Chapitre 3
Naissance d’une clinique
p. 59-79
Texte intégral
La découverte des adolescentes difficiles (années 1960)
1Contrairement à ce que pourrait faire croire son actualité, la catégorie des adolescents difficiles n’apparaît pas au milieu des années 1990. Elle est en réalité exhumée à cette période après un relatif oubli et sa « paternité »1 est attribuée de manière inadéquate à Jean-Pierre Chartier pour son ouvrage éponyme publié en 1991 (Les adolescents difficiles : psychanalyse et éducation spécialisée) et réédité à trois reprises depuis. C’est en réalité au milieu des années 1960, sur cet arrière-plan du modèle clinique, que les adolescents difficiles apparaissent. Ou plus précisément les adolescentes difficiles, car c’est au sujet des filles que les premiers auteurs écrivent.
2L’expression « adolescentes très difficiles » est en effet lancée en 1965 dans la revue Psychiatrie de l’enfant, par quatre psychiatres exerçant aux marges de l’asile. Janine Noël, Anne Wolf, Françoise Bouchard et Michel Soulé2 sont attachés à la psychanalyse et proches de la très freudienne Société psychanalytique de Paris. Ces découvreurs des adolescentes difficiles se revendiquent et seront loués comme les « pionniers » psychiatriques, explorant des terrains nouveaux, hors les murs des institutions sanitaires et en référence à des conceptions encore méconnues en France. Ils exercent à l’ASE de la Seine depuis 1952 et participent à développer un intérêt psychiatrique nouveau pour le bébé, autour des notions de prévention des troubles ultérieurs et de protection infantile « éclairée ». Pour introduire leur propos sur les adolescentes difficiles, ils citent les conceptions de Freud sur la « tendance antisociale » ainsi que l’ouvrage phare d’August Aichhorn, qui n’est alors pas encore traduit en français, et qu’ils mentionnent sous son titre anglais de Wayward Youth. Pour présenter leur découverte, ils prennent comme point de départ la demande, inconfortable et en partie inadaptée, qui leur est faite par les institutions éducatives où ils travaillent : résoudre des problèmes posés par les « troubles graves du comportement »3 sans que soient réunis les éléments habituels de leur pratique de psychiatres et psychanalystes, c’est-à-dire la souffrance et la demande du patient (ibid., p. 375‑376).
3Dans la suite de la manie sans délire puis de la pensée criminologique sur la psychopathie, Noël et ses collaborateurs transforment cette demande et ce paradoxe en une nosologie comportementale, hors ou plus précisément en deçà du langage verbal. Pour ce faire, ils usent d’un très classique effort taxinomique, répartissant les adolescentes difficiles en divers tableaux cliniques : les « comportements dit caractériels », les « débiles » et les « troubles de la conduite, dévergondage et prostitution ». Ces premiers auteurs donnent à chaque entité clinique une description propre, en situent les limites et les ordonnent dans divers sous-ensembles4. Comme le font Pinel et les aliénistes du xixe siècle, ils construisent implicitement cette nosologie sur le modèle botanique, les sous-ensembles sont ici différenciés par des symptômes5 mais partagent une étiologie commune. Recueil des signes, recherche de relation entre les signes, réduction des cas complexes à des ensembles symptomatiques servent à distinguer « l’essentiel de l’ornemental » et à séparer les entités pathologiques par une « méthode naturelle » (ibid., p. 146).
4Ces premiers auteurs relatent une étiologie commune à ces différents tableaux cliniques : ils sont tous essentiellement liés à la « carence affective » vécue par l’adolescente durant son enfance. Suivant cet élément de compréhension, les adolescentes se répartissent en diverses formes cliniques (les caractérielles dont « l’affectivité reste mobilisable », celles dont les « carences affectives ont été précoces », etc.). À l’instar de la notion de trauma, la carence fait l’objet d’une histoire ambiguë dans la psychanalyse. Elle oscille entre une conception réelle, inscrite dans la vie sociale et familiale concrète de l’individu, et une conception interne, où ne fait carence que ce qui se lie de manière singulière à l’histoire pulsionnelle du sujet. Dans l’écart entre ces deux acceptions vient se loger la suspicion6 sur le récit que font les patients, sur les abandons et sur les différents ordres de violences, affectives, physiques et sexuelles, qu’ils ont subies.
5S’ils précisent qu’ils exercent dans un foyer de jeunes filles, à aucun moment les découvreurs des adolescentes difficiles n’abordent la différence des sexes : le genre féminin de la catégorie n’est pas questionné et ils ne précisent pas si leur description clinique est propre aux filles. Bien que la « coéducation » soit un programme politique pour l’enseignement depuis le début du xxe siècle et bien que la mixité soit effective dans les lycées depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la ségrégation sexuée reste, dans les années 1960, un principe organisateur souvent explicite pour la plupart des institutions en charge de l’enfance ou l’adolescence déviante. Outre leur fonction d’hébergement rendant difficile d’envisager la mixité, ces institutions se situent en aval de points de filtrage répartissant garçons et filles de manière hétérogène. Dans les tribunaux pour enfants par exemple, ce n’est pas la violence féminine mais la sexualité qui est judiciarisée7. Les filles ne représentent que 11 % des affaires « contre les personnes » impliquant des faits violents et elles sont surtout suivies comme jeunes « à protéger » dans le cadre d’un mandat civil motivé le plus souvent par la fugue, la suspicion de prostitution et l’intempérance sexuelle8. Le recours au placement voire à la contrainte et l’enfermement vient donc traiter un « désordre moral » et constitue « non pas une peine sanctionnant un acte délictuel mais bien le résultat de l’estimation qu’il serait dangereux de laisser certaines adolescentes en liberté » tant elles contreviennent à des normes sociales associant la femme à la douceur9.
6En outre, les institutions qui reçoivent ces jeunes filles sont encore faiblement professionnalisées, peu sécularisées et largement administrées par des principes théologiques des établissements du Bon Pasteur10. La présence de religieuses y reste établie, poursuivant la conversion amorcée en 1945 des « dépôts monastères » en centres d’observation pour jeunes filles11. Elles cohabitent, parfois au sein d’un double parcours professionnel et religieux, avec un corps d’éducateurs spécialisés dont la formation et la reconnaissance sont aussi lentes que laborieuses. Ces institutions développent des savoirs adossés à des conceptions profanes et encore largement indépendants de la clinique et des conceptions de la pédagogie spécialisée. Religieuses et éducatrices élaborent des stratégies disciplinaires à l’aide de ces savoirs locaux parfois teintés de théologie. Les conduites sexuelles des jeunes filles sont particulièrement surveillées, l’image de la prostituée revenant dans le droit chemin est récurrente. Le corps des jeunes filles est central dans les méthodes disciplinaires : activités sportives, occupation permanente par le travail, scission du collectif en petits groupes, port de l’uniforme ou encore imposition de douches froides sont autant de moyens visant à prévenir l’indiscipline et la violence.
7Parmi ces pratiques institutionnelles de discipline, qui précédent toute forme de connaissance médicale12, l’une pose particulièrement problème : « l’isolement ». Cette problématisation est tant le fait de religieuses-éducatrices que de cliniciens. Ainsi, sœur Dublanc publie en 1969 un article dans la Revue de neuropsychiatrie infantile, tiré d’un mémoire soutenu six ans plus tôt pour la fin de ses études d’éducatrice spécialisée. La même année, le psychiatre Paul Le Moal13 écrit sur ce sujet. Tous deux discutent le caractère problématique de cette mesure, consistant à enfermer les jeunes pensionnaires dans des « cellules » spécialement aménagées. Comme le port de l’uniforme, l’isolement renvoie à un passé carcéral dont il s’agit de se démarquer et qui est critiqué pour son aspect dépersonnalisant : il s’agit de pratiques « ingrat[es] » « guère gratifiant[es] » et « regrettable[s] ». Cependant, en dissuadant de fuguer et en incarnant une autorité, ces mesures participent à la discipline collective.
