Chapitre V
L’expansion immobilière de la SRI
p. 181-233
Texte intégral
1. Les sociétés immobilières : un paysage en recomposition
1.1. Les prémices de l’expansion
1Après un demi-siècle d’existence, la SRI entame une mue et réalise un nombre croissant d’investissements immobiliers. Sans renier la prudence de sa gestion, elle se montre de plus en plus intéressée par les acquisitions d’immeubles pour élargir son actif et accroître ses revenus. Cette lente évolution se dessine entre 1890 et 1920, préparant des opérations d’envergure. Rendue possible par le poids décroissant du remboursement de l’emprunt et amorcée par les velléités de participation, finalement avortées, au projet de reconstruction du quartier Grolée, la stratégie d’expansion est inscrite en 1910 dans les statuts. Elle se traduit par l’absorption de trois sociétés immobilières en 1920, des acquisitions d’immeubles durant l’entre-deux-guerres et des participations à deux opérations de promotion immobilière dans les années 1950 et 1960. Leur analyse forme le cœur de cette partie, mais il faut commencer par présenter les facteurs qui conduisent les SRI vers cette nouvelle orientation.
1.1.1. Une situation financière favorable
2La situation financière de la société est le premier facteur à prendre en compte. À la fin du xixe siècle, le poids de l’emprunt diminue. En premier lieu, un nouvel emprunt obligataire est souscrit en 1895 pour rembourser les obligations de 1re et 2e émission. Il revient pour la SRI à abaisser le taux d’intérêt de 5 % à 3 %.1 Les remboursements annuels passent ainsi de 800 000 F (37 % des recettes) à 480 000 F environ (22 % des recettes). Aucune autre tentative n’est menée pour renégocier les termes de l’emprunt, ou pour effectuer un remboursement anticipé et il n’est intégralement remboursé qu’en 1917.
3À cela, il faut ajouter la croissance régulière des revenus locatifs. Bien que 3 immeubles soient cédés (le no 53 rue de la République exproprié en 1890 dans le cadre du chantier du quartier Grolée, le no 18 rue de la République vendu en 1904 à son locataire le Crédit lyonnais et le no 19 rue de la République en 1916), les loyers augmentent. Ainsi, lors du CA du 17 mars 1905, « le directeur fait remarquer qu’en 20 ans les recettes locatives ont augmenté de 98 000 francs alors que l’actif immobilier a diminué de plus d’un million ». Le Graphique 14 atteste de cette progression. La baisse de la charge de l’emprunt est visible et se répercute dès 1896 sur le dividende versé qui augmente lui aussi de façon lente et régulière. De la même façon, les dépenses baissent à nouveau sensiblement en 1916 et le dividende versé repart à la hausse. Nous reviendrons dans le second chapitre de cette partie sur l’évolution des loyers, l’impact des guerres, de l’inflation et de mesures d’encadrement. Contentons-nous ici de noter la stabilité des recettes en francs courants.
Graphique 14. Évolution des recettes et dépenses entre 1890 et 1919 (en francs courants)

4Si l’on s’en tient au compte des recettes et dépenses, cette progression lente des revenus, bien que non négligeable, ne semble pas permettre à elle seule un véritable changement de stratégie économique ni dégager de marge suffisante pour des investissements massifs. Il faut se pencher sur l’évolution de la structure de l’actif et du passif pour apercevoir les prémisses de mutations plus importantes. Celle-ci est présentée dans le Graphique 15 qui montre une croissance de l’actif assez similaire à celle des recettes, de même ampleur et suivant la même temporalité.
Graphique 15. Principales évolutions de l’actif et du passif entre 1895 et 1919 (en francs courants)

5La croissance de l’actif n’est pas imputable à celle du patrimoine immobilier2, mais à celle des valeurs financières, plus liquides que la pierre à défaut d’être plus rémunératrices. Lorsqu’un immeuble est vendu, la question du remploi de la somme obtenue en paiement se pose. Au xixe siècle, il est nécessaire d’acquérir à nouveau des immeubles car, l’emprunt hypothécaire étant gagé sur les immeubles détenus, les administrateurs n’estiment pas pouvoir amputer l’actif immobilier de la société. Avec le remboursement de l’emprunt, cette contrainte disparaît et le produit des ventes peut être destiné à d’autres usages. Le Graphique 15 montre d’ailleurs qu’à cette occasion l’actif immobilier ne se reconstitue pas, à l’inverse de ce que l’on avait observé en 1904. L’actif financier passe quant à lui à près de 2 MF. Il reste marginal par rapport à l’actif immobilier mais, à partir de cette date, les valeurs mobilières figurent sans discontinuer au bilan de la SRI. L’évolution de la structure du passif est également sensible. La baisse constante de la part de l’emprunt est progressivement compensée, à partir de 1901, par une réserve facultative qui atteint plus de 2 MF à l’aube des années 1920. C’est là aussi une nouveauté. Même si on peut y voir la trace de la prudence de gestion qui caractérise la SRI depuis l’origine, cette réserve dégage également des capacités de financement qui, sans être spectaculaires, n’ont rien de négligeable. Enfin les réserves d’amortissement doublent, passant de 7 MF en 1895 à plus de 14 MF en 1919.
