Présentation
p. 15-17
Texte intégral
1Nous avions déjà présenté en 1988 un certain nombre de communications concernant une approche biographique de Condorcet et de sa famille proche. Bernard Vinot nous avait apporté alors une contribution tout à fait nouvelle sur sa famille maternelle : à partir de recherches dans les Archives départementales de l’Aisne, il avait reconstitué les achats de biens nationaux et leur devenir dans la famille. S. Cardinali et L. Pepe avaient commencé des recherches sur les relations de Condorcet avec les savants italiens, en particulier Malvezzi. La prise en considération d’un article que nous n’avions pas remarqué alors nous a mis sur la piste de recherches concernant la famille paternelle de Condorcet. À l’heure actuelle il ne nous a pas encore été possible de retrouver les documents, principalement la correspondance de la famille de Chièze avec Mme de Condorcet et avec Elisa O’Connor, sur lesquels est basé l’article de J. de Coursac1.
2Cet article permet cependant de donner des détails sur des dates que nous ignorions jusqu’alors et d’apporter quelques rectifications ou compléments à la chronologie que nous avons publiée dans Lekton2. Par exemple : en 1753 Mme de Condorcet, accompagnée de son frère emmenèrent le jeune Condorcet à Orange et chez l’oncle évêque alors à Gap. Il s’agissait de régler plusieurs affaires financières et le notaire Jean-Pierre de Chièze ami d’Antoine de Condorcet fut grandement mis à contribution. Les relations nouées se continuèrent avec son fils Prosper auquel eut encore affaire la fille de Condorcet beaucoup plus tard. Autre point important : la date de la soutenance de la thèse du jeune Condorcet est maintenant connue : c’est en mai 1760 d’après une lettre du 6 mai de Mme de Condorcet, lettre qui nous apprend aussi que le jeune homme avait contracté la petite vérole l’année précédente, ainsi que son oncle3.
3À ce colloque, l’intérêt se porte, grâce aux travaux de Simone Chamoux, sur « L’ascendance dauphinoise de Condorcet », c’est-à-dire ses ancêtres paternels sur lesquels on n’avait jusqu’ici que de rares aperçus. Les Caritat étaient des drapiers d’Orange et ne devinrent « de Condorcet » qu’au XVIe siècle. Protestants, beaucoup de Caritat émigrèrent, mais le grand-père de Condorcet fut contraint d’abjurer pour se marier et éleva ses enfants dans la religion catholique. On sait que l’un d’entre eux, Jacques Marie, devint évêque de Gap, puis d’Auxerre enfin de Lisieux. Antoine, le père de Condorcet, embrassa la carrière militaire. La question du titre nobiliaire reste inexpliquée, la terre de Condorcet n’ayant jamais été un marquisat. Les papiers restants entre les mains des descendants des Condorcet-O’Connor ont fait l’objet d’un début d’inventaire par Marie Bréguet et Jean-Paul de Lagrave.
4Nous préparons un inventaire des manuscrits et la fréquentation du fonds de l’Institut amène à se poser beaucoup de questions, en particulier sur les écritures et le rôle des copistes. Anne-Marie Laffitte Larnaudie a fait des recherches sur la famille d’Étienne Cardot, celui que tout le monde appelait « le secrétaire de Condorcet ». Elle a suivi sa carrière, nous donne des renseignements sur son rôle pendant et après la Révolution et a aussi étudié le frère d’Étienne, Antoine, et les successeurs de Cardot au secrétariat de l’Institut. Les Cardot étaient originaires de l’Aisne et Étienne avait suivi l’oncle maternel de Condorcet, Claude Nicolas Gaudry quand il était venu habiter avec sa sœur l’Hôtel de la Monnaie en 1775. Condorcet devint en 1776 secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, il fit appel à Cardot en 1787 pour faire des copies pour cette institution. Mais Cardot, dit « domestique » de l’oncle Gaudry, était peut-être déjà employé pour des copies personnelles, comme c’était souvent le cas des domestiques ayant une belle écriture. Les Cardot ont joué un grand rôle auprès de Sophie de Condorcet après la proscription, et la carrière d’Étienne se continua pendant longtemps comme « commis au secrétariat » de l’Institut jusqu’à sa retraite en 1840.
5On sait que Condorcet a été inspecteur général des Monnaies, désigné par Turgot, en remplacement du premier titulaire de la charge, Véron de Forbonnais, – et à ce titre il avait un appartement de fonction à l’hôtel des Monnaies, qui abritera le salon de Sophie de Condorcet. Mais quelles étaient les attributions d’un inspecteur des Monnaies pendant l’Ancien Régime ? C’est à cette question que répond la communication de Christian Charlet. Cette charge n’était pas honorifique, et finalement conduisait le titulaire à s’occuper non seulement du système monétaire mais aussi du système plus vaste des poids et mesures. Finalement le rôle de Condorcet était politique et son activité à la Monnaie ne doit pas être réduite au rayonnement du salon de son épouse.
6Luigi Pepe a poursuivi les recherches en Italie afin de compléter nos connaissances sur les relations de Condorcet avec les savants de ce pays. En premier lieu : Lagrange. On sait que Condorcet, par l’intermédiaire de d’Alembert, est entré en relation avec l’académie de Turin et c’est dans les Mémoires de cette académie qu’il publia certains de ses travaux d’analyse. Il nous reste peu de lettres entre Lagrange et Condorcet (Lagrange aurait peut-être détruit les lettres de Condorcet pendant la Révolution), mais on sait que l’opinion de Lagrange, d’abord très favorable, devint plus nuancée. En second lieu : Frisi et le milieu milanais. Là encore, il est difficile de séparer d’Alembert et Condorcet au début, le premier introduisant le second et il faudra étudier la correspondance inédite pour bien analyser les rapports de Condorcet avec Verri, les deux Beccaria et d’autres Milanais. Il en est de même avec le milieu de Bologne, Canterzani, Malvezzi, etc. On trouvera en annexe quelques lettres inédites, apport non négligeable à la connaissance du sujet.
7Au total, ces connaissances nouvelles, relatives à la biographie intellectuelle de Condorcet, nous font peu à peu progresser. Bien des points restent à creuser, ce qui est un stimulant pour la recherche.
Notes de bas de page
1 Jacques de Coursac, « Les attaches dauphinoises de Condorcet », Bulletin de la Société d’archéologie et de statistique de la Drôme, tome LXXII, n° 316, décembre 1954, pp. 185-232. L’auteur de cet article important est disparu et nous savons seulement qu’il a utilisé des archives privées.
2 Printemps 1993, vol. III, n° 1, pp. 33-51.
3 Art. cité, p. 192.
Auteur
GDR D’Alembert, Paris.
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