8L’expertise clinique sur les adolescentes difficiles ajoute une plus-value, ou plus précisément donne un nouveau cadre d’analyse thérapeutique à ces pratiques. En effet, comme l’indique Le Moal, pour cette catégorie spécifique de jeunes filles, la « mise en cellule » sert de protection en cas de crise. Cette mesure prévient l’exclusion de l’adolescente hors de l’établissement, lui évitant d’être « victime d’un rejet », un risque particulièrement lié à la sélection pratiquée par les établissements éducatifs qui refusent d’admettre les adolescentes les plus violentes. Dans le cas spécifique des adolescentes difficiles, l’enfermement et la contrainte ne sont donc plus de simples mesures punitives ou de gouvernement collectif des conduites, mais relèvent d’une « valeur indiscutablement curative » en « interrompant un mécanisme dont le sujet est victime »14.
9C’est sur ce dernier point, le rejet dont cette catégorie particulière d’adolescentes sont victimes, que s’organise une césure incontestable avec la notion générique « d’adolescence inadaptée » issue du Conseil technique de Vichy. Les adolescentes difficiles sont définies non pas par leur inadaptation à un environnement et à ses exigences mais par les réactions particulières qu’elles engendrent dans leur entourage et qui sont appréhendées sous le jour psychanalytique du transfert. Ce « syndrome des adolescentes difficiles » est constitué par
[des] symptômes bruyants toujours difficiles à supporter par l’entourage, qui ont en commun le pouvoir de déchaîner l’angoisse des personnes chargées de la surveillance, l’excitation des camarades et celui de provoquer un rejet massif, entraînant des mesures répressives extrêmement dommageables aux sujets qui les ont provoquées. (Ibid., p. 475)
10Tout comme le « mécanisme » que l’isolement vient interrompre, une telle définition porte deux ambiguïtés. D’une part, les adolescentes difficiles n’ont un caractère que partiellement pathologique. Elles se distinguent, par exemple, des psychopathies dont les manifestations de violence « infiltrées de mécanismes rigides » (p. 314) sont nettement pathologiques. D’autre part, que la « difficulté » ou encore le « mécanisme » soient propres aux adolescentes ou appartiennent à leur entourage n’est pas très clair. S’agit-il d’interrompre un processus (d’excitation, d’angoisse) interne de l’adolescente ou bien une réaction collective (de rejet) des professionnels ? De ces ambiguïtés, les cliniciens tirent une posture médiane qu’ils qualifient de « médico-psychologique »15 : il faut tout à la fois s’appuyer sur des savoirs cliniques et ne pas « psychiatriser » les adolescentes difficiles. Ils précisent que leur traitement ne relève pas des soins psychiatriques habituels et soulignent le risque de « psychiatrisation »16 en particulier lors des hospitalisations à l’asile. En extrayant les adolescentes du circuit normal, un tel traitement psychiatrique conduit à l’exclusion sociale, à la stigmatisation et à la dépendance. Cependant, bien qu’ils mettent en garde contre de tels risques, les auteurs défendent leur expertise clinique sur les adolescentes difficiles : leur rééducation ne peut atteindre son but que « si elle se réoriente délibérément vers une perspective franchement médico-psychologique » (ibid., p. 385). En pratique, cette « réorientation » passe éventuellement par une analyse personnelle pour les professionnels ou, plus souvent, par des méthodes de « soutien sous forme de groupe » (p. 386).
11Ainsi, lorsqu’elle apparaît à la fin des années 1960, prenant la suite de l’enfance inadaptée et fondée par le modèle psychanalytique des déviances juvéniles, la catégorie (alors sexuée) des adolescentes difficiles vient révéler une tension morale dans l’usage de la contrainte. Une telle tension est indissociable de « l’âge d’or anti-disciplinaire » qui s’ouvre alors et dont les mouvements sociaux du printemps 1968 sont un point culminant. Dès lors, des critiques émanant du monde intellectuel et d’un courant marxiste pénètrent fortement les institutions psychiatriques et l’éducation surveillée. Un véritable changement de regard sur la contrainte et l’exercice disciplinaire des corps s’opère alors. Aux savoirs profanes produits par des institutions encore faiblement professionnalisées et rémanents d’une tutelle cléricale dans le cas des filles, les cliniciens substituent une position médico-psychologique intermédiaire, en marge de l’asile mais revendiquant l’expertise psychiatrique. La place donnée au trouble des professionnels devient un nouvel organisateur, permettant une délimitation ambiguë d’une population d’adolescents pour qui la contrainte et en particulier l’enfermement acquièrent une vertu thérapeutique. Enfin, la place donnée au rejet hors des institutions et à la sélection pratiquée par celles-ci souligne une nouvelle forme de problématisation : celle de la continuité de l’action publique.
Encadré 2. August Aichhorn
Cité par Janine Noël ou encore Stanislas Tomkiewicz, Aichhorn (1878-1949) sert de référence aux découvreurs des adolescentes difficiles en France. Aichhorn exerce comme éducateur en institution, directeur successif de plusieurs foyers, mais également psychanalyste en cabinet, proche d’Anna Freud. Il est, dès les années 1920, un des précurseurs du modèle clinique des déviances juvéniles.
C’est à la veille de la première guerre mondiale qu’il engage son travail et sa réflexion sur les jeunes délinquantsa, alliant les apports de la psychanalyse et de la pédagogie. L’attention inquiète pour la jeunesse et sa militarisation progressive avant-guerre conduisent au développement de mesures d’encadrement particulièrement destinées aux jeunes hommes des classes populaires. À Vienne, des organisations d’inspiration militaire fleurissent depuis le début du xxe siècle. À l’instar du scoutisme promu par lord Baden-Powell en Grande-Bretagne dès 1907, elles sont souvent organisées par d’anciens officiers, plus ou moins liées à l’Église catholique, et mettent l’accent sur la discipline et l’exercice physique. Avec August Aichhorn et d’autres figures emblématiques comme le polonais Janus Korczak, une partie des pédagogues européens s’inquiète de cette évolution autoritaire et s’attache à proposer des alternatives plus « culturelles ». Une alliance se crée ainsi entre pédagogie et psychanalyse, autour de questions communes, telles l’éducation sexuelle et la réactivation traumatique à la puberté. Certains psychanalystes, proches du marxisme, font schisme avec Freud et vont jusqu’à considérer l’éducation des enfants comme une forme d’oppression politiqueb. Moins radical, Aichhorn milite pour une justice spécialisée des mineurs. Il critique la seule répression, met en garde contre une peur irraisonnée de la jeunesse et développe l’idée que la délinquance juvénile est une condition psychique, la Verwahrlostung, pouvant faire l’objet d’un traitement.
En 1925, il publie à Vienne (chez Internationaler Psychoanalytischer Verlag) son ouvrage princeps intitulé Verwahrloste Jugend (littéralement « jeunesse délaissée, à l’abandon »), préfacé par Sigmund Freud. Il y prend position contre d’autres théoriciens de la psychanalyse (Melanie Klein notamment) et, la distinguant du régime général des névroses, il développe une conceptualisation propre à la Verwahrlostung. Selon celle-ci, l’échec des identifications précoces au sein du complexe d’Œdipe associé à un narcissisme défaillant conduiraient à une « délinquance latente » caractérisée par la satisfaction directe des besoins instinctuels, toujours plus grande que celle obtenue grâce à une relation objectale. La société des adultes et en particulier les parents sont considérés comme responsables de cette condition. Le modèle rééducatif d’Aichhorn vise à passer de la primauté du principe de plaisir à celle du principe de réalité. Il œuvre à organiser les institutions éducatives selon des notions psychanalytiques (comme la supervision), prône les activités culturelles ou artistiques et condamne la sanction par les coups.