6L’addition de ces réserves et des valeurs de portefeuille témoigne d’une grande robustesse financière à la fin de la Première Guerre mondiale. La société dégage des excédents qui peuvent servir de base à une stratégie d’investissement. Les marges de financement à la disposition de la SRI lui servent d’aiguillon pour se développer, qui plus est dans un contexte où les autres sociétés immobilières connaissent des difficultés financières.
1.1.2. Une évolution de la stratégie immobilière inscrite dans les statuts
7La stratégie immobilière décrite au chapitre précédent – centrée sur l’acquisition de petits immeubles adjacents aux siens dans la rue de la République pour donner une plus-value à ces derniers – évolue également. Le projet Grolée, duquel la SRI a finalement été écartée, a conduit les actionnaires et les administrateurs à s’interroger sur le futur de leur société. La rénovation du quartier Grolée avait ainsi donné lieu à une réflexion sur la nécessité de changer de statut, voire de raison sociale : A. Riboud, représentant au CA de la Société lyonnaise de dépôt, propose de changer le nom de la société en « Société immobilière de Lyon », « celui de Société de la Rue Impériale ne rimant plus à rien et n’étant même plus adopté en Bourse ».3 Le changement de nom n’est pas retenu, sur les conseils du notaire Berloty4, mais on peut voir dans la remarque de Riboud le signe que les administrateurs, ou au moins certains d’entre eux, pensent de façon nouvelle l’objet de la société. En élargissant ses perspectives, la SRI modifie l’image qu’elle a d’elle-même. Cela se traduit par la multiplication des offres de ventes examinées par le CA, mais aussi par une révision des statuts en 1910 qui entérine les nouvelles orientations prises par la société.5
8La révision votée à l’assemblée générale extraordinaire du 12 avril 19106 traduit cette nouvelle représentation en étendant l’objet de la société (article 4) à « l’acquisition, la vente, l’échange ou la construction de tous immeubles », alors qu’il ne comportait que l’exploitation des immeubles construits dans le cadre des traités passés avec la ville en 1854. Certes le CA avait déjà, d’après l’article 15, la faculté d’acquérir des immeubles. Mais il est maintenant autorisé à suivre toute affaire immobilière se présentant, et pas seulement dans le cadre du remploi de la somme obtenue par la vente d’un immeuble. Le fait de l’inscrire dans l’objet même de la SRI consacre l’orientation qu’elle prend depuis les années 1890.
9Aucune de ces évolutions ne transforme brusquement les pratiques de la SRI, mais toutes vont dans la même direction, incitant la société à sortir de la seule gestion du patrimoine construit un demi-siècle plus tôt et à multiplier ses investissements immobiliers et financiers. La situation financière de la SRI à la sortie de la guerre est plus solide que celle d’autres sociétés immobilières. En 1917, le CA examine les comptes de la Société de la rue de la Bourse, « celle-ci faisant apport de son actif à des conditions à débattre »7, et discute d’un projet d’absorption. Rapidement après la guerre, les investissements de la SRI se dirigent vers l’acquisition d’immeubles par le biais d’absorption de sociétés immobilières.
1.1.3. L’agrandissement du patrimoine immobilier à la Belle Époque
10Avec la révision des statuts en avril 1910, les administrateurs peuvent désormais élargir le champ de leurs opérations immobilières et procéder à un plus grand nombre d’acquisitions et de ventes d’immeubles, parfois dans une recherche de plus-value à court terme. À partir de cette date, disposant de capitaux ils se lancent dans une quête d’achat de nouveaux immeubles. Mais, ils ne s’engagent pas à la légère et envoient systématiquement le directeur se renseigner sur l’état de l’immeuble, son rendement et les possibilités de travaux d’amélioration. Ils suivent aussi les adjudications.8 Les occasions ne manquent pas. Une soixantaine de propositions de vente sont directement adressées à la SRI durant cette période. Elle reçoit également quelques propositions d’achat, se montant à plusieurs millions de francs pour des immeubles comme ceux des nos 45 et 52.9
11Les localisations montrent que la politique d’acquisition ne se résume pas à une simple consolidation des implantations dans la presqu’île. La SRI cherche à se développer sur la rive gauche du Rhône, dans les zones en pleine urbanisation. C’est également le cas à l’occasion des cessions d’immeubles, qui nécessitent de chercher des immeubles en remploi du fruit de la vente. Les immeubles achetés avenue de Saxe en 1904 (voir plus loin) constituent certes une exception, dans la mesure où ils sont les seuls achetés en dehors du périmètre habituel de la SRI, mais il s’agit d’une acquisition importante dont le montant équivaut à la somme de toutes les autres acquisitions réalisées par la SRI sur la période 1890-1920. Par ailleurs, le détail des affaires examinées par le CA montre que le champ d’action de la société s’élargit.
