Introduction
« Il Caffè » (1764-1766) : un périodique et son public
p. 13-30
Texte intégral
1Quand le périodique milanais « Il Caffè1 » (1764-1766) commence à paraître, ses collaborateurs ont de l’écriture une expérience déjà certaine. Le comte Pietro Verri a depuis longtemps (dix ans auparavant) fait ses classes comme traducteur du théâtre de Destouches en compagnie de la duchesse Serbelloni ; en 1763 il a publié ses Meditazioni sulla felicità 2. Avec la Storia d’Italia, son frère Alessandro Verri est engagé dans une œuvre de longue haleine. Gian Rinaldo Carli s’est déjà rendu célèbre avec Delle monete e dell’instituzione delle Zecche d’Italia 3. Cesare Beccaria a écrit des poèmes4 qu’il a lus à l’Accademia dei Trasformati ; il a publié Dei disordini e dei rimedi delle monete 5, un essai (dont Pietro a aussitôt dû écrire une défense) sur les monnaies et les problèmes de change à Milan ; il a surtout donné son chef-d’œuvre, Dei delitti e delle pene (1764)6. À la parution du premier numéro (juin 1764), ces aristocrates – pour eux la valeur n’a pas attendu le nombre des années – ont à leur actif des productions aussi précoces que brillantes. Rompus aux genres traditionnels, ils choisissent cependant le journalisme, assumant pendant deux ans les difficultés pratiques du genre et se livrant aussi à une réflexion de fond sur la communication dont le moment le plus explicite est l’article De’ fogli periodici7 de Beccaria mais qui est également perceptible dans de nombreux autres articles. Choix heureux, puisque le « Caffè » va s’affirmer comme « le périodique le plus pétulant des Lumières italiennes8 », pour reprendre l’expression de Franco Venturi.
2Je voudrais mettre à jour les tenants et les aboutissants de ce choix. Il manifeste bien sûr l’optimisme d’une militance désireuse d’œuvrer à la diffusion des Lumières en vue du bien public et dans une perspective cosmopolite.
3Sa motivation fondamentale réside probablement dans l’émergence d’une opinion publique9 dont le périodique apparaît, à l’époque, comme l’instrument de conquête le plus adéquat. Ce public qu’il s’agit de séduire et d’éclairer, encore faut-il le connaître et l’atteindre. Cette préoccupation motive des réflexions d’ordre socio-culturel qui vont jusqu’à prendre la forme d’une stratégie de la communication.
4Sur cette base nos journalistes se préoccupent d’affiner leur instrument ; d’où une réflexion d’ordre littéraire sur l’esthétique journalistique et sur les genres les plus à même de toucher le public.
5Chez les journalistes du « Caffè » point enfin le pressentiment d’un nouveau type de pouvoir, celui des futurs mass-media, et de la déontologie qui doit le réglementer.
Un périodique des Lumières
Une littérature d’idées
6Le « Caffè », tout comme les autres ouvrages de nos publicistes, manifeste, dans le cadre de leur engagement philosophique, une conception de l’activité littéraire qui les détourne d’une écriture purement expressive ou esthétisante. Ils ne s’intéressent pas aux mots mais aux idées et aux choses, ainsi que le proclame avec une solennité humoristique Alessandro Verri dans sa Riminzia al vocabolario della Crusca : « Nous considérons que c’est une chose raisonnable que les mots servent aux idées mais non les idées aux mots10. » Car ils écrivent pour combattre le préjugé et pour transmettre un savoir, afin de contribuer au bien public et au bonheur de l’humanité11. L’écriture, ainsi finalisée, est conçue comme un moment du processus d’évolution qui, accompagné par d’opportunes réformes, mènera l’humanité sur la voie du progrès, vers le bien-être, vers le bonheur. C’est cette finalité – lourde de corollaires d’ordre pédagogique, esthétique, moral, social et politique12 – qui justifie à leurs yeux l’acte d’écriture et lui donne son sens.
L’utilitarisme
7Cette conception de l’écriture implique pour le « Caffè » le choix de contenus utiles. C’est le programme annoncé par Pietro Verri dès le premier numéro : « Que contiendra cette feuille imprimée ? Des choses variées […] visant toutes à l’utilité publique13. » Le lecteur auquel s’adresse le périodique se désintéresse des connaissances qui ne lui servent à rien mais lira volontiers des articles qui lui apprennent « tantôt l’une tantôt l’autre des vérités utiles14 », (expression où l’adjectif pèse de tout son poids) et sera réceptif aux informations qu’il peut réinvestir avec profit dans la vie quotidienne. Quoi de plus utile au bien des hommes que la connaissance des principes qui régissent leur convivialité et leurs échanges ? Le droit et l’économie (les deux piliers de la politique telle qu’ils la conçoivent15) sont donc privilégiés16. Viennent ensuite les sciences physiques et naturelles17 qui, révélant les secrets de la nature, permettent à l’homme de mieux la dominer et d’augmenter son bien-être.
Le cosmopolitisme
8La littérature18 a aussi son utilité : la république internationale des lettres décloisonne les particularismes locaux et nationaux. Les revues comme l’« Extrait de la littérature européenne », par exemple, font que les hommes « qui auparavant étaient romains, florentins, génois ou lombards, sont maintenant tous pratiquement européens19 ». Cette ouverture à la république européenne des lettres, qui bat en brèche le relativisme sociologique et amène les hommes à faire la part en eux du contingent et de l’universel, est la facette culturelle et humaniste d’un cosmopolitisme ancré par ailleurs dans la réalité concrète des échanges économiques internationaux.
9L’utilitarisme du contenu, le critère de réinvestissement de l’information dans la pratique éloignent l’article journalistique de l’abstraction et de la tentation contemplative pour l’orienter vers un discours performatif préoccupé d’action réformiste. C’est un des traits distinctifs du « Caffè ».
