L’apprentissage en tant que travail sémiotique : vers une pédagogie de la reconnaissance1
p. 23-48
Texte intégral
Introduction à une sémiotique sociale fondée sur l’approche multimodale de l’apprentissage
1Dans de nombreuses branches des sciences humaines et sociales, la question de la multimodalité suscite un intérêt croissant. On assiste à la montée d’une prise de conscience embarrassante que le « langage », qu’il s’agisse de la parole ou de l’écrit, ne permet pas d’accéder au sens tout entier.
2Ce malaise est fort dans de nombreux domaines de l’éducation, où il est clair que le sens se construit de nombreuses manières au-delà de la parole et de l’écrit, mais les moyens théoriques ou pédagogiques permettant de documenter ces significations ne sont pas très développés, voire inexistants. Ceci aurait des effets préjudiciables sur l’éducation. Les significations qui sortent des formes canoniques ne sont pas reconnues. Elles peuvent, tout simplement, ne pas être « visibles » pour ceux qui ont pour tâche de porter des jugements et d’évaluer, ou il se peut également que les formes non canoniques soient traitées comme sortant du champ de ce qui mérite d’être reconnu. Dans ce contexte, la sémiotique sociale et la multimodalité offrent les moyens de rendre ces significations visibles et, ce faisant, mettent en évidence des types d’apprentissage qui ne sont autrement pas reconnus.
3L’apprentissage n’est habituellement pas associé aux approches sémiotiques en général ni à la théorie de la sémiotique sociale multimodale en particulier. Cette dernière fournit cependant des outils pour comprendre l’apprentissage et pour en rendre compte de manière vraisemblable. Les théories de l’apprentissage (par exemple Vygotsky 1986) ont tendance à se concentrer sur la notion de concept (une notion cognitive, orientée vers des processus mentaux), alors que la sémiotique sociale utilise la notion de signe (une notion sémiotique, orientée vers des processus sociaux). En sémiotique sociale, un ensemble de termes : production de signes / sens et production de sens / production de signes en tant que production de sens / apprentissage / savoir [sign-making / meaning and meaning-making / sign-making-as-meaning-making / learning / knowledge], forme un champ intégré et complexe. La théorie de la sémiotique sociale traite de tous les moyens permettant de produire du sens. Cela inclut les signes fabriqués dans et avec les modes, et les signes fabriqués en dehors des modes. Cela donne la théorie globale pour rendre compte du sens. Le domaine, le champ, dans lequel la fabrique du sens a lieu est maintenant généralement appelé multimodalité. La multimodalité (désormais MM ; soit la totalité des modes disponibles dans une communauté donnée) joue le rôle d’une carte du domaine dans lequel la théorie s’applique et dont elle tente de rendre compte de façon vraisemblable.
4La MM n’est pas une théorie, elle est un aspect de la théorie de la sémiotique sociale mais elle a une portée théorique. Elle postule que le langage n’est pas nécessairement le moyen principal ou suffisant pour construire ou pour comprendre l’ensemble des significations que les êtres humains élaborent et utilisent. Elle circonscrit le champ de la recherche sur le sens. La MM définit quels modes sont disponibles pour produire du matériau signifiant dans une communauté donnée et elle précise quelques-unes de leurs caractéristiques majeures. La MM a une grande portée théorique parce qu’elle postule que tous les modes, en combinaison les uns avec les autres, sont impliqués dans la production de sens.
5En sémiotique sociale et dans le domaine de la MM, les deux modes linguistiques, l’oral et l’écrit, sont traités seulement comme deux modes parmi toutes les ressources modales disponibles à la production du sens. Là où précédemment, on considérait comme allant de soi que l’oral et l’écrit étaient au centre de l’éducation et des processus d’apprentissage en particulier, aujourd’hui cette hypothèse n’est plus soutenable.
6Si le sens se construit à travers tous les modes, le sens global d’un message est (aussi) le résultat d’une combinaison de significations à laquelle ont contribué tous les modes utilisés dans ce message, reflétant ainsi sa complexité multimodale.
7Partant de cette complexité, chaque mode contribue au sens global du message de façon à la fois spécifique (il met en lumière certains aspects du sens) et partielle (il ne peut séparément rendre compte de tous les aspects du sens). Cela est vrai pour tous les modes, que ce soit l’image, la parole, l’écrit, autant que le regard, les gestes, les objets en tant que modes, etc. En sémiotique sociale, ces caractéristiques des modes sont traitées par la catégorie d’affordance (Gibson 1983) : les modes ont chacun des potentialités et des limites dans la production de sens, du fait de la combinaison entre leur matérialité et leur contexte socio-historique d’usage.
8La dimension sociale de la sémiotique sociale découle de plusieurs hypothèses. En premier lieu, elle postule que le sens « émerge » et est le résultat de l’action et de l’interaction sociales. Le sens est le résultat d’un travail sémiotique effectué dans des contextes sociaux au moyen de ressources matérielles et culturelles façonnées socialement par des acteurs sociaux. Le travail sémiotique de la « fabrication de signes » [sign-making] produit le socle de la sémiotique : des combinaisons de forme et de sens, en tant que « signes ». Produire des signes, c’est produire du sens.
9La multimodalité pointe le fait que le sens se manifeste à travers des ressources matérielles façonnées par la société, les modes. Dans toute communauté, il existe un certain nombre de modes autres que les modes oraux et écrits y compris quelques modes canoniques, tels que les chiffres par exemple. Il est d’ailleurs fréquent que l’oral ou l’écrit ne soient pas essentiels dans de nombreuses situations et dans de nombreux complexes modaux dans lesquels le sens est matérialisé. L’ensemble des modes constitue les ressources culturelles et matérielles partagées par une communauté et façonnées par la société pour la matérialisation du sens dans la représentation. Le sens est toujours créé par plusieurs modes, qui se combinent de façon spécifique, en complexes multimodaux.
10Pour les théories de l’apprentissage, les conséquences de ces hypothèses sont fondamentales : il s’agit d’un processus qui engage tous les modes présents dans les environnements d’apprentissage. Cela signifie que nous devons prêter attention à tous les signes produits par tous les modes constitués par et constituant les environnements d’apprentissage, que nous en soyons les concepteurs ou les apprenants. D’une part, les concepteurs [designer] d’environnements d’apprentissage doivent savoir ce que chaque mode séparément et tous les modes ensemble apportent aux sens de l’environnement. D’autre part, les concepteurs doivent savoir que tous les signes du complexe modal d’un environnement d’apprentissage peuvent être considérés comme des incitations à l’engagement. En d’autres termes, la personne qui s’engage dans un environnement d’apprentissage fait des choix issus de l’environnement global, et ainsi s’engage dans la sélection de certains signes. Elle ne s’engage jamais avec tous les signes présents dans cet environnement.
