Observer la multimodalité en situation éducative : comment ? pour qui ? pourquoi ?
p. 9-19
Texte intégral
Le sculpteur a voulu être écrivain. […] Son identification physique avec le crucifié lui avait imposé la connaissance de l’alphabet hébraïque. Il avait gravé une écriture sur la statue, mais loin des yeux. Non pas pour le spectateur qui observe, mais pour celui qui s’approche, qui traverse la frontière de la distance et arrive à toucher avec la main. Les signes sont là pour qui est disposé à se laisser contaminer. (Erri De Luca 2017, p. 156)
1Cette citation d’Erri De Luca mise en exergue, tirée de l’un de ses récents ouvrages, met en scène un sculpteur qui rénove une reproduction sculptée du Christ crucifié, tombée en déshérence dans l’église d’une petite ville de bord de mer en Italie. Il va, grâce à de multiples sources ou ressources – ses sens (le toucher de ses mains, les postures de son corps tout entier), ses outils (la bonne orientation de son ciseau), la pierre travaillée (les nuances de couleur et de matière à respecter), d’autres sculptures (observées dans des musées ou dans des ouvrages), la parole (des discussions avec un rabbin et un évêque), la lecture d’inscriptions en hébreu devenues quasi invisibles –, extraire une forme et s’approcher du dessein du premier sculpteur, parvenir à faire exister de nouveau cette sculpture et lui redonner un sens pour la communauté de cette ville. Cette citation, tirée d’une œuvre artistique, éclaire en quelques mots la manière dont la communication humaine est aujourd’hui envisagée. En effet, elle nous dit que le sens et la signification humaine ne sont pas tout entiers contenus dans l’activité langagière mais émergent d’une multitude de sources et de ressources, d’une combinaison d’ingrédients présents dans notre environnement, dans les situations que nous vivons, que nous ne voyons pas parfois ou que nous ne reconnaissons pas, par habitude culturelle notamment (« Les signes sont là pour qui est disposé à se laisser contaminer »). Cette citation nous dit également que les significations que nous produisons, toutes convergentes en un résultat tel qu’une sculpture, disent comment chaque sujet est engagé au monde. En tant que formatrices et chercheuses engagées, cela ne peut que nous interpeller lorsque nous rapportons ces conceptions au domaine éducatif, dont le but est de façonner ou de construire cet engagement au monde des sujets, et où l’activité de communication est si fondamentale dans la transmission et l’acquisition de savoirs de toutes sortes. L’omniprésence de l’image et les opportunités d’enrichissement mais aussi de complexification dans la création de signes et de signification – et donc de communication – nous appellent en effet à repenser constamment les modes de transmission de connaissances à travers nos activités de recherche et de formation. L’observation – au sens large – de l’activité éducative tente aujourd’hui de faire une place à ces sources/ressources et à des moyens restés longtemps invisibles – ou invisibilisés ? – et susceptibles de fabriquer le sens, de favoriser l’enseignement, l’apprentissage, la formation au même titre que les ressources historiquement valorisées : l’écrit et – dans une moindre mesure – l’oral.
Mises au point définitoires
2Erri De Luca parle de signes. Il nous donne ainsi l’occasion de définir et de situer l’objet de notre ouvrage. Il s’agit de porter notre attention sur « les modalités [de communication et d’action] productrices de sens dans les interactions sociales » (de Saint-Georges 2008, p. 120). Parmi ces modalités, on peut trouver le corps (gestualité, regards, postures, mimiques faciales, etc.), l’espace, les objets, les images, et le langage verbal et paraverbal, ainsi que toutes les formes de communication propres aux technologies numériques (clavardage, émoticônes, ponctuation, etc.). On parle alors de multimodalité, parce que le sens se construit le plus souvent selon plusieurs modalités, qu’il ne faut pas confondre avec la multicanalité référant à la matérialité de la communication et à ses modes d’organisation, aux différents canaux sensoriels (canal auditif, gestuel, visuel pour la parole), indépendamment des enjeux de signification. L’objet de la multimodalité est d’étudier comment les sujets, à travers leurs échanges, entre eux et avec leur environnement, orchestrent un système de signes de différentes natures auxquels ils accordent, par convention et en fonction du contexte de leur production/réception, une signification particulière. On dira aussi de ce fait que la communication est plurisémiotique.