Définition du public et stratégie journalistique
10C’est dans cet esprit que les jeunes gens de l’Accademia dei Pugni (Académie des coups de poing) déploient leur activité de philosophes et qu’ils se lancent en 1764 dans l’activité journalistique. S’ils abordent alors le genre – « mineur », au sein du monde littéraire – du journalisme sans craindre de déroger, c’est, n’en doutons pas, qu’il répond à une exigence : plus qu’un moyen d’expression, le périodique « Il Caffè » est, pour les jeunes gens de l’Accademia dei Pugni, un outil de communication qui doit leur permettre de mieux atteindre leur public de lecteurs. Le journal constitue pour leurs écrits un support nouveau aux caractéristiques spécifiques. C’est dans cette optique de communication optimum que leur activité intellectuelle trouve son sens et sa justification. L’article de Cesare Beccaria De’ fogli periodici témoigne tout particulièrement de la réflexion sur la communication qui sous-tend leur activité journalistique. Beccaria montre que cette spécificité du support remet en cause l’ensemble du phénomène de communication que les écrivains établissent avec leurs lecteurs. La première question est celle de la définition du public de lecteurs. Pour qui le journaliste écrit-il ? C’est ante litteram une question de management journalistique.
Un support nouveau pour un public élargi
11Le nouveau support correspond à un nouveau public qu’il s’agit de connaître, de définir culturellement et sociologiquement. Le journaliste Beccaria esquisse alors une « étude de marché » où il se pose en responsable d’entreprise autant qu’en homme de communication. Autrefois, rappelle-t-il, la transmission par copies manuscrites réduisait les détenteurs de l’information écrite à une infime minorité. Le livre imprimé a permis un important élargissement de ce cercle. Sans conduire encore à un phénomène de masse, le périodique permet un élargissement ultérieur très sensible :
« Ce que les livres imprimés sont à l’écriture, on peut pratiquement dire que les feuilles périodiques le sont aux livres imprimés ; et de même que ceux-ci ôtèrent les connaissances des mains de quelques rares adeptes et les répandirent dans le milieu des gens de lettres, de même, ces connaissances qui circulent parmi le peuple des gens d’études, les feuilles périodiques les communiquent et les diffusent parmi le peuple des travailleurs et des oisifs20. »
12La question de la diffusion du savoir est perçue ici dans son étroite dépendance par rapport à l’état des techniques – ici l’imprimerie – et à l’évolution des vecteurs (manuscrit, livre, feuille périodique). Quant au lexique (« répandirent », « circulent », « communiquent », « diffusent »), il traduit la préoccupation militante de diffusion des Lumières et de communication avec un public élargi.
Définition sociologique du public
13Ce public élargi est-il sociologiquement identifiable ? Cette question trouve un élément de réponse dans une comparaison. Les avantages produits par la circulation des périodiques sont, explique Beccaria, comparables à ceux de la circulation de l’argent :
« De même que la circulation de l’argent est avantageuse, car elle accroît le nombre des actions des hommes sur les choses, de même la circulation des feuilles périodiques augmente le nombre des actions de l’esprit humain dont dépend la perfection des idées et des mœurs21. »
14Le comparant (la circulation de l’argent) est emprunté au monde de l’économie et des affaires. S’il ne se confond pas avec la bourgeoisie, le public visé par le « Caffè », concerné par l’activité économique et commerciale, en partage en tous cas les préoccupations.
15On a pu remarquer plus haut l’utilisation par Beccaria du mot « peuple », « popolo » en italien (« le peuple des gens d’études », « le peuple des travailleurs et des oisifs ») pour désigner le public cible des feuilles périodiques. Ce choix lexical me semble significatif dans la mesure où le « peuple » désigne une réalité sociologique distincte de la « plèbe ». Les précisions de Norbert Jonard sont ici éclairantes :
« Si le mot plebe désignait la grande masse des travailleurs, celui de popolo, au contraire, désignait généralement ceux qui avaient pignon sur rue et un compte en banque ou que la culture avait tirés du néant. Alfieri, dans son traité De la tyrannie, est à cet égard sans équivoque : “Une fois pour toutes je m’explique, écrit-il, et je dis que par Peuple je n’entends pas autre chose que cette masse de citadins et de paysans plus ou moins aisés qui possèdent leurs propres fonds ou leur industrie, et qui ont une femme, des enfants et des parents : il ne s’agit jamais de cette classe de non-possédants, la plus nombreuse sans doute, et d’autant moins appréciable, que forme la vile plèbe”. Il en était d’ailleurs de même en France où le “peuple” se distinguait de la “populace”22. »
16Par ailleurs Norbert Jonard donne, sur la base des estimations de C. A. Vianello, les chiffres suivants :
population de Milan estimée en 1768 : 125 000 habitants ;
classe moyenne (peuple) : 17 % soit environ 21 000 habitants ;
plèbe : 74 % soit environ 92 500 habitants23.
17On voit que l’on est encore loin d’une culture de masse. C’est à une classe moyenne de bourgeois aisés que les rédacteurs du « Caffè » souhaitent s’adresser.
Définition culturelle du public
18Léger, le périodique passe facilement de mains en mains. Contrairement au livre qui requiert une attention soutenue, il distribue l’information à petites doses et se lit rapidement : « Un périodique, qui se présente à vous comme un ami qui veut pratiquement vous dire un seul mot à l’oreille […], est en général mieux accepté, mieux écouté24. » Cela le rend accessible à un public pressé ou distrait qui n’a pas l’habitude, le temps ou le goût de l’effort intellectuel. L’élargissement atteint de nouvelles couches culturelles. Le livre circule dans la république des lettres, public international mais encore restreint. Le journal, grâce à ses caractéristiques, permet au philosophe (celui-ci n’est-il pas un peu le missionnaire des Lumières ?) d’aller à la rencontre d’un autre public, plus large, qui ne se limite pas aux étroites élites intellectuelles ou sociales. Ce nouveau public semble déjà détenteur d’une culture moyenne aux contours indécis : le philosophe sait que par le journal il ne s’adresse « ni aux hommes sublimes ni aux hommes stupides et bornés mais à cette partie du genre humain qui, se trouvant entre [les] extrêmes, oscille perpétuellement entre l’un et l’autre25 ». Pour ce public « moyen », le journaliste doit inventer une littérature adaptée dont les caractéristiques seront données plus loin. Notons pour l’instant l’ouverture à une définition de la littérature qui ne se réfère plus à des modèles idéaux a priori mais qui prend en compte le public cible. La considération du phénomène de communication dans son ensemble et l’attention accordée au récepteur tel qu’il est ouvrent à une nouvelle conception de la littérature.
