Chapitre 8
Le devoir être intellectuel des militants communistes et ses obstacles
p. 211-229
Texte intégral
1Le militantisme des intellectuels organiques du PCF, ici entendus au sens restreint des militants et cadres issus des classes populaires1, se caractérise, à partir de la bolchevisation (1924), par une injonction contradictoire : d’un côté, est requis un activisme militant d’autant plus impératif et contraignant que l’engagement communiste tend à devenir un engagement « total » ; de l’autre, l’« idéal du moi » du militant implique une intellectualisation qu’empêche l’activisme, bien qu’elle soit elle-même d’autant plus impérieuse qu’à partir de la seconde moitié des années vingt, ces intellectuels organiques sont appelés à occuper les postes auparavant dévolus aux intellectuels de formation, les litterary men comme les appelait Karl Marx, qui sont encore légion dans le jeune parti communiste de la première moitié des années vingt. L’« intellectuel de type nouveau », tel sera le concept indigène de cet idéal militant. Cette intellectualisation fait simultanément l’objet d’une défiance de l’institution communiste qui, au fur et à mesure du processus de stalinisation, tient à l’encadrer et à l’orienter afin d’en limiter les « dangers » pour l’institution même. Les contenus mais aussi les modes d’appropriation font à cette fin l’objet d’un ensemble de prescriptions et de pratiques d’institution. S’il s’agit certes de se cultiver, la culture acquise ne doit être ni un « bien personnel » ni une ressource critique susceptible d’être retournée contre l’institution ou ses dirigeants. Une éthique conditionne donc les appropriations savantes, que guident des préceptes inlassablement répétés : ne jamais séparer la théorie de la pratique ; ne jamais oublier l’humilité qui sied au militant ; ne pas couper les cheveux en quatre. La formation intellectuelle prend ainsi place dans un mode de production doctrinal ecclésial2 qui la conditionne. Pour orienter cette « acculturation »3, l’institution communiste a édifié, on le sait, un système hiérarchisé de formation (des écoles élémentaires à l’École léniniste internationale)4 et s’est dotée d’un ensemble d’outils d’édition (du quotidien – L’Humanité puis Ce soir à partir de 1937 – aux revues du Parti et de l’Internationale communiste ; des collections spécifiques allant des brochures – par exemple la collection Petite bibliothèque léniniste – aux œuvres de Marx, Engels, Lénine ; des guides de lecture ; des abonnements groupés, etc.) visant à favoriser et à saturer le temps de l’autodidaxie militante5. Se cultiver, dans ces conditions, suppose une mobilisation personnelle pour surmonter les obstacles et ne va pas sans contradictions, ambiguïtés, ambivalence, malaise.
2Je voudrais, ici, documenter, grâce à diverses sources, la gestion de cette injonction contradictoire par les militants et cadres en interrogeant les conditions (matérielles, psychologiques, physiques) de ce travail intellectuel « volé » sur le temps militant/professionnel/familial et les rapports au savoir qui en résultent. C’est d’abord, on va le voir, une longue plainte, un désarroi, un sentiment d’incomplétude qu’expriment les militants dans leurs autobiographies de parti. Beaucoup vivent douloureusement, sur le mode de la culpabilité, leur écart à « l’idéal militant ». Si la plupart déplorent l’empêchement dû à leur activisme, il existe néanmoins des situations (recherchées ou non) qui facilitent et autorisent le travail intellectuel : la maladie (le « sana »), la prison, les trajets en train ou en bateau, les « planques » dans la Résistance, par exemple. Le militant peut recourir aussi à des tactiques qui supposent qu’il apprenne à plier son corps : réduire le temps du sommeil et savoir gérer sa fatigue physique ; exploiter les « temps morts » (ceux des congrès ou d’assemblées diverses) ; limiter le temps consacré aux repas.
La plainte et la faute
3L’activisme militant est l’obstacle majeur que rencontrent les militants désireux de se cultiver, sans doute aussi le meilleur alibi. Il faut ici rappeler que le militantisme des années vingt et trente, sous les auspices d’une révolution imminente, était de tous les instants. Albert Vassart, alors l’un des cadres dirigeants, bientôt bénéficiaire d’un séjour en Crimée en sanatorium, en fait une analyse désabusée dans l’une de ses lettres à Cilly Geisenberg, au moment où, épuisé et malade, il sollicite le privilège de se reposer :
Le 2 mars 19296
[…] la pauvreté en militants qualifiés a pour conséquence d’écraser les quelques Cdes [camarades] un peu compétents sous une avalanche de tâches multiples […] Ce qui caractérise le mouvement révolutionnaire français c’est l’extrême pénurie de moyens financiers. Une bonne partie de notre activité est toujours limitée par l’absence de ressources […] Pas d’argent pour le matériel, ni pour les grèves, ni même pour les fonctionnaires […] Tout le monde étale sa pauvreté sous mille formes et pour le moindre prétexte […] Je connais bien cela puisque je suis moi-même « trésorier » de la Fédé. Les Cdes qui vont « discuter » s’il faut ou non m’envoyer dans un sana très coûteux sont obligés de refuser tous les jours des demandes d’aide financière pour des motifs beaucoup plus importants que celui qui consiste à essayer de me guérir […] En France, j’ai vu pratiquer à l’égard des militants la politique du « citron pressé ». Tant que le citron c.à.d. [c’est-à-dire] le militant peut donner du jus c.à.d. du travail, on l’utilise. Quand le citron est desséché c.à.d. quand le militant est malade ou fatigué, on le rejette. C’est une méthode peu humaine : on peut la critiquer évidemment, mais il n’en reste pas moins que c’est la règle qui jusqu’ici a été appliquée dans notre mouvement et c’est malheureusement la seule qui jusqu’à présent était applicable si l’on tient compte des moyens financiers que nous avons. On a fait pour moi une première exception à cette règle en 1927 lorsqu’on m’a envoyé en URSS. mais maintenant c’est plus délicat et je t’assure ma Cilly qu’il m’en a coûté beaucoup de solliciter à nouveau une aide pour pouvoir aller dans un sana.
4Tel est le contexte qu’il faut avoir à l’esprit pour comprendre l’injonction contradictoire qui régit en pratique l’activité intellectuelle. On peut se saisir des autobiographies communistes d’institution7 (ACI – plus de 1 500 étudiées) pour appréhender cette dimension intellectuelle de la vie militante. Celles-ci tendent à mesurer non seulement le capital scolaire mais aussi la compétence politique cultivée telle qu’elle peut être cernée par la connaissance des œuvres de Marx, Engels et Lénine (en 1933) auxquels s’ajoute Staline en 1937, des œuvres de vulgarisation savante aux œuvres théoriques les plus ardues, Le Capital faisant ici office de graal. À cette occasion, beaucoup commentent leur rapport à ces lectures, le questionnaire des autobiographies d’institution les invitant à une sorte d’auto-évaluation où certains explicitent les effets de l’injonction contradictoire à laquelle ils sont soumis.