La traduction anglaise de Verwahrloste Jugend paraît aux États-Unis (chez Viking Press à New York) en 1948 sous le titre Wayward Youth (« jeunesse qui s’écarte du chemin »). En France, il n’est traduit et publié qu’en 1973, sous les titres beaucoup plus empathiques de Jeunesse à l’abandon puis de Jeunes en souffrance (changement opéré à l’occasion d’une réédition en 2005 par Champ social éditions à Nîmes). Si, dans l’hexagone, la figure d’Aichhorn reste relativement méconnuec, la formulation wayward youth connaîtra une longue postérité aux États-Unis. Malgré le déclin de la psychanalyse puis son exclusion hors de la psychiatrie américaine, la figure d’Aichhorn est fréquemment citée au cours des années 1990 et 2000, appuyant l’idée d’une compréhension du « monde intérieur » des « adolescents violents » et s’opposant aux dérives du management médico-administratif des soinsd. Elle sert encore de référence à certaines méthodes de traitement de la violence juvénile telle la counter response dans les institutions médico-judiciaires américainese.
a. Florian Houssier, « Un pionnier dans l’histoire de la psychanalyse : August Aichhorn et le traitement de la délinquance dans la première moitié du xxe siècle », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », no 6, Les sciences du psychisme et l’enfance « irrégulière », 2004. En ligne : [http://rhei.revues.org/index709.html].
b. Eli Zaretsky, Le siècle de Freud, p. 153‑178.
c. Yves Jeanne, « August Aichhorn. Prendre en compte la “jeunesse à l’abandon” », Reliance 18, no 4, 2005, p. 132‑139. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/reli.018.0132].
d. Virgina S. Villani et Stephen S. Sharfstein, « Evaluating and Treating Violent Adolescents in the Managed Care Era », American Journal of Psychiatry 156, no 3, 1999, p. 458‑464.
e. Katherine Hejtmanek, « Caring Through Restraint: Violence, Intimacy and Identity in Mental Health Practice », Culture, Medicine and Psychiatry 34, no 4, 2010, p. 668‑674. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1007/s11013-010-9195-6] ; Katherine Hejtmanek, « Practicing and Resisting Constraint: Ethnography of “Counter Response” in American Adolescent Psychiatric Custody », Culture, Medicine, and Psychiatry 38, no 4, 2014, p. 578‑596. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1007/s11013-014-9403-x].
Succès et extension (années 1970)
12Durant la décennie qui suit, une double extension se produit. D’une part, la catégorie s’affranchit de son caractère exclusivement féminin. Chez les pionniers, découvreurs des adolescents difficiles, la différence des sexes est tout aussi frappante que le silence qui la recouvre. La ségrégation sexuelle initiale semble relever du sens commun, le tri s’effectuant en amont de la constitution du savoir, dans l’organisation même des institutions. Cependant, l’apparition de la mixité, qui s’étend aussi dans le cadre scolaire à partir de 1975, reste tout aussi peu explicitée. La catégorie des adolescents difficiles semble indiquer cette ligne de différenciation tout en la tenant hors de son champ d’examen clinique. D’autre part, elle dépasse les limites de la seule littérature psychiatrique pour s’étendre dans les institutions judiciaires et éducatives. Les psychiatres Bernard Zeiller et Stanislas Tomkiewicz utilisent ce diagnostic dans leurs travaux sur la délinquance juvénile17 et participeront plus tard à l’introduire à l’INSERM18. On retrouve également une mention des adolescents difficiles dans les comptes rendus des Journées d’étude de l’aide sociale à l’enfance19, tenues à Nancy en 1976. Le pédopsychiatre et professeur de psychiatrie Roger Misès y donne une allocution où il regrette « les conditions dramatiques où il est fait généralement appel aux psychiatres, […] à un moment où s’est déjà consommée la rupture brutale entre l’adolescent et les organismes de l’aide sociale à l’enfance »20. Il s’inquiète des « manifestations extrêmes de violence » et du « renversement des valeurs » concernant la jeunesse contemporaine. Cette notion d’adolescents difficiles voit également le jour chez les magistrats, autour de préoccupations similaires. En novembre 1973, Georges Uzan, alors juge des enfants à Paris, rédige un rapport sur les « mineurs difficiles » pour une commission sur le même thème commandée par le garde des Sceaux, Jean Taittinger. Il propose un « complexe éducatif », susceptible « d’exercer une certaine contrainte »21 afin de mettre en œuvre une mesure éducative pour cette catégorie particulière de jeunes délinquants. Il les caractérise par leur « refus » de l’autorité judiciaire et par leurs « difficultés [qui] s’exacerbent » malgré les interventions de quatre types d’acteurs : la famille, le « médecin-psychiatre-psychanalyste », « l’assistante sociale et l’éducateur de service privé ou public ». Cette proposition de centres contraignants ne sera finalement pas retenue par le garde des Sceaux22. Si la pénétration du savoir clinique développé par les psychiatres demeure limitée dans de tels projets, la délimitation d’une catégorie d’adolescents par des symptômes de violence et d’insoumission, la relativité de la perturbation à l’entourage, l’usage problématique de la contrainte et les discontinuités des traitements institutionnels restent des constantes. Elles forment peu à peu, chez ces magistrats et éducateurs, une vision tout à la fois inquiète du désordre sociale et soucieuse du malaise des jeunes.
Une symétrie de vulnérabilité
13Au cours de la décennie 1970, le psychiatre Stanislas Tomkiewicz (1925-2003) joue un rôle clé dans cette diffusion de la catégorie des adolescents difficiles et ouvre une nouvelle dimension : celle de la symétrie de vulnérabilité entre adolescents et professionnels. Né en 1925 dans une famille juive aisée de Pologne, l’enfance de Tomkiewicz est marquée par le génocide nazi : il connaît le ghetto de Varsovie puis la déportation en camp de concentration, dont il réussit à s’échapper seul alors que les autres membres de sa famille sont exterminés. C’est dans ces conditions extrêmes qu’à la fin de la guerre il arrive en France, orphelin, dénutri et malade. Il y réside l’essentiel de sa vie, menant une carrière de psychiatre auprès d’enfants et d’adolescents qui lui vaut une certaine notoriété et le surnom de « Tom »23. À partir des années 1970, il exerce dans un établissement de l’éducation surveillée ouvert en 1950 à Vitry-sur-Seine. Tomkiewicz y intervient jusqu’en 1983, date à laquelle le foyer cesse son activité24. Il met volontiers en lien son expérience concentrationnaire avec son parcours professionnel25. La référence à la vulnérabilité personnelle, celle de l’orphelin malade recueilli à l’hôpital, est un pilier dans la construction que Tomkiewicz puis ses biographes font de son parcours professionnel comme psychiatre auprès des jeunes délinquants26. Son article de 1973 « à propos de 108 adolescents très difficiles »27 fait référence au foyer de semi-liberté de Vitry, dirigé par Joe Finder28. Cette publication s’intègre dans une vaste production, en partie écrite mais surtout orale29, qui fera de « Tom » une figure notoire du traitement des adolescents difficiles jusque dans les années 200030. Dans la perspective clinique développée par Tomkiewicz, la vulnérabilité personnelle est à la fois un moteur (pour partie inconscient) du travail auprès des adolescents difficiles et une condition du lien avec ceux-ci. En s’appuyant sur sa propre expérience de la vulnérabilité, le professionnel peut appréhender au mieux tout à la fois cette population de jeunes et les réactions qu’ils suscitent.
