Chapitre 3
De l’élaboration théorique à la méthodologie de la recherche
p. 57-79
Texte intégral
1La mise au point d’un instrument d’observation, l’observation elle-même et le traitement des données qu’elle collecte impliquent quant à la population et aux opérations faites sur celle-ci, des choix que nous voudrions expliciter et raisonner ci-après. Cette explicitation et ce raisonnement tenteront d’une part de faire entrevoir les limites de l’univers d’observation et souligneront tout l’intérêt théorique de ces limites ; ils réfléchiront d’autre part les différentes modalités de l’analyse.
L’observation et les instruments de l’observation
2Le questionnaire1 reproduit en annexe (annexe 1) a été rédigé en vue d’une application à un échantillon représentatif. Il contient tous les points de passage auxquels on s’est astreint en cours d’entretien de manière à rendre comparables les informations qu’on y recueillait. Néanmoins, on en a fait généralement une utilisation souple et non limitative. C’est ainsi qu’on a fort développé dans un maximum de cas d’une part la collecte de tous les renseignements concernant le trajet de la famille, les expériences faites, la description des pratiques et d’autre part l’observation directe : visite des logements, des chambres des enfants, liste des jeux et des objets culturels possédés par la famille, observation des travaux faits par les enfants et conservés par les parents. Nous avons accordé un poids primordial à ces observations. L’utilisation du questionnaire suscita des réactions et des réponses diverses selon les classes sociales, nous avons dès lors tenté d’accéder aux principes qui les structuraient. Nous avons suggéré ailleurs comment en tenir compte pour élaborer l’analyse2.
Population observée et hiérarchie sociale : le traitement statistique
3Si le choix des quatre-vingts familles observées et analysées obéit à des impératifs pratiques, il importe surtout de souligner qu’il tend à renforcer la logique de distribution hiérarchique d’une population définie sur base de critères sociaux typiques.
Tableau 1. Répartition des familles : au départ de chaque origine sociale, les classes sociales de destination (en % et en chiffres absolus)
Professions des grands-pères paternels | |||||
Professions des pèresa | Classe sup. | Classe moy. | Classe ouv. | Non rép. (non répondants) | Total |
Cl. sup. | 91 % 22 | 39 % 11 | 16 % 4 | - | 46,2 % 37 |
Cl. moy. | 9 % 2 | 43,5 % 13 | 24 % 6 | 2 | 27,5 % 22 |
Cl. ouv. | - 0 | 17,5 % 5 | 60 % 15 | - 1 | 26,3 % 21 |
Total | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % | |
30 % 24 | 35 % 28 | 31,2 % 25 | 3,8 % 3 | 100 % 80 | |
a. Les classes supérieures regroupent les professions suivantes : 1) Industriel, profession libérale, magistrat, ingénieur, cadre supérieur, gros commerçant, gros agriculteur ; 2) Professeur d’université, licencié en psychologie, pédagogie, lettres, mathématiques, etc. Les classes moyennes regroupent les professions suivantes : 3) Cadre moyen, régent, instituteur, assistant social, infirmier A1, technicien A1 ; 4) Petit commerçant (boucher, boulanger), artisan (plombier zingueur), petit agriculteur ; 5) Employés subalternes du privé et du public. La classe ouvrière regroupe les professions suivantes : 6) Contremaître, ouvrier qualifié ; 7) Ouvrier non qualifié, manœuvre, femme d’ouvrage, travailleur temporaire. |
4Si on s’attache aux modalités – donc aux moyens possédés pour qu’elles s’accomplissent – au travers desquelles les familles autoreproduisent d’une génération à l’autre leur position dans la hiérarchie sociale et si on compare les taux d’autoreproduction3 propres à la population de la recherche avec ceux d’un échantillon représentatif de la population belge4 (voir tableau 2), on constate que, alors que les classes supérieures parviennent à maintenir dans leur position de classe 63,62 % de leurs enfants, cela se passe dans notre observation dans 91 % des cas. Néanmoins, si on sait d’une part que pour certaines fractions de la classe supérieure, le pourcentage de « notables » originaires de la classe supérieure peut monter à 80,4 % pour la magistrature, 78,3 % pour les beaux-arts, 76,7 % pour la diplomatie, 74,7 % pour les chefs d’entreprise, 70,9 % pour les dirigeants de banques et de holdings et 65,5 % pour les professions libérales, alors que globalement ces fonctions sont en expansion5 et d’autre part que le recrutement endogène augmente pour la fraction des cadres supérieurs en région wallonne et bruxelloise6, on peut alors sans doute affirmer que les groupes familiaux de classe supérieure provenant de classe supérieure qui ont été observés se rapprochent (étant donné les moyens dont ils disposaient pour assurer l’acheminement de leurs enfants vers une position supérieure dans la structure sociale) de la fraction supérieure de la classe supérieure. Pour les classes moyenne et ouvrière, l’accès aux classes supérieures est nettement augmenté. En effet alors que, dans l’échantillon représentatif, les membres de la classe moyenne ne parviennent pas à faire accéder leurs enfants dans la classe supérieure que dans 15,70 % des cas (pour les employés et fonctionnaires de rang subalterne) et 14,51 % des cas (pour les commerçants et artisans), cela est le cas parmi les familles de classe moyenne observées dans 39 % des situations observées ; quant aux membres de la classe ouvrière, les moyens qu’ils possèdent ne les autorisent à pénétrer dans la classe supérieure que dans 4,23 % des cas alors que cela se passe dans 16 % des cas parmi les familles observées. Cette surreprésentation est néanmoins particulièrement utile dans la mesure où elle permet paradoxalement une observation et une analyse des aspects les plus implicites des pratiques de groupes qui au cours de leur trajectoire nettement ascendante ont dû se débarrasser objectivement et subjectivement des pratiques en affinité avec leur position antérieure et leur groupe d’appartenance originelle. Quant au passage de classe ouvrière en classe moyenne, ou de classe moyenne en classe ouvrière, il se produit parmi les familles observées respectivement dans 24 et 17,5 % des cas, tandis que dans l’échantillon représentatif de la population belge, il se produit respectivement dans 25,21 et 18,06 % des cas (voir tableau 2). Enfin, si dans l’échantillon représentatif les ouvriers produisent des ouvriers dans 56,64 % des cas et les employés ou fonctionnaires de rang subalternes des employés subalternes dans 49,46 % des cas, les moyens possédés par les familles objet de notre analyse les ont contraintes lorsqu’il s’agissait de familles ouvrières de produire des ouvriers dans 60 % des cas et lorsqu’il s’agissait de familles de petits employés de produire des employés dans 54 % des cas.
