Chapitre 1
La répétition verbale
p. 43-65
Texte intégral
1Le prologue a posé l’opposition entre une bonne et une mauvaise répétition, l’une productive et créative, l’autre stérile et à proscrire, et mentionné la tendance à associer la répétition dans la langue à un phénomène négatif. Dire « vous vous répétez ! » vaut réprobation ; « c’est répétitif » est péjoratif… La répétition verbale en elle-même n’est ni bonne ni mauvaise, et sa dualité constitutive (retour et renouveau, même et autre, etc.) est celle du langage même :
On the basic, structural level, language is thus a complex interaction of repetition and variation, of sameness and difference. This creative tension between sameness and difference also characterizes the uses of language in general […]. (Fischer 1994, p. 9)
2Sa nature duelle la prédestine à être ou bien saluée ou bien rejetée, selon les époques et selon les disciplines. C’est l’éternel paradoxe de la répétition verbale, d’être partout utilisée, et partout évitée (Aitchison 1994, p. 18). Cette ambivalence dans sa réception se retrouve dans la profusion de ses désignations, inséparables d’une évaluation :
When parrots do it, it’s parrotting.
When advertisers do it, it’s reinforcement.
When children do it, it’s imitation.
When brain-damaged people do it, it’s perseveration or echolalia.
When disfluent people do it, it’s stuttering or stammering.
When orators do it, it’s epizeuxis, ploce, anadiplosis, polyptoton or antimetabole.
When novelists do it, it’s cohesion.
When poets do it, it’s alliteration, chiming, rhyme, or parallelism.
When priests do it, it’s ritual.
When sounds do it, it’s gemination.
When morphemes do it, it’s reduplication.
When phrases do it, it’s copying.
When conversations do it, it’s reiteration. (Aitchison 1994, p. 15)
3On voit que, comme nul autre concept, la répétition verbale se voit dotée d’une désignation particulière dans pratiquement chaque domaine qui touche au langage (acquisition et pathologie du langage, rhétorique, littérature, linguistique…). Cette profusion dans la désignation témoigne d’abord de la difficulté à saisir – sans le fragmenter et sans l’émietter – un phénomène à ce point omniprésent, mais aussi et surtout de la difficulté à l’appréhender en soi et pour soi. Les multiples dénominations attestent l’existence d’un lien inextricable entre la répétition et son évaluation ou l’identification de sa fonction. Pour une minorité de désignations neutres (les termes techniques), on trouve une majorité de désignations orientées négativement ou positivement, couplées à une fonction de la répétition. Peut-on imaginer un vocable différent pour dire la métaphore, suivant qu’elle porte sur des noms ou des verbes, suivant qu’elle est utilisée en poésie ou dans les romans, par des vieillards ou des enfants ? C’est pourtant bel et bien ce qui se passe avec la répétition.
4La répétition est une forme qui doit être interprétée. Prescrite ou bien proscrite, elle met en œuvre une certaine conception du langage et de ses fonctions, qui varie à l’extrême selon son espace de déploiement. Elle est dans sa réception inséparable des questions de norme, que ces dernières soient liées à la communication (la répétition dévalorisée dans le langage pensé comme transmission d’informations), à l’usage (la répétition fautive dans les grammaires normatives ou la répétition persuasive dans l’art de l’éloquence, les deux traditions s’inscrivant dans l’histoire de la rhétorique), ou bien encore à la composition et à l’esthétique (la répétition valorisée comme principe même de la fonction poétique dans les études littéraires).
5Ce chapitre 1 présente la réception de la répétition en analyse des textes et des discours comme une longue « tradition de l’indifférenciation ». Je montrerai dans le chapitre 2 l’intérêt de rompre avec cette tradition, en intégrant les perspectives ouvertes par d’autres champs disciplinaires, particulièrement les études littéraires et la psychanalyse.
1. Critères de différenciation
6Le statut ontologique de la répétition non verbale, décrit dans le prologue, se retrouve, en toute logique dans le domaine verbal : la répétition est la condition préalable de toute organisation en système sémiotique.
It is a truism (explicitly formulated by Chomsky) that human language allows the production of an infinite number of different sentences by means of a finite repertoire of elements (sounds, words, sentences patterns. (Fischer 1994, p. 9)
7L’inventaire phonologique de chaque langue est toujours limité, mais c’est par la combinatoire-répétition d’un nombre fini de phonèmes, de morphèmes, de lexèmes, que naît le discours, virtuellement infini. Ce principe fonde la double articulation du langage selon André Martinet (1960). « Il est ainsi possible, à partir de quelques dizaines de phonèmes, de former quelques milliers de monèmes dont les divers agencements véhiculent l’infinité des messages linguistiques d’une langue donnée » (Dubois 1999, p. 54). L’alphabet latin ne compte que vingt-six lettres, mais c’est à partir de ces vingt-six lettres fondamentales que s’écrivent toutes les langues occidentales, etc. C’est de la répétition du même, agencé et organisé à tous les niveaux de l’analyse linguistique, selon une « échelle ascendante de liberté » (Jakobson 1963, p. 47), que naît l’infini.
8Dans la combinaison des traits distinctifs en phonèmes, la liberté du locuteur individuel est nulle ; le code a déjà établi toutes les possibilités qui peuvent être utilisées dans la langue en question. La liberté de combiner les phonèmes en mots est circonscrite, elle est limitée à la situation marginale de la création des mots. Dans la formation des phrases à partir des mots, la contrainte que subit le locuteur est moindre. Enfin, dans la combinaison de phrases en énoncés, l’action des règles contraignantes de la syntaxe s’arrête et la liberté de tout locuteur s’accroît substantiellement, encore qu’il ne faille pas sous-estimer le nombre d’énoncés stéréotypés (ibid., p. 47-48).
9Parce que la répétition linguistique « ontologique » porte sur tous ces niveaux, il faut donc circonscrire ce qui nous intéresse dans la répétition verbale, en posant des critères discriminants. On trouve dans la linguistique des interactions, qui s’est intéressée dès les années 1980-1990 à la répétition, une liste de critères permettant de faire le tri au sein des diverses répétitions (Tannen 1987, Aitchison 1994, Bazzanella 1996) :
a) obligatoire ou facultative
b) intentionnelle ou non intentionnelle (ou consciente ou automatique)
c) totale ou partielle
d) sémantique ou formelle
e) adjacente ou non adjacente (existe-t-il un intervalle temporel entre l’unité répétée x et x + 1 ?)
f) taille de l’unité considérée
g) répétition par un même locuteur ou un locuteur différent (auto- ou hétéro-répétition)
10À l’exception de (c) et (g), ces distinctions sont dites renvoyer à des continuums entre deux pôles de la répétition, et non à des oppositions binaires. Elles reprennent avec d’autres termes les distinctions que connaissait déjà la rhétorique (voir en particulier Lausberg 1990 [1963], p. 80-93) : répétitions de nature différente (la question de la taille des unités, critère f), plus ou moins exactes (critère c), ou bien paraphrastiques (critère d), immédiates ou bien différées (la deuxième occurrence succède immédiatement à la première ou au contraire des unités linguistiques les séparent, critère e). Mais un nouveau critère apparaît, qui n’avait jamais été considéré : la distinction entre auto-répétitions (répétitions par un même locuteur) et hétéro-répétitions (répétitions par un autre locuteur ; self-repetitions vs allo-repetitions, Tannen 1989).
11Ces critères sont fondamentalement hétérogènes. Certains sont « techniques » et objectifs : c’est la question de la variation (c), de l’intervalle temporel (e), de l’identification de la nature (« taille ») des répétitions, enfin du rôle des participants (g), et ils ne posent aucun problème de définition et d’identification. En revanche, les critères (a), (b) et (d) exigent une réflexion et une étude approfondies, et c’est la raison pour laquelle je les ai mis en italique. Le critère de l’intentionnalité sera traité dans le chapitre 3, dans le cadre de la répétition figurale. Je traiterai ici les critères (a) et (d) : obligatoire ou facultative, sémantique ou formelle.