Le public féminin
19Les femmes, « les femmes légères et distraites26 », constituent pour les périodiques un public de prédilection. Leur « légèreté » et leur « distraction », qui les rendent peu aptes à l’effort intellectuel requis par le livre, sont – les jeunes philosophes de l’Accademia de’ Pugni l’ont appris en lisant Helvétius – le fait d’une carence éducative : « Les femmes – écrit Helvétius – par l’éducation qu’on leur donne, doivent acquérir plus de frivolités et de grâces, que de force et de justesse dans les idées27. » Sebastiano Franci développe cette idée dans sa Difesa delle donne et conclut : « Nous négligeons trop l’éducation des femmes28. » L’attention au statut des femmes et à leur situation culturelle permet aux journalistes du « Caffè » d’identifier en elles un public de prédilection. La feuille périodique leur apparaît alors comme un moyen pédagogiquement adapté de toucher ce public féminin au potentiel culturel inexploité.
Intérêt stratégique du public féminin
20Mais le public féminin n’est pas seulement un public cible de prédilection. Du point de vue de la diffusion des périodiques – et des savoirs qu’ils véhiculent – il constitue aussi un centre nodal d’importance stratégique susceptible de démultiplier le nombre de lecteurs. Sur ce point aussi c’est Helvétius qui déclenche la réflexion : « Il en est des amants comme de ces insectes ailés qui prennent la couleur de l’herbe à laquelle ils s’attachent ; ce n’est qu’en empruntant la ressemblance de l’objet aimé qu’un amant parvient à lui plaire29. » Beccaria prend acte du fait que c’est sur les femmes que « les hommes, le plus souvent, se modèlent30 ». Dans cet ascendant que les femmes exercent sur les hommes réside le principe du pouvoir culturel qu’elles sont susceptibles d’exercer dans la société. La femme, courtisée, qui tient salon, qui fait ou suit la mode, est au centre d’une société d’hommes prêts à se modeler sur elle, sur les valeurs dont elle est le relais sinon le dépositaire. Au moyen âge, l’amour courtois faisait de la femme l’inspiratrice des valeurs chevaleresques cultivées par les hommes. Au xviiie siècle, l’idéal courtois s’est édulcoré en sigisbéisme et en politesse mondaine. Mais la femme reste un relais de transmission des valeurs et de formation de l’opinion :
« Oh, si quelques-unes de ces beautés souveraines qui dans une métropole dictent leur loi à toutes les autres, législatrices des manières les plus cultivées, commençaient à en faire l’expérience, quelle foule d’imitateurs et d’imitatrices n’entraîneraient-elles pas dans leur sillage31. »
21Beccaria prend ainsi acte de l’intérêt du public féminin et intègre cette donnée dans sa stratégie de diffusion. Car il s’agit bien d’une stratégie. Le problème de la diffusion, la physionomie du nouveau public, l’identification des centres nodaux qu’il importe de conquérir pour l’atteindre, la mise au point du vecteur le plus apte à l’intéresser, tous ces éléments constituent la stratégie d’une entreprise journalistique. Le philosophe-journaliste pense cette stratégie en homme de communication à la conquête d’un nouveau public ; sa réflexion préfigure le « management » d’une entreprise de presse.
22Cette stratégie est au service d’une autre, plus vaste : gagner ce public à la cause du progrès et des réformes ; agir sur l’opinion ; faire naître une opinion publique. La réflexion journalistique du « Caffè » a ainsi une signification politique immédiate. Elle constate l’émergence d’un nouveau facteur de la vie politique, le poids de l’opinion publique et, parallèlement, celle d’un nouveau pouvoir, celui des media qui permettent de manipuler l’opinion.
Une esthétique journalistique : les principes
23L’excellence des genres littéraires « majeurs » convient à la petite élite intellectuelle mais rebute ce public culturellement moyen. Comment capter son attention, susciter son intérêt, éveiller sa curiosité ? Comment écrire pour qu’il comprenne et assimile les idées sans effort et même avec plaisir ? Le problème de communication devient ici un problème de pédagogie en même temps que d’esthétique. Les rédacteurs du « Caffè » sont ainsi amenés à poser des principes esthétiques inspirés d’une connaissance sensualiste de l’homme :
« Le style – écrira un peu plus tard Beccaria dans ses Ricerche intorno alla natura dello stile – consiste dans les sensations accessoires qu’on ajoute aux principales […]. Donc toutes nos recherches et tous nos examens devront porter sur les sensations elles-mêmes et sur leurs combinaisons ; et les mots devront être considérés principalement comme des stimuli plus ou moins immédiats de ces sensations ou combinaisons de sensations32. »
24Cette idée est déjà opérante à l’époque de l’Accademia de’ Pugni et du « Caffè » ; elle amène nos journalistes à se demander quelles formes – procédés, genres, styles – sont susceptibles de la mettre en œuvre.
Brièveté
25Le principe de brièveté tient compte de la capacité d’attention. La brièveté est inhérente au support journalistique. Le livre long rebute. Dans son Saggio di legislazione sul pedantesimo, Alessandro Verri observe que « de nombreuses personnes sont rebutées par l’épaisseur des livres, et, mesurant d’après elle l’effort qu’il faut fournir pour les comprendre, prennent le parti confortable de demeurer ignorantes33 ». La longueur ne produisant que de l’ignorance, Alessandro invite donc les écrivains qui ont des idées à « les écrire de la façon la plus claire et la plus concise qu’il est possible34 ». Opposé au fatras des « volumes confus des interprètes privés et obscurs35 » qui rassemblent la masse énorme et désordonnée des lois positives et de leurs commentaires, le livre Dei delitti e delle perte illustre, dans le genre du pamphlet, cette « poétique de la brièveté36 », pour reprendre l’expression que Jean Lacroix applique au « Conciliatore ». L’article de journal, court, vite lu, n’épuise pas l’attention et se prête à un dosage pédagogique opportun. Cette poétique de la brièveté est aussi celle du « Caffè », particulièrement dans des articles comme La bugia37 (une page dans l’édition de 1993), L’ingratitudine 38(onze lignes), ou I filosofi 39(trois lignes) où elle prend l’aspect percutant de la boutade. Il est vrai que certains longs articles qui s’étendent sur plusieurs numéros enfreignent cette règle. Le cas le plus spectaculaire est fourni par l’article de Pietro Verri Sull’innesto del vaiuolo40, qui s’étire sur cinq numéros (48 pages dans notre édition !). La longueur de cette dissertation – qui clôt le périodique – sera considérée par l’ensemble des critiques comme le signe le plus évident de l’essoufflement de l’aventure journalistique du « Caffè ». Le jugement de Sergio Romagnoli en la matière est d’autant plus illustratif de cette idée qu’il associe la caractérisation esthétique de l’article à la définition sociologique du public cible :
« Dans l’Innesto del vaiuolo nous ne retrouvons plus, ou du moins nous retrouvons avec peine, ce genre nouveau d’écriture, vif, polémique, souvent de ton anti-érudit, qui avait déconcerté les milieux milanais, lombards et italiens à la première apparition du “Caffè” […]. La polémique se dilue […] dans la dissertation, cherche appui dans l’érudition […] comme pour restreindre le public idéal des lecteurs à une catégorie de savants, de pères de famille soucieux, plutôt qu’à un public plus vaste et plus diversifié qui comprenne, selon les vœux initiaux, aussi bien le grave magistrat que la turbulente demoiselle41. »
26Comme si la poétique de la brièveté avait représenté pour le périodique un ingrédient vital et essentiel.