Tableau 2. L’autoreproduction des divers groupes sociaux en Belgique : au départ de chaque origine sociale, les catégories socioprofessionnelles de destination7
Professions des pères des personnes interrogées | |||||||
Catégories prof. des pers. interr. | Ouvriers | Employés fonctionnaires rangs subalternes | Commerçants Artisans | Cadres fonct. rang sup. Prof. lib. Chefs entr. | Agriculteurs | Autres | Total père |
Ouvriers | 56,64 % | 18,06 % | 21,78 % | 4,02 % | 30,12 % | 54,55 % | 37 % 1314 |
Employés fonct. subalternes | 25,21 % | 49,46 % | 26,19 % | 20,6 % | 16,77 % | 9,09 % | 26,5 % 934 |
Commerçants Artisans | 12,44 % | 14,62 % | 33,33 % | 8,04 % | 11,28 % | 9,09 % | 15,5 % 554 |
Cadres fonct. rang sup. Prof. lib. Chefs entr. | 4,23 % | 15,7 % | 14,91 % | 63,32 % | 5,19 % | 9,09 % | 11,2 % 390 |
Agriculteurs | 1,15 % | 1,72 % | 2,68 % | 1,01 % | 35,46 % | - | 8 % 283 |
Autres | 0,32 % | 0,43 % | 1,17 % | 3,01 % | 1,19 % | 18,18 % | 0,8 % 30 |
Total | 100 % 1559 44 % | 100 % 465 13,5 % | 100 % 597 17 % | 100 % 199 5,7 % | 100 % 674 19,5 % | 100 % 11 0,3 % | 100 % 3505 100 % |
5En situant notre univers d’observation par rapport à un échantillon représentatif de la population belge, on a souligné à la fois les limites et l’intérêt des choix que nous avons faits. L’absence de représentativité ne rend pas par ailleurs non pertinent le recours à la statistique. Il s’agit en effet, de détecter les moyens sociaux, culturels et économiques que les diverses familles possèdent en fonction de leur appartenance, trajet et position de classe dans la structure sociale, d’analyser comment elles les utilisent, de quelle manière ces moyens différenciés et hiérarchisés informent les pratiques, par quelles stratégies de transmission s’opère la mise en trajet et position des descendants. Dans un premier temps dès lors, le comptage et la technique statistique ont été utilisés pour permettre une saisie quantitative différenciée des instruments d’appropriation durable dont disposent, selon leurs divers capitaux, les familles des diverses classes et fractions de classe pour d’une part s’assurer ou ne pas s’assurer un degré de pouvoir sur les mécanismes conférant les attributs du pouvoir et pour d’autre part rendre ou ne pas rendre possibles des stratégies d’accumulation, d’épargne ou de défense passive8. En vue de ce traitement on a codé les observations à partir d’indicateurs de l’appartenance de classe et de la détention de moyens ou de capitaux de diverses espèces. Pour chaque groupe familial, 73 caractéristiques objectives ont été relevées. Celles-ci concernaient la famille restreinte et étendue considérée sous le rapport du trajet économique, social et culturel et de la position de classe.
6Dans un deuxième temps, la technique statistique a servi d’une part à l’appréhension du système des différences objectives entre les groupes familiaux et d’autre part au raffinement de l’appartenance de classe en termes de fractions de classe. Dans un troisième temps, si et puisque le système des différences objectives entre les groupes familiaux des diverses classes se trouve obéir à une logique polarisée par trois positions génériques (i. e. supérieure, moyenne, inférieure), on a interprété ce que la statistique explicitait en recourant à des concepts qui obéissent à une logique d’appropriation inégalitaire et hiérarchisée des moyens de pouvoir économique, social et culturel distribuée dans un champ théorique tripolaire : appropriation accumulatrice, dépossession totale ou limitée, appropriation limitée. Ce traitement ne trouve néanmoins son accomplissement que dans un quatrième temps. En effet, si le traitement statistique des familles observées en fonction de leur appartenance à une classe ou à une fraction de classe permet d’appréhender systématiquement les conditions inégales et hiérarchiques de possibilité dans lesquelles elles se trouvent faire des stratégies de transmission, on ne peut oublier que notre observation en accentuant les clivages sociaux peut fonder une analyse théorique. La validité de cette dernière est toutefois limitée par le fait qu’elle s’applique à des positions particulières de la structure sociale. Celles-ci ne sont pas à copier « pour connaître la vérité de la collection tout entière, mais sont à considérer comme des éléments privilégiés d’un groupe de transformations »9. En fait, puisque nos observations accentuent – par comparaison avec des données représentatives de la population belge – soit les caractéristiques de classe des groupes, soit les caractéristiques de déplacement social, elles permettent un raisonnement et une analyse théoriques portant sur la structure des relations entre les positions, les caractéristiques des positions et des trajets, et les stratégies de transmission culturelle de groupes familiaux situés en des points que balise et délimite, dans le champ culturel, la topologie sociale des positions des classes. Bref et pour dire vite, les groupes familiaux de classe supérieure sont pour la plupart de la fraction supérieure de la classe supérieure, les groupes familiaux de classe ouvrière accentuent dans leur ensemble les caractéristiques dominées de cette classe, les familles de classe moyenne possèdent globalement des caractéristiques strictement moyennes et les familles qui se déplacent d’une position à une autre ont vraiment un trajet extraordinaire par rapport à leur classe d’origine. Dès lors on peut dire que si quantitativement les tendances sont renforcées dans nos observations et si ces observations ne sont donc pas quantitativement représentatives, il n’en demeure pas moins (et cela est utile pour l’analyse théorique) qu’elles sont sociologiquement représentatives de la logique hiérarchique et inégalitaire d’appropriation, de distribution et d’utilisation des moyens du pouvoir social, culturel et économique par les diverses classes, fractions et groupes. Cela explique les clivages particulièrement nets que font apparaître les tableaux statistiques, mais cela permet au raisonnement de s’exercer de façon plus heuristique et de pouvoir travailler, après avoir effectué maints dépouillements, sur les facteurs qui discriminent le plus nettement les familles de la population observée : la position sociale (mesurée à la profession et aux études du chef de famille), le trajet social de la lignée paternelle (mesuré par la comparaison entre la profession actuelle du chef de famille et celle exercée en fin de carrière par son père), le trajet social de la famille (mesuré au travers de la comparaison entre la première et la dernière profession de son chef), le capital social (profession et relations du chef de famille [et] de son épouse, de leurs père, mère, frères et sœurs respectifs) et le capital culturel possédé (études du chef de famille [et] de son épouse : M, P et M de leurs père, mère, frères et soeurs respectifs : GPP, GPM, GMP, GMM, Fs et Gs). De plus, ces critères ont permis de repérer, à l’intérieur de la division par classes, une sous-division par fractions de classe (e. g. fraction supérieure et fraction inférieure de la classe supérieure) qui renvoyait en fait à des trajets différents et à la possession de moyens culturels, sociaux et économiques différents.
7Comme les tableaux suivants le montrent notre population est structurée par des rapports sociaux inégalitaires et hiérarchiques, qui construisent une structure de domination qui n’apparaît que si on ne se contente pas de saisir le poids de chaque facteur isolément, mais si on « appréhende synoptiquement et exhaustivement le système des relations entre les relations révélées par un ensemble de tableaux statistiques »10 et que si on tient compte « de l’efficacité proprement structurale du système des facteurs »11. Pour baliser empiriquement et théoriquement le terrain d’analyse, on a choisi de limiter la présentation du système des différences qui séparent les groupes familiaux observés, à la possession ou à la non-possession des moyens rendant possibles différentiellement et hiérarchiquement les stratégies de transmission culturelle : le capital culturel, le capital social, le capital économique, la position et le trajet.