Encadré 1 : Les auto-évaluations de militants communistes sur leur formation intellectuelle
Voici quelques exemples tirés des fonds des Archives russes d’État d’histoire sociale et politique (RGASPI).
Geneviève Jolly, ouvrière lingère (RGASPI 495 270 2973) : « Je n’avais pas les bases pour m’instruire seule ; J’ai du interrompre la lecture car je ne pouvais rien assimiler ».
Georges Albaret, ouvrier (495 270 3998) : « Je n’ai fait que six ans d’école ».
Jean Barthel, électricien (495 270 3259) : « Pas le temps ».
André Barthélémy, commis principal des PTT, brevet supérieur (495 355) : se définit comme « autodidacte politique » ; lectures « insuffisamment systématiques et approfondies par manque de temps ».
Gilbert Berger, menuisier charpentier (495 270 2657) : « jamais le temps de lire ».
Clément Berger, instituteur, brevet supérieur (495 270 2997) : « J’ai lu Marx, Engels et Staline mais le travail pratique me prenant beaucoup de temps, je n’ai pu étudier ces ouvrages à fond ».
Pierre Belluge, mécanicien dentiste, tailleur pour dames (495 270 611) : « Je me suis pétri intellectuellement avant-guerre aux œuvres de tendances libertaires et scientifiques. J’étais passionné de Kropotkinisme et du bakouninisme mais c’est surtout les études économiques et sociales qui accaparèrent même après la guerre mon cerveau. C’est dans la période où j’entrai au parti en 1923 et depuis que j’ai davantage lu dans les œuvres marxistes diverses tant en livres, brochures, articles, revues. J’émet le regret que l’absorption dans mes fonctions syndicales ne m’aient pas donné les loisirs d’étudier sérieusement du marxisme et du léninisme, que j’ai davantage acquis par bribes ou dans la pratique du régime soviétique durant mes trois voyages en URSS et mes deux ans que j’y ai vécus ».
Léon Besnard, marchand forain, ex-lithographe, cuisinier sur bateaux (495 270 7147) : « Huma, Regards, Russie d’aujourd’hui. Brochures mais pas très étudié. Très paresseux de ce côté ».
Lucien Besnard, menuisier, chômage (495 270 5885) : « difficultés à lire* moments courts de liberté ».
Lucien Bigouret, ajusteur forgeron (495 270) : « pas le temps pour lire comme il le faudrait ».
Paul Bouvier, ouvrier coiffeur (495 270 577) : « Que par l’intermédiaire de brochures, CB [Cahiers du bolchevisme] et de l’Huma ».
Marcel Bouyat, cuisinier (495 270 1512) : « aucune instruction politique, me suis formé moi-même ».
Julien Brunel, plombier-zingueur (495 270 2863) : « Que les brochures et les Cahiers du Bolchevisme ».
Pierre Bugeaud, employé des assurances sociales, commis (495 270 2521) : « je n’ai pas reçu d’instruction politique à l’extérieur du parti. Avant d’adhérer, je n’avais rien lu de politique ».
Suzanne Cage, bobineuse dans le textile (595 270 8268) : « je n’ai à peu près aucune instruction politique ».
Ernest Cantobre, agriculteur, marié à une professeure de lettres (495 270 961) : « J’ai fait toutes ces lectures d’une façon trop superficielle et trop à la hate ».
Pierre Celor, employé aux écritures, dirigeant impliqué dans l’affaire Barbé-Celor (495 270 7611) : « pas bien assimilé, mes fautes dans le parti le démontrent »a.
Jean Cerez, sculpteur sur bois (495 270 779) : « j’ai surtout lu des extraits, mais je n’ai jamais étudié régulièrement car le temps m’a toujours manqué ».
Hildebert Chaintreuil, couvreur, plombier, zingueur (495 270 5440) : « Aucune instruction politique ne m’a jamais été donnée. Les quelques connaissances acquises dans le domaine social le sont par le contact avec les militants, l’expérience acquise au cours des luttes, par la lecture. Si j’ai lu beaucoup de brochures, d’articles, de livres, je ne peux pas dire que j’ai étudié les ouvrages de Marx, Engels, Lénine, Staline. Ma lecture fut plutôt anarchique. Il faut dire également un peu faute de temps mais non point faute de goût pour la lecture » ; « déjà beaucoup de mal pour le français » (réponse à la question sur la connaissance des langues étrangères)b.
Raoul Champion, employé de bureau, deux ans et demi d’école primaire et supérieure (495 270 3745) : « Je n’ai lu aucun ouvrage complet de M[arx], E[ngels], L[énine], S[taline], seulement des adaptations ou des résumés en brochures ».
Lucien Chapelain, ouvrier pâtissier (495 270 1051) : « j’ai lu de petites brochures et pas de gros ouvrages ».
Étienne Charpier, inspecteur d’assurances (495 270 3529) : « j’ai lu pèle mêle des ouvrages de vulgarisation de MEL, CDLP, L’Huma, La Terre, Le journal de Moscou, Rouge Midi, Regards ».
Jean Chassac, quartier maître électricien, puis employé à la Famille nouvelle (495 270 4272) : « J’ai lu et je relis toutes ou presque toutes les brochures de vulgarisation marxiste, les rapports édités à la suite du 7e congrès [Paris, mars 1932] et du congrès de Villeurbanne [janvier 1936] […] je lis beaucoup, autant que me le permet mon travail, mon activité de militant et les moyens dont je dispose pour acheter des ouvrages ».
André Chastellain, tourneur de précision sur métaux (495 270 3495) : « je n’ai appris qu’en militant ».
Edmond Cher, ajusteur (495 270 2762) : « CB, lecture partielle ».
Jean Coste, petit cultivateur (495 270 2492) : « pas d’éducation politique rationnelle ».
Gabriel Citerne, toupilleur sur bois (495 270 365) : a lu des « extraits, principaux livres du parti » ; « J’ai lu beaucoup mais peu retenu ».
François Costes, agent des lignes PTT (495 270 3810) : « pas le temps de lire et de s’instruire ».
Alfred Costes, métallurgiste, contremaître (495 270 8) : « connaissances superficielles, lu trop vite ».
Pierre Darras, employé de bureau / plongeur / manœuvre dans la fonderie (495 270 5494) : « j’ai lu au hazard des pages de Marx, Lénine, Engels mais de façon superficielle, je n’ai rien retiré […] meme comme embryon de théorie révolutionnaire. N’ayant pas cherché à tout comprendre ».
Ferdinand Destrem, contrôleur adjoint ambulant des PTT (495 270 975) : il évalue les publications du Parti à cette occasion en indiquant que « dans ce domaine, il faudrait arriver à condenser, simplifier, à vulgariser. Les publications doivent être faites pour ceux qui les lisent, et pas uniquement pour ceux qui les écrivent » ; « Je me rends bien compte que dans le domaine idéologique j’ai beaucoup à apprendre ».
Augustin Dujardin, mineur (495 270 786) : ACI de 1933, « instruit moi-même en lisant, discutant pendant 6 années » ; ACI de 1937, « trop de tâches pour lire ».
