La matérialité : un outil multimodal d’enseignement et d’apprentissage de la lecture
p. 73-95
Texte intégral
1La littérature scientifique a démontré la puissance de la verbalisation dans l’acte d’enseignement, langage verbal ou discours comme suite de paroles de l’enseignant. L’œuvre de Lev Semionovitch Vygotski elle-même est dominée par la prééminence du langage : « La communication […] exige immanquablement un certain système de moyens, dont le prototype était, est et restera toujours le langage humain » (1997, p. 57). Cependant, verbaliser relève d’une activité de sémiotisation complexe, l’échange verbal n’étant qu’un des éléments déterminant la situation de transmission. L’organisation de l’espace, les objets, les conduites corporelles-gestuelles caractérisent tout autant les interactions en classe, lesquelles réfèrent aux approches multimodales. Dans la présente recherche, ces trois catégories – espace, objets, corporéité-gestualité – sont constitutives du concept de matérialité (Taisson-Perdicakis 2013). Par corporéité-gestualité on entend les gestes, les postures, les mimiques, la prosodie1 et la proxémie2. Les médiations enseignantes se manifestent alors comme des médiations matérielles multimodales dont les éléments – espace, objets, corporéité-gestualité –, articulés au discours3, sont envisagés comme un outil multimodal de l’enseignant pour faire apprendre à lire.
Figure 1. Les composantes de la matérialité
Discours articulé à… | ||||||
Organisation de l’espace | Objets | Corporéité-gestualité | ||||
Gestes | Postures | Mimiques | Prosodie | Proxémie |
2Nous proposons d’exposer comment les élèves construisent leur savoir-lire au travers des médiations matérielles multimodales. Une cohorte d’élèves a été suivie régulièrement pendant trois ans à raison de quatre fois par année, depuis la grande section (GS), au cours préparatoire (CP) puis au cours élémentaire 1 (CE1), à l’école française dans des situations ordinaires de classe lors de séances d’enseignement-apprentissage de la lecture. La matérialité se donne d’une part comme un outil multimodal d’enseignement et, d’autre part, comme un indice du développement cognitif de l’élève. Nous commençons par exposer le cadrage théorique pour poursuivre avec des éléments méthodologiques. Nous proposons des exemples de l’observation scientifique qui exposent trois événements remarquables. Pour terminer, les résultats de l’étude sont résumés et illustrés en dernière partie de l’exposé.
1. Inscription théorique
1.1. Didactique de la lecture
3Suivant la définition de David R. Olson (2010, p. 301-302), « la lecture consiste à retrouver ou à déduire les intentions de l’auteur au moyen de la reconnaissance de symboles graphiques ». Lire c’est donc faire des inférences, c’est-à-dire des opérations logiques de déduction rendant explicite, à partir d’indices présents dans le texte, une information qui n’est qu’évoquée ou supposée connue. Lire c’est articuler a minima deux grandes habiletés cognitives : déchiffrer et comprendre. La compréhension du texte écrit est le résultat de trois activités menées simultanément et en interaction : identifier les mots, relier les significations, construire une représentation mentale de la situation (Goigoux 2008). Le lecteur mobilise à la fois ses connaissances sur le monde et sur la langue, lesquelles sont mises en relation avec le texte, pour construire la signification (Goigoux 2003).
1.2. Paradigme historico-culturel
4Ainsi définie, la compréhension en lecture consiste à « établir des relations, dégager ce qui est important, passer des éléments isolés au sens global » (Vygotski 2014, p. 352). La lecture est par conséquent une fonction psychique supérieure en tant que « processus mental d’un ordre très complexe » (p. 351). À l’école, l’acquisition de la lecture résulte d’une co-construction entre l’enseignant et l’élève dans la situation d’enseignement-apprentissage (fonction interpsychique) et de l’intériorisation des connaissances individuelles, invisible à court terme et imprévisible (fonction intrapsychique). Entre ce que l’élève sait faire, c’est-à-dire son développement actuel, et les exigences des programmes scolaires qu’il travaille avec l’aide de l’adulte, c’est-à-dire son développement potentiel, l’enseignant a un rôle provocateur de développement (Vygotski 1997) en « créant » la zone proximale de développement (Vygotski, dans Yvon et Zinchenko 2012, p. 171).
1.3. À la suite de Vygotski
5Christiane Moro et Cintia Rodríguez (2005) redéfinissent le développement comme l’entrée dans les systèmes sémiotiques de la culture. Les auteures ont en effet montré qu’avant l’avènement du langage pour l’enfant, l’adulte fait comprendre au bébé en articulant la parole et la corporéité-gestualité, notamment les démonstrations et les pointages, en dirigeant discours et gestes sur l’objet matériel, par exemple une boîte à formes. Lors de cet apprentissage, le bébé apprend à se servir de l’objet de manière canonique, mais pas seulement. Il intègre les systèmes de signes déployés par l’adulte, et qui ont soutenu le cheminement vers l’usage attendu :
L’enfant accède aux significations sociales des objets, liées à leurs usages canoniques, il devient chaque fois plus apte à différencier les signes (et leurs fonctions) utilisés par l’adulte pour transmettre les usages, et à constituer un répertoire d’outils sémiotiques prélangagiers propre. (p. 147)
6L’apprentissage de la lecture est examinée eu égard à cette définition selon laquelle la matérialité, objets matériels et systèmes sémiotiques associés, joue un rôle capital dans le développement de l’enfant.