Tableau 3. L’appropriation des femmes selon leur niveau d’études par les hommes en fonction de leur niveau d’études
Études de la mère | |||||
Études du père | Sup. univ. Sup. non univ. | Secondaires complètes | Moy. inf. complètes | En dessous de moy. inf. | Total |
Sup. univ. Sup. non univ. | 86,3 % 19 | 54,2 % 13 | 23 % 3 | 43,7 % 35 | |
Secondaires complètes | 13,7 % 3 | 33,3 % 8 | 30,9 % 4 | 5 % 1 | 20 % 16 |
Moy. inf. complètes | 4,2 % 1 | 30,9 % 4 | 10 % 2 | 8,7 % 7 | |
En dessous de moy. inf. | 8,4 % 2 | 7,7 % 1 | 85 % 18 | 26,2 % 21 | |
Total | 27,5 % 22 100 % | 30 % 24 100 % | 16,2 % 13 + 1 (Non rép.) 100 % | 26,2 % 21 100 % | 100 % 80 |
8Ainsi (tableau 3), les hommes dotés d’études supérieures12 parviennent à s’approprier 86 % des femmes possédant un diplôme d’études supérieures et 54 % des femmes munies d’un diplôme d’études secondaires complètes13, les hommes ayant un diplôme en dessous des moyennes inférieures sont contraints de prendre 85 % des femmes munies d’un diplôme identique, les hommes pourvus d’un diplôme d’études secondaires complètes ou de moyennes inférieures « se disputent » l’appropriation des femmes d’un niveau au plus identique au leur. Cette structure inégalitaire des conditions de possibilité des stratégies de transmission culturelle s’aperçoit encore si on examine les liens d’affinité entre les études du père et de la mère (chef de famille et de son épouse) et le trajet social de la lignée paternelle. On constate en effet alors pour les familles observées qu’une trajectoire sociale intergénérationnelle à l’intérieur de la classe supérieure est en affinité avec des pères et mères ayant un capital culturel élevé et que ces deux conditions se cumulant, on se trouve dans les conditions les meilleures pour « faire » des stratégies de transformation culturelle caractérisée par l’accumulation et l’innovation. Une trajectoire sociale qui passe en deux générations de la classe moyenne ou de la classe ouvrière à la classe supérieure est au contraire bien qu’extraordinaire, caractérisée par sa subordination relative à la fraction supérieure de la classe supérieure. Les groupes accomplissant une telle trajectoire seront analysés dans la troisième partie de ce travail. Enfin un trajet social à l’intérieur de la classe moyenne est en affinité avec un capital culturel moyen et est à la base de stratégie d’investissement et d’auto-exploitation en vue d’arriver à terme à posséder un capital culturel reconnu. À l’opposé, on voit que le trajet social à l’intérieur de la classe ouvrière est en stricte affinité avec la relégation et la non-possession des moyens culturels aptes à limiter la domination.
Tableau 4. Le trajet social de la lignée paternelle et les études du chef de famille et de son épouse : P et M14
Études P + M | Trajet social GPP-P | ||||||||||||
P | M | Sup.-sup. 22 Sup.-moy. 2 | Moy.-sup. 11 Inf.-sup. 4 | Moy.-moy. 12 Inf.-moy. 6 | Inf.-inf. 15 Moy.-inf. 5 | N. rép. | Total | ||||||
Sup. Sup. Sec. | Sup. Sec. Sup. | 14 7 1 | 91,6 % | 5 4 | 60 % | 0 3 | 16,7 % | 0 % | 19 14 1 | 43,8 % | |||
Capital cult. sup. | 22 | 9 | 3 | 0 | 1 | 35 | |||||||
Sup. Sec. Sec. | Inf. Sec. Inf. | 1 | 4,2 % | 1 3 1 | 33,3 % | 1 4 4 | 50 % | 9 % | 3 7 5 | 20 % | |||
Capital cult. moy. | 1 | 5 | 9 | 0 | 1 | 16 | |||||||
Inf. Inf. | Sec. Inf. | 1 | 4,2 % | 1 | 6,7 % | 1 5 | 33,7 % | 0 20 | 100 % | 3 25 | |||
Capital cult. inf. | 1 | 1 | 6 | 20 | 1 | 29 | 36,2 % | ||||||
Total | 24 | 100 % 30 % | 15 | 100 % 18,8 % | 18 | 100 % 22,5 % | 20 | 100 % 25 % | 3 3,7 % | 80 | 100 % | ||
9Si on prend en considération le capital social et le capital culturel détenus par les lignées paternelles et maternelles (i. e. : les GPP, les GPM et les P et M), on constate une affinité structurale entre la structure d’appropriation du capital social et du capital culturel (tableau 5). On aperçoit sans doute là le fondement qui nous autorise à penser la structuration théorique et empirique de notre analyse dans un champ culturel tripolaire : accumulation-innovation, effort-épargne, dépossession-survie (tableau 5) qui contient des variations structurales en fonction des trajets qui y conduisent (tableau 4 et tableau 1), du capital culturel spécifique produit par l’alliance de l’homme et de la femme (tableau 3) et du capital économique détenu par les groupes (tableau 6). Pour apprécier le capital économique des familles, nous avons adopté, étant donné que les entretiens ne nous avaient pas permis une mesure exacte et chiffrée, mais seulement une évaluation grâce aux signes extérieurs de richesse et aux professions exercées, comme cadre de référence les dernières statistiques fiscales portant sur le revenu total net imposable par groupe socioprofessionnel du déclarant en 197015. Notre raisonnement s’est appuyé sur la répartition des groupes professionnels selon les tranches de revenu et il s’est élaboré à partir des fréquences cumulées qui font apparaître les positions relatives des groupes.