Variété
27Les mêmes avantages pédagogiques sont attendus de la variété, donnée par Pietro Verri comme un aspect fondamental du périodique : « Que contiendra cette feuille imprimée ? Des choses variées, des choses extrêmement disparates42. » Cette variété doit éviter « l’ennui qui […] nous afflige et nous importune43 ». Grâce à la variété des sujets, des genres, des styles, l’attention du lecteur est effectivement constamment relancée. Le style journalistique ne fait alors que reprendre en compte et appliquer à son public moyen la « poétique de la variété » ainsi exposée dans le Frammento sullo stile : « La poésie […] ne fatigue jamais un seul sens avec d’ennuyeuses uniformités mais elle en frappe beaucoup et plusieurs à la fois. Elle réveille plusieurs sensations à la fois44. »
Clarté et simplicité
28Le principe de simplicité tient compte du niveau culturel de ce lecteur moyen qui n’est « ni un homme sublime ni un homme stupide et borné ». Pour ce lecteur, Beccaria suggère un niveau de langue moyen évitant aussi bien la familiarité que le sublime, une éloquence douce qui capte l’attention sans choquer, un style intermédiaire agréable et clair. La « clarté du discours45 », d’un discours qui doit être toujours « le plus clair et le plus distinct possible46 », reste, pour le journalisme comme d’ailleurs pour toute littérature, le critère fondamental des hommes du « Caffè ». Ils posent ainsi les bases d’une esthétique classique adaptée à un public moyen, qu’on pourrait appeler le classicisme bourgeois.
Divertir
29La finalité réelle du journaliste est d’instruire son lecteur. Nous avons vu plus haut que cette finalité motive l’utilitarisme du contenu. Mais, avertit Beccaria, « ce but doit être plutôt caché que manifeste, couvert par le but apparent de plaire, de divertir47 ». Ce qui est vrai pour la connaissance l’est d’ailleurs aussi pour la morale. Les hommes sont rebutés par la règle de conduite justifiée par la seule rigueur du devoir et découragés par les « sévères préceptes de la vertu48 » des moralistes austères. Ils se laisseront bien plus facilement guider vers la vertu si on leur montre qu’elle leur est profitable et si on le leur montre de façon divertissante. Qu’il s’agisse du vrai ou du bien, la finalité instructive et éducative passe par le divertissement. Il s’agit d’exploiter la tendance naturelle de l’homme (selon la psychologie sensualiste) à fuir la douleur et à rechercher le plaisir. C’est une façon de poser un problème pédagogico-esthétique et d’introduire une réflexion sur les genres littéraires susceptibles de répondre à ce critère.
Une esthétique journalistique : les genres
30Quelles formes littéraires permettent de mettre en œuvre ces principes et d’instruire en divertissant ? Nos journalistes recourent par exemple à la parodie humoristique (du style notarial) dans la Rinunzia al vocabolario della Crusca d’Alessandro Verri49 ; au genre épistolaire dans Lo spirito di società d’Alessandro50 également, à l’allégorie dans II tempio dell’ignoranza de Pietro Verri51, etc. La palette littéraire du « Caffè » se révèle plutôt étendue. Ce corpus journalistique, abondamment étudié du point de vue de la conceptualité philosophique et politique, appelle une étude approfondie de ses modalités littéraires. Je me contenterai ici d’indiquer les trois modalités discursives (raisonnement, narration, dialogue) qui mettent en œuvre cette littérarité.
Le raisonnement
31« Une méthode […] très avantageuse – écrit Beccaria – est celle des raisonnements sérieux qui inviteront à la vertu non pour les motifs rigoureux du devoir mais pour ceux de l’utilité, non par la démonstration géométrique mais par le doux enchantement d’une éloquence tranquille évitant les transports et le sublime, qui mettent les lecteurs sur leurs gardes, ainsi que la bassesse et la trivialité, qui engendrent le mépris et l’ennui52. » Le recours au raisonnement manifeste que nos journalistes ne renoncent pas à leur identité de philosophes. L’efficacité du raisonnement est fondée sur une dialectique qui prend en compte la psychologie du lecteur, toujours sur une base utilitariste et hédoniste. Des articles tels que Difesa delle donne de Sebastiano Franci53, Elementi del commercio de Pietro Verri54, Osservazioni su i fedecommessi d’Alfonso Longo55, illustrent, sur le mode de l’exposé didactique, de la démonstration ou de l’argumentation polémique, ce type de discursivité raisonnante.
Les genres narratifs
32L’Anecdoto chinese de Pietro Secchi56 est un de ces articles qui délivrent leur message (ici, de nature morale et politique) à travers une petite histoire. Beccaria rappelle l’aptitude de la fable et de l’apologue à délivrer une vérité ou une morale sous une forme plaisante : « Un des moyens les plus efficaces devrait être l’apologue, très ancienne manière d’instruire née au sein du despotisme57. » On notera au passage la préoccupation de mettre en relation une forme littéraire avec le contexte politique qui préside à sa genèse. Préoccupation révélatrice d’une option esthétique sociologisante qui tend à ancrer le fait littéraire dans la réalité historique dont il est un élément. La suggestion de Beccaria sera d’ailleurs accueillie dans un autre périodique lombard, mais dans un contexte tout différent : en 1818-1819, les rédacteurs du « Conciliatore », confrontés au despotisme autrichien et à sa sévère censure, seront amenés
« à recourir à la voix des bestiaires ou bien à narrer sous le couvert de la fable L’animalité chez les hommes du “Conciliatore” permet – explique Jean Lacroix – de passer sans risques aux yeux de la censure, “de l’autre côté du miroir” [et] représente […] le nécessaire avertissement à lire au-delà des réalités confisquées au profit d’un pouvoir étranger tyrannique, violent, usurpateur pour tout dire58 ».
