Chapitre 9
Les « trous » dans la prise en charge
p. 177-197
Texte intégral
Continuité et discontinuité de l’asile
1Les locaux dans lesquels les membres permanents travaillent et où ont lieu les entretiens ethnographiques recèlent des éléments d’histoire sociale significatifs. Karim Amzaoui et Charles Giraud travaillent dans des associations de fondation catholique dont la sécularisation et la professionnalisation se sont faites progressivement depuis les années 1970. Ce métissage est souligné par Karim Amzaoui, qui revendique une forme de filiation avec les « valeurs » et la personnalité du père Planchon, jésuite fondateur de l’association après-guerre.
2Les foyers dirigés par Karim, par Bénédicte Cristin et par Charles Giraud se situent tous trois dans des quartiers de banlieue aisés, aux larges espaces verts et au bâti espacé. Localisés au nord de l’agglomération, ces quartiers sont l’antithèse des banlieues du sud, concentrant les grands ensembles de logements sociaux et les quartiers fortement stigmatisés comme celui des Jonquilles. Ils y attirent la classe moyenne supérieure en propriété individuelle.
3La vétusté de ces trois établissements est évidente : les peintures sont décrépites, les couloirs sombres, les terrains de sport envahis d’herbes folles. La disproportion des bâtiments est également un élément surprenant pour le visiteur. Le centre éducatif PJJ de Villette, dirigé par Bénédicte, se situe sur un site aux proportions gigantesques. Douze hectares de terrain abritent divers bâtiments (gymnase, atelier, lieu d’hébergement, réfectoire, blanchisserie) qui sont désormais fermés et laissés à l’usure des intempéries. Les nouvelles maisons de la petite commune en voie d’urbanisation se rapprochent sans cesse du centre éducatif, qui était situé originellement à distance des riverains. Fondé au début des années 1970, le site accueillait initialement une centaine de jeunes au sein d’un des plus grands établissements de l’éducation surveillée en France. Ils sont désormais 12, hébergés dans un petit bâtiment défraîchi aux confins du site. Témoignant des récentes « évolutions de [son] administration », Mme Cristin explique que le projet immobilier est incertain et que le site est susceptible d’être vendu (« rendu »), ce qui représenterait un gros apport financier pour l’État dans cette commune prisée. Mêmes disproportions dans le foyer de Charles, dont une partie des bâtiments est vide. Celui-ci explique : « Maintenant, on accueille 18 jeunes, c’est devenu trop grand, avant il y avait aussi des logements de fonction pour le directeur, les éducateurs… ».
4Une refonte architecturale touche également l’hôpital psychiatrique du Sermet où travaille Rémy Boissier. Le service d’hospitalisation pour adolescents de Rémy a été entièrement rénové au début des années 2000. La luminosité des espaces communs, le confort des chambres individuelles, les meubles au design sophistiqué dans les bureaux des médecins contrastent avec la vétusté des foyers éducatifs mais également avec certains bâtiments de cet hôpital, nombre de services pour adultes partageant cette décrépitude. Au moment de l’enquête, l’hôpital, qui était jusqu’à présent organisé sur un modèle pavillonnaire, fait l’objet d’un vaste projet de refonte architecturale : destruction de la plupart des anciens pavillons, construction d’un imposant bâtiment unique en étages, cession d’une large portion du parc arboré à la promotion immobilière privée.
5Enfin, l’établissement éducatif où travaille Marc Favier a un statut bien particulier. La « Villa de l’enfance et des familles », habituellement désignée comme « la Villa » est un important établissement public, sous la gestion du conseil général. Sa première fonction est d’assurer l’hébergement d’urgence des mineurs placés par l’ASE. C’est en particulier le cas pour les nouveau-nés, pour qui la Villa représente systématiquement le lieu de placement initial à la sortie de la maternité. L’établissement dispose de 50 places pour les nourrissons et d’une centaine de places pour les enfants et les adolescents. Dans les faits, outre cette spécificité de l’accueil des tout jeunes enfants, la Villa héberge plus particulièrement les enfants ou adolescents placés à l’ASE et dont les dossiers sont refusés par les structures associatives privées.
6Pour cette raison, le brouillage entre expert distant (de seconde ligne) et acteur impliqué en première ligne concerne plus particulièrement Marc et Rémy. Ces deux membres permanents sont ou ont été impliqués dans un grand nombre de cas présentés. En effet, à l’exception d’une unité située au CHU, Rémy dirige tous les services d’hospitalisation pour adolescents du département. Quant à Marc, il juge que « la plupart, enfin je dirais à 70 %, des gamins qui sont passés au réseau des adolescents en difficulté sont passés par la Villa… La grande, grande majorité, à des périodes plus ou moins proches, plus ou moins lointaines ».
7Outre cette parenté de fonction asilaire comme dernier refuge plus ou moins coercitif des exclus, la Villa partage une partie de son histoire, de son organisation spatiale et de sa tutelle administrative avec l’hôpital psychiatrique du Sermet. Située sur la même commune du sud de l’agglomération, la Villa est également constituée d’un grand parc arboré et d’une série de pavillons plus ou moins défraîchis datant pour la plupart du début des années 1960, période à laquelle l’établissement a été fondé1. Il avait alors été construit sur le même grand terrain appartenant au département que celui où se trouvait le Sermet. Jusqu’à la fin des années 1950, les deux établissements ne faisaient qu’un, tant sur le plan géographique qu’administratif. L’asile départemental, qui était encore régi pour l’essentiel par la loi de 1838, accueillait les malades mentaux ainsi que les « pupilles » élevées par l’Assistance publique. Les « services d’enfants » y regroupaient de manière indifférenciée des catégories aujourd’hui distinctes : autistes, orphelins, enfants maltraités, enfants mentalement déficitaires du fait de maladies métaboliques ou neurologiques… Ces espaces asilaires faisaient à cette période figures de restes de l’hôpital général datant de l’Ancien Régime. L’hôpital du Sermet et la Villa sont désormais séparés par un grand axe de circulation et une zone d’habitation, l’urbanisation ayant depuis entouré puis scindé partiellement cet espace. Outre cette continuité spatiale désormais moins visible entre les deux établissements, l’affiliation partielle de la Villa à la fonction publique hospitalière (qui y détache environ 10 % de l’ensemble du personnel) est un autre vestige de cette histoire commune de l’asile.