7L’élève arrive alors en classe avec un bagage de moyens sémiotiques, c’est globalement la matérialité. L’enseignant peut exploiter ces capacités pour faire apprendre à lire. Tout comme l’adulte permet au bébé de s’approprier l’usage de la boîte à formes, par des médiations matérielles multimodales, au sein de la relation triadique adulte-objet boîte-bébé (Moro et Rodríguez 2005), l’enseignant va permettre à l’élève de s’approprier l’usage de l’écriture (lire-écrire), par des médiations matérielles multimodales, au sein de la relation ternaire enseignant-écriture française-élève. L’objet matériel qu’est l’écriture française est constitué d’un ensemble de six codes (Catach 2003 ; Chauveau 1998) : trois codes alphabétiques qui sont les codes phonographique4, morphographique5, logographique6 ; trois codes extra-alphabétiques qui sont les codes typographique7, des supports8, textuel9.
2. L’observation scientifique des situations d’enseignement-apprentissage de la lecture
2.1. Les deux temps du développement
8La rupture avec l’expérience concrète quotidienne délimite la zone proximale de développement (Vygotski 1985). L’enfant qui naît à la culture française est le plus souvent immergé dans un bain oral et scriptural. L’écrit est ainsi partiellement connu de l’enfant. Le rôle de l’enseignant est alors de faire porter un regard nouveau, en rupture, sur cet objet. Comment, par ses médiations, peut-il faire naviguer l’élève à l’intérieur de la zone proximale de développement, pour qu’il franchisse l’espace induit par la rupture ? Autrement dit, comment aménage-t-il un premier rapport à l’écrit envisagé désormais comme un objet d’apprentissage ? L’enseignant exploite les savoirs actualisés sur la langue et il articule les systèmes sémiotiques acquis et internalisés depuis l’âge préverbal. En ce sens il y a une continuité de fond entre le développement actuel et le développement potentiel lors du élève méthode donne accès à la progression de l’lèvesgue oralelément du savoir lecture-écriture (par exemple temps interpsychique d’enseignement-apprentissage10. Nous observons l’usage en classe de la matérialité (voir figure 1) vue comme un puissant outil multimodal d’enseignement et d’apprentissage.
9Au-delà du temps interpsychique, nous saisissons le temps intrapsychique, moment où le savoir dispensé est assimilé. À l’appui de la redéfinition du développement par Moro et Rodríguez (2005) – à savoir l’acquisition et l’usage des systèmes sémiotiques par le bébé – l’hypothèse centrale est la suivante : l’usage de la matérialité en classe est un indice du développement cognitif de l’élève. L’observation scientifique fait apparaître que plus l’élève a de connaissances relatives à un élément du savoir lecture-écriture, moins l’enseignant fait usage du soutien matériel initialement mis en œuvre pour faire apprendre ledit élément. Par exemple, plus l’élève discrimine les sonorités de la langue orale, moins l’enseignant prosodie pour faire percevoir ces sonorités. L’élève n’a plus besoin que la prosodie soit physiquement exercée par l’enseignant parce qu’il est capable de l’exercer pour lui-même. L’usage de la prosodie n’est alors plus tangible, palpable, perceptible, lors de l’observation de la situation d’enseignement-apprentissage, ce qui constitue un indice de l’intériorisation des connaissances relatives à la discrimination des sonorités de la langue orale.
2.2. Éléments de méthode de l’observation scientifique
2.2.1. Recueil des données au service d’une méthodologie longitudinale
10Saisir empiriquement l’intériorisation des notions lecturales et les métamorphoses matérielles requiert un appareil méthodologique longitudinal permettant de croiser la situation sociale ponctuelle (temps interpsychique) avec une vue d’ensemble sur le cycle complet. Une cohorte11 d’élèves et son unique enseignante sont donc suivies de 2007 à 2010 dans une classe-cycle GS-CP-CE1, selon un rythme régulier de quatre fois par année scolaire. Ces douze séances entières de situations ordinaires de classe sont filmées.
11Nous focalisons microgénétiquement les matérialités qui jouent dans les situations observées (temps interpsychique). Ces observations successives aboutissent à faire percevoir l’intériorisation de la lecture (temps intrapsychique), sur le long terme, de manière macrogénétique. En effet, sur le temps interpsychique d’observation microgénétique au temps X, l’enseignante propose certes des savoirs nouveaux ; mais l’élève donne à voir ce qu’il sait comme résultat des temps interpsychiques antérieurs X – 1, X – 2, etc. Ainsi, la méthode donne accès à la progression de l’élève et permet de mettre en évidence l’intériorisation des connaissances. Nous avons accès aux connaissances intériorisées parce qu’elles sont utilisées lors des interventions de l’élève, et, simultanément, nous observons l’usage de la matérialité. La méthodologie longitudinale est la condition de possibilité du repérage des variations dans l’usage de la matérialité, ainsi que de la progression des élèves.