« Faire la gueule », renouveler la contrainte
14Comme un certain nombre de psychiatres ayant connu l’occupation nazie voire la déportation, Tomkiewicz participe à une volonté de « désaliéner » la psychiatrie31. Il travaille initialement à l’hôpital de Saint-Alban, lieu symbolique de l’ouverture de l’asile après-guerre où « dans une métaphore héroïque, la libération du territoire se prolonge par la libération de l’asile » (ibid., p. 356). En martelant que « la prison, c’est dehors »32, ces promoteurs des adolescents difficiles œuvrent à une critique de l’enfermement, reposant sur une dénonciation d’inspiration marxiste des inégalités sociales. Cette apologie de l’éducation dans un milieu non contraint témoigne du climat culturel et moral contemporain, la dénonciation publique de la contrainte et de l’enfermement disciplinaire trouvant son paroxysme dans les manifestations de mai 1968. Au mois de juin 1968, les Assises de l’éducation surveillée, tenues à Vaucresson, remettent en cause les gros internats jugés ségrégatifs et inefficaces33. Le centre d’observation de Vitry est identifié comme un lieu alternatif où, dès les années 1950, est faite la promotion d’un traitement « ouvert »34.
15Cependant, cette dénonciation infléchit le travail éducatif et les modalités de gouvernement des conduites juvéniles. En 2002, les documentaristes Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman consacrent à « l’expérience de Vitry » un film intitulé Mémoire de sauvageons35. Ils y interrogent Tomkiewicz et Finder (« Joe et Tom ») sur les sanctions prises en cas d’actes de vandalisme ou de violence. Ceux-ci expliquent répondre aux jeunes pensionnaires coupables en leur « faisant la gueule ». Plus question ici de l’isolement en cellule ou des autres réponses coercitives proposées (et critiquées) par sœur Dublanc pour les adolescentes difficiles. Pour autant, Tomkiewicz insiste sur le caractère authentiquement punitif de « faire la gueule » : en privant l’adolescent de tout signe d’affection ou de reconnaissance, ce châtiment représente une épreuve vraiment douloureuse et pénible. Mais la peine est également conçue comme un processus transformatif, suspendu à une condition : qu’elle soit infligée par « quelqu’un qui compte » pour le jeune. Elle devient alors l’occasion pour l’adolescent de « dépasser la déception » et d’expérimenter la permanence des professionnels36. Tomkiewicz justifie la pertinence de cette méthode par un savoir clinique ayant trait au transfert et expliquant la douleur subjective de se voir « faire la gueule ». Il ne s’agit pas d’un châtiment prenant le corps comme support, mais d’une punition intérieure, subjective, conditionnée par l’existence d’une relation personnalisée de sollicitude préalable et organisée par l’expertise clinique. Le gouvernement des conduites ne passe plus par l’imposition d’une discipline impersonnelle et matérialisée, si besoin, par l’enfermement. Au contraire, « faire la gueule » suggère l’imposition très personnalisée d’un auto-contrôle.
De l’emploi à la subjectivité
16Enfin, les promoteurs des adolescents difficiles prônent une « pédagogie curative »37 qui suppose que soins et éducation ne peuvent suffire seuls et doivent nécessairement être associés. Ce rapprochement s’opère alors que les normes du travail éducatif se transforment significativement. Jusqu’à la fin des années 1960, la France des Trente Glorieuses connaît une forte croissance économique et une période de plein emploi. L’accès à un salariat représente un moyen privilégié d’inscription sociale et de réhabilitation de la jeunesse déviante. De 1945 à 1970, l’éducation surveillée oriente largement ses prises en charge éducatives vers l’intégration sur le marché du travail38. Dans sa « Note préparatoire » rédigée en 1949, Costa compare ainsi l’examen médical des jeunes délinquants à la « visite d’incorporation » militaire. Le médecin doit alors « formuler des conclusions en vue du placement et de l’orientation professionnelle »39 et évaluer « l’aptitude au travail » sur une cote de 0 (inaptitude complète) à 4 (« surnormaux »)40. Jusque dans les années 1970, les attributs de l’intégration sociale sont ceux de l’hégémonie du salariat : « payer ses impôts », « être apte »41. La dénonciation de l’enfermement des jeunes délinquants et leur réhabilitation par le travail se rejoignent sur le plan moral, l’enfermement étant rémanent du régime nazi. Mais cette convergence s’opère également sur le plan économique, la jeunesse représentant une force dans une période de plein emploi et de reconstruction42.
17Pourtant, au cours des années 1970, la place de l’emploi salarié dans les normes du travail éducatif se voit remise en question. La France connaît alors une série de crises économiques et financières, l’apparition du chômage de masse touche de plein fouet les jeunes entrant sur le marché du travail43. Dès lors, l’accès à un emploi ne peut plus représenter un objectif principal de l’action éducative. C’est alors que la pédagogie « curative » se développe à Vitry. Ces évolutions sont au cœur d’une dispute filmée par les éducateurs44 : l’un des pensionnaires, lycéen, défend son besoin de « prendre du temps [pour soi] » et de « faire un travail » en psychothérapie, face à d’autres qui l’accusent de ne pas se lever le matin pour aller au travail. Les adolescents ne sont plus uniquement appelés à s’intégrer par un assujettissement incarné par le travail « à la chaîne ». L’interpellation subjective (« qu’est-ce qui t’intéresse ? ») qui trouble tant le pensionnaire reçu par Finder, la place de l’autonomie (« tu peux choisir de rester ») et le travail sur soi viennent moduler ces normes antérieures de réhabilitation. Ce ne sont pas uniquement l’accès à l’emploi et la résolution du « comportement antisocial » qui sont gage de la réussite éducative, mais la « stabilité des relations affectives et sexuelles », « l’équilibre psychologique » et « l’épanouissement de la personnalité »45. Avec le développement de l’expertise clinique sur les adolescents difficiles et la combinaison de la pédagogie et des soins, le bien-être et l’expression subjective contestent le pinacle de la réussite éducative tenu par le salariat en déclin.
Encadré 3. Blousons noirs et sauvageons
Lorsqu’ils sont redécouverts à la fin des années 1990, grâce notamment au succès du livre de Chartier, les adolescents difficiles se voient associés à l’expression de « sauvageons »a. Celle-ci est introduite dans le débat public en 1998 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur. Il l’utilise à l’Assemblée nationale au cours d’une discussion portant sur le meurtre d’une commerçante par un adolescent de 14 ans. Ce débat parlementaireb s’intègre alors dans la préoccupation publique croissante pour la délinquance des mineurs, cristallisée dans le Conseil de sécurité intérieure tenu la même année. Le colloque intitulé « Des villes sûres pour des citoyens libres », organisé par M. Chevènement les 24 et 25 octobre 1997 à Villepinte, fait figure de point de départ à cette concentration politique sur la délinquance juvénile et sur « l’insécurité ».
Pourtant, lorsque les adolescents difficiles apparaissent à la fin des années 1960, c’est le vocable de « blousons noirs » qui leur est adossé. L’expression sert à décrire les bandes de jeunes hommes délinquantsc et trouve son apogée entre 1957 et 1965, période coïncidant avec la guerre d’Algéried. Volontiers référencée à la « lutte des classes », cette dénomination ne contient aucune référence ethnique. Elle s’inscrit de manière marginale dans l’histoire du conflit colonial qui bat alors son pleine. Ces garçons sont-ils des jeunes travailleurs pauvres et exploités, que les communistes gagneront volontiers à leur cause ? Ou bien incarnent-ils, par leur goût pour des tenues uniformes et les signes de virilité, les relents d’un fascisme encore récent qui servirait de « classe préparatoire » pour les opérations militaires de « pacification » en Algérie ?