12Le premier critère, répétition « obligatoire vs facultative », renvoie en fait à une opposition bien plus générale entre répétition en langue et répétition en discours, dans laquelle je distinguerai à nouveau deux oppositions : d’abord celle entre redondance grammaticale et répétition, très largement commentée, et sur laquelle je ne m’étendrai pas. Je renvoie le lecteur à la première monographie sur la répétition (Frédéric 1985), à la thèse d’Élisabeth Richard (2000), qui peut être considérée en France comme la pionnière de l’étude de la répétition dans une perspective syntaxique et sémantique, et plus récemment, à un numéro de la revue Repères-Dorif (Druetta 2017). La seconde opposition s’établit entre réduplication en langue et réduplication en discours, elle ne sera que rapidement abordée dans ce chapitre, l’étude de la réduplication en discours devant être développée dans le chapitre 7.
13La distinction entre répétition sémantique et répétition formelle – on parle aussi de répétition à l’identique, ou de répétition exacte – constitue le pivot et le point de départ de cette étude. C’est autour de lui que s’est construit cet ouvrage. Ce critère est donné dans toutes les études comme un critère parmi d’autres, alors que de cette distinction découlent toutes les propriétés, tous les pouvoirs, tous les jeux de la répétition verbale. C’est en effet le recours à la répétition exacte qui permet de modifier les rapports entre signifiant et signifié, formes et sens. C’est lui qui ouvre une autre signifiance. Je prendrai donc mes distances avec la longue tradition du continuum entre les deux types de répétition, dont je retrace ici les étapes les plus récentes.
2. Répétition en langue vs répétition en discours
2.1. Redondance vs répétition
14La première opposition est la plus générale et ressortit à la dichotomie saussurienne entre langue et parole, ou encore pour la linguistique de tradition anglo-saxonne, à la dichotomie chomskyenne, entre la compétence (qui relève du système de la langue, où la répétition est constitutive) et la performance (où les locuteurs choisissent, dans une certaine mesure, de recourir ou non à la répétition).
15En France, les phénomènes de répétition en langue sont regroupés sous le terme de redondance, et le terme de répétition est réservé au discours. Je ne m’étendrai pas sur cette différence, déjà abondamment commentée (par exemple : Rey-Debove 1978a ; Frédéric 1984, p. 84-86 ; Richard 2000, p. 20-23 ; Magri-Mourgues et Rabatel 2015a, 2015b) et qui ne suscite pas vraiment de difficultés d’interprétation. Soit la phrase :
(1) | Les enfants jouent dans le jardin. |
16Le phénomène de l’accord relève typiquement de la redondance. On relève ainsi à l’écrit trois marques graphiques du pluriel, réparties sur l’article, le nom et le verbe ; à l’oral, on entend deux marques phoniques [l] au lieu de [lə], et la liaison [z] pour [zãfã] au lieu de [ãfã]. Il n’est pas possible de les supprimer. En français, l’accord est obligatoire en genre et en nombre et répété d’un syntagme à un autre syntagme. De la même manière, le retour « obstiné » des morphèmes des temps verbaux ou des pronoms personnels ne dépend pas du choix du locuteur (voir Weinrich 1964). La redondance, parce qu’elle est imposée par le code de la langue, s’oppose alors à la répétition en tant que mise en discours par un locuteur :
On a coutume de distinguer la redondance, inhérente au langage et inscrite dans le code même, de la répétition qui est libre et volontaire, […] nul usager de la langue ne peut y [à la redondance] échapper. La répétition, au contraire, est indépendante du code, et constitue dans son fonctionnement ordinaire une insistance sémantique, une emphase. (Rey-Debove 1978b, p. 323)
17La répétition que nous étudions ici est celle qui n’appartient pas au système linguistique, et « par là n’est marquée ni d’obligatoire ni de prévisible, mais au contraire de facultatif, d’occasionnel et d’imprévu » (Richard 2000, p. 23).
2.2. Réduplication vs répétition
18L’opposition entre répétition en langue et répétition en discours recouvre aussi l’opposition entre réduplication et répétition (Reduplikation et Wiederholung1), qui est sans doute plus difficile à circonscrire. La réduplication « prototypique » porte sur les phénomènes de répétition partielle (syllabique) ou totale (répétition du lexème entier), attestés dans toutes les langues2, universaux qui se situent « au croisement de la phonologie, de la morphosyntaxe et de la sémantique » (Morgenstern et Michaud 2007, p. 117). Procédé productif de flexion et de création lexicale, la réduplication peut inclure aussi des constructions syntaxiques. Par exemple, la structure figée [A + préposition + A] est considérée comme un phénomène de réduplication grammaticale : jour après jour, corps-à-corps, bouche-à-bouche ; Tag für Tag, day after day… (majoritairement des noms, mais aussi des adjectifs ou adverbes : petit à petit, vrai de vrai, peu à peu…). En français, la structure [nom A + de + nom A] est également grammaticalisée, et indique le superlatif : le Cantique des cantiques, le roi des rois, le fin du fin…
19La réduplication, phénomène universel, assume une grande variété de fonctions ; elle peut servir à marquer le pluriel (en agta, takki « jambe » mais taktakki « jambes »), l’intensification (en hébreu, xazak « fort » mais xazak xazak « très fort »), la continuation (en jamaïcain, luk « regarde » mais luk luk « continue de regarder »), etc.3 Elle est diversement grammaticalisée suivant les langues ; en Europe, à la différence de l’italien, le français et l’allemand sont des langues où la réduplication est peu intégrée en système (Morgenstern et Michaud 2007, p. 119)4. Elle se manifeste alors dans des emplois ponctuels et expressifs comme dans les onomatopées (ouah ouah…), les doublons en langage enfantin (pipi, caca, dodo, nounou, bobo…) ou familier (blabla, raplapla, baba, etc.). La valeur iconique de la réduplication est dans ce cas clairement manifestée.
20On oppose donc la réduplication en langue, grammaticalisée, à la répétition, « stylistique », en discours. « Reduplikationen [sind] im lexikalischen und grammatischen Bereich angesiedelt, während Wiederholungen eher in den stilistischen fallen » (Stolz 2007, p. 57)5. En allemand, le terme stilistisch n’est aucunement restreint à l’étude du discours littéraire, mais porte sur tous les genres et registres de langue – ce qui correspond d’ailleurs à la définition que donnait de la stylistique Charles Bally, dans son Traité de stylistique française.
21On admet aujourd’hui que cette opposition n’est pas toujours simple à délimiter, et qu’il existe une zone intermédiaire entre les deux pôles de la réduplication et de la répétition :
[Elements] which originally served purely pragmatic purposes may be taken for grammatical strategies. This happens most easily with those phenomena whose pragmatic use almost inevitably invites a semantic reading. (Stolz, Stroh et Urdze 2011, p. 147)
22Comment traiter par exemple les phénomènes d’intensification par redoublement du mot en discours comme « il courait très très vite », ou « zwischen Berg und tiefem tiefem Tal saßen einst zwei Hasen »6 (Volkslied) ? Que penser de la construction qualitative, en français, dans laquelle un mot apparaît deux fois : « une femme femme », « c’est pas joli joli » ? Peut‑on clairement départager une dimension iconique et expressive d’une part, et, d’autre part, un rôle en système ? Où commence et où s’arrête la grammaticalisation ?