Henry Dupuy, chef monteur (495 270 733) : s’il déclare avoir lu dans la bibliothèque de son père, il ajoute « je reconnais mon insuffisance tant théorique que pratique ».
Eugène Galopin, ajusteur mécanicien (495 270 706) : « lu ou parcouru à peu près tout ».
Raymond Losserand, artisan fourreur (495 270 2486) : « je puise les conseils indispensables à un militant ».
Raymond Meunier, graveur sur acier (495 270 8463) : « C’est seulement à l’ELI que j’ai sérieusement étudié ».
a. Pierre Celor, qui va être éliminé, joue ici le jeu du mauvais élève que semble appeler la procédure d’élimination dont il fait l’objet.
b. Sur Hildebert Chaintreuil, voir Bernard Pudal et Claude Pennetier, « Un syndicaliste “bâtimenteux” », Le souffle d’octobre 1917, ouvr. cité, p. 137-145.
5Comme le montrent ces quelques exemples, l’incompétence ressentie s’ajoute à l’activisme militant qui empêche fréquemment l’indispensable retrait qu’impose l’activité intellectuelle. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que nombre de formulations expriment le sentiment d’un travail intellectuel inachevé, fragmentaire, discontinu, et soient fréquemment associées à des expressions dépréciatives : « Self made man faible en matière intellectuelle », comme l’écrit l’un d’entre eux, non sans autodérision. À la différence d’autres tâches, la lecture peut être différée et dévolue aux temps morts, quand l’occasion se présente. Et même lorsqu’ils font état de leurs nombreuses lectures, ce sentiment d’incomplétude persiste, celles-ci n’étant que rarement associées à l’étude des textes. Il en résulte un sentiment d’illégitimité qui les conduit à reconnaître l’importance du registre « théorique » et, ce faisant, peut-être, à s’interdire d’autres registres de pouvoir critique fondés sur d’autres modes de connaissance pratique8. On est là sans doute au cœur des mécanismes à la fois intellectuels et symboliques de la remise de soi.
6Ce sentiment d’illégitimité les conduit à souhaiter qu’on les aide à se former. Ils candidatent aux écoles de parti, seules susceptibles souvent de rationaliser leur travail intellectuel. C’est la demande pressante de Lajb Gronowski par exemple :
Instruction politique : aucune école de parti. Mon malheur c’est que j’étais toujours un dirigeant actif et je me formais tout seul. Mon désir le plus profond c’est de faire une école. C’est pour apprendre une méthode que je veux travailler à l’école par correspondance. L’année dernière je me suis inscrit à l’école par correspondance (cours supérieur) mais je ne pouvais pas suivre à cause de l’activité au Parti.9
7Ceux qui tentent de s’approcher du modèle militant requis sont conduits ainsi soit à reconnaître leur écart au modèle, soit à admettre qu’ils n’en incarnent qu’une version « appauvrie », soit à consentir qu’ils ne peuvent répondre à l’injonction, tout en le regrettant. Une culpabilité tenace semble en résulter, moteur sans doute de leurs efforts mais symptôme aussi d’une frustration qu’ils vivent plus ou moins bien et à laquelle certains se résignent explicitement. L’activisme militant, associé à d’autres tâches incompressibles (notamment le travail pour ceux qui ne sont pas permanents), conduit ainsi fréquemment à différer l’autoformation. Au fil de la lecture de leurs souvenirs, de leurs témoignages ou de leurs mémoires, on peut repérer quelques tactiques pour « libérer » du temps dans une vie militante harassante, la plus évidente étant de gagner du temps sur le sommeil, non sans risque parfois pour leur santé. Il faut savoir saisir les occasions qui se présentent et s’y préparer. Maurice Thorez avait prodigué aux secrétaires fédéraux, en janvier 1948, le conseil suivant :
Le secrétaire fédéral doit se réserver du temps pour lire. Je m’excuse de rappeler que j’ai été secrétaire fédéral autrefois. Il m’arrive, en relisant tel ou tel livre, de retrouver les notes que j’avais prises alors. Quand j’étais secrétaire fédéral, je lisais dans le train, comme l’ont fait beaucoup de camarades ; on peut lire pendant le temps du voyage. Ayez toujours un livre avec vous. Cela vous permettra de voir plus loin […].10
La prison, le régime de prisonnier politique
8L’emprisonnement11 pouvait être, dans ces conditions, une aubaine. Une vigilance particulière s’exerça sur les militants emprisonnés pour lesquels l’alibi de l’activisme ne pouvait plus être invoqué. Les responsables aux cadres et les dirigeants surveillaient de très près le comportement des militants emprisonnés. Une question spécifique lui était consacrée dans le questionnaire « autobiographique », signe de l’importance de ce moment et de la fréquence des séjours en prison : « 72° – Aviez-vous la possibilité [en prison] de vous instruire et qu’avez-vous fait en ce sens ? ». Des rapports dénonçaient ceux qui n’avaient pas su exploiter la situation carcérale. Idéalement, la prison devait être transformée en internat scolaire (avec des cours organisés, etc.), ce qui impliquait un combat préalable pour l’obtention du régime de prisonnier politique12. Maurice Tréand, le premier responsable de la commission des cadres, rappelle non sans fierté, dans son ACI de 1933, qu’il a été cité par le comité central du Secours rouge international pour sa lutte pour l’obtention du régime politique :
En prisons j’ai toujours été en contact avec le Parti, et j’ai lutté pour l’obtention du régime politique, cité dans une résolution du C. Central du S.R.I. comme exemple de luttes en prisons. J’ai lu en prisons lors de mes condamnations aux régimes politiques.13
9Bien qu’il n’existe pas, à proprement parler, de règles suffisamment impératives fixant les avantages auxquels ouvre droit le statut de prisonnier politique, ce dernier conditionne le travail intellectuel en donnant accès aux outils nécessaires (presse, livres, papier, stylos plume, crayons) et en autorisant les échanges entre prisonniers politiques.
10Maurice Thorez, dans son autobiographie de parti, en 1932, tout à la construction d’une biographie modèle, y souligne son combat pour l’obtention du régime politique à la prison Saint-Charles de Nancy en 1929 et l’école qu’il y a créée :
Je suis resté du 9 juin au 14 juillet 1929, à la prison de la Santé à Paris, et du 14 juillet 1929 au 24 avril 1930 à Nancy. […] À Nancy, j’ai dû lutter en compagnie d’ouvriers qui se trouvaient là, ou qui y vinrent (Ménard, XXX [illisible], etc., et ensuite Darnar) pour imposer le régime politique. La lutte fut longue et assez dure. Après ma libération, les directeurs de la prison voulurent reprendre les avantages arrachés. Il se produisit une vive résistance des ouvriers alors emprisonnés et l’intervention de la police dans les cellules. Des camarades furent frappés, assommés, jetés au cachot et condamnés à 6 et 8 mois de droit commun. Mais le régime politique fut maintenu. Je n’avais en prison que les contacts avec l’organisation locale et régionale (Jerram et Pernault ?). Je discutais les questions politiques avec les camarades (par lettre pour Jerram). Je participais et entraîné les ouvriers emprisonnés à la confection du journal. J’ai créé une école qui fonctionne régulièrement encore longtemps après ma libération.