8Cette parenté entre la Villa et l’hôpital psychiatrique du Sermet est reprise au cours d’une réunion du RIAD. L’assistante sociale de l’ASE venue présenter le cas de la jeune Emily, 14 ans, mentionne son « passage en pavillon de psychiatrie ». Elle désigne ainsi l’hospitalisation de la jeune fille dans l’unité du Dr Boissier. Celui-ci réagit vivement, affichant une certaine colère : « il n’y a pas de pavillon de psychiatrie, c’est un service d’hospitalisation »2. Cet échange illustre bien la tentative permanente du Dr Boissier de se démarquer d’une fonction et d’un héritage asilaires. En outre, Rémy Boissier et Marc Favier partagent la crainte de voir « le jeune atterrir chez [eux] »3 et, comme nous l’avons vu, ils sont tous les deux concernés par le problème du devoir de retrait. Cet aspect asilaire et la contrainte qui pèse sur la Villa sont abordés avec humour par une assistante sociale présentant le dossier d’une jeune Sarah, récemment exclue de sa famille d’accueil. Elle s’adresse avec ironie à Marc Favier alors que la discussion semble tourner court sur la recherche d’un lieu d’hébergement : « La Villa va proposer quelque chose, non ? »4. Marc reprend cette situation en entretien, trois mois plus tard : « Parfois on est complètement à côté de la plaque. On dit : on fait un soutien pour l’établissement et le jeune arrive à la Villa trois jours plus tard. Comme pour la jeune de la dernière fois »5. Il évoque également le cas d’un adolescent ayant séjourné plusieurs années à la Villa :
Et on dit aux éducateurs : C’est pour 3 mois, 4 mois, 5 mois, 10 mois, 11 mois, 1 an, 2 ans, 3 ans… Jusqu’où ça va ? […] Et le dernier en date, on l’a gardé jusqu’à 20 ans et il a fini à l’hôpital psychiatrique, en chambre d’isolement pendant plus de 8 mois… À sortir une heure par jour, voilà ! Alors que nous on l’avait ici… Il est resté cinq ans et nous on l’avait ici au jour le jour, avec les mêmes comportements. Il n’y a pas eu non plus… à le gérer dans un groupe de sept. Et à l’hôpital, ça a été impossible, il a fallu l’isoler. Et ce gamin-là, quand il parlait des éducs, il parlait de « ses adultes ». Alors on a été très en lien avec l’hôpital, avec la psychiatrie… à tel point que même s’il ne dépendait plus de chez nous, il a tellement été ici, ça a tellement été sa vie – parce qu’il a été placé depuis tout petit, et depuis tout petit il a fait régulièrement des passages à la Villa dont celui de plus de 5 ans – qu’on a continué, assez régulièrement, à aller le voir à l’hôpital, voilà, pour ne pas le larguer comme ça.
9Comme l’indique Marc, la Villa partage avec l’hôpital psychiatrique le fait de ne pas pouvoir renvoyer les adolescents du fait de leurs problèmes de comportement6.
10Ces différents éléments de l’espace architectural et urbain sont les indices de trois grandes reconfigurations dans le traitement public de la jeunesse déviante. D’une part, l’écart entre la vétusté de l’hôpital psychiatrique et la modernité du service pour adolescents souligne l’importance qui est accordée à cette population spécifique. Elle fait écho à la solennité des réunions du RIAD, sacralisant son contenu. L’adolescent est un bien précieux pour la société : « la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains » annonçait l’Ordonnance du 2 février 1945. Comme nous l’avons vu, cette sacralisation de la jeunesse oscille historiquement avec sa perception comme un danger pour l’ordre social. Deuxième évolution : cette reconfiguration spatiale indique les nouvelles formes de territorialisation de l’action publique. Depuis les années 1970, les établissements éducatifs comme les hôpitaux psychiatriques sont traversés par le mouvement de désinstitutionnalisation, aboutissant à leur ouverture sur l’extérieur mais également à la réduction de leur capacité d’accueil. Bertrand Ravon et Christian Laval ont souligné l’importance de ce mouvement de « déterritorialisation » dans la genèse du problème public des adolescents difficiles7. Deux logiques y sont à l’œuvre : la première à la périphérie du secteur psychiatrique, la seconde en son cœur. À partir d’un recensement des dispositifs pour adolescents difficiles dans l’agglomération lyonnaise, ils montrent qu’au début des années 1980 émerge un discours sur le mal-être des adolescents porté par les cliniciens du secteur psychiatrique. Cette émergence s’appuie sur « l’été chaud » des banlieues en 1981 et en particulier les événements du quartier des Minguettes. Ces acteurs issus de la clinique et du secteur psychiatrique agissent alors pour la création de lieux d’écoute organisés par des réseaux d’interlocuteurs professionnels, destinés aux adolescents des banlieues où ces dispositifs sont localisés. Dans le même temps, le secteur psychiatrique est animé par une double préoccupation : lutter contre le risque « d’institutionnalisation » et de chronicité pour les patients, éviter la « psychiatrisation » des troubles sociaux comme la délinquance. Enfin, ces évolutions topographiques s’intègrent dans le programme de rationalisation et de rationnement de l’action publique. Ce sont les organisations, mais aussi les raisons d’être des institutions qui se réorganisent, sous pression d’une exigence de limitation financière croissante. Désinstitutionnalisation, reconfiguration autour de la souffrance, rationnement sont autant de facettes des évolutions transversales touchant les secteurs traditionnels, judiciaire, sanitaire, éducatif et pédagogique, de l’action publique sur la jeunesse. C’est sur cet arrière-plan que les acteurs du réseau réalisent une problématisation clinique des adolescents difficiles autour de leur localisation impossible.
Des « trous dans la couverture »
11La question de l’hébergement est centrale dans l’activité du RIAD et, en premier lieu, elle motive sa saisine. Préalablement à la séance, les professionnels à l’origine de la demande doivent caractériser la situation en remplissant une grille à choix multiples. Ils choisissent alors parmi différents items pour formuler leurs attentes vis-à-vis du -réseau : plus de la moitié souhaitent « trouver une solution globale à moyen ou long terme », dans les autres cas c’est « une solution d’hébergement » qui fait défaut8. Les copilotes du réseau font un effort manifeste pour se départir de cette demande de « solution immédiate » ou d’une « orientation », qui signifie en pratique trouver un lieu d’hébergement. Pour ce faire, la grille à choix multiples sera modifiée durant l’enquête, rendant moins apparente ce type de demande. C’est ce qu’explique Ghislaine Poncet au cours d’une séance consacrée à l’évaluation du réseau. L’item « solution d’hébergement » sera remplacé par « demande de prise en charge ».
12Autre indice de l’importance de l’hébergement : les membres permanents ont tous une activité essentiellement résidentielle. Les structures associatives agréées par l’ASE assurent par définition une telle fonction. Les psychiatres présents ont, fait remarquable, un exercice exclusivement hospitalier alors même que l’hospitalisation ne représente qu’une fraction minoritaire de l’activité en soins psychiatriques, essentiellement assurée en consultations ambulatoires sur le « secteur » (CMP, CATTP ou centre de jour). Ils adoptent des stratégies qui témoignent de cet écart : ils n’ont de cesse de pointer que la demande de soins ne doit pas être une demande d’hébergement par l’hôpital et rappellent régulièrement l’importance du suivi en consultation. Pour la PJJ, Bénédicte Cristin dirige un établissement de placement et se montre bien plus investie dans l’activité du réseau que Laurent Echartier, en charge d’une équipe en milieu ouvert.
13Outre son importance quantitative et quels que soient les efforts de Ghislaine pour s’en départir, la question de l’hébergement structure qualitativement l’activité du réseau. Les cas sont ainsi problématisés de manière constante autour de la localisation de l’adolescent et trois types de problématisation peuvent être repérés : l’urgence sans fin, le placement non effectif et l’arrivée d’une échéance.
