Chapitre VII
Une réorientation sous l’égide du groupe Lazard
p. 287-334
Texte intégral
1L’entrée de la banque Lazard au capital de la SRI provoque un basculement complet de l’orientation de la SRI. En réalité, cette banque d’affaires détenait déjà une participation dans la SRI, mais n’était en rien intervenue dans ses affaires. Nous n’en avons pas retrouvé l’origine. Elle pourrait s’expliquer par les liens entre les David-Weill, associés gérants de Lazard, et les Riboud, grands patrons lyonnais (Antoine Riboud étant administrateur de la SRI)1 ou bien par le dense réseau de relations tissé par la famille Bernheim (voir plus loin). Elle pourrait également provenir de relations entre les banques associées depuis l’origine à la SRI, la banque Saint Olive et la Lyonnaise de banque, et la banque Lazard. Quelle qu’en soit l’origine, le rôle de cette première participation semble assez minime. Elle a pu servir de marchepied à la banque Lazard, notamment en lui donnant accès aux documents financiers de la SRI, mais c’est bien le contexte de sous-évaluation des sociétés immobilières au début des années 1960 qui fait de la SRI une proie de choix, en dépit des stratégies destinées à en protéger le capital. Le cours que prend alors la SRI, recentrage des activités immobilières et ouverture à des opérations financières, est largement déterminé par son nouvel actionnaire principal.
1. La prise de participation de la banque Lazard
2Rappelons qu’en 1965 la SRI procède à une augmentation de capital en ayant recours à des capitaux extérieurs. Elle se monte à 17 MNF, ce qui conduit à tripler le capital, qui passe à 25,186 millions, divisé en 125 930 actions de 200 F. Il importe de revenir en détail sur cette opération dont les conséquences affectent durablement la SRI. Elle comporte trois volets2 :
- 8 117 400 F par incorporation de la réserve spéciale de réévaluation par l’élévation à 200 F la valeur nominale des 81 714 actions.
- 6 541 600 F par émission de 32 708 actions de 200 F.
- 2 289 600 F par incorporation de la Réserve spéciale de réévaluation par la création de 11 448 actions de 200 F qui seront réparties gratuitement entre les propriétaires d’actions et les souscripteurs.
3La répartition est importante pour ce premier appel aux capitaux extérieurs depuis 1928 (et encore s’agissait-il d’appel aux actionnaires traditionnels de la société). L’émission d’actions porte sur 25 % du capital (un peu plus si l’on prend en compte les actions distribuées gratuitement). Elle est réservée, comme en 1928, aux propriétaires des actions existantes et la souscription est garantie et organisée par les banques traditionnellement proches de la SRI, la Société lyonnaise (qui centralise l’opération), le Crédit lyonnais, la banque Saint Olive et la banque Morin-Pons. Malgré ces précautions, l’émission d’actions conduit à une importante modification dans la structure des actionnaires. On peut supposer que les hausses successives de capital des années précédentes avaient déjà conduit à un effritement du noyau dur (par la revente des nouvelles actions créées) et que les niveaux très bas de rentabilité des actions pointés dans la partie précédente ont encouragé les actionnaires à vendre. Le fait principal est l’entrée de la banque Lazard au capital, par le biais d’établissements financiers qu’elle contrôle. Elle acquiert 20 % du capital, soit l’essentiel des actions émises. On ne dispose pas de la liste des souscripteurs de 1965 ni de sources extérieures à la SRI, notamment celles de la banque Lazard, pour appréhender cette entrée dans le capital. Par ailleurs, on ne dispose de liste complète des actionnaires qu’en 1970, soit cinq ans après. Cet état de 1970 confirme l’affaiblissement du noyau dur : parmi les gros actionnaires (ceux du 10e décile de la répartition en nombre de titres), se retrouvent uniquement les membres du conseil d’administration.3 Le premier actionnaire, et levier de la banque Lazard, est la Société nationale d’investissement, qui détient 31 % des titres (12 145). L’actionnariat est bien plus concentré qu’en 1905, et les personnes morales y tiennent le premier rôle (65 % des actions sont détenues par 25 sociétés, dont beaucoup d’assurances et de banques4). Il reste difficile de suivre avec précision l’affaiblissement du noyau dur – dans l’actionnariat plus qu’au CA – mais la composition de l’actionnariat en 1970 atteste de sa quasi-disparition.
4Les travaux sur la banque Lazard se partagent entre ceux réalisés par des journalistes économiques qui s’appuient principalement sur des témoignages5 et ceux, plus rares, exploitant les archives.6 Ces derniers n’abordent malheureusement pas le point qui nous intéresse ici. Les premiers décrivent une banque d’affaires très affectée par la guerre et les spoliations, qui se « refait » en mettant la main sur des sociétés immobilières sous-évaluées, en particulier la SRI et la Société immobilière marseillaise (SIM). Les manœuvres boursières, décrites (a posteriori) comme cavalières (avec par exemple l’annonce surprise, en assemblée générale, d’un changement de majorité) auraient été orchestrées par Antoine Bernheim, dirigeant d’une société immobilière sur le point de devenir associé chez Lazard.7 Nous reviendrons plus loin sur cette figure du capitalisme français qui a joué un rôle prépondérant dans la SRI. Il semble toutefois que le traitement réservé à la SRI et à la SIM ait été bien différent. Nous y revenons ultérieurement.
5Le récit interne, et les mentions plus tardives des rapports avec la banque Lazard ne font pas état d’une prise de contrôle mais plutôt d’une association. Certes, le CA du 21 décembre 1965 montre, malgré un ton mesuré, que l’entrée de la banque Lazard n’a rien d’anodin.
Le président expose la visite au conseil d’administration qu’il a reçu le 21 octobre dernier la visite de représentants de la Banque Lazard à Paris. Ceux-ci l’ont informé que cette banque, avec certains groupes financiers qu’elle contrôle, possédait 20 % du capital de la SRI. Cette banque a exprimé le désir d’être associée à la gestion de notre société et a demandé au Président l’attribution des trois sièges d’administrateurs qu’elle croyait disponibles.
6Cette demande est opportune car l’AG du 5 juin 1964 a porté à 12 le nombre d’administrateurs.8 L’un des trois nouveaux sièges venait d’être attribué à Marc Bellon, représentant de la Société lyonnaise de dépôts9 mais Charles Neyrand, directeur général de la société depuis 1938 et administrateur depuis 1956 déclare (« spontanément » et « afin de faciliter les choses ») démissionner du CA et ne conserver que ses fonctions de directeur pour libérer un siège. Deux ans plus tard, Maurice Brossette démissionne (en raison des déplacements et de ses « lourdes charges ») et Charles Neyrand est réintégré. Les trois nouveaux administrateurs sont Roland de Solages (gendre de Pierre David-Weill, président de Lazard), Jacques Sourd de Villodon et Pierre Dayet. Notons que ce dernier est un Lyonnais, membre des CA de la Société immobilière de Lyon et de la Société immobilière Martin10, ce qui semble indiquer que Lazard n’a pas obtenu trois sièges mais seulement deux. On semble loin d’une prise de contrôle. Lors de l’AG du 26 mai 1967, le président présente ainsi l’association aux actionnaires.
Comme par le passé, je me bornerai à vous signaler que votre société maintient ses relations antérieures avec la Société Lyonnaise de Dépôts et avec la banque Saint Olive. Elle a, cette année, établi un courant d’affaires similaires avec la Banque Lazard Frères et Cie.
7À partir de 1967, sous l’impulsion de la banque d’affaires, la SRI prend une direction tout à fait nouvelle, qui semble moins imposée que délibérément acceptée.
8À la suite de l’entrée au capital de Lazard, la SRI connaît rapidement de profondes inflexions qui visent à recentrer son activité immobilière sur son patrimoine historique le plus rentable et à utiliser les revenus tirés de la vente d’une partie de son patrimoine pour mener une vaste opération : l’OPA sur la Société immobilière marseillaise. Ces deux opérations, impulsées par la banque Lazard, ne constituent qu’un des éléments concourant à intégrer la SRI dans un dispositif plus vaste. Il importe toutefois de les décrire en détail avant de s’intéresser à l’organigramme de la banque Lazard et à ses évolutions.
2. Recentrement sur le patrimoine d’origine de la SRI
9Avant même l’augmentation de capital, les administrateurs se posent déjà la question de la vente par appartements de certains immeubles qui ne sont pas jugés intéressants. L’idée de se délester d’un patrimoine estimé vétuste qui demande un entretien important dénote une nouvelle manière d’appréhender le parc immobilier. La Société civile immobilière Brossette (SCIB)11, dont une partie du patrimoine est à Marseille, inaugure cette politique de désengagement. Dans un premier temps, la direction de la SRI sollicite l’avis de la Société foncière méridionale (filiale de la SCIB), chargée de l’administration des immeubles de la SCIB, pour la vente par appartement des 7 maisons qui constituent le domaine de la SCIB à Marseille.12 La stagnation de la rentabilité et la piètre qualité des immeubles13 demeurent le cœur de l’argumentation en faveur de la vente qui sera étendue au parc de la SRI.
Il semble que nous n’ayons intérêt à ne pas les garder dans le domaine de la SCIB ces maisons qui coûtent cher. La même considération peut se faire pour d’autres immeubles de cette société à Lyon et notamment le no 14 crs Herbouville et une villa contiguë à cet immeuble, le no 25 montée Rey.14
10Finalement, le CA décide, en mai 1966, de la dissolution de la SCIB en proposant aux occupants d’acheter les appartements ou locaux dont ils sont locataires, jugeant la vente en bloc irréalisable.15
Tableau 43. Bilan des ventes des immeubles de la SCIB (francs courants)
Localisation | Décision de vendre | Prix mandaté total fixé lors de la décision de vendre | Catégories | Ventes réalisées entre la décision de vendre et janvier 1982 | Nombre immeubles | |
Commerce | Habitation | |||||
Lyon | Mai 1966 | 4 048 620 | 643 820 | 3 404 800 | 4 637 000 | 9 |
Marseille | Mai 1966 | Environ 6 200 000 | 7 | |||
Total | Environ 10 800 000 | 16 |
11La Société foncière méridionale se charge de la vente des 7 immeubles à Marseille. Les appartements se vendent rapidement et, fin 1967, 51 des 59 appartements le sont déjà16 et l’opération est à peu près terminée en juin 1969. Les mises en vente de ceux de Lyon ne débutent qu’en juin 1967 et sont confiées à la Société française générale immobilière (SFGI, voir plus loin). La reconstitution des montants des ventes réalisées montre une activité soutenue les premières années (55 % des 10,80 MF entre 1967 et 1969) qui fléchit les années suivantes : 20 % (1970-1973), 25 % (1974-1983). L’opération se termine en décembre 1983.
12Dans le même temps, certains administrateurs demandent une expertise du parc immobilier de la SRI que le CA confie à la SFGI17, agence immobilière qui travaille déjà avec la banque Lazard.18 À partir des documents que la SRI met à sa disposition, la SFGI entreprend, durant plusieurs mois, un inventaire détaillé du domaine immobilier19, ce qui suggère que les administrateurs n’avaient pas une connaissance précise de la valeur du parc. La SFGI évalue à 130 MF la valeur du domaine de la SRI20 alors qu’à cette date, il figure au bilan pour 18 MF seulement.
13De cette étude se dégagent, d’une part, une hiérarchie des immeubles en fonction de leur rentabilité, les locaux d’habitation étant les moins rentables et, d’autre part, le caractère inéluctable de travaux de remise en état dus à l’ancienneté des immeubles. D’où la conclusion que « le vieillissement du patrimoine immobilier risque d’entraîner, à plus ou moins long terme, une dépréciation de l’actif social à laquelle le conseil se doit de remédier ». La vente d’un certain nombre d’immeubles apparaît comme la solution la plus pertinente.
Votre société a été fondée en 1854, les 2/3 au moins de nos immeubles datent de cette époque ; certains sont même des premières années de ce siècle […]. Vos administrateurs ont, depuis la création, porté tous leurs efforts sur le bon entretien de votre domaine immobilier. Il n’en reste pas moins qu’en vieillissant bon nombre de ces immeubles sont devenus d’un entretien plus coûteux et que, depuis près de 40 ans, la législation des loyers, spécialement pour les immeubles d’habitation, a amenuisé le revenu qu’ils auraient dû procurer. Après une étude approfondie de votre domaine immobilier, votre conseil envisage donc de rajeunir progressivement en vendant quand des occasions favorables se présenteront, des immeubles dont l’entretien lui paraîtrait trop onéreux et le revenu insuffisant.21
14Au vu d’un examen « très approfondi du patrimoine immobilier », les administrateurs confient à la SFGI la vente d’immeubles en plusieurs tranches soit en bloc, soit en copropriété. Une première tranche de 12 immeubles est lancée en juillet 196722 : no 87 boulevard des Belges (6e arrondissement), no 11 rue Childebert (2e), no 3 rue Pierre Corneille (6e), no 74 rue Salomon Reinach (7e), nos 4 et 6 rue Bellecordière (2e), nos 6-8-10-12 avenue Jean-Jaures (3e), no 22 rue Pizay (1er), no 2 rue de Sèze (6e). Puis, une seconde de 16 immeubles en janvier 1968 : no 2 place Carnot, no 97 boulevard de la Croix-Rousse, no 8 rue Tabareau (4e), no 1 quai de la Pécherie (1er), no 2 rue d’Algérie (1er), no 2 rue d’Oran (1er), no 1 rue Constantine (1er), no 3 rue Chambonnet (2e), nos 1-2-5 place Bellecour (2e), no 14 rue Victor-Hugo (2e), nos 8-10 rue d’Amboise (2e), nos 4-6 rue des Templiers (2e). Une troisième tranche en juin 1968, de 10 immeubles : no 1 rue Lanterne (1er), no 9-11-13-15 rue Constantine (1er), no 18,-20-22 rue d’Algérie (1er), Passage des Terreaux (1er), no 27 place Tolozan (1er). Enfin, une quatrième tranche, en mars 1969, de 11 immeubles de l’îlot de la rue de la Bourse (2e).
Tableau 44. Bilan des ventes des immeubles de la SRI (francs courants)
Tranches | Décision de vendre | Prix mandaté total fixé lors de la décision de vendre | Catégories | Ventes réalisées entre la décision de vendre et janvier 1982 | Nombre immeubles | |
Commerciaux | Habitation | |||||
1re tranche | Juin 1967 | 10 830 000 | 2 298 825 | 8 565 200 | 11 755 300 | 12 |
2e tranche | Janvier 1968 | 17 039 000 | 3 805 965 | 13 233 650 | 18 317 890 | 16 |
3e tranche | Juin 1968 | 9 775 000 | 4 253 425 | 5 521 720 | 11 150 500 | 10 + 1* |
4e tranche | Mars 1969 | 6 718 000 | 2 836 020 | 3 882 050 | 7 322 600 | 11 |
Total | 44 362 000 | 13 194 235 | 31 202 620 | 48 546 290 | 49 |
Note : (*) passage des Terreaux
15Ainsi, en un peu plus de 15 mois, la SRI prend la décision de vendre 50 immeubles si l’on comptabilise la vente de l’ensemble, nos 77-79 rue de la République et no 16 Bellecordière à la société Pathé. Tous ces immeubles sont des acquisitions tardives et ne font pas partie des constructions réalisées par la SRI au xixe siècle. Le resserrement autour du parc originel marque un changement de politique puisque des années 1920 aux années 1960 prévalait une politique d’accroissement du parc. Il a aussi pour conséquence de revendre principalement les immeubles d’habitation notamment lors des deux premières tranches. En 1972, le capital immobilier se compose de 53 immeubles tous situés dans les 1er et 2e arrondissements (35 rue de la République et 18 dans les rues adjacentes).