Tableau 5. Répartition des familles selon le capital social détenu et en fonction du capital culturel détenu par les lignées paternelles et maternelles16
Capital social des familles | ||||||||
Capital culturel des familles | Classe sup. | Classe moy. | Classe ouv. | Total | ||||
Classe sup. | 20 74 % | 71,4 % | 6 22,3 % | 27,3 % | 1 3,7 % | 3,4 % | 27 100 % | 33,7 % |
Classe moy. | 8 28,6 % | 28,6 % | 16 57,2 % | 72,7 % | 4 14,2 % | 13,3 % | 28 100 % | 35 % |
Classe ouv. | 0 0 % | 0 % | 0 9 % | 0 % | 25 100 % | 83,3 % | 25 100 % | 31,3 % |
Total | 28 35 % | 100 % | 22 27,5 % | 100 % | 30 37,5 % | 100 % | 80 | 100 % |
Tableau 6. Les groupes socioprofessionnels de déclarants selon les tranches de revenus totaux nets imposables (fréquences cumulées)
En milliers de francs | Pensionnés | Agriculteurs | Salariés | Sans prof. | Horticulture | Services | Commerce | |
1 | 30 30-50 50-70 70-100 | 9,2 36,8 56,4 72,9 | 1 9,3 35,5 61 | 7,3 14,5 25,9 48,4 | 17,2 35,5 49,2 63,5 | 0,5 5,6 27,5 48,3 | 0,6 4,6 14,9 33,4 | 0,1 3,2 12,1 27,8 |
5 | 100-150 | 87 | 84,6 | 84,2 | 77 | 71,6 | 57,2 | 52 |
6 | 150-250 | 95,7 | 97,2 | 98,7 | 88,4 | 91,1 | 80,3 | 77,6 |
7 8 | 250-500 500-1000 | 99,3 99,9 | 99,7 99,9 | 100 - | 96,3 98,8 | 98,4 99,8 | 95,6 99,2 | 94 98,6 |
9 | 1000 | 100 | 100 | - | 100 | 100 | 100 | 100 |
Total | 319 788 10,2 % | 71 816 2,3 % | 1 408 567 45,1 % | 36 364 1,2 % | 9 610 0,3 % | 72 292 2,3 % | 119 895 3,8 % | |
En milliers de francs | Appointés | Industrie Artisanat | Autres prof. lib | Associés | Avocats Notaires | Administrateurs | Médecins Dentistes | |
1 2 3 4 | 30 30-50 50-70 70-100 | 4,9 8,6 13,3 23,8 | 0,2 2,2 8,9 22,5 | 0,5 4 10,7 22,3 | 0,1 1,4 4,6 9,9 | 1,1 3,1 4,1 7,7 | 1 2 3,4 5,9 | 0,4 1 1 2,3 |
5 | 100-150 | 48,8 | 48,8 | 39,5 | 25,1 | 16,1 | 12,5 | 5,2 |
6 | 150-250 | 80,8 | 79,7 | 62 | 51 | 33,5 | 27 | 11,6 |
7 8 | 250-500 500-1000 | 96,9 99,5 | 96 99,2 | 87,6 97,9 | 80,3 94 | 59,6 82 | 52,6 77 | 33,7 75,2 |
9 | 1000 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Total | 891 458 28,5 % | 106 758 3,4 % | 21 175 0,7 % | 34 603 1,1 % | 4 181 0,1 % | 14 905 0,5 % | 12 951 0,4 % |
N = 3 124 363
Population observée et biographie sociale : le traitement graphique
10Puisque la statistique recompose, en fonction de la variable choisie (e. g. profession du père, du grand-père, études du père, de la mère, etc.) des agrégats à chaque fois composés différemment et que le découpage statistique tend souvent à annuler « des unités concrètes comme la génération, la biographie et la carrière »17, bref l’histoire culturelle, sociale et économique du groupe familial et de la classe ainsi que les effets propres de cette histoire, ne risque-t-on pas comme le disait déjà M. Halbwachs « de superposer aux groupes réels des groupes fictifs qui ne paraissent correspondre aux premiers que parce qu’ils ne sont que ces premiers en effet, mais privés d’une grande partie de leur contenu. Est-on bien sûr alors que ce qu’on a ainsi écarté pour des motifs de simplification n’était pas l’essentiel, ce sans quoi on ne peut comprendre et expliquer la réalité ? »18. Pour pallier ce risque on a pensé qu’il était utile d’employer un procédé – complémentaire aux données statistiques – qui d’une part ferait apparaître clairement et systématiquement les données objectives de l’histoire sociale et culturelle des groupes familiaux et d’autre part maintiendrait l’unité et la cohérence historique et théorique contenues dans le déroulement de la vie des groupes et appréhendées par les concepts descriptifs et théoriques de position économique, sociale et culturelle de classe et de trajet. L’utilisation d’un procédé qui permet d’appréhender synthétiquement ainsi que de manière ordonnée hiérarchiquement et structuralement l’ensemble des caractéristiques des groupes familiaux selon leur classe sociale, des groupes familiaux à l’intérieur d’une même classe sociale, et de l’histoire réelle de chaque groupe familial dans son trajet singulier19 est d’autant plus impérative qu’il faut dans un second temps relier les pratiques éducatives (qui ont été saisies grâce à l’observation ethnologique et aux entretiens prolongés) de chaque famille à l’histoire socioculturelle de chaque groupe, classe et fraction de classe, bref à la position et à la trajectoire de classe. Si on veut dès lors parvenir à rendre compte des processus sociaux et de l’engendrement des pratiques (i. e. le modus operandi) éducatives et de transmission culturelle et sociale, il faut disposer d’un instrument technique qui n’isole pas les différentes caractéristiques des agents, mais qui au contraire permet d’en saisir la structuration historique globale. Une seule des caractéristiques des agents (même croisée systématiquement avec une série d’autres), d’une famille de telle classe ou fraction de classe ne donne pas à voir – empiriquement et théoriquement – tout ce que le groupe familial a ou n’a pas accumulé par ses pratiques, ou n’a pas acquis au travers de son histoire, et ne permet pas d’apercevoir la manière selon laquelle les acquisitions sociales, culturelles, économiques ont ou n’ont pas été possibles. Atomiser les variables, c’est donc aussi atomiser les conditions de possibilité qui permettent à un groupe d’accumuler, de ne pas accumuler, d’être en train d’accumuler des moyens pour s’en servir dans ses stratégies de transmission. Ainsi donc malgré la relative non-représentativité statistique des observations, l’originalité du traitement des données paraît résider dans le souci de tenir ensemble dans un premier temps à la fois l’ensemble des caractéristiques objectives dont, en fonction de sa position et trajet de classe, chaque famille dispose pour agir ses pratiques et dans un second temps l’ensemble des processus au travers desquels s’engendrent des pratiques socioculturelles qui confèrent aux agents leurs caractéristiques et les modifient continûment. C’est seulement en pouvant saisir d’une part le cumul des caractéristiques dont dispose un groupe pour agir et d’autre part comment il a été doté de ses caractéristiques qu’il devient possible d’interpréter sociologiquement les pratiques éducatives et les stratégies de transmission sur les enfants. Pour satisfaire à ces exigences, on a utilisé un procédé repris à Jacques Bertin20 : le traitement graphique d’un problème à plus de trois composantes au travers d’une matrice ordonnable à permutation des lignes et des colonnes. Cette matrice qui permet la simplification ordonnée des composantes qualitatives par la diagonalisation du diagramme21 fait aussi apparaître les relations d’ordre entre les diverses composantes22. En se fondant sur les principes de Jacques Bertin, on a construit un instrument manuel (des dominos à assembler et à permuter) qui a permis de manipuler 61 objets (e. g. les groupes familiaux) sur 31 caractéristiques objectives de base23. Les 61 familles sont portées en x et les 31 indicateurs de base en y. Chaque famille est ainsi identifiée au travers de 31 caractéristiques concernant les moyens sociaux et culturels qu’elle possède ainsi qu’à partir de sa position et de son trajet. Par manipulations successives (dont des photos prises à différents moments peuvent rendre témoignage), des affinités se sont dégagées qui ont conduit à l’élaboration d’un diagramme. On a pu ainsi objectiver et saisir visuellement de façon ordonnée et hiérarchique les relations entre les indicateurs en y, les trois classes sociales (i. e. supérieure, moyenne, ouvrière) de base et les familles en x. Le diagramme se lit dès lors de la façon suivante :
- à chaque colonne correspond une des familles observées.