14Dans nombre de cas, l’adolescent se trouve de manière prolongée dans un hébergement d’urgence, souvent bien au-delà du délai de séjour habituel prévu par l’établissement (plusieurs mois au lieu de quelques semaines). Les structures conventionnelles sollicitées par l’ASE ont toutes refusé de le recevoir, soit du fait de son dossier, de son type de problématique ou encore pour des problèmes de collectif, expressions recouvrant différents profils fortement genrés de dangerosité, comme nous l’avons vu. De ce fait, l’adolescent se trouve en quelque sorte bloqué dans le système. C’est donc la durée de son séjour qui est posée comme problématique. Sa situation au sein des dispositifs contredit alors leur organisation habituelle, reposant sur une forme de spécialisation distinguant les foyers d’urgence des foyers conventionnels.
15Dans d’autres cas, l’adolescent a une place dans un établissement, mais il est très régulièrement en fugue. L’adolescent est soit à la rue, soit dans sa famille, le plus souvent chez sa mère. Cette situation intermédiaire (le mineur est placé mais son placement n’est pas exécuté) convoque des dangers différents selon le sexe de l’adolescent : prostitution pour les filles, qui risquent de tomber dans un réseau, ou d’être poussées à se prostituer par un « petit ami très envahissant » ; violences physiques ou sexuelles pour les garçons. Dans cette situation où le placement n’est pas effectif, le conseil général « n’est pas dans les clous ». Ghislaine Poncet commente ainsi le cas du jeune Olivier, qui vit chez sa mère alors qu’il est placé par le juge des enfants9 :
En termes de responsabilités, c’était une situation à risque. On pouvait redouter l’éventuel passage à l’acte de ce jeune, alors qu’on a une ordonnance de placement. Et une responsabilité du conseil général en cas de placement non mis en œuvre, c’est assez cher.
16Le cas de la jeune Hind se rapproche de ce type de problématisation10 : elle a un hébergement mais celui-ci n’est pas réglementaire. En effet, après une série de « ruptures » sur des lieux de vie éducatifs, cette jeune fille vit depuis plusieurs semaines dans une famille qui a un agrément « Jeunesse et Sport ». Encore appelé « Cohésion sociale », cet agrément permet l’accueil de mineurs uniquement dans le cadre d’un séjour de vacances mais il n’autorise pas un hébergement au titre de la protection de l’enfance. Le placement de Hind ne peut donc être considéré comme effectif du point de vue réglementaire. Mme Poncet analyse la situation ainsi :
Il n’y a pas de couverture en dehors de vacances scolaires s’il n’y a que l’agrément « Cohésion sociale ». Ici, la couverture s’entend dans le sens de la responsabilité des professionnels, qui ne sont pas « couverts » par le droit administratif, mais également dans le sens de la gestion du jeune : hors des périodes de vacances, il y a des trous dans la couverture, c’est-à-dire une discontinuité réglementaire et concrète de son hébergement.
17Le dernier type de problématisation est plus rare : l’adolescent est inscrit dans la stabilité d’un hébergement pérenne, mais une échéance pose le problème d’un retour dans le cadre familial. C’est le cas des jeunes Tarik et Vincent, approchant tous deux de la majorité. Si l’interruption du placement est ici normale et légale, les risques évoqués sont les mêmes : la violence (pour Tarik qui risque de « péter les plombs » et de devenir « un délinquant » ou « un vaurien »), la récidive d’une agression sexuelle (dans le cas de Vincent à qui il ne faut pas « coller une identité de violeur »). La dangerosité est abordée de manière implicite et euphémisée et se voit mise en dialectique avec la vulnérabilité de l’adolescent, en danger dans sa famille (Vincent pourrait retomber « dans la toile d’araignée » et « être phagocyté », Tarik est « rejeté » par ses parents).
18Dans ces trois déclinaisons, le problème de l’hébergement constitue à la fois le point commun de toutes les situations examinées, la pierre d’angle de leur problématisation et le principal moteur de l’activité du réseau. Les acteurs n’ont ici de cesse de se demander : « où l’adolescent est-il ? ». Cette question signe un double échec du traitement : échec à l’assigner dans une catégorie juridique et institutionnelle, échec à réaliser effectivement la personnalisation du traitement. Ce trouble peut se lire de manière « micro-politique »11 comme une double perturbation : une anomalie cognitive (ne pas savoir) et une anomalie éthique (ne pas savoir ce qui est bon). La première dimension de cette incertitude, pragmatique et immédiate, correspond à la perte d’intelligibilité des trajectoires individuelles. Elle concerne l’inscription concrète de l’adolescent dans une organisation, quelle qu’en soit la nature : un foyer éducatif, un lieu de privation de liberté pénale, un service d’hospitalisation psychiatrique, un établissement pédagogique spécialisé (tel un ITEP) assurant un internat, etc. De ce point de vue, ces différentes organisations, assurant des missions distinctes, relevant de statuts réglementaires et légaux variés, engageant des professionnels de diverses formations, sont ici considérées de manière indifférenciée. Leur spécialisation se voit donc neutralisée. Cette déspécialisation, rendant le sens du parcours institutionnel peu lisible, devient possible grâce à deux conditions : d’une part ces organisations assurent, au moins à temps partiel, une fonction d’hébergement, et d’autre part, elles sont identifiées à des lieux précis. L’adolescent peut « y être ».
19Grâce à la mise en partage, déprofessionnalisée, de l’expertise clinique, et grâce à la pluralité d’appartenance professionnelle et institutionnelle des membres permanents, cette logique de déspécialisation est contrée par une logique de coordination. Les préconisations faites en fin de séances par les « copilotes »12 formalisent cette coordination. Cependant, la « mise à plat » opérée par l’usage très horizontal de la clinique et les ambiguïtés de la contenance conduisent à une invisibilité de la répartition de la contrainte. C’est ce que pointent, sans véritablement pouvoir le formuler, les psychiatres du réseau par leurs appels incessants à ne pas confondre soin et hospitalisation (sous-entendu enfermement) au profit du suivi ambulatoire sur le secteur. Cette invisibilisation de la contrainte constitue également le moteur des contestations que tente de porter Marc. Comme Rémy Boissier, il peut éprouver cette répartition de la contrainte par sa proximité historique avec les pratiques asilaires. Ses protestations sont cependant rapidement recadrées cliniquement et ne peuvent être entendues.
20La seconde dimension de cette incertitude est la perte d’une garantie éthique de l’action, assurée par une « super règle » face à ces cas « inclassables »13 d’adolescents difficiles. Les professionnels du réseau font ici l’expérience d’une « épreuve d’éthicité »14, reposant sur la perte d’un référentiel de valeurs commun. Ce type particulier d’épreuve « de professionnalité » conduit à des situations « indécidables » (ibid., p. 270), où les professionnels se voient renvoyés à des choix individuels. Elles engendrent « une dynamique de l’usure » liée à la perception répétée de l’échec. Mais ces épreuves favorisent également la constitution de collectifs, qui peuvent être soit informels (sur ou à la périphérie du travail) soit plus formalisés (via les syndicats, par exemple) visant à contrer cette perte d’un repère éthique commun. Les supervisions et leur réponse clinique constituent de tels « soutiens institués ». C’est ce modèle clinique qui est mobilisé par les responsables administratifs (Ghislaine) et cliniques (Rémy) du RIAD, particulièrement attachés à la dimension réflexive des réunions.