16Les ventes vont s’étaler sur plusieurs années car les immeubles sont vendus en très nombreux lots.23 Les transactions des meilleurs lots sont réalisées rapidement, en revanche, elles sont beaucoup plus longues pour les autres de telle sorte qu’il est difficile de reconstituer l’avancement des ventes par immeuble. Les ventes des deux premières années (1968-1969) s’élèvent à 16,73 MF24, soit la valeur de la totalité de l’actif immobilier figurant au bilan (16,15 MF en 1969) ! Elles s’étendent jusqu’en 1982. Au total, elles rapportent 48 MF sur lesquels la SFGI prend 7,5 % de commission.
17Les produits des ventes sont déposés à la banque Lazard qui ouvre un compte SRI à cette occasion, dès janvier 1970.25 Sur chacune des ventes, la SFGI prend une commission fixée à 7,362 % (1968) et 7,535 % (1969). Mais en 1969, les ventes sont loin d’être terminées. Elles continuent tout au long des années 1970. En janvier 1978, 28 immeubles sont déjà vendus (6 sur 12 pour la 1re tranche, 8 sur 16 pour la 2e, 5 sur 10 pour la 3e, 9 sur 11 pour la 4e). Restent encore 21 immeubles à l’intérieur desquels il demeure quelques lots à vendre. Toutefois, on peut considérer qu’en janvier 1982, tous les comptes sont clos, même ceux des immeubles de la SCIB. Maître d’œuvre de l’opération, la SFGI percevra environ 3,40 MF, pour les seuls immeubles SRI et pas moins de 3,80 MF en prenant en compte les immeubles lyonnais de la SCIB.26
Graphique 29. Produit des ventes d’immeubles de la société Brossette (Lyon et Marseille) et de la SRI de 1967 à 1983 (francs courants)

18Lors des ventes, les prix mandatés ont tous été dépassés de 10 % en moyenne, et le montant total du dépassement (4,10 MF) avoisine le montant versé à la SFGI. Les plus-values réalisées sont définies par les administrateurs comme la différence entre la valeur d’expertise et le prix effectif de vente, sans prise en compte de l’inflation, pourtant particulièrement forte dans les années 1970.27 Pour certaines ventes, lorsque des immeubles sont vendus en bloc, la plus-value peut-être calculée. Ainsi, les immeubles des nos 77-79 rue de la République achetés, en 1919, 1,55 MF sont revendus 2,55 millions à la Société Pathé en 1969 : les administrateurs considèrent que la plus-value se monte à 1,50 MF alors qu’en tenant compte de l’inflation elle est quasi nulle (les 1,55 MF de 1919 valant 2,60 MNF de 1974). À l’inverse, les 11 immeubles de la rue de la Bourse, acquis en bloc pour 3 millions en 1920 lors de la fusion, soit 3,65 MNF de 1974, sont revendus 7,3 millions en 1974, ce qui représente une plus-value moins importante que ce que retiennent les administrateurs mais tout de même non négligeable. Une plus-value importante est également réalisée lors de la revente des immeubles SCIB, 12 MF alors qu’ils étaient estimés à 10 MF par Antoine Bernheim en 1975 (et portés au bilan pour 2,3 MF).28 Le découpage et la revente par lots de copropriété permettent de maintenir, et même de dépasser, des valeurs immobilières dans un contexte où le prix des immeubles en unipropriété a fortement diminué. Sans être totalement nouvelle (puisqu’on en trouve à Lyon des traces depuis les années 1920), cette technique de la revente par lots est alors en plein développement et n’est pas encore totalement banalisée.29 La SFGI a ici sans doute apporté à la SRI un savoir-faire assez neuf en la matière.30
19Le rôle de la SFGI a été déterminant dans cette opération. Spécialistes des questions immobilières notamment des évaluations de patrimoine immobilier et des transactions, Antoine Bernheim et ses associés ont mis tout leur savoir-faire à disposition de la SRI qui, en contrepartie, les a bien indemnisés. Les plus-values dégagées par la SRI et le recentrement sur un patrimoine réduit servent la réorientation vers les activités financières. On ne peut toutefois affirmer avec certitude que cet effet était l’objectif poursuivi par Antoine Bernheim (qui a géré les biens immobiliers de plusieurs associés de Lazard, dont Pierre David-Weill, avant de rejoindre la banque).
Encadré 2 – Le groupe immobilier BernheimBernheim, familleLes sources sont issues des fonds suivants : pour la période antérieure à la Libération : Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) dossiers d’aryanisation et de restitution des sociétés BernheimBernheim, famille – série 38 AJ Commissariat général aux questions juives et Service de restitution des biens et victimes des lois et mesures de spoliation ; dossiers 38 AJ/2398, 2689, 2690 et 2691 ; Archives départementales du Rhône 4 Q6/211 ; à partir de 1945, registre du commerce (INPI Paris), Société française générale immobilière (RCS Seine 300 614 B ; 54 B 9907).
Ce groupe s’inscrit dans l’histoire complexe des multiples sociétés immobilières appartenant à la famille Bernheim toutes domiciliées à Paris au no 23 de la rue des Arcades. Tout d’abord, une première société immobilière, la Société en nom collectif Bernheim Frères (SNC-BF), est créée en 1899 par les frères Bernheim (Émile, Julien, Albert et Edmond). En 1903, Albert cède ses parts à ses trois frères puis les fils d’Émile et Julien (André et Paul) entrent dans la société qui devient, le 12 novembre 1904, la Société en nom collectif Bernheim Frères et Fils (SNC-BFF) et s’adjoint, quelques années plus tard, la collaboration d’Henri Blum et d’Eugène Mayer. Le 28 juillet 1919, la société arrive à son terme et Julien Bernheim et son fils Paul se retirent laissant les trois autres associés (Émile, Edmond et André) proroger la société jusqu’au 1er janvier 1940.b L’expansion de la société s’opère avec le développement des lotissements (loi de juillet 1924). Elle crée alors une multitude de sociétés immobilières pour réaliser des opérations dans pratiquement toutes les régions françaises. En 1931, les frères Bernheim fondent la Société anonyme Bernheim Frères et Fils (SA-BFF) au capital de 10 MF pour se substituer à la société en nom collectif. Pour ce faire, ils créent, l’année suivante, 28 sociétés anonymes filiales domiciliées dans les dix bureaux de province mais elles seront rapidement dissoutes en raison des charges fiscales jugées trop lourdes. Toutefois, les bureaux continuent à fonctionner pour les deux sociétés mères (la SNC et la SA) ainsi que pour les sociétés annexes. L’un de ces bureaux est domicilié à Lyon (21 rue de Condé, 2e). Anticipant les mesures d’aryanisation des entreprises (voir les ordonnances allemandes des 27 septembre et 12 novembre 1940)c, les administrateurs (Edmond et André Bernheim, Eugène Mayer et Henri Blum) aryanisent leurs sociétés en transférant la propriété des parts et des actions à des administrateurs non-juifs. La SA-BFF change alors sa raison sociale en Société immobilière générale pour la France (SIGF), au capital de 4 MF. Les deux associés se chargent de la liquidation des biens de la SNC-BFF qui est arrivée à terme et opèrent une division territoriale : Edmond se charge de la Zone non occupée (ZNO) et André de la Zone occupée. Ils sont dessaisis de leurs biens par des administrateurs provisoires qui sont nommés : Louis Thomasd, le 11 mars 1941, pour la zone occupée et Barthelay, le 1er juillet 1941 pour la ZNO. Ces administrateurs gèrent toutes les sociétés du groupe Bernheim qui sont « ré-aryanisées » puisque ces dernières ont été déclarées fictives. Le bilan qu’ils dressent en octobre 1941 montre l’importance du groupe administré du siège social parisien par une quarantaine de personnes. À cette date, l’actif des 17 sociétés composant le groupe s’élève à 70,50 MF dont 63 MF en immeubles et ce sans compter les 7 filiales pour lesquelles nous n’avons aucun chiffre, soit un capital immobilier supérieur à celui de la SRI (50 MF). Aryanisée, la SNC-BFF change elle aussi sa raison sociale en Société immobilière générale pour la France. Les administrateurs se chargent de vendre une bonne part des actifs de toutes ces sociétés.
Avant-guerre, la SNC-BFF était donc un très grand promoteur et agent immobilier, peut-être l’un des plus importants en France.e On la retrouve, au gré des archives, propriétaire-constructeur d’un palace, l’hôtel Beauvallon, dans le golfe de Saint-Tropezf (1911), dans l’édification de lotissements à Aulnay-sous-Bois (1913) et dans l’ensemble de la banlieue parisienneg, à Clermont-Ferrand, Décines, Lille (1929, 1932, 1938), Marseille, Rennes (1937), Vichy, comme propriétaire foncier à Nice, Bruxelles, etc. À Lyon, l’implantation du groupe est ancienne. La SNC-BFF opère de grandes opérations spéculatives entre 1910 et 1925 : douze opérations immobilières d’achat (9) et de revente (3) de terrains comme celui de la rue Philippe-de-Lassalle, acheté 273 000 F en 1914 et revendu à la ville de Lyon, pour bâtir une cité HBM, au prix de 545 000 F en 1920.h La famille possédait aussi de nombreux immeubles à Paris à partir de 1898, un château à Port-Grimaud dans le Var (1922), etc.
Comment à la Libération, la famille Bernheim a-t-elle récupéré ses biens et à quel niveau ? Nous ne disposons pas d’éléments à ce sujet mais, dans la mesure où il y a des survivants et où les actifs ne sont pas perdus (ce qui est le cas pour une société immobilière), la récupération des biens a dû s’effectuer normalement. Quoi qu’il en soit, à la Libération, les affaires reprennent. Édouard Gustave Maublanci et Jean-Pierre Lainéj créent une nouvelle SARL, la Société française générale immobilière, qui reprend les activités de commerce de marchands de biens de la Société immobilière générale pour la France (SIGF) « actuellement en liquidation ainsi que toutes succursales ou agences, en France de ladite société ».k La SARL est domiciliée au no 23 rue des Arcades à Paris et possède un capital social de 100 000 F réparti entre les deux associés. En 1954, à la suite d’une augmentation de capital (1 MF), la famille Bernheim reprend possession de la société et c’est à cette occasion qu’Antoine Bernheim devient associé.l Il faudra attendre le retrait d’André Bernheim et une nouvelle augmentation de capital (1,2 MF soit 1 200 parts de 1 000 F), en 1965, pour que s’opère une répartition équitable (50 parts chacun) entre les quatre associés : Antoine Bernheim, Bernard Dalsace, Jean Thibault, Max Nemejanski, Max. À cette date, la société possède une dizaine d’immeubles dont 3 à Lyon (nos 8-10-10 bis rue Bellecordière) et de nombreux terrains en voie de lotissement.m La transformation de la société en SA ne modifie pas l’équilibre, chacun possède 3 000 actions de 100 F. L’équilibre est rompu lors de l’AGE de juin 1968. Parmi les nouveaux administrateurs figurent Bruno Roger de la banque Lazard, la société immobilière du PHASE, la Compagnie auxiliaire pour le financement de l’industrie (CAFI) et la Compagnie centrale de placements.n À cette occasion, Antoine Bernheim prend la présidence du conseil d’administration. Si le noyau dur des anciens actionnaires ne change pas pendant une dizaine d’années, en revanche, par le jeu des fusions, certaines sociétés se renforcent (Compagnie centre de placement) ou entrent (EURAFRANCE) dans le nouveau capital porté, en 1981, à 25 MF.o
a. Les sources sont issues des fonds suivants : pour la période antérieure à la Libération : Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) dossiers d’aryanisation et de restitution des sociétés Bernheim – série 38 AJ Commissariat général aux questions juives et Service de restitution des biens et victimes des lois et mesures de spoliation ; dossiers 38 AJ/2398, 2689, 2690 et 2691 ; Archives départementales du Rhône 4 Q6/211 ; à partir de 1945, registre du commerce (INPI Paris), Société française générale immobilière (RCS Seine 300 614 B ; 54 B 9907).
b. Après le décès d’Émile en 1930, la société ne comporte alors que deux associés (Edmond et son neveu André).
c. A. Prost, R. Skoutelsky et S. Étienne, Aryanisation économique et restitutions - rapport de la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000.
d. En 1943, Stéphane Clémentel remplace Louis Thomas comme administrateur-provisoire.
e. Michel Dreyfus et Catherine Nicault soulignent eux aussi que l’entreprise Bernheim était alors, sans doute, dans son domaine, une des premières de France, voir « Léonce Bernheim, avocat, militant socialiste et sioniste (Toul., 16 avril 1886 – Auschwitz, 20 décembre 1943) », Archives Juives, vol. 47, 2014/1, p. 147.
f. Le palace était un haut lieu de sociabilité que de nombreuses célébrités fréquentaient. Ibid.
g. A. Fourcaut, La banlieue en morceaux, Paris, Créaphis, 2000, p. 89.
h. D’autres opérations du même type sont réalisées en 1920 et 1924 à Lyon, Albigny et Couzon au Mont d’Or. Auparavant, en 1904, la société avait hérité d’une grande propriété dans le canton de Mormant. ADR 4 Q 6.
i. Docteur en droit.
j. Ingénieur de l’École centrale de Paris (promotion 1941).
k. Statut du 6 juillet 1945.
l. En mars 1953, suite à une modification de statuts, le capital de la société était réparti entre Édouard Gustave Maublanc (50 parts), Jean Thibault (25 parts) et Jean-Pierre Lainé (25 parts). L’augmentation de capital et les cessions de parts bouleversent la répartition du capital : le nouveau capital de 1 MF (200 parts de 5 000 F) se divise entre André Bernheim (110 parts), Antoine Bernheim (30 parts), Bernard Dalsace (30 parts) et Jean Thibault (30 parts). Augmentation de capital du 3 novembre 1954.
m. Cession de parts et modifications des statuts du 16 janvier 1963 et modifications statutaires du 13 octobre 1965.
n. AGE du 25 juin 1968.
o. AGE du 22 juin 1981.