3Nicolas Guichon et Marion Tellier (2017) ou Alain Rabatel (éd. 2010) expliquent que, dans le contexte francophone, l’usage du terme multimodalité est davantage associé à l’étude du langage oral et aux différentes modalités signifiantes qui lui sont attachées : la prosodie, les regards, les postures mimo-gestuelles (par exemple, Colletta 2004), alors que l’usage du terme plurisémioticité prend davantage en compte les supports écrits, iconiques, audio et vidéo, numériques, comme constitutifs de l’interaction et correspond à une approche plus sémiotique et moins verbo-centrée. Dans le contexte anglophone, seul le terme de multimodality est retenu. Il semble donc que le terme français de multimodalité s’est aujourd’hui quelque peu resémiotisé sous l’influence des travaux anglophones, comme ceux de Gunther Kress, de Theo van Leeuwen, ou de Carey Jewitt.
Enjeux et objectifs de l’ouvrage
4Premièrement, il y a lieu de continuer à rendre compte d’études qui se focalisent sur la mise en forme signifiante et la structuration des savoirs à travers l’organisation et la circulation d’un système de signes, dans une visée d’exposition, de médiation, de transmission ou de transformation de ceux-ci. Cette structuration peut concerner les supports que l’enseignant sélectionne, les outils qu’il met ou non au service des élèves, les modes de représentation du savoir élaborés durant les séances de cours et leur évolution ou transformation (passage d’un écrit à un schéma puis à une création matérielle), les modes de communication des attentes des éducateurs ou formateurs et des élèves, étudiants ou stagiaires. À titre d’exemple, on peut citer l’étude de Laurent Filliettaz, Ingrid de Saint-Georges et Barbara Duc (2008), qui met en évidence le rôle des propriétés matérielles, discursives, temporelles, corporelles et visuelles des situations de formation professionnelle initiale de mécanique. Elle montre que le discours verbal n’est pas toujours central dans les modes de transmission et de formation, mais également que si certaines ressources mobilisées peuvent constituer des « affordances » pour l’apprentissage, elles peuvent aussi représenter des difficultés pour les élèves, notamment dans la réalisation des tâches.
5En tout état de cause, la compréhension de l’articulation entre différentes ressources propres aux situations et leur rôle dans la construction du sens des actions éducatives est primordiale (Kress et al. 2001, Rabatel éd. 2010, Blanc et Griggs 2010, Blanc 2014). Nous pouvons pour cela nous appuyer sur une littérature préexistante dans d’autres champs de la vie sociale, puisque les composantes multimodales de la communication sont étudiées depuis les années 1960 dans différents champs scientifiques et fournissent aujourd’hui des cadres pertinents pour l’analyse de la production des significations sociales, de l’organisation de l’interaction et du partage de la cognition. Les travaux de David McNeill (1992) sur la typologie des gestes, de Lorenza Mondada (2004) ou Jürgen Streeck, Charles Goodwin et Curtis LeBaron (2011) sur la participation de la multimodalité dans la construction de l’interaction, ou de Jean-Marc Colletta (2004) sur le rôle de la posturo-mimo-gestualité dans le développement du langage chez l’enfant en sont quelques exemples. Ils ont par ailleurs souvent inspiré certaines recherches sur la multimodalité en situations éducatives. En effet, les recherches en didactique des disciplines et en sciences de l’éducation, jusqu’alors centrées sur l’activité verbale de la classe, se tournent aujourd’hui davantage vers la dimension multimodale des activités d’enseignement et d’apprentissage : par exemple, les gestes pédagogiques, le corps et la voix de l’enseignant (Tellier 2008, Tellier et Cadet éd. 2014, Duvillard 2014), la proxémie dans les interactions didactiques (Forest 2006), l’utilisation du tableau à l’école (Nonnon 1991, 2000 ; Lepoire-Duc 2011), le rôle du regard dans l’exposition du savoir et la mise au travail en classe (Dominguez et Rivière 2015), ou encore les ressources multimodales et leurs effets dans les interactions pédagogiques en ligne (Guichon et Cohen 2016). Cependant, étendre les modalités d’apprentissage ou d’enseignement à des modalités autres que le langage verbal implique de cerner leurs effets, de questionner à nouveaux frais la nature et le statut des savoirs, de transposer ou d’engager des savoir-faire nouveaux pour l’enseignant. Et cela implique également, comme le souligne Kress dans cet ouvrage, de revoir la place de l’apprenant dans le « travail sémiotique » et de reconnaître (toutes) ses formes d’apprentissage.