Carte 5. Opérations immobilières réalisées ou projetées entre 1890 et 1919

Note : toutes les opérations ne sont pas représentées car l’adresse exacte n’est pas toujours connue.
12Parmi les acquisitions projetées mais non réalisées, plusieurs se situent sur la rive gauche du Rhône, dont un ensemble de 4 immeubles pour lesquels le CA propose 1,5 MF (no 24-28 rue Lafayette), montant auquel il ne conclut pas l’affaire.10 Comme le montre la Carte 5, les propositions envisagées se situent dans les nouveaux quartiers de la rive gauche et concernent plutôt les terrains ou beaux immeubles des principales artères, relativement proches du Rhône. Elles apparaissent pourtant assez dispersées, sans grande cohérence géographique. La nouveauté ne réside pas seulement dans le fait d’élargir le domaine de la SRI mais également dans l’intérêt porté à des propositions de vente très diverses, sans considération du projet d’origine de la SRI, comme si la logique d’expansion devait se déployer tous azimuts.
Tableau 28. Mouvements du parc immobilier : opportunités et réalisations avant les fusions (1910-1920)
Année | Opportunités d’achats | Achats | Ventes | ||||
Arrondissements | Total | ||||||
1er | 2e | 3e | 6e | ||||
1910 | 0 | 3 | 0 | 1 | 4 | 0 | 0 |
1911 | 1 | 4 | 5 | 1 | 11 | 0 | 0 |
1912 | 0 | 5 | 0 | 2 | 7 | 2 | 0 |
1913 | 0 | 3 | 0 | 0 | 3 | 3 | 0 |
1914-1915 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
1916 | 3 | 1 | 0 | 0 | 4 | 0 | 1 |
1917 | 2 | 4 | 0 | 0 | 6 | 0 | 0 |
1918 | 3 | 4 | 7 | 1 | 16 | 3 | 0 |
1919 | 3 | 4 | 0 | 0 | 7 | 3 | 1 |
1920 | 0 | 8 | 0 | 0 | 8 | 8 | 0 |
Total (nb) | 12 | 36 | 12 | 5 | 66 | 19 | 2 |
Montant (MF) | 7,3 | 6,4 |
13Toutes les opportunités ne débouchent pas sur un achat. Les raisons en sont multiples. Bien souvent le CA fixe un prix d’achat plancher bien inférieur à celui demandé par le vendeur (le prix de vente du no 99 rue de l’Hôtel-de-Ville est fixé à 500 000 F alors qu’il est évalué par le CA à 375 000 F). Les évaluations tiennent compte des rendements souvent jugés trop faibles11 et/ou de l’état de l’immeuble qui pourrait engendrer des frais d’entretien trop importants. Parfois, certains acheteurs surenchérissent sur les prix demandés dépassant le plafond fixé pour l’acquisition d’immeubles jugés par les administrateurs intéressante (sous-évalués) comme le no 79 place des Jacobins (évalué à 320 000 F12).
14Au total, la compagnie n’achète que 19 immeubles sur 66 propositions, situés essentiellement dans le 2e arrondissement. Seuls 2 immeubles dans le 1er arrondissement sont acquis pour revaloriser l’immeuble situé au no 10 de la rue. Pour payer ces acquisitions, les administrateurs utilisent le produit de vente de deux grands immeubles à des banques : le no 19 rue de la République, en 1916, au prix de 1,8 MF vendu au Crédit commercial de France (ex-Banque Aynard) et le no 16 rue de la République, en 1919, à la Banque de France au prix de 4,6 MF. Au moment où la Compagnie s’apprête à intégrer plusieurs sociétés immobilières, le parc immobilier comprend 69 immeubles.