3. L’offre publique d’achat sur la Société immobilière marseillaise
20La revente d’une partie du parc immobilier s’inscrit dans une stratégie à long terme de la SRI. Forte d’un capital espéré d’une soixantaine de millions (10 MF pour SCIB et 48,50 MF pour la SRI), la SRI, à l’instigation de la banque Lazard et sous son contrôle31, ébauche une opération gigantesque de prise de contrôle d’une société immobilière composée de plus de 600 immeubles (soit dix fois plus que la SRI) : la Société immobilière marseillaise (SIM). Cette prise de contrôle était en fait projetée par Antoine Bernheim et Pierre David-Weill dès l’entrée au capital de la SRI et la « prise » de ces deux sociétés fait partie d’un même plan. Le fait qu’ils aient commencé par la SRI avant de s’en servir comme levier pour mener l’offre publique d’achat (OPA) sur la SIM peut s’expliquer parce que la première est plus petite (donc plus facile à investir) et, peut-être, parce que Lazard y avait déjà une participation. Il est aussi possible que, à la suite d’un temps d’observation (la détention d’actions permettant d’assister aux assemblées générales et aux documents de comptabilité32), les associés de la banque Lazard aient estimé que les administrateurs lyonnais feraient des interlocuteurs plus sensibles à leurs projets, mais cette dernière hypothèse ne peut guère dépasser le stade de la simple supposition.
21En octobre 1967, le président du CA expose les différents projets en cours d’étude dont certains, par leur ampleur, nécessiteraient un apport d’argent frais. Le CA décide alors de procéder à une augmentation de capital, validée par l’AGE du 13 novembre. Une fois acquis cette augmentation, le président dévoile, trois jours plus tard, aux administrateurs, le projet de devenir majoritaire dans le capital de la SIM. Il souligne que ce projet émane de Roland de Solages et de Jacques de Villodon, tous deux associés de la Banque Lazard et nouveaux administrateurs de la SRI depuis janvier 1966. L’étude du patrimoine de la SIM commanditée par la SRI, et très probablement effectuée par la SFGI, montre que son patrimoine immobilier est d’une valeur dépassant de beaucoup sa valeur boursière. Il propose à la SRI d’être l’actionnaire majoritaire et, par la (re)valorisation de son patrimoine, de s’assurer une plus-value importante sur les titres acquis. Il faut noter que les OPA sont alors très rares et que la banque Lazard est l’un des principaux acteurs qui concourent à en faire, à partir de la fin des années 1960, un outil courant de la vie économique. Le CA valide le plan financier de l’OPA de la SIM suivant les modalités suivantes :
1o – Les actionnaires de la SIM sont informés que MM Lazard frères et Cie, agissant pour le compte de la SRI, désirant acquérir au prix de 1 260 F par action, 86 000 actions B de F 50, de la SIM (SA au capital de 9,570 millions), sous la condition que cette quantité minimum de titres leur soit proposée. Si le nombre de titres supérieurs à 86 000, MM Lazard Frères et Cie s’engagent à acquérir, aux mêmes conditions de prix, la totalité des titres offerts […]. Si au terme du délai convenu, il est constaté que les réponses des actionnaires portent sur un nombre de titres inférieur à 86 000 actions, la chambre syndicale des agents de change déclarera sans suite la présente OPA.
2o – Le CA se déclare d’accord sur le principe d’une augmentation de capital de 25,186 millions à 50,372 millions par l’émission de 125 930 actions nouvelles de 350 F.
3o – Le CA autorise le président de contacter auprès d’un établissement bancaire italien, la Mediobanca, banca di credito finanziario SPA à Milan, un emprunt de 82,64 MF (10,5 millions de lires italiennes33), d’une durée de 5 ans à un taux maxi de 7,5 %, frais et taxes éventuelles en sus. Le produit de cet emprunt devra être exclusivement consacré au règlement des actions de la SIM.34
22Pour accélérer la procédure d’augmentation de capital35, la Société lyonnaise de dépôts (SLD) et la Banque Lazard Frères (BLF) consentent à une avance moyennant un taux d’intérêt à 6,5 %. L’OPA lancée le 18 novembre 1967 est close le 12 janvier et, dans ce laps de temps, la SRI a acquis 96 800 titres de la SIM au prix de 1 281 F l’action, soit un investissement de 124 MF. Parallèlement, la BLF a acheté 18 000 actions, comme il était stipulé dans l’accord passé entre la SRI et la BLF.36 Même si la SRI et la BLF détiennent conjointement 60 % du capital de la SIM, la BLF a voulu assurer sa présence au sein du capital de la SIM par une prise de participation de 9 %. Les nouveaux propriétaires vont tout de suite imposer leurs directives. Tout d’abord, ils décident, pour s’assurer de la majorité, d’une modification des statuts qui limitaient le droit de vote à 500 voix et imposent que chaque actionnaire ait autant de voix qu’il dispose d’actions. Puis, ils s’attribuent quatre postes d’administrateurs, deux pour les administrateurs lyonnais, dont le président, et deux pour les actionnaires majoritaires de la SRI (Michel David-Weill et Antoine Bernheim). Enfin, ils confient une étude de l’ensemble du patrimoine à la SFGI, comme cela avait été fait pour la SRI. L’AGE de la SIM du 31 janvier entérine ces décisions et le CA coopte, en fonction des postes vacants, Michel David-Weill et Antoine Bernheim. En février, la démission d’Édouard de Cazalet, figure emblématique de la SIM, sonne le glas de la domination marseillaise sur cette entreprise. Il sera remplacé par Charles Neyrand. Pour l’ensemble de leurs interventions, le CA propose à la BLF soit une somme forfaitaire de 2 MF37, soit une option sur 20 000 actions de la SIM à la suite de l’OPA. On voit que, si des similarités notables ressortent des opérations menées à deux ans de distance sur la SRI et sur la SIM, leurs sorts respectifs diffèrent quelque peu.
23Lors de l’AG de juin 1968, le président se targue de la réussite de l’opération, « la plus importante que la SRI ait réalisée depuis l’ouverture de la rue Impériale » et définit la nouvelle stratégie de la SRI :
Votre conseil a vu dans cette opération un moyen de donner à votre société un essor nouveau et des possibilités d’expansion sur un plan plus général, en dehors de Lyon même. Cette prise de participation entre, d’autre part, exactement dans les activités de votre société et dans son objet social. La mise en commun des possibilités financières des 2 sociétés a paru à votre conseil un moyen efficace de dégager des ressources nouvelles permettant d’envisager pour l’avenir de nouveaux investissements.38
24L’opération a joué à plein sur l’effet de levier. L’emprunt à Mediobanca, qui, sans surprise, est une banque liée au groupe Lazard, est rapidement remboursé, passant près de 50 MF en 1968 à 18 en 1969, puis 14,64 en 1970 et 1971. La clôture du compte en mars 1972 est facilitée par l’inflation, particulièrement forte durant cette période (6 % en moyenne), et un différentiel de taux de change entre la lire et le franc qui diminue le montant des intérêts. Les fonds servant au paiement du prêt proviennent, d’une part, des 12 MF de dividendes versés par la SIM (2,67 MF en 1968, 2,95 MF en 1969, 3,15 MF en 1970, 3,26 MF en 1971), et d’autre part, des reventes immobilières opérées par la SIM. En effet, la SRI applique la même méthode de rentabilisation de son patrimoine en procédant à la revente d’immeubles non rentables.
Elle conservera les immeubles satisfaisants, bien situés donc rentables, parmi lesquels il faut citer l’ensemble remarquable que constitue la rue de la République depuis le Vieux Port jusqu’à la place de la Joliette, ainsi que d’autres implantations dans des quartiers voisins. Par contre la SIM est propriétaire, comme nous-mêmes, d’immeubles acquis depuis de nombreuses années et dont la valeur vénale s’est accrue plus que le rendement. Un programme méthodique de vente porte actuellement sur environ 20 % du patrimoine, programme qui sera exécuté sans hâte pour obtenir un rendement optimum. Les réalisations effectuées au cours de l’exercice clos le 30 septembre 1971 sont satisfaisantes, elles portent sur une somme de 4 039 000 F […].39
25Ces ventes prévues pour s’étaler jusqu’au début des années 1980 sont estimées, en 1971, à 100 MF. La valeur totale des immobilisations, expertisées en 1968, se monte à 369 MF.40 Parallèlement à ce remboursement, la SRI continue d’augmenter sa participation en acquérant des titres de la SIM, à un rythme variable selon les années (1 656 entre 1968 et 1970, et 6 713 en 1984) : passant de 96 800 actions en janvier 1967 à 105 575 en 1984. Du point de vue comptable, les loyers perçus par la SIM représentent un montant trois fois plus important que ceux de la SRI.
Graphique 30. Loyers de la SIM et de la SRI (en millions de francs courants, 1977-2000)

26Les ventes successives d’immeubles ont réduit les écarts et notamment celles, en 1987, de 125 immeubles à une filiale du groupe Danone41, Cofinda.42 Dans la comptabilité de la SRI, les dividendes de la SIM contribuent à hauteur de 20 % des bénéfices (voir plus loin), ce qui est considérable pour une société dont l’achat a été autofinancé en moins de 5 ans !
Encadré 3 – La Société immobilière marseillaise
La Société immobilière marseillaise (SIM) est issue directement des sociétés immobilières qui s’étaient lancées dans les opérations immobilières lors des aménagements urbains, près du port, dès 1854.a La similarité avec la SRI correspond à la latitude des préfets de lancer ces grands aménagements, mais les opérations marseillaises ont été à l’origine financées par des industriels et banquiers d’envergure nationale. La société des ports (SP) est fondée par Jules Mires en 1852. Elle est la première à se lancer dans des opérations de viabilisation de terrain autour du port. Transformée en Société des ports de Marseille (SPM) en 1858, la nouvelle société n’arrive pas à se dégager des dettes contractées et fusionne en 1862 avec la Compagnie immobilière (CI) nouvellement créée par Émile Pereire. Cette dernière entreprend la percée de la rue Impériale et des constructions afférentes, mais le succès est moindre qu’à Lyon (on impute souvent à ce sujet la surproduction de logements et l’inadaptation des nouveaux immeubles aux fractions supérieures de la bourgeoisie). Les difficultés à Marseille pèsent d’ailleurs lourdement sur le destin de la CI des Pereire. Empêtrée dans des dettes, elle est dissoute en 1872 et, l’une des deux sociétés créées, la Nouvelle compagnie immobilière (NCI) qui reprend l’héritage de la CI, fusionne avec la SIM en 1890. La SIM a été créée en janvier 1878 par des investisseurs marseillais qui avaient souscrit les obligations de la SPM et qui souhaitaient retrouver leur investissement.b Pour mener à bien ces opérations, la SIM augmente son capital en 1879 (20 MF) puis en 1890 (36,25 MF). À cette date, les 18 administrateurs de la SIM sont tous issus du milieu patronal marseillais.c Parmi eux, deux administrateurs au moins ont des relations directes avec le milieu patronal lyonnais : Charles Wallut qui préside la Compagnie des chemins de fer du Rhône et administre la SA des Omnibus et tramways de Lyon (OTL), et Henry Bergasse comme administrateur de la société lyonnaise des Docks d’Haiphong présidée par Ulysse Pila. De même, la banque lyonnaise Cambefort & Saint Olived sert de banque de paiement des dividendes.e Dans cette configuration, Gabriel Saint Olive par sa fonction de banquier apparaît comme l’administrateur pivot puisqu’il siège dans le CA de la SRI, de la Sécurité lyonnaise, de l’OTL et de la société des Docks d’Haiphong. Et, ce sont ces deux dernières qui ont un lien direct avec la SIM par Charles Wallut et Henry Bergasse (voir schéma 3).f Avant 1892, il n’y avait donc aucun lien direct entre la SIM et la SRI. Ces liens d’administrateurs sont renforcés par l’achat en 1891 de 400 actions de la SIM par la Sécurité lyonnaise.g
a. On compte peu de publication sur la SIM à l’exception de celle de P. Leverne, Une grande entreprise immobilière, la Société immobilière marseillaise, Marseille, Imprimerie Leconte, 1925. Pour une socio-histoire de la rue voir le livre de P. Fournier et S. Mazzella dir., Marseille entre ville et ports. Les destins de la rue de la République, Paris, La Découverte, 2004 et notamment le chapitre écrit par ces auteurs pour « La percée originelle : entre aménagement urbain, transformation sociale et rentabilité financière », p. 29-39.
b. La SIM a en 1878 un capital de 10 MF divisé en 20 000 actions de 500 F dont 9 170 ont été souscrites en espèces et 10 830 attribuées aux obligataires de l’ancienne Société des ports de Marseille (SPM), en représentation de l’apport de leurs titres et obligations.
c. La Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôts (SMCICD) qui a joué un grand rôle dans la fondation de la SIM ne figure pas dans la liste des sociétés représentées. Elle réinvestira la SIM plus tardivement.
d. La banque Cambefort & Saint Olive, héritière de la banque Gailline (fondée en 1809), s’occupe plus spécialement de la gestion de gros portefeuille de familles lyonnaises. H. Joly, « Les banques locales et les entreprises lyonnaises (années 1920 - années 1950) », Banques locales et banques régionales en Europe au xxe siècle, Lescure Michel et Alain Plessis éd., Paris, Albin Michel, 2004, p. 311-332.
e. On retrouve ce lien entre H. Bergasse (intérêts marseillais) et J. Cambefort (intérêts lyonnais) au sein des Messageries maritimes au début des années 1890. M.-F. Berneron-Couvenhes, Les Messageries maritimes : l’essor d’une grande compagnie de navigation française (1851-1894), Paris, PUPS, 2007.
f. X. Daumalin, Le patronat marseillais et la deuxième industrialisation (1880-1930), Aix-en-Provence, PUP, 2014.
g. Actions achetées en 1891 par la Sécurité lyonnaise qui correspondent à 73 % de son portefeuille dans le bilan de 1891.
Schéma 3. Liens entre les différentes sociétés liées à la SRI en 1891-1892

Note : Liens entre les administrateurs par les sociétés en 1891 (à gauche) et liens entre les sociétés par les administrateurs en 1892 (à droite). En grisé, les sociétés lyonnaises.
27Lorsque la SRI fusionne en 1920 avec la Sécurité lyonnaise, elle hérite de son portefeuille. Elle incorpore aussi les liens tissés par les administrateurs de la Sécurité lyonnaise qui intègrent le CA de la SRI et notamment les banquiers Saint Olive qui siègeront aux CA de la SRI et de la SIM.
28Dans les années 1930, la SIM, en entrant dans le capital de compagnies d’assurances, diversifie ses activités.43 Alors que dans les années 1890, Henry Bergasse symbolisait le cœur de l’investissement, ce rôle est désormais porté, depuis les années 1900, par le SMC représenté par leur président successif, d’abord Augustin Féraud puis Édouard Cazalet (1917-1956).44 Le réseau se recentre sur la banque tout en conservant des liens forts avec les sociétés propres à Marseille : commerce colonial (négoce, transport) et industrie portuaire (huilerie, raffinerie). La période de reconstruction d’après-guerre a un impact direct sur la croissance de la SIM avec une succession d’augmentation de capital.