Figure 2. Schématisation de la méthodologie longitudinale

2.2.3. Méthodologie d’analyse des données
12Les données filmées sont réduites. Les synopsis (Schneuwly et Dolz 2010) de chaque séance sont réalisés. À partir du synopsis qui permet de dégager la logique de l’action didactique, des événements remarquables12 sont identifiés. Ils sont définis comme suit : l’événement remarquable est à forte densité didactique (c’est-à-dire prometteur d’une transformation des savoirs des élèves), porteur d’un condensé d’interactions verbales et non verbales, et caractérisé par la présence ou l’« absence » de matérialité eu égard au contenu de savoir.
13Les observables sont hétérogènes. L’organisation de l’espace conditionne d’une part la proxémie, donc les interactions entre les protagonistes, d’autre part l’accès aux supports de l’enseignement-apprentissage (toucher, annoter…). Les objets sont répertoriés, tels la baguette, la marionnette Mika13, le matériel didactique, les supports, les tracés (encadrer, entourer, souligner, tracer des barres verticales, etc.). Les observables corporels-gestuels sont inventoriés, tels la posture, l’absence de gestes, le geste iconique, l’ostension immédiate (toucher l’élève), les pointages de nature et de fonctions diverses, réalisés par la main, ou un outil d’écriture ou la baguette comme prolongements de la main, les démonstrations, l’amplification prosodique, les gestes coverbaux (Colletta 2004) détournés sur l’objet de savoir, notamment la mimogestualité.
14En ce qui concerne la partie « Exemples de l’observation scientifique » ci-dessous, pour chaque exemple nous commençons par décrire l’organisation spatiale à l’aide d’une figure comportant une image. Ensuite l’exposition de l’événement remarquable est réalisée au moyen d’un photogramme composé de captures d’images prises sur l’extrait vidéo correspondant. Les aspects dynamiques de l’action sont partiellement rendus par des signes graphiques (flèches par exemple) apposés sur l’image. Immédiatement sous chaque image vient un tableau la complétant. Ce tableau porte la transcription du discours, la description de l’action et les commentaires élucidant la fonction de la matérialité14. Nous posons les images et les tableaux en suivant l’ordre chronologique du déroulement de l’événement remarquable. Les photogrammes permettent ainsi de rendre compte simultanément des aspects verbaux et non verbaux de l’action ; ce mode d’exposition permet d’embrasser la totalité des signes dans une situation d’enseignement-apprentissage (Forest et Mercier 2010).
15En ce qui concerne la partie « Le résultat de l’observation scientifique » qui vient ensuite, pour expliciter notre propos de manière concise, chaque illustration est commentée à l’appui d’une seule figure comportant une ou deux images significatives extraites de l’événement remarquable.
Figure 3. Mode d’exposition de l’événement remarquable

3. Exemples de l’observation scientifique
3.1. Premier exemple en phonologie : la fusion syllabique
16Il s’agit d’une séance d’exercice de la conscience phonologique menée en mai de la GS15. La conscience phonologique est « la capacité d’identifier les composantes phonologiques des unités linguistiques et de les manipuler de façon opérationnelle » (Gombert 1992, dans Giasson 2005, p. 152). Elle joue un rôle essentiel dans l’activité de codage phonographique et celle d’identification des mots, qui est la première activité engagée dans l’activité de compréhension (Goigoux 2008). Pour travailler la conscience phonologique, l’enseignante utilise un outil des éditions La Cigale qui développe l’identification de sons identiques finaux (rimes) et initiaux, la segmentation orale des mots en syllabes16 puis des syllabes en phonèmes, la fusion syllabique, etc. Ce matériel est inspiré des boîtes du pédagogue et disciple de Vygotski Boris Elkonin, « conçues pour enseigner aux enfants la notion de phonème » (Bodrova et Leong 2011, p. 261).
17Les élèves et l’enseignante sont assis autour de deux tables accolées. Ils sont à distance personnelle proche (proxémie) permettant de se toucher et de toucher les supports, facilitant l’exercice de la matérialité.
Figure 4. Phonologie – organisation spatiale

18Un élève doit réaliser la fusion syllabique à partir des phonèmes [m] et [y] à l’aide d’une carte à trois cases et de jetons. L’exercice de la matérialité est partagé entre l’enseignante et l’élève. Du côté de l’enseignante un don de jeton par phonème prononcé distinctement et de manière amplifiée, du côté de l’élève une pose de jeton sur une case par phonème prononcé : le don, la pose, le jeton et la case constituent quatre représentations iconiques qui donnent une quadruple sémiotisation de l’indivisibilité du phonème. L’enseignante donne un jeton après l’autre en nommant les phonèmes l’un après l’autre : la chronologie renforce l’idée de l’unité isolable du phonème, d’une part, et, d’autre part, signifie que les phonèmes sont ordonnés dans la syllabe à former. Le deuxième jeton est préparé dans la main qui s’avance : le geste continu rappelle la fusion à venir, l’immédiateté nécessaire de la fusion. Enfin, le geste réalisé par l’élève pour poser les jetons donne une image kinesthésique du phonème. De la même façon le geste dynamique circulaire final qu’il effectue en prononçant la syllabe [my] est une image kinesthésique de la fusion syllabique. La prosodie complète la densité matérielle déjà décrite. Voici ci-après l’interaction enseignante (M) - élève (É1) décrite et analysée.
