soit pour le personnel, les fonds, les biens matériels, c’était le gouvernement et les responsables de l’entreprise générale qui décidaient. Le gouvernement entretenait des relations très proches avec les entreprises, et les gérait en grande partie. Le modèle de gestion était le même pour toutes les entreprises du bourg. Aujourd’hui les entreprises privées se développent, et le modèle vertical d’administration et de direction par le gouvernement ne nous semble plus approprié.33
58Voici maintenant les propos d’un membre du parti local, M. Qian :
Aujourd’hui on observe d’une part l’achèvement de la réforme, et d’autre part le développement de l’économie privée. À partir de là, cette organisation est nécessaire pour que, sous la direction et la gestion gouvernementale de l’économie, on améliore la communication avec les représentants des entreprises, que l’on rende leur comportement plus civil et que l’on s’ajuste les uns aux autres. La naissance des chambres de commerce découle de ces circonstances et de ces nécessités spécifiques.34
59Au cours de notre enquête, en 2002, le village voisin de M organisa une grande assemblée générale pour la fondation de sa propre chambre de commerce, des responsables de la chambre de S se trouvèrent conviés et nous pûmes participer et observer quelques sessions. Lors de l’une d’elles, le secrétaire du comité local du parti à M expliqua que depuis la réforme des entreprises, ils souhaitaient mettre en place le modèle suivant : « Le gouvernement dirige la chambre de commerce et la chambre de commerce gère les entreprises. » Malgré la réforme du droit de propriété et les changements qu’elle a apportés, les gouvernements souhaitent garder pour principe immuable que la gestion et la direction des entreprises leur reviennent. Nous ne cherchons pas à nier que l’internalisation de l’ancien modèle de gestion garde une influence importante sur les gouvernements locaux, et que cette façon de penser, ce modèle jouissent de la force de l’habitude. Cependant il nous semble aussi que les autorités officielles ont mené une véritable réflexion sur cette question de leur participation aux organisations commerciales de citoyens. Dès lors, nous penchons vers l’hypothèse selon laquelle ces principes de « gestion » et de « direction » sont bien le fruit d’un choix réfléchi. Le choix effectué par les gouvernements confrontés au changement et à une situation nouvelle. La nécessité de fonder une chambre de commerce semble s’être imposée clairement comme le meilleur choix. Mais qu’en est-il de l’équilibre entre une participation entière et une infiltration partielle dans l’organisation ? Comment les membres du gouvernement abordent-ils cette question ?
Logique du « passager clandestin » et renouvellement des élites
60M. Qian, membre du comité local du parti, apporte une explication volontariste au choix du gouvernement en matière d’implication dans la chambre de commerce :
Pourquoi ce choix ? Nous étions inquiets du fait que la chambre était toute neuve, elle venait juste d’être créée. Si elle était prise en charge par les représentants des entreprises, il leur serait peut-être difficile de la faire fonctionner. Cette répartition des tâches était donc temporaire et à l’avenir les chefs d’entreprise prendraient les commandes. Une autre de nos inquiétudes résidait dans le fait que les entreprises privées avaient pris leur essor récemment, les patrons étaient nombreux mais peu d’entre eux sortaient du lot et semblaient capables d’assumer des tâches lourdes et d’avoir une véritable influence. […] Évidemment notre implication avait aussi ses avantages. Nous estimions que sans notre participation, l’organisation actuelle risquait de devenir une coquille vide. Peut-être avions-nous des inquiétudes excessives mais c’était comme ça. Les entreprises privées émergeaient tout juste, et si leurs dirigeants étaient sans doute de bons gestionnaires, leur capacité à maintenir une organisation sociale semblait médiocre.35
61Dans la présente explication on peut lire deux degrés différents de signification. À un premier degré, on décèle l’accusation d’une tendance à la logique dite du « passager clandestin » chez les chefs d’entreprise, qui empêcherait les organisations sociales de remplir correctement leur rôle ; à un second niveau de signification on comprend qu’une véritable élite sociale manquerait à la tête des entreprises, obligeant dès lors le gouvernement à la remplacer temporairement. D’après les explications apportées par les fonctionnaires du gouvernement de S, la « capacité [des chefs d’entreprise] à maintenir une organisation sociale semblait médiocre », et sans la participation du gouvernement, la chambre de commerce ne serait sans doute bientôt plus qu’« une coquille vide ». Cela signifie en d’autres termes que les chefs d’entreprise ne constituent pas une élite sociale et que sans le gouvernement pour assumer ce rôle, la chambre de commerce en tant qu’organisation à visée publique échouerait à remplir sa mission. Les rapports entre les chefs d’entreprise sont vus ici comme un jeu décrit par la théorie économique dite du passager clandestin.