29En septembre 1947, les actionnaires décident de doubler le capital qui passe de 36,25 MF à 72,5 MF par l’émission de 145 000 actions de 500 F.45 Deux banques sont chargées de l’opération, la SMC à Marseille et la banque Cambefort & Saint Olive à Lyon. Parmi les 4 523 souscripteurs dont beaucoup de petits porteurs, une très grande majorité est domiciliée à Marseille. La bourgeoisie lyonnaise n’est pas en reste. Outre la SRI qui en achète 400, les administrateurs de la SRI et les membres de la bourgeoisie lyonnaise sont nombreux à souscrire à cette augmentation : Balaÿ, Bissuel, Cottin, Dugas, Meaudre, Pommerol, Saint Olive, Truchis de Lays, Truchis de Varennes…46 D’autre part, beaucoup de sociétés prennent part au capital : assurances, banques, industries (mécanique, savonnerie, etc.), transports (Chargeurs réunis, etc.), agents de change, etc. Face à l’éparpillement des actions (126 053 actions + 18 947 actions de jouissance, soit 145 000 actions de 500 F), les actionnaires décident, en juin 1950, de procéder à un regroupement des actions à raison d’une action nouvelle pour deux anciennes en doublant le montant de l’action (72 500 actions de 1 000 F) et à limiter l’accès aux assemblées générales aux actionnaires possédant moins de 10 actions.47 Les dommages de guerres versés par l’État qui ont suivi les destructions et endommagements des immeubles augmentent le capital de la SIM. En 1952, les administrateurs dressent un bilan des coûts de remise en état du parc : réparations (240 MF), reconstructions (124 MF) dont le poids a été allégé par la dernière augmentation de capital (36 MF), les acomptes du ministère de la Reconstruction et les prélèvements sur les bénéfices et les réserves.48 La créance de 300 MF auprès du ministère les incite à envisager une nouvelle augmentation de capital d’autant qu’ils ont eu l’assurance par le ministre du Budget de la possibilité d’incorporer au capital le montant des indemnités. Les « incertitudes de la période » et les restrictions de crédit poussent le CA à une augmentation de 121,80 MF.
30Le nouveau capital de 194,30 MF est l’année suivante porté à 217,50 MF (195349), puis à 362,50 MF en 1956.50 Le nombre d’actions reste constant, 72 500 actions, seule la valeur nominale des actions change. Plusieurs augmentations se succèdent au début des années 1960 : 5,80 MNF (196151), 6,38 MNF (196252), 9,50 MNF (196553). À cette date, même si la composition reste inchangée, avec toujours la prépondérance de la Société marseillaise de crédit (SMC), l’appel constant aux capitaux extérieurs l’a fragilisé54, et la sous-capitalisation boursière est manifeste. L’OPA lancée par la SRI montre qu’elle n’est pas passée inaperçue. Le graphique sur le cours de la bourse de l’action indique qu’elle se situe au moment où sa valeur est la plus basse.
Graphique 31. SIM – cours de la Bourse (1959-1983) en francs courants

31Son cours évolue d’une manière sensiblement identique à celle de la SRI avec une période stagnante d’une dizaine années. Après la prise de contrôle de la SIM, les nouveaux administrateurs, face à la dépréciation du cours décident, au début de l’année 1972, de le réévaluer en tenant compte de trois critères : la valeur de l’actif, le rendement et le cours de la bourse. Malgré sa nouvelle valeur à 1 108,23 F contre 973 F précédemment, le cours n’arrive pas à se maintenir à cette valeur et continuera sa baisse. La reprise ne s’opérera qu’à partir de 1979.
32L’augmentation progressive des rendements55, dès 1975, précède donc la hausse des cours. Les opérations de vente des immeubles jugés les moins rentables, la remise en état du parc immobilier et la réévaluation des immobilisations (12,06 MF en 1973)56 ont contribué à les améliorer. Malgré ces réévaluations, les administrateurs sont conscients que la valeur des titres est bien en dessous de la valeur des biens immobiliers.57
Graphique 32. Rendement de l’action de la SIM (1890-1986)

33L’histoire de la SIM s’inscrit dorénavant dans la stratégie de la SRI et ne peut être analysée que dans ce sens.
Photo 14. Parc immobilier de la SRI et de la SIM en 2002 (SRI à gauche, SIM à droite)


Note : AML, 187 ii 606. AG mixtes (SRI et SIM) du 4 avril 2002.
4. Une simple pièce dans le dispositif Lazard ?
4.1. L’intégration de la SRI dans le système Lazard
34À partir de 1965, la SRI devient progressivement un rouage du système financier que met en place la banque Lazard. Celui-ci a pour but de permettre à la banque de contrôler des sociétés de grande taille, prendre des participations et faire remonter les dividendes, avec une faible mise de fonds par le biais d’une chaîne de holdings. Il s’agit d’un système devenu classique que Vincent Bolloré, qui comme de nombreux autres, a bâti son empire avec l’aide de la banque Lazard et d’Antoine Bernheim, a désigné sous le nom de « poulies bretonnes ». Antoine Bernheim a évoqué plutôt un système en « tuyau de poêle » flexible et peu planifié mais devant permettre à Lazard de réaliser des opérations en capital, ce qu’elle avait peu fait auparavant.58 En suivant notre parti, qui consiste à s’appuyer principalement sur les archives de la SRI, il est malaisé de retracer l’élaboration du système Lazard. Nous sommes dans la position des aveugles devant l’éléphant et risquons de ne saisir qu’une facette du processus. On peut toutefois voir que la SRI prend rapidement une place en haut de la chaîne : Lazard devient majoritaire dans la SRI qui augmente son contrôle sur la SIM, et surtout sur REP France, qui change son nom pour Eurafrance en 1972 (voir plus loin), et devient une importante société d’investissement. Dans les CA, Eurafrance et la SIM sont systématiquement désignées comme les « filiales » de la SRI.
35Nous avons évoqué l’OPA lancée sur la SIM en 1967. Le rapprochement de la SRI et de REP France se fait quant à lui en 1968 à l’initiative de la banque Lazard, qui agit en tant que conseil (et empoche pour cela un million de francs). REP France est très éloigné du domaine de la SRI puisqu’il s’agit d’un organisme de financement créé dans la foulée de la découverte de ressources pétrolières dans le Sahara, qui détient notamment des parts de la Société française de recherche et d’exploitation pétrolière au Sahara (SOFREPAL). Lazard, qui est, au même titre que de nombreuses banques d’affaires, fortement impliquée dans le financement de cette activité pétrolière remontant au début des années 1950, est l’un des principaux actionnaires de REP France.59 Il ne faut donc pas s’étonner de la voir orienter la SRI vers cette société. Le rapprochement prend la forme d’une fusion-scission par laquelle REP France fait apport de titres, créances et liquidités pour un montant d’environ 66 MF.60 Cet apport est utilisé pour réduire la dette contractée par la SRI auprès de Mediobanca pour l’OPA sur la SIM.61 L’opération a en définitive peu à voir avec le pétrole du Sahara et vise surtout à réorganiser les sociétés de participations gravitant autour de la banque Lazard en plaçant la SRI en tête de la chaîne de holdings. La nationalisation du pétrole algérien en 197162 contribue toutefois à ce mouvement en poussant à une séparation entre les activités de holding et celles directement liées à l’exploitation pétrolière. Il est difficile de faire la part des choses entre ce qui est imputable à la conjoncture économique et politique et ce qui relève du processus de structuration du système Lazard, mais il est probable que ce dernier aurait suivi une pente assez semblable même sans la nationalisation.63 En 1972, Eurafrance64, un nouveau holding au capital de 124 MF, est créée à partir de la fusion de deux sociétés liées à la banque Lazard, la Société de gestion, participation et placements (PARGES) et REP France augmenté de 80 % des actifs d’Eurafrep.65 La SRI détient alors 8 % d’Eurafrance. Michel David-Weill, président de Lazard mais aussi d’Eurafrance, invite Aymé Bernard, grand patron lyonnais et président de la SRI depuis 1969, à siéger au conseil d’administration d’Eurafrance.66 C’est toutefois Jean Picard, Parisien nommé administrateur après le décès de Charles Neyrand, qui représente la SRI au CA d’Eurafrance.67
36L’OPA sur la SIM et la participation dans REP France interviennent rapidement après l’entrée de Lazard dans le capital de la SRI. Si l’on y ajoute le vaste programme de ventes immobilières (voir plus loin), il apparaît qu’en trois ans, entre 1965 et 1968, la SRI change totalement de nature et d’objet. L’édifice ainsi ébauché est consolidé en 1972. L’opération est projetée dès la fin des années 1960 mais les représentants de Lazard attendent une remontée des cours boursiers de la SRI pour la mener à bien. Il s’agit en effet d’un apport-fusion, qui passe par l’émission de nouveaux titres dont l’introduction en bourse fait baisser le cours. Il faut donc que ce dernier soit élevé au moment de l’introduction. L’opération est discutée pour la première fois lors du CA du 14 décembre 1971 qui se tient, symboliquement, dans les locaux de la banque Lazard à Paris. Elle consiste en une augmentation du capital de la SRI : 116 000 nouveaux titres sont émis (23 MF), montant le capital à 97 MF.68 Les nouveaux titres sont acquis par Lazard en contrepartie de l’apport de l’actif d’une société, la Compagnie auxiliaire pour le financement de l’industrie (CAFI) qui se compose des millièmes d’une propriété à Pau (11 MF), de titres dans la « Société du parking de Marseille » (450 000 F), et, surtout, de 212 183 titres d’Eurafrance, qui montent la participation de la SRI à 259 527 titres, soit 42 % du capital. On ne dispose pas d’autres éléments sur la CAFI mais on peut supposer qu’il s’agit d’une société immobilière paloise qui a connu le même sort que la SRI et la SIM et qui se trouve ainsi effacée dans la mise en cohérence de l’organigramme Lazard. Elle est d’ailleurs totalement absorbée par la SRI en 1976.69
Schéma 4. Prises de participations de la SRI après 1974

37Avec cette opération, la banque Lazard passe de 102 000 à 218 000 titres SRI, sur un total qui passe de 371 860 à 497 860, soit de 27 % à 43 %. Elle devient par ailleurs majoritaire de fait si l’on considère qu’un grand nombre d’actionnaires ne participent pas aux votes. Lors de l’AGE de 1972, 210 237 titres sur 371 860 étaient présents, de telle sorte que Lazard avait 45 % des voix au lieu des 27 % correspondant à sa part du capital. En détenant 43 % du capital, Lazard dispose ainsi de 65 % à 70 % des voix.
38Cette opération, qui consacre la mainmise de Lazard sur la SRI, ne semble pas susciter d’opposition et elle est approuvée à l’unanimité par les administrateurs (ceux issus de Lazard s’abstenant). Les comptes rendus de CA font d’ailleurs à plusieurs reprises état des bonnes relations entre les deux sociétés. Michel David-Weill est nommé administrateur en 1973.
Nous pensons qu’il y a intérêt à resserrer les liens entre notre société et celles de son groupe par échange d’administrateurs. […] Sa présence confirmera les excellentes relations que notre société entretient avec son principal actionnaire.70
39Antoine Bernheim, à l’occasion de l’absorption définitive de la CAFI en 1976 :
[…] se félicite de la collaboration amicale qui se manifeste toujours entre les membres lyonnais du conseil et ceux du groupe Lazard ; il est convaincu que cette unité de vues se continuera dans le même climat de confiance réciproque.71
40De telles remarques étant rares dans les comptes rendus, on peut se demander si elles reflètent un réel climat d’entente ou si elles répondent à un autre objectif et servent de paravent. Il faut toutefois noter qu’aucune réticence émanant des administrateurs lyonnais n’est jamais présente dans les comptes rendus de CA. S’ils perdent la main sur les choix stratégiques de la SRI, ces administrateurs y trouvent un intérêt financier qui compense cette perte. Le montant des jetons de présence augmente ainsi considérablement. Il a triplé entre 1957 (30 504 F, en francs de 1999) et 1969 (94 819 F, en francs de 1999), ce qui a pu inciter les administrateurs à prêter une oreille favorable aux projets soumis par la banque Lazard.72 Surtout, les dividendes provenant de la SIM et d’Eurafrance deviennent progressivement une source de revenus plus importante que les loyers des immeubles de la rue Impériale.
41En effet, le changement de nature de la SRI, qui passe de société immobilière à holding, se répercute dans la composition de ses bénéfices. Si les loyers restent une composante importante, les dividendes perçus de ses filiales, et en particulier de la SIM et d’Eurafrance, prennent une importance croissante.
Graphique 33. Revenu de la SRI 1965-1999 (francs constants de 1999)

NB : Le graphique ne prend pas en compte les recettes exceptionnelles (produits de ventes d’immeubles par exemple).
42En 1965, les loyers représentent encore 87 % des revenus de la SRI. Les revenus tirés des participations et du portefeuille ne sont pas négligeables mais encore secondaires. L’OPA sur la SIM et la participation dans Eurafrance changent la donne. Le revenu tiré des loyers évolue assez peu en francs constants, même s’il est en légère croissance à partir de 1982, c’est-à-dire à la suite des épisodes de contrôle des loyers du plan Barre puis de la loi Quilliot (et, surtout, la diminution progressive de l’inflation, voir plus loin). Cette croissance traduit toutefois une diminution constante de la part des loyers qui, dès 1973, représentent moins de la moitié des revenus de la SRI. Au début des années 2000, ils représentent 37 % des recettes, contre 20 % tirés de la SIM et 33 % provenant des dividendes versés par Eurafrance. Les 10 % restant sont issus du portefeuille et des autres participations. On observe par ailleurs que la hausse des revenus tirés de la SIM provient d’une hausse du dividende par action (que la SRI connaît également), tandis que le dividende d’Eurafrance reste plus stable, cette stabilité étant compensée par l’augmentation du volume d’actions.
43L’évolution ultérieure de la SRI est entièrement déterminée par la logique des restructurations internes au groupe Lazard, d’une part, et par celle des investissements auxquels la banque d’affaires participe d’autre part. La SRI maintient constamment une participation majoritaire dans la SIM. Sa part dans le capital d’Eurafrance diminue dès 1974, passant de 44 % à 16 %, à la suite d’une augmentation de capital. L’objectif de la SRI est alors de dépasser 20 %, en achetant lorsque le cours est inférieur à un certain seuil.73 Cet objectif est atteint en 1979. Par ailleurs, la SIM détenant également une participation (autour de 20 %) dans Eurafrance, la SRI contrôle aussi cette dernière par l’intermédiaire de sa filiale marseillaise.