Tableau 29. Parc immobilier de la SRI en 1920 (avant la fusion)
Année | Nb d’immeubles | Surface bâtie |
1858 | 44 | 28 200 |
1872 | 41 | 21 100 |
1910 | 52 | 27 100 |
1920 (avant fusion) | 69 | 32 200 |
15On l’a dit, cette politique d’acquisition n’augmente pas sensiblement l’actif immobilier. Une des raisons en est que les ventes de 1916 et 1919 sont aussi l’occasion de diversifier les placements. La vente en 1904 du no 18 au Crédit lyonnais n’avait donné lieu qu’à des placements provisoires, celle de 1916 ouvre la voie à la constitution d’un portefeuille financier plus conséquent. En 1904, le choix est fait de rembourser une partie de l’emprunt tout en achetant des immeubles, ce qui suscite une discussion au CA : De Prandières et Gros souhaitent que le remploi se fasse à la fois en immeubles et en rachat d’obligations, tandis que Riboud, de Boissieu et Lucien Brun préfèrent la totalité en immeubles.13 Plusieurs immeubles sont envisagés et le choix est fait d’acquérir des immeubles sur la rive gauche du Rhône : 4 immeubles sur l’actuelle avenue Jean Jaurès (alors avenue de Saxe), coûtant 1,2 MF et rapportant 67 300 F (rentabilité brute de 5,3 %). Ce choix renvoie à la rentabilité et au fait qu’il y a peu de travaux à réaliser. Investir aux Brotteaux, en dehors du secteur traditionnel de la SRI, ne semble pas soulever de discussion.14 Riboud en est probablement à l’origine et il transmet par la suite au CA plusieurs propositions pour des immeubles des Brotteaux. Il faut attendre 1912 pour que le reste de la somme soit réinvesti dans des immeubles. La SRI achète alors le no 1 place Bellecour et le no 10 rue d’Amboise (577 000 F)15 qui lui est adjacent, en anticipant le futur percement d’une voie à travers cet îlot. Le percement n’aura finalement pas lieu (voir plus loin), mais l’opération montre que le taux de rendement immédiat n’est pas la seule considération des administrateurs.16 L’acquisition de valeurs mobilières est ici marginale.17
16Il n’en va pas de même avec la vente du no 19 rue de la République en 1916 qui répond à la conjoncture économique et comporte une dimension financière clairement assumée : « Le placement du prix de vente au taux où sont les fonds d’État français et les placements temporaires constitue une amélioration très appréciable du prix de vente. »18 Une partie de la somme est ainsi placée de la façon suivante : 20 000 F en rente française à 5 %, 200 000 F en bons de la ville de Paris à 5,5 %, et 300 000 F en bons de la Défense nationale. Quant à la vente du no 16, elle fait suite aux problèmes de rentabilité du Grand Hôtel et à la demande de la Banque de France désireuse de s’étendre.
1.1.4. Les premières tentatives de fusion
17Dans ce contexte d’expansion, la SRI s’oriente également vers l’absorption de sociétés immobilières. Les tentatives commencent rapidement après la révision des statuts. En plus de l’examen de diverses acquisitions, les administrateurs décident de réactiver un ancien projet de percement d’une rue entre la place Bellecour et la place des Célestins. Cette décision enclenche un processus de croissance par absorption de sociétés immobilières.
18Ce projet présenté par l’architecte de la SRI se situe dans la lignée des reconfigurations du bâti de la presqu’île du xixe siècle. Il reprend un projet mort-né des architectes Bissuel et André qui avaient proposé en mars 1880 de réaliser le percement de deux rues entre la place Bellecour, la place des Célestins et le quai de Saône dans l’optique de
rétablir l’équilibre de la circulation du sud au nord actuellement rompu au bénéfice de la partie orientale de la presqu’île. L’une des rues mettrait le côté Ouest de la place Bellecour en communication avec le quai de Saône. L’autre réunirait ce côté Ouest de la place Bellecour à la rue Mercière, à la rue Centrale et à la rue de l’Hôtel de ville.19
19Les administrateurs voient dans cette ouverture l’occasion de tirer un parti avantageux de l’immeuble qu’ils possèdent au no 2 de la place Bellecour. Ils demandent alors au directeur Benjamin Chomel d’étudier ce projet du point de vue des acquisitions d’immeubles à réaliser, du rendement probable et du prix que la ville consentirait à payer pour les terrains nécessaires à la voirie d’autant que le service de la voirie municipale semble favorable au projet.20 Pour ce projet, ils acquièrent une suite d’immeubles dans cette zone, rue d’Ambroise, no 10 (janvier 1912), no 8 (50 000 F en février 1913). Lorsqu’on leur propose (mai 1912) d’acquérir le no 1 place Bellecour, ils n’hésitent pas. Cette acquisition effective en janvier 1913 ne présente pas, à leurs yeux, un grand risque financier malgré son prix de 483 000 F.21
20Fort des pourparlers bien engagés avec les services de la mairie qui s’annoncent favorables au projet, Chomel présente au CA le coût financier de l’opération.22 Il propose la création d’une société civile dont la SRI aurait une grande partie du capital afin, dit-il, « d’avoir une part prépondérante dans sa direction ». Le CA vote finalement une participation de 300 000 F « afin de se réserver la majorité dans la société à constituer et la possibilité de faire échec au projet si la ville n’offrait pas un prix suffisant du terrain que la SRI aurait à céder ». Chomel entame alors des démarches pour former le capital de la nouvelle société et des pourparlers avec quatre autres sociétés intéressées par le projet dont la Société de la rue de la Bourse (SRB). Méfiants, les administrateurs envisagent d’investir les principales sociétés immobilières lyonnaises par l’achat d’actions leur permettant d’accéder aux assemblées générales.23 Ils décident, dans un premier temps, d’acheter des actions de la SRB24 en nombre suffisant pour permettre de siéger à l’assemblée générale et d’accéder aux documents comptables fournis aux actionnaires par la société. Au cours de l’année 1913, la société civile est constituée sans que nous puissions connaître, faute d’archives, les sociétés participantes hormis la SRI et la SRB. Tout semblait se dérouler sous les meilleurs auspices, mais la guerre arrêta net le projet.