21Les épreuves d’éthicité résultent des contradictions nouvelles des politiques publiques, et constituent pour les professionnels du travail social des expériences moins « historiques » que celles liées à l’inadéquation des moyens. Le souci pour les adolescents difficiles s’ancre en grande partie dans les politiques de l’exclusion, développées à la fin des années 1990. Marquant la fin des politiques assistancielles et l’entrée dans les politiques « capacitaire[s] et de gestion des risques »15, ces programmes ont produit de nouvelles épreuves organisées par la tension entre protection et responsabilité et ont souvent donné naissance à des interventions structurellement précaires16. Comment « protéger et rendre capable »17 ? Comment surveiller et accompagner ? L’« inorientabilité » des adolescents, les « trous » dans les prises en charge mobilisent des actions compassionnelles visant à protéger les adolescents du spectre de l’abandon18. Mais ces épreuves du sens éthique soulignent également la place croissante donnée à la dangerosité des conduites adolescentes, à la prévention des risques et de la récidive. Ce sont ces deux incertitudes, cognitive et morale, organisées autour de la question de la localisation de l’adolescent que le travail de réseau vient traiter.
Le sale boulot auprès d’une population interstitielle
22L’invitation à participer au réseau m’a été transmise par mon chef de service, professeur de pédopsychiatrie à l’université. Elle lui avait été adressée en août 2008 par Ghislaine Poncet qui organisait alors la reprise des séances après deux années d’interruption (2006-2008). S’étant lui-même rendu à quelques séances fin 2008, mon chef de service m’a demandé de répondre à cette invitation début 2009. Il justifiait alors cette délégation, rendue par ailleurs nécessaire par la multitude de ses activités, en mentionnant mon intérêt pour les sciences sociales et la nécessité de « représenter » son service. Le document programmatique qui lui avait été adressé par Ghislaine Poncet reprend la définition des adolescents « en grandes difficultés » et présente le projet de se démarquer de « l’urgence » et du problème de « l’orientation » au profit d’une « prise en charge globale de l’enfant ». Un autre médecin de mon service, un peu plus âgé et qui avait également participé à quelques séances entre 2002 et 2004 jugeait quant à lui peu utiles ces réunions : « tu verras, il ne s’y dit pas grand-chose » m’a-t-il prévenu. Je me suis initialement rendu à ces réunions accompagné par l’assistante sociale intervenant dans le service hospitalier où je travaille. Malgré ces éléments suggérant une forme de dépréciation dans l’interconnaissance professionnelle psychiatrique, le RIAD fait l’objet d’un fort investissement de la part des deux autres psychiatres invités, Gabrielle et Rémy. Ceux-ci occupent une fonction hiérarchique significative dans leurs hôpitaux (non universitaires et sectorisés) et sont d’une grande assiduité aux réunions. Cet écart d’investissement tient sans doute à l’affiliation hospitalo-universitaire du service où je travaille. Alors que les psychiatres de secteur sont souvent engagés sur des questions relatives aux inégalités sociales, les services universitaires se tiennent à distance de ces terrains19.
23Surtout, un tel acte de délégation, distinguant cette activité d’autres jugées plus nobles par ceux qui délèguent, est un indice du sale boulot, relatif à des objets connotés d’impureté et situés en bas de la hiérarchie des tâches20. Autre signe de cette impureté, le RIAD travaille dans une ambiance affective marquée par le malaise et la « pression » (Alain Nogent, directeur éducatif), c’est-à-dire l’incertitude et la tension. On y discute longuement, souvent difficilement, avec insatisfaction et circonvolution. On s’y dispute ou, utile manière d’apaiser la tension tout en la formulant, on y fait de l’humour. Les conflits entre les membres permanents et leur recours à l’ironie illustrent le conflit entre l’impureté du résidu et la grande valeur attribuée à l’adolescent : il faut se salir les mains car les adolescents en valent la peine, on n’est pas « une colonie de vacances » (Karim Amzaoui).
24Bénédicte Cristin parle de l’établissement qu’elle dirige comme « une poubelle » : « [Le centre de Villette] était un peu une poubelle, pour tous les gamins qui pouvaient pas aller ailleurs, les mineurs étrangers isolés, les délinquants multirécidivistes, ceux qui fuguaient, etc. ». Ghislaine Poncet souligne son aversion envers les autres expressions utilisées couramment par les acteurs de première ligne pour désigner les adolescents en difficulté :
Il y a tellement de termes qui ne me conviennent pas. On peut dire aussi en grandes difficultés. « Incasable »… le pire c’est « patate chaude ». C’est terrible. Alors, c’est plus pour qualifier peut-être la difficulté des professionnels et une attitude des professionnels à l’égard de ces mineurs. Mais je trouve la formulation assez terrible.
25Évoquant le glissement subtil d’une justice des mineurs à une justice « mineure »21, Nicole Ivernois estime que les autres magistrats ont une vision péjorative du travail des juges pour enfants, les « mains dans la graisse » :
On est regardés un peu curieusement par nos pairs qui nous soupçonnent de bien aimer avoir les mains dans la graisse. Qui nous disent que ce n’est pas vraiment un travail de juge. La majorité d’entre eux détesterait venir nous remplacer dans nos cabinets quand on n’est pas là.
26Ces différents discours suggèrent tous une activité dépréciée et éventuellement salissante : la poubelle, la graisse, la patate chaude. Les adolescents difficiles, qui ne sont pas à leur place ou à qui on ne trouve pas de place, se voient donc connotés d’une impureté, d’une souillure et leur traitement recouvre les caractéristiques du sale boulot. Ce sale boulot vise en pratique la réduction de l’incertitude professionnelle, morale et cognitive, qui structure le souci pour les adolescents difficiles. La clinique assure cette fonction en créant un consensus dans la définition des cas. Les deux dimensions, cognitive et morale, de ce trouble professionnel sont ainsi traitées par le réseau. D’une part, les interprétations que proposent les acteurs de seconde ligne cherchent à réassigner le cas à un sens de l’activité : une catégorie normative (mineur en danger ou dangereux) ou une catégorie pratique (fugueuse ou délinquant). Leurs préconisations visent à favoriser la coordination entre les organisations sans recourir à leur déspécialisation. D’autre part, et c’est là le cœur du travail, lorsqu’une telle réduction de l’incertitude est impossible, le réseau produit une résolution de l’épreuve d’éthicité que représentent les adolescents difficiles. Les acteurs, et tout particulièrement les professionnels de seconde ligne, fournissent des efforts pour se distancier de cette question de l’hébergement au profit d’une activité plus réflexive, témoignant d’une tentative de « recadrage » moral22. Les efforts pour transformer la « recherche d’une place » en travail réflexif, la rhétorique du « bout du bout » des prises en charge tout comme le refus des appellations telles que « incasables » pour désigner les adolescents participent de ce travail de requalification. Le sale boulot de traiter une population résiduelle, indésirable et stigmatisée ne fait pas simplement l’objet d’une tolérance de la part des professionnels, il est transformé en une tâche noble.