23C’est une question sur laquelle nous reviendrons dans le dernier chapitre, dans la partie consacrée à la réduplication. Pour l’instant, il suffit de constater que les travaux en linguistique se sont d’abord concentrés sur la répétition en langue (redondance, réduplication), et ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle a été analysée dans les textes et les discours7.
24Dans cet ouvrage, il ne sera question que de la répétition en discours, celle qui ne relève ni de la redondance, ni de la réduplication prototypique, limitée au gabarit fixe du redoublement partiel ou total. Et nous distinguerons, au sein de la répétition en discours, entre répétition intentionnelle et répétition figurale (chapitre 3). L’adjectif figural n’est pas synonyme de figure au sens où l’entend la tradition rhétorique, mais renvoie plus largement au fait de « donner figure » ou « rendre saillant ». Une répétition figurale est une répétition à la fois intentionnelle (du côté de la production) et attentionnelle (du côté de la réception). Ainsi, dans les exemples de « non » rédupliqués ci-dessous, j’interprète (2) comme un refus poli, intentionnel mais non figural, car, au lieu d’augmenter la saillance du « non », il tempère au contraire l’acte de refus. Le destinataire pourrait tout à fait rétorquer par un « si, si j’insiste ! ». En (3), la dénégation répétée avec force, par exemple à un tout jeune enfant qui fait mine d’approcher ses doigts d’une prise électrique, n’admet en revanche aucune réplique. Elle est intentionnelle, attentionnelle et figurale.
(2) | A : Est-ce que vous voulez que je vous aide à monter vos valises ? |
B : Non non merci, pas la peine ! |
(3) | Non ! Non ! Touche pas ! C’est défendu ! |
3. Répétition sémantique et répétition formelle
25Répéter, c’est soit redire autrement (avec d’autres mots), soit ne pas redire autrement, mais au contraire à l’identique (avec les mêmes mots). Le terme de répétition est toujours ambigu, et ni la langue courante ni la terminologie linguistique ne disposent de vocables distincts pour désigner ces deux opérations.
26Il faut alors préciser par un adjectif l’acception entendue : en anglais et en allemand, on emploie les termes exact repetition, exakte Wiederholung pour désigner la reprise à l’identique, celle-ci pouvant porter sur des unités de taille variable, qui vont du phonème (par exemple les allitérations) à la séquence textuelle. J’utilise ici le terme de « répétition » dans le sens restreint de « reprise à l’identique », et désignerai la reprise du contenu par le terme de « répétition substitutive ».
27Dans les études portant sur l’oral, cette différence entre les deux types de répétition est donnée comme un critère parmi d’autres (Tannen 1987, Aitchison 1994, Bazzanella 1996), sans que rien soit expliqué, comme si leur différence était une simple affaire de degré. L’existence de formes intermédiaires (« répétitions reformulantes ou reformulations répétantes », Rabatel 2007b) plaide en effet pour l’existence d’une zone grise, médiane, entre ces deux pôles, entre le dire le même à l’identique, et le dire le même autrement.
28Ainsi, parce que ces deux modalités sont unies par le même mot dans la langue, elles ont toujours été mises côte à côte, appréhendées dans un même mouvement, pour leurs propriétés communes. Mais cette indifférenciation terminologique a encouragé l’indifférenciation dans le traitement des deux types de reprise, et favorisé un flottement et un piétinement théoriques, que les études récentes sur la répétition cherchent aujourd’hui à dissiper, sans pour autant définir de manière explicite ce qui distingue les deux modes.
3.1. La répétition indifférenciée dans les dictionnaires
3.1.1. Les dictionnaires usuels
répétition [ʀepetisjɔ̃] n.f.
ÉTYM. 1295, « copie » ; sens mod., 1377 ; lat. repetitio, de repetere. → Répéter.
L’action, le fait de répéter, de se répéter.
1 Le fait d’être dit, exprimé plusieurs fois. → Redite. […]
2 Rare. Le fait de répéter les paroles d’un autre (Mme de Sévigné, in Littré). Répétition mécanique de phrases entendues. → Psittacisme.
3 Le fait de recommencer, de réitérer (une action, un processus). → Recommencement, réitération. […]
4 Action de reproduire ; ce qui est reproduit. → Copie, imitation, reproduction […]
5 (1663, Molière). Le fait de répéter, de travailler à plusieurs reprises pour s’exercer. Répétition d’un rôle, d’un numéro de music-hall… → Étude. (Le Grand Robert de la langue française, je souligne)
29Dans les dictionnaires, répéter, c’est donc soit re-dire, soit re-faire. L’alliance de dire et de faire dans répéter est donc inscrite dans la langue et doit être soulignée. Elle ne laisse pas d’être questionnée. On y reviendra quand nous aborderons la pragmatique de la répétition. Pour l’heure, contentons-nous de constater que la première signification donnée en français pour répétition renvoie à la répétition verbale, ou « le fait d’être dit, exprimé plusieurs fois ». Sont énumérées ensuite, dans un deuxième temps, les modalités spécifiques de la répétition.
30Rien n’est précisé cependant sur la forme que prend cette redite, et la batterie des synonymes négatifs qui lui sont associés (battologie, périssologie, pléonasme, tautologie…), définis comme « répétition de mots, d’expressions ou d’idées, inutile ou fautive » (Le Grand Robert de la langue française, je souligne) renvoie indifféremment (voir le ou inclusif) aux deux procédés, comme s’ils étaient interchangeables.
3.1.2. Les dictionnaires spécialisés
31Dans les dictionnaires de sciences du langage, inventaires et baromètres des notions en usage en linguistique, on pourrait presque, au vu de l’omniprésente absence du terme répétition dans les différents index, postuler à son endroit une totale indifférence. Toutefois, si aucune entrée ne lui est accordée, on trouve à sa place une multiplicité de concepts ou notions connexes qui renvoient à son acception la plus large. On constate que la tradition de l’indifférenciation, attestée dans le langage commun, est perpétuée dans le choix des notions qui lui sont rattachées en linguistique.
32La situation est tout à fait différente en Allemagne, berceau de la Textlinguistik, où le principe de Wiederholung est inséparable de la notion de textualisation (Textkonstitution). On retrouve ainsi le principe de Wiederholung dans le Wiederaufnahmeprinzip (Lewandowski 1980, p. 806-807) ou encore dans celui de Rekurrenz (voir Linke et Nussbaumer 2000, p. 305-315). Afin d’éviter les redites, je choisis de ne mentionner le domaine allemand que dans la section consacrée à la cohésion et la cohérence, et de restreindre ici le panorama aux dictionnaires spécialisés français. Sont ainsi nommées les notions connexes suivantes :
331. Dans le Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, on trouve un très long article sur la répétition en langue, ou redondance, définie tant du point de vue formel que sémantique. On remarquera la redondance pédagogique de la formulation dans cet article sur la redondance grammaticale :
Dans les langues naturelles, le taux de redondance […] est très élevé : 50 p. 100 en moyenne en français et en anglais. Les manifestations de la redondance y sont diverses et se retrouvent à tous les niveaux de la langue : niveau phonématique, morphématique, syntaxique, sémantique. Dans presque tous les énoncés, on constate en effet la présence d’unités phonématiques, morphématiques ou syntagmatiques dont la présence n’est pas strictement nécessaire à la communication […]. (Dubois 1999, p. 401-402, je souligne)
34On trouve également mentionnés comme synonymes les procédés particuliers du redoublement et de la réduplication (p. 403). La distinction est peu claire, puisque le terme redoublement, qui recouvre tant les procédés hypocoristiques de redoublement syllabique (fifi, mémère) que le redoublement de mots entiers (c’est très, très peu), est opposé à la réduplication, comme répétition de mots (même exemple donné : c’est très très peu).
