Chapitre VIII
Une gestion immobilière timorée dans un contexte urbain en mutation
p. 335-367
Texte intégral
1Puisque ce mouvement de concentration des sociétés immobilières nous a ramenés au cadre lyonnais, il est temps d’en revenir à la gestion immobilière qui, bien qu’éclipsée par les grandes manœuvres financières, continue à représenter la première source de revenus de la SRI jusqu’à sa disparition. Au fil du temps, les comptes rendus des conseils d’administration, et plus encore des assemblées générales, tendent à devenir de plus en plus laconiques. Ils se contentent souvent de données chiffrées, et plus volontiers financières qu’immobilières, au point que l’on en vient à regretter les longs exposés d’Alphonse de Boissieu aux actionnaires à la fin du xixe siècle. Cela ne signifie pas que la gestion locative est totalement passée à l’arrière-plan, mais plutôt que les traces que nous en avons tendent à se raréfier.
2Les permanences en ce domaine sont nombreuses, notamment en ce qui concerne la réhabilitation et les améliorations apportées au parc géré par la société. Cette réticence à la réhabilitation ressort d’autant plus que la période se caractérise par le vieillissement des immeubles et la redynamisation du centre-ville. La SRI reste largement étrangère aux opérations d’aménagement et d’urbanisme alors que les investissements publics atteignent les niveaux les plus importants depuis le percement de la rue. Dans le même temps, les conditions économiques de valorisation des loyers poussent la SRI à ajuster le standing commercial de la rue en favorisant l’implantation de grandes enseignes en franchise. Les développements qui suivent visent à éclairer ces processus. Ce dernier chapitre débute par une présentation des tendances suivies par les loyers et les dépenses d’entretien qui éclairent la politique suivie par la SRI, avant d’en venir aux pratiques de gestion en tant que telles et aux transformations de l’espace urbain dans lesquelles elles prennent place.
1. Une rentabilité locative croissante
3Bien que la SRI abandonne toute velléité d’expansion immobilière, les loyers demeurent la source de revenus la plus importante. La baisse des loyers à la suite de la vente de nombreux immeubles est visible (voir graphique suivant), mais elle est vite absorbée par la hausse des loyers des immeubles conservés.
Graphique 35. Loyers et dépenses locatives de 1965 à 1999 (francs constants de 1999)

4En francs courants, les loyers passent de 5 MF à environ 50 millions entre 1965 et 2000. Il est donc plus pertinent, pour cette période comme pour la précédente, de s’intéresser aux francs constants. La hausse est alors de 35 millions à 50 millions (en francs de 1999). La SRI bénéficie des travaux d’urbanisme menés rue de la République (et sur l’ensemble de la Presqu’île, voir plus loin) sans que ceux-ci soient capitalisés et répercutés directement sur les loyers. Ces opérations permettent à la tendance des loyers de se maintenir mais leurs fluctuations sont indépendantes des transformations urbaines et dépendent plus de l’inflation ainsi que, dans une moindre mesure, de la réglementation. L’observation des loyers fait alors ressortir trois périodes principales.
5La première, de 1965 à 1973, est marquée par les opérations financières de la SRI et la vente de nombreux immeubles. Les dépenses d’entretien de 1967 à 1969 sont reportées aux années 1970 à 1973, avec un programme supplémentaire d’entretien de 1,2 MF échelonné sur cinq ans1, ce qui explique l’oscillation de la courbe des dépenses au tournant des années 1970. Elles se stabilisent ensuite. Les ventes d’immeubles conduisent à une diminution des loyers, sensible entre 1968 et 1969 puis entre 1972 et 1973, mais la baisse reste modérée. En francs courants, les loyers perçus ont d’ailleurs continué à augmenter malgré la vente de nombreux appartements : 8,50 MF en 1975 contre 5,1 en 1965. La SRI a en effet conservé les immeubles offrant le meilleur rapport, et en particulier ceux qui composent son parc historique de la rue de la République et qui fournissaient encore en 1965 l’essentiel des loyers. La réglementation évolue peu sur cette période. Les CA ne mentionnent que le décret de 1973 sur la révision des loyers des locaux de bureau, qui leur apparaît confus. Les administrateurs décident de mener à ce sujet un « procès de principe » avec l’aide des organisations syndicales (UNPB et chambre syndicale des propriétaires lyonnais).2
6La deuxième période couvre la décennie 1974-1983. Sur le plan réglementaire, elle est marquée par deux mesures de contrôle des loyers : le plan Barre de 1977 et la loi Quilliot de 1982. Le premier limite les hausses de loyer à 6,5 % par rapport au 15 septembre 1976 jusqu’au 31 décembre 1977, mais ne concerne pas les loyers soumis à la loi de 1948. Une hausse du même montant est décrétée pour 1978. La SRI bénéficie toutefois des actions de l’UNPI, syndicat représentant les propriétaires qui parvient à disjoindre la situation des locaux commerciaux.3 Dès 1978, ces derniers reviennent au régime antérieur au plan Barre, c’est-à-dire à des révisions triennales selon l’indice de l’INSEE. Pour les baux arrivant à échéance, un coefficient de 2,25 sur les loyers anciens est appliqué.4 Dans le même temps, la sortie du régime de la loi de 1948 apparaît toujours repoussée : la « libération » des locaux d’habitation 2A (les plus luxueux, nombreux dans la rue de la République) est annoncée en 1977. Une entente est même trouvée avec les locataires sur les loyers5, puis repoussée.6 Paradoxalement, ce n’est qu’à partir de la loi Quilliot que les sorties de la loi de 1948 s’accélèrent. Lors de la discussion de cette loi, la SRI s’allie aux représentants des propriétaires, vent debout contre ces mesures du pouvoir socialiste.7 Les administrateurs suivent la campagne de presse et les réunions de protestation organisées par l’UNPI, tout en restant incertains sur les effets du contrôle des loyers, qui dure jusqu’en novembre 1982.8 La SRI participe activement, et financièrement, à la mobilisation des propriétaires contre la loi Quilliot. On la rend souvent responsable du retrait des investisseurs institutionnels du secteur du logement locatif, mais rien de tel ne se produit pour la SRI qui n’envisage alors aucune cession. De fait, les deux mesures de contrôle des loyers ont des effets à court terme et affectent peu la SRI, ne serait-ce qu’à cause du faible poids des loyers d’habitation dans son patrimoine. En revanche, la forte inflation qui caractérise la période conduit à une stagnation, voire à une légère baisse en francs constants, des loyers qui atteignent un point bas en 1983. Les charges suivent la tendance inverse (même si, comme pour les loyers, l’évolution n’est pas très forte), allant jusqu’à représenter les deux tiers du montant des loyers au début des années 1980.
7À partir de 1983, la tendance s’inverse et les loyers reprennent ce mouvement de hausse régulière qui les caractérise sur une longue période. La loi Méhaignerie du 23 décembre 1986 (révisée en 1989 par la loi qui règle depuis lors les rapports entre bailleurs et locataires) y est sans doute pour peu de chose, de la même façon que la loi Quilliot n’avait eu que peu d’effets, et ce pour les mêmes raisons : le poids écrasant des loyers commerciaux, épargnés par ces mesures successives. On peut supposer que l’effet principal de la loi Méhaignerie a porté sur les locaux professionnels : en facilitant l’installation des sociétés civiles professionnelles (SCP), elle a favorisé le regroupement des professions libérales en cabinets (notamment d’avocats). Le nombre de locaux professionnels a ainsi eu tendance à diminuer alors que les surfaces qu’ils représentent (de 2 % à 4 % du total des surfaces louées entre 1986 et 1989) et leur part dans les loyers perçus ont augmenté (de 3 % à 5,6 % du total entre 1983 et 2001). Cette hausse compense en partie la – très relative – baisse de la part des loyers commerciaux (bureaux et commerces) qui passe de 74 % à 70,5 % entre 1983 et 2001. En surfaces louées, cette part reste stable à 60 %. L’effet de la loi Méhaignerie est donc beaucoup moins massif que celui observé dans le viiie arrondissement de Paris à la fin des années 19809, même si, on le verra, une partie de ces cabinets d’avocats passent aussi par des locations sous forme de bail commercial (bureaux) et non professionnel. La part des loyers d’habitation reste assez stable aussi bien en proportion des surfaces louées (de 32 % à 30 % entre 1983 et 2001) qu’en part des loyers perçus (de 20 % à 22 %), et ce malgré le rythme régulier des sorties de la loi de 1948 (environ 6 par an) et des rénovations d’appartements (7 par an à partir des années 1990). Les appartements soumis à la loi de 1948 sont ainsi deux fois moins nombreux en 2001, où ils ne représentent plus que 10 % du total des surfaces louées (et un tiers des locaux d’habitation), qu’en 1983. Les actualisations de loyers commerciaux, révisions triennales et nouvelles locations de bureaux et commerces (respectivement 20, 54 et 18 par an sur environ 300 locaux) assurent la progression des loyers. La réglementation a en définitive peu pesé sur les revenus locatifs de la SRI et sur les équilibres entre différents types de locaux.
8Le ralentissement de l’inflation confère ensuite à la hausse des loyers le caractère d’une réelle envolée. Entre 1983 et 2000, ils augmentent ainsi de 54 % en francs constants10, passant de 33 à 53 MF par an. Comme lors des périodes précédentes, le taux de vacance reste extrêmement bas : les procès-verbaux des CA notent régulièrement que « l’attrait de la Presqu’île ne se dément pas », qu’il n’y a pas de problème de relocation des logements vacants, ou encore que l’occupation est quasi totale.11 Les pertes sur loyers n’apparaissent dans les bilans qu’en 1976, 1977, 1978 et 1982, toujours inférieurs à 0,1 % des dépenses, et principalement consacrées à des provisions pour loyers douteux. Tout au plus note-t-on en 1988 :
Il faut constater que les locations de locaux à usage d’habitation s’avèrent aujourd’hui un peu plus difficiles et nous semblons être parvenus au maximum des loyers que nous pouvons raisonnablement obtenir.12
9Malgré ce constat, les loyers continuent leur progression durant les années 1990. La crise immobilière de 1993, dont les effets sur les difficultés à renouveler les baux commerciaux semblent gravement préoccuper les administrateurs13, n’a aucun effet visible sur la tendance.