62D’un point de vue strictement logique, cette explication est certes fondée. Reste à savoir si la logique est pertinente pour décrire la réalité, et il faut alors déterminer si les prémisses de la démonstration sont conformes à la situation concrète. Ici l’hypothèse de base postule que dans la fondation et l’exercice de la chambre de commerce, les profits des élites du gouvernement correspondent exactement aux profits potentiels de l’élite des chefs d’entreprise. C’est alors cette correspondance qui rend possible le remplacement des seconds par les premiers : à défaut d’élites commerciales, les élites gouvernementales peuvent leur suppléer ; et quand les premières apparaissent enfin, les secondes n’ont plus d’obligation de participer à l’organisation de la chambre et peuvent s’en retirer. Quelle est la pertinence de cette hypothèse ? Si elle est fondée, des circonstances de ce genre doivent être observables dans la réalité, à savoir l’émergence parmi les chefs d’entreprise d’une élite capable de prendre en charge l’organisation, suivie du retrait du gouvernement. Pourtant voici ce que nous avons observé au cours de notre enquête : il existe bien des chefs d’entreprise aptes à fonder et à diriger une telle organisation, mais le gouvernement ne leur a jamais pour autant cédé les responsabilités ; lorsque nous avons demandé aux principaux cadres du gouvernement local ce qu’il adviendrait s’il émergeait une élite d’entrepreneurs capable et reconnue, ils sont allés jusqu’à laisser entendre que cette situation n’était pas véritablement souhaitable à leur yeux. Il semble donc bien qu’il existe un hiatus entre l’hypothèse ci-dessus et la réalité, et il nous faut dès lors questionner plus avant le comportement du gouvernement local.
La question du contrôle politique
63La problématique des besoins du gouvernement liés à la chambre de commerce se pose parce que le gouvernement fait du développement économique un de ses objectifs. Les membres du gouvernement interviewés insistent tous sur le rôle de la chambre en matière de développement. Cependant si cet objectif est réel, il n’est pas unique. Dans le cadre de la société chinoise actuelle et de ses changements très rapides, les objectifs fondamentaux des autorités ne sont pas purement économiques et il s’agit aussi pour elles de maintenir la stabilité politique et sociale. Cela signifie non seulement préserver l’ordre et la sécurité, mais aussi s’assurer que les cadres du gouvernement ne se trouvent pas menacés par des événements ou des organisations à teneur politique. Ces éléments de la réalité sociale influencent le jugement porté par les niveaux supérieurs du gouvernement sur les autorités locales. La crainte des fonctionnaires locaux de ce qu’il adviendrait s’ils ne pouvaient pas s’impliquer dans la chambre de commerce révèle bien la pression qu’exerce sur eux l’impératif du maintien de l’ordre. Ils sont donc animés par ces deux types de motivations, économiques et politiques. En d’autres termes, le développement économique et la situation politique locale sont deux éléments fondamentaux parmi les bénéfices potentiels que la chambre offre aux fonctionnaires.