Ces familles sont regroupées en trois classes sociales selon la profession du père. Chaque famille est identifiée par un numéro d’ordre qui renvoie aux fiches d’observation et de dépouillement de l’entretien qu’on a eu avec elle (fiches à perforation marginale) ainsi qu’au fichier général répertoriant l’ensemble des familles selon des principes de classement sociologique). De l’extrême gauche à l’extrême droite, on va des familles qui cumulent le plus de caractéristiques supérieures aux familles qui sont soumises au maximum de caractéristiques inférieures ; - à chaque ligne correspond chacune des 31 caractéristiques objectives permettant de spécifier la position ou le trajet social et culturel du groupe familial, bref ses moyens d’appropriation ou de non-appropriation du pouvoir social et culturel. Ces caractéristiques sont signalées par des sigles Profession, Études, Capital professionnel et culturel (des parents, des frères et sœurs du père et de la mère). Moyens accessoires (cours et sessions, participation à des associations, conditions de logement) et elles sont regroupées selon ces divers champs afin de permettre d’apercevoir les correspondances ou les discordances entre ces champs (e. g. les professions et les études) ;
- enfin dans le diagramme :
- un carré blanc indique une caractéristique de type supérieur ;
- un carré hachuré indique une caractéristique de type moyen ;
- un carré noir indique une caractéristique de type inférieur ;
- un carré en pointillé indique soit la non-possession du renseignement, soit la non-existence de cette caractéristique (e. g. le père est enfant unique).
11Le diagramme permet donc d’objectiver et de tenir toujours présents à la vue, à la mémoire et au raisonnement sociologique les moyens dont disposent les familles d’abord selon leur regroupement en classes, ensuite à l’intérieur d’une même classe selon un regroupement en fractions (e. g. dans la classe supérieure les familles qui ont le plus de hachuré ou de gris foncé), enfin selon un regroupement rendant possible l’appréhension visuelle et sociologique des variations structurales des moyens dont disposent les familles (comparaison ordonnée des moyens dont disposent les familles d’une même classe – variations internes à la classe – ou comparaison de familles appartenant à des classes différentes et empruntant des trajets différents – variations externes à la classe –). On a systématiquement utilisé l’ensemble des possibilités offertes par le diagramme pour construire la troisième partie de ce travail, et on a pu grâce à lui repérer les familles 46, 29, 57 qui font l’objet de l’analyse monographique (deuxième partie).
12Le diagramme, s’il permet non seulement de repérer, mais aussi de tenir sans cesse compte des affinités entre les caractéristiques sociales et culturelles dans les diverses classes sociales ou encore de distinguer dans chaque classe au minimum une fraction supérieure et inférieure (voire parfois moyenne) oblige par ailleurs à opérer une lecture interne de chaque famille et groupe de familles en décomposant la colonne. La décomposition de la colonne ou mieux sa lecture synthétique conduit en effet au repérage d’une part du type de trajets – stable, montant, descendant – de la famille (e. g. les professions et les études des grands-parents paternels et maternels, comparées à celles des pères et mères ainsi que celles des pères et mères comparées à celles des frères et sœurs afin de situer la position des pères et mères dans leurs familles, et enfin celles du père comparées à celles de la mère) et d’autre part des moyens primordiaux qui ont permis ce trajet et l’accès à cette position (e. g. la continuité ou la tension entre les professions et les études qui sont aisément repérées grâce aux lignes horizontales). De plus en combinant ces lectures successives en une appréhension simultanée, on est amené à faire diverses constatations. À l’intérieur de chaque classe, on trouve à gauche les familles disposant des moyens les plus puissants et à droite les familles disposant des moyens les plus faibles. Cependant les familles situées à droite de chaque partie verticale du diagramme sont aussi pour la classe supérieure et la classe moyenne les familles qui viennent d’entrer dans la classe et donc celles qui ont un trajet ascendant. Les familles situées à gauche dans la classe moyenne et ouvrière sont aussi celles qui ont un trajet descendant. On consultera en annexe 2 la répartition des familles (identifiées par leur numéro) selon les classes et les fractions de classe. Cette objectivation graphique des caractéristiques (ordonnées et hiérarchisées) de position et de trajet des familles selon leur appartenance de classe contraint d’analyser les pratiques et les stratégies de transmission en les rapportant sans cesse à leurs conditions dynamiques de possibilité. On peut sans doute affirmer que la visualisation par le diagramme des caractéristiques de classe des familles, une fois qu’elle est appréhendée sociologiquement et intériorisée par le sociologue constitue un outil de rupture, rappelle sans cesse la nécessité de la rupture sociologique et contribue à construire sociologiquement l’objet d’analyse. Cette visualisation-produit de la démarche sociologique et intériorisée par le sociologue le contraint en effet à situer chaque pratique et comportement, chaque système de pratiques et d’habitudes (habitus, ethos, hexis, goût) telles qu’elles auront été organisées par le dépouillement et la mise en ordre des pratiques observées et/ou relevées grâce aux entretiens (voir ci-après) en relation avec les moyens de la position et du trajet de chaque classe, fraction de classe et famille. L’ensemble des techniques utilisées rend possible le cumul des apports respectifs des tableaux statistiques, du diagramme24, des fiches d’observation (e. g. les plans des logements, les horaires, les listes des matériels culturels possédés par les familles), des fiches de dépouillement des pratiques (i. e. dépouillement des entretiens et des observations ethnologiques) ; il oblige à tenir ensemble les éléments suivants :
- ce que disent les agents à propos de ce qu’ils font ;
- ce que font les agents ;
- l’ensemble des caractéristiques historiques, sociales, culturelles et économiques des agents ; caractéristiques objectives qu’ils « oublient » et qui se transforment en acquis, dons, incapacités, manques, efforts.
Diagramme 1

13Ces éléments donnent à appréhender le décalage possible entre l’idéologie quotidienne des agents et leurs pratiques effectives.
Population observée et pratiques de « formation » des enfants : le traitement des entretiens
14Lorsqu’on était en possession des données objectives maintenues dans la logique réelle (e. g. non atomisée) du trajet et de la position d’une famille, d’une fraction de classe, d’une classe, il restait à organiser les pratiques de transmission des agents (individus, groupes). Cette organisation devait entre autres permettre de s’interroger en termes de mode de production, de fonction, de déroulement et d’effets de telles pratiques sur les caractéristiques des enfants et l’habitus qu’ils intériorisent. Elle devait déboucher sur l’explicitation de la valorisation et de la relégation qui qualifie socialement des processus et résultats d’apprentissages différenciés. À cet effet, on a traité l’information de la manière suivante :
- Après avoir défini la logique objective du trajet et de la position du groupe, on a repéré et relevé les expériences et les pratiques par l’intermédiaire desquelles ces caractéristiques possèdent et sont possédées par les agents. On a classé ces pratiques et ces expériences en fonction des composantes économiques, sociales, culturelles et symboliques du trajet et de la position puisque théoriquement et épistémologiquement, le poids théorique et pratique qui ordonne l’analyse sociologique est attribué à ces composantes. Ainsi face à la constatation d’un trajet ascendant, on a établi des fiches codées qui identifient les moyens de cette ascension soit l’effort culturel par cours du soir ayant une rentabilité professionnelle (e. g. fraction supérieure de la classe ouvrière, et la classe moyenne) soit l’effort manuel de travail par prestation d’heures supplémentaires (e. g. fraction moyenne de la classe ouvrière). Pour accomplir systématiquement cette mise en ordre, on a fabriqué au fur et à mesure que progressait notre lecture ou relecture des entretiens un codage qualitatif qui, inséré dans la marge de ceux-ci, répertoriait les expériences et pratiques en affinité avec un trajet et une position définies. Ce faisant, on a constitué au fur et à mesure des nécessités et possibilités un stock ordonnable de fiches à perforation marginale25 et on a modifié le classement du fichier général en fonction de l’objet spécifique traité ainsi que des variables posées comme explicative (position, trajet intergénérationnel, trajet intragénérationnel).