6De ce fait, le premier des objectifs de l’ouvrage est de poursuivre la production de connaissances sur l’activité multimodale, sur différents terrains éducatifs empiriques (enseignements scolaire et secondaire, formations initiale et continuée) ; et par là, de s’inscrire dans les recherches sur la multimodalité précédemment citées en en soulignant certaines spécificités.
7Erri De Luca mentionne également que la mise en forme de signes est une activité du regard, une observation, une distance et une circulation. Et ce sera là notre second objectif. L’activité multimodale réinterroge les conditions d’observation et d’interprétation du matériau empirique fondé sur une pluralité de ressources sémiotiques (des vidéos, des documents multimédia, etc.), non seulement pour le chercheur, mais aussi pour les personnes que l’on forme, étudiants ou professionnels, à ces enjeux de l’action éducative. Comment et selon quelles méthodes articuler l’observation de la multimodalité à visée scientifique avec l’observation de la multimodalité à visée formative ? Ce dialogue ou cette circulation entre l’une et l’autre, selon notre hypothèse, peut s’exercer à travers une activité privilégiée de la recherche et de la formation : l’observation des pratiques effectives en situation réelle de travail.
8L’expérience de recherche ou de formation nous dit que les données ou résultats de la recherche ne sont pas directement transmissibles en formation et que des adaptations ou des transpositions sont nécessaires (Blanc 2018). Nous souhaitons par conséquent articuler un enjeu de description des pratiques multimodales à leurs usages pour la formation et à l’acquisition de compétences professionnelles. Cela engendre de nombreuses questions méthodologiques : Comment solliciter l’expérience sémiotique des professionnels en formation ? Que faire observer ? Avec quels outils ? Que dit l’activité multimodale des pratiques effectives et des objets de formation à déterminer ? Quels exemples avons-nous de dispositifs ou de contenus de formation déterminés à partir de travaux de recherche ? À quelles conditions épistémologiques et méthodologiques l’observation peut-elle se faire ?
9Réfléchir à l’enjeu de l’observation et à l’enjeu de transmission implique donc de se doter d’un arrière-plan théorique solide et de trouver d’autres voies méthodologiques. Les études que nous avons réunies dans l’ouvrage contribuent aussi à forger cet arrière-plan. En particulier, nous avons souhaité que les contributions s’articulent peu ou prou sur une base théorique commune, la sémiotique sociale de Kress. Nous avons également souhaité croiser les champs de recherches et les situations éducatives observées. En effet, sans adopter une perspective ouvertement comparative, mettre en évidence des situations éducatives où les enjeux de la multimodalité diffèrent nous semble pertinent pour donner la possibilité au lecteur (chercheur ou formateur) de relire sa propre situation éducative par le prisme d’autres situations. Transmettre des compétences de service en restauration n’implique pas le même dispositif multimodal que transmettre des savoirs en sciences physiques au lycée. Si l’objet à transmettre diffère, le regard et la méthodologie pour appréhender les ressources multimodales et leur orchestration diffèrent également. De ce fait, l’ouvrage met en dialogue des approches différentes de l’activité multimodale d’enseignement, d’apprentissage ou de formation, en particulier sur le plan de la méthodologie de recherche et des focales d’observation de la multimodalité (verbalisations, données quantitatives, questionnaires, interactions vidéoscopées, etc.). Enfin, si le cadre de la théorie de la sémiotique sociale en éducation de Kress repose sur le processus d’apprentissage, il faut reconnaître que les auteurs s’en sont surtout saisis pour éclairer les processus d’enseignement ou de formation.
Présentation de l’ouvrage
10Les chercheuses et chercheurs réunis dans cet ouvrage montrent, par leur contribution, un double intérêt pour la multimodalité et pour l’éducation ou la formation tout en étant de cultures scientifiques diverses (linguistique, éducation, psychologie, sémiotique…). Chacun ou chacune envisage son étude dans un rapport de proximité différent avec la notion de multimodalité, ce qui fait, de notre point de vue, la richesse de l’ensemble présenté ici. Composé en cinq mouvements, ce recueil de contributions touche des publics divers et développe des considérations qui vont du développement du langage du jeune enfant aux compétences professionnelles de l’adulte en formation.