10Dans le même temps, les charges ne croissent que de 21 %, malgré la mise en œuvre d’un programme de réhabilitation d’appartements. À la fin des années 1990, elles ne représentent plus que la moitié du montant des loyers. La composition des charges change également. Alors que l’entretien en représente la plus grande part (60 %) en 1975, il tend à perdre de son importance et passe à environ 40 % en 1999. Dans le même temps, la part consacrée aux impôts et autres dépenses contraintes (assurances notamment) passe de 20 % à 40 %. Le reste des dépenses est dévolu notamment au personnel, aux concierges et aux frais généraux. Les années 1980 sont aussi celles de l’informatisation de la gestion. La décision de passer le quittancement des loyers sur informatique est prise en 1982, à la suite du départ en retraite de l’expert-comptable : « le président pense que de la sorte les services actuellement surchargés retrouveront une activité normale ».14 Le passage du quittancement sur informatique est jugé satisfaisant dès 1983, avec dix erreurs sur 750 quittances.15 En 1987, date à laquelle s’opère un changement de direction, la SRI décide de s’inspirer du service de télégestion de la SIM et dispose d’un service opérationnel en 1988.16
2. Hésitations à la réhabilitation
11La prospérité de la SRI, une fois passés les importants investissements financiers de la fin des années 1960, ne débouche pas sur une politique de réhabilitation et d’amélioration des appartements. Certes, des ascenseurs sont installés dans quatre immeubles qui en manquaient encore17, mais les principaux travaux réalisés au tournant des années 1970 sont soit des réparations d’urgence18, soit des aménagements contraints par les pouvoirs publics et réalisés avec répugnance. Ainsi, en 1974, concomitamment au percement du métro, les travaux de jonction au nouveau réseau d’égout, de modification des alimentations en eau et de réalisation d’un réseau d’égout passage de l’Argue, se montant à un million de francs, sont jugés comme des « dépenses non productives, car aucun loyer ne pourra être augmenté de ce chef ».19 Ces dépenses contraintes concernent principalement le ravalement des façades. L’obligation de blanchiment décennal avait été mise entre parenthèses durant de longues années, ce qui a nettement accentué l’impression de délabrement des centres-villes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La ville prend le 16 mai 1978 un arrêté concernant le « blanchiment, crépissage, ou nettoiement des immeubles riverains de la rue de la République ». Les 38 immeubles détenus par la SRI rue de la République sont concernés. La dépense est alors estimée à 10 MF et le directeur obtient de la municipalité la possibilité d’étaler cette dépense sur cinq ans, soit 2,50 MF par an qui seront compensés par une diminution des dépenses de gros entretien de 3 MF. Le blanchiment des façades se poursuit ainsi tout au long des années 1980, en partie en suivant le programme établi par les bâtiments de France. Il porte également sur des rénovations de toitures, le remplacement d’un ascenseur (no 17 rue de la République) et l’installation de téléphones dans les ascenseurs.20
2.1. Intérêt économique au sous-entretien
12Les administrateurs de la SRI ne voient pas dans les vastes opérations d’urbanisme réalisées durant les années 1970 un motif pour entamer la réhabilitation de leur patrimoine. Un projet est pourtant déposé au CA en 1973. Il vise à rénover une centaine d’appartements, occupés par « d’anciens locataires » et jamais modernisés, en profitant des subventions de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) qui ramènent le coût par appartement à 70 000 F. « La trésorerie pourra faire face à cette dépense de 700 000 F par an. » Ce projet est toutefois rejeté, derrière un argumentaire tenu par Antoine Bernheim ainsi résumé :
Si on admet que les immeubles SRI valent au total 100 MF, la dépense prévue se montera à 7 % du capital en 10 ans. Il y a alors intérêt à maintenir la valeur locative. Le conseil estime donc qu’il faut essayer de relouer en l’état et ne rénover qu’en cas de difficulté à trouver un locataire.21
13On trouve ici une justification explicite du sous-entretien des immeubles par les propriétaires, qui a été théorisée de nombreuses fois. L’argument est toutefois imprécis et surtout contestable, notamment du fait de l’estimation avancée : certes à cette date, en 1975, les immeubles ne figurent que pour 23 MF dans le bilan, mais l’estimation de 100 millions est faible : elle correspondrait à une rentabilité de 10 % (contrairement aux 5 % pris habituellement comme référence) puisque les loyers se montent à 10 millions par an. De plus, on l’a vu avec la revente d’immeubles pourtant moins bien cotés que ceux de la rue de la République, les valeurs de vente des immeubles excèdent souvent largement les estimations. On voit qu’il s’agit ici de justifier un certain sous-entretien. Les raisons n’ont rien à voir avec la trésorerie du propriétaire ou l’insuffisance des loyers, mais bien avec le fait que la rentabilité reste assurée malgré le sous-entretien et que le propriétaire n’a pas d’intérêt immédiat à améliorer son patrimoine.
14Cette orientation prévaut pendant une dizaine d’années avant qu’une nouvelle étude sur les logements vacants soit adressée au CA en 1985. Il est alors décidé de rénover une dizaine d’appartements, ce qui enclenche un processus de rattrapage du sous-entretien des périodes précédentes. La possibilité de les sortir du régime de la loi de 1948 à cette occasion semble avoir été décisive dans la délibération du CA.22 Mais la réhabilitation tarde parce que le blanchiment des façades se déroule en parallèle. Ainsi en 1986, 1,60 MF sur les 8,2 millions dépensés en travaux et entretien sont consacrés aux façades. En 1987, 2,5 MF sont dévolus à sortir des logements vacants de la loi de 1948.23 L’année suivante, ces immobilisations se montent à 9,5 MF et portent sur 13 appartements ainsi que sur une série de travaux de réfection.24 Les montants peuvent paraître importants mais sont à ramener aux 35 MF de loyers par an, et au fait qu’ils intègrent les dépenses pour le ravalement des façades, demandé par la ville. Il faut relativiser la portée de cette nouvelle dynamique : si les dépenses d’entretien (poste sur lequel l’essentiel de ces dépenses est porté) passent de 4,9 à 9,80 MF entre 1979 et 1999, cela représente, rappelons-le, une hausse de 21 % seulement alors que les loyers augmentent de plus de la moitié. Le programme de rénovation d’appartements se poursuit durant les années 1990 au rythme de 7 appartements par an (73 au total entre 1990 et 2000). Ce chiffre correspond à peu près au nombre de congés de locataires bénéficiant de la loi de 1948 (alors que l’on compte environ 30 congés par an de locataires de locaux d’habitation non soumis à la loi de 1948). La rénovation d’appartements ne concerne donc qu’un nombre limité de locaux et vise principalement à les faire sortir du régime de la loi de 1948. Il ne représente pas une action en profondeur sur le patrimoine de la SRI, et qui reste très mesuré si on le compare à l’ampleur des travaux publics d’aménagement menés dans la rue de la République durant la même période. Il faut donc relativiser l’idée selon laquelle la doctrine énoncée par Antoine Bernheim en 1973 deviendrait caduque dans les années 1980 : au contraire, le choix de la réhabilitation reste très circonscrit et limité aux cas où une hausse immédiate et importante du loyer peut être obtenue.
2.2. La réhabilitation des Deux Passages et les négociations avec le Printemps
15Les réticences à la réhabilitation se manifestent également dans les négociations avec les locataires de locaux commerciaux. On retrouve ici l’attitude séculaire de la SRI qui cherche à faire supporter la plus grande part des travaux par ses locataires. La répartition des dépenses entre le propriétaire et le locataire dans les rénovations et les reconfigurations du bâti continuent à faire l’objet d’âpres discussions. Il n’en est pas de meilleur exemple que les échanges avec le magasin Printemps. Celui-ci remplace la Société Aux Deux Passages, partenaire historique de la SRI, en 1965. Le président Aymé Bernard s’est longuement investi pour attirer le Printemps dans cette localisation, en remplacement des Deux Passages. Assez rapidement, la société France Printemps, qui souhaite étendre sa surface commerciale en réhabilitant l’ensemble immobilier concerné (regroupant les nos 44-46 rue du Palais-Grillet et une partie des nos 34-38 rue de la République), sollicite la SRI pour qu’elle prenne part au financement des travaux. De la même façon qu’avec les autres locataires commerciaux durant les périodes précédentes, cette demande donne lieu à de longues négociations qui s’étendent sur plus de vingt ans, que l’on peut schématiquement diviser en deux périodes.
16Durant la première phase, qui couvre les années 1970, la SRI envisage de contribuer aux travaux mais entend se limiter au gros œuvre sur ses immeubles, à hauteur de 2 MF25 et en contrepartie d’une hausse de loyers. France Printemps demande également une participation au second œuvre, qu’une étude commanditée par la SRI chiffre à 3 MF supplémentaires (soit approximativement 3 ans de loyers). Malgré une hausse du loyer de plus de 41 % à l’échéance du bail en 1976 (de 831 000 F à 1,175 MF), la SRI persiste dans son refus de contribuer au financement du second œuvre. Sans doute aiguillonné par cette hausse de loyer, le Printemps fait part de son intention d’augmenter ses surfaces de vente au début des années 1980, sans parvenir à convaincre son propriétaire d’y prendre part.26 Jacques Sourd de Villodon, administrateur à la fois de la SRI et de France Printemps, joue un rôle important dans les échanges entre les deux sociétés mais sans pour autant parvenir à un accord.
17S’engage alors une deuxième phase, qui court tout au long des années 1980, et dont l’enjeu n’est plus la réhabilitation mais la cession des immeubles concernés au Printemps. Une première estimation des immeubles nos 44-46 rue du Palais-Grillet est confiée à Sage, l’expert immobilier, dès 1980. Son évaluation se monte à 900 000 F. Le montant peut paraître très faible, mais rappelons qu’il ne s’agit là que d’une petite partie des locaux loués au Printemps.27 Un temps désireuse d’acheter, la société France Printemps temporise en 1984 après avoir réévalué à la hausse le coût de réparation des toitures.28 Peut-être espère-t-elle encore que la SRI finira par prendre une part plus importante dans la rénovation. La position de France Printemps se modifie à nouveau en 1986. Elle présente un plan d’agrandissement englobant non seulement les immeubles rue du Palais-Grillet mais également la totalité des nos 34 à 38 de la rue de la République. Elle fait valoir à la SRI que ce projet a reçu l’aval de la municipalité et la communauté urbaine. Une telle proposition suscite de vifs débats au sein du CA car il s’agit d’immeubles situés sur la rue de la République, et pas uniquement d’immeubles mitoyens. La politique de la SRI en la matière consiste habituellement à ne pas altérer ce qui constitue le cœur de son patrimoine. L’enjeu que représente la présence du Printemps, et le rappel des efforts qu’Aymé Bernard avait consentis pour l’attirer, sont toutefois des arguments de poids qui conduisent le conseil à accepter de vendre au prix du marché. Néanmoins, la vente ne se réalise pas à cause des divergences dans les estimations de prix. Celle de la SRI, réalisée par le cabinet Sage, se situe entre 30 et 35 millions. On ne connaît pas celle du Printemps mais elle est manifestement inférieure de telle sorte qu’aucun accord n’est trouvé.29 Les immeubles de la rue du Palais-Grillet sont vendus 2,9 MF en 1987, soit plus de trois fois leur estimation en 1980, et encore le CA n’y consent qu’à cause de la « valorisation du domaine qui en résulte ».30 Notons que ces immeubles figuraient à l’actif de la société pour un montant de 37 529 F seulement. On voit ici à quel point, malgré les réévaluations successives, l’actif porté au bilan demeure très éloigné de la valeur marchande des immeubles. Suite à cette acquisition, le Printemps engage des travaux d’amélioration de ses magasins qui se montent à près de 100 MF (soit bien plus que le prix des immeubles), au rang desquels la démolition des grands escaliers datant du xixe siècle. Les administrateurs se félicitent de cette extension qu’ils ont pourtant peu facilitée. Les négociations se poursuivent sur les immeubles de la rue de la République, et malgré différentes propositions qui semblent montrer un certain désir d’aboutir et une certaine proximité entre les deux sociétés (achat par échange d’actions, constitution d’une SCI commune), le projet reste inabouti à l’orée des années 1990.31 Il est ensuite laissé de côté, et la société Printemps reste locataire des immeubles.