11Cela entraîne des conséquences pour l’évaluation. En effet, le choix des apprenants lui-même est significatif. En évaluant ce qui a été appris, nous ne pouvons plus limiter notre attention à la parole ou à l’écrit (ni à n’importe quel mode) et le considérer comme central, dominant ou prioritaire. Quelle que soit la manière dont une question du programme a été (re)présentée dans un environnement d’apprentissage, la réponse de l’apprenant doit être interprétée et comprise pour ce qu’elle est. Évaluer les apprentissages, que cela passe par un classement, une note ou un jugement, nécessite la prise en compte de tous les signes dans tous les modes présents dans l’environnement d’apprentissage, c’est-à-dire tous les matériaux susceptibles d’avoir été suggérés à l’apprenant. De même, pour documenter ou instruire les processus d’apprentissage, toutes les ressources modales présentes dans le matériel soumis à l’évaluation doivent être prises en compte.
12Pour le dire autrement, dans une approche multimodale, l’évaluation doit d’abord se concentrer sur les ressources disponibles dans l’environnement d’apprentissage puis sur celles qui semblent avoir été sélectionnées, « prises » par la personne évaluée et ensuite sur toutes les autres ressources présentes dans les matériaux qui ont été présentés pour l’évaluation. Dans cette approche, il est essentiel d’être pleinement conscient de la façon dont l’apprenant s’implique dans l’environnement d’apprentissage : son attention peut aller se porter sur l’un des modes présents ou sur plusieurs et, dans ce cas, sur tout signe ou sur tout complexe de signes à l’intérieur d’un mode. Les réponses des apprenants peuvent être fondées sur des modes autres que ceux envisagés ou considérés comme pertinents pour l’environnement d’apprentissage par ceux qui l’ont élaboré.
13Les conceptions de l’apprentissage abordent et introduisent la dimension sociale de toute part : en tant qu’agentivité des apprenants ou des enseignants, en tant que pouvoir, identité/subjectivité, en tant que connaissance, dans toutes ses manifestations. En décrivant les caractéristiques sociales qui définissent une situation d’apprentissage, la théorie de la sémiotique sociale apporte une contribution distincte à la compréhension de l’apprentissage, que ce soit en classe ou dans d’autres lieux d’apprentissage formels, ou même complètement en dehors du contexte formel et institutionnel : au domicile, au travail, en groupe de pairs, etc. Et les caractéristiques sociales de chacune de ces situations sont cruciales et nécessitent qu’on les décrive.
14Il s’agit d’une notion expansive du domaine dans lequel l’apprentissage est défini et considéré, dans un vaste cadre de pertinence, à tel point que nous pourrions effectivement nous demander quel lieu n’est pas un lieu d’apprentissage ou bien quel est l’endroit où l’on n’apprend pas.
15Si nous partons du principe que l’apprentissage est façonné par des caractéristiques de l’environnement social, alors l’une des premières questions à se poser serait : « Quelles sont les caractéristiques du social dans cet environnement ? » et en quoi ces caractéristiques s’apparentent ou se distinguent-elles par rapport à d’autres situations ? » ou en quoi cette situation diffère-t-elle d’une autre au vu de son effet supposé pour et sur cet apprenant ? ». De telles questions sont essentielles si nous cherchons à relier l’apprenant aux caractéristiques sociales de la situation d’apprentissage et à celles de l’environnement social plus large. Ce sont des questions de pédagogie, c’est-à-dire des questions relatives aux caractéristiques sociales des situations d’apprentissage, des apprenants et des enseignants.
16Il y a d’autres questions essentielles relatives à la dimension sociale. Actuellement, la plus importante est peut-être celle de la stabilité. Dans une ère de grande diversité et de fragmentation sociale, que l’on adopte un point de vue de niveau micro (de l’individu ou de son environnement immédiat), méso (de l’école) ou macro (comprenant le cadre de la communauté et au-delà), il est difficile de donner de la cohérence aux questions relatives aux environnements de et pour l’apprentissage. « La dimension sociale est-elle stable/est-elle perçue comme stable ? » Les différences de rythmes ou de changements de rythmes au niveau micro ou intermédiaire affectent les situations institutionnelles d’apprentissage. Des groupes définis par l’âge (c’est-à-dire par la catégorie sociologique de génération) se rencontrent, avec des conceptions souvent différentes de ce qui est socialement stable. Une génération plus âgée peut postuler certains cadres (comme les genres) ou une cohérence (à savoir des moyens de cohésion sociale et sémiotique) qui ne sont tout simplement pas connus ni partagés par des générations plus jeunes et plus âgées. Une catégorie telle que la cohésion apparaîtra sous une forme sociale et sémiotique très différente sur la plateforme d’un média social et sur celle de sites/de plateformes plus traditionnels. Ou autre exemple : il existe des questions de niveau micro et macro quant au changement de rythme social (et sémiotique) : « le “social” change-t-il à un rythme différent, avec des effets différents, selon les groupes de générations différentes ? ».
17En considérant l’apprentissage à tout niveau, et de tout type, la théorie de la Sémiotique Sociale (focalisée sur les notions d’agentivité, de pouvoir, de ressources culturelles diverses et d’intérêt) offre un cadre englobant. Pour toutes ces questions, ces caractéristiques sont combinées avec les effets et les exigences des affordances des modes impliqués.
18Cette approche de l’apprentissage, dont le fondement pourrait se formuler ainsi sign-making = meaning-making = learning : la production de signe = la production de sens = l’apprentissage, rompt avec la tradition de faire de l’école2 et avec ses résultats, les tenants et les aboutissants de l’apprentissage. Depuis près de quatre décennies maintenant, l’apprentissage a dépassé les limites matérielles et conceptuelles de l’école, de multiples façons. En essayant de fournir des explications à la multiplication des situations d’apprentissage, une réponse a été d’inventer toujours plus de nouvelles appellations – de nouvelles entités, de nouveaux types apparents d’apprentissage – à travers l’utilisation de modificateurs adjectivaux et morphémiques, tels que : professionnel [professional-], tout au long de la vie [life-long-], adulte [adult-], tous les aspects de la vie [life-wide-], précoce [early-], extrascolaire [extracurricular-], scolaire [school-based-], formel et informel [formal- and informal-], en ligne [on-line], numérique [digital], mobile [m- learning].
19Cette ruée vers la dénomination démontre une pauvreté théorique et une compréhension simpliste. On pourrait se poser la question de savoir en quoi l’apprentissage en ligne diffère de l’apprentissage mobile ou comment l’apprentissage numérique diffère de l’apprentissage en ligne. Dans l’approche de la Sémiotique Sociale, il y a d’une part une représentation de l’apprentissage, d’autre part, il y des représentations des environnements d’apprentissage. La séparation entre l’apprentissage et l’environnement d’apprentissage permet de se concentrer sur les effets spécifiques du second sur le premier. Il est possible de les clarifier et de les expliciter à travers les caractéristiques de chacun.
20Dans le texte présenté ici, l’objectif et le point de départ sont le processus ou le phénomène d’apprentissage, où qu’il ait lieu. Théoriquement, si le principe fondamental de cette approche est que production de signes = production de sens = apprentissage, nous devons commencer par aborder la production de signes.