11Dans Fils du peuple (1937), manuel d’édification des militants, il donne la règle à suivre, à son exemple :
Nos travaux en commun et nos conversations me laissaient cependant de longues heures de loisirs. Je les employais à parfaire mon éducation. En liberté, les tâches pratiques absorbent presque entièrement un militant ouvrier, même quand on ne sacrifie que quelques heures au sommeil. Mais dans le calme de la cellule, on peut concentrer sa pensée sur les grands problèmes, lire la plume à la main, méditer et écrire.14
12Même topo dans les Mémoires de Jacques Duclos. Lui aussi relate sa bataille pour l’obtention du régime politique à la Santé et liste les droits obtenus15 :
Le régime politique à la Santé [ici 1928] était réglementé de la façon suivante. À 9 heures du soir nous étions enfermés chacun dans notre cellule jusqu’à 7 heures du matin et dès lors nous pouvions sortir dans les couloirs du quartier politique et nous promener dans une cour de dimension médiocre qui au milieu des bâtiments assez élevés, faisait l’impression d’une sorte de puits. Nous prenions nos repas ensemble, et Marcel Cachin était notre président de table. La lecture des journaux nous amenait à échanger nos vues sur la situation politique, nous avions la possibilité de nous faire porter des livres et bien entendu la bibliothèque de la prison était à notre disposition. Pour me changer des lectures théoriques, je dévorai pendant mon séjour en prison une grande quantité de livres, et surtout du Balzac et de l’Alexandre Dumas père. (p. 273)
13Il note un peu plus loin que disposant de la lumière électrique pendant la nuit, il « pouvait lire et écrire jusqu’à une heure très avancée » (p. 275).
14Dans Le Radeau de la Méduse. Journal d’un prisonnier politique, 1940-194116, Léon Moussinac, intellectuel de profession, souligne l’importance « morale » (psychologique) de cette formation collective :
Il s’agit pour nous – je suis d’accord en cela avec Daniel, P., et quelques autres de nos camarades – de semoncer durement les autres. La faiblesse physique menace certains d’un effondrement moral. Plus ou moins, bon gré ou mal gré, si notre séjour ici se prolonge, comme il est probable, il faudra qu’une communauté s’organise pour satisfaire d’abord aux nécessités primitives. Si nous obtenons la séparation demandée entre les politiques et les « droits communs », cela serait plus facile. Mais cette séparation nous est obstinément refusée. Il s’agit de s’abriter, de manger, de vivre, en somme, le moins mal possible ; autrement dit d’essayer de vaincre le froid, la maladie. Il s’agit aussi d’entretenir la pensée et l’action autant qu’on pourra afin de vaincre le désespoir. (27 juin, p. 170-171)
15Alors interné au camp de Gurs, sous un régime très répressif, il consacre quatre pages (le 16 août 1940) à l’organisation des « loisirs » en prison (jeux de cartes, dominos, échange de livres, etc.) : « voici que notre communauté, si disparate et singulière, crée lentement une sorte de civilisation matérielle et intellectuelle » (p. 223). La poésie a beaucoup de lecteurs. Il note, incidemment, l’une des demandes que lui adresse un militant ouvrier désireux de profiter de ce moment de repos forcé pour comprendre ce mystérieux « matérialisme dialectique » devenu, avec Le précis d’histoire du PC de l’URSS, l’indispensable sésame pour analyser le devenir historique17 : « Un de nos camarades de la I, un sympathique terrassier, m’a rejoint et m’a dit en me quittant : “Quand tu te sentiras un peu mieux, il faudra que tu m’expliques ce que c’est que le matérialisme dialectique” » (31 août, p. 232). Aucun « plan de formation militante » n’était suivi ; les compétences des uns et des autres étaient simplement mises à profit (23 septembre). « Et voici qu’on parle d’étudier le français, l’anglais, l’allemand, le russe, l’espagnol, la géographie et l’histoire, l’arithmétique et l’algèbre, le dessin industriel… Léon D. s’occupe beaucoup de cette réalisation » (p. 225). L’emprisonnement, lorsqu’il est assorti au régime politique, est une chance à ne pas dilapider. Condamné à la prison à de nombreuses reprises, René Bellanger, ouvrier chaudronnier, déclare : « c’est pendant ma période d’emprisonnement que j’ai beaucoup lu et appris à écrire ». Il est vrai qu’en lui confiant la gérance de nombreux journaux du Parti, et, à ce titre condamné en tout à soixante-deux ans de prison… il était préposé au travail scolaire en « internat carcéral ».
16Dans certains cas-limites – comme celui de Pierre Sémard avant qu’il soit exécuté par les Allemands – les militants profitaient de la prison pour passer du statut de lector à celui d’auctor. Arrêté le 20 octobre 1939, condamné le 6 avril 1940 à trois ans de prison, Pierre Sémard est incarcéré dans plusieurs prisons (la Santé, Fresnes, Bourges, durant dix-huit mois). Il est fusillé comme otage le 7 mars 1942. Dans son cas, une frustration ancienne se joue dans ce travail d’écriture :
Sa correspondance et la diversité de ses écrits attestent d’une énergie que la maladie, les brimades et l’isolement n’arrivent pas à entamer durablement. Outre des contes bourguignons (qui s’inscrivent dans une littérature régionaliste), un roman antiraciste et un journal de prison écrits entre l’automne 1940 et l’automne 1941, il entretient une correspondance abondante avec sa femme et ses enfants, notamment sa fille Yvette.18
17Il rédige aussi des notes en vue d’écrire une histoire de la Fédération des cheminots. Grâce à ses carnets de prison, on a une idée de sa boulimie de lectures qui sont assez typiques d’une soif culturelle autodidactique « à l’ancienne » (de Darwin à Fénelon en passant par Pascal, Machiavel – Le Prince –, une histoire des religions, le Coran et la vie de Mahomet,…)19 mais qui s’expliquent aussi sans doute par les opportunités qu’offre la « bibliothèque » de la prison. Les analystes semblent attribuer à ces écrits une fonction « occupationnelle » (thérapeutique) plus qu’une réelle fonction de formation militante ou une réelle volonté d’écrire pour être publié : « Comme je n’ai rien à lire pour occuper mon esprit je me décide à écrire un roman » (p. 247). Dans l’un de ses textes de prison intitulé « Les jours sombres », il note pourtant :
Retiré complètement de la vie courante depuis plus de sept mois, devant me plier au règlement qui m’interdit de connaître ce qui se rapporte aux évènements comme à la politique, je ne puis m’intéresser qu’à la philosophie. Dans les revues dont la lecture m’est autorisée (par exemple La revue des deux Mondes), je suis frappé du renouveau du dogmatisme et des théories métaphysiques. (p. 246)
18Se former, c’est se préparer aux combats futurs, ne pas désarmer, entretenir l’éthique militante. Condamné à mort en août 1942 (avec Gabriel Roucaute et Lucien Bourdeau), Raoul Calas (instituteur) rédige une sorte de journal avant que sa peine ne soit commuée en détention à perpétuité, où il se présente comme réussissant à se cultiver (lire) même si l’aumônier de la prison s’étonne qu’il s’adonne à cette activité alors qu’il est condamné20. L’héroïsation de la culture militante est ici à son paroxysme.