352. Dans le Dictionnaire d’analyse du discours (Charaudeau et Maingueneau 2002), on trouve défini le couple cohésion/cohérence, ainsi que le concept d’isotopie (p. 332-334). L’isotopie renvoie à l’ensemble des procédés « concourant à la cohérence d’une séquence discursive », c’est-à-dire à une itérativité définie exclusivement sur le plan sémantique. Cette notion est parfois élargie à toute « itération d’une unité linguistique quelconque » (Rastier 1972, p. 80), et renvoie alors tant au plan sémantique que « au plan de l’expression, c’est à-dire aux signifiants graphiques et sonores du discours ». Les répétitions sont ainsi décrites comme « structures additionnelles […] surtout attestées dans les textes littéraires » (Charaudeau et Maingueneau 2002, p. 335). Un long article est consacré à la reformulation (p. 490-492).
363. Même constat pour le Dictionnaire des sciences du langage (Neveu 2011), dans lequel on retrouve également le couple cohésion/cohérence et la notion d’isotopie tandis qu’au préfixe re- apparaît, là aussi, à côté de la notion de récursivité, non pas le mot répétition mais celui de reformulation (p. 251).
37À l’exception de la réduplication, les notions décrites : a) soit englobent les deux types de répétitions, celle du signifié, celle des signifiants sans que soient décrites de manière approfondie les possibles différences découlant d’une telle spécialisation (redondance est synonyme de récurrence – c’est la même indifférenciation en allemand pour les termes de Wiederaufnahme et Rekurrenz, et on adopte une conception large de l’isotopie) ; b) soit sont réservées à la seule répétition du sens (reformulation, conception étroite de l’isotopie). Dans les deux cas, la place accordée à la répétition des signifiants est minoritaire.
3.2. La répétition dans l’analyse des textes et des discours
38On retrouve cette tradition de l’indifférenciation lorsqu’on se penche sur des notions‑clés dans l’analyse des textes et des discours. On peut ainsi retrouver en filigrane l’élision quasi systématique de la répétition en examinant le couple cohésion/cohérence, la notion de reformulation, enfin celle de modalisation autonymique.
3.2.1. Le couple cohésion/cohérence
39On peut distinguer trois étapes dans la réception de la répétition en linguistique textuelle, puis par extension, dans l’analyse du discours, en examinant l’évolution des deux notions inséparables, toujours « en couple », de cohésion et de cohérence. Étant donné que la cohésion renvoie à une textualité basée sur la forme, et la cohérence à une textualité basée sur l’information et le savoir encyclopédique des sujets, la répétition à l’identique relève de la cohésion. Cette distinction capitale a été et est encore aujourd’hui oubliée dans l’analyse et l’interprétation de la répétition.
401. Au début de la linguistique textuelle, entre 1965 et 1980, la répétition, prise dans une acception large et indifférenciée, joue un rôle‑clé à côté des autres marqueurs formels de la cohésion (« l’ensemble des moyens linguistiques qui assurent les liens intra- et interphrastiques permettant à un énoncé oral ou écrit d’apparaître comme un texte », Charaudeau et Maingueneau 2002, p. 99).
412. Au début des années 1980, le principe de cohérence supplante progressivement celui de cohésion. La répétition à l’identique se trouve exclue de la problématique de la cohérence, qui se consacre non plus à l’étude des formes, mais à celle de l’information (« Elle résulte d’un jugement qui prend appui sur la connaissance de la situation et les savoirs lexico-encyclopédiques des sujets », ibid.).
423. La dernière étape dans l’éviction de la répétition à l’identique hors des problématiques considérées comme attractives dans l’analyse des textes et des discours coïncide avec la généralisation et l’essentialisation du principe de pertinence. En plaçant l’implicite et l’invisible au centre de la communication, soit la possibilité et la nécessité pour les interprétants de dériver des inférences, le méta-principe de pertinence a indirectement relégué dans l’ombre la répétition à l’identique, phénomène qui, parce que trop visible, a été interprété comme sur-explicite et donc inintéressant. Les sections suivantes retracent les trois étapes de cette évolution.
3.2.2. De la cohésion à la cohérence
43Les premiers travaux de linguistique textuelle et d’analyse du discours, qu’ils soient de tradition germanique (Harweg 1968, Dressler 1972, Brinker 1973), anglo-saxonne (Halliday et Hasan 1976) ou encore française (Charolles 1978), définissent le texte comme une unité sémantique8, dont la progression est assurée d’une part par la reprise d’éléments déjà énoncés (le principe de répétition) et, d’autre part, par l’apport d’éléments nouveaux (le principe de différence). Le principe de répétition est placé au cœur de la textualité. La textualité elle-même est appréhendée de manière grammaticale et se fonde explicitement sur les formes de reprise : « [Ein Text] ist „ein durch ununterbrochene pronominale Verkettung [syntagmatische Substitution] konstituiertes Nacheinander sprachlicher Einheiten“ » (Harweg 1968, p. 148)9.
44La répétition est le premier principe de structuration textuelle, un principe « grammatical » (voir Brinker, Antos et Heinemann 2000, p. 165). Mais ce principe grammatical est compris avant tout comme celui de la construction des chaînes de référence par « substitution ». « Mit Rekurrenz ist […] das Phänomen der Wiederholung, des Rückverweisens bzw. des Ersetzens gemeint » (Linke et Nussbaumer 2000, p. 305, je souligne)10. Répéter c’est d’abord et avant tout remplacer, la répétition à l’identique apparaissant comme la forme la plus simple, stylistiquement pauvre et monotone, parmi les procédés anaphoriques, mais dont la présence est parfois nécessaire, en particulier dans les textes spécialisés, pour désambiguïser :
Im einfachsten Fall wird das gleiche Lexem wiederaufgegriffen […] Die […] einfache Form der Wiederaufnahme wird oft als stilistisch unbefriedigend empfunden. In Fachtexten jedoch ist sie unter Umständen aus Präzisionsgründen notwendig. (Linke, Nussbaumer et Portmann 2004, p. 245)11
45Tandis que la répétition est circonscrite à des emplois très particuliers, la répétition substitutive, considérée comme le phénomène englobant, concentre sur elle toutes les attentions. C’est tout particulièrement vrai en France. Ainsi, dans le premier article français consacré aux questions de cohérence, qui s’inscrit dans l’analyse grammaticale des discours (Charolles 1978), la répétition à l’identique n’est même pas mentionnée, alors même qu’est posée l’existence d’une « méta-règle de répétition » :
Pour qu’un texte soit […] cohérent, il faut qu’il comporte dans son développement linéaire des éléments à récurrence stricte. Pour assurer ces répétitions, la langue dispose de ressources nombreuses et variées : pronominalisations, définitivisations, référentiations contextuelles, substitutions lexicales, recouvrements présuppositionnels, reprises d’inférence… (Charolles 1978, p. 12)
46En l’occurrence, les éléments à récurrence stricte énumérés sont tous des phénomènes de substitution. C’est la variété de ces phénomènes qui importe, la répétition à l’identique n’apparaît que de manière indirecte, dans la mention des « définitivisations ». Le même désintérêt pour la répétition à l’identique est affirmé sans ambages par Bernard Combettes dans un manuel consacré à la progression thématique et à l’étude de la perspective fonctionnelle de la phrase à partir des concepts élaborés par l’école de Prague : « La répétition pure et simple d’un élément ne constitue pas un procédé très important, un phénomène très intéressant » (1988, p. 78, je souligne). Elle est dite réservée à la désambiguïsation des énoncés, et à certains cas spécifiques (les noms propres, qui ne peuvent se dire autrement qu’à l’identique), comme une forme de dire par défaut, « inévitable » et « naturelle », dénuée d’intérêt pour l’étude linguistique :
dans certains cas, ce procédé est pour ainsi dire inévitable, en particulier avec les « noms propres ». Il est facile de comprendre que cette désignation, cette « étiquette » répétée, est pratique et même naturelle, surtout lorsque l’éloignement des phrases, l’occurrence d’autres constituants peuvent entraîner des ambiguïtés […]. (Combettes 1988, p. 78, je souligne)
47Les études des microstructures textuelles basées sur les formes de répétition vont cependant reculer face à un intérêt de plus en plus affirmé pour les enchaînements basés sur la seule cohérence.