21La même année, la SRI prend des participations dans des sociétés nouvellement créées : la Société civile des constructions salubres de la Guillotière25, créée en novembre 1912, de la Société immobilière de prévoyance26, créée en mars ou de la Société immobilière du quartier des Célestins.27 Les liens tissés au sein de ces sociétés immobilières sont intenses et jettent les bases des projets de fusion qui s’annoncent. La principale est réalisée en 1920 au cours de laquelle la SRI absorbe trois importantes sociétés immobilières.
1.2. Les réseaux des sociétés immobilières lyonnaises
22Pour comprendre ces opérations de fusion, inédite dans le monde des sociétés immobilières lyonnaises, il nous semble nécessaire de revenir sur les conditions qui ont permis sa réalisation, c’est-à-dire d’une part sur les évolutions historiques de ces trois sociétés qui rendent compte des décisions prises par leurs administrateurs et, d’autre part, sur l’étude des actionnaires. À travers ces quelques cas particuliers, on peut également approcher de façon un peu plus approfondie ces très nombreuses sociétés immobilières de taille moyenne ou modeste qui ont représenté des acteurs essentiels de l’urbanisation au xixe siècle, comme l’ont notamment souligné M. Lescure ou P. Cayez. Toutes les transformations urbaines de la Presqu’île sont à l’origine de ces sociétés qu’il s’agisse de la SL créée lors de la démolition de la boucherie des Terreaux (1848), de la SRB pendant le chantier de la rue Impériale ou de la SEIL à la suite des expropriations du quartier Grolée. La logique est celle d’une société par opération d’aménagement, ce qui soulève la question de leur évolution après l’achèvement de la construction. Ces sociétés sont rentières, c’est-à-dire qu’elles ne recherchent pas une plus-value rapide à la revente mais qu’elles misent sur les loyers. À l’instar de la SRI, elles peuvent infléchir leurs modes de gestion avec le temps. Les trois sociétés absorbées par la SRI en 1920 offrent des exemples assez différenciés et typiques de cet univers des sociétés immobilières.
23Les sociétés immobilières sont également liées les unes aux autres. Les mêmes actionnaires sont susceptibles d’investir dans différentes sociétés, formant sinon un réseau du moins un milieu d’interconnaissance forte et d’intérêts imbriqués. La SRI y a dès l’origine un rôle pivot. Elle a notamment été partie prenante dans la constitution de la SRB et de la SEIL.