Événement remarquable 1 : la fusion syllabique – grande section (5-6 ans)
Tableau 1.1
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M : [m] | L’enseignante donne un 1er jeton à É1 et prononce simultanément distinctement et de manière amplifiée le phonème [m]. | Chaque objet et chaque geste ont pour fonction de représenter le 1er phonème. La prosodie a pour fonction de faire entendre le phonème [m]. |
Tableau 1.2
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É1 : [m] | L’élève pose le 1er jeton sur la 1re case à gauche de sa carte et prononce simultanément le phonème [m]. L’enseignante prépare le 2e jeton. | Chaque objet, chaque geste, chaque case ont pour fonction de représenter le 1er phonème. Le geste continu appelle la fusion à venir. |
Tableau 1.3
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M : [y] | L’enseignante donne un 2e jeton à É1 et prononce simultanément distinctement et de manière amplifiée le phonème [y]. | Chaque objet et chaque geste ont pour fonction de représenter le 2e phonème. La prosodie a pour fonction de faire entendre le phonème [y]. |
Tableau 1.4
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É1 : [y] | L’élève pose le 2e jeton sur la 2e case à droite de sa carte et prononce simultanément le phonème [y]. | Chaque objet, chaque geste, chaque case ont pour fonction de représenter le 2e phonème. |
Tableau 1.5
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É1 : [my] M : parfait | L’élève produit un geste dynamique circulaire en prononçant la syllabe [my]. | Ce geste a pour fonction de donner une image kinesthésique de la fusion syllabique. |
19Pour résumer, le phonème, difficilement perceptible pour l’élève parce que fugace et utilisé de manière inconsciente quand il parle, est matérialisé par des représentations iconiques. Ce qui est quasi inaudible au début de l’apprentissage est rendu volontairement visible mais aussi vécu dans le mouvement et l’amplification prosodique. Le phonème et le processus de fusion syllabique sont rendus sensibles « à double sens ». La circulation sensorielle est organisée de telle sorte que l’élève passe de l’auditif au visuel. Les modalités matérielles objectales, à savoir cartes et jetons, et corporelles-gestuelles, à savoir gestes iconiques, kinesthésie et prosodie, sont articulées entre elles, et avec le discours. Ce système sémiotique, appliqué à l’objet à apprendre, constitue un puissant outil didactique multimodal pour l’enseignement-apprentissage de la conscience phonologique.
3.2. Deuxième exemple relatif au lexique : la signification d’une expression
20L’écrit se définit par la double symbolisation (Vygotski 1978) : la langue écrite symbolise la langue parlée qui elle-même symbolise la chose. C’est seulement quand l’enfant se représente cette double symbolisation que l’apprentissage peut commencer. La connaissance de la signification des choses et des actions joue un rôle dans l’apprentissage de la lecture. Pour savoir lire, donc pour comprendre l’écrit, l’enfant a besoin d’un vocabulaire dense et précis. Même déchiffrer nécessite de connaître le sens des mots : « déchiffrer ne suffit pas si l’on ne possède pas, en mémoire, une signification associée à l’image acoustique du mot » (Goigoux et Cèbe 2006, p. 20).
21Dans cette séance de mars de la GS, l’enseignante répond à la consigne « montrez-moi une séance de lecture » par une séance d’écriture, plus précisément de dictée à l’adulte. Elle considère que lecture et écriture sont deux activités liées. Jacques Fijalkow (2003) plaide pour l’articulation lecture-écriture, déclinant les avantages de l’activité d’écriture, notamment le travail d’analyse phonographique, qui amène l’élève à comprendre les relations systématiques entre phonèmes et graphèmes et permet l’acquisition fonctionnelle des correspondances.
22Dans les séances précédentes, les élèves ont appris à faire des exercices de relaxation. Ensuite l’enseignante a pris des photographies pour « raconter » les exercices de relaxation destinés à être lus et compris par les élèves des autres cours de la classe. Mais la photographie est insuffisante à la compréhension des exercices de relaxation pour qui ne les connaît. Sans explications écrites, il est impossible de les réaliser. Car ce qui est à décrire est caché (dans la bouche) ou peu explicité par l’image (les yeux). Les élèves perçoivent donc l’insuffisance de l’image dans ce cas de figure. Ils dictent à l’adulte les légendes des photographies se rapportant aux exercices de relaxation. L’une des images donne à voir l’élève photographié fronçant les sourcils. Aucun des élèves ne connaît cette expression froncer les sourcils. L’objectif de l’enseignante est ici l’apprentissage de vocabulaire nouveau.
23Les élèves et l’enseignante sont pour cette fois encore à distance personnelle proche (proxémie) permettant de se toucher et de toucher les supports, facilitant l’exercice de la matérialité.