La prison comme internat scolaire : Maison-Carrée, Algérie, 1942-1943
19Les emprisonnements « collectifs » de dirigeants (comme en 1929 à la Santé21 ou en 1942-1943 à Maison-Carrée en Algérie), ainsi que l’attestent les témoignages, peuvent être l’occasion d’une véritable transformation de la situation d’emprisonnement en internat de formation marxiste dont on discute les programmes et l’organisation (enseignants,…). On connaît le cas de Maison-Carrée, en Algérie, où se retrouvent les députés arrêtés après la dissolution du PCF. Étienne Fajon (instituteur) y retrouve sa fonction de directeur des études. « Apprendre, apprendre pour demain, si nous sortions d’ici ! Telle était la règle », écrit-il :
Je proposai de créer plusieurs groupes d’étude et un cycle de conférences hebdomadaires. Ces conférences étaient prononcées tous les vendredis. Chaque député en a fait au moins une, et les rares cahiers que j’ai pu sauver en conservent la trace. Elles traitaient des sujets les plus variés : des sciences de la nature, avec Waldeck-Rochet – autodidacte extraordinaire –, de l’économie politique, avec moi, de l’histoire du mouvement ouvrier, avec François Billoux, de la littérature, avec Joanny Berlioz, professeur de son métier…22
20Il lit énormément au gré des envois familiaux : Bossuet, Courteline, Montaigne, Xavier de Montépin, Corneille, Barbey d’Aurevilly, Jack London et Paul Bourget… Il lit aussi Le Capital (14 volumes dans l’édition Costes) et apprend l’anglais « à fond » à cette occasion, seul.
21Dans la biographie qu’il a consacrée à Waldeck Rochet23, Jean Vigreux, s’appuyant notamment sur les journaux de François Billoux et de Waldeck Rochet lui-même, a pu tenter de restituer le fonctionnement de cette école24 :
La lecture des cahiers de prison de Billoux et de Rochet offre un panorama complet de cette véritable école de formation continue. […] À tour de rôle, chaque prisonnier devient enseignant, élève et répétiteur : on utilise au mieux les capacités de chacun. Des cours sont donnés sur la transmission sans fil par Midol ; l’origine et la formation de la langue française, le roman français au xixe siècle, et un cours original sur Molière et l’esprit français par Berlioz ; deux cours sur l’Algérie et le Japon par Lozeray ; la mine par Martel ; Descartes par Fajon ; la civilisation antique à Athènes et à Rome par Demusois ; l’Angleterre, Napoléon et le parlementarisme par Bartolini ; l’unité de la classe ouvrière par Cristofol ; l’IC, l’histoire du PCUS et de l’URSS par Billoux, etc. Un classique de l’histoire française sert même de support aux leçons : Rochet a recopié le manuel de Malet Isaac sur L’Histoire de France de la Révolution à 1914. Rochet est le spécialiste des sciences de la nature, ses cours sont fondés essentiellement sur sa connaissance pratique, liée à une observation scrupuleuse du monde végétal et animal, ainsi qu’à la synthèse des travaux de Prenant. (p. 119)
22S’il est vraisemblable que l’expérience de l’École léniniste internationale ait été alors mise à profit, le programme s’adapte aux compétences des uns et des autres, de telle sorte que chacun trouve « sa » place.
L’emploi du temps de Maurice Thorez
23Maurice Thorez est sans nul doute le dirigeant communiste d’origine ouvrière qui a incarné au plus près l’idéal de l’intellectuel de type nouveau. Être un « homme de type nouveau », c’est pour Maurice Thorez, dirigeant communiste bénéficiant de son vivant d’un véritable culte au sein de son parti, un devoir être. L’une des dimensions essentielles du rôle auquel il était tenu au sein du mouvement communiste international comme principal dirigeant du PCF ressortit à une double compétence : contrôler la conformité des pratiques politiques (pratiques discursives incluses) et produire soi-même de l’orthodoxie politique. Cette double compétence exigeait un investissement de « l’être entier » que tous les témoignages, qu’ils soient à charge ou non, confirment. De tous les secrétaires généraux du PCF, Maurice Thorez fut le seul que l’hagiographie communiste parvint à présenter comme l’incarnation de « l’intellectuel de type nouveau », le seul dont on entreprit la publication des Œuvres (plus de vingt volumes édités), le seul auquel on attribua des compétences d’auctor. Cette carrière d’auteur politique commença en 1937 avec la publication de Fils du peuple, autobiographie qui, réécrite et complétée, accompagnera désormais toute la vie politique de Thorez. Elle prit aussi d’autres formes. Thorez fut érigé en « théoricien de la grève » (1931-1936), en précurseur en matière de stratégie politique avec son interview au Times de 1946, en analyste marxiste de la paupérisation (1955) et du rôle historique de la classe ouvrière (1963) mais aussi en historien du PCF (1939, 1945, etc.). L’autorité acquise par Thorez au sein du PCF, si elle fut évidemment contestée à différentes reprises, sourdement ou plus explicitement, se donne à entendre dans les enregistrements des séances du comité central du PCF, séances durant lesquelles il s’autorise de fréquentes interventions, interrompant les orateurs, rappelant la bonne interprétation de telle ou telle prise de position du Parti ou la juste lecture des textes. Il parvint ainsi, au moins aux yeux des communistes, à incarner une sorte d’« idéal militant » dont tous devaient s’approcher : pour les ouvriers, en acquérant la culture requise et en cultivant les qualités qu’ils devaient à leur être social ; pour les intellectuels, en devenant d’authentiques communistes, certes dotés d’une culture marxiste qu’ils devaient, dans le meilleur des cas, développer, mais à condition d’avoir « dépouillé le vieil homme », de s’être débarrassés des « défauts » inhérents à leur être social (susceptibilité narcissique, tendance à l’hypertrophie du moi, vanité, etc.). Thorez fut le dirigeant communiste qui réalisait officiellement cette sorte de synthèse idéale entre une attitude et des compétences théoriques. Sans revenir sur sa biographie aujourd’hui bien connue25, notons qu’il ne put jouer ce rôle qu’à la condition d’imposer un emploi du temps spécifique qui, au début, pouvait apparaître comme un privilège exorbitant. Il obtint du bureau politique, dès le début des années trente, le droit de disposer d’un « temps personnel » dégagé des contraintes du travail de direction, dont il disposait à sa discrétion, afin de pouvoir lire et écrire. Si l’on en croit Albert Vassart, alors secrétaire du secrétariat (1931) :
Thorez, par suite d’un accord tacite, ou parce qu’il en avait décidé ainsi, travaillait le plus souvent chez lui – il habitait rue de Lourmel dans le quinzième et sa femme Aurore, était employée à la Syndicale-Taxi (coopérative) juste en face de son logement. Il ne venait au siège du Parti que pour les réunions officielles du secrétariat.26
24Ce qui était au début une pratique « individuelle », Thorez va peu à peu l’officialiser, puis le mettre en scène. Ce « retrait » s’imposait pour que prenne forme, sous le dirigeant, « l’intellectuel de type nouveau » qu’il est appelé à incarner et que symbolisera, à la fin de sa vie, sa bibliothèque personnelle de près de 10 000 volumes27.