- Ayant classé les pratiques et expériences en affinité avec les divers types de trajet et de position, on a élaboré des catégories de classement regroupant des systèmes de pratiques qui déterminés par le trajet et la position fonctionnent comme médiation structurante des pratiques de « formation » de l’habitus et des caractéristiques des enfants. On a ainsi utilisé la série classique des inventaires ethnographiques dont la liste suivante est seulement exemplative : les horaires et l’utilisation du temps par les membres de la famille et du groupe (e. g. temps contraint et temps libre), la division des tâches domestiques et éducatives, le poids des tâches domestiques et de travail, la définition des divers âges de la vie et des sexes, les fréquentations (nombre et caractéristiques), les déplacements culturels ou autres, la maîtrise ou la non-maîtrise (e. g. sécurité, insécurité) sur l’avenir, l’organisation et l’utilisation du logement et de l’espace, les rythmes et lieux de la vie quotidienne de travail, de détente, de repos, la liste des objets culturels possédés ou non possédés, la participation ou la non-participation à des associations, le rapport à l’argent (salaire, épargne, dépenses) et la morale du groupe26. On a pris soin à l’occasion de ces regroupements de faire des allers-retours entre les divers systèmes de pratiques ainsi établis et avec la position et le trajet afin d’une part de préciser et d’affiner le rapport social, son engendrement et ses effets et d’autre part d’appréhender le principe qui les structure (modus operandi), donc les relations qui leur confèrent une cohérence pratique27.
- Enfin, l’objet de l’analyse étant la construction du système des pratiques de transmission28, de leur mode de production, d’action et d’effet, il était nécessaire dans l’établissement du répertoire des pratiques éducatives ou plus généralement de « formation » des enfants de travailler « sur des séquences d’actions non coupées de l’ensemble des conditions concrètes qui appellent leur mise en œuvre dans la pratique » ainsi que sur des « configurations suffisamment complexes d’actions et de réactions, observées dans des situations vraiment significatives pour la vie sociale du groupe »29 afin d’être en mesure d’une part de saisir les fonctions de ces systèmes de pratiques et d’autre part d’appréhender les relations (cohérence pratique, interdépendance, contradiction) entre ces systèmes de pratiques, l’habitus et les déterminismes producteurs30. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il faut non seulement reconstruire la logique objective des pratiques en les resituant dans la hiérarchie de la structure sociale, mais aussi la logique propre à la position afin d’éviter l’ethnocentrisme31. Le codage qualitatif des pratiques éducatives qui regroupaient des séquences complexes d’action permet à la fois de décrire systématiquement les diverses pratiques de « formation » des enfants et les liens qu’elles entretiennent entre elles. En s’articulant sur les deux étapes précédentes et l’analyse des conditions objectives de la position et du trajet de la famille et de la classe (par le diagramme 1 et les tableaux statistiques), ce schème de description s’établit dans tous les cas entre autres autour des axes suivants : qui fait quoi, avec qui, à quel moment, dans quels lieux, avec quels moyens précis (temps, matériel), dans quelle relation, à propos de quelles circonstances, dans quelles conditions sociales, culturelles, économiques médiates et immédiates, le caractère ordinaire, extraordinaire, exceptionnel, routinier de la pratique32.
15Le regroupement des pratiques de formation a par ailleurs été réalisé en se demandant si les pratiques observées relevaient d’une compétence spécifique qui renvoie à un capital culturel et à une aisance ou si au contraire elles prolongeaient de manière médiate ou directe des contraintes quotidiennes et des urgences vitales. Il a été de plus opéré en tenant compte des contradictions internes apparentes et de la cohérence pratique, ce qui a permis et l’ordre pratique et hiérarchique d’une part entre les divers systèmes de pratiques33 (e. g. les pratiques scolaires, de jeu, de socialisation, d’apprentissage) et d’autre part entre ces systèmes de pratiques, la médiation structurante (e. g. définition des âges, division des tâches, etc.), le trajet et la position. Au fur et à mesure que ces manipulations et classements analytiques des pratiques de formation se réalisaient, on découvrait, comme dit Lévi-Strauss « des corridors et des passages »34, bref les principes qui les structurent dans l’unité ou la diversité, dans l’interdépendance ou l’ambiguïté et qui en constituent l’économie générale.
Notes de bas de page
1 Pour l’élaboration du questionnaire, nous devons beaucoup à Jean-Claude Chamboredon et Jean-Yves Prévoit du Centre de sociologie européenne à Paris. Nous les en remercions. Sur les étapes de l’élaboration du questionnaire, consulter : Georges Liénard et Émile Servais, Les inégalités culturelles dans la petite enfance, UCLouvain, centre de sociologie urbaine et rurale (CSUR), 1972, rapport de recherche, t. 1, p. 78-79.
2 Ibid., p. 1-35.
3 Le taux d’autoreproduction mesure les chances pour une descendance de demeurer dans la même catégorie que les pères. Il est un indicateur du fait qu’une famille, un groupe, une classe, non seulement possède les moyens nécessaires, mais aussi réussit à les utiliser soit pour maintenir ses enfants dans une position équivalente à la sienne dans la structure sociale, soit pour les promouvoir à une position structuralement supérieure. Le taux d’autoreproduction se calcule par rapport à la structure sociale antérieure (e. g. les grands-parents). Au contraire, le taux d’autorecrutement mesure le pourcentage des membres d’une classe sociale originaires de la même classe sociale. Il se calcule par rapport à la structure sociale actuelle (e. g. les pères). Dès lors lorsqu’une classe sociale est en expansion dans la structure sociale (e. g. les classes supérieures et tout particulièrement les cadres supérieurs), le taux d’autorecrutement est plus bas que le taux d’autoreproduction, au contraire lorsque la classe est en restriction dans la structure sociale (e. g. les ouvriers belges), le taux d’autorecrutement est plus élevé que le taux d’autoreproduction. Ainsi, dans un échantillon représentatif de la population belge, alors que les ouvriers s’autoreproduisent dans 56,64 % des cas, ils forment cependant 67,20 % des ouvriers de la classe ouvrière belge actuelle (n = 1559 au temps des GPP et 1314 au temps des pères) ; et alors que les cadres et fonctionnaires de rang supérieur, les professions libérales et les chefs d’entreprises s’autoreproduisent dans 63,32 % des cas, ils ne forment cependant que 32,31 % des membres de la classe supérieure belge actuelle (n = 199 au temps des GPP et 390 au temps des pères). Voir à ce propos : Jean-Pierre Courtheoux, « De la mobilité professionnelle à la mobilité sociale », L’orientation scolaire et professionnelle, no 1, 1974, p. 53-58 ; Daniel Bertaux, « Sur l’analyse des tables de mobilité sociale », Revue française de sociologie, vol. 10, no 4, 1969, p. 448-490 ; Nicole Delruelle, La mobilité sociale en Belgique. Analyse des résultats d’un sondage national, Bruxelles, Institut de sociologie – Université libre de Bruxelles, 1970.