18Une affaire comparable avec le cinéma Pathé est réglée beaucoup plus rapidement. En 1967, la SRI reçoit une demande de la Société Pathé-Cinéma pour un changement d’utilisation des locaux des nos 77-79 rue de la République. Les administrateurs étudient deux possibilités : l’achat des immeubles par la Société Pathé-Cinéma ou la signature d’un nouveau contrat avec extension du commerce.32 Après une rencontre entre le président de la SRI et les représentants de Pathé, la première solution semble prévaloir. Dans un premier temps, en avril 1968, la SRI consent à une option valable jusqu’au 31 décembre 1968 pour l’achat des immeubles nos 77-79 rue de la République et no 16 rue Bellecordière au prix de 2,55 MF ou pour un bail de longue durée (30 ans au loyer de 170 000 F à partir de la fin du bail en cours). Ce loyer doit ensuite suivre l’indice du coût de la construction. Dans l’éventualité où Pathé retiendrait cette seconde option, elle aurait également à régler une indemnité d’extension de commerce d’un million de francs.33 Elle préfère toutefois acquérir les immeubles, qui sont vendus à la somme prévue fin 1968.34 En l’absence de divergences et malgré le fait (ou à cause du fait) que les liens sont moins étroits qu’avec les sociétés des Deux Passages puis du Printemps, la vente est rapidement conclue. Rappelons également, que, bien que situés sur la rue de la République, les immeubles concernés n’appartiennent pas au patrimoine d’origine de la SRI et ont moins de valeur. Le montant de la vente, bien plus faible que celui envisagé avec le Printemps, est une autre explication de cette rapidité. Il n’en reste pas moins que dans les deux cas (et même si cela n’aboutit pas pour le Printemps), la SRI ne prend pas part aux opérations de réhabilitation impulsées par ses principaux locataires.
19La faiblesse relative des investissements dans le patrimoine bâti, qu’il s’agisse des commerces ou des appartements, est d’autant plus notable qu’elle prend place dans un contexte où l’ampleur des aménagements publics sur la Presqu’île bénéficie directement à la SRI en permettant à la rue de la République de ne pas perdre son rang face à d’autres espaces, notamment le secteur commercial de la Part-Dieu. Il importe de présenter ces transformations, même si la SRI elle-même n’y a figuré qu’à l’arrière-plan.
3. Le réaménagement urbain de la Presqu’île
20Avec la croissance urbaine et démographique que connaît l’agglomération, les fonctions du centre historique, ainsi que les échelles auxquelles il doit être pensé, évoluent. Le volontarisme qui caractérise cette période en matière d’urbanisme, aussi bien du côté d’un État porteur de schémas d’aménagement destinés à ordonner la croissance urbaine, que d’un maire « bétonneur » incarnant les grands travaux et la prééminence donnée à l’automobile (Louis Pradel), dans un contexte de montée des logiques d’agglomération avec la création de la communauté urbaine de Lyon et le rattachement de 29 communes de l’Ain ou de l’Isère au département du Rhône en 1969, affecte profondément la Presqu’île et la rue de la République.35 L’environnement se modifie notamment avec l’émergence d’un nouveau centre d’affaires, le quartier de la Part-Dieu, dont la concurrence potentielle préoccupe les responsables de la SRI à la fin des années 1970.36 La reconversion des casernes de la Part-Dieu, projetée depuis la Belle Époque, est rendue possible après leur cession par l’armée en 1960.37 Le projet d’un nouveau « centre décisionnel » accueillant les fonctions administratives, tertiaires et commerciales fait craindre un déclin de la Presqu’île.
3.1. Percement du métro et piétonisation
21Dans ce contexte, les discussions sur l’installation du métro38, destiné à accompagner le développement urbain et à limiter l’engorgement causé par un urbanisme centré sur l’automobile, portent en partie sur le maintien du rôle du centre ancien et sur sa connexion avec le nouveau.39 La publication en 1966 d’un rapport de synthèse des différentes études de la Direction départementale de l’équipement (DDE) et de la Société française d’études et de réalisations de transports urbains (SOFRETU), filiale de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) suivie par la création de la Société d’études du métropolitain de l’agglomération lyonnaise (SEMALY) en 1967, qui, sous la houlette de René Waldmann, construit une expertise locale sur cette question, sont les signaux du passage à la phase opérationnelle du projet, appuyé à la fois par l’État et par la maire.40 Un concours international est lancé en 1971. Les travaux commencent le 1er mai 1973et durent jusqu’en 1977.41 L’inauguration a lieu le 28 avril 1978.
Photo 15. Chantier du métro rue de la République

Source : AML, 1 PH 4770 photographie de Jean-Paul Tabey. Vue nord/sud à partir de la place de la République.
22Le chantier du métro mobilise jusqu’à 2 000 personnes, et nécessite un éventrement complet de la rue. Il suscite de nombreuses protestations des habitants et des commerçants qui semblent peu relayées ou appuyées par la SRI. S’il est fait mention de plaintes de locataires, le CA n’étudie que celle de l’un d’entre eux, avocat, qui demande un abattement de loyer en raison des nuisances liées aux travaux, abattement qui lui est refusé.42 Les administrateurs suivent le projet du métro et l’avancement des travaux, mais les comptes rendus ne font état que des aspects les plus techniques et, à aucun moment, d’une réflexion plus large sur les conséquences pour la rue. Apparaissent ainsi les questions d’emprise sur le no 19 rue Tolozan pour la réalisation d’une galerie exploratrice du métro projeté en 1970, puis celle du raccordement aux égouts, dont les coûts sont à la charge des propriétaires, puis l’enjeu de l’ouverture d’une station place de la République, un temps mise de côté.43 Le conseil suit également le projet d’extension de la rue, en vue de relier la place de la Comédie et le boulevard de la Croix-Rousse.44 Cela montre, malgré un retrait apparent, l’intérêt porté par le CA à ses transformations. On observe une implication du même type concernant la piétonisation de la rue.
23Le plan proposé par la SEMALY envisage en effet de profiter des travaux du métro, qui doivent se faire en tranchée et non en tunnel, pour rendre piétonnes les voies de surface. Les rues piétonnes sont alors au cœur de la réinvention des centres-villes en Europe. Le relatif retard français en la matière a permis aux municipalités de puiser dans les différents modèles forgés dans les pays voisins, qu’ils fassent la part belle à l’histoire et au patrimoine comme en Italie (ce qui sert de modèle dans le Vieux Lyon, quartier Saint-Jean, en 1975) ou qu’ils promeuvent les fonctions commerçantes comme dans les villes de RFA auxquelles la piétonisation de la rue de la République peut faire penser.45 L’atelier d’urbanisme de Charles Delfante promeut également cette perspective. Face à une municipalité d’abord réticente aux entraves à la circulation automobile, l’objectif de piétonisation est relayé par les commerçants.46 La mairie se rallie alors au projet et la SEMALY retravaille à un plan de cheminement piétonnier allant de Perrache aux Terreaux. Les conditions expéditives de ces décisions sont telles que le budget est plus faible que celui initialement prévu (et pris sur celui du métro). La rue Victor-Hugo doit être entièrement piétonne, tandis que le choix de la rue de la République est plus tardif : dans un premier temps c’est la rue Édouard-Herriot (ex-rue de l’Impératrice et rue de l’Hôtel-de-Ville) qui est envisagée mais les entreprises répondant au concours estiment plus aisé de disposer le matériel de chantier sur la rue de la République.47 La rue de la République est ainsi rendue piétonne dans sa partie sud (de la place Bellecour à la place des Cordeliers) et semi-piétonne dans sa partie nord : les trottoirs sont élargis mais la circulation automobile reste possible dans les deux sens. La rue Victor-Hugo devient quant à elle entièrement piétonne.48 Le premier tronçon est inauguré en septembre 1975, à quelques jours de l’ouverture du centre commercial de la Part-Dieu. À la suite de ces deux rues, la piétonisation est inscrite dans le schéma d’aménagement (SDAU) de 1978.
24À la fin des années 1970 et dans les années 1980, plusieurs axes connaissent le même sort, au point que la conversion en voie piétonne semble devenir un élément incontournable des projets de requalification des centres anciens : la rue Désiré-Griffon au nord des Terreaux, la rue Saint-Jean dans le Vieux Lyon, les rues Moncey et Montebello sur la rive gauche du Rhône, la Grande rue de Vaise, puis la rue Mercière (auxquelles ajouter des aménagements en dehors de Lyon, à Villeurbanne, Bron, Sainte-Foy-les-Lyon, Oullins, Saint-Genis-Laval et Neuville-sur-Saône).
3.2. La SRI dans les rénovations urbaines
25La rue de la République est donc le théâtre d’importantes transformations au milieu des années 1970. Les habitants et les commerçants en ont été des acteurs de premier plan, dans un contexte où les comités d’intérêts locaux (CIL) jouent un rôle de relais important pour le pouvoir municipal.49 La SRI a été partie prenante du mouvement, même si son implication est difficile à mesurer. Les PV des CA n’y font allusion qu’à une seule reprise, en 1974 pour mentionner que le président de la SRI a rejoint la commission nommée pour la piétonisation de la rue et qu’il entend y associer tous les propriétaires de la rue.50 La piétonisation n’est ensuite évoquée qu’en 1976, pour mentionner une « étude statistique qui constate le succès de la piétonisation de la rue de la République ».51 De façon plus ponctuelle, les aménagements des espaces jouxtant la rue de la République sont parfois évoqués. Ainsi, la révision de la servitude de passage public (remplaçant celle de 1825 !) donne lieu à une concertation entre la mairie, les propriétaires et les commerçants qui aboutit à une convention signée le 6 juin 1995. Les éclairages et les enseignes des magasins sont changés à cette occasion pour réhabiliter le passage de l’Argue (enseignes commerciales et éclairages).52
26Les administrateurs de la SRI envisagent également pendant un temps de réaliser des immeubles de garages. Ils prennent conscience au milieu des années 1970 de l’ampleur des enjeux liés au stationnement, dans un contexte où les parkings en surface (rue de la République par exemple) sont menacés par la piétonisation. À l’occasion de l’étude sur la rénovation des immeubles rue du Palais-Grillet en 1974, « le président a été très étonné de voir que des voisins sont prêts à payer n’importe quel prix pour obtenir des garages ».53 Le CA propose alors que les acquéreurs potentiels montent une coopérative d’achat prenant à sa charge les coûts de construction d’un immeuble de garages. La logique, comparable à celle qui a prévalu pour les installations d’ascenseur, consiste à faire supporter, autant que possible, le coût des améliorations aux usagers. Les difficultés réglementaires soulevées par le projet sont semble-t-il rapidement levées grâce à l’intervention de Charles Delfante. Néanmoins, le projet tourne court à cause de son manque de rentabilité : le prix de revient d’une « case » de stationnement est évalué à 90 000 F et la location annuelle à 4 000 F (soit une rentabilité brute de 4,4 %). Un tel niveau paraît insuffisant aux administrateurs qui, par ailleurs, doutent de trouver suffisamment de clients à ce prix. Le projet est abandonné en 1975.54 La SRI ne réalise pas elle-même de parc de stationnement et ne prend pas part à la construction des parkings souterrains à la fin des années 1980.55 En revanche, elle loue des places, en grand nombre et sur une longue période (60 ans), qu’elle réserve à ses locataires : 50 emplacements dans les parkings sous les places de la République et des Cordeliers, puis encore 50 sous la place de la Bourse.56 On le voit, ces chiffres restent relativement modestes comparés au nombre de locaux, quel qu’en soit l’usage, loués par la SRI.