Entretenant lui aussi des liens avec la période coloniale, le terme de sauvageon fait au contraire l’objet d’une ethnicisation implicite. Après le discours contesté de Chevènement en 1998, il est en effet dénoncé comme stigmatisant « les jeunes de banlieue », « en souffrance »f autant du fait de leur origine populaire que de leur appartenance à des minorités ethniquesg. L’étymologie de ce terme renvoie à l’arboricultureh : un sauvageon est un arbre non greffé. Le mot symboliserait, d’après Chevènement, les manquements éducatifs des parents. Il faudrait dès lors « civiliser » ces jeunes par le contact avec les institutions républicaines. Pourtant, au début des années 2000, les questions raciales et migratoires affleurent dans son usage. Des « raisons ethniques » à la référence au « décalage culturel »i, les discours institutionnels et médiatiques véhiculent le « sens colonial obvie »j de ce mot. Il fait tout à la fois référence aux quartiers populaires stigmatisés (les « cités », lieux d’insécurité) et aux jeunes des minorités ethniques issues de l’immigration postcoloniale (les « algériens »). Cette double référence se condense dans la notion de « culture », perçue dans un registre de déclin : les sauvageons souffrent de la perte de leur culture et d’un déclin de l’autorité tant sociale que familialek. L’image de la « greffe » mais également celle du « sauvageon » comme « enfant sauvage »l, renvoient tout autant à l’enfant en manque de tutelle qu’à l’enfant « de sauvage ». S’y confondent les figures de l’« indigène » à la période coloniale et de l’immigré postcolonial « mal intégré », dont la « greffe » ne prend pas. Entre les blousons noirs et les sauvageons, une ethnicisation de la déviance juvénile s’opère au début des années 1990m.
De plus, à cette période, la « désaffiliation » sociale analysée par Robert Castel est compensée par une ré-affiliation territoriale, illustrée par les « émeutes » de l’automne 2005n. Depuis les années 1990, l’extension de la scolarisation de masse va de pair avec l’intériorisation de la compétition scolaire et le renforcement du sentiment d’échec, alimentant les conflits entre jeunes et institutions et la police en particuliero. La « bande » se voit remplacée par le « quartier », induisant une territorialisation dans la construction de la déviance juvénile. Dans les transformations d’usage des adolescents difficiles, ces deux processus d’ethnicisation et de territorialisation sont tout à la fois sensibles et non dits.
a. C’est le cas par exemple dans le documentaire de Gilman et de Lestrade, qui donne la parole à des adultes condamnés pour délinquance pendant leur minorité dans les années 1950 et 1970. Une courte séquence d’archive, filmée par les pensionnaires autour de 1965, montre de manière ironique le stéréotype « blouson noir », attaché au délinquant d’alors. On y voit trois jeunes garçons vêtus de blousons de cuir noir, renverser des poubelles et vandaliser du mobilier urbain à coup de chaîne de vélo, sur un arrière-plan de maisonnettes vétustes.
b. Retranscrit par le journal Le Monde du 11 mars 1998.
c. Laurent Mucchielli, Violence et insécurité : fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2001 ; Robert Muchembled, Une histoire de la violence, p. 34.
d. Michel Kokoreff, « Préface », Les barjots : essai d’ethnologie des bandes de jeunes, par Jean Monod, Paris, Hachette, 2007, p. I‑XXV.
e. Jean-Jacques Yvorel, « Quelques figures de la dangerosité juvénile : regard historique », p. 60‑61.
f. Didier Fassin, Des maux indicibles : sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004, p. 14.
g. Nazir Hamad, « Épilogue », Lucie et Léa. Ou les adolescents et leur rapport à la vérité, Toulouse, Érès (Psychanalyse), 2011, p. 99-135. En ligne : [https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/lucie-et-lea--9782749214344-page-99.htm].
h. Alain Rey éd., Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert 2005, p. 582.
i. Bertrand Geay, « Du “cancre” au “sauvageon” », Actes de la recherche en sciences sociales 149, no 4, 2003, p. 21‑31.
j. Philippe Lacadée, « Faire tourner l’usage du sujet », Vacarme 35, no 2, 2006, § 11. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/vaca.035.0082].
k. Yvan Gastaut, « Le sport comme révélateur des ambiguïtés du processus d’intégration des populations immigrées », Sociétés contemporaines 69, no 1, 2008, § 44. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/soco.069.0049].
l. L’image est déjà utilisée à partir de 1883 par Zola dans La Terre puis par Roger Martin du Gard dans Les Thibault publiés de 1922 à 1940
m. Michel Kokoreff, « Préface », p. XXIV.
n. Robert Castel, « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation », Face à l’exclusion, le modèle français, Jacques Donzelot éd., Paris, Esprit, 1991, p. 137‑168 ; Robert Castel, « Citizenship and Otherness: the Differential Treatment of Ethnic Minorities in France », Dangerous Others, Insecure Societies, par Michalis Lianos, Farnham/Burlington, Ashgate Publishing Limited, 2013, p. 13‑23 ; Marie-Hélène Bacqué et Yves Sintomer, « Affiliations et désaffiliations en banlieue : réflexions à partir des exemples de Saint-Denis et d’Aubervilliers », Revue française de sociologie 42, no 2, 2001, p. 217‑249.
o. Didier Fassin, La force de l’ordre : une anthropologie de la police des quartiers, Paris, Points, 2015.
Une « niche écologique » dans les réformes de l’asile
18Pour reprendre les conceptions de Ian Hacking46, les adolescents difficiles trouvent une « niche écologique » dans les réformes de l’enfermement asilaire des années 1970. Celle-ci s’organise autour de deux vecteurs. Premièrement, un vecteur d’observabilité est agencé autour de la spécialisation et de la professionnalisation. Une observation clinique des adolescents difficiles ne devient possible qu’à partir du moment où deux conditions sont réunies : d’une part, il faut des institutions suffisamment sectorisées et spécialisées pour produire des résidus à leur marge, et d’autre part il faut des psychiatres y intervenant pour voir et décrire cette population. Pendant plus d’un siècle entre les années 1850 et 1945, de vastes structures disciplinaires ont regroupé, de manière peu différenciée et parfois extrêmement contraignante, des formes variées de déviances juvéniles : colonies pénitentiaires, établissements du Bon Pasteur, prisons, asiles d’aliénés. Comme l’ont indiqué Foucault et Goffman, ces institutions disposaient d’un pouvoir disciplinaire extensif et dépersonnalisant sur les différentes dimensions (corps, travail, sexualité, vêtements) de l’existence des jeunes gens qui y étaient hébergés voire reclus. Il va de soi que le problème de l’exclusion ou de la sélection ne se posait tout simplement pas dans ces structures disciplinaires.
19Issues d’un mouvement long de dénonciation de l’enfermement des enfants et de l’exercice du pouvoir disciplinaire, alimentées par ces critiques philosophiques et sociologiques contemporaines, une série de réformes institutionnelles s’accélère après-guerre, œuvrant à ouvrir ces institutions et à transférer leurs activités vers des dispositifs plus ambulatoires, professionnalisés et spécialisés. Ces deux derniers mouvements, celui de la professionnalisation et celui de la spécialisation, convergent vers l’apparition de nouveaux problèmes relatifs à l’articulation des dispositifs et à la continuité de l’action publique. Ils soulèvent de nouvelles questions sur les sujets récalcitrants aux traitements institutionnels, ne rentrant que mal dans les limites des spécialisations et représentant le « résidu » inévitable du travail spécialisé47. C’est alors que l’exclusion devient un problème.