La production de signes : le signe motivé
21Chaque signe et complexe de signes nous dit quelque chose sur le producteur du signe, sur la manière dont il connaissait et percevait le monde au moment de la production du signe. Il rend aussi explicite une (petite) partie de ce qui a été appris. Prenons l’exemple suivant. Un enfant âgé de 3 ans, assis sur les genoux de son père, trace une série de cercles, sept pour être exact (voir la figure 1). Quand il a fini, il dit : « C’est une voiture ».
Figure 1. Dessin réalisé par un enfant de trois ans, « c’est une voiture ».

22La question qui se pose est comment cela est ou pourrait être une voiture. En dessinant, l’enfant avait dit : « Voici une roue, voici une autre roue, c’est une drôle de roue… c’est une voiture ». Pour lui, la caractéristique principale d’une voiture était sa circularité : elle avait (beaucoup) de roues. La caractéristique principale d’une roue était qu’elle était circulaire et de fait les roues étaient bien représentées par des cercles. Le trait caractéristique d’une voiture était qu’elle soit constituée de plusieurs roues, ainsi, dans notre exemple, « une voiture » a été représentée par l’agencement de sept cercles.
23Représenter les roues par des cercles repose sur le processus de l’analogie : les roues sont comme des cercles. Le résultat de cette analogie est une métaphore, « une roue est (comme) un cercle ». De même avec la représentation d’« une voiture » : « Une voiture est quelque chose avec beaucoup de roues ». Le signe et le sens produits ici sont le résultat d’une série de deux métaphores : les roues sont (comme) des cercles et de nombreux cercles (/roues) constituent une voiture. Pour celui qui produit le signe, les signifiants (la forme) « cercle » et « beaucoup de roues » sont aptes à (c’est-à-dire que leur forme matérielle ainsi que l’histoire de leur usage les rendent capables de) porter le signifié (le sens) de roue et de voiture.
24On pourrait continuer à s’interroger : pourquoi et comment pour cet enfant de 3 ans un cercle peut-il être le signifiant d’une roue ? Et comment les roues peuvent-elles être le trait caractéristique d’une voiture ? La réponse à la première question coule de source : les deux sont ronds. La « circularité » fournit le lien connecteur de cette analogie. En ce qui concerne la deuxième question, la réponse pourrait être que si nous imaginons ce que voit un enfant de 3 ans dans son champ de vision lorsqu’il regarde la voiture familiale (dans le cas présent une Volkswagen Golf de 1982, avec ses imposantes roues visibles, notamment à la hauteur de l’observateur âgé de 3 ans), nous pourrions conclure que sa position dans le monde, littéralement, physiquement, mais aussi sur le plan cognitif et affectif, pourrait bien l’amener à voir les voitures, du moins dans certaines circonstances, de cette manière. Son dessin/ses signes représentent sa « position » au sens large, son « intérêt » découlant de sa position (physique, affective, culturelle, sociale) dans le monde à ce moment-là vis-à-vis de l’objet à représenter. Du point de vue de l’apprentissage, on peut dire que son intérêt façonne son attention envers une partie du monde et agit comme une motivation pour les principes de sélection (Kress 1997).
25Le fait est que c’est l’intérêt (dans le sens que nous venons d’indiquer) du producteur de signes/producteur de sens qui, à l’instant de sa représentation, détermine ce qui est pris comme critère pour une entité donnée. Le dessin de l’enfant suggère et réalise une vision d’une partie du monde façonnée en fonction de données historiques, sociales et culturelles. Ce que le producteur de sens prend comme pertinent détermine ce qu’il représente de cette entité ou de ce phénomène. Ce dessin est le résultat du travail sémiotique de l’enfant dans son engagement avec une partie du monde, il matérialise ses intérêts particuliers.
26Trois enjeux sont cruciaux dans cet exemple. Premièrement, la relation entre le sens (signifié) et la forme (signifiant) n’est pas arbitraire. Elle est motivée. En ce sens, la forme se propose au producteur de signes, car elle est pour lui le moyen le plus pertinent pour être porteur du sens à ce stade. Le signifiant (dans sa forme matérielle, prenant en compte l’histoire de ses usages antérieurs, et sous une forme connue par le producteur de signe, soit deux ans d’histoire personnelle à dessiner des cercles), satisfait l’intérêt du producteur de signes à chercher un moyen pertinent d’exprimer le signifié. La relation entre la forme et le sens est une relation motivée : ce signe, comme tous les signes, est construit sur la base d’une relation motivée entre la forme et le sens.
27Le deuxième enjeu est le suivant : au moment de sa réalisation, le signe est fondé sur ce qui est déterminant pour le producteur de signes concernant ce qui doit être représenté. Tout signe représente ce qui est déterminant pour ce qui doit être représenté. En ce sens, le signe est toujours à la fois complet et partiel. Il représente complètement ce qui est déterminant au moment de sa production et il est partiel par rapport aux nombreux autres traits caractéristiques constituant l’objet. Chaque signe est motivé par l’intérêt du producteur de signes. Le signe est toujours à la fois une représentation « complète » et toujours seulement une partie d’une entité ou d’un phénomène.
28Troisième enjeu : chaque signe est nouvellement fabriqué. Le postulat de la sémiotique sociale est que tous les signes (sans exception) sont nouvellement fabriqués au moment de leur usage, comme décrit précédemment. Les signes ne sont jamais utilisés, ils sont créés sur-le-champ. En sémiotique sociale, cela vaut pour tous les signes, fabriqués par tout producteur de signes où qu’il soit.
29Le premier de ces trois enjeux nous permet de formuler des hypothèses sur l’intérêt du producteur de signes (dans notre cas ici un apprenant) : le signe est la trace du travail sémiotique consistant à sélectionner un signifiant approprié pour le signifié. Le choix du signifiant donne un aperçu des principes régissant la production du signe. Lorsque le signe est fabriqué en réponse à une incitation, cela donne un aperçu du travail sémiotique du producteur de signes consistant à sélectionner des éléments à partir de la demande, ainsi que du travail sémiotique consistant à produire un signe qui représente bien, pour lui ou pour elle à ce moment précis, une réponse appropriée. Le second enjeu, la partialité du signe, nous donne, dans le cas de la réponse, une indication de ce qui était considéré comme un critère déterminant par le producteur du signe au sujet de la demande et de ce qui n’était considéré ni comme pertinent ni comme déterminant.
30Les trois postulats, à savoir que (1) chaque signe est le produit d’une relation motivée entre signifiant et signifié, (2) le signe est basé sur ce qui était le critère déterminant pour le producteur du signe au moment de l’incitation, (3) le signe est nouvellement fabriqué, nous permettent d’émettre des hypothèses fortes et relativement sûres à propos des préconstruits du producteur de signes. Ils nous obligent à prendre leur agentivité au sérieux. De plus, le fait que le signe produit soit toujours nouvellement fabriqué démontre quelque chose de banal mais profond : la créativité est un processus et un phénomène absolument habituel, ordinaire et quotidien. Chacun de ces trois principes nous amène à traiter avec le plus grand sérieux le travail sémiotique de production de signes.