Sur le mode d’appropriation
25On ne saurait conclure cette étude sans s’interroger sur un obstacle, ambivalent, au travail intellectuel, moins dû à l’injonction contradictoire dont sont l’objet les militants qu’au mode d’appropriation des savoirs qu’ils parvenaient à acquérir malgré tout. L’empêchement tient ici aux limites symboliques qu’impose un type d’acculturation dans un intellectuel collectif régi par un mode ecclésial. Il est intéressant de noter, dans le cas de Maurice Thorez, que ses hagiographes, bien malgré eux, ne peuvent que valoriser sa culture « encyclopédique », son goût de la lecture et de l’étude, mais en donnant de lui une image d’éternel élève, copiste appliqué :
Il avait lu, relu et annoté les ouvrages de Marx, d’Engels et de Lénine, pour une part dans le texte original, et il en avait fait d’épais cahiers d’extraits. Maurice Thorez montrait volontiers à ses proches collaborateurs, à ses compagnons de lutte, ses recueils d’extraits, qu’il rangeait soigneusement dans les tiroirs de son bureau. Il était visible qu’il les avait maintes fois utilisés, pris et repris, y ajoutant constamment, de sa fine écriture, des annotations nouvelles. Jamais il n’a cessé la pratique des extraits. Jusqu’à la fin de sa vie, il a fait recopier dans ses cahiers les passages les plus remarquables de ses lectures.28
26Les archives de Victor Michaut29 (journaux personnels et correspondance familiale), un dirigeant autodidacte féru de lectures, nous renseignent sur ce que devait être – et fut – le rapport d’appropriation qu’il convenait de privilégier. Sa santé précaire et ses nombreux séjours en sanatorium30 jusqu’à la fin de sa vie, ainsi que ses séjours en prison, ont été l’un des facteurs essentiels ayant favorisé sa spécialisation sur le travail intellectuel. Arrêté le 28 juin 1941, il est condamné le 23 septembre aux travaux forcés à perpétuité par la section spéciale du tribunal militaire de Périgueux et emprisonné successivement à Limoges, Périgueux, Pau, Tarbes et, en octobre 1943, à Eysses où il fit partie avec Pierre Doize et Henri Turrel du triangle communiste dirigeant l’insurrection qui éclata parmi les 1 200 détenus le 19 février 1944 et se solda par un échec. Cinquante otages furent désignés dont douze furent fusillés le 23 février. Victor Michaut, qui remplissait les fonctions de commissaire politique, fut alors déporté à Dachau le 2 juillet suivant. Transféré à Blaibach (Bavière), il réussit à s’évader et organisa un détachement armé de déportés français puis fut rapatrié le 12 mai 1945 par l’armée française. Il tint un journal pendant son incarcération (28 juin 1941 - 1945). Il eut ainsi, plus que d’autres, l’occasion de réfléchir au choix de ses lectures solitaires et au type d’investissement dont elles devaient faire l’objet. Lorsqu’il est transféré à la prison de Tarbes, il manifeste dans son journal31 son soulagement d’être bientôt au régime politique : « La seule idée de n’être plus mêlés aux voleurs et criminels de droit commun suffit à nous réjouir » (8 décembre). À trois par cellule, il peut enfin se mettre au travail : « nous avons le privilège d’avoir encre à porte-plume à notre disposition, nous pourrons travailler utilement » (18 décembre). Disposant de trois ou quatre hebdomadaires autorisés, il se réjouit des envois de livres de ses camarades :
Mes petits frangins sont magnifiques ! Du camp de concentration où ils séjournent depuis près d’un an, ils ont trouvé le moyen de m’expédier un colis de livres qui m’a été remis hier soir. C’est un bon choix de classiques Larousse et Hachette où se trouvent pêle-mêle Montaigne, Pascal, Machiavel, Fénelon, Musset et Baudelaire. Ils y ont joint le premier volume de L’Âme enchantée où je vais renouer connaissance avec la courageuse et sensible Annette de Romain Rolland (cette Annette, femme idéale en qui je retrouve ma petite Clo). (19 décembre)
27Il évoque son séjour antérieur au sanatorium de Clairvivre. Le 20 décembre, il note les réponses qu’il a faites à un jeune camarade, « David », qui lui avait demandé si le Parti avait une conception de l’art. Il lui aurait répondu qu’il divise les « œuvres d’art en deux grandes catégories : l’utile et le nuisible, propre et malpropre, le sain et le malsain, ce qui élève l’homme ou ce qui l’avilit, ce qui fortifie la jeunesse et ce qui la corrompt ». Giono et Céline ne trouvent pas grâce à ses yeux : « Une même chaîne conduit du naturisme-végétarien de Giono aux pornographies et à l’antisémitisme ordurier de Céline ». Il ajoute Victor Margueritte et autres écrivains « hitlériens ». Second critère pour juger une œuvre d’art : « selon qu’elle est ou non accessible aux masses » ; « on ne peut cependant raisonnablement applaudir aux bizarreries futuristes ou surréalistes (un référendum sur le tableau de Picasso qui animait le pavillon espagnol à l’exposition de Paris 1937 eût été fort suggestif) » (20 décembre). « Donc simplicité ; bon sens, accessibilité, voilà ce qu’on demande à l’artiste ». Ces opinions, qu’il qualifie de « personnelles », n’excluent pas qu’on laisse à l’artiste « assez de marge ». Puis il disserte sur le réalisme. La plus belle définition du rôle des écrivains est celle de Staline sur « les ingénieurs de l’âme »32, une formulation qui met implicitement l’accent sur l’hétéronomie de l’écrivain. David s’enquiert de savoir comment il a appris le marxisme-léninisme. Il répond : « La lecture certes », « mais la lecture pour communiquer son savoir aux autres, telle est la recette ». Il note pour lui-même : « Autre raison pour laquelle j’ai assez retenu les leçons essentielles des maîtres du socialisme : j’ai étudié tel problème théorique en relation avec une préoccupation pratique du moment. Par exemple j’ai relu les articles de Lénine sur le défaitisme révolutionnaire en pleine guerre impérialiste 1939-1940 » (21 décembre) ; « Allier la théorie et la pratique, étudier en vue d’agir (et non pas pour le seul plaisir livresque d’accumuler des connaissances) voilà ce qui permet d’avancer réellement en l’étude du marxisme-léninisme ». Il conseille enfin à David de lire « les dirigeants, leurs discours, leurs analyses ». Si sa « passion des livres trouve ici (en prison) à s’exprimer », s’il s’adonne quotidiennement à l’apprentissage de l’allemand, s’il étudie chaque jour la philosophie, cet intense investissement33 ne saurait donc être dissocié du système de contraintes cognitives qu’implique le mode ecclésial.