64Soumis à ces deux objectifs, le gouvernement local a adopté deux conduites spécifiques envers la chambre : d’une part il soutient activement le développement de celle-ci, et fait son possible afin qu’elle joue un rôle dans le développement économique local ; d’autre part il tâche d’éviter qu’elle ne devienne une force indépendante, qu’il ne parviendrait plus à contrôler. La chambre est un organisme récent, et pourrait bien devenir une organisation puissante, sans implication du gouvernement on ne sait ce qu’il adviendrait et à quel risque les autorités se trouveraient exposées. Or ce risque diminue avec une implication mesurée dans l’organisation. Pour le gouvernement local, le soutien et une implication limitée dans les affaires de la chambre représentent, si ce n’est la meilleure, du moins une assez bonne option.
65Ainsi les autorités reconnaissent aux chefs d’entreprise le droit de former des organisations, mais ne leur permettent pas de les exclure de ces organisations. L’implication du gouvernement permet de fixer des limites au droit des entrepreneurs de se constituer en organisation.
Comment les chefs d’entreprise s’accommodent-ils de l’intervention gouvernementale ?
66Nous avons abordé la question des
motivations de l’implication du gouvernement dans la chambre de
commerce. La problématique qui se pose maintenant est la suivante :
comment le gouvernement parvient-il à infiltrer l’organisation ? Une
première réponse pourrait être que le gouvernement est l’instance la
plus puissante de la société locale et que ce pouvoir lui permet de
s’infiltrer. Mais cette explication reste quelque peu superficielle.
En effet l’implication du gouvernement pourrait entraîner le retrait
des chefs d’entreprise ou la faillite de la chambre et se révélerait
donc être un échec absurde. Et cela irait à l’encontre des objectifs
officiels en matière de développement économique local. La question
de savoir comment le gouvernement parvient à infiltrer la chambre
devient donc celle-ci : pourquoi les chefs d’entreprise
admettent-ils la participation gouvernementale ? Il existe deux
scénarios possibles :
1. Avec l’intervention des autorités les
bénéfices des chefs d’entreprise baissent, mais la participation à
la chambre reste tout de même plus intéressante pour eux que de s’en
retirer tout à fait, et dès lors ils maintiennent leur engagement
dans l’organisation. Cette situation n’est pas sans rappeler le
modèle de monopole du « joint product offering » : le
gouvernement jouit d’un monopole du droit d’organisation et qui veut
former une organisation doit coopérer avec lui.
2. Avec
l’intervention du gouvernement les bénéfices augmentent.
C’est-à-dire principalement que l’implication du gouvernement
augmente le prestige social des dirigeants d’entreprise, eux-mêmes
membres de l’organisation. Cette ascension sociale apporte deux
types de bénéfices : un bénéfice direct en termes de popularité ; un
autre, indirect, étant l’accroissement des opportunités de
développement.
67À S nous avons interrogé les membres les plus importants de la chambre de commerce, à savoir le président, le vice-président, les administrateurs… Ce sont eux qui profitent le plus de la participation gouvernementale. Notre enquête révèle que pour beaucoup de chefs d’entreprise, la participation des autorités à leur organisation est synonyme d’amélioration de leur statut social. Nous estimons que c’est là une réponse plausible dans une période où la réforme des entreprises collectives est encore très récente et la place des entrepreneurs privés tout juste stabilisée.
68L’une des manifestations de l’ascension sociale des chefs d’entreprise est l’inscription de certains d’entre eux dans des organisations politiques. Notre enquête a révélé que les présidents des trois chambres délocalisées de S, le vice-président de la chambre du Fujian méridional, un entrepreneur vice-président de la chambre de S, ainsi que l’un des administrateurs sont tous membres du comité politique municipal de W dans la circonscription de S. L’un des administrateurs, M. Shi, à propos des entrepreneurs prenant part au comité politique de S, affirme : « À W, les membres du comité politique de S ont une longueur d’avance sur les autres. »36 Le vice-président de la chambre de S, M. Sheng nous a raconté le prosélytisme actif des membres du gouvernement local pour attirer les chefs d’entreprise les plus influents dans le comité politique, il dit que lui-même « [a] reçu de fortes incitations de la part de l’un des membres, M. Qian ; il disait qu’un membre de plus ne serait pas de trop, et que l’essentiel était de participer avec enthousiasme à leur tâche »37.