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31Chaque cas de production de signes implique de tels actes de créativité : une sélection appropriée de signifiants pour un signifié et un « ancrage » dans ce processus, de ce qui a été considéré comme pertinent pour le producteur de signes au moment de la production du signe. À chaque occasion, tout nouveau signe produit un sens nouveau. En conséquence, en sémiotique sociale, la créativité est considérée comme courante, comme banale. Le travail à mener est d’accorder une reconnaissance à cette créativité, et d’indiquer les principes à l’œuvre. Enfin et surtout, une fois la reconnaissance accordée, se pose la question de trouver le moyen de mettre « la nouveauté » en application. Dans la plupart des cas, le nouveau sens semblera en soi anodin, sans importance. Pourtant, chaque cas ajoute ses effets cumulatifs. En premier lieu bien sûr dans les changements constants des ressources internes de l’apprenant et en second lieu dans la production de nouveaux signes (externes) fondés sur les ressources internes dès lors modifiées. Un apprentissage constant, qui passe généralement inaperçu, est le résultat inévitable de cette re-configuration des ressources internes, qui elle-même revient à une (re)configuration constante de l’identité. Et cette reconfiguration de l’identité inscrit ce processus au cœur des interactions sociales.
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32En changeant légèrement de perspective, avec un angle de vue différent, nous pouvons appréhender tout signe comme signe de l’intérêt du producteur de signes et comme signe d’apprentissage. L’apprentissage (le savoir) est le produit constant et inévitable de la fabrication de signes. Afin d’explorer davantage cette piste, prenons un nouvel exemple3.
33Un étudiant en médecine se tient devant une table d’opération. La chirurgienne et l’étudiant sont sur le point de commencer l’opération d’une petite grosseur sur le ventre du patient. Tandis que le patient est allongé sur le dos, la masse n’est pas visible. La lampe opératoire est orientée sur le nombril du patient. Avant que la chirurgienne ne fasse la première incision, elle pointe avec sa main gauche l’endroit où se trouve la grosseur (alors invisible) qu’ils vont opérer et demande à l’étudiant en médecine s’il souhaite la toucher. L’étudiant en médecine répond oui en touchant légèrement avec la main gauche à trois endroits différents autour de la zone concernée avec une compresse. Il touche alors de façon superficielle avec sa main droite. Il tient sa main à plat, exerçant une légère pression sur divers points du bout des doigts, couvrant une zone d’environ 7,5 centimètres au-dessous du nombril. Il effectue également un mouvement de balayage entre deux points de pression, comme illustré à la figure 2a.
34La chirurgienne se joint alors à lui pour toucher avec sa main gauche. Sa main est légèrement inclinée, elle exerce davantage de pression du bout de ses doigts et va plus loin à l’intérieur du ventre, sous le nombril, comme le montre la figure 2b.
Figure 2a. L’étudiant en médecine touche le patient

Figure 2b. La chirurgienne touche le patient

35Les points de pression marquent et rendent visible la circonférence de la grosseur. La chirurgienne prend ensuite la peau en utilisant son majeur et son pouce, ce qui dure quelques secondes.
36Le toucher de la chirurgienne est assez différent de celui de l’étudiant. Il est plus précis, plus profond, plus ferme, impliquant (le bout de) ses doigts qu’elle aplatit et incline, ainsi qu’une action de préhension. Le toucher de l’étudiant est plus approximatif, plus superficiel et implique seulement (le bout de) sa main aplatie.
37Les différentes caractéristiques de leurs actions renvoient à un engagement différent envers la grosseur et, en ce sens, ils montrent un intérêt et une connaissance différents. La chirurgienne dirige ses actes de manière à planifier l’incision, à l’endroit qu’elle doit inciser avec son scalpel. L’étudiant dirige ses actes de façon à ressentir la grosseur. La chirurgienne savait à quoi s’attendre, pas l’étudiant. Ainsi, les actions de la chirurgienne et de l’étudiant en médecine indiquent qu’ils disposent de ressources différentes, que les connaissances qu’ils ont intégrées sont différentes et démontrent ainsi diverses trajectoires d’apprentissage antérieur. Leurs actions, en tant que signifiants, sont aptes à porter le sens de chacune d’entre elles. Les signes qu’ils produisent sont, pour tous deux, motivés. Dans le même temps, leurs actions conjointes entraînent et constituent un apprentissage. Leurs actions sont un travail sémiotique, un peu comme un enfant faisant des marques sur un papier, ils ont élargi leurs ressources dans le but de produire du sens. Dans ce cas, pour « lire » des grosseurs d’un certain type, et les spécificités de celle de ce patient.
38Chacun a également appris de l’autre producteur de signes lors de cette démonstration issue de l’apprentissage : l’étudiant en médecine a interprété la façon dont la chirurgienne réalise son toucher et la chirurgienne en a fait de même avec l’étudiant.
39Si l’on transpose cet exemple à la sémiotique sociale et multimodale de l’apprentissage, on peut dire que chaque signe produit ici est nouveau, est une « innovation ». Sa fabrication est un acte de « créativité ». Le processus continu et incessant d’engagement transformateur, d’intégration en une transformation « intérieure », et aboutissant à un état interne constamment transformé, constitue l’apprentissage.
40Les effets de leurs interprétations mutuelles de ces créations de signes ont changé leurs ressources « internes ». Les effets de ce changement de ressources seront manifestes dans leurs actions ultérieures, ils transformeront toutes les actions à venir. Par exemple, lors de leurs prochaines actions, certaines des caractéristiques pourront être mises en avant : au premier plan, par un ralenti par exemple, ou par l’attention portée à la direction précise d’un mouvement. L’apprentissage est le résultat de toutes ces fabrications de signes. Chaque production de signe transforme la connaissance de son producteur. Cela s’applique à l’étudiant et à la chirurgienne. Ni l’un ni l’autre ne pouvait ne pas apprendre en palpant le patient.
41Cela peut servir d’outil pour rendre compte de tous les cas d’apprentissage. Cela s’applique à toutes les situations d’apprentissage et apporte des éléments à la question : « Qu’est-ce qui n’est pas apprendre et où n’apprend-on pas ? ». Pour compléter cette explication sur la fabrication du sens (et de l’apprentissage), il faut faire un pas de plus en considérant deux types de situation. Dans un cas on s’adresse aux apprenants en tant que producteurs de signes, qu’il s’agisse d’enseignants, surveillants, tuteurs ou tout autre acteur institutionnel ou toute personne responsable de l’apprentissage des autres ; dans l’autre cas, on ne s’adresse pas « directement » à eux, qu’ils soient apprenants ou non. Les exemples ci-dessous présentent les deux cas. Le premier illustre la communication, impliquant deux producteurs de signes, qui créent et recréent des signes (complexes). Le deuxième illustre l’apprentissage en l’absence d’une telle communication.