3.2.3. De la cohérence à la pertinence
48La cohésion n’apparaît plus comme une condition suffisante : « la répétition, c’est-à-dire les reprises référentielles, ne constitue qu’une condition nécessaire mais non suffisante à la cohérence » (Salles 2006)12, et la perspective, de grammaticale, devient sémantique. La cohérence, conçue comme archi-principe, éclipse la cohésion. La problématique de la récurrence et de la répétition se retrouve reléguée du centre à la périphérie :
in der jüngeren Textlinguistik, in der sich der Textbegriff immer stärker von der Ausdrucksseite auf die Bedeutungsseite […] verlagerte, […] gewinnt der Begriff der Rekurrenz stärker inhaltliche Aspekte. […] Im Rahmen dieser Entwicklung ist auch zu beobachten, dass der Terminus Rekurrenz (oder seine quasi-äquivalente Rückverweisung, Ersetzung) immer seltener im Zentrum linguistischer Arbeiten steht […]. (Linke et Nussbaumer 2000, p. 305, je souligne)13
49L’ouverture à la dimension cognitive est amorcée :
Das Problem der Textkohärenz ist letztlich nicht durch die grammatischen Verknüpfungsverfahren zu erklären. […] Textkohärenz ist ein komplexes Phänomen, das unter grammatischen, kommunikativ-pragmatischen und vor allem auch kognitiven Aspekten betrachtet werden muss. (Brinker et al. 2000, p. 167-168)14
50Tant la linguistique textuelle allemande (de Beaugrande et Dressler 1981) que l’analyse linguistique du discours française privilégient une approche de la textualité basée sur l’information et sur le calcul du sens, de préférence le sens caché :
Die menschliche Fähigkeit, intendierte Sinne zu entdecken und Mehrdeutigkeit auszuschließen oder aufzulösen, ist zwar noch nicht hinreichend erklärt, aber jedenfalls einer der erstaunlichsten und komplexesten Kommunikationsprozesse. (de Beaugrande et Dressler 1981, p. 89, je souligne)15
51De condition non suffisante, mais encore nécessaire, la cohésion se voit rétrogradée à celle de condition pas même nécessaire. Des exemples de suites d’énoncés incohésives (en général limitées à deux énoncés) sont donnés, dont on montre qu’il est possible cependant de reconstruire la cohérence par processus inférentiels :
(4) | A : On sonne. / B : Je suis dans mon bain. |
(5) | A : La poubelle est pleine. / B : Je suis fatigué. |
(6) | A : J’ai faim. / B : Passe-moi le guide Michelin. (exemples 4 à 6 : Charolles 1995) |
(7) | Nous sommes allés au cinéma. La bière était fraîche. (Moeschler et Reboul 1994) |
(8) | Es regnet. Gib mir die Bibel. (Vater 2001)16 |
52La cohérence n’est plus une propriété intrinsèque des textes – « Coherence is not in the text » (Bublitz 1994, p. 218) –, désormais les mécanismes cognitifs d’interprétation sont privilégiés dans une tendance qui va aller s’accentuant. Tout n’est plus, en dernière instance, qu’affaire de pertinence : « L’interprétation de la cohérence du discours […] n’est donc jamais qu’une forme particulière d’application du principe de pertinence » (Charolles 1995, p. 151).
3.2.4. L’hégémonie de la pertinence
53La troisième étape dans la minoration des marques formelles de cohésion a été induite par la généralisation du principe de pertinence. Ce ne sont plus les marques cohésives mais au contraire les ruptures, les blancs dans le tissu du texte qui doivent désormais être étudiés.
54La notion de pertinence, d’abord utilisée en phonologie (comme fonction distinctive d’un trait), est devenue en pragmatique l’aune à laquelle doit se rapporter, pour être correctement compris et décrit, tout acte communicationnel. Pour nous, il faut retenir que la conquête hégémonique de l’espace linguistique par la notion de pertinence s’est accompagnée d’une dissociation entre code et interprétation – alors même que les auteurs valident pour leur part tant le modèle du code que le modèle inférentiel (Sperber et Wilson 1995, p. 3)17. Cette déliaison, qui s’appuie au départ sur l’opposition entre le dire et le vouloir-dire gricéens, peut aussi être considérée comme la variation cognitive, moderne et élaborée, de la très ancienne opposition entre forme et fond – avec un impact négatif sur la réception de la répétition non substitutive.
55L’introduction d’un principe général de pertinence (relevance) a, de manière collatérale, rendu obsolète l’intérêt pour les marques cohésives, c’est-à-dire la matérialité des énoncés, dont relève la répétition. À la conception de la communication verbale comme code (un locuteur encode un message pour un interlocuteur qui le décode) est opposée une conception de la communication ostensive-inférentielle (le terme ostensive rend compte du point de vue du locuteur, celui d’inferential du point de vue du destinataire), où l’énoncé émis constitue la manifestation d’une intention d’information, produite par le locuteur, à interpréter par le destinataire. Entre les deux extrêmes, un continuum. Ainsi est mise en avant la capacité de raisonner et de déduire ce qui se superpose au code, à partir de connaissances préalables partagées, en recourant au contexte et à la situation de communication. Il ne s’agit plus de décoder l’énoncé, mais de déduire ce qui en définitive permet d’interpréter l’énoncé. Sont privilégiés les énoncés ambigus, les énoncés indirects, les tropes, et, plus généralement, toute forme véhiculant du flou (en anglais vague, vagueness), toute forme manifeste de distorsion entre contenu explicite et contenu implicité. Le défi à relever consiste à donner une description précise des effets les plus vagues de la communication, bien au-delà du calcul des inférences conventionnelles ou implicatures : « We see it as a major challenge for any account of human communication to give a precise description and explanation of its vaguer effects » (Sperber et Wilson 1986, p. 57, je souligne).
56Par cette rupture pragmatique, la linguistique s’émancipe du concept saussurien de signe à bi-face, et l’association signifiant/signifié ne constitue plus qu’un cas limite de la communication :
We believe that the kind of explicit communication that can be achieved by the use of language is not a typical but a limiting case. […] The effects of most forms of human communication, including some of the effects of verbal communication, are far too vague to be properly analysed among theses lines. Moreover, there is not a dichotomy but a continuum of cases, from vaguer to more precise effects. (Sperber et Wilson 1986, p. 55)
57On voit comment cette association implicite/flou dessert la problématique de la répétition à l’identique, nommée, on s’en souvient, en anglais et en allemand, exact repetition, exakte Wiederholung. L’objectif d’étudier les formes produisant les effets les plus « flous » a conduit à privilégier les formes linguistiquement peu ou non marquées.
3.3. La répétition comme reformulation
3.3.1. Reformulation et paraphrase
58Ce primat du sens, du fond sur la forme, du signifié sur le signifiant, est bien sûr également à l’œuvre dans la problématique de la reformulation ou de la paraphrase, qui a longtemps éclipsé – pour ne pas dire escamoté18 – celle de la répétition à l’identique : « It is unclear whether repetition should include the case of paraphrase, where propositions are repeated, but exact words are not » (Aitchison 1994, p. 19).
59On peut d’emblée poser un constat quantitatif : des années 1980 au début du XXIe siècle, en linguistique des textes et des discours, la répétition n’est étudiée que si elle est associée à la reformulation. Un rapide inventaire des titres des ouvrages peut l’attester : les études entièrement consacrées à la répétition restent singulièrement marginales.