27Le caractère laconique des PV des CA sur les bouleversements de la Presqu’île à cette époque renvoie à plusieurs causes (dont la moindre richesse de ces PV que nous avons mentionnée précédemment). Les nouvelles orientations de la SRI, ses déboires dans la rénovation du quartier Mercière et le fait que la moitié des administrateurs soient désormais parisiens tendent sans doute à limiter son implication dans les projets urbains de grande envergure, une forme d’attentisme qui ne signifie pas pour autant un désengagement. On peut en revanche s’étonner de l’absence de traces de réflexion sur les conséquences des travaux alors que celles-ci suscitent de nombreuses réactions dans la presse et parmi les riverains.
3.3. La transformation des espaces publics
28L’évolution des publics, surtout, retient l’attention. Si la rue de la République, qui devient de plus en plus la « rue de la Ré » pour les Lyonnais, a depuis sa création un rôle central, elle devient à la faveur du lancement du métro un centre d’agglomération accueillant une population plus large. En particulier, la fréquentation de la rue par des adolescents, d’origine populaire et enfants d’immigrés, venus des quartiers de logements sociaux des communes de l’Est lyonnais, ainsi que, dans une moindre mesure, par les « marginaux » (artistes de rue, solliciteurs divers, clochards ou assimilés)57, est décrite comme une intrusion par des commerçants et des élus du 2e arrondissement. Ils mettent en avant la question des conflits d’usage et dénoncent « l’appropriation » de la rue pour réclamer, durant les années 1980, un retour à la circulation automobile. Cette vision conflictuelle est fortement tempérée par une étude ethnographique menée à la fin des années 1980 sous la direction de Catherine Forêt.58 Elle montre, à rebours du thème de l’appropriation, la diversité des publics et des usages de la rue (consommation, flânerie, rencontre, etc.) tout en pointant des formes pacifiées de coprésence, voire d’interaction entre les différents groupes sociaux. Portant une attention particulière aux « groupes de jeunes » qui focalisent le plus souvent l’attention59, l’étude conclut au fait que la rue de la République favorise leur socialisation à l’espace urbain, à travers une série d’expériences (fréquentation d’espaces non quotidiens, exposition au regard public, moments sans le groupe de pairs, etc.) et de rencontres (entre garçons et filles, avec des adolescents venus d’autres communes, voire d’autres milieux).60 Ces résultats, qui s’inscrivent dans le renouveau de la thématique des espaces publics en sociologie urbaine61, ont connu un réel écho auprès des pouvoirs publics et des aménageurs62 auxquels ils fournissent des outils pour appréhender la conception des espaces publics. De ce point de vue, l’étude de Catherine Forêt inaugure une forme de « méthode lyonnaise » d’aménagement des espaces publics dans laquelle les études sur les usages, empruntant à la sociologie urbaine, et confiées notamment à l’agence d’urbanisme, jouent un rôle prépondérant.63 Comme souvent par le passé, les aménagements réalisés rue de la République et les réflexions qu’ils entraînent contribuent à la formation d’un modèle répliqué à d’autres secteurs de la ville et, pour la période récente, de l’agglomération.
29L’étude de Catherine Forêt, publiée en 1990, arrive par ailleurs à un moment crucial, où le projet d’installation de parcs de stationnement sur la Presqu’île soulève à nouveau l’enjeu de la requalification des espaces centraux. Les parkings construits sous les principales places (Bellecour, Terreaux, Célestins et République) sont l’occasion, comme l’était le métro une vingtaine d’années auparavant, de réagencer les espaces publics. Le réaménagement de la place des Terreaux par Daniel Buren (et le déplacement de la fontaine Bartholdi, auparavant située en face de l’Hôtel de Ville) en est l’exemple le plus fameux. Le mobilier urbain de la rue de la République est également modifié. Le « plan Presqu’île », terme sous lequel on regroupe les opérations d’urbanisme menées sous le mandat de Michel Noir, entre 1989 et 1995 entre Bellecour et les Terreaux64, fait la part belle à la nouvelle conception de l’espace public comme lieu de régulation d’usages divers et de socialisation à la ville évoquée ci-dessus. Il est toutefois également l’objet d’enjeux importants en termes de gestion des flux de fréquentation, portés notamment par les riverains à travers les Comités d’intérêts locaux.65 Plus qu’une construction uniforme des espaces publics, il se dessine alors une différenciation des différents secteurs de cette partie de la Presqu’île qui confirme des divisions déjà existantes. La rue de la République est confortée dans ses fonctions de chalandise et de consommation, la place des Terreaux dans sa vocation culturelle et touristique, au prix du recul de la frontière avec les Pentes de la Croix-Rousse plus populaires, au nord, et la place des Célestins dans son rôle d’espace de proximité pour les riverains, épargné par la foule que représente le « public d’agglomération ».66 Il faut ajouter à ces opérations le classement en monument historique du palais du Commerce en 1994, suivi de sa rénovation (ainsi que de celle de la place de la Bourse) entre 2000 et 2004.
30Au travers de ces différentes actions menées entre les années 1960 et les années 2000 sur l’espace public, les transports et l’accessibilité ou encore sur le patrimoine, il apparaît que la centralité des quartiers historiques a constitué l’objectif constant des politiques publiques. De ce fait, les interventions sur la rue de la République précèdent celles menées dans d’autres quartiers ou communes de l’agglomération et servent de matrice conceptuelle et opérationnelle à l’action publique ultérieure. Plus que de transformer, il s’est agi de maintenir des fonctions propres au centre, devenu « hypercentre » (dont celle d’espace de référence, de point d’ancrage d’une identité de l’agglomération, n’est pas la moindre) et de les adapter au changement d’échelle induit par la croissance urbaine. Les principales divisions spatiales ont été plus renforcées que modifiées, que ce soit la distinction entre les parties nord et sud de la rue ou la place de la rue par rapport aux autres espaces du quartier. Cette lecture, qui est celle des urbanistes, est utile mais doit être prolongée par l’étude de l’évolution sociologique de la rue sur le dernier demi-siècle. De ce point de vue, le modèle de la boulevardisation décrit par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot à propos du viiie arrondissement parisien, et plus particulièrement des Champs-Élysées67, offre à première vue quelques points communs avec la rue de la République, que ce soit la fréquentation d’un espace traditionnellement bourgeois provoquant une certaine dévalorisation aux yeux des habitants traditionnels ou la multiplication des enseignes nationales, voire internationales, allant dans le sens d’une homogénéisation : fast-food comme Mac Donald’s ou Quick, chaînes de magasins franchisés de vêtements tels que H&M ou Zara, grandes enseignes comme la FNAC qui s’est installée dans l’immeuble du Progrès (toutes ces enseignes se retrouvant d’ailleurs dans le centre commercial de la Part-Dieu). Même le maintien de commerces de luxe, comme la bijouterie Augis présente depuis l’ouverture de la rue, participe du phénomène en contribuant à l’image prestigieuse du lieu pour les catégories populaires et moyennes, alors que les plus riches en déplorent la facticité.
31Pourtant, l’évolution de la rue de la République ne cadre qu’imparfaitement avec ce thème de la boulevardisation, même en tenant compte des différences entre les notions de bourgeoisie et de luxe entre Paris et Lyon (qui, par exemple, ne compte pas d’équivalent à l’avenue Montaigne ou à la place Vendôme). Plusieurs facteurs l’en éloignent, et en premier lieu l’histoire même de la rue. D’une part elle n’a jamais constitué un foyer de regroupement de la plus haute société lyonnaise, ce qui l’apparente plutôt à la rue de l’Opéra à Paris68, et, d’autre part, elle est dès l’origine conçue comme un espace de commerces et d’affaires. Les locaux de bureaux ont pris de l’importance dès la fin du xixe siècle et l’équilibre entre bureaux et logements ne s’est pas modifié depuis la Seconde Guerre mondiale (un tiers de commerces, 40 % de logements, un quart de bureaux et de locaux professionnels). Le modèle dans lequel les bureaux succèdent aux grandes familles, en cherchant à s’approprier la valeur symbolique que celles-ci ont apportée à l’espace, ne s’applique que partiellement ici. On retiendra toutefois la combinaison de ces deux facteurs, re-création de la centralité et boulevardisation, comme caractéristique d’une métropole provinciale. Ce double processus est également à l’œuvre dans les transformations des occupants de la rue, commerces, bureaux et habitants.
4. Une rue entre réembourgeoisement et boulevardisation
4.1. Une offre commerciale en voie de standardisation
32L’évolution des commerces et des bureaux est importante à prendre en compte pour qualifier sociologiquement les métamorphoses de la rue. Au début des années 1960, les survivances sont nombreuses. On compte encore des tailleurs, magasins de modes, ou des soieries même s’ils sont nettement moins dominants qu’auparavant, passant de 30 % à 7 % des commerces entre 1948 et 1961. La place de la confection a également diminué de moitié (10 % à 5 % des commerces). Le fait qu’ils soient fréquemment remplacés par des magasins de vêtements pourrait passer pour de la continuité mais, dans la mesure où il s’agit le plus souvent de franchisés de chaînes nationales ou internationales similaires à ceux que l’on trouve dans d’autres lieux de l’agglomération, notamment à la Part-Dieu, ou dans d’autres villes, on assiste bien à une perte de la spécificité commerciale de la rue. Les opérations d’aménagement contribuent à ce mouvement qui allie standardisation et spécialisation des commerces.69
33Un bilan réalisé en 1989 sur l’ensemble des rues devenues piétonnes au tournant des années 1980 confirme que les commerces d’alimentation en général ainsi que certains types de commerces (literie, linge personnel, outillage qui, dans le cas de la rue de la République, étaient déjà très peu nombreux) ont reculé au profit des commerces de vêtements et des cafés et restaurants.70 Les effets sont quelque peu nuancés selon les rues. Pour la rue Victor-Hugo, les conséquences sur les commerces s’inscrivent dans la continuité d’un processus plus ancien de transformation et ce sont surtout les rues adjacentes qui voient leur spécialisation commerciale s’accroître.71 Dans la rue de la République, on verrait, toujours d’après ce bilan, s’accentuer la coupure entre la partie nord, caractérisée par les banques et des commerces haut de gamme, et la partie sud totalement piétonnisée où se multiplient les enseignes de vêtement grand public. Le « plan presqu’île », accentue ces tendances.72 En particulier, la partie la plus au sud de la rue (au débouché du métro, entre la place Le Viste et la place de la République), qui concentrait déjà cinémas et salles de spectacle au début du xxe siècle, concentre à la fois les flux d’usagers les plus importants et les représentants les plus emblématiques du commerce de masse : deux « fast-food » (Mc Donald’s, installé en 1981, et Quick de 1982 à 2013, auxquels ajouter des enseignes telles que Häagen-Dasz ou Brioche dorée), la librairie FNAC, le cinéma Pathé et plusieurs commerces de chaussures (Éram par exemple) et de vêtements (Zara, Pimkie, etc.). Depuis le milieu des années 2000, les boutiques de téléphonie mobile ont également fleuri tout le long de la rue, alors que les magasins de radio et de télévision, prospères dans les années 1960 et 1970 ont disparu. Toutefois cette structuration nord-sud de la rue est à nuancer. La partie nord de la rue accueille progressivement le même type d’enseignes que la partie sud (Starbuck’s coffee, France loisir, etc.) tandis que les commerces plus huppés ou plus traditionnels tendent à se détourner vers les rues voisines telles que la rue Édouard-Herriot (ex-rue de l’Impératrice), la rue de Brest ou la place Bellecour. Les tailleurs Moreteau, locataires depuis plus d’un siècle, déménagent ainsi au début des années 2000 dans la rue Édouard-Herriot. Par ailleurs, s’il y a des différences entre les franchises et filiales de grands groupes, qui ne s’adressent pas toutes exactement aux mêmes catégories de consommateurs, celles-ci ne semblent pas dessiner une hiérarchie bien nette à l’échelle de la rue et les différents types d’enseignes coexistent à proximité les unes des autres. La présence des banques, la semi-piétonisation et la plus faible densité de passants contribuent sans doute à donner au nord de la rue une image urbaine différente de celle du sud.