Figure 5. Dictée à l’adulte – organisation spatiale

24L’outil matériel privilégié dans cette situation d’enseignement-apprentissage est le mime. Mimer c’est reproduire, de façon purement imitative, des gestes, des mouvements correspondant à un événement, à une situation ou des gestes fortement socialisés ; c’est exprimer par les jeux de physionomie, par les gestes, le comportement, un sentiment, sans en être le siège (Centre de ressources textuelles et lexicales). Le mime permet de faire comprendre visuellement et concrètement aux élèves ce que signifie le mot fronce. Il correspond au geste pédagogique (Tellier 2008) utilisé en langue étrangère pour faire comprendre : geste du bras, des mains ou mimique faciale à fonction iconique, métaphorique ou emblématique, facilitant l’accès au sens en langue étrangère en tant que traduction gestuelle des paroles de l’enseignant.
25La mimogestualité, dont l’origine est coverbale (Colletta 2004), est détournée sur l’objet à apprendre, à savoir le vocabulaire nouveau. Ainsi, pour faire comprendre on fronce les sourcils, l’enseignante fronce elle-même les sourcils. Cette coverbalité est commune à l’adulte et à l’enfant, qui peuvent alors en dégager des significations partagées. Le mime est en outre renforcé par un deuxième geste de pointage focalisant l’attention sur les sourcils froncés de l’enseignante. Est ajoutée à tout cela la prosodie qui isole et rend saillant à l’oreille le mot fronce dans le discours. Ce moment témoigne de la complexité gestuelle déployée pour faire comprendre une expression nouvelle. Le mot oral symbolise ici une action concrète ; la mimogestualité donne accès à cette symbolisation, elle rend visible le sens parce que le sens est corporéisé et incarné. Voici ci-après l’interaction enseignante (M) - élève (É2) décrite et analysée.
Événement remarquable 2 : la signification de l’expression « on fronce les sourcils » – grande section (5-6 ans)
Tableau 2.1
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M : et après | L’enseignante et É2 miment l’expression sans la verbaliser. L’enseignante pointe avec ses deux index en direction de ses yeux sans verbaliser l’expression. | Le mime est redondant par rapport à la photographie de l’exercice de relaxation ; pour M il a pour fonction de donner une image visuelle du sens de l’expression, pour É2 une image kinesthésique. Le pointage des deux index focalise l’attention sur les yeux de l’enseignante donc sur l’image visuelle. |
Tableau 2.2
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M : avec les sourcils É2 : on est comme ça / énervé M : oui on fait euh les sourcils énervés | L’enseignante et É2 miment l’expression sans la verbaliser. L’enseignante effectue un pointage dynamique avec ses deux index sur ses sourcils sans verbaliser l’expression. | Le mime est redondant par rapport à la photographie de l’exercice de relaxation ; pour M il a pour fonction de donner une image visuelle du sens de l’expression, pour É2 une image kinesthésique. Le pointage dynamique donne une image visuelle du mouvement des sourcils dans l’action de froncer. |
Tableau 2.3
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M : on dit qu’on les ? / FRONCE É2 : fronce M : on FRONCE les sourcils |
| La prosodie a pour fonction de focaliser l’attention auditive sur le mot oral « fronce ». |
3.3. Troisième exemple : la compréhension d’un paragraphe lu
26Le thème de cette séance de février du CE1 est la lecture d’un documentaire sur les marionnettes Polichinelle et Guignol. Les élèves sont assis groupés autour de deux tables. Les protagonistes sont à distance personnelle (proxémie). Cependant, le support est petit et individuel, ce qui constitue un premier changement. Chaque élève et l’enseignante disposent du même support portant un texte documentaire à lire et des images qui l’illustrent, provenant d’un site Internet.
Figure 6. Compréhension – organisation spatiale et extrait du support de lecture

27Cet événement remarquable donne à voir un moment de lecture dans sa dimension de compréhension. Par le questionnement, l’enseignante amène les élèves à comprendre le caractère de Polichinelle. L’absence d’objets et de corporéité-gestualité marque ce moment où le discours devient un recours privilégié pour l’élucidation du sens. Outre le discours, la compréhension se réalise à l’appui du texte écrit : les élèves expliquent en sélectionnant le mot, l’expression, ou la phrase du texte qui justifie la réponse. Guidés par le questionnement enseignante, les élèves échangent, débattent, raisonnent en verbalisant, en cherchant des preuves textuelles, en convoquant des connaissances. Ils sont désormais capables d’apprendre à comprendre sans le soutien matériel – le mime – initialement utilisé ; ce système sémiotique ne s’exprime plus, alors que la verbalisation domine les échanges au sein du groupe. L’observateur assiste à une métamorphose matérielle entre la GS et le CE1, laquelle génère une multimodalité différente : alors qu’en première année l’enseignante outille la compréhension par la mimogestualité, en dernière année, les élèves nourrissent leur compréhension d’arguments puisés directement dans le texte et de leurs connaissances sur le monde. Pour cet événement remarquable, les ressources pour comprendre sont le texte écrit et le discours, deux modalités matérielles qui dominent ce moment. Voici la transcription de l’extrait filmé avec, en italiques, la phrase lue par É4.