Encadré 9. Le résidu et ses déterminants
Le résidu institutionnel que constituent les adolescents difficiles peut être conceptualisé de deux manières. D’une part, il est lié à la nature même du pouvoir de discipline. Selon Michel Foucaulta, ce pouvoir, caractérisé par le « contact synaptique corps-pouvoir », produit nécessairement des résidus « inclassables » du fait de sa tendance « isotopique » assignant à chaque individu une place.
Deuxièmement, il peut être conçu comme résultant du problème de la spécialisation horizontale des organisations. Le monde médical fournit un idéaltype de ce processusb. La spécialisation (par organes) puis l’hyperspécialisation (par pathologies) des services hospitaliers ont ainsi répondu à une logique de progrès scientifique, mais également à des logiques managériales et économiques représentées par les politiques publiques de réduction des coûts de santé et par l’introduction d’outils importés du monde de l’entreprise (comme les groupes homogènes de malades et la tarification à l’activité). Si sa dimension scientifique (réduire son champ d’action pour mieux connaître) n’est pas aussi pertinente dans l’analyse du travail auprès des adolescents difficiles que dans celle des hôpitaux contemporains, la spécialisation des dispositifs éducatifs est bien, comme dans le cas des hôpitaux, la conséquence du double processus de rationalisation managériale et de rationnement économique. Or, dans le cas du monde hospitalier, la convergence des facteurs scientifiques, économiques et managériaux de la spécialisation a conduit, par effet « tamis », à l’amplification des situations inclassables et incasables ainsi qu’à la massification du recours aux dispositifs dits « d’urgence »c. Ce phénomène de « blocage » du résidu dans les dispositifs d’entrée et d’urgence se retrouve dans le cas des adolescents difficiles.
a. Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, p. 42.
b. Henry Mintzberg, Structure et dynamique des organisations, Paris, Éditions d’Organisation, 1998.
c. François Danet, Où va l’hôpital ?, Paris, Desclée de Brouwer (L’époque en débat), 2008, p. 162 ; Carine Vassy, « Categorisation and Micro-Rationing: Access to Care in a French Emergency Department », Sociology of Health & Illness 23, no 5, 2001, p. 615‑632. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1111/1467-9566.00268] ; Yannis Gansel, « Les « Bed-blockers » sont-ils les bons patients de la médecine d’urgence ? », Qu’est-ce qu’un bon patient ? Qu’est-ce qu’un bon médecin ?, par Claire Crignon-De Oliveira et Marie Gaille, Paris, Seli Arslan, 2010, p. 189‑199.
Un problème entre médicalisation et politisation
27Le 26 novembre 2015, quelques jours après les attentats du 13 novembre au Stade de France et au Bataclan de Paris, les membres permanents se réunissent pour une réunion d’évaluation de l’activité du Réseau. Au cours des deux dernières années, l’activité du RIAD est devenue discontinue, nombre de réunions ont été annulées ou repoussées faute de demande, la fréquentation des membres permanents était en baisse et plusieurs changements de copilotes ont eu lieu. Seuls trois membres permanents se sont mobilisés : Françoise Olivier, responsable d’une association agréée par l’ASE, Marc Favier et moi-même. La responsable historique du RIAD, Ghislaine, vient de quitter ses fonctions et elle est remplacée par un nouveau directeur départemental de l’ASE, accompagné d’une cadre de la PJJ, elle aussi récemment nommée. Marc regrette, une fois de plus, le caractère « ambigu » des préconisations et le manque de solutions « concrètes » apportées par le RIAD à ceux qui viennent présenter23. Il exprime son désarroi devant l’arrivée incessante de « jeunes complètement explosés » à la Villa, après des parcours institutionnels faits de multiples refus et renvois. « C’est tous des gamins des banlieues, c’est eux qui après font sauter des bombes », dit-il, faisant le lien entre ces adolescents « explosés » et les récentes attaques terroristes de Paris. Comme il le répète souvent, Marc désapprouve le fait que lorsque les « psy ont parlé, la messe est dite » lors des réunions du RIAD. Les membres permanents s’interrogent alors collectivement : le réseau observe la répétition de ces cas problématiques, mais à qui peut-il « faire remonter » ce problème ? Marc et le responsable départemental de la protection de l’enfance estiment que le juge des enfants serait l’interlocuteur naturel, mais la responsable de la PJJ présente ce jour-là leur signifie que le magistrat n’a pas le pouvoir de juger au-delà des situations individuelles et qu’il ne peut réformer les institutions. Marc évoque également l’idée de faire un courrier au Défenseur des droits24, mais les autres participants restent peu convaincus des effets concrets d’une telle démarche. La réunion se clôt sur ces incertitudes, les copilotes laissant en suspens l’idée de poursuivre l’activité du RIAD. Au moment où ces lignes sont écrites, le réseau n’a toujours pas été réactivé et on peut penser qu’il s’agissait là de sa dernière réunion.
28La fin d’activité du RIAD laisse donc en suspens une incertitude : à qui adresser le problème des adolescents difficiles ? Plus précisément, comment politiser cette question au-delà du recueil individuel des cas ? Cette incertitude, structurelle et insurmontable, est indissolublement liée aux ambiguïtés organisant le souci pour les adolescents difficiles. Transformer et formaliser une « commission des cas bloqués » ou un « bureau des placements » en un « réseau pour adolescents en grande difficulté », comme Ghislaine a œuvré à le faire à partir de 2002, c’est à la fois recadrer le problème grâce à la clinique et en suggérer le traitement. Référée aux savoirs psychopathologiques, cette problématisation prend en compte le malaise des professionnels, mais elle conduit potentiellement à une forme de truisme : l’adolescent est difficile car les professionnels se sentent impuissants (c’est un élément de sa définition) et les professionnels se sentent impuissants car l’adolescent est difficile (c’en est une caractéristique essentielle). Là où Robert Emerson distinguait deux termes anglais (trouble et disorder) pour une analyse « micro-politique » des problèmes sociaux25, le « trouble » des adolescents difficiles désigne tout autant leur perturbation psychopathologique individuelle (disorder) que le malaise collectif des professionnels (trouble). Est-ce le « système » et les professionnels qui produisent les adolescents difficiles ? Ou bien ont-ils des caractéristiques propres ? Une telle ambiguïté traverse l’activité du réseau et conditionne la politisation du problème. Elle ménage un habile compromis entre la médicalisation individuelle des problem people26 et la recherche de solutions collectives et politiques. De ce fait, la catégorie des adolescents difficiles offre des ressources pour contrer la stigmatisation des jeunes dangereux et violents. Mais elle n’ouvre pas vers la possibilité d’une revendication institutionnelle plus vaste27.