34Les CA font peu mention de la politique de la SRI en matière de baux commerciaux après les années 1960. Un cas évoqué au début des années 1990 rappelle pourtant qu’un certain nombre de principes continuent à être appliqués, au premier rang desquels une certaine régulation de la concurrence en faveur des plus grands magasins anciennement installés. Il s’agit du projet d’un promoteur immobilier, la Cogedim, de réaliser une grande surface commerciale englobant les cinémas dont elle est propriétaire dans le quartier Grolée (nos 10-12 rue Carnot) et le magasin Télé-Globe (locataire de la SRI) sis au no 49 rue de la République, pratiquement en face du Printemps. La Cogedim envisage de la louer ensuite à Marks & Spencer.
Après un long échange de vues, le conseil unanime demande au président de ne faciliter en aucun cas, pour des raisons notamment de déontologie, l’implantation sur cette surface d’un commerce directement concurrent de locataires de la société situés à proximité immédiate comme le Printemps. Le conseil ne souhaite pas non plus voir modifier la structure de l’immeuble du 49 rue de la République avec, au rez-de-chaussée, ses commerces multiples tels qu’ils existent actuellement.73
35L’agence immobilière chargée de la vente du fonds de commerce songe alors une implantation du libraire disquaire Virgin (qui se réalise finalement à proximité, au croisement de la rue Grenette et de la rue Édouard-Herriot), puis celle du magasin Habitat avec lequel un accord est signé en 1994.74 On voit qu’il se joue ici à la fois un souhait de régulation de la concurrence entre commerces de la rue, constant depuis les origines de la SRI, et de maintien d’une certaine diversité dans la typologie commerciale. Tous les commerces envisagés pour cet emplacement appartiennent à des grandes chaînes. Le montant des loyers rend progressivement les grandes surfaces inaccessibles aux indépendants.
36Certains de ces commerces s’installent dans des immeubles n’appartenant pas à la SRI, tels le Mac Donald’s, situé très près de la sortie du métro, ou la Fnac installée dans l’ancien immeuble du Progrès. Il ne faut pas en déduire pour autant que la SRI a maintenu une politique plus sélective et plus élitiste que les autres propriétaires. Un pointage de 132 commerces de la rue réalisé en 201375 indique que 51 d’entre eux (soit 39 %) appartiennent aux grandes chaînes. La proportion est presque équivalente dans les immeubles de la SRI (30 sur 79 soit 38 %) que dans les autres (21 sur 53 soit 40 %). Les résultats d’un recensement de l’ensemble des locaux loués par la SRI en 2001 permettent de préciser ce constat76 : les grandes enseignes représentent alors 35 % des locaux commerciaux, soit un total assez proche de celui de 2013, mais également 57 % des surfaces (48 % si l’on ne tient pas compte du Printemps). Elles offrent donc des loyers plus élevés et même des loyers au mètre carré supérieurs : 1 014 euros en moyenne par mètre carré et par an contre 862 pour les autres commerces. L’écart est encore plus marqué si l’on s’en tient seulement aux magasins de vêtements (respectivement 1 053 et 764 euros). On peut également noter que les loyers sont un peu plus chers dans le sud de la rue, et tout particulièrement dans la partie la plus proche du métro (à partir du no 60), entre 1 000 et 1 500 euros par mètre carré et par an, contre des valeurs entre 500 et 1 000 euros dans la partie nord. Le type d’activité commerciale a à première vue également un rôle, même si ce n’est pas nécessairement celui attendu : les commerces d’alimentation sont les moins chers (5 00 euros / m2 et par an), les banques, restaurants ou agences de voyages se situent à des niveaux intermédiaires (autour de 800 euros) et les magasins de vêtement sont plus proches de 1 000 euros, au-dessus par exemple des bijouteries. Ces écarts reflètent en partie la part des grandes enseignes dans chacune de ces activités.77 Les loyers des commerces de masse sont plus élevés que ceux des commerces haut de gamme.
37L’intérêt économique de la SRI à louer aux grandes enseignes vient également de ce qu’elle peut espérer une forte appréciation du loyer à la révision du bail. Ces commerces sont en effet adossés à des groupes de grande envergure et aux importantes capacités financières qui ont un intérêt stratégique à ce que leurs magasins occupent les localisations les plus centrales et les plus visibles. Comme on l’a souligné à plusieurs reprises, la révision des baux commerciaux représente un enjeu essentiel pour le propriétaire : ces révisions sont espacées dans le temps (au moins 9 ans dans le cas d’un bail commercial classique78, et en dehors de hausses telles que celles liées à l’indice du coût de construction), ce qui introduit un décalage important avec le loyer de marché, décalage qui peut être comblé, partiellement ou non, à l’occasion des révisions du bail. En 2001, les loyers les plus élevés ne sont pas les plus récemment conclus (autour de 1 000 euros par an et par mètre carré) mais ceux signés à la fin des années 1980 et en 1990-1991 (supérieurs à 1 000 euros), car ils viennent d’être réévalués. Ceux des années 1992 à 1997 sont plus bas (autour de 800 euros).79 Certes, de tels écarts reflètent aussi des différences de conjoncture (boom immobilier à la toute fin des années 1980, reflux des prix ensuite et reprise à partir de 1997), mais ils sont également dus au fait que les baux de 1990 et 1991 sont arrivés à échéance (baux de 9 ans) et qu’ils ont été révisés juste avant le recensement de 2001. Les grandes enseignes de franchisés peuvent, plus que les indépendants, supporter de telles hausses. Elles ont parfois même de la difficulté à y faire face. Ainsi, l’enseigne de restauration rapide Quick ferme son restaurant de la rue de la République en 2014 (après celui des Champs-Élysées à Paris) à cause du niveau des loyers. Il est remplacé par un magasin de téléphonie mobile.80 Il en avait été de même quelques années plus tôt pour Go Sport. Le montant des révisions fait régulièrement réagir les commerçants de la rue, en particulier après la filialisation de la SRI et la reprise de la gestion par ANF.81 Cette dernière engage en 2009 une révision de l’ensemble des baux. Ainsi, la volonté de passer le loyer de la confiserie Caramelys de 12 000 à 60 000 euros, ou celui du magasin de vêtements Benetton de 41 000 à 96 000 euros a suscité des protestations relayées dans la presse locale. Les commerçants les plus menacés ont vu dans la politique des loyers une volonté de montée en gamme, ce que n’a pas démenti le cabinet d’immobilier commercial Thomas Broquet chargé des emplacements pour ANF82 : « On veut effectivement monter la rue en gamme. Il faut arrêter de tirer vers le bas comme le fait la Part-Dieu, c’est trop populaire. »83 La rue reste ainsi régulièrement classée parmi les plus chères du monde dans le classement de Cushmann et Wakefield qui fait référence pour les professionnels de l’immobilier84 : pour appuyer une telle stratégie, ANF aurait à plusieurs reprises racheté elle-même le droit au bail de certains commerces de façon à faciliter l’implantation de certaines enseignes plus en vue. Cette évolution concerne une période pour laquelle nous ne disposons pas d’archive, ce qui ne permet pas de confirmer qu’ANF mène une politique des loyers différente de celle de la SRI. Toutefois, la première décennie des années 2000 ayant été marquée par une très forte appréciation des prix immobiliers, la seule prise en compte du marché peut tenir lieu de politique de revalorisation des loyers. On peut faire l’hypothèse que l’objectif d’ANF consiste en premier lieu à capter la hausse des prix et non à modifier la nature des commerces de la rue. Des loyers très élevés favorisent la prédominance des grandes enseignes de franchisés et pas la « montée en gamme » souhaitée ou dénoncée par les différents acteurs. En ce sens, ANF se situe dans la continuité directe de la SRI. Il en va de même avec le dépôt d’une marque « rue Impériale » en 2015 complétée d’un logo (la statue d’un lion bleu). Le fonds ADIA, nouveau détenteur du patrimoine de la SRI, confie à la société Grosvenor, spécialiste international en immobilier commercial qui avait déjà joué les intermédiaires dans la vente au fonds émirati, le développement de la rue. Le choix d’en faire une marque, qui apparaît inédit dans les stratégies de développement immobilier en France, ne marque pourtant pas de rupture. Il entérine la volonté d’aller le plus loin possible dans la monétisation des représentations prestigieuses de la rue issues du passé, dans un processus « d’enrichissement » comparable à celui que mettent en évidence Luc Boltanski et Arnaud Esquerre.85 Ce processus passe toutefois moins par une patrimonialisation qui mettrait en avant l’histoire des lieux que par la stratégie consistant à remplir le cadre urbain avec les contenus standardisés d’un commerce moyen-haut de gamme internationalisé.