Tableau 3.1
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M : comment est Polichinelle ? É2 : ben il est menteur M : il est menteur É1 : mal embouché M : ça veut dire quoi mal embouché ? É2 : ça veut dire qu’il dit des gros mots M : par exemple oui É3 : il est vif M : il est vif ça veut dire quoi ? É2 : ah ça veut dire qu’il est méchant je crois É4 : non rapide M : rapide / mal embouché / ça veut dire quoi ivrogne ? É1 : il grogne il fait la tête M : non ce n’est pas il grogne É2 : il grogne ah euh M : il n’est pas grognon | Durée 13 minutes. L’enseignante pose des questions auxquelles les élèves répondent. | Le mode corporel-gestuel n’est pas utilisé. |
Tableau 3.2
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É3 : il est méchant M : non / ivrogne ça veut dire qu’il ? É4 : parle M : quand on est ivre / c’est quoi quand on est ivre ? É3 : fâché M : non quand est ivre c’est qu’on a beaucoup bu É3 : oh M : quand on est un ivrogne É1 : ça veut dire qu’on boit de l’alcool M : ça veut dire qu’on boit de l’alcool beaucoup É3 : et on est soûl après M : et on est soûl après donc c’est un ivrogne ça veut dire qu’il boit beaucoup / pas de façon raisonnable / donc il a un drôle de caractère ce Polichinelle É3 : ben oui É1 : oui M : et en plus il est mal embouché il est donc grossier É3 : grossier M : oui il dit des gros mots mais est-ce qu’il est sympathique ? É2 : non É4 : non É3 : si M : justifie ta réponse É1 : euh É2 : non ah ben non parce que ce n’est pas écrit | Durée 43 minutes L’enseignante pose des questions auxquelles les élèves répondent. | Le mode corporel-gestuel n’est pas utilisé. On n’observe pas l’usage de la mimogestualité, par exemple pour définir le mot ivrogne. Le mode dominant est le discours. |
Tableau 3.3
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M : ce n’est pas écrit ? / qu’il est sympathique É4 lit : Polichinelle ne respecte aucune puissance il bâtonne le commissaire É2 : c’est écrit où il bâtonne le commissaire ? M : et ça voulait dire quoi il bâtonne le commissaire ? É4 : il donne des coups de bâtons au commissaire | É4 lit pour argumenter : il va chercher les éléments de réponse dans le texte écrit. | Le mode corporel-gestuel n’est pas utilisé. La matérialité de l’écrit est la ressource privilégiée. |
28Cet exemple livre un aspect des mutations matérielles à l’œuvre au fil du temps d’enseignement-apprentissage, mutations qui sont corrélées aux progrès des élèves en lecture. Nous pouvons alimenter les propos de Gunther Kress (section 4) : « La sémiose, la construction du sens, est continue. »17
4. Le résultat de l’observation scientifique
29Les exemples décrits et analysés ci-dessus sont constitutifs d’un ensemble bien plus large d’événements remarquables (quatre-vingt-quatre en tout) qui ont alimenté les résultats complets de l’étude (Taisson-Perdicakis 2013). La matérialité y apparaît comme un outil polymorphe associant l’agencement spatial, la proxémie, les objets traditionnels de la classe, et des agents corporels composites. L’observation macrogénétique donne à voir l’usage de la matérialité comme un indice du développement cognitif de l’élève témoignant de l’intériorisation des connaissances : chaque matérialité réservée à une dimension de la lecture décroît en fonction de l’expertise de l’élève dans le domaine concerné, il y a détachement de la matérialité relative à l’enseignement-apprentissage d’un savoir.
30Plus l’élève est habile à discriminer les sonorités de la langue, moins l’enseignante prosodie et gestualise. Plus il est adroit dans la maîtrise des codes, moins elle effectue de pointages et de tracés. Plus la lecture devient courante, c’est-à-dire plus l’élève lit sans hésitation (Giasson 2005), moins elle utilise d’objets et de signes corporels-gestuels. Plus il comprend le lexique et le sens explicite de l’écrit lu, moins elle mime. L’usage de la matérialité réservée à un objet d’apprentissage en lecture finit par décroître aux mains de l’enseignante. Ce serait là les « changements au sein des modes (transformations) »18 décrit par Kress (section 4). Les outils matériels ne se donnent plus à l’observateur parce qu’ils ont été intériorisés en même temps que le savoir. Cette assertion est étayée par le fait que les élèves font usage à leur tour de ces outils matériels.
31Nous proposons maintenant quelques traces des observations, retenues pour exemplifier ces résultats.
Figure 7. Phonologie en grande section

32Dans un premier temps, l’enseignante gestualise de manière à faire percevoir visuellement la première syllabe d’un mot bisyllabique, papi. Elle replie la main représentant la deuxième syllabe supposée être cachée dans cette main ; la première syllabe est représentée par la main disposée à plat sur la table. Simultanément, elle amplifie de sa voix la première syllabe et marque une césure vocale : « pa / pi ». Les sonorités de la langue sont ainsi sémiotisées, rendues perceptibles simultanément par la vue et par l’ouïe. Après plusieurs exercices, l’enseignante n’utilise plus ces gestes mais seulement la prosodie : « tableau ». Pour finir, elle prononce le mot sans accentuation prosodique : « mouton ». L’élève est en mesure d’analyser le mot oral sans soutien matériel multimodal.