44Le principal point notable jusqu’au début des années 2000 est ensuite l’augmentation de capital de 1985.74 Elle repose sur le même mécanisme que celle de 1972 : absorption d’une société du groupe Lazard, en l’occurrence Gilinvest, société de placement, gestion de fonds et prise de participations, en contrepartie de l’apport de son actif, qui comporte 6 000 actions SIM et 100 000 actions Eurafrance. La part de la SRI dans ces deux sociétés passe alors respectivement de 51 % à 55 % et de 21 % à 26 %, tout en portant le capital de la SRI de 107 à 123 MF (617 202 actions de 200 F).75 L’année 1985 est aussi celle de la création de la société civile Haussmann Percier, entièrement détenue par des personnes physiques, et destinée à réunir les intérêts des familles des principaux associés gérants de la banque Lazard (famille de Michel David-Weill, Jean Guyot, André Meyer, Antoine Bernheim et, ultérieurement, Édouard Stern). Cette société devient rapidement l’actionnaire principal de la SRI ce qui parachève son intégration dans l’organigramme de la banque d’affaires, lui assignant plus spécifiquement un rôle de défense des intérêts particuliers des principaux associés.
45Les investissements auxquels la SRI, la SIM, et Eurafrance prennent part se divisent à leur tour en deux catégories, les participations de long terme dans des sociétés qui gravitent autour du groupe Lazard et des achats plus ponctuels d’actions de sociétés conseillées par Lazard. Parmi les premières, on notera les assurances La France et surtout la SOVAC, société de crédit (et en particulier de crédit automobile pour les particuliers) fondée en 1919 par Citroën et acquise en 1927 par Lazard. Eurafrance détient 100 % du capital en 1972 et reste majoritaire jusqu’à la cession complète de ses parts en 1995. Le graphique suivant retrace les principales participations prises par Eurafance entre 1972 et 2000, du moins celles qui ont pu être retracées car les bilans de la SRI ne fournissent pas systématiquement l’information à partir de la fin des années 1980. En particulier, deux participations majeures, dans Danone (qui remonte à 1987) et dans les assurances Generali ne sont pas détaillées.76 On notera en revanche la participation croissante dans Gaz et Eaux, généralement considérée comme une autre société du portefeuille du groupe Lazard, à partir du milieu des années 1980 alors que les investissements industriels tous azimuts des années 1970 (Euralux, Chargeurs réunis, Viniprix), sont progressivement abandonnés. Ces dernières participations témoignaient plus d’une volonté de saisir des opportunités rémunératrices que d’une stratégie planifiée dès le début de la période. Ainsi, en 1982, La SIM vend ses actions Viniprix, réalisant une plus-value de 37 MF, et achète en remploi 14 % du capital des chaussures André.77 Eurafrance attend quant à elle 1992 pour céder ses parts dans Viniprix, réalisant une plus-value qualifiée « d’exceptionnelle ».78
Graphique 34. Principales participations d’Eurafrance (1972-2001, en % du capital)

46Le second type de logique guidant les prises de participation concerne des opérations dans lesquelles la banque Lazard (et en particulier Antoine Bernheim) agit en tant que conseil, notamment dans la formation de très grands groupes, dans les années 1980 (groupes de Vincent Bolloré, Bernard Arnault, François Pinault). La SRI prend notamment en 1985 une participation dans la société financière et foncière Agache Willot, dans le cadre de la restructuration du groupe Boussac Saint Frères.79 Avec Eurafrance, la SIM et les assurances La France, elle en détient même 11 % du capital. Elle refuse en 1994 un échange d’actions proposé par Bernard Arnault, qui reviendrait à diluer sa participation dans le groupe Arnault, et cherche à y maintenir un investissement que le président de la SRI présente comme « stratégique » dans un groupe « auquel nous croyons ».80 Même si les stratégies présidant aux prises de participation de la SRI et d’Eurafrance ne sont pas explicitées en CA81, il semble qu’elles visent à tirer profit de ces restructurations, en faisant remonter les dividendes, plus qu’à assurer un droit de regard, ou de contrôle.
4.2. Les prises de participation de la SIM
47Les prises de participation de la SIM sont complémentaires de celles de la SRI et s’inscrivent dans la même stratégie. Hormis ses deux filiales, la Compagnie foncière méridionale82 et la Compagnie de gérance foncière83, deux sociétés anonymes chargées de gérer le parc immobilier marseillais, les prises de participation sont dictées par la SRI qui utilise la SIM comme un cheval de Troie. La SIM possède un portefeuille dont nous ne connaissons pas le contenu de manière précise, mais où l’on retrouve des titres Euralux, Eurafrance ainsi que des sociétés cofondatrices d’Euromarché : Berthier-Savéco et Viniprix.84
48En 1975, la SIM possède 9 362 actions de la société Euralux ainsi que 47 200 actions d’Eurafrance. Elle augmente rapidement sa participation dans Eurafrance en achetant 98 225 actions en 197685, puis prend une nouvelle participation dans Viniprix après un échange d’actions Berthier-Savéco.86 À partir de 1980, le mouvement s’accélère avec un nouvel achat de 22 990 actions Eurafrance suivi d’acquisition d’actions Viniprix l’année suivante.87 Elle revend l’ensemble de ses titres Viniprix qui représente 10 % du capital, pour racheter 14 % du capital du groupe Chaussures André pour un montant de 52,80 MF. Avec les seuls titres Viniprix, elle réalise une plus-value de 37 MF.88 En 1985, la SIM échange l’ensemble des titres Chaussures André - Euralux contre 193 873 actions Eurafrance, portant ainsi sa participation à 17,14 % (418 588 actions).89 Toute la stratégie est orientée vers une prise de participation maximale du capital d’Eurafrance. En 1987, elle revend 125 immeubles (131 000 m²) à une filiale du groupe Danone, Cofinda, pour 684 MF en échange d’actions Cofinda qui sont aussitôt cédées à la SRI.90 Ces mouvements permettent à la SIM de souscrire des actions Eurafrance mises sur le marché suite à une augmentation de capital.91 Par ces opérations, la SIM possède 21,48 % du capital d’Eurafrance. À cette date, l’activité de la SIM est florissante avec des réserves de 758 MF. Dans son actif, l’immobilier qui prédominait avant l’entrée de la SRI dans son capital voit sa part fondre (65 MF, soit à peine 5 %92) au profit des immobilisations financières (736 MF). Les actions Eurafrance consituent l’essentiel de ses immobilisations (668 MF).
Tableau 45. Bilan de la SIM, au 30 septembre 1988 (en millions de francs)93
Actif net | Passif | ||
Terrains | 3,237 | Capital | 9,57 |
Constructions | 37,447 | Réserves | 758,486 |
Autres | 3,88 | Report | 19,622 |
Résultat exercice | 26,865 | ||
Participations | 678,247 | Provisions | 6,997 |
Autres titres | 58,126 | Provisions charges | 4,128 |
Prêts | 2,863 | ||
Autres | 0,04 | ||
Créances | 8,223 | Dettes | 18,801 |
Placements | 15,054 | ||
Terrains | 3,237 | ||
Constructions | 37,447 | ||
Total | 844,472 | Total | 844,472 |
49Par la suite, la SIM augmentera de quelques pourcents sa participation dans Eurafrance (21,55 % en 1990, 22,40 % en 2002). Hormis l’acquisition d’actions de la société financière Agache94 et une prise de participation dans les sociétés Topazholding et Topazinvest95 qui investissent dans l’opération immobilière de restructuration des Docks du Port de Marseille96, la SIM n’effectue plus aucune opération. En septembre 2001, à la veille de sa fusion avec la SRI, l’immobilier pèse peu au regard des immobilisations financières : 42,73 millions d’euros (dont 0,38 pour le foncier) contre 121,92 millions d’euros ! Les actions Eurazéo constituent l’essentiel de son portefeuille (98 %). Les CA de la SIM et de la SRI décident, pour une question de simplification de structures, de fusionner le 26 février 2002. La SIM ne possède plus à cette date que 29 immeubles (289 963 m2) sur les 600 d’origine.
4.3. La filialisation de la SRI
50Entre la fin des années 1960 et les années 1990, les rôles se clarifient entre la SRI, verrou protégeant le capital des associés gérants de la banque Lazard et de leurs familles, et Eurafrance, son bras armé dans les opérations boursières. À partir de la fin des années 1990, cette structuration évolue. L’argument souvent avancé est celui de la simplification des structures du groupe, conduisant progressivement à un regroupement des activités immobilières en une seule entité, filiale de la société de participation (Eurafrance puis Eurazeo). En 2002, la SRI absorbe la SIM et le nouvel ensemble prend le nom de « Rue Impériale ». Ces opérations se font sans doute également en réponse aux restructurations du groupe Lazard (regroupement des sièges parisiens, londoniens et new-yorkais dans une même entité, sous l’égide de Michel David-Weill97), mais également à la croissance d’Eurafrance et aux menaces pesant sur le capital de la SRI. Nous nous contenterons ici d’esquisser les évolutions de cette période, que ne couvrent pas les archives à notre disposition, mais qu’il est important d’évoquer puisqu’elle conduit à la fin de la SRI.
51La décote de holding98 incite des investisseurs extérieurs à prendre des participations dans le capital de la SRI et à exercer une pression visant à fusionner les différentes sociétés du groupe. La SC Haussmann Percier détient la majorité absolue des droits de vote mais cela n’empêche pas plusieurs investisseurs successifs de se montrer intéressés par le capital de la SRI. Une première alerte est donnée dès 1994 quand Lamballe Holding NY, filiale d’Élysée Investissements SA, acquiert 10,2 % du capital, soit 7,14 % des droits de vote de la SRI.99 Édouard Stern prend également 16 % du capital qu’il revend lorsqu’il quitte Lazard en 1997. Surtout, Vincent Bolloré entre au capital de la SRI en 1999, d’abord à hauteur de 11,5 % puis se renforçant jusqu’à atteindre 31 %. Une partie de la presse économique tend alors à personnaliser ce choix stratégique, soulignant le fait que Vincent Bolloré a été conseillé par Antoine Bernheim et que cette entrée au capital a lieu à un moment où les aléas de la réunion des trois pôles de la maison Lazard (Paris, Londres, New York) placent Michel David-Weill en position délicate.100 Ce dernier court le risque de voir Vincent Bolloré s’allier à la banque UBS Warburg (devenue actionnaire dans les autres sociétés du groupe SRI) pour demander la fusion des sociétés du holding, et ainsi faire perdre à Haussmann Percier son contrôle d’ensemble et à la SRI sa position stratégique. Michel David-Weill dénoue cette situation en faisant appel au Crédit agricole, partenaire de Lazard depuis 1994. Le Crédit agricole rachète les parts de Vincent Bolloré pour un montant de 3,9 milliards de francs (soit une plus-value considérable de 1,9 milliards de francs101). Le Crédit agricole, qui s’engage notamment à ne pas augmenter sa participation au-delà de 30 %, obtient également deux postes d’administrateurs, occupés par Jean Laurent (son directeur général) et Marc Bué. La structure du holding reste donc pour un temps intacte, mais les pressions poussant à le restructurer sont puissantes.
Schéma 5. Structure du holding en 2003

Source : Projet de courrier relatif à la fusion adressé par le cabinet Bedin Prat à l’autorité des marchés financiers, daté du 30 janvier 2004 (les chiffres entre parenthèses représentent les droits de vote, les autres le pourcentage du capital détenu).
52Après l’entrée au capital du Crédit agricole, l’actionnariat apparaît extrêmement concentré (99 % des actions détenues par 10 % des actionnaires). Haussmann Percier est en tête avec 43,8 % des titres, suivie par le Crédit agricole (qui monte à 31,8 % des titres). Les différentes structures de la banque Lazard (Lazard SA, Lazard LLC, Lazard Frères banque, etc.) détiennent au total 4,9 % tandis que Michel David-Weill et son épouse Eliane David-Weill en détiennent 13,5 % (dont 13 % au nom d’Éliane David-Weill) et Antoine Bernheim 0,1 %. Parmi les particuliers détenant au moins 500 actions (et qui représentent au total moins de 1 % des titres), on retrouve essentiellement des administrateurs ou des membres de leur famille, tels que François Voss ou André Dupont-Jubien pour les administrateurs non lyonnais, Simone Aubert et plusieurs membres de cette famille, ou encore Hubert Piaton, figurant comme l’un des rares héritiers du noyau dur de l’actionnariat qui a longtemps structuré la SRI.
53Avant d’en venir aux conséquences de cet état de fait sur les administrateurs, dressons en quelques mots la suite, et la fin, de l’histoire de la SRI comme société indépendante. Eurafrance absorbe ainsi sa filiale Gaz et Eaux (devenue Azeo) et prend en 2002 la dénomination d’Eurazeo. Dès lors, la filialisation de la SRI est en marche. Elle est absorbée en 2004 par Eurazeo qui intègre son patrimoine immobilier. Cette fusion est mentionnée dans le projet de la plaquette marquant les 150 ans de la société :
Le conseil d’administration de Rue Impériale et le comité de surveillance de sa filiale Eurazeo réunis au début de mars 2004 ont décidé de proposer aux actionnaires de chaque société la fusion de celles-ci par absorption de Rue Impériale par Eurazeo. Ce projet, qui répond à des anticipations de marché, est le dernier élément du processus, engagé en 2000, tendant à la simplification des structures du groupe […] : absorption d’Azeo par Eurafrance en 2001, absorption de la société immobilière marseillaise par la société de la rue Impériale en 2002.102
54En 2005, Eurazeo acquiert 93 % d’ANF Immobilier, société du groupe AXA qui obtient l’année suivante le statut de société immobilière cotée (SIIC). La gestion d’ANF immobilier sera évoquée plus loin. Il faut noter toutefois que la fin de la SRI ne se traduit pas par la mise en vente de son patrimoine immobilier mais par l’abandon de ses activités de holding et par l’intégration à une société immobilière plus vaste, tournée vers l’immobilier commercial en centre-ville (et dont les immeubles haussmanniens à Lyon, Paris et Marseille constituent les fleurons). Il apparaît plus rentable pour de très grands groupes de gérer en bloc ce patrimoine immobilier, amorti depuis un siècle, qui génère près de 20 millions d’euros de loyers par an que de procéder à des reventes par lots. Dès lors, les immeubles de la rue de la République constituent un actif qui entre parfaitement dans les logiques des fonds d’investissement et des sociétés d’immobilier d’entreprise financiarisées dont l’emprise sur le secteur n’a cessé de s’accroître depuis la fin du xxe siècle et qui prisent tout particulièrement l’immobilier commercial dans les localisations centrales.103 De fait, le patrimoine ayant appartenu à la SRI est cédé en 2013 à un fonds d’investissement d’Abou Dhabi, l’Abu Dhabi Investment Authority104 (ADIA).