42Considérant les deux, nous reconnaissons que l’apprentissage résulte d’un engagement avec le monde, quel que soit le degré d’implication d’autres personnes dans l’élaboration de cet engagement. Il est ici question de la reconnaissance de l’agentivité des apprenants.
43La reconnaissance de l’agentivité des apprenants permet d’insister sur le fait que les producteurs de signes ne copient pas simplement, si l’on peut s’exprimer ainsi, ou n’acquièrent pas ou n’absorbent pas directement les signes créés par d’autres. La sémiotique sociale rejette un modèle simple (ou même tout modèle) émetteur-message-récepteur pour expliquer la communication et par conséquent rejette ce modèle pour rendre compte de l’apprentissage. Son hypothèse est que l’apprentissage repose sur un engagement transformateur par définition, quels que soient la forme et l’auteur de cet engagement. Cette approche fait écho à d’autres théories sociales contemporaines de l’apprentissage, telles que la théorie de la participation périphérique légitime de Lave et Wenger (1991). Elle partage leur point de vue selon lequel « en vertu des explications traditionnelles, l’apprentissage est considéré comme un processus par lequel un apprenant intériorise des connaissances, soit qu’il les “découvre”, soit qu’elles soient “transmises” par d’autres ou “expérimentées en interaction” avec d’autres personnes […]. L’apprentissage en tant qu’internalisation est trop facilement interprété comme un processus ne posant pas de problème d’absorption du donné, en termes de transmission et d’assimilation » (ibid., p. 47). Au lieu de mesurer la « transmission » du savoir, il s’agit ici du travail sémiotique effectué par les apprenants et des principes de transformation qu’ils appliquent lorsqu’ils interagissent avec le monde qui les entoure.
44Une grande partie de cette position résonne avec ce que Wulf décrit comme une mimésis. Avec ses collègues, il écrit :
L’apprentissage mimétique, l’apprentissage par imitation créative, constitue l’une des formes d’apprentissage les plus importantes. Cependant, l’apprentissage mimétique ne se limite pas à une simple imitation ou à une copie : c’est plutôt un processus par lequel le fait de nouer des relations avec d’autres personnes et d’autres mondes de façon mimétique conduit à une amélioration de sa propre vision du monde, de son action et de son comportement. L’apprentissage mimétique est productif, il est lié au corps et établit une connexion entre l’individu et le monde ainsi qu’avec d’autres personnes. Il crée des connaissances pratiques, qui le rendent constitutif de l’action sociale, artistique et pratique. (Wulf 2008, p. 56)
45Wulf et ses collègues illustrent « l’apprentissage mimétique » avec un exemple de spectacle joué par des écoliers, qui consiste à chanter et à danser sur scène devant les parents et les enseignants. Wulf et al. (2010) voient dans leur spectacle une « imitation créative » d’un clip vidéo d’un musicien allemand qui avait vendu beaucoup de disques à cette époque. Les enfants apprennent des choses grâce à cette reconstitution mimétique des mouvements du corps « originaux » dans le clip vidéo. Cela renverse l’ordre habituel des rapports de pouvoir encore largement tenus pour acquis (dans la communication autant que dans l’apprentissage en tant que communication). C’est le « public » qui garantit que la communication a bien eu lieu, non l’« orateur » ; en effet, c’est l’apprenant qui garantit qu’il y a eu un apprentissage, non le professeur.
46L’apprentissage a lieu sous n’importe quelle forme d’engagement. Dans chaque cas, c’est l’apprenant qui décide de l’apprentissage. L’environnement (souvent institutionnel) et le pouvoir qu’il exerce ou qui est exercé en son sein tendent à dissimuler, ou ont eu tendance à le faire jusqu’à présent, ce fait fondamental concernant la communication et l’apprentissage avec plus ou moins de succès et d’efficacité (Hodge et Kress 1988 ; Kress 2010). Les méthodes d’évaluation encouragent ceux qui sont « responsables » de l’apprentissage des autres à mesurer les résultats de l’engagement de l’apprenant par rapport à un critère prédéfini par ceux qui détiennent le pouvoir.
47Soyons clairs toutefois, il ne s’agit pas de rejeter le besoin ni le souhait, dans de nombreux cas, d’orienter un groupe d’apprenants vers un corpus de connaissances (un « programme »). Ce n’est pas une invitation à un accès pour tous constructiviste. C’est une invitation, une exhortation, à prendre au sérieux tout apprentissage et tous les moyens de le montrer avec le même sérieux. Ainsi, au lieu de conclure « il n’a rien appris », une approche multimodale de la sémiotique sociale insiste sur la manière dont l’apprenant a transformé ou « transduit » les signes qui lui sont adressés et elle insiste également pour explorer les signes que les apprenants ont fabriqués sans que l’on se soit adressé à eux en tant qu’apprenants. C’est là l’un des objectifs principaux du cadre proposé ici : fournir des moyens de rendre visible pour reconnaître ce qui est généralement invisible ou le demeure et qui existe fréquemment au-delà de la reconnaissance « officielle ».
48La question du « programme », de ce qui doit être connu, est une question tout à fait différente qui a à voir dans le cas de lieux institutionnels, avec les buts, les objectifs et les besoins de la communauté qui soutient l’institution. Les mêmes principes s’appliquent dans le cas de lieux non institutionnels, pouvant présenter un intérêt individuel.
La communication
49Dans l’approche proposée ici, l’hypothèse allant de soi est que la communication a eu lieu lorsqu’il y a eu interprétation. Faire du sujet interprétant un élément central du succès de la communication transforme de nombreuses conceptions (classiques) de la communication, sans parler des conceptions de l’enseignement-apprentissage. Après tout, dans les environnements et les occasions d’apprentissage et d’enseignement, le sujet interprétant est l’apprenant. Cela, avec la notion de signe motivé, constitue le fondement de la pédagogie de la reconnaissance.
50Selon l’agentivité concernée, le pouvoir et la responsabilité, bien que de nature différente chez les deux participants à la communication – et donc à l’apprentissage – peuvent être la base d’une approche éthique sociale et individuelle. Une compréhension de l’agentivité, du pouvoir et de la responsabilité certes différents mais partagés fait partie intégrante d’une pédagogie de la reconnaissance fondée sur l’éthique.