Figure 8. Décodage en CP

33Le décodage passe par l’identification des mots qui procède de deux voies possibles : voie directe et voie indirecte (Goigoux et Cèbe 2006). La voie directe est mise en action face à un mot écrit déjà rencontré et stocké dans la mémoire du lecteur. Elle consiste en trois phases : le mot écrit est instantanément reconnu, car il est déjà en mémoire sous forme d’image orthographique ; cette image orthographique est signifiante, car le mot appartient au lexique du lecteur ; ce mot quasi instantanément reconnu est compris. La voie indirecte est mise en action face à un mot écrit jamais rencontré par le lecteur. Elle consiste en quatre phases : le mot écrit est déchiffré ; ce mot écrit déchiffré est ensuite oralisé, donnant une image auditive ; cette image auditive est signifiante si le mot appartient au lexique oral de l’élève, qui accède alors à la compréhension du mot écrit.
34L’écrit ci-dessus comporte un code métalinguistique propre à la classe, constitué de tracés divers. Les graphèmes entourés au moyen de « bulles » sont des graphèmes complexes, les « vagues » segmentent les mots en groupes de lettres, et les parenthèses signalent ce qui ne se prononce pas. Posé sur le code écrit conventionnel du français, ce code écrit métalinguistique écologique – bulles, vagues, parenthèses – est pensé pour soutenir le déchiffrage par l’élève. L’équivalence om-on est signalée. Notons que les parenthèses sont communes au code métalinguistique écologique et au code textuel (Chauveau 1998) du français écrit. Le code métalinguistique est cependant rendu efficient parce qu’il est tracé dans une autre couleur que celle du code du français écrit ; en outre, l’enseignante soutient si besoin l’activité de l’élève en explicitant l’usage des signes facilitateurs.
35Dans le troisième exemple ci-avant intitulé « La compréhension d’un paragraphe lu », le texte à lire est brut, ne comportant aucune marque sémiotique ajoutée (figure 6). En CE1, la modalité matérielle caractérisée par les tracés ajoutés n’est plus utilisée.
Figure 9. Compréhension de l’écrit lu en CP

36Les élèves ont lu un épisode de l’album Mika et le jeteur de sorts. L’enseignante mime l’action complète de jeter un sort : 1) regarder fixement Mika ; 2) lever la baguette vers le ciel ; 3) dire le sort ou la formule magique « Mika-cahuète ». Cette image extraite de l’événement remarquable est accompagnée des mots : « deux, lever la baguette vers le ciel ». Ici, les gestes sont au service de la construction de la représentation mentale de la situation (Goigoux 2008). Le sens de l’histoire est rendu visible par la mimogestualité. L’énumération des trois actions successives est matérialisée par le comptage digital.
37Au CE1, dans le troisième exemple ci-avant intitulé « La compréhension d’un paragraphe lu », la compréhension passe par la recherche d’arguments dans le texte écrit et par le recours aux connaissances sur le monde. Lorsque les élèves font preuve de maîtrise assurée concernant tous les savoirs énumérés plus haut, le discours et le texte écrit deviennent les ressources matérielles privilégiées pour approfondir la compréhension de l’implicite.
Figure 10. La matérialité aux mains de l’élève en CP

38L’élève en bas à gauche de l’image guide l’élève à sa gauche dans sa lecture de la phrase : « Le boulanger Baba a fini de préparer ses galettes, il va se coucher ». Avec Kress (2010, p. 183), nous sommes en mesure d’évaluer la performance lecturale de cette première élève : « Dans les environnements de communication contemporains comme celui de l’apprentissage, c’est invraisemblable de réduire l’idée d’une communication efficace au seul mode de communication qu’est le langage. L’évaluation ne fait pas exception. »19 Ses gestes sont ceux d’une experte. Non seulement elle-même est capable d’identifier ce mot, mais elle sait aussi comment y parvenir et l’expliquer à autrui. Elle a assimilé le savoir et les moyens sémiotiques pour enseigner ce savoir.
39Concernant la capacité de savoir identifier le mot fini par la voie indirecte, la difficulté réside dans le fait qu’une voyelle nasale, telle [ɛ̃], suivie d’une voyelle, en l’occurrence [i], doit être lue « ine », ce qui implique la segmentation fi/ni et non fin/i. Or l’élève qui déchiffre prononce le mot en segmentant fin/i. L’élève experte corrige : « Non ici, c’est fi », tout en appliquant sa main verticalement, de manière à indiquer la segmentation adéquate. Concernant la capacité de savoir enseigner à identifier le mot fini, l’élève experte gestualise comme l’enseignante lors de séances antérieures (non décrites ici, voir Taisson-Perdicakis 2013). Elle laisse le temps à sa camarade de chercher et de réussir, sans lui donner directement la réponse. Elle soutient matériellement l’activité de décodage par voie indirecte. La proxémie joue un rôle ici : l’enseignante s’éloigne, ce qui induit l’activité autonome du groupe sans elle. C’est un retrait qui permet à une élève de prendre sa place.