4.2. Une vocation de quartier d’affaires renouvelée
38Moins visibles que les commerces, les bureaux participent également à la qualification sociale de la rue, ainsi qu’à son activité (ne serait-ce que parce que les salariés sont également des usagers de la rue de la République). La part des bureaux dans l’ensemble des locations reste stable, mais leurs occupants changent entre les années 1960 et le début des années 2000. L’univers de la soierie est encore représenté au début des années 1960, notamment par des représentants, des commissionnaires héritiers du négoce (que l’on retrouve dans le Tableau 47 dans la catégorie « autres »), mais il tend à disparaître. À l’instar de ce que l’on a pu observer dans le 8e arrondissement parisien, les sièges d’entreprises industrielles quittent les quartiers anciens pour se déplacer vers les centres d’affaires, la Part-Dieu jouant ici le rôle de la Défense dans la région parisienne, tandis que les entreprises de communication et de services aux entreprises tendent à rechercher les localisations « haussmanniennes ». Les sièges de sociétés industrielles représentaient 10 % des bureaux et locaux professionnels occupés (en nombre de locaux) jusque dans les années 1960 mais seulement 4 % en 2013 (dont quelques sociétés du secteur de l’énergie). À cela s’ajoute, pour la rue de la République, le départ des compagnies d’assurances (de 14 % à 3 %), alors que les entreprises du secteur immobilier se maintiennent mieux (de 12 % à 9 %), avec notamment la présence des principaux syndicats professionnels du secteur au no 4 et au no 61 de la rue. Les établissements financiers continuent également à représenter environ 10 % des bureaux loués. Pratiquement absentes dans les années 1960, les sociétés de services aux entreprises (conseil en organisation, management, bureaux d’études, etc.), de communication (agences de publicité notamment), de ressources humaines et de services informatiques se taillent la part du lion, environ un tiers des bureaux, dans les années 2000.
Tableau 47. Bureaux et locaux professionnels par type d’activité en 1961 et 2013
Type d’activité | En proportion du nombre de bureaux et locaux professionnels | |
1961 | 2013 | |
Architectes | 2 % | 2 % |
Associations, partis politiques, syndicats professionnels | 2 % | 2 % |
Assurances | 14 % | 3 % |
Avocats | 6 % | 8 % |
Banque, finance | 8 % | 8 % |
Communication | 1 % | 7 % |
Immobilier | 12 % | 8 % |
Médecins | 15 % | 15 % |
Notaires | 3 % | 2 % |
Ressources humaines (intérim, formation, cabinets de recrutement) | 2 % | 8 % |
Services aux entreprises | 4 % | 13 % |
Services informatiques | 0 % | 4 % |
Sièges de sociétés industrielles | 10 % | 4 % |
Autres | 21 % | 16 % |
Total | 100 % | 100 % |
39La répartition des professions libérales est restée quant à elle relativement stable, notamment pour les médecins et les professions paramédicales. Ce sont le plus souvent des spécialistes. Les dentistes restent les plus représentés (il y en avait 17 en 1961) mais les psychiatres, psychologues et psychothérapeutes sont également assez nombreux, ainsi que les kinésithérapeutes. Les avocats et les cabinets de conseil juridique ont vu leur nombre croître, surtout dans la deuxième moitié des années 2000 alors que leur proportion était restée jusque-là stable.
4.3. Le réembourgeoisement
40La population de la rue de la République ne peut plus être connue aussi précisément que pour les périodes précédentes, faute d’accès aux listes nominatives du recensement. Les transformations socio-démographiques peuvent toutefois être saisies à une échelle un peu plus large, celle de la portion de Presqu’île comprise entre Bellecour et les Terreaux.86 On sait que la population de la Presqu’île a plus baissé que celle du reste de Lyon entre les années 1960 et les années 1980, et qu’elle a relativement moins bénéficié de la reprise démographique liée au « retour au centre ».87 La baisse du nombre d’habitants entre Bellecour et les Terreaux (15 818 habitants en 1968 contre 11 862 en 2010) résulte essentiellement d’une diminution de la taille des ménages (de 3,26 personnes par ménage à 1,77) alors que le nombre de ces derniers a plutôt augmenté (de 4 846 à 6 680). La structure par âge traduit également cette évolution.88 Si l’âge moyen a peu évolué (40,9 ans contre 40,4 en 2010), le nombre d’enfants et de personnes aux âges intermédiaires diminue au profit des 15-29 ans qui sont particulièrement représentés ici (38 % contre 29 % pour l’ensemble de Lyon). Cette tendance, déjà notée pour Lyon89, prend ici une ampleur accrue, bien qu’il ne s’agisse pas d’un quartier que l’on qualifie habituellement d’étudiant, à l’inverse par exemple de la Guillotière. L’attrait des étudiants pour le centre et les possibilités qu’offrent les grands appartements pour les colocations contribuent à l’importance prise ici par cette catégorie d’âge. La proportion de plus de 60 ans n’a pas changé (16 %). Toutefois, du fait du vieillissement de l’ensemble de la population, cette proportion n’a pas le même sens en 1968, où elle peut signaler le vieillissement d’une partie des habitants du centre, tandis qu’elle est, en 2010, inférieure à celle du reste de l’agglomération (et a fortiori de l’ensemble de la population française). Il faut donc à la fois relativiser le vieillissement des années 1960 du fait de la présence des familles avec enfants, et préciser que le rajeunissement à la fin du xxe siècle et au début du xxie est porté par les étudiants et jeunes actifs et qu’il témoigne d’un fort renouvellement de la population : au recensement de 2010, 59 % des habitants du périmètre étudié avaient emménagé depuis moins de cinq ans, contre 48 % pour l’ensemble de Lyon. La rue de la République et ses environs, notamment la place Bellecour, forment un pôle d’attraction pour les ménages, notamment les plus aisés mais pas uniquement, venant s’installer à Lyon.
41Ce renouvellement tend à renforcer le poids des catégories aisées, dans ce secteur de la Presqu’île comme dans d’autres parties du centre de Lyon. On sait que, à côté des dynamiques de gentrification très souvent étudiées90, la hausse de la concentration des catégories supérieures s’effectue principalement dans les quartiers déjà embourgeoisés.91 En 1968, les catégories supérieures et moyennes supérieures de la Presqu’île étaient surtout constituées de chefs d’entreprise, artisans et commerçants (16 % des actifs), des professions libérales (4 %) et de cadres (9 %), soit un total de 29 % (en comptant assez large puisque tous les indépendants ne sont, en fait, pas à rattacher à cette catégorie92). En 2010, les cadres et professions libérales représentent à eux seuls 37 % des actifs (26 % pour l’ensemble de Lyon), et les autres indépendants 6 %. Les classes moyennes sont également en croissance puisque les « cadres moyens » représentent 15 % des actifs en 1968 alors que les « professions intermédiaires » atteignent 26 % en 2010. Sans doute faudrait-il ajouter à ces classes moyennes une partie des employés de 1968 qui représentent encore 31 % des actifs en 1968 et 22 % en 2010. Les ouvriers constituent la catégorie ayant connu la plus forte baisse, passant de 26 % à 9 % des actifs. Encore faut-il préciser qu’un tiers environ des ouvriers de 1968 étaient des « gens de maison », ce qui relativise en partie la baisse. Au-delà des évolutions des nomenclatures du recensement elles-mêmes qui contraignent à une certaine prudence dans la comparaison, on voit bien un double mouvement d’accroissement de la part des catégories moyennes et supérieures, et de substitution des indépendants par les cadres. Il est tentant de comparer cette tendance à celle qui avait vu, à la fin du xixe siècle, le poids des rentiers s’accroître continûment dans la rue de la République. Sans en bouleverser la structure sociale, cette évolution avait consacré la prééminence du centre historique. Les cadres ont remplacé les rentiers mais la dynamique est comparable. Comme dans la première moitié du xxe siècle, ce mouvement ne s’accompagne pas d’une augmentation des formes visibles de notabilité. Yves Grafmeyer note ainsi au début des années 1990 un certain recentrement des élites locales sur leurs espaces traditionnels, Ainay et le nord du 6e arrondissement, au détriment notamment de la partie nord de la Presqu’île.93 Le périmètre étudié ici se caractérise donc par une population qualifiée, aisée, mais aussi jeune et mobile, assez caractéristique des dynamiques de métropolisation.94 Les formes d’ancrage et d’inscription familiale dans la durée, ne semblent pas se dessiner (ou en tout cas n’apparaissent pas avec les outils dont nous disposons ici). La plus ou moins grande mobilité des catégories supérieures semble ainsi jouer un rôle important sur la contraction ou la dilatation des territoires de la notabilité d’une grande ville. Ce mouvement témoigne également du changement d’échelle affectant la notion de centralité et rejoint à ce titre les autres dynamiques pointées jusqu’ici en matière d’aménagement et d’offre commerciale.
Conclusion de la quatrième partie
42L’ensemble des transformations qui affectent la SRI à la suite de l’entrée de la banque Lazard change profondément la nature de son activité. Dès lors que la plus grande part de ses revenus provient de sa position dans le holding de la banque d’affaires, on peut se demander si elle reste une société immobilière. Il s’agit également d’un changement d’échelle. La SRI prend progressivement part à une série de montages financiers orchestrés par la banque Lazard, un temps surnommée le « ministère bis de l’industrie ». Elle accompagne ainsi la restructuration de plusieurs grands groupes d’envergure nationale dans le dernier quart du xxe siècle. Cette évolution se fait au prix d’un recentrement des activités immobilières sur la gestion du patrimoine historique de la société et d’un renoncement aux objectifs d’expansion, de construction neuve et même de réhabilitation des logements existants. Tout est fait pour mettre les revenus générés par les locations au service des projets financiers pilotés par Lazard.
43Ce processus est concomitant d’une adaptation de la rue de la République aux nouvelles échelles de la centralité, par le biais des aménagements urbains, allant de la voirie à l’offre de transports en commun. La SRI reste largement étrangère à cette adaptation qui est principalement menée par les pouvoirs publics. Ce n’est pas la première fois qu’elle voit son parc valorisé par les investissements publics mais, dans le processus qui s’engage au début des années 1970 et dure jusqu’à l’orée des années 2000, l’écart est très important entre l’ampleur des aménagements publics et la frilosité de la SRI en matière de rénovation, d’amélioration (voire d’entretien) de son parc. À bien des égards, ce sont les dépenses publiques qui permettent le maintien, et même l’augmentation, des valeurs locatives, sur la période.
44Parler seulement de financiarisation pour décrire cette évolution apparaît donc réducteur : les mutations engagent des dimensions urbaines, immobilières et financières qui s’articulent avec une grande cohérence bien qu’elles ne soient pas coordonnées. Leur imbrication culmine dans les années 2000 avec la conjonction d’une société filialisée, parc immobilier homogène, d’un ensemble de commerces standardisés apportant les revenus locatifs considérables d’une des 100 artères les plus chères au monde, et d’un espace de centre-ville remodelé par 25 ans d’interventions publiques. La SRI et la rue de la République peuvent ainsi être traitées comme un actif, pour ne pas dire un produit, adapté aux logiques de placement des grands groupes d’immobilier commercial. Plus que la disparition même de la SRI, c’est le rachat des immeubles à ANF par une firme d’Abu Dhabi (rachat préservant l’intégrité du parc contrairement à la logique de vente à la découpe réalisée dans le quartier Grolée) qui consacre ce rôle de produit financier pris par l’immobilier commercial et de bureaux et clôt la reconfiguration entamée au milieu des années 1960.
Notes de bas de page
1 CA du 27 janvier 1970. Il est alors noté que les loyers sont stables et les dépenses en hausse, de telle sorte que « le dividende dépendra des filiales ».