*
28Les cadres et militants communistes d’origine populaire sont des « intellectuels » (même si cette qualification, notait Gramsci, peut susciter bien des sarcasmes) mais les moments dévolus à la dimension spécifiquement intellectuelle de leur engagement et les conditions à réunir pour lui donner droit ne sont, on l’a vu, rien moins qu’évidents. Le militantisme quotidien et ses contraintes, associés, quand ils ne sont pas permanents, au travail salarié, le capital scolaire spécifique (« primaire »), même s’il est souvent celui de très bons élèves du primaire et du primaire supérieur (ce qui participe à les autoriser à se cultiver), mais aussi le sentiment d’avoir été exclus du « vrai » savoir, faisant d’eux des autodidactes d’ancien style34, constituent autant d’obstacles qu’ils doivent apprendre à surmonter s’ils veulent répondre aux injonctions à l’intellectualisation dont ils sont l’objet. Néanmoins, même héroïsée, l’acculturation volée s’accompagne d’un constant sentiment d’incomplétude qui entretient un manque de confiance en soi théorique ou critique, en définitive « fonctionnel » dans un intellectuel collectif régi par un mode ecclésial. Empêchés d’un côté à la fois par les limites de leurs savoirs scolaires et par les contraintes d’un activisme idéalisé, contraints de l’autre par un mode d’appropriation, encadré et normé implicitement, qui charrie une crainte du savoir critique ou d’une critique fondée sur un autre mode d’appropriation, les militants et cadres communistes devaient trouver la voie étroite qui les autoriserait à être d’authentiques intellectuels de type nouveau…
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Des individus proches de « l’intelligentsia autodidacte des couches négativement privilégiées » (Max Weber).
2 À condition de s’en saisir comme d’une analogie heuristique, comme nous y invite Jean-Claude Passeron, on peut décrire ce mode de production doctrinale propre au monde communiste comme une forme de routinisation ecclésiastique d’un message prophétique originaire, c’est-à-dire « un processus qui associe fonctionnellement la constitution et l’imposition d’un corps de doctrine à sa transmission comme “charisme de fonction” dans une bureaucratie sacerdotale » (Weber). L’élaboration doctrinale, dans un tel cadre cognitif, résulte formellement d’une « reprise » des textes canoniques, reprise « fidèle » et « évolutive », par sélection et manipulation du canon. Il s’agit non seulement d’une sorte de « répétition » actualisée, soit sous prétexte que, la situation ayant changé, la fidélité aux textes implique une évolution de la doctrine, soit sous prétexte que certains textes oubliés de la doctrine méritent d’être réenchantés, mais aussi d’un type d’appropriation lectorale des textes fondé sur un rapport symboliquement dominé au savoir. Pour un exposé plus complet, voir Bernard Pudal, Un monde défait, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2009.
3 C’est à dessein que j’utilise le mot d’acculturation. L’autodidaxie de ces militants est d’autant plus complexe et sujette à appropriations à « contre-sens » potentiels redoublés qu’elle est en rupture avec la culture « primaire » dont ils sont généralement « bien » dotés. Sur ces enjeux, voir Claude Poliak, La vocation d’autodidacte, Paris, L’Harmattan, 1992. Acculturation : « En leur forme actuelle, les expériences de mise en contact direct avec les œuvres culturelles obéissent à une loi que connaissent les spécialistes de phénomènes d’acculturation : une technique peut être parfaitement apprise ou comprise puis comme oubliée parce que les conditions de l’actualisation de cette technique ne sont pas données et parce qu’elle ne s’intègre pas dans tout le système d’attitudes et d’habitudes qui seules pourraient lui donner un sens et une signification » (Pierre Bourdieu, L’amour de l’art, Paris, Minuit, p. 153).
4 Voir sur cette philosophie de la formation, les travaux de Danièle Tartakowsky, Yasmine Siblot, pour l’entre-deux-guerres, et Nathalie Ethuin, Paul Boulland pour l’après-guerre.
5 Voir Marie-Cécile Bouju, Lire en communiste. Les maisons d’édition du Parti communiste français, 1920-1968, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
6 En retard dans sa correspondance avec Cilly, il se justifie ici de ne pas avoir le temps de lui écrire à cause des grèves dans la métallurgie, qu’il suit. Sur cette correspondance, voir Bernard Pudal et Claude Pennetier, « L’auto-analyse d’un dirigeant communiste et d’un couple communiste : Albert Vassart et Cilly Geisenberg Vassart », Le sujet communiste. Identités militantes et laboratoires du « moi », Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 105-138.
7 Sur les autobiographies communistes d’institution (ou autobiographies de parti), voir Bernard Pudal et Claude Pennetier, Le souffle d’octobre 1917, Paris, Éditions de l’Atelier, 2017, 383 p. Les niveaux militants concernés par les ACI s’étagent sur tout l’éventail des responsabilités du Parti (des cadres en puissance aux cadres confirmés : comité central, députés, responsables régionaux, syndicalistes,…). La plupart ne sont pas permanents. Beaucoup répondent sans commenter, brièvement, et plus ou moins précisément.
8 Voir Claudine Tiercelin, « La connaissance pratique », cours au Collège de France, 2014-2015. En ligne : [https://www.college-de-france.fr/site/claudine-tiercelin/p8415011046800082_content.htm].
9 RGASPI, 495 270 1239.
10 Georges Cogniot, Victor Joannès, Maurice Thorez, l’homme, le militant, Paris, Éditions sociales, 1970, p. 50.
11 Sur les sources permettant d’appréhender la vie de prisonnier politique des communistes, voir Jean Vigreux, « Les écrits de prison : une source originale », ANR PAPRIK@2F, 2014. En ligne : [http://anrpaprika.hypotheses.org/2387].
12 Quand ce n’était pas le cas, les conditions étaient évidemment plus difficiles. Claudius Richetta, membre du comité central du PCF au moment où il rédige son autobiographie en septembre 1932, incarcéré à plusieurs reprises dans sa vie militante, répond à la question ainsi : « Étant toujours au choix commun et la plupart du temps au régime cellulaire, je n’avais pas beaucoup de facilité de conserver le contact avec d’autres emprisonnés du Parti et évidemment aucune possibilité de m’instruire » (RGASPI, 495 270 703) Le régime politique modifie considérablement l’emprisonnement. On peut en voir une belle illustration dans le témoignage de Jean Zay. Sa vie de « prisonnier » change dès qu’il a le statut de prisonnier politique, non sans avoir dû combattre pour l’obtenir. Jean Zay, Souvenirs et solitude, introduction et notes d’Antoine Prost, Paris, Belin, 2010.