51Résumons à ce stade. Le sens émerge de l’interaction entre le social et la sémiotique : c’est-à-dire qu’il est le résultat d’un travail sémiotique réalisé par des acteurs sociaux, agissant avec des ressources culturelles créées socialement pour produire des signes. Les signes sont le produit d’un travail sémiotique et le signe est l’unité au sein de laquelle le sens se manifeste et se matérialise. La communication est considérée comme une situation d’interaction par excellence. En sémiotique sociale, le processus d’apprentissage est un exemple de communication en tant qu’interaction, de travail sémiotique. Les opportunités d’apprentissage et d’enseignement sont des exemples de communication : pour avoir une théorie plausible de l’apprentissage, il est essentiel de disposer d’une théorie de la communication appropriée. L’apprentissage est à la fois un processus de production de signes et le résultat de l’interaction et/ou d’un engagement dans le monde socialement configuré. Pour la sémiotique sociale, une théorie pertinente de la communication centre son attention sur le pouvoir de ceux qui créent et recréent le sens ; elle accorde une reconnaissance idoine à leur travail sémiotique. C’est le cas, quels que soient les rôles sociaux ou les positions des personnes engagées dans ce processus, qu’ils soient apprenants, enseignants ou étudiants, quel que soit leur statut, qu’ils soient professionnels, amateurs ou novices.
52La fabrication réciproque de signes est à la base de la conception de la communication présentée ici. Un signe ou un ensemble de signes est produit par un sujet pour un destinataire spécifique ou imaginaire. Ce signe en tant que message est considéré par ce destinataire comme une « incitation à ». L’intérêt du destinataire façonne son attention et le conduit à sélectionner certains des éléments. Ce faisant, il modifie les éléments sélectionnés dans le message et produit un nouveau signe Cette modification peut être une transformation – une modification au sein d’un mode – ou une transduction – un changement de mode. On peut librement appeler ce processus « interprétation » ; cela implique une hypothèse sous-jacente selon laquelle le sujet interprétant devrait être en mesure de préciser la forme de cette interprétation. Comme « l’incitation à » est davantage susceptible de prendre la forme d’un complexe multimodal, il est probable que les éléments sélectionnés à partir de cette incitation soient des signes dans des modes différents, de sorte que certains éléments peuvent être transformés et d’autres transduits dans le processus d’interprétation.
53Dans une situation de communication, le sujet interprétant peut être une personne qui a été désignée comme destinataire par le producteur du signe ou une autre personne qui considère que le signe lui est adressé. Généralement, cette personne est un participant plus ou moins étroitement associé à un événement impliquant un groupe, professionnel ou autre.
Modes et multimodalité
54Dans une approche multimodale, l’apprenant s’engage dans l’environnement d’apprentissage, l’apprentissage étant potentiellement fondé sur plusieurs des modes présents et sur des modes autres que ceux considérés comme pertinents par ceux qui ont conçu l’environnement d’apprentissage.
55Dans la théorie de la sémiotique sociale, il est supposé que la sémiose, la construction du sens, est continue. Dans cette sémiose s’exerçant en continu, la transformation et la transduction sont toutes les deux susceptibles de se produire par l’engagement de l’apprenant dans l’environnement d’apprentissage ; en réalité, les deux constituent généralement une forte attente de la part de ceux qui sont « enseignants » dans de tels processus. Un enseignant peut de manière tout à fait normale demander aux élèves de reconstruire, sous forme de rapport écrit, le sens produit dans le cadre d’une expérience en laboratoire scientifique ; ou de produire une image (disons une carte conceptuelle) à partir d’une démonstration réalisée par le professeur de sciences. Les changements au sein des modes (transformations) et entre les modes (transductions) ont des effets considérables sur le plan épistémologique et ontologique. Ils doivent être parfaitement compris par la personne qui conçoit les environnements d’apprentissage ou qui évalue les réponses apportées à ces environnements.
56Les modes sont caractérisés par des affordances, qui offrent des possibilités de représentation différentes pour chaque mode. Mais les affordances imposent aussi des contraintes, des limites. Cela a deux implications importantes pour l’apprentissage. Premièrement, les modes disponibles pour le producteur de signes façonnent l’apprentissage, c’est-à-dire que les modes utilisés dans un environnement d’apprentissage façonnent et limitent ce qui peut être appris. Deuxièmement, les modes imposent des contraintes et offrent des potentialités pour décrire l’apprentissage. C’est-à-dire que lors d’une évaluation, un élève ne peut faire la démonstration de son apprentissage qu’à travers le ou les modes à sa disposition. Par exemple, ce que l’étudiant en médecine a appris en touchant le patient est différent de ce qu’il aurait pu apprendre en dessinant une coupe transversale d’une masse de graisse située sous la peau. Inversement, si on lui demandait de dessiner ce qu’il a appris, cet élève trouverait difficile, voire impossible, de transmettre ce qu’il a appris par le toucher.
57Chaque mode offre un point de vue spécifique sur l’engagement avec le monde ; chaque mode attire l’attention différemment sur les caractéristiques de ce qui doit être représenté, signifié, sur ce qui doit être communiqué. Aucun mode ne peut attirer l’attention sur tous les aspects d’une entité ou d’un processus. Différents modes attirent l’attention sur différents aspects. Apprendre à toucher en lisant sur le toucher ne sera probablement pas satisfaisant pour le professionnel de la santé. C’est-à-dire que les modes façonnent et structurent l’engagement et les potentialités d’apprentissage. Un complexe multimodal est donc essentiel pour attirer l’attention sur les aspects essentiels dans un environnement donné. Parler à quelqu’un, écrire, dessiner une carte, exécuter une action sont autant de potentialités pour apprendre, montrer et faire l’expérience du monde, de manière nouvelle et différente.
58Cela place la conception au centre de la configuration et de la production des environnements d’apprentissage. Quels que soient les objectifs, professionnels ou quotidiens, il est essentiel, lors de la conception d’un complexe multimodal, de réunir les modes qui offrent les perspectives adéquates pour ce qui doit être reconnu. La conception va bien au-delà de la notion ancienne de compétence de communication. Par exemple, on supposait que la maîtrise totale des aspects grammaticaux, syntaxiques, textuels, lexicaux de l’écrit garantissait le succès des objectifs de ce type communication. Le monde multimodal de la représentation requiert de faire des choix pertinents à partir des ressources modales disponibles. Cela inclut une pertinence des choix en termes de public ; en lien avec ce qui doit être représenté et communiqué, et une pertinence des moyens de diffusion. La conception prend comme donnée la « compétence » considérée. Plus encore, la conception suppose la capacité d’intégrer ces ressources dans un complexe organisé de manière appropriée pour le public auquel il est destiné et pour les besoins de l’orateur et du concepteur.
59La compétence supposait une compréhension totale des affordances d’un mode et de ses relations avec certaines tâches sociales bien comprises et devant être accomplies au moyen de l’utilisation de ce mode. Cela faisait partie d’un monde dans lequel on adapte l’individu à des fins sociales stables (relativement bien connues). La conception suppose une compréhension totale des affordances de tous les modes et la capacité de les utiliser en relation avec des tâches qui émergent constamment. La conception exige une capacité à réagir aux situations en constante évolution et à ce qu’elles imposent. Alors que la compétence a favorisé les dispositions permettant de pratiquer dans des conditions sociales stables et donc prévisibles, la conception exige également cela, mais en plus, favorise les dispositions permettant de faire face à des conditions sociales instables et provisoires.
60Cette différence entre compétence et conception a de grandes conséquences sur les attentes en matière d’apprentissage, en particulier dans les environnements institutionnels. Elle permet également de mesurer si la scolarité est satisfaisante.