60Pour la France, deux monographies ont fait œuvre pionnière : l’étude rhétorique et linguistique de Madeleine Frédéric (1985) et celle, syntaxique et sémantique, d’Élisabeth Richard (2000) ; en Allemagne, on peut citer l’étude rhétorique et pragmatique (Mau 2002). En comparaison, celles consacrées à la reformulation se multiplient dès les années 1980. Pour ne citer que les jalons de cette première décennie : La paraphrase (Fuchs 1982), « Les marqueurs de la reformulation paraphrastique » (Gülich et Kotschi 1983), « Reformulierungshandlungen als Mittel der Textkonstitution » (Gülich et Kotschi 1987), le numéro thématique La reformulation du sens dans le discours (Riegel et Tamba 1987), les travaux de Roulet et de l’école de Genève sur les reformulations pragmatiques (Roulet 1987), etc. Par la suite, la problématique de la répétition est restée indissociable de celle de la paraphrase et de la problématique du « dire autrement ». Ce qui importe, c’est encore et toujours le sens de la répétition, saisi dans ses mouvements et ses variations, comme le revendique clairement la présentation du premier numéro de revue linguistique qui lui est consacré :
Ce colloque […] se situait dans la problématique de « l’autrement dit », de la reprise du discours par lui-même, et de ses incidences sur la production du sens. Que la répétition se donne comme telle, qu’elle se laisse deviner, qu’elle altère ou module le déjà dit, il s’agissait dans tous les cas d’éclairer sa théorisation en visant la description de la densité dynamique des réseaux de sens. (Viprey et Migeot 2000)
61Dans cette perspective, la répétition apparaît comme une sous-catégorie de l’opération réflexive de reformulation et le terme de « reprise » sert indifféremment à désigner les deux opérations. C’est la position que j’avais moi-même adoptée dans mes premiers articles sur la répétition19, en reprenant la définition d’Anne-Marie Clinquart qui suspend la dichotomie répétition/reformulation :
la reformulation (ou la reprise) est le phénomène par lequel une séquence discursive antérieure est reprise au cours d’une même interaction, inférant ainsi un changement de perspective énonciative. (Clinquart 1996, p. 153)
62Dans un contexte massivement acquis à la problématique de l’autrement dit, c’était à l’époque la seule position audible. L’étude de la répétition n’est alors légitimée que par sa mise en relation avec la reformulation, en privilégiant l’écart, fût-il minime, entre la séquence source et la séquence répétante. Ainsi, le numéro 49 des Cahiers d’études germaniques, Reformulation(s) (Coudurier et Pérennec éd. 2005), et les deux volumes Pragmatique de la reformulation (Schuwer, Le Bot et Richard 2008) et La reformulation : marqueurs linguistiques, stratégies énonciatives (Le Bot, Schuwer et Richard 2008) contiennent des études sur la répétition, mais seulement si elle est reformulante et admet des variations. La répétition à l’identique reste une problématique marginale.
63En France, il a fallu attendre les années 2010 et l’organisation à Nice de journées d’étude consacrées à la « répétition lexicale » pour que la problématique de la répétition à l’identique émerge de manière autonome. La difficulté à dégager la spécificité de la répétition non substitutive se traduit directement dans la difficulté à lui trouver une désignation adéquate. Il faut toujours passer par une épithète, qui, lorsqu’elle n’est pas imprononçable et lourdement technique (comme l’encombrante « non substitutive »), se révèle partiellement incorrecte. Ainsi, si l’adjectif « lexicale » a, par rapport à celui d’« exacte », l’avantage de ne pas exclure les variations, il a l’inconvénient d’établir un lien privilégié entre répétition et mots, alors même que la répétition concerne tous les niveaux de l’analyse linguistique. La reprise du même matériau formel, avec ou sans variation à l’entour, quel que soit le niveau considéré, est la base de la définition. Par la suite, pour les deux numéros de revue qu’ils éditeront, Véronique Magri-Mourgues et Alain Rabatel, comme moi-même dans cet ouvrage, renonceront à toute spécification, et ne parleront plus que de « répétition » :
Afin d’assurer la cohérence des études proposées, on s’intéressera uniquement aux configurations où il y a reprise d’un même matériel formel. Les répétitions lexicales sont définies strictement comme reprises explicites d’un segment linguistique, quel que soit l’empan de ce segment linguistique, depuis l’unité lexicale jusqu’à la séquence textuelle, en passant par les unités intermédiaires du segment phrastique et de la phrase. […] La variation du signifiant même si le signifié ou le référent reste identique est un motif d’exclusion des figures de l’expolition ou de la paraphrase. (Appel à contribution, « La répétition lexicale, approche discursive et pragmatique »)20
64Dans le numéro de Semen qui reprend la première moitié des contributions (Magri-Mourgues et Rabatel 2015a), la reformulation est encore toute proche de la répétition, et les frontières entre les deux procédés déclarées « fragiles ». Le primat du signifié sur le signifiant y reste, quoique nuancé, encore perceptible, tant dans le choix d’exclure le niveau infralexical que dans la justification de la pertinence de la répétition, qui met encore l’accent sur son sens :
Même si la définition de la reformulation […] qui pose deux signifiants pour le même signifié paraît établir une différence avec la répétition qui associe a priori le même signifié aux signifiants répétés, les frontières entre les deux procédés sont fragiles, puisqu’ils reposent tous deux sur le binôme identité-variation ou altérité. […] Les répétitions jouent sur la reprise du même […] mais l’inscription dans la chaîne linéaire du texte fait que la seconde occurrence est forcément différente de la précédente : le signifié peut subir une altération de sens en relation avec le cotexte. (Magri-Mourgues et Rabatel 2015a, p. 10, je souligne)
65Assurément, les deux opérations de la répétition et de la reformulation attestent toujours un changement énonciatif. L’acte et la situation d’énonciation n’étant jamais duplicables, la répétition à l’identique est impossible. Reste que la différence dans l’identique n’est pas, comme nous le verrons dans la seconde partie sur la répétition performative, nécessairement à chercher dans les altérations sémantiques qu’apporterait le contexte toujours renouvelé. Je m’intéresserai donc ici aussi aux phénomènes de répétition qui n’apportent pas nécessairement de différence sémantique, et qui ont pour cette raison été peu et mal considérés, alors qu’il faut résolument adopter, pour leur rendre justice, une perspective pragmatique.
66Surtout, l’idée d’un continuum de la répétition qui s’étend du même à l’autre est maintenue. Dans le numéro de la revue Le Discours et la langue (Magri-Mourgues et Rabatel 2015b), on retrouve affirmée dans la présentation l’idée que la différence entre les deux types de répétition est graduelle et doit être relativisée :
Toute répétition est reprise, toute reformulation aussi, d’une autre façon. Il faut commencer par poser une frontière entre la répétition, définie par la réitération du signifiant et du signifié d’un segment de nature variable et la reformulation, définie par la réitération « du » signifié, mais non du signifiant […]. Toutefois, cette définition, qu’il est nécessaire de poser, au plan praticopratique, il est encore plus nécessaire d’en montrer la relativité. (Magri-Mourgues et Rabatel 2015b, p. 9, je souligne)
67L’idée de continuum semble rendre justice aux multiples nuances et dégradés du discours, celle d’une opposition duelle est repoussée comme manichéenne. Dans la perspective des auteurs, l’existence de formes hybrides remet en cause la pertinence de la frontière entre la répétition du signifié et celle du signifiant. Dans ma perspective, le maintien d’une indifférenciation entretient la méconnaissance de la capacité de la répétition exacte à contester la toute-puissance du sens conceptuel, et à faire accéder à un sens perceptif. La répétition exacte met en œuvre une signifiance perceptive, sensorielle, qui ne coïncide pas avec la signifiance ordinaire. Le concept d’« opposition participative » développé par Louis Hjelmslev (1972) permet de dépasser le préjugé négatif contre l’idée d’un dualisme réducteur. De fait, la distinction entre la répétition du signifié et celle du signifiant n’est pas exclusive mais participative, et elle admet donc des formes inclusives (voir chapitre 2).