33Illustration précise et fidèle des suggestions de Beccaria. Mais à l’époque du « Caffè », la situation est bien différente. Marie-Thérèse est perçue comme la souveraine légitime. La collaboration entre les philosophes milanais et le pouvoir autrichien se met en place de façon constructive. Le périodique et ses rédacteurs jouissent de la bienveillance du gouvernement. Le recours au masque de l’animalité n’est pas nécessaire.
34À la différence de contexte historique et politique s’ajoute une raison esthétique : le recours à l’allégorie (en particulier à l’allégorie animale) ne satisfait pas, aux yeux de Beccaria, l’exigence de réalisme de son siècle :
« Dans cette méthode il y a un quelque chose de dur et d’invraisemblable qui, s’il n’était pas ressenti par les premiers hommes, moins sensibles et moins raffinés que nous, l’est indubitablement en ce siècle par les personnes les plus cultivées et les plus polies59. »
35Le souci de Beccaria de situer les phénomènes de goût dans une histoire correspond à son projet d’écriture d’un Ripulimento delle nazioni60 qui rendrait compte des progrès de l’humanité et de l’esprit humain. La connexion entre progrès de l’esprit humain et histoire du goût est présentée d’une façon mécanique qui se prête à une contestable dérive vers l’idée de progrès de l’art. Quoi qu’il en soit Beccaria manifeste ici la prise en compte du goût esthétique dominant d’une époque préoccupée de mimesis, de vraisemblance et de réalisme. La prise en compte de ce critère explique la préférence accordée aux histoires vraies, aux « exemples vrais tirés de l’histoire de générosité et de vertu61 », qui seront donc un moyen de faire aimer la vertu en donnant à son éloge les agréments du genre narratif dans un cadre réaliste.
Les genres dialogiques
36Concurremment à la narration, on relève un intérêt évident pour le dialogue, illustré par des articles comme Conversazione tenutasi nel caffè d’Alessandro Verri62, Dialoghi dei morti de Giuseppe Colpani63, Dialogo fra un Mandarino chinese e un Sollecitatore, de Pietro Verri64. Le dialogue permet de représenter des interlocuteurs aux tempéraments et aux points de vue variés et de donner vie à la conceptualité d’un débat d’idées : « Les dialogues sont un autre moyen ; ceux-ci conduisent excellemment à mettre en évidence une vérité en en représentant avec force et avec habileté le pour et le contre65. » La fiction littéraire selon laquelle le « Caffè » est censé relater les conversations qui se sont tenues dans le café de Démétrios se prête à la forme dialogique qui relie le périodique à toute une tradition philosophique. Je ne m’attarderai pas ici sur les implications littéraires et philosophiques de ce dialogisme, déjà étudiées par ailleurs66. Je me limiterai à analyser brièvement les raisons de sa valorisation par Beccaria. D’abord, « susceptibles d’une infinité de caractères différents, ridicules et vicieux autant que justes et vertueux67 », les dialogues accueillent volontiers les valeurs théâtrales modernes qui sont défendues par les journalistes du « Caffè68 ». La satire de mœurs et la peinture de caractères (le mot est lâché) semblent à nos journalistes propres à éveiller l’esprit critique nécessaire à la remise en cause des préjugés. La réflexion théâtrale et la réflexion sur les genres journalistiques révèlent ici leurs affinités et manifestent la cohérence du « Caffè » à travers la diversité des problèmes abordés. Ensuite le fait que les dialogues sont « une fidèle peinture de la conversation entre les hommes69 » renvoie au parti pris de mimesis et de réalisme dont j’ai fait état plus haut.
37La réflexion du « Caffè » sur les genres est rapide. Elle utilise évidemment les matériaux littéraires et conceptuels de l’époque qui marquent ses limites. Elle inaugure néanmoins ce que deviendra le management « esthétique » des mass-media et des publicitaires dont la préoccupation essentielle sera justement la captation – à des fins idéologiques ou simplement commerciales – du public potentiel.
La déontologie journalistique
38Cette captation n’est pas exempte d’inconvénients, voire de dangers. L’examen de la presse périodique de l’époque révèle d’importants défauts. Certains journalistes pèchent par inexactitude (« beaucoup sont inexacts70 ») ; par négligence ou omission : « Ils négligent de parler de ces livres dont les auteurs ont négligé de les informer71 » ; par manque de méthode et incompétence : « Certains ne citent que quelques passages du livre, croyant en donner ainsi une idée aux lecteurs72 » ; par méconnaissance des impératifs journalistiques : « Certains, au lieu de donner un extrait fidèle du livre, perdent leur temps en préambules et préfaces où brille effectivement l’intelligence de l’auteur mais où l’on manque l’objectif d’un journaliste73. » Il s’agit là de défauts imputables à l’incompétence du journaliste. Mais il y a plus grave encore. Certains journalistes profitent de leur tribune pour s’arroger un pouvoir intellectuel insupportable : « D’autres, cédant à l’ambition de devenir des dictateurs dans la très libre république des lettres, jugent avec une autorité souveraine dans toutes les sciences, dans tous les domaines de l’encyclopédie entière74. » La conséquence est que l’information délivrée n’est pas fiable : « C’est ainsi que sont continuellement détrompés ceux qui se donnent la peine de confronter les œuvres aux journaux qui en parlent75. » Surtout, les rapports de pouvoir ainsi instaurés dégénèrent en despotisme : « D’où une perpétuelle soumission au jugement d’autrui qui introduit jusque dans les sciences humaines le despotisme et l’immobilité dans les progrès du vrai et de l’utile76 », et en corruption : « C’est ainsi que, la Spartiate liberté des appréciations ayant disparu, les jugements se vendent et se monnayent77. » Le pouvoir journalistique peut ainsi tomber aux mains d’hommes corrompus ou incompétents. Beccaria semble pressentir la formation et le développement d’une nouvelle catégorie professionnelle, celle du journalisme, plus généralement celle des média à grande diffusion. À ces professionnels de la communication de masse naissante, il propose un code de déontologie visant à lutter contre la corruption ou simplement à garantir la fiabilité de l’information. Pour l’heure, les journalistes du « Caffè » revendiquent le pouvoir journalistique au profit du philosophe – celui des Lumières, bien sûr –, intellectuel vertueux et désintéressé, dont la seule préoccupation est le bien de l’humanité.