69En attirant ainsi les éléments clefs de la chambre de commerce dans une organisation placée sous le contrôle du Parti communiste, le gouvernement opère une forme de ré-organisation. Simultanément, cela lui permet de canaliser la puissance sociale acquise par les entrepreneurs. Évidemment ces entrepreneurs (nous utilisons ici ce terme sans référence aux connotations qu’il porte chez Schumpeter) possèdent eux-mêmes une qualité politique. En acceptant l’intervention du gouvernement dans la chambre de commerce, les entrepreneurs reconnaissent donc le pouvoir d’organisation de celui-ci mais aussi le caractère non exclusif et limité de leur propre droit d’organisation.
70Dans cette contribution nous avons abordé la question de l’intervention gouvernementale dans les organisations commerciales sous l’angle du droit de propriété. Le concept central de notre étude est celui de droit d’organisation. À travers des études de cas, nous avons montré que les mêmes entrepreneurs, qui ont obtenu sur le terrain commercial un droit d’organisation exclusif, voient ce droit limité quand il s’agit de former des organisations sociales. Cela signifie non seulement que le droit d’organisation des citoyens demeure limité et que le droit de propriété qui lui est attaché est lui aussi incomplet, mais encore qu’il existe des disparités dans le processus de démarcation sociale du droit d’organisation quand il s’agit d’entreprises et quand il s’agit d’organisations sociales non entrepreneuriales. L’étude de ces disparités serait sans aucun doute très utile dans la Chine contemporaine. À travers l’étude d’un cas d’intervention gouvernementale dans une chambre de commerce locale, en examinant les spécificités de cette organisation, les motifs de la dépendance et de l’intervention des autorités, mais aussi à l’inverse ceux des chefs d’entreprise dans la fondation de la chambre et l’acceptation de l’infiltration gouvernementale, nous avons retracé le processus de reconnaissance sociale du droit d’organisation qui permet la fondation d’associations commerciales. Nous n’avons pas véritablement abordé la logique commune qui préside au processus de reconnaissance sociale du droit d’organisation, cependant les mécanismes mis au jour par les études de cas permettent sans doute de s’en approcher. Dans ces exemples, on voit que lorsque le gouvernement reconnaît le droit des chefs d’entreprise à former une organisation telle qu’une chambre de commerce, il pose aussi les limites de cette organisation, et lorsque les chefs d’entreprise reconnaissent le pouvoir d’organisation des autorités au sein de la chambre, se met alors en place un jeu d’équilibre entre les deux parties. Notre travail n’examine pas plus avant les conditions d’existence de cet équilibre, en particulier pour ce qui est des conditions structurelles à l’échelle nationale, ni l’influence de ces conditions sur les bénéfices des participants à l’organisation. Il ne fait aucun doute que l’équilibre actuel suppose certaines dispositions, et qu’il change avec leurs évolutions. Une analyse évolutive serait très utile afin d’approfondir l’étude de ces dispositions. Notre travail est une étude de cas, mais nous tenons à la replacer dans un horizon plus large. Celui-ci est sous-tendu par l’hypothèse suivante : avant les réformes, le monopole du gouvernement sur le droit d’organisation était un élément central du système traditionnel chinois, c’est pourquoi aujourd’hui le partage et les démarcations du droit d’organisation sont des étapes clefs de l’édification et des évolutions de la société chinoise contemporaine.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 En réalité, la loi sur les organisations publiques contient des précisions sur la question de la propriété privée. Par exemple, un texte publié par le Conseil d’État en novembre 1998 et intitulé « Code pour l’enregistrement des organisations publiques » stipule les conditions requises pour la fondation d’une organisation publique : « disposer d’un lieu déterminé », « s’appuyer sur un capital financier légal », « pouvoir assumer de manière autonome sa responsabilité civile », etc.
2 « Une approbation unanime de tous les membres de la société quant à mes possessions représente la forme la plus complète de reconnaissance sociale. De même, un droit de propriété total découle de l’accord unanime de tous les citoyens. Cette définition diffère de celle proposée par les économistes tenants de la théorie économique des droits de propriété. L’accord unanime de la société pose certaines difficultés ; c’est pourquoi le droit de propriété est rarement total » (Liu Shiding 2011).