3.3.2. Reformulation et modalisation autonymique
68La problématique de la reformulation-paraphrase (une problématique communicationnelle, qui l’envisage dans ses fonctions d’ajustement, d’élucidation, de précision, de correction, de justification, de structuration, etc.) a trouvé un prolongement énonciatif dans les travaux sur la réflexivité du dire et la « modalisation autonymique » (Authier-Revuz 1995). Le métadiscursif est envisagé comme « une expression dans sa singularité », comme « auto-représentation du dire articulée à l’existence, à la résistance du matériau signifiant », attentive au « grain et à la peau du dire » (ibid., p. 27). Mais là aussi, on constate que la répétition n’a pas trouvé la place qui lui échoit. Voici comment sont décrits les « mots qui ne vont pas de soi » dans l’introduction de l’ouvrage de Jacqueline Authier-Revuz :
Ces énoncés présentent un trait commun : en un point de leur déroulement, […] le signe, au lieu d’y remplir, transparent, dans l’effacement de soi, sa fonction médiatrice, s’interpose comme réel, présence, corps – objet rencontré dans le trajet du dire et qui s’y impose comme objet de celui-ci […]. (Authier-Revuz 1995, p. II)
69Cette description pourrait en tout point s’appliquer à la répétition intentionnelle. Avec une différence de taille cependant. Quelle autre forme que la répétition permet de multiplier le dire autonymique bien au-delà de deux ? Seule la répétition autorise des retours réflexifs par trois, quatre, voire par dizaines de fois. En cela, elle se distingue univoquement des formes de modalisation autonymique dites très justement de « dédoublement énonciatif », ainsi que de la réduplication en langue, limitée au redoublement. Par son absence de limite supérieure, la répétition induit par excellence, de manière indélébile, « l’irréductibilité, le non-effacement, la non-transparence du signifiant » (ibid., p. 28).
70Pourtant, elle occupe très peu de place dans l’ouvrage majeur d’Authier-Revuz. La limitation du sujet (immense !) est donnée d’emblée dans le sous-titre de l’ouvrage : Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire (je souligne). Ne sont prises en compte, comme formes de réflexivité, que « les non-coïncidences du dire », les formes qui portent la trace d’une hétérogénéité visible (hétérogénéité montrée) ou au contraire non dite (hétérogénéité constitutive). L’inventaire des formes autonymiques privilégie les formes hétérogènes :
[Les] aspects formels du dédoublement opacifiant du dire, c’est-à-dire du « comment » il se dit, [mettent] en œuvre, dans des constructions parfois spécifiques, des éléments hétérogènes d’ordre morpho-syntaxique (phrases complètes, indépendantes ou en incises, propositions circonstancielles, appositions, relatives, circonstants, adverbes, déterminants,…), typographique (guillemets, italiques, tirets de figement, points de suspension, doubles tirets et parenthèses,…) ou intonatif, discursif, […] selon un dégradé serré dans le degré d’explicitation du fait de l’autoreprésentation du dire. (ibid., p. 101-102, je souligne)
71La problématique du Même censément homogène, la tension entre altérité et identité ou « différence et répétition » (Deleuze 2011) se retrouve encore une fois reléguée à l’arrière-plan. Pour la majorité des locuteurs, la répétition est perçue comme « allant de soi ». Et c’est ce qui-va-de-soi qu’il faut justement questionner. « Toute répétition est déjà variation » (Genette 1999, p. 101). La répétition figurale doit être étudiée en tant que boucle réflexive du dire (voir les travaux de Marie-Albane Watine sur la réduplication). Le décalage entre forme simple et forme répétée n’est pas neutre, et fonctionne comme incitation voire injonction à l’interprétation. La coïncidence du dire à lui-même est ainsi souvent une non-coïncidence de point de vue (cas de « surénonciation » ou « sousénonciation », Rabatel 2007a), mais elle nous renvoie aussi bien souvent à la problématique de l’iconicité. Et l’iconicité, comme la non-coïncidence, se décline sous d’innombrables formes.
72Dans son ouvrage de 1995, Jacqueline Authier-Revuz distingue plusieurs formes de coïncidence (section « Figures de la coïncidence : le un dans la nomination », p. 550-598), et la plupart de ces formes ne comportent pas de répétition. La majorité des coïncidences autonymiques du dire décrites sont des commentaires méta-énonciatifs sans répétition (je souligne, dans tous les exemples qui suivent) :
(9) | On les a parqués, c’est le mot. (exemple cité p. 570) |
(10) | Ce type, il était à frapper, y’a pas d’autre mot, insupportable. (p. 571) |
(11) | La campagne s’achève dans un climat passionnel, je crois que le mot n’est pas trop fort. (p. 573) |
73Les marqueurs de modalisation autonymique signalent de manière explicite le type de coïncidence à reconstruire. En (9) et (10), il s’agit de « la seule nomination adéquate du référent » (p. 569) ; en (11) de « confirmation du dire » (p. 551), etc. La répétition, lorsqu’elle est mentionnée, n’apparaît qu’en tant qu’adjointe à des formes hétérogènes de modalisation autonymique (MA)21.
(12) | Ce type, il était fou à lier, je dis / fou à lier hé bien malgré ça […]. (exemple cité p. 552) |
(13) | Il me paraissait aller de soi que, si l’on parlait d’un être qui n’était pas déjà physiquement présent sous prétexte qu’il était en cours (je dis bien « sous prétexte »), ce dernier devrait, à tout le moins, en être informé. (Marguerite Gentzbittel, Madame le proviseur, exemple cité p. 553) |
74Or tous ces exemples peuvent être dits aussi par la seule figure de la réduplication :
(10’) | Ce type, il était à frapper, à frapper, insupportable. |
(12’) | Il était fou à lier, fou à lier. |
(13’) | Il me paraissait aller de soi que, si l’on parlait d’un être qui n’était pas déjà physiquement présent sous prétexte – sous prétexte ! – qu’il était en cours, ce dernier devrait, à tout le moins, en être informé. |
75On voit que la répétition immédiate – c’est la figure de la réduplication – ne se contente pas ici de marquer la coïncidence (10’ et 12’), elle peut aussi marquer la distance et l’écart (13’). La boucle réflexive de la répétition se contente de souligner la modalisation par l’expression répétée, sans donner à l’écrit aucune clé pour l’interpréter. Tout autre est la situation à l’oral, où, si l’imprécision reste programmée, la voix et l’intonation jouent un rôle de tout premier plan22. Si l’on excepte des travaux ponctuels, le lien entre répétition et modalisation autonymique est encore peu souligné. La répétition est la grande oubliée des formes de réflexivité.
*
Le syndrome de La Lettre volée
– Peut-être le mystère est-il un peu trop clair, dit Dupin.
– Oh ! bonté du ciel ! qui a jamais ouï parler d’une idée pareille.
– Un peu trop évident.
– Ha ! ha ! – ha ! ha ! – oh ! oh ! criait notre hôte, qui se divertissait profondément. Oh ! Dupin, vous me ferez mourir de joie, voyez-vous.