61Chaque mode offre des potentialités partielles d’apprentissage. Pour donner un exemple, discuté ailleurs de manière plus détaillée (Kress 2010), considérons l’apprentissage des cellules. Une des données concernant les cellules végétales (ou animales) est qu’elles ont un noyau. Lorsque cette donnée est représentée par un signe à travers l’écrit ou le dessin, l’apprenant est censé considérer la relation entre la cellule et le noyau de manière différente dans chacun des modes. Par exemple, dessiner suscite la question de savoir où est situé le noyau dans la cellule. Est-il au centre de la cellule ou ailleurs comme le suggère le croquis de l’étudiant ci-dessous ?
Illustration 3. Croquis de cellule

62L’écrit, ou l’oral, pose des questions différentes de celles posées par l’image sur la relation entre la cellule et le noyau. Par exemple, les affordances épistémologiques de l’écrit (et aussi de l’oral) suggèrent la question de savoir quelles sont les relations entre la cellule et son noyau. Est-ce une relation de possession (une cellule a un noyau) ou une relation spatiale (le noyau est dans la cellule) ? Les affordances épistémologiques (et ontologiques) de l’image diffèrent de celles de l’oral et de l’écrit. Elles pourraient susciter une question du type « Où se trouve le noyau dans la cellule ? », « Quelle est la taille du noyau par rapport à celle de la cellule ? » Chaque mode comporte des engagements épistémologiques et ontologiques spécifiques : je ne peux pas dessiner une cellule sans placer le noyau quelque part dans la cellule. En tant qu’enseignant, je ne ferai peut-être pas trop attention à cette demande inévitable, mais un élève du cours de sciences pourra considérer l’endroit où j’aurai placé le noyau comme un élément caractéristique. Les potentialités distinctes d’apprentissage des différents modes sont reconnues dans différentes communautés. L’esquisse du charpentier, le modèle 3D de l’architecte, la reconstitution dessinée par l’enquêteur de police, les schémas et les transcriptions du chercheur, fixent tous une prise spécifique sur le sujet traité. Ce faisant, chacun sert l’objectif de l’apprentissage et produit des formes spécifiques de ce qui doit être connu. Chacun exploite le potentiel distinct des modes pour fournir des informations différentes sur le monde.
63L’exemple de la cellule montre que lorsque les apprenants produisent des signes, ils peuvent être amenés à « déplacer » les significations apportées dans un mode ou dans un ensemble de modes à un autre mode ou à un autre ensemble de modes. Chaque déplacement implique de reconstituer le sens en termes d’affordance des modes utilisés : dans un seul signe ou dans un nouvel ensemble de signes toujours élaboré en fonction de l’intérêt et de l’agentivité du concepteur. Compte tenu des différentes affordances selon les modes, y compris leurs différents engagements épistémologiques ou ontologiques, il n’y a aucune possibilité de traduction parfaite entre les modes. Les traductions, les déplacements entre les modes, ne peuvent jamais produire que des prises différentes sur le monde.
64Les formes et les possibilités de relations entre entités, de composition et d’arrangement (syntaxe) diffèrent d’un mode à l’autre. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de déplacement entre modes instanciés temporellement (parole, action) ou spatialement (image fixe, modèle 3D). Le changement produit un sens et un changement de sens. Pour la transformation, les entités et les relations du mode restent les mêmes ; pour la transduction, les entités et les relations changent du mode originaire au nouveau mode. Dans le premier cas, il peut s’agir du changement, par exemple, d’un genre à un autre, d’un rapport à un récit. Le lexique du mode de l’écrit, la syntaxe et la grammaire/morphologie resteront constants ; ce qui change, c’est le genre. C’est un changement épistémologique. En revanche, un changement de mode ontologique, par exemple le changement d’un mode instancié temporellement, comme la parole, à un mode instancié spatialement, comme l’image, entraîne un changement dans toutes les catégories. Il n’y a pas de lexique dans l’image, les relations entre entités diffèrent entièrement de celles du discours, etc. Cela nous amène à faire une distinction entre les réarrangements et la reconstitution. Dans les réarrangements, le terme transformation est approprié : les relations et les entités restent les mêmes, bien que leur arrangement diffère. Dans la reconstitution, le terme de transduction est approprié : les types de relations et les caractéristiques des entités diffèrent. En conséquence, les arrangements sont ceux du nouveau mode. Un exemple est le déplacement entre les questions de l’enseignant « Quelqu’un peut-il me dire quelque chose au sujet d’une cellule ? » et « Peux-tu venir au tableau dessiner ce que tu viens de dire ? ». Les changements entre modes (transductions) impliquent des changements d’entités et de relations. Le sens est recréé en termes de catégories et de relations du nouveau mode. Ce n’est pas une question de réarrangement.
65Tout changement, qu’il soit intra- ou intermodal, produit des changements de sens et constitue donc un apprentissage. Du point de vue de l’apprentissage formel, avec des objectifs clairs en termes de programme, ces différences modales recèlent un potentiel considérable à la fois pour explorer précisément ces distinctions et pour concevoir des complexes multimodaux en tant qu’environnements d’apprentissage, afin de permettre aux apprenants d’avoir le meilleur accès possible aux connaissances pertinentes.
Signes et signes d’apprentissage
66Les signes et complexes de signes produits en réponse à une incitation (soit dans l’interaction soit par l’engagement dans un environnement d’apprentissage) peuvent, de manière plausible, être appelés des signes d’apprentissage. Ce sont des traces d’interprétation dans l’engagement et l’interaction antérieurs. En tant que tels, ils constituent peut-être des preuves du signe qui a été produit intérieurement.
67Quel que soit le contexte, institutionnel ou autre, lorsqu’un enseignant prend en compte des signes d’apprentissage, il doit prendre en considération quels ont été les moyens de production de signes mis à la disposition de l’apprenant pour démontrer ou pour documenter son apprentissage. Il ou elle doit se demander comment les modes disponibles pour documenter l’apprentissage peuvent limiter ou faciliter la re-création du signe ou du complexe de signes par l’apprenant dans le nouveau mode. Cela a de grandes implications sur l’évaluation, qu’elle soit du fait d’enseignants ou de chercheurs. Si l’on veut collecter et interpréter des « preuves » d’apprentissage, les modes fournis à l’apprenant pour produire ces preuves doivent être examinés avec soin (je ne vais pas explorer les conséquences d’une mauvaise reconnaissance ou d’un défaut de reconnaissance dans cet article). Toute limitation des modes disponibles pour l’apprenant entraîne une limitation de son potentiel pour démontrer ce qu’il a appris. Par exemple, demander à des étudiants en sciences d’expliquer par écrit ce qu’ils savent des cellules aboutira à des comptes rendus différents, et donc sans doute à des évaluations de l’apprentissage différentes, que de leur demander de le faire en image ou avec un modèle 3D (voir Kress et al. 2001). Demander à quelqu’un d’écrire ce qu’il sait limite considérablement la façon de « prouver » son apprentissage implicite et incorporé.