2 CA du 7 janvier 1974. La SRI adhère toujours à ces organisations et demeure un acteur majeur sur le plan local.
3 CA du 15 octobre 1976 et 10 octobre 1977.
4 CA du 9 janvier 1978.
5 CA du 28 mars 1977.
6 CA du 12 janvier 1980. « Naturellement, rien ne peut être indiqué quant à la politique des loyers qui sera suivie dans les prochains mois mais d’après les assurances qui ont été données et publiées par la Presse, il semble ne pas faire de doute que le décret concernant les hausses de loyers régis par la loi du 1er septembre 1948 sortira, comme chaque année, début juillet et que les taux d’augmentation seront voisins de ceux de l’an dernier. » CA du 12 juin 1981.
7 H. Michel, La cause des propriétaires, État et propriété en France, fin xixe-xxe siècle, Paris, Belin, 2006.
8 CA des 11 janvier, 21 juin et 18 octobre 1982 et 20 juin 1983.
9 M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Quartiers bourgeois quartiers d’affaires, Paris, Payot, 1992.
10 En valeur nominale, ils passent de 21 MF à 53 MF.
11 Notamment dans les CA des 15 octobre 1976, 8 avril et 17 octobre 1988, 21 juin et 22 octobre 1991.
12 CA du 29 juin 1988.
13 Alors même que les CA se font toujours moins bavards, il s’agit probablement de la conjoncture économique la plus commentée depuis l’ouverture de la rue (plus que la crise des années 1870 par exemple). Cela se manifeste d’abord par une augmentation de la provision annuelle pour loyers impayés à cause des redressements judiciaires ou liquidations de sociétés locataires, puis, à partir du milieu de l’année 1993, par le constat de difficultés à relouer les locaux commerciaux en étage. La reprise se fait sentir au milieu de l’année 1994, d’abord dans l’habitation puis progressivement dans les locaux commerciaux. On note jusqu’au milieu de l’année 1995 quelques locaux vacants : une dizaine d’appartements et une dizaine de commerces (CA des 18 janvier, 16 avril, 21 juin et 18 octobre 1993, 20 juin et 17 octobre 1994, 9 janvier et 23 octobre 1995).
14 CA du 11 janvier 1982.
15 CA du 20 juin 1983.
16 CA du 16 octobre 1987 et 17 octobre 1988.
17 AG du 27 mai 1967.
18 En particulier, un ravalement de façade rue de la Bourse suite à des chutes de pierre (CA du 7 novembre 1969).
19 CA du 10 juin 1974.
20 CA des 16 octobre 1978, 8 janvier 1979, 11 janvier 1982 et 14 janvier 1985.
21 CA du 13 octobre 1975.
22 CA du 22 octobre 1984 et 14 janvier 1985.
23 CA du 12 janvier 1987.
24 Cours, façades, toitures (no 17 rue Neuve, nos 44-46 rue Henri-Germain, no 10 rue de la Charité), réfection de sols et fenêtres de locaux commerciaux, rénovation du local d’archives, éclairage de certaines façades, installation d’un ascenseur no 44 rue Henri-Germain (CA du 17 octobre 1988). Cela se poursuit en 1989 pour 10 MF : cours des no 9 rue de la République et no 19 rue Gentil, toitures des no 9 rue Jean-de-Tournes, no 10 rue République, no 19 rue Gentil, rénovation de 13 appartements et un local commercial, sols et fenêtres de plusieurs locaux commerciaux, ascenseur et montée d’escalier du no 17 rue Neuve, éclairage d’une façade, rénovation du local d’archives, électricité dans 3 locaux professionnels, pour un total de 10 MF (CA du 15 janvier 1988). CA du 14 janvier 1990 : les travaux ont porté sur la rénovation de 3 façades sur cour, 7 toitures, des allées et escaliers, de 8 appartements, l’installation de 12 porte-cabines d’ascenseurs, pour un montant de 10 MF (sensiblement égal d’une année sur l’autre, répartis entre les postes Entretien et Immobilisations). Le CA du 15 avril 1991 souligne la nécessité du ravalement des façades des immeubles cours Gambetta. Le conseil estime nécessaire la poursuite du programme de remise en état des appartements malgré son coût. Il se continue donc en 1991 (CA du 20 janvier 1992) : ravalement de façades (no 9 rue Jean-de-Tournes et no 26 rue de la République), toitures (nos 26, 50, 48, 44 rue de la République), réfection parties communes (nos 4, 15, 47, 49, 65 rue de la République, no 4 rue de la Charité, no 13 rue Confort), rénovation de 7 appartements vacants, d’un local professionnel, des bureaux SRI (dernière tranche) et éclairage de la façade du 2 rue de la République, ainsi que 8 porte-cabines ascenseur, et installation d’un ascenseur au 12 rue du Mulet. Le tout pour 9 MF dont 1,7 MF en immobilisations. Sans entrer dans le même détail, notons que les dépenses se montent à 9,7 MF (dont 2,5 en immobilisations) en 1992, 9,5 en 1993 (2,5 MF d’immobilisations, auxquels ajouter 1,5 MF pour la réparation d’une toiture incendiée par un pyromane) et 10 MF en 1994 (CA des 18 janvier 1993, 14 janvier 1994 et 9 janvier 1995).
25 Chiffres issus d’une étude commanditée en octobre 1973 auprès de l’expert immobilier habituel de la SRI, Sage, et auprès de l’architecte Grimal. Ses résultats se font attendre presque une année entière (CA des 29 octobre 1973 et 9 décembre 1974). Une seconde étude, à laquelle participe Cateland, l’architecte de la SRI, chiffre le coût d’une participation de la SRI à 3 MF (CA du 7 janvier 1980).
26 CA des 13 juin 1975, 22 juin 1976 et 21 avril 1980.
27 CA du 16 juin 1980. Une autre évaluation est menée en 1982, dont le montant n’est pas indiqué (CA du 21 juin 1982).
28 CA des 21 juin et 18 octobre 1982 et 22 octobre 1984.
29 CA des 10 octobre 1986, 12 janvier, 19 mai et 16 octobre 1987 et 17 octobre 1988.
30 CA du 16 octobre 1987.
31 CA des 19 mai 1987 et 22 janvier 1990.
32 CA du 18 octobre 1967.
33 CA du 30 avril 1968.
34 CA du 14 janvier 1969.
35 Il faudrait y ajouter les interactions complexes entre ces différents acteurs ainsi que les études, expertises et savoirs constitués autours de ces enjeux, qui dessinent une belle page d’histoire de l’urbanisme dont on trouve la trace dans de nombreuses publications dont Pierre-Yves Saunier, « Au service du plan, hommes et structures de l’urbanisme municipal à Lyon au xxe siècle », Forma Urbis. Les plans généraux de Lyon xvie-xxe siècle, Lyon, Archives municipales de Lyon, 1997, p. 135-144 ; ou encore sous la plume de l’un de ses principaux acteurs : C. Delfante et A. Dally-Martin, 100 ans d’urbanisme à Lyon, Lyon, Lugdunum, 1994.
36 CA du 13 octobre 1975.
37 Le protocole de cession prévoit un départ en cinq ans. Il ne s’agit pas ici de retracer l’histoire de la Part-Dieu dont on peut trouver une présentation, amère, par Charles Delfante, qui déplore le passage de ce « grand dessein lyonnais » au « petit dessin de ce qu’il est convenu d’appeler : la Part-Dieu » (C. Delfante et A. Dally-Martin, 100 ans d’urbanisme à Lyon, ouvr. cité, p. 181-182). Voir également P. Gras, Histoire de la Part-Dieu, Lyon, SERL, 1988.
38 Sans entrer ici dans le détail de ces discussions, on peut noter que, dans un climat centré sur l’accès à l’automobile, les défenseurs du projet du métro (et de la piétonisation) s’appuient beaucoup sur les comparaisons internationales et notamment sur l’exemple de Milan, jumelé à Lyon.
39 « Le but premier de la ligne A de métro fut de redonner un cœur à l’agglomération en le rendant accessible face à la péri-urbanisation et à l’éclatement de son cadre. Un tel recentrage a néanmoins eu pour résultat de permettre l’intégration économique de l’agglomération, grâce à l’émergence d’un sentiment d’appartenance, conséquence d’une meilleure connaissance de la ville. » C. Montès, Les transports dans l’aménagement urbain à Lyon, Lyon, Revue de géographie de Lyon (Géocarrefour), 2003, p. 88.
40 S. Autran, « Imaginer un métro pour Lyon : des études préliminaires à l’inauguration de la première ligne », Millénaire 3, mars 2008.
41 R. Waldmann, La grande traboule, Lyon, Éd. Lyonnaises d’art et d’histoire, 1991.
42 CA du 9 décembre 1974.
43 CA des 16 mars 1970, 18 mars 1974 (notons que la place Tolozan est refaite à l’occasion du percement du métro) et 7 janvier 1974.
44 CA du 29 octobre 1973. Le CA, qui semble fort de l’appui de la mairie, commandite même une étude sur ce projet, dont il n’est plus fait mention ensuite.
45 Voir sur cette question de piétonisation des centres urbains, C. Feriel, « L’invention du centre-ville européen. La politique des secteurs piétonniers en Europe occidentale, 1960-1980 », Histoire urbaine, no 42, avril 2015, p. 99-122.
46 L’association Centre Presqu’île propose un projet de rues piétonnes (Le progrès de Lyon, 1er juin 1974) et le syndicat d’initiatives remet à Louis Pradel une étude intitulée « Les chemins de la Presqu’île » en juillet 1974.
47 S. Autran, « Imaginer un métro pour Lyon », art. cité, p. 15.
48 Voici comment sont décrits ces aménagements : « La rue Victor Hugo est composée de dessins en arabesques qui déterminent des vagues, on compte également des bancs, une fontaine sculpture et des jardinières. La rue de la République est réaménagée sur 600 mètres de long. Elle est composée d’un enrobé à chaud porphyrique, recoupé par des bandes de pavés mosaïques. Des bancs quadrangulaires sont installés ainsi qu’une importante décoration florale et arbustive et une fontaine en granit rose. » (Ibid.)
49 T. Joliveau, Associations d’habitants et urbanisation, l’exemple lyonnais (1880-1983), Paris, CNRS Éditions, 1987 ; M. Amzert, « Les comités d’intérêt local de la région lyonnaise », Annales de la recherche urbaine, no 89, juin 2001, p. 70-78.
50 CA du 9 décembre 1974.
51 CA du 22 juin 1976.
52 CA du 23 octobre 1995.
53 CA du 9 décembre 1974.
54 CA des 21 mars, 13 juin et 13 octobre 1975.
55 Un protocole d’accord est signé avec la société France Printemps, propriétaire des nos 34-38 rue de la République et d’une partie de la rue du Palais-Grillet sous laquelle un parking souterrain doit être construit, mais la SRI refuse d’entrer dans le montage d’une société civile immobilière susceptible de gérer cette opération, à cause des incidences fiscales (CA des 26 juin et 10 octobre 1989). Voir plus haut.