3 Par exemple, un texte publié par le Conseil d’État en novembre 1998 et intitulé « Code pour l’enregistrement des organisations publiques » stipule que pour enregistrer une association, il faut obtenir l’accord préalable du gérant de l’unité de travail concernée, et que les membres fondateurs doivent préparer une demande d’enregistrement auprès de l’organisme compétent. Lors de cette demande les fondateurs doivent soumettre au bureau de l’enregistrement le « dossier d’approbation du gérant de l’unité de travail ». Il doit comporter impérativement l’accord d’un cadre de l’unité de travail et son autorisation de fonder une association. Ces conditions n’existent plus pour la formation d’une entreprise privée.
4 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, ministère de l’Agriculture et de l’Industrie.
5 En novembre 1993, lors de la troisième plénière du 14e congrès du Parti communiste chinois, on a statué sur le rôle et le règlement des organismes intermédiaires du marché tels que les chambres de commerce. Il s’agissait là d’un élément révélateur du degré d’importance et de considération dorénavant accordées à ces organisations par le parti et le gouvernement. Par la suite, le gouvernement allait soigner toujours plus ses relations avec les chambres de commerce. Pourtant, des documents datant du milieu et de la fin des années 1990 montrent que l’on accordait alors peu d’intérêt aux chambres de commerce locales et à leurs relations avec les gouvernements locaux. Par exemple, l’enquête dirigée par Chen Qintai pour le département des lois et régulations en matière économique et commerciale, intitulée « Développement des chambres de commerce et normes institutionnelles », ne considère que trois niveaux de développement de ces organisations : les chambres municipales et comtales ; les chambres des provinces, des zones économiques spéciales et des 4 municipalités et la Chambre nationale (Chen Qintai 1995). L’échelon des bourgs locaux n’est donc pas pris en compte.
6 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, Qian.
7 D’après l’enquête dirigée par Yu Jianxing, après les réformes d’ouverture des années 1980-1990, la première succursale externalisée de la chambre de commerce de Wenzhou fut ouverte à Kunming le 28 août 1995 (Yu Jianxing 2004, 2006).
8 Les tableaux 1 et 2 proviennent du mémoire de master de Yang Yinglin, publié en 2004.
9 L’évolution des structures des quatre organisations de S est similaire. Elles ont chacune des membres, un conseil d’administration, un secrétaire en chef, etc., mais encore des postes d’administrateurs, de président, de vice-président, de président honoraire, de consultants, et de secrétaire… L’assemblée générale est désignée dans les statuts comme la plus haute instance. Le conseil d’administration est l’instance exécutive, créée par l’assemblée générale et responsable devant elle, enfin il ouvre et dirige les travaux lors des sessions plénières. Les secrétaires jouent un rôle permanent, assurent selon les besoins un travail à temps plein, et préparent, sous la direction des administrateurs, les activités de développement de l’organisation.
10 Lors de la répartition des tâches au sein du comité local du parti, celles relevant de la chambre de commerce étaient véritablement assumées par le responsable local pour la ligne du parti. Le vice-secrétaire du comité était président de la chambre, car il prenait en charge toutes les questions économiques dans l’administration du bourg. En réalité son rôle était largement symbolique, et il ne participait presque pas aux travaux quotidiens de la chambre. Le secrétaire local du parti, qui occupait donc la plus haute fonction administrative de la ville, ne prenait généralement pas directement part aux activités de la chambre. S’il occupait la fonction de président honoraire, c’était parce que la chambre de commerce de Canton avait été fondée à son instigation. Il s’était rendu à Canton pour lever des capitaux en compagnie du responsable de la ligne du parti et du futur président de l’organisation cantonaise, à cette occasion un ancien businessman de S leur avait suggéré la possibilité de fonder une organisation commerciale cantonaise à S. Le secrétaire du comité local du parti de S avait jugé l’idée intéressante et avait donné une réponse positive. Sous son impulsion, à leur retour à S, le projet de fondation de la chambre de commerce de Canton vit le jour.