Schéma 1. Participations croisées de la SRI

1.2.1. La Société de la rue de la Bourse
24Cette société immobilière s’est développée à l’ombre de la SRI qui ira jusqu’à en revendiquer la paternité : « La rue de la Bourse émane de la rue Impériale. C’est nous qui avons vendu les 13 masses de terrain sur lesquelles elle est bâtie. » Comme nous l’avons vu précédemment, cette société d’entrepreneurs avait été créée pour construire puis revendre des immeubles sur des terrains vendus par la SRI. En effet, en 1855, la SRI achète à la ville de Lyon les terrains pour l’ouverture de la rue de la Bourse mais, en raison des travaux en cours dans la rue Impériale, elle préfère se désengager de l’opération et vendre les terrains à une société qui s’en chargerait. En 1858, 57 entrepreneurs et un architecte, Echenier, constituent en février une société commerciale à participation, Guigue & Cie qui prend la dénomination de Société de la rue de la Bourse et achètent les terrains. La gérance en est confiée à Guigue, entrepreneur de serrurerie. La société émet un emprunt hypothécaire pour payer une partie du montant des travaux.28
25Une fois les 13 immeubles construits, les entrepreneurs ne les vendent pas mais créent une société en commandite par action, en août 1859, au capital de 693 500 F (1 387 actions de 500 F). Sa raison sociale demeure identique, Guigue et Cie, avec comme dénomination usuelle Société de la rue de la Bourse.29 Ce capital représente 60 % de la valeur des travaux (matériaux et main-d’oeuvre) apportés par les associés comme mise de fonds (art. 5).30 Lors de cette création, la société émit de nouveau des obligations d’un montant de 764 000 F (1 528 obligations de 500 F remboursables sur 34 ans) destinées à rembourser l’emprunt.31 Rapidement la gérance de la société est confiée à Alexandre Baudesson32 qui en modifie la raison en Baudesson & Cie vers 1863. Durant cette gérance (1862-1882), la société, empêtrée dans ses remboursements en raison notamment de la suppression de l’exemption fiscale33, emprunte 1,2 MF, principalement à la SRI pour payer les obligataires.34 Non seulement les affectations hypothécaires sont garanties par les 13 immeubles de la rue de la Bourse, mais le paiement des intérêts (5 %) est pris directement sur les loyers.35
26De la sorte, la SRI contrôle de fait la société de la rue de la Bourse. La prise de contrôle de la société par Maurice Piaton en 188236, devenue Piaton et Cie, modifie radicalement cet état. À cette date, la SRI possède une créance de 680 000 F. Le nouveau gérant désendette la société auprès de la Société de la rue Impériale (555 000 F)37, en procédant à une augmentation de capital en 1890.38 Le nouveau capital social, 1,5 MF, correspond peu ou prou à la valeur des immobilisations immobilières.39
27Durant toute cette période, l’actionnariat change progressivement. Les entrepreneurs, probablement les petits, n’ayant pas de fonds de roulement suffisants, vendent leurs actions au moment où le cours s’effondre.40 Les rentiers qui vont s’en saisir réalisent une forte plus-value. Lors de l’augmentation de capital, de nouveaux actionnaires (à plus de 60 % des rentiers, propriétaires et notaires), n’hésitent pas à investir dans une société qu’ils jugent probablement sous-évaluée. En effet, le cours de l’action a plus que doublé entre 1868 et 1891 passant de 400 F à 865 F et le taux de rendement retrouve, après 1890, un taux élevé (4,6 %).41
Graphique 16. Cours moyen de l’action et taux de rentabilité entre 1859 et 1891 (SRB)

28Lors de l’augmentation de capital en 1890, le conseil de surveillance est renouvelé hormis Farnoux qui conserve la présidence. De nouveaux actionnaires apparaissent, comme Finaz (rentier), Javel (rentier), Léotard (doyen de la faculté catholique de Lyon) et Messimy (ancien notaire). La société ne contracte plus d’emprunt hypothécaire jusqu’en janvier 1914, date à laquelle, elle souscrit un emprunt de 167 500 F pour l’achat d’un immeuble situé au no 19 rue Gentil. À la suite de la mort de Maurice Piaton en 1917, la société est cogérée par René Piaton, son fils et Georges Martin, son gendre.42 Ce sont eux qui procéderont à la fusion avec la SRI ; à cette date elle est estimée à 3 MF (3 000 actions de 500 F) dont 2,780 MF pour les immeubles sans aucune inscription hypothécaire.43
1.2.2. La Société d’entreprise immobilière de Lyon SA (SEIL) anciennement SA Immobilière de Saint-Bonaventure
29L’origine de la SEIL se situe dans la période de la vaste opération immobilière du quartier Grolée. La Société anonyme de Saint-Bonaventure est créée en 1889 à la suite des expropriations qu’ont subies certains de ces fondateurs. En effet, la Fabrique de Saint-Bonaventure, qui possède de nombreuses échoppes autour de l’église et le presbytère, est expropriée ainsi que de nombreux autres dont la SRI. Cette SA au capital de 200 000 F comprend 10 actionnaires, dont 4 sont des expropriés, qui détiennent les 400 actions.44 Les ecclésiastiques de la paroisse Saint-Bonaventure, détenteurs de la moitié des actions, ont constitué cette société à l’aide de trois négociants, d’un industriel de produits chimiques et du directeur de la SRI, Benjamin Chomel. Ce sont ces derniers qui administreront la société. Pour faire face aux nombreux projets de construction d’immeubles de rapport, la société augmente régulièrement son capital : 1 MF en 1898, 1,5 MF en 1900. Dans un premier temps, elle édifie un immeuble sur le quai de l’Hôpital puis achète des terrains rue de la Charité, à la Croix-Rousse et boulevard des Belges pour y construire des immeubles de rapports. Les coûts d’acquisition des terrains et de construction obligent la société à recourir aux emprunts hypothécaires. Ils sont souscrits auprès de particuliers dans un premier temps (1900, 1902) puis, auprès de la société de Crédit à l’Épargne (1912). Ce dernier crédit est proposé par Benjamin Chomel lors d’un conseil d’administration précédant la demande. Le poids de la dette a probablement été un facteur décisif dans le projet de fusion avec la SRI. En 1919, lors de la fusion avec la SRI, la dette (hypothécaire et obligataire) s’élevait à près de 50 % des actifs (immeubles et portefeuille). L’actif immobilier se compose lors de la fusion de 9 immeubles, rue de la Charité (nos 4, 6, 8, 10), boulevard des Belges (no 87), boulevard du Lycée (nos 16 et18), no 97 boulevard de la Croix-Rousse et no 8 rue Tabareau représentant une valeur de 2,6 MF.