56 CA des 22 décembre 1991, 19 octobre 1992, 16 avril et 21 juin 1993.
57 J.-Y. Authier, « Centre-ville et marginalité : les “groupes” de jeunes dans la rue de la République à Lyon », Marginalité sociale, marginalité spatiale, Paris, CNRS Éditions, A. Vant dir., 1986, p. 174-185.
58 C. Forêt et N. Bavoux, En passant par le centre : la rue de la République à Lyon, anthropologie d’un espace public, Lyon, Cerfise, 1990.
59 N. Bavoux, coauteur du livre tiré de cette étude, avait d’abord mené des travaux auprès de ces « jeunes » des communes de banlieue. C’est en voyant la place représentée par les sorties rue de la République qu’il en est venu à contribuer à une ethnographie de cette rue.
60 Un autre travail ethnographique, moins fouillé, sur les « groupes de jeunes » fréquentant la rue de la République a été mené au milieu des années 2000 et rejoint assez largement les conclusions de Catherine Forêt et Nicolas Bavoux (sans toutefois les citer). Comparant les usages de l’espace dans la rue de la République et dans le centre commercial de la Part-Dieu, l’auteur montre que, dans ce dernier, la régulation des conflits et la pacification de l’espace public s’appuient plus sur le travail de dissuasion, parfois de médiation, des vigiles du centre, alors qu’un tel travail n’est pas nécessaire rue de la République (qui compte tout de même des caméras de surveillance et une présence policière régulière). J.-M. Berthet, « Jeunesse périphérique en centre-ville, l’exemple de Lyon, penser la ville comme ressource et la mobilité comme apprentissage », Sociétés et jeunesses en difficulté, no 4, 2007, p. 2-14.
61 Renouveau qui est alors porté par le sociologue Isaac Joseph, enseignant à l’université Lyon 2 et importateur de la sociologie interactionniste américaine (notamment celle de Goffman dont il est le traducteur). Voir notamment I. Joseph, Le passant considérable, essai sur la dispersion de l’espace public, Paris, Librairie des Méridiens, 1984.
62 Ce dont témoigne l’un de ces acteurs : J.-P. Charbonneau, « La politique des espaces publics à Lyon », Revue de géographie de Lyon, vol. 72, no 2, 1997, p. 127-130.
63 C. Forêt, « Aménager les espaces publics en tenant compte des “contraintes d’usage” : le recours aux enquêtes sociologiques et à la concertation sur les projets (1990-2008). Contribution à une histoire du Grand Lyon », Millénaire 3, 2008, p 1-18. On recense plus d’une soixantaine d’études réalisées dans ce cadre au sein de l’agglomération entre 1990 et 2006, pour moitié dans les années 1990.
64 À noter que l’un des objectifs pour les élus de l’arrondissement est de préserver le quartier d’Ainay, au sud de la place Bellecour.
65 C. Betin, « La construction de l’espace public, le cas de Lyon », Géocarrefour, 2001, p. 52-53 : « Le plan Presqu’île ne semble pas avoir d’autre cohérence que celle d’harmoniser, sur la base territoriale qu’il définit, les différentes logiques qui président à la réalisation des parcs de stationnements et aux enjeux économiques et urbains qui leur sont liés. Il donne aussi un périmètre d’action publique à une centralité à reconquérir ou à contenir. C’est précisément cette image de la centralité, associée à la fréquentation problématique d’un “public d’agglomération” et animée par des enjeux de reconquête commerciale et patrimoniale, qui va nourrir la différenciation de chacun des lieux requalifiés. Cela sous couvert de la gestion de l’équilibre de ses fonctions. »
66 Ibid., p. 47-54.
67 M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot, Quartiers bourgeois quartiers d’affaires, ouvr. cité.
68 A. Daumard, « L’avenue de l’Opéra de ses origines à la guerre de 1914 », Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile de France, 1967-1968, p. 191.
69 Sur le développement des « nouveaux commerces » au cours des années 1980, voir R. Péron, « Les commerçants dans la modernisation de la distribution », Revue française de sociologie, vol. 32, 1991, p. 179-207 ; ainsi que M. Perez, Franchiseurs et franchisés dans le commerce français. Approche sociologique de l’organisation sociale des réseaux de distribution en franchise, thèse pour le doctorat, sociologie, Université Paris 5, 1990.
70 V. Bourjaillat et H. Rabilloud, « Les rues piétonnes lyonnaises, ou le renforcement de la spécialisation au service de la centralité ? », Revue de géographie de Lyon, vol. 64, no 2, 1989, p. 99-110.
71 Sur les périodes plus récentes, les enquêtes réalisées pour le Grand Lyon et la Chambre de commerce de Lyon indiquent que les pratiques de consommation des ménages sont similaires dans le centre commercial de la Part-Dieu et en Presqu’île. D. Sarrazin et M. Fouret, 9e enquête consommateurs de la région lyonnaise et beaujolaise, Villeurbanne, AID Observatoire, 2012.
72 En 2001 par exemple, 37 % des surfaces commerciales louées par la SRI l’étaient à des commerces de vêtement et près de 10 % à des magasins de chaussures.
73 CA du 18 janvier 1993.
74 CA des 16 avril 1993 et 20 juin 1994.
75 Pointage réalisé par les auteurs d’après observation, complétée par l’annuaire des Pages jaunes.
76 Recensement réalisé par un cabinet d’expertise en immobilier d’entreprise.
77 Nous n’avons pas ici étudié les loyers à partir de modèles hédoniques car le nombre relativement faible d’unités en limite la portée et parce qu’un facteur essentiel, la localisation fine, n’est pas précisé. Ainsi, dans un même immeuble, des baux souscrits la même année peuvent varier considérablement (par exemple, au no 63 rue de la République, Reynaud loue 2 095 F / m2 alors que Trois Brioches loue 970 F, tous deux ayant souscrit un bail en 1995). Selon l’orientation des surfaces, ou encore qu’elles sont à l’entresol, les montants peuvent beaucoup varier. On notera tout de même que, contrairement aux logements, les prix au mètre carré des petites surfaces ne sont pas plus élevés : ce sont plutôt les surfaces intermédiaires qui se distinguent. Les petites surfaces semblent moins attractives (et sont souvent louées en même temps que d’autres locaux, pour bénéficier d’un commerce plus vaste), tandis que les plus grandes offrent des parties attractives et d’autres qui le sont moins, ce dont il résulte d’un prix au mètre carré de niveau moyen.
78 Sur une partie de la période, on applique une règle dite du coefficient 2,25 (coefficient appliqué au loyer d’origine) mais les exemples fournis par la SRI montrent une part de négociation.
79 Précisons qu’à ces différentes périodes, les baux signés concernent tous types de commerces et de localisations. Le loyer du Printemps (révisé en 1997) se monte alors à 230 euros par an et par mètre carré. Cela montre l’ampleur des écarts entre les différents baux, et le poids que peuvent y tenir, en plus de l’état du marché, les négociations, l’ancienneté du commerce, sa superficie, ses liens avec le bailleur…
80 F. Bensaid, « Le restaurant Quick quitte la rue de la République Lyon, SFR devrait le remplacer », Le Progrès, 26 septembre 2014.
81 Sur son site web, le groupe ANF mentionne parmi les faits marquants de son histoire la révision du bail du Printemps en 2011 (au même titre que l’absorption de la SRI ou de la SIM, ce qui confirme, si besoin était, l’importance des relations avec les grands locataires de ces groupes immobiliers). En ligne : [www.anf-immobilier.com], consulté le 1er juillet 2014.
82 Le recours à des services immobiliers spécialisés, tels que cette agence immobilière, dont se passait la SRI, tend à se généraliser au sein des grands groupes d’immobilier d’entreprise. Voir I. Nappi-Choulet, L’immobilier d’entreprise, Paris, Économica, 2013.
83 Cité par G. Lamy, « Lyon rue de la Ré, des loyers en or », Lyon Capitale, 21 août 2009.
84 Main streets across the world, Cushmann & Wakefield, édition 2013-2014. En ligne : [http://www.cushmanwakefield.com/en/research-and-insight/2013/main-streets-across-the-world-2013]. La rue de la République se situe dans les 100 rues les plus chères du monde avec, en 2013, un loyer au mètre carré annuel de 1 620 euros (pour les nouvelles locations), soit un niveau équivalent à la rue Sainte-Catherine à Bordeaux, la rue Neuve à Lille ou encore l’avenue Jean-Médecin à Nice, qui sont les rues les plus chères en province. Les grandes avenues parisiennes sont bien plus chères (plus de 7 000 euros pour l’avenue Montaigne ou la rue du Faubourg Saint-Honoré, 13 000 euros sur les Champs-Élysées).
85 L. Boltanski et A. Esquerre, Enrichissement, une critique de la marchandise, Paris, Gallimard, 2017.
86 On s’appuie ici sur les recensements de population de 1968 et de 2010. Celui de 1968 est à l’échelle de l’îlot ce qui permet une observation de la rue de la République et des rues adjacentes. En revanche, pour celui de 2010, l’unité statistique disponible la plus fine est celle fournie à l’échelle de l’Ilots regroupés pour l’information statistique (IRIS). Les résultats concernant la taille des ménages, la structure par âge et la distribution des CSP sont si proches de ceux de l’ensemble allant de Bellecour aux Terreaux que nous n’avons conservé que ces derniers pour l’analyse. En ce qui concerne les quartiers IRIS, ceux retenus ici sont : Terreaux – Bât-d’Argent, La Bourse-Grenette, Mercière-Grolée, Hôtel-Dieu, Bellecour-Gourjus.
87 Agence d’urbanisme de Lyon, Démographie à Lyon : dynamique et processus de densification, 2012.
88 En 1968, les moins de 15 ans représentent 24 % des habitants, les 15-29 ans 21 %, les 30-44 ans 19%, les 45-59 ans 20 % et les 60 ans et plus 16 %. En 2013, l’évolution est sensible : 0-15 ans 12 %, 15-29 ans 38 %, 30-44 ans 20 %, 45-59 ans 14 %, 60 ans et plus 16 %.
89 J.-Y. Authier et al., Sociologie de Lyon, Paris, La Découverte, 2010.
90 C. Bidou-Zachariasen dir., Retours en ville, des processus de « gentrification » urbaine aux politiques de « revitalisation » des centres, Paris, Descartes et Cie, 2003.
91 E. Préteceille, « La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? », Sociétés contemporaines, no 62, 2006, p. 69-93.
92 À la même date, ces catégories représentent 17 % des actifs sur Lyon.
93 Y. Grafmeyer, Quand le Tout-Lyon se compte, Lyon, PUL, 1992. L’ouvrage s’appuie principalement sur le dépouillement du Tout Lyon, « annuaire des élites auto-désignées », évoqué dans les parties précédentes. Si le nombre de personnes figurant dans l’annuaire entre Bellecour et les Terreaux reste important, il est relativement moins élevé que dans les années trente et leur concentration diminue également alors qu’elle s’affirme à Ainay et dans le nord du 6e arrondissement.
94 On peut noter, à l’appui de ces remarques, que la mobilité est plus faible à Ainay qu’entre Bellecour et les Terreaux : 51 % emménagés depuis plus de 5 ans contre 48 % à Lyon et 41 % entre Bellecour et les Terreaux.
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