20En se centrant sur le caractère marginal de cette population et en s’organisant autour des risques liés à l’exclusion, la catégorie des adolescents difficiles offre une formulation de ces nouveaux problèmes dès la fin des années 1960. Plus précisément, l’expertise clinique sert ici la construction d’un problème social, délimitant à la fois la situation problématique (l’exclusion hors des institution) et son public (éducateurs, travailleurs sociaux, psychologues, juges et médecins attachés aux principes de la rééducation)48. Ancrée dans la psychanalyse, rendue possible par le modèle clinique des déviances juvéniles qui se déploie après-guerre, cette catégorie reformule des problèmes institutionnels dans les termes du transfert et du contre-transfert. En réalisant la connexion entre ce trouble et les conditions de vie des sujets, les cliniciens participent d’une forme de « conscience politique »49, tissant des liens serrés entre la connaissance du vivant et le gouvernement des conduites. Tirés de l’expérience au « lit » (clinos) de l’adolescent, ils procèdent d’une transformation du « visible » en « discible » et « dicible » (ibid., p. 51) et permettent le « décryptement » (p. 60) d’une vérité cachée dans le sujet malade. Les comportements déviants (violence, fugue) sont lus comme des symptômes, recelant un sens caché, qui ne peut être décrypté qu’en lien avec l’histoire infantile et familiale de l’adolescent. Progressivement détachée de tout effort d’ancrage taxinomique et nosologique, cette clinique naissante gagne une indépendance du savoir psychiatrique qui lui offre les conditions d’une extension interinstitutionnelle et interprofessionnelle. Trente ans plus tard, cette indépendance joue un rôle déterminant dans le succès de la catégorie alors que, à la fin des années 1990, les frontières institutionnelles se voient érodées par les politiques de la souffrance et de la gestion des risques. Quand bien même les conditions de production de la marginalité institutionnelle évoluent au cours de ces trente années, cette catégorie garde sa capacité de produire et formaliser un problème social grâce à l’expertise clinique.
21Deuxièmement, les adolescents difficiles trouvent un vecteur de polarité culturelle dans l’usage légitime de la contrainte, tendue entre vulnérabilité et dangerosité. Lorsque la catégorie émerge à la fin des années 1960, les pratiques de contrainte se voient à la fois mises en examen et en perte de repères normatifs50. Les critiques anti-disciplinaire dénonçant l’enfermement sont, dans le cas des adolescentes difficiles, supplantées par la vulnérabilité (genrée) de cette population et la nécessité de les protéger, contre leurs excès sexuels et contre l’exclusion. Les savoirs cliniques offrent la possibilité de transformer cette pratique contraignante et disciplinaire en une mesure thérapeutique personnalisée, fondée sur des éléments biographiques. Ils légitiment ainsi un traitement de la dangerosité en dehors des frontières de la psychiatrie et de l’asile, levant la tension entre le soin d’une population vulnérable et la contrainte exercée à l’égard d’individus dangereux. Mais ces différents niveaux de résolution des tensions morales (entre discipline et personnalisation, entre dangerosité et vulnérabilité) se paient par le rabattement des problèmes institutionnels sur l’individu, le rejet devenant un mécanisme propre aux adolescents. Remarquons aussi que, entre sa naissance dans les années 1960 et son succès au cours des années 2000, la valeur morale de la contrainte s’est renversée chez les cliniciens promoteurs du savoir sur les adolescents difficiles51. Alors que Tomkiewicz prône un traitement « ouvert », Berger et Botbol défendent les vertus thérapeutiques de la fermeté et de l’enfermement. Autrefois critiquée et soupçonnée, la contrainte se voit réhabilitée comme le levier indispensable d’une responsabilisation des jeunes sujets et une réponse nécessaire à un accroissement (pourtant très discuté et discutable) de leur violence.
Encadré 4. Généalogie critique, généalogie de la critique
Le souci pour les adolescents difficiles, mobilisant des actions institutionnelles dans les années 2000, vient nuancer l’idée d’un déclin du travail institutionnel. La perception du déclin anime pourtant les différents secteurs professionnels de la jeunesse et tient une place centrale dans leur activité de publicisation contemporaine. Elle rencontre en partie certaines analyses produites par les sciences sociales qui insistent sur le recul de l’État et du rôle socialisateur des institutions publiquesa. De ce point de vue, les sciences sociales ne sont pas sans ambiguïtés dans leurs critiques, regrettant en partie des réalités sociales qu’elles ont autrefois dénoncées. Elles se retrouvent dès lors dans une juxtaposition « gênante »b de deux postures : dévoiler les fonctions disciplinaires et dépersonnalisantes des institutions tout en militant pour que les personnes les plus défavorisées y aient accès. Cette juxtaposition est d’autant plus problématique que, dans les divers secteurs de traitement de déviances juvéniles, ces critiques des institutions leur sont très intrinsèques.
Un peu à l’instar des mouvements de réforme de la prison étudiés par Michel Foucaultc, ces critiques existent dès la création des institutions modernes de traitement des déviances juvéniles après la seconde guerre mondiale. Mais contrairement au monde carcéral, elles sont largement issues des agents institutionnels eux-mêmes. L’activité critique, intense, est devenue peu à peu « une composante de leur culture professionnelle »d. À partir des années 1970, elle procède par résonance avec les sciences humaines, alliant les critiques sociologiques (de l’institution totale), philosophiques (du pouvoir de discipline) et psychanalytiques (de la soumission du groupe à l’autorité) portant toutes trois sur l’exercice du pouvoire. Dans le champ de la pédagogie spécialisée et de la protection de l’enfance, les travailleurs sociaux énoncent leur attachement à des initiatives alternatives aux traitements disciplinaires et à la réclusionf. Au cours des années 1970, les éducateurs de l’éducation surveillée intègrent voire produisent des analyses en sciences sociales et les combinent avec une critique marxiste des savoirs cliniques et du pouvoir disciplinaireg. À cette même période, la très visible « expérience de Saint-Alban » après-guerre, associée à une réception extensive des travaux de Michel Foucault et d’Ervin Goffman, ont conduit à dénoncer les traitements asilaires dans le champ de la psychiatrie juvénile.
a. François Dubet, Le déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.
b. Byron Good, Comment faire de l’anthropologie médicale ? Médecine, rationalité et vécu, Le Pleissis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond, 1999, p. 76.
c. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
d. François Dubet, Le déclin de l’institution, p. 81.
e. Isabelle Coutant, Troubles en psychiatrie, p. 16.
f. Maurice Capul, « Depuis la guerre 1939-1945, des lieux pour enfants perdus », p. 24.
g. Nicolas Sallée, Éduquer sous contrainte, p. 68.
Souffrance et autonomie (années 2000)
22La problématisation clinique de la souffrance des professionnels et de la marginalité des adolescents rencontre, dans les années 2000, divers facteurs concourant à recombiner fortement la topographie institutionnelle et à affaiblir ses frontières. D’une part, l’usage extensif et transversal des notions de souffrance et de vulnérabilité conteste les lignes qui ont structuré les quatre champs traditionnels du traitement des déviances juvéniles depuis l’après-guerre. Centres éducatifs fermés, Maisons des adolescents, ITEP ou foyers de protection de l’enfance accueillent désormais tous des adolescents souffrants. Les cibles d’action deviennent communes et unifiées, les activités et les organisations se recoupent et les normes d’action se mutualisent autour de la santé et du bien-être52. Simultanément, la réduction du domaine d’intervention de l’État, orchestrée en particulier par la révision générale des politiques publiques de 2007, s’associe aux difficultés budgétaires des collectivités locales (conseils généraux et municipalités) vers lesquelles certaines missions sont désormais transférées53. Les politiques de la jeunesse, de plus en plus locales, sont souvent peu lisibles, éclatées entre divers niveaux de décision et peu cohérentes (ibid., p. 47). Il en résulte un appauvrissement plus ou moins discret des interventions publiques en matière sociale et sanitaire pour cette population. Associé à la précarité socio-économique des jeunes, ce recul des actions de l’État menace un peu plus les parcours d’intégration sociale des adolescents. L’impact de la baisse des financements publics est contrebalancé par une forte mobilisation institutionnelle pour les adolescents vulnérables et souffrants et par l’importance prise par les associations dans les mises en œuvre des politiques publiques. La souffrance comme cible d’action publique revêt ainsi non seulement une logique professionnelle mais répond également à une stratégie de réalignement budgétaire54. L’accent est mis sur des mesures courtes, sur l’autonomie des adolescents et des familles ainsi que sur la responsabilité des parents dans les troubles causés ou soufferts par leurs enfants55.