55On peut dresser un parallèle avec l’évolution qui touche les immeubles du quartier Grolée. À la suite de la faillite de la société ayant mené à bien l’opération en 1907, la municipalité de Lyon avait racheté les immeubles et les avait gérés durant tout le xxe siècle. Cette gestion, atypique pour une municipalité a souvent été vue comme une bizarrerie, et parfois rendue responsable du faible dynamisme du quartier, par rapport à celui de la rue de la République.105 La municipalité prend la décision en 2004 de vendre ces immeubles. La SACVL, société de construction et de gestion immobilière dont le capital est réparti entre la ville de Lyon (actionnaire majoritaire) et des actionnaires privés, fait une offre se montant à 84 millions d’euros, mais la municipalité vend à la multinationale Cargill pour 87 millions d’euros. Très peu de temps après, en 2006, le groupe Cargill revend les rez-de-chaussée des immeubles (soit environ 19 000 m2) pour 97 millions d’euros aux Docks lyonnais et une partie des appartements au prix de 4 400 euros le mètre carré (le prix moyen à Lyon étant à cette date inférieur à 3 000 euros le mètre carré). La presse se fait alors l’écho des critiques virulentes à l’encontre de la décision de la municipalité et de ses conséquences.106 Les reproches des riverains, et tout particulièrement ceux qui ont acheté l’appartement qu’ils louaient avant la vente à la découpe, sont d’autant plus forts que plusieurs commerces de proximité ferment (notamment la pâtisserie et le cinéma du quartier) et que l’entreprise chargée du ravalement des façades est accusée d’avoir dévalorisé certains appartements en retirant les caractéristiques haussmanniennes les plus visibles, comme les moulures. De la même façon, le chantier de rénovation du Grand Hôtel rue Grolée, vendu sans appel d’offres pour 3,3 millions d’euros au groupe italien Boscolo, s’étend sur de nombreuses années faute de permis de construire.107
56Les Docks lyonnais, qui, contrairement à ce qu’indique leur nom, ne sont pas une société lyonnaise mais une filiale de la banque UBS, affichent alors leur volonté de donner un nouvel essor au quartier Grolée et d’en faire « l’avenue Montaigne de Lyon ». La commercialisation des rez-de-chaussée est confiée à Shaftesbury, société de conseil immobilier. Peu de baux sont signés entre 2006 et 2010, à l’exception de l’enseigne de prêt-à-porter Zilli. Néanmoins, cette dernière quitte le quartier Grolée en 2012 et ne revient dans la Presqu’île lyonnaise qu’en 2016, dans une localisation plus attractive rue Édouard-Herriot.108 Alors que Shaftesbury entame réellement la commercialisation des emplacements à partir de 2010, les Docks lyonnais entendent changer de stratégie et privilégier l’implantation d’enseignes moyen-de-gamme plutôt que de boutiques de luxe. Les tensions qui en résultent entre les deux sociétés poussent les Docks lyonnais à mettre fin au mandat de Shaftesbury en octobre 2012. Sur fond de bataille judiciaire entre les deux sociétés, et dans un contexte où UBS cherche à céder rapidement ces actifs, les Docks lyonnais vendent en 2013 les locaux commerciaux à ADIA pour un montant de 88,9 millions d’euros. Ce montant fait apparaître une moins-value importante pour les Docks lyonnais, d’autant plus importante qu’une estimation de BNP Paribas Real Estate datant de 2011 en avait fixé la valeur à 117 millions d’euros.109
57La réunion du patrimoine de la rue de la République et des rez-de-chaussée du quartier Grolée sous l’égide du même propriétaire ADIA pourrait offrir une conclusion édifiante sur la financiarisation de l’immobilier et le rôle des grands groupes internationaux. Sans remettre en cause cette lecture, on soulignera tout de même que les deux cas sont fort différents et que les facteurs proprement immobiliers, à savoir la différence entre un quartier commercialement actif et une localisation historiquement moins dynamique, ont eu des conséquences déterminantes sur le devenir des deux patrimoines. Celui de la rue de la République a vu son intégrité conservée au fil des cessions entre grands groupes tandis que le quartier Grolée a fait l’objet d’une vente à la découpe, de réhabilitations avortées et de politiques commerciales peu cohérentes.
58Ces opérations, qui ont défrayé la chronique, mériteraient une étude qui sort du cadre du présent ouvrage. Contentons-nous ici de noter qu’elles viennent marquer la rupture des derniers liens unissant le patrimoine immobilier de la rue de la République à la société qui l’a édifié et géré pendant 150 ans.
5. Administrateurs, la fin du « noyau dur » ?
59Les transformations de la SRI dans la seconde moitié du xxe siècle se répercutent évidemment sur la composition du conseil d’administration, déjà affectée par l’effritement du « noyau dur » de l’actionnariat lors des périodes précédentes. Les permanences y sont toutefois plus nombreuses que ce que l’on aurait pu imaginer. Il est tentant de se représenter l’arrivée d’associés de la banque Lazard comme un choc venant bousculer le monde des administrateurs de la SRI, opposant les Lyonnais et Parisiens, banque juive et catholique, société locale et affaire d’ampleur nationale et internationale. Les deux associés de Lazard, qui entrent en 1965, sont aussi plus jeunes que les administrateurs lyonnais.110 Certes, l’opposition entre la banque juive et catholique n’est plus celle que décrivait Jean Bouvier à propos du krach de l’Union générale111, mais on assiste bien là à la rencontre de deux univers sociaux distincts. Le changement provient aussi du départ ou du décès de plusieurs membres du CA à la fin des années 1960 : Édouard Prenat en 1968 (remplacé par Antoine Bernheim), Pierre Lucien-Brun en 1971, Maurice Brossette en 1967 et Charles Neyrand en 1969. Le décès de ce dernier, qui coïncide avec les opérations menées sous l’égide de Lazard, marque ainsi symboliquement une étape dans la vie de la SRI.112 L’hommage qui lui est rendu par Aymé Bernard lors d’une séance de conseil improvisée après ses funérailles est à cet égard caractéristique :
Les vastes et heureuses opérations suggérées par nos amis de la banque Lazard lui ont certes causé beaucoup de soucis et beaucoup de travail mais il n’a jamais été dominé par sa tâche. […] Mais au-delà de la société vous me permettrez d’élargir l’horizon. Neyrand n’a pas seulement été un bon gestionnaire, il a aussi été un homme dont le comportement honore son milieu social, réalisant bien un certain type de Lyonnais auquel nous sommes attachés. Il ne m’apparaît pas nécessaire d’avoir des destins fracassants ; il est probablement meilleur de mourir là où l’on est né après avoir pratiqué honnêtement les disciplines et les vertus qui assurent la solidité du caractère, le bonheur du foyer, l’attitude civique. D’où pour lui, une vie familiale d’une haute dignité, toute droite, traditionnelle au sens le plus noble du terme – à coup sûr la meilleure – […] d’où aussi son choix pour le service du prochain : il y a à Lyon d’innombrables institutions ou œuvres, les unes sont prestigieuses, les autres exercent discrètement la charité chrétienne la plus authentique. C’est à quelques-unes de celles-ci qu’il a donné son temps et son amour. L’Église l’avait bien su discerner, le nommant chevalier de Saint Grégoire le Grand. […] C’était un homme de bien.113
60Ce long hommage, bien plus détaillé que la plupart de ceux rendus habituellement en CA ou en AG, tient sans doute à la personnalité de Charles Neyrand mais également au moment de sa mort, dans un temps de basculement et de changements profonds pour la SRI.
61L’évolution ultérieure de la composition du conseil d’administration reflète l’emprise croissante de la banque Lazard même si les dynasties d’administrateurs lyonnais représentant les sociétés traditionnellement liées à la SRI (l’immobilière Martin jusqu’en 1981, la banque Saint Olive, la Société lyonnaise de banque) perdurent jusqu’au début des années 2000 et à la disparition de la SRI. De façon significative, certains conseils d’administration de la SRI ont lieu au siège de la Société lyonnaise de banque jusqu’au début des années 1990 où la SRI reprend des locaux auparavant occupés par une régie immobilière (régie Rosier Modica).114 Les représentants de Lazard Frères appartiennent tout d’abord au noyau dur des associés gérants avec la présence d’Antoine Bernheim et de Michel David-Weill jusqu’aux années 2000. Ils sont suivis par de plus jeunes associés à partir des années 1980. Le nombre d’administrateurs n’évolue plus jusqu’en 2001 avec l’entrée de deux représentants du Crédit agricole. Notons que le président de la SIM, Pierre Aubert, siège au CA de la SRI jusqu’en 1990 (date à laquelle il démissionne à cause de son âge).
Tableau 46. Administrateurs de la SRI de la fin des années 1960 aux années 2000
Année 1970 | Années 1980 | Années 1990 | Début années 2000 |
George de Courcy (1953-1998) | |||
Pierre Truchis de Lays (1956-1980) | Charles Mérieux (1980-1984) | Hubert Heilbronn (1984-) | |
Henri Martin (1957-1981) | Pol-Claude Streichenberger (1981-1999) | Roland du Luart (2000-) | |
Aymé Bernard (1961-1982) pdt 1969-1976 | Dominique Hannebelle (1983-) | ||
Marc Bellon (1965-1999) | |||
Roland de Solages(1965-1970) | Michel David-Weill (1973-) | ||
Pierre Dayet (1965-1983) | Maurice Monnier (1983-1987) | - | |
Georges Saint Olive (1965-1988) | Henri Saint Olive (1988-) | ||
Jacques Sourd de Villodon (1965-1999) pdt 1976-2000 | André Dupont-Jubien (1999-) | ||
Antoine Bernheim(1968-) | |||
Jean Picard (1969-1985) | Christian de Labriffe (1985-1994) | François Voss(1994-) | |
Pierre Aubert (1970-1991) (pdt SIM) | Jean Aubert (1991-) | ||
Marc Bue (2001-) | |||
Jean Laurent (2001-) |
Note : Les noms en italique sont ceux des associés Lazard, ou représentants de sociétés qui lui sont liées.
62La reproduction de lignées d’administrateurs issus du patronat lyonnais emprunte les mêmes formes qu’aux époques précédentes. À côté de la longévité exceptionnelle de Georges de Courcy à ce poste (administrateur pendant 45 ans, à un an du « record » d’Emmanuel Lucien-Brun), notons que le relais entre membres de la famille Saint Olive se déroule très naturellement115 : en 1988 Henri Saint Olive entre pendant le conseil d’administration et prend le siège de son oncle Georges Saint Olive, démissionnaire pour raisons de santé à 76 ans (et neveu par alliance de Pierre de Truchis de Lays116). En 1976, Aymé Bernard demande l’institution de censeurs117 et propose deux figures lyonnaises, Charles Mérieux, né en 1907 et patron de l’institut éponyme, ainsi que Pol-Claude Streichenberger, président de chambre honoraire au tribunal de commerce, avec lequel il partage un lien d’alliance.118 Pol-Claude Streichenberger remplace Henri Martin comme administrateur en 1981 tandis que Charles Mérieux prend la place de Pierre Truchis de Lays en 1980. Il quitte ce poste en 1984, touché par la limite d’âge, mais reste au CA comme censeur. Il en va de même lorsque Pierre Dayet (de l’immobilière Martin) cède son siège à Maurice Monnier (de la Société lyonnaise de banque) : il reste au CA en tant que censeur.119 La succession d’Aymé Bernard offre un ultime exemple de ce mode de cooptation des administrateurs120 : Antoine Bernheim propose à Aymé Bernard de désigner lui-même son successeur. Dominique Hannebelle, qui prend ainsi sa suite, lui est également apparenté.121 Le vieillissement des administrateurs, consécutif à ces modes de nomination, se traduit par plusieurs votes destinés à augmenter l’âge limite pour occuper le siège de président et d’administrateur.122 Comme lors des périodes précédentes, la perpétuation de cet entre-soi s’étend au-delà du conseil d’administration et concerne aussi bien les commissaires aux comptes (Henri Nové-Josserand123), que l’architecte de la société (Jean Cateland puis son neveu Yves Cateland). Le directeur de la SRI est bien moins souvent présent au CA qu’avant, ce qui semble consacrer une séparation grandissante de la gestion immobilière et des opérations financières. Roger Goirand, directeur jusqu’en 1987, est remplacé par Danielle Malloggi, première femme à occuper un rôle de dirigeant depuis la création de la SRI, à qui incombe notamment le passage à la télégestion.124
63La bonne entente entre Antoine Bernheim et Aymé Bernard semble avoir symbolisé celle qui a régné entre la société immobilière lyonnaise et la banque parisienne durant la décennie des années 1970, et en particulier jusqu’en 1976, tant qu’Aymé Bernard occupe le siège de président. Plusieurs CA font état de cette bonne relation, peut-être de façon trop insistante, mais soulignant systématiquement « l’étroite harmonie qui existe ».125 Les administrateurs liés à Lazard arrivant au tournant des années 1970 sont plus jeunes que les figures historiques de la SRI nées, comme Henri Martin ou Aymé Bernard, à la toute fin des années 1970.126 Venant grossir les rangs de la banque Lazard dans les années 1980 et 1990, ils appartiennent à la génération suivante et sont nés au milieu des années 1940 (à l’exception de François Voss né en 1930). Les associés de cette deuxième génération appartiennent à des factions diverses de la banque. Ainsi, Christian de Labriffe, présenté par la presse comme ayant été un temps membre de la « jeune garde » d’Edouard Stern (avec Jean-Marie Messier et Anne Lauvergeon notamment) quitte Lazard pour Rothschild en 1994127. Ils proviennent également d’horizons divers, surtout ceux arrivant à la fin des années 1990. André Dupont-Jubien a ainsi suivi une carrière juridique avant de rejoindre la banque128 tandis que Roland du Luart (d’Eurazeo et non de Lazard), qui prend la suite de Pol-Claude Streichenberger, a exercé des mandats politiques.129 Les évolutions de la composition du CA montrent ainsi que, même réduit à une courroie de transmission, il porte la trace de son histoire lyonnaise aussi bien que de sa position stratégique dans le holding.