13 Nous respectons l’orthographe et la syntaxe assez défaillantes de Maurice Tréand et généralement l’orthographe des militants cités. Pour leurs biographies, voir le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français de Jean Maitron.
14 Maurice Thorez, Fils du peuple [1937], Paris, Éditions sociales, 1960, p. 66.
15 Jacques Duclos, Mémoires, tome 1, Paris, Fayard, 1975, p. 271 et suivantes.
16 Léon Moussinac, Le Radeau de la Méduse. Journal d’un prisonnier politique, 1940-1941, introduction François Eychart, Bruxelles, Éditions Aden, 2009.
17 Attribué à Staline, le chapitre « Matérialisme historique, matérialisme dialectique » sera diffusé en brochure séparée.
18 Serge Wolikow éd., Pierre Semard, Paris, Le Cherche Midi, 2007, p. 39. Voir aussi du même, « Un roman anticolonialiste : Bamba, le petit diable noir », Le roman social. Littérature, histoire et mouvement ouvrier, Sophie Beroud, Tania Régin éd., Paris, Éditions de l’Atelier, 2002, p. 161-168.
19 Christiane Roulet, « Écrits de Pierre Semard : les carnets de prison, 1939-1942) », Pierre Semard, Serge Wolikow éd., ouvr. cité, p. 242.
20 Raoul Calas, Souvenirs d’un condamné à mort, Paris, Éditions sociales, 1976, p. 27. Il consacre un chapitre, « Prisonnier de Pétain », à son incarcération.
21 Le PC, durant les années vingt, fait l’objet de poursuites diverses pour ses activités « complotistes » ou « putchistes » supposées. Au « complot » de 1920 succèdent d’autres affaires mais c’est dans la période 1927-1931 que les poursuites sont le plus systématiques. Jean Chiappe fait arrêter 94 dirigeants à la réunion du comité central de Villeneuve-Saint-Georges fin juillet 1929. Au total 155 seront inculpés. Dans l’impossibilité d’instruire un dossier pour complot, la plupart sont relâchés. Il en reste 17 en janvier 1930, les derniers à être élargis le seront début mai 1930. Sur ces affaires, voir Frédéric Monier, Le complot dans la République, Paris, La Découverte, 1998.
22 Étienne Fajon, Ma vie s’appelle liberté, Laffont, 1976, chapitre « Les années de prison », p. 164.
23 Waldeck Rochet (ancien élève de l’École léniniste internationale - ELI) doit sans doute sa future légitimité comme secrétaire général à ses ressources intellectuelles. Rappelons que l’interdiction du PCF, dissous le 27 septembre 1939, conduit les députés à créer le « groupe ouvrier et paysan français » auquel Waldeck Rochet adhéra. Il fut arrêté avec ses camarades le 8 octobre 1939. Déchu de son mandat de député le 20 février 1940, il fut condamné par le troisième tribunal militaire de Paris le 3 avril 1940 à cinq ans de prison et 4 000 francs d’amendes pour reconstitution de ligue dissoute. Incarcéré à la Santé, il sera transféré à Niort, à Tarbes, au Puy et enfin, au début 1941, interné en Algérie à Maison-Carrée.
24 Jean Vigreux, Waldeck Rochet. Une biographie politique, Paris, La Dispute, 2000, p. 114-123.
25 La dernière est celle d’Annette Wieviorka, Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez, Paris, Fayard, 2010.
26 Albert Vassart, Mémoires, manuscrit, s. d., p. 277.
27 Bernard Pudal, « La bibliothèque de Maurice Thorez, un intellectuel de type nouveau (premiers éléments d’enquête) », Lectures militantes au xxe siècle, Nathalie Ponsart, Sabine Rousseau éd., no 29 de Siècles, 2009.
28 Georges Cogniot, Victor Joannès, Maurice Thorez, ouvr. cité, p. 55.
29 Membre du comité central depuis 1929, il fut élu membre suppléant du bureau politique en juin 1947 et en fit partie jusqu’en 1954. Directeur des Cahiers du communisme, Michaut, dont la santé était de plus en plus précaire, demanda, en 1964, à être relevé de ses fonctions au comité central. Il était rédacteur en chef des Cahiers d’histoire de l’Institut Maurice Thorez lorsqu’il mourut. Il fut un des auteurs du Manuel d’histoire du Parti communiste français paru aux Éditions sociales en 1964. Il est loin d’être démuni : dès 11 ans, il obtient son CEP puis effectue une scolarité post-élémentaire primaire en cours complémentaire pendant trois ans, sans pour autant passer le brevet élémentaire. Michaut se situe ainsi dans le décile des Français les mieux dotés en capital scolaire. Il exerce différents métiers manuels ou de petit emploi de bureau (graveur-guillocheur, ouvrier du bâtiment, employé de bureau). Au cours de l’été 1930, il fut appelé à participer à l’école de l’Internationale communiste de la jeunesse ; pendant six mois, il suivit les cours donnés à Pouchkine, à 40 kilomètres de Moscou, et rentra en France au début de 1931.
30 Il dut se soigner ou se reposer à différentes reprises : 1948, Amélie-les-Bains ; 1948, Villers-le-Lac ; 1957, Menton ; 1962, Beaurouvre. Il effectua aussi différents séjours dans des sanatoriums en URSS.
31 Je tiens à remercier ici Danielle Papiau, fille de Victor Michaut, qui m’a communiqué les documents auxquels je me réfère, son cahier à la prison cellulaire de Tarbes où il arrive le 8 décembre 1941, ou plus exactement de retranscriptions de son cahier (23 pages dont un récit de Michaut sur les conditions de son arrestation) jusqu’au 31 décembre 1941. Je dispose aussi d’un pré-manuscrit réalisé par sa femme qui contient des extraits de la correspondance jusqu’en 1962.
32 Un « ingénieur des âmes », c’est ainsi que Staline voyait l’écrivain. Il revint à Jdanov, responsable de l’idéologie au comité central, d’expliciter la formule : « Les ingénieurs des âmes, souligna-t-il lors du congrès fondateur de l’Union des écrivains, en 1934, ont pour tâche de remodeler et d’éduquer idéologiquement les travailleurs dans l’esprit du socialisme ».
33 Dans le pré-manuscrit que Paulette Michaut, sa femme, lui a consacré, on trouve plusieurs extraits de lettres envoyées des sanas et autres maisons de repos, après-guerre, où Michaut fait état de ses lectures des textes « théoriques » difficiles du marxisme-léninisme : Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme ; Marx, Le Capital, etc.
34 Claude Poliak, La vocation d’autodidacte, ouvr. cité.
Auteur
Bernard Pudal est professeur émérite de science politique, université Paris Nanterre. Il a récemment publié (avec Claude Pennetier) Le souffle d’octobre 1917 (Éditions de l’Atelier, 2017).
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