*
40Notre recherche a mis au jour le rôle de la matérialité dans l’enseignement-apprentissage de la lecture à travers l’exposition d’exemples d’événements remarquables et d’illustrations extraites des résultats.
41Elle témoigne en faveur de la théorie de l’objectivation de Luis Radford (2011), selon laquelle l’individu est un individu en tant qu’être-avec-d’autres qui apprend au sein de groupes par les moyens sémiotiques de l’objectivation, qui sont les gestes, le langage, les symboles. Gestes, langage et symboles deviennent des constituants de l’acte cognitif qui positionne l’objet conceptuel non pas à l’intérieur de la tête mais sur le plan social. Radford plaide pour une conception sensible de la pensée : « La pensée invoque de manière fondamentale nos sens dans la saisie de ses objets » (p. 55). L’élève utilise des moyens sémiotiques d’objectivation pour élaborer des signifiés et prendre conscience des objets conceptuels. Les artefacts, les gestes, le corps, les signes ne sont pas des aides à la pensée mais des parties constitutives de la pensée.
42Au-delà de ces considérations cruciales, le champ d’étude est vaste, qui devrait être exploré dans les autres disciplines pour considérer et examiner la matérialité appliquée aux objets à apprendre. Parce que « le sens est produit par tous les modes ; l’apprentissage advient par tous les modes »20 (Kress 2010, p. 183). Les médiations matérielles multimodales apparaissent en effet comme un moyen efficient pour co-construire les connaissances des élèves, d’autant plus quand elles sont exercées consciemment et perfectionnées.
Bibliographie
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Annexe
Conventions de transcription
/ | Pause |
? | Intonation montante - interrogation |
Caractères italiques | Modulation prosodique |
[ ] | Phonème |
Notes de bas de page
1 L’intonation, l’accentuation, le rythme, les pauses, la durée des phonèmes, la « mélodie » des mots et/ou des phrases (Delahaie 2009).
2 La distance physique qui s’établit entre deux personnes prises dans une interaction (Hall 1971).
3 Le discours est un acte de parole incluant le contexte. Il est construit à partir d’éléments du langage oral qui, lui-même, est constitué de signes. Les signes étant des entités matérielles, le discours est matériel. Dans cette étude, nous avons fait le choix d’étudier spécifiquement et systématiquement les éléments matériels autres que le discours.
4 Phonème : plus petite unité, dénuée en elle-même de sens, que l’on puisse isoler dans la chaîne parlée ; graphème : lettre ou groupe de lettres qui correspond à un phonème (Delahaie 2009).
5 Morphème : plus petite unité porteuse de sens (Delahaie 2009). Exemples : t de fort, s au pluriel…
6 Logogramme : indice visuel qui permet de différencier des mots se prononçant de la même façon.
7 Écriture cursive, scripte, en capitales…
8 La lettre, le journal, l’affiche…
9 Paragraphes, espaces, titres, ponctuation, soulignements, caractères (gras, italique…), repères (puces…).
10 Dans un premier temps qualifié de temps interpsychique (en référence à la fonction interpsychique selon Vygotski, 1997), l’élève co-construit ses connaissances dans l’action conjointe (Sensevy 2007) en situation collective avec l’enseignant ; dans un deuxième temps qualifié de temps intrapsychique (en référence à la fonction intrapsychique selon Vygotski, 1997), ces connaissances sont intériorisées solitairement.
11 Il s’agit d’une classe cycle multi-niveaux de quinze élèves répartis entre GS, CP, CE1. En conséquence la cohorte suivie pendant trois ans est composée de quatre élèves. Le travail de la cohorte revient à un travail en petit groupe.
12 « La notion d’événement remarquable désigne un événement dont l’interprétation permet de traiter (au moins partiellement) les questions de recherche posées » (Leutenegger 2004, p. 279).
13 La méthode Mika est une méthode interactive d’apprentissage de la lecture élaborée sous la direction de Gérard Chauveau (1997) chez Retz.
14 Les conventions de transcription se trouvent en annexe 1.
15 La fusion syllabique consiste à unir les sons représentés par deux graphèmes (ou plus) pour former une syllabe (Giasson 2005, p. 182). Ici il est question de fusion syllabique orale (phonèmes) qui permettra ultérieurement de réaliser la fusion syllabique écrite (graphèmes).
16 Syllabe : unité phonétique fondamentale, groupe de consonnes et de voyelles qui se prononcent d’une seule émission de voix (Delahaie 2009).
17 « Semiosis – meaning-making – is ceaselessly ongoing. »
18 « […] change within a mode – transformation. »
19 « In contemporary environments of communication as of learning it is implausible to restrict notions of effective communication to the mode of language alone. Assessment is no exception. »
20 « Meaning is made in all modes; learning takes place in all modes. »
Auteur
Haute École pédagogique Vaud, Lausanne
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