6. Mouvement local de concentration
64Malgré l’effacement des dynasties lyonnaises au sein du conseil d’administration, la SRI continue à occuper une place importante dans le paysage des sociétés immobilières lyonnaises alors que son activité dans la promotion ou la rénovation reste limitée. L’échec relatif des projets entamés, notamment rue Mercière, ainsi que l’importance des grandes manœuvres ancrant la SRI dans la galaxie Lazard, ont fortement réduit ses ambitions d’expansion immobilière. Néanmoins, ainsi qu’on l’a vu pour la rénovation du quartier Mercière, l’implication dans ces opérations engage le temps long. Par le double jeu des liens historiques avec des sociétés telles que l’immobilière Martin et des participations dans ces projets, la SRI a acquis une position dont elle tarde à se défaire, même si la tentation apparaît précocemment. On assiste alors à une double stratégie des investisseurs dans le domaine immobilier lyonnais. La première, que nous venons de décrire, montre une financiarisation de la SRI qui intègre progressivement une nébuleuse financière dont la banque Lazard est le grand ordonnateur. La seconde concerne les autres sociétés immobilières qui, par un mouvement de concentration, forment un groupe dans lequel le capital immobilier demeure majoritaire. C’est pour ce dernier que nous allons chercher à comprendre comment la SRI, déjà impliquée depuis longtemps dans ces sociétés, va se désengager et laisser d’autres sociétés procéder à cette concentration. Revenons donc aux projets de promotion immobilière lancés et réalisés pour lesquels la SRI va mettre en place des sociétés filiales telles que la SISA, la CISE et la SGIL. Lors de ces projets, la SRI s’engage avec deux sociétés satellites, la Société des immeubles de Lyon (SIL) et la Société lyonnaise immobilière (SLI), sociétés avec lesquelles elle partage une part du parc immobilier lyonnais.130
65Tout d’abord, parmi les sociétés créées pour la « rénovation » de l’îlot Mercière-Saint-Antoine, figure la SIL dans laquelle la SRI a beaucoup investi. En 1971, elle détient 34 % de la SISA et 53 % de la CISE. Elle possède aussi 126 immeubles à Lyon destinés presque en totalité à usage d’habitation et du foncier aux Brotteaux.131 Lorsque la SRI souhaite se désengager de l’opération, elle procède à la fusion de la CISE-SISA en 1976132 puis laisse la SIL absorber, en 1982133, la SISA tout en augmentant sa participation à son capital.134 L’idée d’absorption était en réalité envisagée depuis longtemps et la décision est prise quand les réalisations de la CISE-SISA sont terminées.135
Schéma 6. Sociétés immobilières lyonnaises en 1970

Lecture : La SRI détient 63 % du capital de la SGIL, 4 % de la Société lyonnaise immobilière (Martin et Cie), etc.
66Ensuite, la SLI, qui a connu un développement en étroite relation avec la SRI tout au long de la période avec des participations croisées et des administrateurs communs, crée la SGIL avec la SRI en 1964 (voir partie précédente). Détentrice d’une trentaine d’immeubles et d’un vaste terrain dans le quartier de la Buire, la SLI, parallèlement à l’édification d’immeubles sur le cours Gambetta, poursuit son programme de construction et augmente son capital à plusieurs reprises (1960, 1962, 1965).136 Malgré ces augmentations, il demeure largement sous-évalué : 3,41 MF pour une évaluation à 24 MF en 1962137, 6 MF pour une estimation à 30 MF en 1970.
67Le processus de concentration entre la SIL et la SLI s’engage alors mais la SRI reste en retrait. Si elle dispose de plusieurs administrateurs au sein de leur CA, elle ne possède qu’une faible participation dans ces deux sociétés et semble ne pas nourrir de velléité de l’accroître. Ainsi lorsqu’en 1980 une OPA est lancée par la SIL pour l’acquisition d’actions de la SLI, la SRI, sur les conseils de Pierre Dayet, un des administrateurs communs aux trois sociétés, participe à cette opération d’échange d’actions.138 Le mouvement de concentration s’accélère en 1990 avec l’absorption de la Société immobilière du Littoral par la SLI puis la formation du Groupe des immeubles de Lyon par la SLI et la SIL. En 1994, la SIL décide de regrouper ses activités en absorbant la SLI, la SCI Immolyon et la SCI Alpha 1000.139 Se pose alors la question pour la SRI de maintenir ou non une participation minoritaire (5,2 %). Antoine Bernheim renvoie la décision à celle de Generali qui détient via ses filiales, dont la Lutèce, 36 % de la SIL.140 D’une décision commune, Generali (33 %) et AGF (12 %) cèdent, en 1995, leurs parts à la société immobilière Batibail qui a lancé une OPA sur la SIL par un échange d’actions : 5 actions SIL contre 4 actions Batibail. En réalisant une plus-value de 13 MF, la SRI achève de se désengager des sociétés immobilières lyonnaises.141 Elle ne conserve que des participations dans la SGIL (63 %) et Batibail (moins de 1 % en 1999). Ses activités à une échelle plus vaste, qui supposent de limiter les investissements dans l’immobilier, l’ont tenue à l’écart des recompositions locales des groupes immobiliers et de son rôle traditionnel dans ce milieu. Peu après, le groupe Gecina incorpore de nombreuses sociétés immobilières dont Batibail (1999) et devient l’une des sociétés immobilières détenant le plus grand nombre d’immeubles en France, à l’image que ce qu’avaient été la Société de la rue Impériale et la Société immobilière marseillaise dans les années 1960.
Notes de bas de page
1 Les liens sont antérieurs à l’entrée de Lazard dans le capital de la SRI puisque la banque Lazard était une des banques de BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel, fusion en 1966) dont la présidence est assurée par Antoine Riboud. Par la suite, c’est Michel David-Weill qui émettra l’idée d’une OPA sur Saint-Gobain par BSN en 1968. M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, Paris, Albin Michel, 2006, p. 197 et suiv.
2 CA du 22 janvier 1964, AGE du 5 juin 1964, CA des 12 février et 23 mars 1965.
3 Audras 112 actions, Chomel 76 actions, Flachaire de Roustan 92, Lucien-Brun 900, Neyrand 140, Piaton 217, Saint Olive 258 (en tout moins de 5 % du capital). L’immobilière Martin détient 545 actions.
4 Parmi les assurances : La France, COFACE, La Métropole, La Providence (Accident, française et incendie), des mutuelles, caisses de prévoyance et de retraite. Au passage, cela illustre l’image du placement dans la pierre-papier.
5 L. Chemineau, L’incroyable histoire de Lazard Frères, la banque qui règne sur le monde des affaires, Paris, Assouline, 1998 ; M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité ; P. de Gasquet, Antoine Bernheim, le parrain du capitalisme français, Paris, Grasset, 2011 ; W. D. Cohan, The last tycoons : the secret history of Lazard Frères & Co, New York, Doubleday, 2008. Fondée en 1876 par Alexandre, Elie et Simon Lazard, bientôt rejoints par leur cousin Alexandre Weille, et installée à Paris, Londres et New York, la banque Lazard (originellement Lazard Frères et Cie) est une banque d’affaires. Elle intervient notamment dans le « sauvetage » du franc en 1928. Elle est surtout connue pour son rôle de conseil dans les fusions acquisitions. Elle reste non cotée jusqu’à la fin des années 1990.
6 Recherches qui à notre connaissance se limitent à celles de G. de Rougemont, Lazard frères, banquiers des deux mondes (1848-1939), Paris, Fayard, 2011. On peut y ajouter, dans une certaine mesure, les différents écrits de Didier Lazard (1910-2004), membre de la famille Lazard, maître de conférences à l’IEP de Paris, et auteur d’une chronique familiale : La famille Lazard, histoire de quatre générations, Paris, Éditions du Félin, 1988 ; Simon Lazard (1828-1898) : émigré à seize ans, pionnier du Far-West, fondateur de la banque Lazard, Paris, Éditions du Félin, 1988.
7 La Société française générale immobilière, anciennement Bernheim et fils, parfois appelée Société des Arcades à cause de son adresse parisienne (voir plus loin). Antoine Bernheim, lors de son entrée à la banque Lazard comme associé, a apporté son entreprise en échange d’une participation de 8 %. P. de Gasquet, Antoine Bernheim, le parrain du capitalisme français, ouvr. cité, p. 57.
8 La banque Lazard, déjà actionnaire, a pu ainsi bénéficier de l’information sur cet élargissement du CA.
9 On peut à cet égard s’interroger sur le rôle des partenaires bancaires traditionnels de la SRI, Société lyonnaise de dépôts et banque Saint Olive en tête, dans l’entrée de la banque Lazard, d’autant plus que les oppositions classiques – banque lyonnaise/parisienne, banque catholique/juive – étaient déjà difficiles à appréhender au xixe siècle.
10 D’après le CA du 21 décembre 1965, Henri Martin a accompagné le président de la SRI, Pierre Lucien-Brun, pour les négociations avec la banque Lazard, à Paris.
11 La SRI possède 99,1 % de son capital en 1962.
12 CA du 14 janvier 1966.
13 Immeubles dits de basses catégories dont les appartements sont loués à des gens modestes et les rez-de-chaussée à des entrepôts ou commerces de gros. CA du 14 janvier 1966.
14 Ibid.
15 CA 13 mai 1966. Dissolution effective au 1er juin.
16 AG du 25 juin 1968.
17 Voir Encadré 2.
18 Antoine Bernheim explique que « c’est André Meyer, en accord avec Pierre David-Weill, qui a souhaité que j’entre dans la banque, après m’avoir confié un certain nombre d’opérations immobilières à titre personnel ». M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité, p. 138.
19 Document non retrouvé.
20 Note de septembre 1971 sur la Société de la rue Impériale. AML 187 II 202.
21 AG du 26 mai 1967.
22 CA du 7 juillet 1967.
23 Par exemple, le no 87 boulevard des Belges est vendu en 37 lots.
24 En février 1969, 40 % des biens des deux premières tranches étaient déjà vendus. Voir CA du 25 février 1969.
25 CA du 27 janvier 1970.
26 Cette commission a été évaluée à partir d’un taux identique (7,53 %) pour un montant des ventes de 4,637 MF.
27 Un taux d’inflation variant en moyenne de 4,5 % (1967-1969) à 9 % (1970-1979) puis à 12,9 % (1980-1982).
28 CA du 13 octobre 1975.
29 L. Bonneval et F. Robert, L’immeuble de rapport, Rennes, PUR, 2013. Rappelons que la loi sur la copropriété date de 1965 (celle de 1938 s’étant justement avérée insuffisante face au développement de cette forme de propriété).
30 Le lotissement, grande spécialité du groupe immobilier Bernheim (voir plus loin), est une vente à la découpe, par lots, du terrain prévu à cet effet.
31 Antoine Bernheim apparaît comme l’instigateur de cette OPA : « Dès mon entrée dans la maison, j’ai appris qu’elle détenait une participation de 10 à 15 % dans une société immobilière, la rue Impériale. En réfléchissant avec Pierre et Michel David-Weil, nous avons décidé d’obtenir une participation de contrôle de l’Immobilière Marseillaise […] », A. Sabouret, MM Lazard frères, Paris, Olivier Orban, 1987, p. 196. L’assertion est, en partie, inexacte (confusion SRI et SIM) mais elle montre que l’idée de prise de contrôle émanait des associés-gérants de cette banque et non des administrateurs de la SRI.
32 La SRI avait hérité d’actions de la SMI lors de la fusion avec la Sécurité lyonnaise et en détenait 400 en 1935.
33 Prêt contracté le 7 janvier 1968. AG du 25 juin 1968.
34 CA du 16 novembre 1967.
35 Capital actuel 25,186 MF (125 930 actions de 200 F) augmenté de 25,186 MF soit l’émission contre espèces au taux de 350 F par action soit avec une prime de 250 F par action, de 125 930 actions nouvelles de 200 F. Nouveau capital = 50,372 MF (251 860 actions de 200 F). CA du 6 décembre 1967. Le syndicat bancaire chargé de l’opération est constitué par la SLD (33 %), la BLF (33%), le Crédit lyonnais (16 %), la banque Saint Olive (12 %) et la banque Morins-Pons (6 %).
36 CA du 16 novembre 1967. La BLF était autorisée à acquérir, en son nom, les titres au-dessus des 96 000 actions destinées à la SRI.
37 Somme payable en 4 ans à compter du 8 janvier 1970. CA du 12 janvier 1968.
38 AG du 25 juin 1968.
39 AG du 6 juin 1972.
40 État des ventes en septembre 1971. AML 187 II 202.
41 Le groupe BSN d’Antoine Riboud, suite à son échec d’OPA sur Saint-Gobain, fusionne en 1973 avec Gervais-Danone. Le groupe BSN-Gervais Danone devient alors la première entreprise agroalimentaire de France.
42 CA du 19 mai 1987. La SIM échange à Cofinda 125 immeubles (131 000 m2, 684 MF), contre 3,2 M actions Cofinda. Ces immeubles seront revendus en 2001 à la société P2C Immobilier, branche de la société P2C appartenant à Pierre Schoen, industriel strasbourgeois. En 2004, P2C est rachetée par le fonds d’investissement américain, Lone Star. J.-S. Borja, M. Derain et V. Manry, Renouvellement urbain à Marseille : centralité populaire et mobilisation collective, le cas de la rue de la République, PUCA, rapport final, 2007.
43 P.-P. Zalio, Les grandes familles de Marseille au xxe siècle, Paris, Belin, 1999, p. 123.
44 Annuaire-Chaix, Les principales sociétés par actions, Paris, Chaix, 1906 et 1926. En 1906, 8 administrateurs de la SIM sur 15 sont aussi administrateurs de la SMCICD.
45 SIM-CA du 28 avril et SIM-AGE du 29 septembre 1947.
46 Liste des souscripteurs des 72 500 actions et état des versements effectués. Les noms ne sont pas toujours lisibles et l’inscription par ordre chronologique ne rend pas aisé le regroupement des actions par famille, si tant soit peu cela a un sens.
47 SIM-AGE des 29 avril et 26 juin 1950.
48 SIM-AGE du 28 janvier 1952.
49 SIM-AGE du 26 octobre 1953.
50 SIM-CA du 28 mai 1956.
51 SIM-CA du 27 mars 1961. 116 000 actions de 50 F.
52 SIM-CA du 29 octobre 1962. 127 000 actions de 50 F.
53 SIM-AGE du 25 janvier 1965. 191 400 actions de 50 F. Augmentation de 3,19 MF par incorporation des réserves spéciales de réévaluation (2,48 MF) et de reconstruction provenant des indemnités de dommages de guerre (0,71 MF).
54 La SMCICD devient en 1954 la Société marseillaise de crédit (SMC).
55 Le rendement a été calculé à partir du cours moyen de l’action que nous avons, bien souvent, établi à partir des cours bas et haut.
56 AG du 14 juin 1974.
57 AG du 22 juin 1976.
58 M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité. M. Orange y voit une préfiguration des sociétés d’investissement actuelles. Elle met en avant le caractère opportuniste et non planifié des investissements réalisés durant ces années, mais il nous paraît important de souligner que l’architecture générale du système est rapidement posée.
59 M. El-Aziz Kouadri, « Place et rôle du secteur pétrolier dans le développement de l’économie algérienne », Tiers Monde, tome 10, no 39, 1969, p. 629-658.
60 L’apport est constitué pour moitié de valeurs mobilières (Eurafrep [10,6 MF], Elf Union [14 MF], Société nationale des pétroles de l’Aquitaine [6,1 MF], …) et dépôts de fonds dans diverses banques (Lazard [11,9 MF], Indochine [9,4 MF],…]. AGE du 18 septembre 1968.
61 CA des 18 et 25 juin, 23 juillet, 18 septembre et 29 octobre 1968, 4 et 14 janvier et 29 avril 1969.
62 N. Grimaud, « Le conflit pétrolier franco-algérien », Revue française de science politique, no 6, 1972, p. 1276.
63 Les CA de l’année 1971 évoquent plutôt la surprise et l’importance des incertitudes (CA des 22 septembre 1970, 4 mars, 15 juin, 4 octobre et 14 décembre 1971). Néanmoins, plusieurs événements postérieurs aux accords d’Évian (notamment les nouvelles conditions imposées par Boumédiène aux sociétés pétrolières françaises en 1965) rendaient probable, semble-t-il, cette issue. Voir N. Grimaud, La politique extérieure de l’Algérie (1962-1978), Karthala Éditions, 1984.