39Par son idéologie utilitariste et cosmopolite, le « Caffè » s’affirme bien comme un périodique des Lumières, essentiellement soucieux d’instruire et d’éduquer son public.
40Outil de communication susceptible d’atteindre un public élargi, le périodique témoigne de la sensibilité de ses rédacteurs à la globalité du phénomène de communication, aux potentialités du support et à la prise en compte du récepteur. Le « Caffè » va ainsi à la rencontre d’un public culturellement moyen, sociologiquement défini par son intérêt pour l’activité économique bourgeoise ; la claire conscience du statut social et culturel de la femme permet d’identifier dans le public féminin un centre nodal d’importance capitale dans la stratégie de diffusion du périodique et des idées éclairées qu’il véhicule. Dépouillée des mythes de l’angélisation, la femme se retrouve ainsi en situation de réverbérer ces Lumières que nos philosophes se proposent de diffuser au moyen du journalisme.
41L’esthétique sensualiste journalistique repose sur les principes de brièveté, de variété, de clarté et de simplicité qui définissent un classicisme bourgeois. Raisonnement, narration, dialogue, sont les modalités discursives qui supportent la littérarité de l’article de journal. Le propos fondamental étant d’instruire, rhétorique, narrativité, dialogisme sont conçus comme les ornements esthético-pédagogiques qui permettent d’instruire en divertissant. Le dialogue est ainsi pensé davantage sous l’angle des valeurs théâtrales qui permettent d’animer le propos que sous celui du potentiel philosophique du dialogisme (le dialogue comme modalité essentielle du cheminement vers la vérité) tel qu’il sera explicité quelques décennies plus tard par des philosophes comme Schleiermacher et ses amis de l’« Athenaeum ».
42L’esthétique journalistique théorisée et mise en œuvre par les rédacteurs du « Caffè » témoigne par ailleurs du goût de l’époque pour le réalisme et de sa préférence pour un art mimétique ; on peut voir là une autre caractéristique du classicisme bourgeois précédemment défini au niveau des principes.
43On relève également dans la réflexion esthétique du « Caffè » une nette tendance sociologisante préoccupée de mettre en relation les formes esthétiques avec le contexte historique, social et politique qui les voit naître. Le recours à l’allégorie animale renvoie ainsi à un contexte de despotisme. La forme littéraire est alors conçue non comme ornement mais comme adaptation (ici comme camouflage) à une réalité.
44Le choix du journalisme témoigne de l’attention portée à une nouvelle donnée de la vie politique : l’opinion publique. Une opinion publique naissante qu’il s’agit encore de former et d’éduquer. Le journaliste devient alors le détenteur d’un nouveau type de pouvoir, celui que confère la maîtrise des média. La prise de conscience du phénomène amène les rédacteurs du « Caffè » à esquisser la déontologie qui doit réglementer – sur le plan de la compétence et sur celui de la morale – ce nouveau pouvoir. Sur ce point, nos journalistes ont fait plus que se confronter aux problèmes de leur époque. Ils ont pressenti et posé ceux de l’avenir.
Notes de bas de page
1 Pour une étude de l’ensemble du « Caffè » le chercheur dispose de l’édition critique suivante : « Il Caffè », a cura di G. Francioni e S. Romagnoli, Torino, Bollati Boringhieri, 1993. Je la désignerai par l’abréviation « Il Caffè » 1993.
2 Les Meditazioni sulla felicità sont publiées anonymement à Livourne en 1763. Remaniées et augmentées, elles seront republiées en 1781 sous le titre Discorso sulla felicità. On peut lire cette version, accompagnée d’autres textes, dans l’édition qu’en donne R. De Felice : P. Verri, Del piacere e del dolore ed altri scritti, Milano, Feltrinelli, UE n° 458, 1964.
3 Développant un traité précédemment paru à Venise (avec la fausse indication de La Haye) en 1751, l’étude de Carli paraît en trois volumes respectivement à Mantoue, Pise et Lucques, de 1754 à 1760. Une seconde édition paraît à Mantoue en 1764.
4 Les poèmes de Beccaria sont recueillis in C. Beccaria, Opere, vol. II, Scritti filosofici e letterari, a cura di L. Firpo, G. Francioni e G. Gaspari, Milano, Mediobanca, 1984.
5 L’essai Dei disordini e dei rimedi delle monete est imprimé à Lucques, chez Giuntini, en 1762. On peut le lire in C. Beccaria, Opere, vol. III, Scritti economici, Milano, Mediobanca, 1984, accompagné de la Nota al testo de G. Gaspari.
6 Le livre Dei delitti e delle pene est publié sans nom d’auteur à Livourne en 1764. L’édition critique de référence (qui reproduit l’édition de 1766) est actuellement l’Edizione Nazionale, a cura di G. Francioni, Milano, Mediobanca, 1984 dont le texte est repris en édition de poche, Milano, Garzanti, 1987.
7 L’article De’ fogli periodici paraît le 1er juin 1765.
8 F. Venturi, Settecento riformatore, cap. 9, La Milano del « Caffè », Torino Einaudi, 1969, p. 647 : « Il più vivace periodico dell’illuminismo italiano. »
9 La question de l’opinion publique est sans doute un angle d’attaque incontournable dans l’étude de la littérature journalistique. Cf. J. Lacroix, Fabriquer l’opinion au début du Risorgimento : le paradoxe du « Conciliatore » (1818-1819) in « Les langues néo-latines », n° 280, Paris.
10 A. Verri, Rinunzia al vocabolario della Crusca, in « Il Caffè », 1993, p. 49 : « Consideriamo ch’ella è cosa ragionevole che le parole servano aile idee, ma non le idee aile parole. »
11 Cf. N. Jonard, Bonheur privé et bonheur public dans le « Caffè » de Milan in « Studi settecenteschi », 5, Bibliopolis, 1984.
12 Cf. N. Jonard, Morale et société dans le « Caffè » de Milan in « Studi settecenteschi », 9, Bibliopolis, 1988.
13 P. Verri, [Introduzione] in « Il Caffè », 1993, p. 11 : « Cosa conterrà questo foglio di stampa ? Cose varie […] tutte dirette alla pubblica utilità. »
14 C. Beccaria, De’ fogli periodici in « Il Caffè », 1993, p. 411 : « Or l’una or l’altra delle utili verità. »
15 Cf. N. Jonard, La politica del « Caffè » in « Problemi », maggio-agosto 1969 ; ainsi que R. Abbrugiati, La pensée politique du « Caffè » ou l’expression juridique et économique d’un projet de société in « Chroniques italiennes », n° 46, Paris, juin 1996, p. 5 à 29.