68C’est un défi auquel sont également confrontés ceux qui conçoivent des enseignements et élaborent des formations. En environnement clinique, la simulation (souvent en 4D) joue un rôle très important. Ici aussi, le type de simulation utilisé aura des effets décisifs. Aussi, autoriser les apprenants à faire la démonstration de ce qu’ils ont appris à travers différents modes, permet d’élargir considérablement la gamme de ce qui est, et de ce qui peut être reconnu.
69Dans l’exemple médical/clinique évoqué ci-dessus, les deux praticiens ont appris chacun de l’autre producteur de signes au cours de leur action conjointe : l’étudiant en médecine a interprété comment la chirurgienne touche et la chirurgienne a interprété comment l’étudiant touche. Les effets de leurs interprétations de leur production réciproque de signes ont modifié leurs ressources « internes ». Les effets de ce changement de ressources sont susceptibles de transformer toutes les actions futures. Par exemple, ultérieurement, certaines caractéristiques de leurs actions peuvent être mises en évidence : la mise au premier plan, avec un ralenti par exemple ou l’attention portée à la direction précise d’un mouvement.
70Les affordances des modes offrent des potentiels, des formes et des structures. Chaque mode le fait différemment. Cela a deux implications importantes. Premièrement, les modes imposent des contraintes en matière de démonstration de l’apprentissage et ils offrent des possibilités dans ce domaine. Deuxièmement, les modes disponibles pour le producteur de signes façonnent l’apprentissage. Ce que l’étudiant en médecine a appris en touchant le patient est différent de ce qu’il a appris en dessinant une coupe transversale d’une boule de graisse située sous une peau. Différents modes offrent différents points de vue d’engagement avec le monde. Chaque mode attire l’attention différemment sur les caractéristiques du signifié, sur ce qui doit être représenté. Ce faisant, les modes façonnent et structurent l’engagement et les possibilités d’apprentissage. Parler à quelqu’un, écrire, dessiner une carte ou jouer un rôle, offrent des possibilités distinctes pour apprendre, montrer et expérimenter le monde de manière nouvelle et différente.
Apprentissage et technologies numériques : le nouveau social
71Jusqu’à présent, nous avons évoqué les processus d’apprentissage dans la théorie de sémiotique sociale multimodale et j’ai laissé de côté la discussion sur les aspects (technologiques) des environnements d’apprentissage. Les deux problèmes sont distincts même s’ils sont proches et ont des conséquences l’un sur l’autre. Ici, je mentionnerai simplement plusieurs facteurs qui me paraissent nécessiter un examen attentif.
72Il est nécessaire de se rappeler que l’évolution humaine ou même tout simplement le changement ne se fait pas au même rythme que le changement technologique, par exemple avec l’introduction d’un nouvel appareil. En d’autres termes, les principes qui façonnent l’apprentissage changeront infiniment plus lentement que la technologie ou la société. Néanmoins, de nombreuses caractéristiques du paysage actuel de la communication ont déjà une incidence sur le « comment » de la fabrique du sens. Je vais en mentionner quelques-unes sans plus de précisions.
73Nous savons que le paysage sémiotique a changé et continue à évoluer. La proéminence de l’écran dans le paysage social a eu une influence considérable. Il a influencé, et continue à le faire, la portée relative, la place et l’importance des modes dans ce paysage. L’écrit, par exemple, est moins présent dans la communication que par le passé ; et sa charge sémiotique/informationnelle se déplace vers d’autres modes, notamment de façon plus accrue vers l’image. Le rythme de la communication contemporaine s’est beaucoup accéléré, particulièrement pour ce qui concerne les médias sociaux. Cela a des effets sur tous les autres aspects de la communication : le temps disponible pour contrôler ou vérifier ce qui est communiqué diminue considérablement. Dans les pays anglophones, ou peut-être seulement au Royaume-Uni, l’abréviation THB (to be honest : « pour être honnête ») est devenue une expression passe-partout normalisée et elle est maintenant fréquemment utilisée alors qu’auparavant, on aurait utilisé des caractéristiques syntaxiques, grammaticales ou lexicales pour exprimer le caractère factuel (par exemple « tu sais », « en fait », « tu vois ce que je veux dire »). La taille des unités de communication, des messages et des éléments composant les messages (des phrases, des paragraphes, par exemple) a énormément diminué. C’est une tendance qui a commencé avec les courriels et les textos, et les médias sociaux l’ont intensifiée. L’effet de l’âge en tant que génération doit maintenant être pris en compte bien plus qu’il ne l’était jusqu’à il y a une vingtaine d’années.
74L’intensification de la vitesse de communication et la portée énormément élargie des médias sociaux signifient que les groupes sociaux qui étaient auparavant reconnus comme distincts fonctionnent maintenant différemment ou ne fonctionnent plus du tout. Twitter est l’exemple le plus en vue actuellement. Il pose une vraie question : où le sens peut-il ou pourrait-il trouver un ancrage ? De nombreuses plateformes n’offrent pas d’espace aux éléments textuels/écrits pour déployer la gamme des marqueurs de la modalité comme « pouvait », « avait l’intention », « pourrait », « il est probable », « il est possible », etc., y compris ceux qui s’expriment sous une forme grammaticale et syntaxique, afin d’indiquer des nuances et des gradations par rapport aux faits, à la vérité, etc.
75La réduction massive de la quantité d’écriture dans les textes multimodaux dans la plupart des médias sur écran pose la question urgente de savoir comment des arguments complexes peuvent être ou seront développés ou lus à l’avenir. Comment l’apprentissage sera-t-il influencé par l’accoutumance des nouvelles générations à l’utilisation fortement décroissante de l’écriture dans les textes multimodaux ? Comment développer certaines formes de connaissance face au rôle décroissant de l’écriture ? Est-ce que nous, en tant qu’universitaires, en savons assez pour comprendre, sans même parler de l’accomplir, le passage aux complexes multimodaux, maintenant compressés, réduits ou nouvellement composés, pour nous adapter aux différentes tailles d’écran (tablette, téléphone intelligent et de moins en moins les ordinateurs portables) avec des changements énormes de sens, et des modifications tout aussi importantes en termes épistémologiques et ontologiques ?
76Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, on peut raisonnablement parler d’un changement tectonique dans le paysage sémiotique. Étant donnée la connectivité totale entre le social, la sémiotique et les formes de savoir, cela semble être la question la plus urgente à l’heure actuelle.
Bibliographie
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1 Le texte original anglais de cet article est disponible sous le titre « Learning as Semiotic Work : towards a Pedagogy of Recognition » sur la plateforme OpenEdition books : [http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/enseditions/].
2 ce terme étant utilisé comme une généralisation / abstraction
3 L’exemple provient des travaux de mon collègue Jeff Bezemer (voir par exemple, Bezemer et Kress 2016).
Auteur
University College London, Institute of Education
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