64 Eurafrance-AGE du 27 juillet 1972. Les apports sont : apport-fusion par la compagnie nouvelle Repfrance et apport partiel d’actifs par Eurafrep. En septembre, les actions d’Eurafrance sont admises à la Bourse de Paris. Bulletin mensuel de la commission des opérations de bourse, no 40 (juillet 1972) et 41 (août-septembre 1972).
65 La société Eurafrep continue à exister, se recentrant sur les activités de prospection pétrolière. La SRI en détient 11 %. Une fois qu’Eurafrep recommence à verser des dividendes (notamment grâce aux prospections en Indonésie) la SRI augmente rapidement sa participation à 10 MF pour bénéficier du statut fiscal des filiales (CA du 26 mars et 22 juin 1976). La SRI maintient une participation jusqu’en 1982, date où, à l’occasion d’un changement dans le capital d’Eurafrep, elle démissionne de son poste d’administrateur (tenu par Jean Picard. Eurafrance abandonne sa participation dans Eurafrep en 1987.
66 CA des 6 juin et 2 octobre 1972, et 22 janvier 1973.
67 Rappelons qu’Aymé Bernard avait d’abord décliné le poste de président de la SRI à cause de son âge (il est né en 1893). Il est probable que c’est cette même raison qui a poussé au choix de Jean Picard (né en 1907).
68 L’évaluation qui est faite à cette occasion du capital immobilier (confrontant l’évaluation de la valeur de 1966 augmentée de 12 %, une évaluation à la valeur vénale (prix au m2) et une évaluation par capitalisation des loyers) porte à 90 MF la valeur des immeubles détenus.
69 CA du 26 mars 1976.
70 CA du 9 avril 1973.
71 CA du 26 mars 1976.
72 Les jetons de présence s’élèvent à 2 000 F par administrateur en 1910. En francs constants (francs de 1910), ils montent jusqu’à la SecondeGuerre mondiale (2 500 F en 1938), diminuent jusqu’au début des années 1950 (minimum de 550 F en 1952) et remontent dans les années 1950 (1 600 F). Toujours en francs constants, ils connaissent une croissance très vive après les opérations menées avec la banque Lazard (4 900 F en 1969, 5 800 F en 1991).
73 190 F en 1974, 180 F en 1975. En 1976, la SRI rachète pour 6 MF d’actions Eurafrance dont une partie à Antoine Bernheim et Michel David-Weill (CA du 15 octobre 1976). De la même façon, des actions Eurafrep sont vendues à Eurafrance pour acheter des actions Eurafrance (16 octobre 1978).
74 Précisons qu’une augmentation de capital est effectuée en 1983, dans un but purement financier (améliorer le ratio capital social / fonds propres). Elle fait passer le capital de 97 à 107 MF, par incorporation d’une partie de l’actif de la CAFI dans le capital (CA du 20 juin 1983).
75 CA des 2 et 25 avril 1984.
76 En 1998, les bilans indiquent une participation de 818 MF dans Generali (à laquelle est liée Mediobanca qui avait consenti le prêt de 1967 pour l’OPA sur la SIM) et 1 456 MF dans Danone. En ce qui concerne les liens entre Lazard et ces deux sociétés, on pourra se référer à M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité.
77 CA du 11 janvier 1982.
78 CA du 19 octobre 1992. On notera sur le graphique que la participation d’Eurafrance dans Viniprix n’est plus indiquée dans les comptes rendus de CA de la SRI après 1988.
79 CA du 22 avril 1985.
80 CA du 17 octobre 1994.
81 Par exemple, lors du CA du 22 avril 1985 concernant la prise de participation dans Agache, le compte rendu indique simplement : « Après différentes explications données par M. Bernheim sur cette opération, le conseil est d’accord pour que cette proposition soit retenue. »
82 Créée en 1923, la Compagnie de gérance foncière est une agence immobilière et le gestionnaire des immeubles de la SIM qui détient 99,75 % de son capital.
83 Cette société détenue à 99,26 % par la SIM assure l’entretien du parc immobilier de la SIM (nettoyages, ramonages, travaux d’entretien, etc.).
84 La banque Lazard a offert à la SRI, en 1969, une petite participation dans Berthier Saveco. CA du 7 novembre 1969. Les sociétés succursalistes alimentaires Viniprix (création 1949), Berthier-Saveco et la Beaujolaise-Végaprix fusionnent en 1977 pour former le groupe Viniprix et détenir 64 % d’Euromarché. D. Bury et A. Nicolas, « Les grands groupes commerciaux français de 1972 à 1979 », Économie & prévisions, 1981, vol. 49, p. 3-22. Antoine Bernheim présidera le groupe Euromarché en 1981.
85 AG du 13 juin 1977.
86 AG du 19 juillet 1978. Fin 1979, la SIM possède 79 957 actions Viniprix.
87 AG des 12 juin 1981 et 21 juin 1982.
88 CA du 11 janvier 1982.
89 La SIM a remis à Eurafrance des titres de Chaussures André – Euralux et Viniprix contre 193 873 actions Eurafrance. Cette opération a dégagé 45,085 MF de plus-values à long terme) (AG 17 juin 1985). Elle double sa participation dans le capital d’Eurafrance passant de 10,25 % en 1984 à 21,47 % en 1986.
90 CA du 19 mai 1987.
91 AG du 29 juin 1988.
92 En 1924, l’immobilier constituait 85 % de l’actif.
93 SIM, AGO-AGE du 22 février 1989.
94 AG du 26 juin 1989.
95 Sociétés créées en 2001 dont la SIM possède 121 963 actions de l’holding Topazholding.
96 Elle se réalise dans le cadre de l’opération Euroméditerranée lancée en 1994.
97 M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité.
98 Tout holding est susceptible de subir cette décote (mesurée par l’écart entre l’évaluation de l’actif net et l’évaluation de la valeur vénale) qui peut notamment provenir du manque de cohérence et de synergie entre les actifs détenus.
99 CA du 18 avril 1994.
100 Voir par exemple I. Inchauspé, « Bolloré : l’affront fait à Lazard », Le Point, 25 juin 1999, ou encore M. Orange, Ces messieurs de chez Lazard, ouvr. cité.
101 P.-A. Gey, « Lazard : Vincent Bolloré passe la main », Les Échos, 27 novembre 2000.
102 Cent-cinquentenaire de la société anonyme de la Rue Impériale, projet, 5 juin 2004 (non signé), p. 7.
103 I. Nappi-Choulet, L’immobilier d’entreprise, Paris, Économica, 2013.
104 G. Lamy, « La rue de la Ré, propriété d’Abu Dhabi, Lyon Capitale, 24 janvier 2013. Le patrimoine ex-SRI a d’abord été acquis par le fonds Grosvenor, holding d’investissement détenu par l’éponyme duc de Westminster, au prix de 313 millions d’euros (A. Tourlonias et S. Belfils, « Un duc anglais sur le point de racheter la rue de la République », Lyon Capitale, 3 septembre 2012). Il s’est rapidement avéré que ce fonds agissait pour le compte du fonds aboudhabien.
105 P. de Moncan, À qui appartient la France ?, Paris, Les Éditions du Mécène, 2002.
106 M. Badoux, « Quartier Grolée, la révolte gronde », Lyon Capitale, 20 juillet 2010.
107 V. Longchamp, « Le rocambolesque chantier de l’hôtel Boscolo », La Tribune de Lyon, 27 septembre 2014.
108 « Zilli revient en Presqu’île », Le Progrès, 14 avril 2016.
109 G. Lamy, « Grôlée, bataille judiciaire autour d’un quartier fantôme », La Tribune de Lyon, 2 mars 2015.
110 Jacques Sourd de Villodon, né en 1918 et entré à la banque Lazard en 1948 où il devient directeur en 1961, entre à 47 ans à la SRI. Il devient également administrateur de nombreuses sociétés dont la société Uniprintemps et la Société générale immobilière appartenant à Antoine Bernheim (Who’s Who in France 1965-1966, Cie des agents de change de Lyon, Étude de valeurs cotées à la Bourse de Lyon, Lyon, 1970). Il reste jusqu’en 1999 au CA de la SRI dont il devient le président. Roland de Solages est un proche de la famille David-Weill (il épouse Éliane David Weill, née en 1935, fille de Pierre David-Weill qui dirige la banque Lazard). Il ne reste que cinq ans au CA de la SRI.
111 J. Bouvier, Le krach de l’Union générale (1878-1885), Paris, PUF, 1960. Notons par exemple que Pierre David-Weill se convertit au catholicisme dans les années 1960, tout comme Antoine Bernheim.
112 Le décès de Pierre Lucien-Brun en 1971 en est également le signe, et les deux hommages se ressemblent beaucoup : « Il appartenait à l’une de ces très vieilles familles lyonnaises qui forment l’armature spécifique de notre cité. Sa vocation fut, comme celle de son père, juridique. Et il fut essentiellement “le” professeur de droit de cette faculté catholique qui, depuis cent années, est un de nos fleurons universitaires. Et s’il est vrai qu’il y a une noblesse de robe, Lucien Brun en est bien représentatif. Finesse du jugement, délicatesse du cœur, amour discret du prochain, il apporta tout cela dans sa vie familiale et professionnelle. […] Au cours de ces années il assura la permanence d’une gestion sans histoire et il eut aussi le mérite d’ouvrir la voie présidentielle à Charles Neyrand dont il avait apprécié les possibilités. Nous conserverons son souvenir comme un témoignage de ce que peut être une vie poursuivie dans la pratique pure et sans défaillance des vertus fondamentales du Vrai Chrétien. »
113 CA du 10 septembre 1969.
114 CA du 22 janvier 1990.
115 CA des 15 janvier 1988 et 19 avril 1995. Sont ainsi revues les dispositions limitant l’exercice de la fonction de président au-delà de 75 ans (qui passe 80 ans) et stipulant que la moitié des membres du CA doivent avoir moins de 70 ans.
116 Pierre de Truchis de Lays décède en 1980. L’hommage suivant lui est rendu lors du conseil du 7 janvier 1980 : « Il a siégé 23 ans au conseil et est entré dans la société en 1956. Il avait fait sa carrière dans les milieux agricoles. Exploitant lui-même, il fut longtemps président de la Caisse de Crédit Agricole du Sud-Est et maire de son pays, Champagnat, aux confins de la Saône et Loire et du Jura. Le conseil se souvient que M. Truchis de Lays eut le malheur de perdre un de ses fils lors d’un accident de sous-marin qu’il commandait en rade de Toulon. Ce malheur intervenait après d’autres évènements douloureux qui avaient également touché certains des siens. Georges Saint Olive (neveu par alliance du défunt) est chargé de représenter la SRI à ses obsèques. »
117 CA du 26 mars 1976.
118 H. Joly et P. Vernus, « Animer une organisation patronale interprofessionnelle régionale : Aymé Bernard et l’Association Industrielle Commerciale et Agricole à Lyon », O. Dard et G. Richard éd., Les permanents patronaux : éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du xxe siècle, Metz, Centre de Recherche Histoire et Civilisation de l’université de Metz, 2013.
119 CA du 18 avril 1983. Pierre Dayet décède en 1990, l’hommage qui lui est rendu en CA souligne qu’il a « marqué de son empreinte les milieux financiers lyonnais » (CA du 18 juin 1990).
120 Les administrateurs sont tous élus par l’AG sans opposition et à la quasi-unanimité : c’est la cooptation en CA qui est décisive.
121 Annuaire du Tout-Lyon 1985 : Pol-Claude Streichenberger et Dominique Hannebelle ont tous deux épousé une Frachon.
122 CA du 17 avril 1989.
123 Les Nové-Josserand sont commissaires aux comptes de la SRI depuis l’instauration de cette fonction. Le 2e commissaire aux comptes, Jacques Bertrand, est remplacé par Yves Turquin qui a conseillé la SRI dans l’affaire Gilinvest et qui « jouit d’une excellente réputation à Lyon », CA du 18 avril 1986.
124 CA du 22 juin 1987.
125 Expression d’Aymé Bernard prononcée lors du CA du 14 octobre 1985 (il rend visite à ses anciens collègues, et vient de quitter le CA d’Eurafrance, ayant atteint la limite d’âge).
126 Antoine Bernheim est né en 1924, Michel David-Weill en 1932, Jacques Sourd de Villodon, administrateur de sociétés arrivé en 1965 dans la foulée de l’entrée au capital de Lazard, en 1918.
127 C. Levêque, H. Chevrillon et G. Fontaine, « Chez Lazard la vieille garde cède la place », L’Express – L’Expansion, 2 mai 1996.
128 D’après le Who’s Who, André Dupont-Jubien est né en 1940. Il passe par l’École nationale de la magistrature et devient juge d’instruction, avant d’exercer des fonctions au ministère de la Justice de 1976 à 1982, puis celle de premier substitut de Paris. Il dirige le service juridique de la COB jusqu’en 1987, et devient ensuite directeur juridique chez Lazard puis associé-gérant Lazard en 1999.
129 Né en 1940, sénateur de la Sarthe de 1977 à 2014, exploitant forestier agricole, il entre au conseil de surveillance d’Eurazeo en 2004), banque Hottinger et Aurea.
130 La Société civile des logements économiques change, en 1965, sa raison sociale en Société des immeubles de Lyon. La Société lyonnaise immobilière est, quant à elle, parfois prénommée Immobilière Martin ou Société lyonnaise immobilière Martin et Cie.
131 J. Girardet, Étude de valeurs cotées à la bourse de Lyon, 1971, Lyon, 1971, p. 5a et 5b.
132 CA du 26 mars 1976.
133 CA du 11 janvier 1982.
134 La SRI en échange des 36 360 actions de la CISE-SISA reçoit 2 404 actions de la SIL soit une parité de 1 pour 15.
135 « Depuis toujours il a été entendu que dès qu’il sera possible cette société [CISE-SISA] serait absorbée par la société des immeubles de Lyon, la SRI accroissant ainsi sa participation dans cette dernière. […] Le Conseil confirme son désir de réalisation de la fusion envisagée et mandate le Président pour faire tout le nécessaire en ce sens… » CA du 20 octobre 1980.
136 Construction fin des années 1950, de 4 immeubles avenue de Saxe et rue Fénelon, puis programme de 300-400 logements échelonné dans le temps à partir de 1963. J. Girardet, Compagnie des agents de change de Lyon, Étude de valeurs cotées à la bourse de Lyon – 1971, Lyon, Éditions FOT, 1971.
137 Ibid.
138 CA du 16 juin 1980. L’échange porte sur 1 933 actions de la SLI.
139 CA du 20 juin 1994.
140 CA du 18 octobre 1993.
141 CA du 23 octobre 1995.
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