16 Cf. entre autres, P. Verri, Elementi del commercio in « Il Caffè », 1993, p. 30 ; A. Longo, Osservazioni su i fedecommessi, p. 115 ; S. Franci, Alcuni pensieri politici, p. 143 et l’impressionnante série d’articles juridiques d’A. Verri.
17 Par exemple G. Visconti, [Osservazioni meteorologiche fatte in Milano], [Sul clima] in « Il Caffè », 1993, p. 106 ; P. Frisi, Degli influssi lunari, p. 291 ; P. Frisi, Saggio sul Galileo, p. 431 ; P. Verri, Sull’innesto del vaiuolo, p. 756, etc.
18 Par exemple C. Beccaria, Frammento sullo stile in « Il Caffè », 1993, p. 277 ; A. Verri, Dei difetti della letteratura e di alcune loro cagioni, p. 539, etc.
19 P. Verri, [Introduzione] in « Il Caffè », 1993, p. 12 : « Fanno che gli uomini che in prima erano Romani, Fiorentini, Genovesi o Lombardi, ora sieno tutti presso a poco Europei. »
20 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 411 : « Quello che sono i libri stampati rispetto alla scrittura può quasi dirsi che lo siano i fogli periodici rispetto a’ libri stampati ; e come questi tolsero dalle mani di pochi adepti le cognizioni e le sparsero nel ceto dei coltivatori delle lettere, così i fogli le cognizioni medesime che circolano nel popolo studioso comunicano e diffondono nel popolo o travagliatore od ozioso. »
21 C. Beccaria, ibidem, p. 412 : « Come la circolazione dei denaro è avvantaggiosa, perché accresce il numero delle azioni degli uomini sulle cose, così la circolazione dei fogli periodici aumenta il numero delle azioni della mente umana, dalle quali dipende la perfezione delle idee e de’ costumi. »
22 N. Jonard, Milan au siècle des Lumières, Dijon, Imprimerie de l’université de Bourgogne, 1974, p. 33. La citation d’Alfieri est extraite de V. Alfieri, Della tirannide in Scritti politici e morali, Asti, Casa d’Alfieri, 1951,1.1, p. 41.
23 N. Jonard, ibidem, p. 33.
24 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 411 : « Ma un foglio periodico, che ti si presenta come un amico che vuol quasi dirti una sola parola all’orecchio […] è per lo più il più ben accetto, il più ascoltato. »
25 C. Beccaria, De’ fogli periodici, Mediobanca, 1984, p. 415 : « Qui non si parla né ai sublimi né ai stupidi e zotici uomini, ma a quella parte dei genere umano che, trovandosi fra questi estremi, oscilla perpetuamente o verso l’uno o verso l’altro. »
26 C. Beccaria, ibidem, p. 412 : « Le leggieri e distratte donne. »
27 Cl.-A. Helvetius, De l’Esprit, Paris, Fayard, 1988, p. 190.
28 S. Franci, Difesa delle donne in « Il Caffè », 1993, p. 247 : « Troppo negligentiamo l’educazione delle femmine. »
29 Cl.-A. Helvétius, De l’Esprit, éd. cit., p. 190.
30 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 412 : « Gli uomini per lo più si modellano. »
31 C. Beccaria, ibidem, p. 413 : « Oh se alcuna di quelle sovrane bellezze, che dan norma in una metropoli a tutte l’altre, legislatrici de’ più colti modi, ne cominciasse lo sperimento, qual folla d’imitatori e d’imitatrici si trarebbe dietro. »
32 C. Beccaria, Ricerche intorno alla natura dello stile, a cura di Gianmarco Gaspari, in Opere, vol. II, Milano, Mediobanca, 1984, p. 83-85 : « Lo stile consiste nelle sensazioni accessorie che si aggiungono aile principali […]. Dunque ogni nostra ricerca ed ogni nostro esame dovrà farsi intorno aile sensazioni medesime ed aile combinazioni di quelle ; e le parole dovranno esser risguardate principalmente come eccitatrici più o meno immediate di tali sensazioni, o combinazioni di sensazioni. »
33 A. Verri, Saggio di legislazione sul pedantesimo, « Il Caffè », 1993, p. 135 : « Non pochi si disgustano della grossezza de’ libri, e misurando da quella la fatica che si deve fare per intenderli, prendono il comodo partito di restar ignoranti. »
34 A. Verri, ibidem, p. 135 : « Scriverle più chiaramente e concisamente che si può. »
35 C. Beccaria, Dei delitti e delle pene, a cura di G. Francioni, Milano, Mediobanca, 1984, p. 17 : « Farraginosi volumi di privati ed oscuri interpreti. »
36 J. Lacroix, Fabriquer l’opinion au début du Risorgimento : le paradoxe du « Conciliatore » (1818-1819) in « Les Langues néo-latines », n° 280, p. 46. « La brièveté – écrit Jean Lacroix à propos du “Conciliatore” – apparaît fondamentalement alors comme une exigence méthodologique destinée à servir au plus près les intérêts d’une idéologie propice à “l’élimination de l’apathie” d’un peuple qui s’est “endormi” […]. Sur ce point, le “Conciliatore” fait plus qu’entrevoir la priorité d’un choix d’écriture finalisée qui dynamise l’action, et devienne au moins incitation à agir ou à réagir », p. 49. C’est, entre autres, en ce sens que Jean Lacroix peut voir dans « Il Caffè » (la boisson qui lui donne son nom a, selon Pietro Verri, une « vertu capable d’éveiller les esprits » – « virtù risvegliativa degli spiriti » –, « Il Caffè », 1993, p. 14) un « ancêtre » (p. 56) du « Conciliatore ».