4 Ibid., p. 4, tableau 6.
5 Nicole Delruelle, Les notables en Belgique. Analyse des résultats d’une enquête, Bruxelles, Institut de sociologie – Université libre de Bruxelles, 1972, voir p. 131. On peut sans doute en déduire que le taux d’autoreproduction est plus élevé en ces fractions que le taux d’autorecrutement.
6 N. Delruelle, La mobilité sociale en Belgique, ouvr. cité, p. 56, 96, 99.
7 Ibid., p. 1.
8 Sur les instruments d’appropriation durable des chances comme dit Max Weber, ou du pouvoir comme dit Karl Marx, on consultera : Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971, t. 1, surtout p. 44-46 et 128-143 ; Karl Marx, Critique de l’économie politique [manuscrit de 1944], Paris, Union générale d’éditions, 1972, surtout p. 192-193, 196, 209 : « Mais notre appropriation réciproque du pouvoir respectif de nos objets est un combat et, comme dans tout combat, le vainqueur est celui qui a plus d’énergie, de force, d’intelligence ou d’habileté ».
9 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron éd., Le métier de sociologue. Préalables épistémologiques, Paris, Mouton, 1973, p. 80.
10 Ibid., 2e éd., p. 6.
11 Ibid., 1re édition, p. 75.
12 Sur un échantillon représentatif de la population belge, Claude Henryon et Edmond Lambrechts ont montré que les hommes dotés d’études supérieures épousaient 63 % des femmes pourvues d’un diplôme d’études supérieures. Cela correspond à une homogamie très nette puisque la relation est cinq fois supérieure à celle que permettrait « le hasard ». Par contre, les hommes ayant des études primaires épousaient 51 % des femmes ayant un diplôme primaire (Claude Henryon et Edmond Lambrechts, Le mariage en Belgique. Étude sociologique, Bruxelles, Éditions Vie ouvrière, 1968, p. 57-61).
13 Il ne faut pas oublier que la structure des diplômes possédés par les femmes est décalée vers le bas et dans le temps par rapport à celle des hommes, en conséquence, une partie des hommes est structuralement contrainte de « s’approprier » des femmes ayant des diplômes inférieurs aux leurs.
14 Légende du tableau 4. Pour le trajet social, consulter tableau 1, note a. Sup. = Profession de classe supérieure (1-2) ; Moy. = Profession de classe moyenne (3-4-5) ; Inf. = Profession de classe ouvrière (6-7).
Pour les études : Sup. = Études supérieures universitaires, non universitaires ; Sec. = études secondaires complètes ; Inf. = études moyennes inférieures complètes et en dessous des moyennes inférieures (moyennes inférieures incomplètes, primaires complètes, primaires incomplètes).
15 P. Motte, « Les déclarations à l’impôt des personnes physiques pour l’exercice d’imposition 1970. Répartition des revenus d’après leur nature et le groupe socioprofessionnel du déclarant », Bulletin de statistiques de l’INS, no 2, 1974, p. 135-172. À ce propos, il faudrait corriger ces statistiques par l’importance différentielle de la fraude selon les groupes professionnels ; voir : Colloque de l’Institut belge des Finances publiques, L’exacte perception de l’Impôt, Bruxelles, E. Bruylant, 1973. Consulter aussi : P. du Vivier, « La répartition de la fortune mobilière en Belgique », Courrier hebdomadaire du CRISP, no 561, 5 mai 1972 ; Robert Leroy, « Égalité, travail et société », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. 13, no 1, 1974, p. 111-126.
16 Légende tableau 5. Du point de vue du capital social détenu, mesuré à partir des professions exercées par le père, la mère, les grands-parents paternels et maternels, on a procédé au classement suivant : classe supérieure : au plus, deux des membres du groupe familial ont exercé une profession de classe moyenne, ou un seul a exercé une profession de classe ouvrière. Classe moyenne : au moins trois membres de la famille ont exercé une profession de classe moyenne, et au plus un a exercé une profession de classe ouvrière. Classe ouvrière : au moins deux membres de la famille ont exercé une profession de classe ouvrière. Du point de vue du capital culturel détenu, mesuré à partir des diplômes possédés par le père, la mère, les grands-parents paternels et maternels, on a procédé au classement suivant : classe supérieure : sur les six membres, au plus un membre a un diplôme de moyennes inférieures complètes ou incomplètes, tous les autres ont des diplômes d’études supérieures ou secondaires complètes. Classe moyenne : sur les six membres, au moins deux et au plus cinq membres possèdent des diplômes de moyennes inférieures complètes ou incomplètes, les autres ont fait des études supérieures ou secondaires complètes. Classe ouvrière : les six membres possèdent uniquement des diplômes complets ou incomplets du cycle inférieur de l’enseignement secondaire général ou technique, soit des diplômes complets ou incomplets de l’école primaire.
17 P. Bourdieu, J.-C. Chamboredon et J.-C. Passeron éd., Le métier de sociologue, 1re éd., ouvr. cité, p. 75, note 1 et surtout Marcel Maget, Guide d’étude directe des comportements culturels. Ethnographie métropolitaine, Paris, CNRS, 1962, et surtout p. 80-100, dans le chapitre « Schémas d’études systématiques », la section « Le groupe domestique ou ménage ».
18 Maurice Halbwachs, Classes sociales et morphologie, Paris, Minuit, 1972, p. 338 et tout le chapitre « La statistique en sociologie », p. 329-348.
19 Pour le dire autrement, le procédé technique doit répondre aux exigences théoriques suivantes : « les expériences (qu’une analyse multivariée peut distinguer et spécifier par le croisement de critères logiquement permutables) s’intègrent dans l’unité d’une biographie systématique qui s’organise à partir de la situation originaire de classe, éprouvée dans un type déterminé de structure familiale. L’histoire de l’individu n’étant jamais qu’une certaine spécification de l’histoire collective de son groupe ou de sa classe, on peut voir dans les systèmes de disposition individuels des variantes structurales de l’habitus de groupe ou de classe, systématiquement organisées dans les différences mêmes qui les séparent et où s’expriment les différences entre les trajectoires et les positions à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe […] » (Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, précédée de « Trois études d’ethnologie kabyle », Genève, Droz, 1972, p. 188-189).
20 Jacques Bertin, Sémiologie graphique. Les diagrammes, les réseaux, les cartes, Paris – La Haye, Gauthier Villars – Mouton, 1967.