30La société est d’abord administrée par un rentier, Léon Belissen, puis très rapidement, vers le milieu des années 1890, par l’industriel Jean Coignet45, qui en prend la direction et la conserve jusqu’à la fusion.
1.2.3. La Société civile de placement de fonds dite la Sécurité lyonnaise
31Cette société est probablement l’une des plus anciennes sociétés immobilières lyonnaises créée lors des transformations du quartier des Terreaux. Maître d’œuvre, la municipalité rachète, dans un premier temps, puis rase les bâtiments de la boucherie qui appartenait aux Hospices, et dans un second temps, revend le terrain nu par parcelle. C’est dans ce contexte que se constitue en 1844, cette société créée par quatre négociants lyonnais et un propriétaire. Le capital initial de 2,250 MF (4 500 actions de 500 F) augmenté en 1848 de 350 000 F, leur permet de s’adjuger les terrains (1 895 m2) et de construire un îlot de 4 immeubles (no 1 quai de la Pêcherie, no 2 rue d’Oran, no 2 rue d’Algérie, no 1 rue Constantine). Les coûts de construction les obligent à procéder à une augmentation de capital de 350 000 F en 1848. Dès le début de l’année 1849, les travaux de construction sont terminés. La stabilité des recettes va permettre la distribution de dividendes offrant une rentabilité constante sur toute la période : 3 % au cours des premières années (1849-1852) puis 4 % jusqu’en 1919. Cette stabilité répond à la philosophie initiale des fondateurs qui ont voulu faire de leur société un placement immobilier et non spéculatif.46 L’évolution du capital social correspond à une gestion de rentier qui vise à assurer des revenus fixes quels que soient les investissements et la conjoncture. Le coût du premier immeuble (terrain et construction) de 2,30 MF est rentabilisé dès 1872, soit 24 ans. À partir de là, le président souhaite borner le fonds de réserve et distribuer des dividendes plus importants mais les actionnaires s’y opposent. Ce n’est qu’en 1878, qu’ils décident de modifier les statuts de la société pour élargir leur champ d’action.
[…] notre société aurait un intérêt considérable à élargir le cadre de ses opérations et à constituer une affaire plus importante par l’achat où l’apport à la société d’un certain nombre d’immeubles de 1re classe situés dans les différents quartiers de notre ville. Il est en effet hors de doute que le fonds social réparti sur un plus grand nombre d’immeubles présenterait une sécurité plus grande et des revenus meilleurs.
32Considérations préliminaires à l’achat, l’année suivante (1879), d’un immeuble no 1 quai de Retz47, dans une perspective de rendement plus que de recherche de plus-value.
Tableau 30. Structure du capital de la Sécurité lyonnaise en 1851, 1879, 1893 et 1918 (en milliers de F)
Année | Actif dont : | Passif dont : | Bénéfices nets cumulés | |||
Total | Immobilier | Portefeuille | Capital social | Réserves | ||
1 851 | 2 556 | 2 556 | 0 | 2 556 | 0 | 230 |
1 879 | 4 442 | 4 076 | 223 | 3 995 | 352 | 3 212 |
1 893 | 6 829 | 6 176 | 444 | 5 695 | 956 | 6 150 |
1 918 | 7 859 | 6 176 | 1 683 | 5 695 | 1 923 | 12 817 |
Note : Coûts de construction et terrains = 2,3 MF (1848)
33Cette acquisition opérée par une augmentation de capital et en échange de 3 388 actions nouvelles est recouverte en un peu plus de 8 années. Les inquiétudes liées aux projets d’urbanisme, qui pourraient nuire aux revenus locatifs, incitent les administrateurs à rechercher une diversification de leurs investissements. Ils achètent, en 1886, un immeuble à Genève de 400 000 F qu’ils remboursent en 2 ans.48 Contrairement aux acquisitions précédentes, ils attendent quelques années avant de se lancer dans un autre investissement. Les préoccupations concernant la situation du marché locatif49 les incitent à saisir, en 1893, l’opportunité de l’achat d’un grand hôtel à Marseille, l’Hôtel du Louvre et de la Paix50, dans le secteur des nouveaux aménagements urbains réalisés par la Société des Ports puis par la Cie immobilière (CI) des frères Pereire dans les années 1850-1860. La distribution de 3 400 actions nouvelles pour cet apport porte le capital social à 5,69 MF (11 900 actions de 500 F). En 6 ans, cet apport est amorti. La baisse de revenus locatifs incite les administrateurs, d’une part, à s’appuyer sur l’accroissement des réserves pour se garantir « des crises immobilières qui menacent la ville »51 et d’autre part, à rechercher des opportunités d’investissement. Ils étudient les offres qui lui sont faites ou les occasions qui se présentent à Lyon voire à Marseille ou à Genève en recherchant un taux de capitalisation de 4 à 4,5 %.