11Comme nous le disions ci-dessus, le premier mouvement de l’ouvrage consiste à offrir une ossature théorique qui permet d’observer la multimodalité en situations éducatives et sur laquelle les auteurs s’appuient plus ou moins : la théorie de la sémiotique sociale de Gunther Kress. Professeur de sémiotique en éducation à University College of London, il a développé des travaux centrés sur les idéologies et le langage (Hodge et Kress 1993), puis s’est consacré à la sémiotique visuelle (Kress et van Leeuwen 1996). Il travaille également sur la multimodalité en contexte éducatif depuis la fin des années 1990, en particulier dans les classes de sciences, mais aussi sur les formes de littératie des enfants, avant leur entrée dans l’écrit (Kress 1997) ou sur des contextes de formation professionnelle des chirurgiens (Kress 2013). Enfin, à travers sa carrière, il n’a eu de cesse de problématiser les rapports entre contextes sociaux, langage et communication et d’approfondir la connaissance des modes de production et d’interprétation de la signification dans la vie sociale. Pour lui, l’apprentissage est le résultat d’un travail sémiotique qui se réalise par l’engagement d’un apprenant pour un aspect du monde au centre de son attention. Le processus d’apprentissage englobe donc des changements permanents de ressources et de compétences sémiotiques chez l’individu, qui conduisent à une reconstruction de son identité. Kress présente ici sa théorie de « sémiotique sociale appliquée à la communication » et aborde la question des signes, de la fabrication des signes, des modes et de la composition multimodale. Il propose enfin une discussion tout à fait fertile sur la notion de « reconnaissance » dans l’éducation, ses dimensions et son éthique.
12Les auteurs figurant dans le deuxième mouvement de l’ouvrage se consacrent à l’observation de la multimodalité pour comprendre les processus d’apprentissage et de développement du langage et poursuivent de ce fait certains travaux, comme ceux de Colletta, sur le rôle de la gestualité dans le développement du langage chez l’enfant. Caroline Masson et Emmanuelle Canut se consacrent à l’étude des modes de communication, médiés par un outil de communication alternée et augmentée (la bande-phrase), entre des adultes d’une équipe éducative et des enfants atteints de troubles sévères du langage, au sein d’un Institut médico-éducatif français. Cet outil est basé sur l’échange d’images entre les interlocuteurs, appuyé par l’activité verbale et gestuelle des adultes, et a pour but de développer le langage chez ces enfants. À partir de données écologiques recueillies dans ce contexte, et dans une perspective interactionniste de la communication, les auteures mettent en évidence les stratégies d’étayage de l’adulte dans l’association de conduites verbales et non verbales, leurs récurrences et leurs différences en fonction des postures langagières des professionnels. La contribution de Claire Taisson-Perdicakis est issue d’une recherche longitudinale sur une cohorte d’élèves suivie durant le cycle 2 à l’école française dans des situations ordinaires de classe lors de séances d’enseignement-apprentissage de la lecture. En partant du concept de matérialité (organisation de l’espace, des objets et de leurs usages, et corporéité/gestualité) et en s’appuyant sur une perspective historico-culturelle vygotskienne, elle montre comment les élèves construisent leur savoir-lire au moyen de la matérialité envisagée d’une part comme un outil multimodal d’enseignement, et d’autre part comme un indice du développement psychologique de l’élève. Elle développe pour cela l’analyse de trois « événements remarquables » observés en classe : la fusion syllabique, la construction du sens d’une expression dans le texte lu et le travail de compréhension d’un paragraphe entier.
13Le troisième mouvement rassemble des contributions orientées vers l’observation de la multimodalité pour comprendre les pratiques d’enseignement. L’étude comparative de Jean-Philippe Maitre s’intéresse à l’activité sémiotique de trois enseignants lorsqu’ils introduisent, par un processus sémiotique d’implicitation ou de tacitation, une notion identique en classe de sciences physiques au lycée, la notion de « force », dans trois sections d’enseignement différentes : section professionnelle, section générale, et section européenne. Un protocole, associant méthodologies quantitative et qualitative, a permis de comprendre et de comparer ces pratiques d’enseignement, et ce, relativement à quatre modes : le langage oral, les gestes, le tableau et les objets mis à disposition des élèves, selon un traitement du corpus à une échelle micro- et macroscopique. La perspective comparative fait ainsi ressortir les conditions propres à l’usage de la multimodalité dans ces contextes. De son côté, Brahim Azaoui se propose d’étudier l’activité gestuelle et proxémique des enseignants de français en prenant en compte le point de vue de leurs élèves. Pour cela, des entretiens d’hétéro-confrontation filmés ont été organisés avec huit collégiens et lycéens afin d’accéder à la « pensée apprenante ». En faisant appel aux outils de l’analyse de discours en interaction ainsi qu’en s’appuyant sur la notion de rejeu développée par l’anthropologue Marcel Jousse, Azaoui présente différentes fonctions pédagogiques de la proxémie et de la gestuelle enseignante, puis discute l’intérêt de l’entretien d’hétéro-confrontation comme objet de recherche et de formation des enseignants.