21 Ibid., p. 164-172, surtout p. 168-170, 254-257, 260-261 et 268.
22 L’intérêt de l’utilité d’un tel procédé réside dans les propriétés du système visuel lorsqu’il s’applique à une information traitée. Comme le fait remarquer Jacques Bertin : « il faut au moins 20 000 instants successifs de perception pour comparer deux tableaux déchiffrés de 100 lignes sur 100 colonnes, que les chiffres soient transcrits graphiquement et la comparaison est aisée, et peut-être même instantanée » (Jacques Bertin, réponse à Christian Metz, dans Christian Metz, « Réflexions sur la “Sémiologie graphique” de Jacques Bertin », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 26e année, nos 3-4, mai-août 1971, p. 770).
23 Une fois le rangement manuel effectué, on a soit photographié soit dessiné le diagramme ainsi obtenu.
24 À cause d’une part de renseignements manquant à propos de la famille étendue (les grands-mères paternelles et maternelles, les frères et sœurs du père et de la mère) et à cause d’autre part du fait que nous ne disposons pas du matériel domino miniaturisé, mais d’un matériel non miniaturisé, nous avons dû éliminer de la représentation et du traitement graphique 19 familles. Nonobstant ce fait il y a une correspondance étroite entre les tableaux statistiques et le diagramme 1. En effet, l’ensemble des tableaux statistiques qui croisent la profession du père avec les autres variables correspond au croisement de la ligne 1 du diagramme 1 avec toutes les autres variables. C’est dire, en passant, comme le fait Jacques Bertin, que le traitement graphique opéré grâce au diagramme 1 est une synthèse visuelle ordonnée hiérarchiquement des conclusions qu’apporterait la lecture sociologique de quelque 465 tableaux statistiques (A312).
25 J. Bertin, Sémiologie graphique, ouvr. cité, p. 219.
26 On ne saurait faire mieux ici que de renvoyer aux inventaires classiques de l’approche ethnologique et monographique : M. Maget, Guide d’étude directe des comportements culturels, ouvr. cité, p. 81-100 ; Armand Cuvillier, Manuel de sociologie, Paris, PUF, 1950, t. 1, surtout p. 242- 260 ; Maurice Halwachs, La classe ouvrière et les niveaux de vie, New York, Gordon and Breach, 1970 ; Jean Poirier éd., Ethnologie générale, Paris, Gallimard, 1968 ; Richard Hoggart, La culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970, notamment, p. 11 ; Maurice Maget, « Problèmes d’ethnographie européenne », Ethnologie générale, ouvr. cité, p. 1247-1338.
27 À l’intérieur d’une position (e. g. supérieure), il doit toujours être rappelé ou on doit toujours avoir présent à l’esprit que les variations d’une même pratique (e. g. le rapport aux associations de parents) ne sont que des variations d’un même principe sociologique : l’appropriation directe. Il est dès lors difficile d’instaurer la modalité de la pratique comme ayant un statut autre que celui d’exemple concret ou de mise en œuvre concrète d’un principe. Bien plus, les différentes modalités que révèlent un ensemble d’entretiens pourraient se combiner entre elles dans un même agent, selon les diverses situations ou conditions dans lesquelles il se trouve. Ainsi donc, au lieu de tirer des entretiens une typologie des stratégies possibles, c’est le principe sociologique qui les condamne qu’on s’est efforcé de dégager, les variations sociologiques des situations étant considérées comme fondement des différences des modalités concrètes observées.
28 La construction du système des pratiques de transmission culturelle nécessite, comme on l’a vu ci-dessus, de regrouper des pratiques phénoménalement séparées et de séparer des pratiques phénoménalement identiques.
29 R. Hoggart, La culture du pauvre [avec une présentation de J.-C. Passeron], ouvr. cité, p. 12-13.
30 Rappelons que stratégie de transmission signifie des séquences de pratiques structurées et ordonnées objectivement par l’ethos et l’habitus (principe producteur implicite) et orientées par référence à des fonctions objectives, donc au-delà ou en deçà du calcul rationnel intentionnel ou de l’intention stratégique explicite ou de ce qui est défini officiellement à un moment donné comme stratégie explicite de transmission. Voir ci-dessus, début du chapitre 1, et Pierre Bourdieu, « Avenir de classe et causalité du probable », Revue française de sociologie, vol. 15, no 1, 1974, p. 3-42, ici p. 4, 30, 31.
31 Comme le fait remarquer Jean-Claude Passeron : « On verra comment, en rattachant ces comportements aux aspects les plus contraignants de la condition ouvrière, Richard Hoggart reconstitue la logique d’attitudes qui ne semblent illogiques que lorsqu’on est assez illogique pour vouloir les juger à partir de valeurs qui sont le produit d’autres conditions d’existence… » (R. Hoggart, La culture du pauvre, ouvr. cité, p. 18). On a appliqué tout au long de l’analyse ce principe en étant de plus attentif au poids et aux effets de la hiérarchie objective de la structure sociale.
32 On trouvera des exemples des fiches qui ont été ainsi constituées dans les schémas qui accompagnent les monographies (Deuxième partie). Elles ont servi de base à l’analyse réalisée dans la troisième partie de ce travail.
33 Bref, il faut analyser les pratiques pour les classer en les regroupant selon leurs relations et imbrications afin de voir quelles sont les pratiques prédominantes, c’est-à-dire celles qui polarisent et structurent médiatement les autres.
34 On ne peut faire mieux que de citer ici un texte dans lequel Claude Lévi-Strauss (Le Monde, 21 juin 1974, p. 26) explicite quelque peu sa méthode de travail, bref sa cuisine intellectuelle : « Comment je procède pour découvrir, par exemple, que tel détail, par lequel un mythe du tabac exprime une progression au-delà de la culture, est exactement l’inverse de tel autre, par lequel un mythe du miel exprime, lui, une régression vers la nature ? Cela se passe un peu à la manière de ces réussites où il s’agit, en partant d’une donnée aléatoire, de regrouper les cartes, soit par figures, soit par couleurs, soit par leur importance dans l’échelle numérique. Au départ, je me contente de distribuer mes fiches dans mes boîtes de façon arbitraire, selon les étiquettes les plus commodes. (S’agit-il par exemple du rôle joué par les haricots dans la pensée mythique des Indiens d’Amérique, j’écris “Pythagore en Amérique”). Puis au moment où j’ai l’impression que je puis et dois me mettre à écrire, je reprends toutes ces fiches. Je les étale sur ma table. Je les empile. Je cherche des arrangements entre les différents paquets. Cela, jusqu’au moment où des corridors et des passages commencent à apparaître entre les différents thèmes. Je redistribue alors mes fiches en fonction de ces corridors et ainsi de suite. C’est après un certain nombre de ces regroupements (une bonne dizaine pour les Structures de la parenté) que l’économie générale du travail se dessine et que j’aboutis à un plan qui n’est pas pensé dans l’abstrait, mais résulte d’une sorte de jeu manuel. L’important, c’est de ne pas oublier un seul détail, aussi minime soit-il, car, en analyse structurale, tout est chargé de signification et l’on n’a rien compris tant que l’on n’a pas tout compris ». Rappelons cependant que notre méthode de classement et d’analyse des pratiques est toujours reliée au trajet, et à la position et aux moyens possédés, bref aux conditions qui rendent possibles la production, l’action et l’effet des pratiques.
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