23D’autre part, depuis les années 1990, se dessine un nouveau mode d’action sociale par la responsabilisation, plaçant l’autonomie du sujet en son cœur. Le développement de cette norme constitue un second point de porosité entre institutions. Entre les années 1940 et les années 1990, l’État social s’est organisé autour des principes de séparation des déviances juvéniles et de réhabilitation, c’est-à-dire de réintégration du corps social. Qualifié de « protectionnel »56 ou de « welfare »57, ce modèle de réhabilitation vise l’intégration sociale de l’individu « dans un statut d’adulte salarié »58, utilisant largement l’accès à l’emploi comme moyen de son action, un moyen longtemps rendu possible par l’hégémonie du salariat59. Les institutions sociales et judiciaires assurent alors une forme de compromis entre la responsabilité de l’individu (dans son libre arbitre) et la responsabilité de la société (celle des parents, des conditions de vie).
24Qu’elles soient comprises comme un « gouvernement des corps »60, comme des « politiques de la souffrance »61 ou encore comme un agenda « néolibéral » prônant « l’individu entrepreneur de lui-même »62, ces normes nouvelles institutionnelles ne réduisent pas la souffrance à une anomalie mais en font un obstacle à surmonter, une épreuve à laquelle un sujet actif est soumis. Elles font moins appel à une conformité des sujets et à leur assujettissement qu’à un conformisme des capacités : il s’agit de produire des sujets socialisés et capables de donner par eux-mêmes cohérence à leur trajectoire. La ligne de tension qui découle de ces deux appréhensions politiques du sujet va se révéler, au bord de sa rupture, dans les modes de traitement par la « contenance » que nous allons maintenant explorer.
Notes de bas de page
1 Gillone Desquesnes et Nadine Proia-Lelouey, « Le sujet “incasable”, entre psychopathologie et limite institutionnelle », Sociétés et jeunesses en difficulté. Revue pluridisciplinaire de recherche, no 12, 2011. En ligne : [http://sejed.revues.org/7319].
2 Il deviendra professeur de psychiatrie de l’enfant en 1985.
3 Janine Noël et al., « Les adolescentes très difficiles », Psychiatrie de l’enfant 8, no 2, 1965, p. 314.
4 Il faut préciser que les psychiatres français affiliés à la Société psychanalytique de Paris sont assez proches sociologiquement de leurs homologues américains. Ceux-ci sont alors engagés dans un effort taxinomique incluant la psychanalyse et conduisant aux deux premières versions du DSM en 1952 puis 1968. Le mouvement lacanien, moins présent aux États-Unis, se tient également plus en retrait de ces opérations de professionnalisation médicale.
5 Selon Hacking, soit les maladies ont été classées selon leurs symptômes soit selon leurs causes. Ian Hacking, L’âme réécrite : étude sur la personnalité multiple et les sciences de la mémoire, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2000, p. 25.
6 Didier Fassin et Richard Rechtman, L’empire du traumatisme enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007, p. 122.
7 Véronique Blanchard, « Qui sont les filles violentes dans le Paris des Trente Glorieuses ? », Champ pénal/Penal field, no 8, Le contrôle social des femmes violentes, 2011. En ligne : [http://champpenal.revues.org/8071].
8 En s’appuyant sur une étude des dossiers judiciaires de la Seine entre 1945 et 1965, Véronique Blanchard montre que « les filles font bel et bien peur – non parce qu’elles frappent, mais parce que l’on craint de la vagabonde, par exemple, qu’elle devienne une prostituée. Le corps de la jeune fille n’est pas menaçant parce qu’il est doté de force, mais parce qu’il peut se livrer à la débauche » (ibid., § 23). Voir aussi le livre édité par Caroline Cardi et Geneviève Pruvot sur la violences des femmes et ses traitements : Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012.
9 Véronique Blanchard, « Qui sont les filles violentes dans le Paris des Trente Glorieuses ? », § 23. Le mouvement majoritaire est de médicaliser, voire de biologiser la violence des femmes, en renvoyant celle-ci à des fragilités psychologiques. L’internement psychiatrique participerait dès lors de la relative « invisibilité » judiciaire de cette violence.
10 La congrégation Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, fondée en 1835 par Marie-Euphrasie Pelletier, avait vocation à recevoir exclusivement les jeunes filles. Ces établissements constituaient le pendant des colonies pénitentiaires pour les garçons qui elles n’avaient pas de fondements explicitement théologiques.
11 Anne Thomazeau, « Violence et internat : les centres de rééducation pour filles, en France, de la Libération au début des années 1960 », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », no 9, 2007, p. 107‑125. En ligne : [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rhei/2163].
12 Ces modalités de développement du savoir clinique, où les pratiques institutionnelles précèdent la connaissance médicale, recouvrent les analyses de Michel Foucault dans son cours au Collège de France sur le « pouvoir psychiatrique ». Il y montre comment, au moment de la fondation des asiles et de la médecine aliéniste de Pinel, « l’instance médicale fonctionne comme pouvoir bien avant de fonctionner comme savoir ». Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, p. 5. Il faut contrôler les aliénés avant de les examiner, et ce contrôle ne passe initialement par aucune instance diagnostique ou même médicale (de type recette thérapeutique). Pour Foucault, cette primordialité du pouvoir en psychiatrie est en lien avec l’émergence du pouvoir « de discipline » et s’oppose point par point au pouvoir de « souveraineté » (ibid., p. 42).
13 Élève de Heuyer, Le Moal est psychiatre au centre d’observation de l’éducation surveillée de Chevilly-Larue entre 1947 et la fin des années 1970. Véronique Blanchard, « Qui sont les filles violentes dans le Paris des Trente Glorieuses ? », note 32.
14 Paul Le Moal, « À propos des adolescentes très difficiles », Revue de neuropsychiatrie infantile et d’hygiène mentale de l’enfance 17, no 8, 1969, p. 474.
15 Comme dans le cas de Félix Voisin dans les années 1830, cette position « médico-quelque chose » assure à la fois un ancrage à la profession médicale et une marginalité avec l’aliénisme. Elle offre ainsi des points d’extension au pouvoir psychiatrique, en couplant l’asile et les institutions éducatives ou judiciaires. Claude-Olivier Doron, « Races et dégénérescence », p. 1231.
16 Paul Le Moal, « À propos des adolescentes très difficiles », p. 316.
17 Bernard Zeiller, Stanislas Tomkiewicz et Joe Finder, « Le devenir du délinquant juvénile : à propos de 108 adolescents très difficiles, soignés et éduqués dans un foyer de semi liberté », Hygiène mentale 62, no 2, 1973, p. 33‑58.
18 Bernard Zeiller et Tony Lainé, « Morbidité psychopathologique des enfants et adolescents criminels », Montrouge, INSERM et Conseil de la recherche du ministère de la Justice, 1991. DPJJ Fontainebleau, 0019950318-8.
19 Ils furent publiés dans la revue L’Information psychiatrique en 1977.
20 Roger Misès, « Problèmes posés par les adolescents difficiles. Journées d’étude de l’aide sociale à l’enfance », Information psychiatrique 53, no 2, 1977, p. 119‑120.