14Le quatrième mouvement réunit des travaux sur l’observation de la multimodalité pour comprendre les pratiques de formation professionnelle d’enseignants, d’éducateurs de jeunes enfants ou de personnels de service dans la restauration. Perspectives de recherche et de formation s’y croisent et se nourrissent. Ainsi, l’observation de la multimodalité en formation d’enseignants donne lieu à l’analyse d’outils méthodologiques et de choix de formation, tandis que la multimodalité en formation professionnelle est étudiée à travers le prisme des interactions. Véronique Rivière et Lucile Cadet explorent la multimodalité comme angle de vue intéressant dans un processus de formation initiale à l’évaluation certifiante des compétences orales en français langue étrangère. En effet, les processus interactionnels et les enjeux communicationnels et multimodaux propres à cette situation spécifique d’examen oral mettant en face à face un examinateur et un candidat conditionnent, tout comme l’outil d’évaluation, le résultat de celle-ci. Les deux auteures montrent ainsi, à partir de simulations d’examen suivies de débriefings, réalisées par les étudiants de master français langue étrangère (FLE) en formation, comment la situation de communication et le cadre évaluatif dans lequel elle s’inscrit influencent l’utilisation par les interactants de différentes ressources multimodales et réciproquement, comment les ressources multimodales contribuent à ritualiser la situation et se mettent au service du cadre évaluatif. L’article de Dominique Trébert et Isabelle Durand porte sur l’accompagnement tutoral dans le contexte de la formation professionnelle en éducation de la petite enfance à Genève. Il montre, dans une perspective située, interactionnelle et multimodale, comment les analyses co-construites entre deux chercheurs et sept tuteurs impliqués dans le dispositif de formation permettent d’accéder aux préoccupations des tuteurs et à la manière dont ils mobilisent des ressources multimodales pour conduire leurs actions formatives auprès des stagiaires. La contribution de Céline Alcade se base sur une recherche collaborative portant sur la formation au service en restauration d’une licence professionnelle en management international de l’hôtellerie-restauration. Elle aborde l’importance d’une analyse multimodale des interactions de travail et de formation en restaurant-école pour, d’une part, comprendre leur organisation et le partage de la cognition, et, d’autre part, élaborer ou améliorer ensuite un dispositif de formation. L’auteure y présente notamment l’étude de deux cas dont les résultats mettent en lumière un processus de prise en charge distribuée de la formation des novices en restaurant-école gastronomique, à travers différents acteurs et différents espaces, sur la base d’artefacts mobilisés conjointement.
15Enfin, pour clore l’ouvrage, nous proposons un mouvement conclusif sur l’observation de la multimodalité pour (trans)former les regards et reconnaître l’activité sémiotique en éducation. Pour cela, la contribution de Nathalie Blanc et Véronique Rivière permet de revenir sur les lignes de force de l’ouvrage et sur les convergences épistémologiques et méthodologiques des contributions de l’ouvrage. Sont rappelés la richesse et le caractère iconoclaste de la théorie de la sémiotique sociale de Kress. Puis les auteures explicitent les fondements épistémologiques que pourrait avoir une théorie de l’observation en éducation, dans une visée scientifique ou formative, et approfondissent la réflexion sur les conditions d’observabilité de la multimodalité en éducation en proposant des pistes méthodologiques, en interrogeant la nature des circulations entre recherche et formation et en défendant une dynamique ou un mouvement dans les postures à adopter.
Bibliographie
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Auteurs
Université Lumière Lyon 2, UMR 5191 ICAR
Université Lyon 1 ESPE, UMR 5191 ICAR
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