29De plus, comme l’écrivent Daniel Céfaï et Cédric Terzi à la suite des pragmatistes américains, « problématisation (définition d’une situation problématique) et publicisation (constitution des publics concernés par cette situation) sont les deux faces d’une même dynamique »28. Passer de réunions informelles internes « sur le coin d’un bureau » à l’ASE à la formalisation d’un réseau implique de conférer au problème un statut public plus vaste, impliquant un consensus entre plusieurs institutions sur son caractère anormal et sur la nécessité d’une action collective pour le corriger. La problématisation clinique des adolescents difficiles contribue ainsi à la définition du « public »29 concerné par ce problème. Dès lors, les juges, bien que loin d’être étrangers aux « conséquences indésirables » des situations problématiques, se retrouvent marginalisés. Du fait que les adolescents difficiles s’inscrivent durablement et par définition dans une pluralité de significations, faisant l’objet de contestations30, la « propriété » du problème reste incertaine, suspendue entre éducateurs, cadres administratifs et cliniciens. Principale figure d’autorité au cours des réunions, instance médiatrice, le psychiatre est investi de la reconnaissance et des obligations associées à la propriété du problème public des adolescents difficiles. Mais son expertise est tout à la fois appelée et contestée voire disqualifiée.
30Pour Ravon et Laval, des travailleurs sociaux tels les professionnels de l’insertion avaient repéré le problème du « mal-être » des jeunes dès les années 1990. Mais celui-ci n’est devenu dicible et donc « entendable qu’une fois que les professionnels de santé mentale disposant d’un système d’expertise clinique ont pu [l’]énoncer en termes de souffrance psychique »31. Les cliniciens, psychiatres et psychologues, mais également les infirmiers des services de psychiatrie occupent dès lors une place de « leaders » dans le champ de la formation des professionnels de l’adolescence. Les postures publiques de psychiatres comme Michel Botbol ou Maurice Berger illustrent également ces inflexions. À l’instar des pédiatres ayant porté l’émergence du problème de la maltraitance infantile à partir des années 1950, ces derniers revendiquent avoir « découvert » les adolescents difficiles. Pour Laval et Ravon, une telle problématisation clinique ne signe ni une « médicalisation » du social ni le déclin de l’intervention éducative au profit d’un traitement médical mais plutôt une « politique de l’attention » (ibid., p. 229), remplaçant les visées transformatrices de l’action par celles d’un care éventuellement palliatif32. L’adolescence n’est donc « pas tant médicalisée que problématisée dans une logique clinique à visée thérapeutique » (p. 230). En outre, ces logiques ont conduit à établir de « nouvelles connexions entre acteurs habitués à travailler dans leurs champs respectifs » (p. 231), ce que les membres du RIAD appellent « faire des ponts » (Marc Favier). Si personne ne remarque ni même ne pose la question de l’absence des adolescents et de leur famille à ces réunions, c’est pour une raison bien simple : il est convenu que le réseau est destiné aux professionnels. Le cas de l’adolescent sert, in fine, d’analyseur à l’action institutionnelle, qui ne trouve aucune autre instance de coordination transversale que les cas individuels de chaque adolescent. Réfléchir à l’adolescent crée une « traçabilité des parcours »33. La circulation des adolescents entre les dispositifs est analysée à partir des individus et non à partir des institutions. Pourtant, ces dispositifs sont sous la tutelle des administrations qui président le réseau (PJJ et ASE). Ce paradoxe est un des moteurs de l’ironie des professionnels (« le problème, c’est nous », c’est le réseau des « institutions en grande difficulté »). Se déploie alors une reconfiguration de l’action publique autour de la dimension réflexive et de l’incertitude. Comme le montrent Laval et Ravon, cette reconfiguration se caractérise par la déterritorialisation, par un renforcement de la continuité et du contrôle des parcours individuels ainsi que par une coordination réflexive orchestrée par les savoirs dominants de l’expertise clinique.
31Enfin, ce trouble, c’est-à-dire cette pluralité de significations, des adolescents difficiles permet à une même catégorie clinique de désigner de manière continue la marge des institutions alors même que les normes institutionnelles et donc les conditions de production de leurs marges évoluent considérablement entre les années 1960 et 2000. Notons cependant que si la définition clinique mobilisée est d’une remarquable stabilité, l’usage qui est en fait varie sensiblement. Alors que, à l’image du pédopsychiatre Stanislas Tomkiewicz, la catégorie des adolescents difficiles soutenait un mouvement d’ouverture des institutions éducatives dans les années 1970 et s’appuyait sur une dénonciation de la contrainte et de l’enfermement, sa réactivation dans les années 2000 ouvre en apparence vers des perceptions tout à fait opposées. L’adolescence difficile légitime alors l’usage de la contrainte dans le travail éducatif, allant de pair avec une réhabilitation de l’enfermement rendu légitime par les vertus thérapeutiques et transformatrices de la sanction. Cette contradiction morale apparente sur l’usage de la contrainte doit être lue comme un des effets de réorganisations plus larges de l’action publique autour de la figure de l’individu autonome, réorganisations qui donnent une clé de lecture supplémentaire de ce problème public.
La personnalisation comme reconfiguration de l’institution totale
32La continuité et l’histoire des lieux, la récurrence des références à l’asile, l’importance donnée à la question de l’hébergement et l’inquiétude sur les abus de pouvoir des interventions témoignent de l’héritage asilaire dont sont dépositaires les membres du réseau, et en particulier Marc et Rémy. Sur les vestiges de l’asile, le RIAD produit en pratique une personnalisation extrême du traitement : on y fait du « sur-mesure », à partir de la biographie de l’adolescent, dans une attention constante à « rester dans les clous » de la réglementation et de la loi, conçue comme la Loi structurante pour l’individu. Cette personnalisation, tout comme les épreuves éthiques des professionnels, indiquent une forme de reconfiguration de l’institution totale, que traversent deux ordres de tension : le premier entre care et contrôle, le second entre protection et autonomie.
33L’institution totale décrite par Goffman34 prenait en son sein les individus dans une logique d’uniformisation et de dépersonnalisation effaçant tout trait personnel, le crâne rasé et l’uniforme en étant les pratiques les plus caractéristiques. Pour Goffman, le propre de l’institution totale était de prendre en charge toutes les dimensions de la vie des individus : travail, hébergement, sexualité, santé, etc. Comme le souligne Isabelle Coutant35, ces critiques ont, depuis les années 1970, largement pénétré les asiles et ont modulé les postures des professionnels de psychiatrie contemporaine. Les limites de leurs interventions sont sans cesse contestées, entre modulation de la contrainte et idéal du travail de réinsertion, entre « internement abusif » et « externement abusif »36. La personnalisation du traitement réalisée au RIAD repose, au contraire de l’institution totale, sur les caractéristiques propres de l’individu et en particulier sur son parcours biographique. Mais l’articulation entre les institutions et l’attention à la transversalisation professionnelle conduisent, par un chemin inverse, à un résultat similaire : par empilement de couches d’interventions successives, matérialisées par la contenance et coordonnées dans le temps, toutes les dimensions de la vie de l’individu se voient prises en charge. Dans les cas des jeunes Anis ou Sofian par exemple, le traitement tenant compte de leur dangerosité sexuelle passe non pas par l’enfermement mais par un assortiment de mesures « cadrantes » très personnalisées, associant care et contrôle, si bien que la contrainte s’étend aux différentes dimensions de la vie des adolescents et le contrôle devient total.