37 A. Verri, La bugia in « Il Caffè », 1993, p. 152-153.
38 A. Verri, L’ingratitudine, ibidem, p. 153.
39 A. Verri, [I filosofï], ibidem, p. 154.
40 P. Verri, Sull’innesto del vaiuolo, ibidem, p. 756-803.
41 S. Romagnoli, Introduzione in « Il Caffè », Milano, Feltrinelli, 1960, p. XXXVII : « Nell’Innesto del vaiuolo non troviamo più, o per lo meno ritroviamo con fatica quel genere nuovo di scrittura, vivace, polemico, spesso di tono anti-erudito, che aveva sconcertato gli ambienti milanesi, lombardi e italiani al primo apparire del “Caffè” […]. La polemica si distende […] nella dissertazione, cerca appoggio nell’erudizione […] quasi a restringere il pubblico ideale dei lettori ad una classe di dotti, di preoccupati padri di famiglia, anziché ad un più vasto e vario pubblico che comprendesse, com’era stato nei voti iniziali, tanto il grave magistrato che la vivace donzella. »
42 P. Verri, [Introduzione] in « Il Caffè », 1993, p. 11 : « Cosa conterrà questo foglio di stampa ? Cose varie, cose disparatissime. »
43 C. Beccaria, Ricerche intorno alla natura dello stile, op. cit., p. 89 : « La noia, che esclusivamente ad ogni altro sentimento ci crucia e c’infastidisce. »
44 C. Beccaria, Frammento sullo stile in « Il Caffè », 1993, p. 279 : « La poesia […] non istanca giammai un solo senso con noiose uniformità, ma molti ne percuote e più insieme. Ella risveglia più sensazioni insieme. »
45 C. Beccaria, Ricerche intorno alla natura dello stile, op. cit., p. 131 : « Chiarezza del discorso. »
46 C. Beccaria, ibidem, p. 132 : « Il più chiaro e il più distinto possibile. »
47 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 414 : « Questo scopo dev’essere piuttosto nascosto che palese, coperto dal fine apparente di dilettare, di divertire. »
48 C. Beccaria, ibidem, p. 412 : « Severi precetti della virtù. »
49 A. Verri, Rinunzia avanti notaio degli autori del presente foglio periodico al Vocabolario della Crusca in « Il Caffè », 1993, p. 47 et suivantes.
50 A. Verri, Lo spirito di società, ibidem, p. 396 et suivantes.
51 P. Verri, Il tempio dell’ignoranza, ibidem, p. 27.
52 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 415 : « [Un] metodo […] vantagiosissimo è quello dei seri ragionamenti, che invitino alla virtù non per i motivi rigorosi del dovere, ma per quelli dell’utile, non colla geometrica dimostrazione, ma col dolce incanto di una mansueta eloquenza non trasportata né sublime, perché mette in guardia i lettori, non vile e triviale, perché genera disprezzo e noia. »
53 S. Franci, Difesa delle donne in « Il Caffè », 1993, p. 245 et suivantes.
54 P. Verri, Elementi del commercio in « Il Caffè », 1993, p. 30 et suivantes.
55 A. Longo, Osservazioni su i fedecommessi, p. 115 et suivantes.
56 P. Secchi, Anecdoto chinese in « Il Caffè », 1993, p. 333 et suivantes.
57 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 414 : « Uno dei mezzi più efficaci dovrebb’essere l’apologo, antichissima maniera d’instruire nata nel seno del dispotismo. »
58 J. Lacroix, op. cit., p. 44-46.
59 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 414 : « In questo metodo vi è qualche cosa di duro e d’inverosimile, che, se non era sentito dai primi uomini, meno sensibili e raffinati di noi, lo è senza dubbio in questo secolo dalle persone più colte e civili. »
60 Cf. G. Francioni, Il fantasma del « Ripulimento » : un’opera mancata tra i « Delitti » e le « Ricerche » in Cesare Beccaria, Opere, vol. II, Scritti filosofici e letterari, Milano, Mediobanca, 1984, p. 434-451.
61 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 415 : « Esempi veri tratti dalla storia di generosità e di virtù. »
62 A. Verri, Conversazione tenutasi nel caffè in « Il Caffè », 1993, p. 163 et suivantes.
63 G. Colpani, Dialoghi dei morti in « Il Caffè », 1993, p. 222 et suivantes.
64 P. Verri, Dialogo fra un Mandarino chinese e un Sollecitatore in « Il Caffè », 1993, p. 460 et suivantes.
65 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 414 : « Un altro mezzo sono i dialoghi ; questi conducono moltissimo a mettere in chiaro una verità, rappresentando con forza e con industria il pro ed il contre di essa. »
66 Sur le dialogisme du « Caffè » cf. R. Abbrugiati, À propos de Della patria degli Italiani. Avec ou sans guillemets ? Le rapport narration/dialogue dans « Il Caffè », septembre 1995, publication prévue in « Revue des études italiennes », Paris, 1997.
67 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 415 : « Suscettibili d’una infinità di caratteri differenti, sì ridicoli e viziosi che giusti e virtuosi. »
68 Cf. R. Abbrugiati, La réception critique de Goldoni dans « Il Caffè » à travers la critique des masques in Goldoni et l’Europe, numéro spécial de « Filigrana », Grenoble, université Stendhal-Grenoble III, 1995, p. 141-154. À paraître ; Venise vue de Milan. La cité vénitienne à travers la critique goldonienne de Pietro Verri in Actes du colloque sur « L’image de la cité vénitienne dans l’œuvre de Carlo Goldoni » (Aix-en-Provence, 9-11 décembre 1993), à paraître.
69 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 415 : « Una fedele pittura del conversare degli uomini. »
70 C. Beccaria, De’ fogli periodici, op. cit., p. 417 : « Moltissimi non sono esatti. »
71 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Trascurano di parlare di quei libri, gli autori de’ quali hanno trascurato d’inviarne loro la notizia. »
72 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Alcuni non citano che pochi squarci del libro, credendo con ciò di darne un’idea ai lettori. »
73 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Alcuni, in luogo di dare un estratto fedele del libro, perdono il tempo in preamboli e prefazioni, nelle quali spicca bensì l’ingegno dell’autore, ma si manca al fine di un giornalista. »
74 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Altri, cedendo all’ambizione di divenire dittatori nella liberissima repubblica delle lettere, giudicano con sovrana autorità in ogni scienza, in ogni classe dell’intera enciclopedia. »
75 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Quindi continui disinganni ricevono coloro, che si dan la pena di confrontar le opere co’ giornali che ne parlano. »
76 C. Beccaria, ibidem, p. 417 ; « Quindi una perpetua sommessione al giudizio altrui, che fino nelle umane scienze introduce il dispotismo e l’immobilità ne’ progressi del vero e dell’utile. »
77 C. Beccaria, ibidem, p. 417 : « Quindi, tolta la spartana libertà dei voti, i giudizi si vendono a prezzo. »
Auteur
Maître de conférences à l’université de Nice.
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