— Edgar A. Poe, La Lettre volée
76L’absence d’intérêt pour la répétition « à l’identique » tient à son statut d’évidence23 : parce qu’elle est toujours univoquement identifiable et délimitable, il est facile de penser qu’elle ne recèle aucune ambiguïté. C’est parce que le signifiant de la répétition « à l’identique » s’offre comme « même » à tous les regards, que les linguistes convaincus de l’arbitraire du signe s’en sont détournés. C’est ce que j’appelle le syndrome de La Lettre volée, en écho à la célèbre nouvelle d’Edgar A. Poe (Prak-Derrington 2013, 2015b). Dans cette dernière, le préfet de police en personne ne peut retrouver la lettre volée, parce qu’elle traîne au milieu du bureau de l’appartement du voleur, à la vue de tous exposée. Le mystère se doit d’être caché. Mais le mystère, au sens de « chose secrète »24, peut revêtir de multiples formes, y compris celle de la transparence. Il en va ainsi de la répétition « à l’identique ». L’absence visible de différence ne laisse pas de questionner. La répétition nous transporte au cœur d’une énigme qui laisse à l’écrit au seul destinataire le soin de la déchiffrer, celle de « l’autre du même » (Genette 1999, p. 101), de l’altérité dans l’identité.
77Contrairement aux figures de sens, à la reformulation, contrairement à la répétition sémantique, contrairement aux formes de non-coïncidences du dire, perçues d’emblée comme formes interprétatives, les fonctions dans l’identique de la répétition, à l’écrit, se dérobent : pourquoi aller chercher ce qui se cache dans le maintien du signifiant, si ce dernier est arbitraire ? Et comment modéliser et systématiser, à l’oral, l’implicite de la répétition exacte ? Dans tous les cas, il faut admettre que la reprise « à l’identique » est toujours motivée.
78La prise en compte très tardive de la répétition exacte en analyse des textes et des discours s’inscrit dans une tendance générale de la linguistique post-saussurienne, celle de la primauté du signifié sur le signifiant, induite par le principe de l’arbitraire du signe. On entre ici dans un débat sensible qui a fait l’objet jusqu’à un passé récent de controverses passionnées (voir par exemple Monneret 2003, et plus récemment Bohas 2016). Le chapitre suivant se propose de revenir sur l’histoire des rapports entre signifiant et signifié, et d’éclairer ainsi, à travers l’asymétrie qui a toujours caractérisé les deux faces du signe, l’opposition entre les deux types de répétitions.
Notes de bas de page
1 En français, voir Michaud et Morgenstern (2007), en allemand Ammann et Urdze (2007).
2 Voir en allemand Stolz (2007, p. 48), en français Michaud et Morgenstern (2007, p. 5).
3 Les exemples, de seconde main, ont été cités lors d’une conférence (Finkbeiner et Freywald 2015).
4 Le projet « Totale Reduplikation » dirigé par Thomas Stolz a montré que l’Europe était grosso modo divisée en deux : le Nord où la réduplication est peu représentée, le Sud où elle l’est beaucoup : « Europa ist […] ganz grob zweigeteilt in einen reduplikationsfeindlichen Norden und einen reduplikationsfreundlichen Süden ». En ligne : [http://www.fb10.uni-bremen.de/homepages/stolz/reduplikation.vbhtml].
5 « Les réduplications sont ancrées dans le domaine lexical et grammatical, tandis que les répétitions font plutôt partie du domaine stylistique ».
6 « Il était une fois deux lièvres assis entre la montagne et la vallée profonde, profonde ».
7 Par ailleurs, les travaux sur la répétition dans les interactions orales sont apparus dès la fin des années 1980 – l’ouvrage de Deborah Tannen (1987) en constitue le premier jalon – mais il a fallu attendre 2010 pour que se multiplient les publications sur la répétition en dehors des conversations.
8 « A text is not something that is like a sentence, only bigger; it is something that differs from a sentence in kind. A text is best regarded as a SEMANTIC unit: a unit not of form but of meaning » (Halliday et Hasan 1976, p. 2, majuscules dans le texte).
9 Un texte est « une suite d’unités linguistiques constituée par une chaîne ininterrompue [de substitution] pronominale ».
10 « Il faut entendre par récurrence le phénomène de répétition, c’est-à-dire de renvoi en arrière, de substitution ».
11 « Dans le cas le plus simple, on recourt au même lexème. Cette forme simple de reprise est souvent considérée comme peu satisfaisante sur le plan stylistique. Dans les textes spécialisés cependant, elle se révèle éventuellement indispensable pour des raisons de précision ».
12 On trouve une excellente synthèse et une mise au point détaillée des rapports entre cohésion et cohérence dans cet article de Mathilde Salles (2006).
13 « Dans la linguistique textuelle récente, dans laquelle, de plus en plus, le concept de texte s’est déplacé du signifiant vers le signifié, le concept de récurrence favorise les aspects qui se rapportent au contenu. […] C’est dans le cadre de cette évolution que l’on observe aussi que le terme de récurrence (ou bien les termes quasi équivalents de renvoi anaphorique et de substitution) se retrouve de plus en plus rarement au centre des travaux de linguistique ».
14 « En définitive, le problème de la cohérence textuelle ne peut s’expliquer par les phénomènes grammaticaux de mise en relation. La cohérence textuelle est un phénomène complexe, qui doit être considéré sous ses aspects grammaticaux, communicativo-pragmatiques mais avant tout sous ses aspects cognitifs ».
15 « La faculté humaine de découvrir des sens sous-jacents et d’exclure ou de résoudre les cas d’ambiguïté, si elle n’est pas encore suffisamment expliquée, demeure l’un des procès les plus étonnants et les plus complexes de la communication ».
16 « Il pleut. Donne-moi la Bible ».
17 Je cite ci-après la première édition (Sperber et Wilson 1986). Dans leur seconde édition, les auteurs recensent dans une postface (1995, p. 255-279) les mésinterprétations et les erreurs de la première édition.
18 « Tout se passe dans le signe (signifiant/signifié) comme si le signifiant était escamotable, escamoté et maintenu en même temps. Et le signifié prend toute la place » (Meschonnic 2002).
19 Mes premiers articles sur la répétition (Prak-Derrington 2005 et 2008) sont parus dans une revue et un ouvrage consacrés à la reformulation.
20 En ligne : [http://www.fabula.org/actualites/la-repetition-lexicale-approche-discursive-et-pragmatique_54097.php].
21 Avec deux exceptions cependant. Jacqueline Authier-Revuz mentionne le procédé de réduplication du substantif, comme dans « une femme-femme ; un café-café ; des robes-robes » (p. 525), sans le commenter. Elle consacre par ailleurs tout un passage à la nouvelle de Nathalie Sarraute sur la mort de Tchekhov et à la répétition des deux mots « Ich sterbe » (p. 596‑598).
22 Ces aspects sont traités dans le dernier chapitre, où l’on verra que la réduplication, parce qu’elle met en jeu les deux dimensions du dit et du dire dans l’énonciation, est un support privilégié du non-dit et de l’implicite.
23 Ces lignes ont été écrites avant que les travaux sur la répétition ne se multiplient.
24 Le sens courant de mystère est : « chose cachée, secrète » (Le Grand Robert de la langue française).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un dialogue atlantique
Production des sciences du langage au Brésil
Eni Puccinelli Orlandi et Eduardo Guimarães (dir.)
2007
Des sons et des sens
La physionomie acoustique des mots
Frederico Albano Leoni Philippe-Marie Théveny (trad.)
2014
Entre expression et expressivité : l’école linguistique de Genève de 1900 à 1940
Charles Bally, Albert Sechehaye, Henri Frei
Anamaria Curea
2015
Voix et marqueurs du discours : des connecteurs à l'argument d'autorité
Jean-Claude Anscombre, Amalia Rodríguez Somolinos et Sonia Gómez-Jordana Ferary (dir.)
2012