21 Georges Uzan, « Proposition pour un “complexe éducatif” destiné aux “mineurs difficiles” relevant de la protection judiciaire », Paris, Tribunal de grande instance, novembre 1973, p. 4. DPJJ Fontainebleau, 0019910300.
22 Alain Brunel, « Oublier Varinard », La revue d’action juridique et sociale. Journal du droit des jeunes, no 283, 2009, p. 9.
23 Jacques Ladsous et Michelle Anker, « On l’appelait Tom », VST - Vie sociale et traitements 114, no 2, 2012, p. 99‑105. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/vst.114.0099].
24 Selon le site de l’association : [http://education-acfdj.org/ACFDJ-2013/lassociation/historique/les-debuts-du-cfdj-de-vitry-la-fin-du-cfdj-de-vitry.html].
25 Comme lors de sa conférence de 2002 à l’association lyonnaise Santé mentale et communautés, retranscrite dans l’article « Depuis Saint-Alban jusqu’à la crise du secteur », Saïd Chebili et Angèle Kremer-Marietti, Malaise dans la psychiatrie, Paris, L’Harmattan, 2012.
26 Cité par Jacques Ladsous et Michelle Anker, il affirme : « je suis entré à la Salpêtrière comme malade, j’en suis sorti comme psychiatre » (« On l’appelait Tom », p. 99).
27 Bernard Zeiller, Stanislas Tomkiewicz et Joe Finder, « Le devenir du délinquant juvénile ».
28 Sur Finder, voir l’interview : [http://education-acfdj.org/ACFDJ-2013/lassociation/les-fondateurs/joe-finder.html].
29 Une de ses biographes et ancienne collaboratrice, Michelle Anker, recense près de 800 communications. Jacques Ladsous et Michelle Anker, « On l’appelait Tom ».
30 Sylvie Boutereau-Tichet, Danièle Jourdain-Menninger et Christophe Lannelongue, « Le travail social auprès des jeunes en difficulté dans leur environnement ».
31 Jacques Postel et Claude Quétel dir., Nouvelle histoire de la psychiatrie, Paris, Dunod, 2009, p. 357.
32 Pierre Bourdieu dir., La misère du monde, Paris, Points, 1993.
33 Jacques Bourquin et Michel Robin, « De l’Éducation surveillée à la Protection judiciaire de la jeunesse ».
34 Maurice Capul, « Depuis la guerre 1939-1945, des lieux pour enfants perdus », p. 8.
35 Mémoire de sauvageons. Réalisation : Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, 51 min, France, Zaradoc.
36 « Au début, ils arrêtent de faire des bêtises pour faire plaisir aux adultes, puis pour eux-mêmes », explique Tom dans le documentaire.
37 Stanislas Tomkiewicz, « Adolescence difficile et pédagogie curative », 1986. En ligne : [http://education-acfdj.org/ACFDJ-2013/docs-archives/adolescence-difficile.html].
38 Jean-Pierre Jurmand, « Une histoire de milieu ouvert », Les Cahiers dynamiques 40, no 1, 2007, p. 28. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/lcd.040.0022].
39 Jean-Louis Costa, « Note préparatoire », p. 5.
40 Ibid., p. 12.
41 Virginie Muniglia, Céline Rothé et Alain Thalineau, « Accompagner les jeunes vulnérables : catégorisation institutionnelle et pratiques de la relation d’aide », Agora débats/jeunesses 62, no 3, 2012, p. 97‑110.
42 Nicolas Bourgoin, « De l’enfance en danger aux enfants dangereux ».
43 Francis Bailleau, « La justice pénale des mineurs en France. Ou l’émergence d’un nouveau modèle de gestion des illégalismes », Déviance et société 26, no 3, 2002, p. 411-412. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/ds.263.0403].
44 Cette séquence est reproduite dans le documentaire de Gilman et de Lestrade. Dans ce documentaire, des films d’époque montrent les adolescents du foyer apprenant des métiers de l’artisanat, ou encore discutant de leur scolarité au lycée. À la fin du documentaire, les anciens pensionnaires sont présentés avec une mention de leurs dates de séjour à Vitry ainsi que leur activité professionnelle ultérieure. Au cours d’un des témoignages, la réalisatrice suggère à l’un d’entre eux que son activité professionnelle est le signe d’une réussite, tant pour lui que pour le foyer. L’ancien pensionnaire lui répond de manière ironique : « Je paye des impôts, quoi ! ». Ces diverses séquences du documentaire illustrent l’importance de l’activité professionnelle comme objectif du travail éducatif auprès des adolescents.
45 Bernard Zeiller, Stanislas Tomkiewicz et Joe Finder, « Le devenir du délinquant juvénile », p. 55.
46 Ian Hacking, Les fous voyageurs, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002, p. 179 et 180‑192.
47 Yannis Gansel, François Danet et Catherine Rauscher, « Long-Stay Inpatients in Short-Term Emergency Units in France: A case Study », Social Science and Medicine 70, no 4, 2010, p. 501‑508.
48 Daniel Céfaï et Cédric Terzi, L’expérience des problèmes publics, Paris, Éditions de l’EHESS (Raisons pratiques, vol. 20), 2012, p. 9 ; Joseph R. Gusfield, « Constructing the Ownership of Social Problems: Fun and Profit in the Welfare State », Social Problems 36, no 5, 1989, p. 431‑441. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.2307/3096810].
49 Michel Foucault, Naissance de la clinique, 8e édition, Paris, PUF, 1963, p. 21‑36.
50 Je développe plus spécifiquement ce point dans l’article suivant : « Managing Difficult and Violent Adolescents (adolescents difficiles) in France: A Genealogical Approach », History of Psychiatry 30, no 1, 2018, p. 104-115. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1177/0957154X18801769].
51 J’aborderai ce renversement plus en détail dans le chapitre 9.
52 François Sicot, « Une reconfiguration du traitement des déviances juvéniles » ; Bertrand Ravon, « Souci du social et action publique sur mesure », SociologieS, 30 octobre 2008. En ligne : [http://sociologies.revues.org/2713].
53 Olivier David, Éric Le Grand et Patricia Loncle, « Systèmes locaux et action publique : l’exemple des jeunes vulnérables », Agora débats/jeunesses 62, no 3, 2012, p. 81‑95.
54 Didier Fassin, Des maux indicibles, p. 61.
55 Isabelle Coutant et Jean-Sébastien Eideliman, « The Moral Economy of Contemporary Working-Class Adolescence », p. 259 ; Francis Bailleau, « La France, une position de rupture ? », Déviance et société 33, no 3, 2009, p. 462. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/ds.333.0441].
56 François Sicot, « Déviances et déficiences juvéniles », p. 59 ; Nicolas Sallée, « Une clinique de l’ordre ».
57 Francis Bailleau, « La France, une position de rupture ? », p. 457.
58 Francis Bailleau, « La justice pénale des mineurs en France », p. 465.
59 Virginie Muniglia, Céline Rothé et Alain Thalineau, « Accompagner les jeunes vulnérables ».
60 Didier Fassin et Dominique Memmi, Le gouvernement des corps, Paris, Éditions de l’EHESS, 2004.
61 Didier Vrancken, « Politiques de la souffrance, politiques du vivant : quand les corps “parlent” de la souffrance », Destins politiques de la souffrance, Paris, Érès, 2009, p. 74. En ligne : [http://www.cairn.info.gate3.inist.fr/destins-politiques-de-la-souffrance--9782749211367-p-61.htm].
62 Danilo Martuccelli, « Néolibéralisme », Dictionnaire des risques psycho-sociaux, par Philippe Zawieja et Franck Guarenir, Paris, Seuil, 2014, p. 502.
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