34Comme le souligne Sandra Laugier37, le care contient de manière inhérente une activité « d’enquête » qui permet de rendre visible ce qui était inapparent, audible ce qui était silencieux. Profondément liée au contrôle et à l’usage de la contrainte dans l’activité du réseau, une dimension problématique du care émerge alors : celle de la limite entre l’enquête et l’inquisition, entre la sollicitude du regard, la bienveillance de l’écoute et la surveillance continue des comportements. Cette dimension du regard porté sur autrui interroge l’emprise pouvant émerger dans les pratiques de care et renouvelle la tension historique entre éthique du care et justice38. Peut-être nous invite-t-elle aussi à nous départir d’une vision univoque du care comme protection pour y intégrer ces deux dimensions, conçues habituellement comme antagonistes, de la bienveillance et de la surveillance.
35Cette ambiguïté des liens entre care et contrôle renvoie également à l’emprise étendue des sociétés post-disciplinaires que prédit Gilles Deleuze dans son « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle »39. L’enfermement et la discipline uniformisante du pouvoir disciplinaire se voient remplacés par l’auto-contrôle. Au mot d’ordre collectif se substitue un mot de passe très individualisé. Là où, de l’école à l’usine, le pouvoir de discipline « n’arrêtait pas de recommencer », le pouvoir de contrôle est quant à lui « continu », sans fin. La personnalisation biographique du traitement des adolescents est potentiellement infinie. À cette illimitation potentielle du care, s’ajoute le « double principe d’indétermination et d’illimitation » de la santé mentale40 dans lequel s’intègre la constitution généalogique des adolescents difficiles : où commence et où s’arrête la souffrance sur laquelle les institutions agissent ? Ainsi, les travailleurs sociaux de l’ASE se retrouvent dans la même position auprès des adolescents en grande souffrance que les case-manager qui suivent les malades mentaux dans les programmes d’intégration communautaire aux États-Unis : ils ont une « responsabilité illimitée sur la vie de leurs clients » qui trouve ses racines dans la des-institutionnalisation elle-même41. À travers l’attention à une continuité de la « couverture » de l’action publique et par une recherche isotopique d’assigner les adolescents à un lieu, les solutions cliniques apportées par le réseau illustrent que, loin de décliner, « l’institution n’a sans doute jamais été aussi présente et intervenante dans la vie des individus »42.
36Enfin, le dilemme de la protection de l’injonction à l’autonomie constitue une autre source de tension dans cette dynamique de personnalisation. La place donnée à l’adhésion illustre parfaitement ce dilemme. Depuis le début des années 2000, l’autonomie des usagers est placée au pinacle des valeurs de l’action publique, aussi bien dans le champ sanitaire que social. Cette tendance est illustrée par une série de politiques publiques de modernisation en matière sanitaire (telle la loi du 4 avril 2002 sur la « démocratie sanitaire ») ou sociale (comme la loi du 2 janvier 2002 impliquant une plus grande participation à la vie citoyenne des usagers de l’action sociale). Sur le plan moral, ces politiques publiques reposent sur une critique du modèle paternaliste des institutions43 et appellent une meilleure contractualisation des relations avec leurs usagers. Cependant, ce modèle de l’autonomie ne rend que difficilement compte de la prise en charge de personnes très dépendantes, rentrant mal dans le modèle du consentement éclairé et de la réhabilitation. Un tel écart est souligné par le travail de Benoît Eyraud sur les personnes sous mesure de protection de biens.
La promotion de l’autonomie comme norme, la critique des établissements asilaires, les mutations de la solidarité familiale, l’extension des politiques sociales et du handicap, et la dégradation économique conduisent de plus en plus de personnes à être exposées à des difficultés pour se gouverner par elles-mêmes.44
37Ces reconfigurations autour de l’autonomie de l’usager appellent également des critiques, soulignant le retrait de l’État au profit de politiques libérales, et la perte de protection pour les personnes les plus vulnérables. Ce désinvestissement est d’autant plus pointé qu’il contraste avec le surinvestissement des questions sécuritaires et de la gestion de la dangerosité. Le sort des malades psychiatriques incarcérés est devenu l’illustration de ces critiques45.
38Il n’en reste pas moins que, comme le théorise Isabelle Astier46, le travail sur autrui se transforme en travail avec autrui, et, en matière d’adolescents, les interventions ne cherchent pas la soumission de l’usager à la société mais, par une action pédagogique, visent l’apprentissage de l’autonomie. Il faut que l’adolescent trouve de lui-même les moyens d’adhérer activement à la société47. L’adolescence devient ainsi l’âge d’une autonomie sans indépendance48. C’est la tension entre autonomie et protection que cherche à traiter la problématisation des adolescents difficiles, comme l’indique l’idée d’une « pédagogie de la non-demande »49. Pour cette population, l’autonomie est rendue problématique non seulement du fait de l’âge, mais également de ses caractéristiques propres et des contraintes de protection individuelle et de prévention de la dangerosité qui leur sont adossées.
39Ces différents ordres de tension, entre care et contrôle, entre protection et autonomie, trouvent leur solution dans la clinique et sa force de consensus. En jaugeant de l’adhésion des jeunes, et en donnant une interprétation clinique aux comportements des adolescents, déviants et incompréhensibles pour le profane, les professionnels les érigent en acteurs agissant par eux-mêmes, se définissant comme individus autonomes, cherchant à prendre leur place dans le corps social et à « faire des choix » dans le « champ des possibles » délimité par les institutions50.
Notes de bas de page
1 Notes de terrain et document public de projet d’établissement publié en ligne en 2010.
2 Observation du 15 décembre 2011.
3 Marc, observation du 27 mai 2011.
4 Observation du 18 novembre 2010.
5 Entretien du 17 février 2011.
6 Cette impossibilité de renvoyer l’adolescent pour un motif disciplinaire fonde la dimension asilaire commune à la Villa et à l’hôpital psychiatrique du Sermet. Cette dimension est partagée avec le monde carcéral : « c’est justement la spécificité de l’institution psychiatrique (avec la prison) de ne pas renvoyer son public pour une raison disciplinaire ». Isabelle Coutant, Troubles en psychiatrie, p. 103.
7 Bertrand Ravon et Christian Laval, « De l’adolescence aux adolescents dits “difficiles” : dynamiques d’un problème public », Vulnérabilités sanitaires et sociales, par Axelle Brodiez, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 221‑231 ; Bertrand Ravon et Christian Laval, L’aide aux « adolescents difficiles » : chroniques d’un problème public, Toulouse, Érès, 2015.
8 Document du réseau : bilan des années 2008 à 2011.
9 Observation du 20 janvier 2011.
10 Observation du 16 septembre 2010.
11 Robert M. Emerson et Sheldon L. Messinger, « The Micro-Politics of Trouble », Social Problems 25, no 2, 1977, p. 121‑134. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/800289].