11 En réalité le gouvernement n’investit pas de fonds dans l’entreprise gérée par ce consultant, qui n’avait de collectiviste que le nom. Pendant les réformes elle devint une compagnie privée.
12 Voir « Système de travail de la chambre de commerce de S (proposition à débattre) », Première partie, deuxième section, et Deuxième partie, deuxième section.
13 Voir les statuts de la chambre de commerce de Wenzhou dans la ville de Z, bourg de S, premier chapitre, deuxième section.
14 À propos des relations entre le gouvernement et les chambres de commerce, l’enquête de Chen Shengyong, Wang Jinjun et Ma Bin sur la chambre de commerce civile de Wenzhou dans le Zhejiang révèle que dans les chambres de commerce « non enregistrées », les chambres de commerce spécialisées dans le prêt-à-porter par exemple, le développement est « étroitement lié aux faits et gestes du gouvernement », au cours du processus de développement, « afin de faciliter la communication avec le gouvernement et d’améliorer le statut et les perspectives de l’organisation, on convie des officiels ou des personnages influents à occuper des fonctions honorifiques et cela renforce aussi la légitimité administrative de l’organisation ». L’étude montre encore que « ceci ne signifie en aucun cas que l’organisation est subordonnée au gouvernement, qu’elle en est dépendante » (Chen Shengyong 2004). Pu Wenchang dans son étude sur les associations de commerce et d’industrie (chambres de commerce) de Wuxi, Canton, Shenzhen, Shantou, Hangzhou, Wenzhou, Huzhou, etc. explique que « hormis une minorité d’organisations purement populaires ou locales, partout les associations de commerce et d’industrie (chambres de commerce),… n’ont pas encore modifié les fondements de leur rattachement au gouvernement » (Pu Wenchang 2003).
15 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, Qian.
16 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716, Qian ».
17 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716, Zhang ».
18 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20020805 Fan ».
19 Les forfaits/paquets fiscaux ne sont pas une invention de la Chine contemporaine. À l’époque moderne, la chambre de commerce de Wuxi remplissait déjà la fonction de rassemblement et de répartition de l’impôt. « La perception de l’impôt national régulier et des diverses taxes locales se fait grâce aux deux méthodes de taxe à la vente et de répartition des paiements, la chambre de commerce est redevable d’un impôt forfaitaire qu’elle divise ensuite entre ses différentes branches, les membres se répartissent les paiements et les rassemblent enfin pour le règlement » (extrait du recueil « Les chambres de commerce et le développement économique local dans l’établissement d’un mode de gouvernement démocratique », 2003, p. 22). Il est important de noter que dans la région de notre enquête la chambre de commerce ne remplit en aucun cas cette fonction. Comme l’explique le vice-responsable du centre des services économiques de S, M. Chen : en matière d’impôts, « le bureau des taxes ne passe pas par l’intermédiaire de la chambre de commerce » (tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20040723 Chen »).
20 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716 Zhang ».
21 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010719 Vice-président Shi ».
22 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010720 Président Shi ».
23 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010719 Xie ».
24 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010720 Chen ».
25 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010717 Lu ».
26 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010718 Chen ».
27 Dans le processus de réformes qui conduisit des entreprises collectives aux entreprises privées, l’une des inquiétudes des anciens gérants d’entreprise collective était de se trouver confondus parmi les patrons privés et les indépendants et de voir leur statut social se dégrader.
28 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010718 Shao ».
29 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010718 Sheng ».
30 Tiré d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010720 Chen ».
31 Certains économistes expliquent l’existence et les usages des chambres de commerce à partir de la baisse des taxes commerciales. Ce type d’approche est discuté dans le mémoire de Yang Yinglin (2004).
32 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716 Qian ».
33 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716 Zhang ».
34 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716 Qian ».
35 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010716 Qian ».
36 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010720 Shi ».
37 Extrait d’un document rassemblant des interviews effectuées dans la ville de W, « 20010718 Sheng ».
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