12 Il s’agit pour rappel des cadres de la PJJ, successivement Mme Quentin, Mme Maillet puis Mme Cristin.
13 À partir d’une enquête dans une caisse de retraite, Jean-Marc Weller, sociologue de « l’État au guichet », souligne que l’attribution d’un cas à une catégorie assure la maîtrise de « l’incertitude critique ». Ainsi, « un cas désigné comme “difficile” ou “épineux” par les agents est souvent un cas inclassable ou que l’on se représente comme tel ». Jean-Marc Weller, « Sociologie d’une transaction : une caisse de retraite et ses usagers », Société contemporaine 3, no 3, 1990, p. 85.
14 Bertrand Ravon et Pierre Vidal-Naquet, « Épreuve de professionnalité », Dictionnaire des risques psycho-sociaux, par Philippe Zawieja et Franck Guarenir, Paris, Seuil, 2014, p. 268‑272.
15 Bertrand Ravon et Christian Laval, « De l’adolescence aux adolescents dits “difficiles” », p. 226.
16 Didier Fassin, Des maux indicibles, p. 25‑26 et 39.
17 Pour reprendre l’expression de Benoît Eyraud, Protéger et rendre capable. La considération sociale des personnes très vulnérables, Paris, Érès, 2013.
18 Bertrand Ravon et Christian Laval, « De l’adolescence aux adolescents dits “difficiles” », p. 231.
19 Isabelle Coutant, Troubles en psychiatrie, p. 29.
20 Everett C. Hughes, Le regard sociologique. Essais choisis, p. 65 ; Pascale Molinier, « Le care à l’épreuve du travail : vulnérabilités croisées et savoir-faire discrets », Le souci des autres : éthique et politique du care, Sandra Laugier et Patricia Paperman éd., édition revue et augmentée, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 339‑357.
21 Ce glissement, identifiant le magistrat et son justiciable, a été décrit par Léonore Le Caisne, « Incarcérer un mineur : de la personnalité de l’adolescent aux enjeux identitaires des magistrats », Cahiers internationaux de sociologie 124, no 1, 2008, p. 11. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/cis.124.0103].
22 Blake E. Ashforth et Glen E. Kreiner, « “How Can You Do It?”: Dirty Work and the Challenge of Constructing a Positive Identity », The Academy of Management Review 24, no 3, 1999, p. 413. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/259134].
23 Observation du 26 novembre 2015.
24 Créé en 2011, le Défenseur des droits est une instance de l’État, indépendante des différents pouvoirs et qui a pour mission d’assurer l’égalité d’accès aux droits des citoyens. Voir : [http://www.defenseurdesdroits.fr/fr/institution/presentation].
25 Robert M. Emerson et Sheldon L. Messinger, « The Micro-Politics of Trouble ».
26 Les « personnes à problèmes ». Joseph R. Gusfield, « Constructing the Ownership of Social Problems ».
27 Telle que celle décrite par Malcom Spector et John I. Kitsuse, « Social Problems: A Re-Formulation », Social Problems 21, no 2, 1973, p. 145‑159. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/799536].
28 Daniel Céfaï et Cédric Terzi, L’expérience des problèmes publics, p. 10.
29 Le public du problème s’entend ici comme « l’ensemble des personnes, organisations et institutions indirectement concernées par la perception partagée des conséquences indésirables d’une situation problématique et qui s’y impliquent pour tenter de l’élucider et la résoudre ». Ibid., p. 10.
30 Contested meanings selon l’expression de Joseph R. Gusfield, « Constructing the Ownership of Social Problems ».
31 Bertrand Ravon et Christian Laval, « De l’adolescence aux adolescents dits “difficiles” », p. 229.
32 Au sens du maintien en l’état, plutôt que de la transformation curative.
33 Bertrand Ravon et Christian Laval, « Vulnérabilité et institution », p. 81.
34 Erving Goffman, Asiles, Paris, Minuit, 1968.
35 Isabelle Coutant, Troubles en psychiatrie, p. 212.
36 Cette tension est formulée ainsi par les psychiatres du service d’hospitalisation pour adolescents qu’étudie Coutant (ibid.).
37 Anne M. Lovell et al., Face aux désastres. Une conversation à quatre voix sur la folie, le care et les grandes détresses collectives, Montreuil-sous-Bois, Ithaque, 2013, p. 172.
38 Pour la discussion entre éthique du care et justice autour des principes moraux ontologiques, voir par exemple Patricia Paperman et Sandra Laugier, Le souci des autres : éthique et politique du care, édition revue et augmentée, Paris, Éditions de l’EHESS (Raisons pratiques), 2011, p. 26‑29.
39 Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers 1972-1990, Paris, Minuit, 1990, p. 242‑248. En ligne : [https://infokiosques.net/imprimersans2.php3?id_article=214].
40 Claude-Olivier Doron, « L’émergence du concept de “santé mentale” », p. 11.
41 Paul Brodwin, « The Assemblage of Compliance in Psychiatric Case Management », Anthropology & Medicine 17, no 2, 2010, p. 129. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1080/13648470.2010.493603].
42 Isabelle Astier, « Les transformations de la relation d’aide dans l’intervention sociale », Informations sociales 152, no 2, 2009, p. 56.
43 Philippe Pédrot, « Libres propos sur la démocratie sanitaire », Les Petites Affiches 122, no 5‑9, 19 juin 2002.
44 Benoît Eyraud, Protéger et rendre capable. La considération sociale des personnes très vulnérables, p. 394.
45 Claude-Olivier Doron, « Une expérimentation pour réduire les incarcérations des personnes en grande précarité présentant des troubles psychotiques sévères », Rhizome, no 56, 2015, p. 17‑18 ; Geneviève Giudicelli-Delage et Christine Lazerges, La dangerosité saisie par le droit pénal, Paris, PUF, 2011.
46 Isabelle Astier, « Les transformations de la relation d’aide dans l’intervention sociale », p. 55.
47 « La discipline et la référence au groupe n’ont pas disparu, mais sont enchâssées dans cette contrainte sociale devenue première : l’autonomie » (ibid.).
48 Olivier Galland, « Introduction. Une nouvelle classe d’âge ? », Ethnologie française 40, no 1, 2010, p. 5.
49 Roland Coenen, « Éduquer sans punir : vers une approche sociothérapeutique », p. 69.
50 Frédérique Giuliani et Denis Laforgue, « Choix-liberté, choix-responsabilité et choix-autonomie : de l’idéologie politique aux formes pratiques », Lien social et politiques, no 66, Services publics à la carte ? Le choix comme valeur sociale, 2011, p. 25.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Acteurs et territoires du Sahel
Rôle des mises en relation dans la recomposition des territoires
Abdoul Hameth Ba
2007
Les arabisants et la France coloniale. 1780-1930
Savants, conseillers, médiateurs
Alain Messaoudi
2015
L'école républicaine et l'étranger
Une histoire internationale des réformes scolaires en France. 1870-1914
Damiano Matasci
2015
Le sexe de l'enquête
Approches sociologiques et anthropologiques
Anne Monjaret et Catherine Pugeault (dir.)
2014
Réinventer les campagnes en Allemagne
Paysage, patrimoine et développement rural
Guillaume Lacquement, Karl Martin Born et Béatrice von Hirschhausen (dir.)
2013