Graphique 17. Revenus locatifs nets et portefeuille de la Sécurité lyonnaise (1851-1918)

34À partir de 1901, les taxes de remplacement de l’octroi et les nouvelles charges fiscales auxquelles sont soumises les sociétés civiles affectent leurs revenus de 3 à 7 % par an.
L’abaissement continu signalé depuis l’application en 1901, des impôts de remplacement des taxes d’octroi, au prix des loyers, influence toujours très défavorablement les revenus de la propriété immobilière urbaine. Une prospérité très générale pouvait seule panser cette blessure mais c’est presque le contraire qui se produit, car la discussion des prix de location nous montre que l’économie la plus stricte s’impose à tous ceux pour qui le prix de logement est un facteur important des dépenses de l’existence. De plus en plus, en fin de bail ou aux échéances de dédites, les locataires reprennent leur liberté pour chercher un logement inférieur au prix de celui qu’ils quittent ne pouvant accepter les répercussions nouvelles de l’impôt élevé sur l’habitation.52
35Dans ces conditions, les locataires rechignent à prendre des baux longs, « le bail de 9 ans devient presque une exception » ce qui engendre une rotation plus importante des locataires et une plus grande vacance des logements. Avec la mobilisation et le moratoire sur les bas loyers instauré en 1914, le phénomène s’accentue fortement d’autant que la structure du parc locatif de la Sécurité lyonnaise se compose de nombreux petits appartements comme ceux de l’îlot du quai de la Pêcherie.53
36Jusqu’à présent, les réserves servaient d’amortisseurs54 des fluctuations des recettes. Le conseil d’administration attribuait des dividendes pratiquement fixes sur le long terme. La différence était mise en réserve dans lesquelles il puisait lorsque les recettes chutaient. La constante baisse des recettes depuis la création des taxes de remplacement de l’octroi incite les administrateurs à chercher d’autres solutions. La cote d’alerte est donnée à partir du moment où le montant des réserves ne suffit plus à jouer le rôle d’amortisseur. « Il est aujourd’hui honnêtement utile de sonder la profondeur de la brèche faite à la Réserve pendant ces 15 dernières années successives de faible rendement […]. »55 Les administrateurs avertissent qu’ils pourraient distribuer des dividendes plus faibles si le fléchissement des revenus immobiliers devait se poursuivre. Finalement, ils saisissent l’occasion de l’augmentation du capital de la SRI pour fusionner en novembre 1919.
37La gestion du portefeuille constitue une autre caractéristique de la SL. En effet, parallèlement à la gestion du parc immobilier, les administrateurs constituent un portefeuille dont les revenus croissent régulièrement.56 La composition du portefeuille dénote d’ailleurs une certaine volonté de protection du capital de la SL en rachetant les actions en vente. Ainsi, en 1868, le portefeuille est constitué à 81 % par des actions SL et à 19 % par des obligations soit d’entreprises immobilières comme celle de la Société de la rue Impériale57, soit de Compagnies de chemin de fer.58 Néanmoins, la progression du montant de ce portefeuille n’est pas linéaire. Constant jusqu’en 1885 avec un accroissement important au début des années 1880, il fléchit en raison de l’achat de l’immeuble de Genève puis, quelques années plus tard, il repart à la hausse de manière croissante jusqu’à la fusion. La fluctuation des intérêts, variant de 3 % à 16 %, démontre une recherche de meilleurs rendements, délaissant certains titres au profit d’autres plus rémunérateurs.
38Le mouvement des titres et obligations composant le portefeuille montre qu’il existe deux gestions propres, l’une concernant la gestion de l’immobilier locatif et l’autre la gestion du portefeuille, faisant de la Sécurité lyonnaise une société à la fois immobilière et financière. La question de la fusion s’est opérée par l’intermédiaire de deux administrateurs actionnaires de la SRI : Victor Bizot et Fernand Saint Olive59. C’est ce dernier qui mène les négociations, présente la situation financière de la SRI et informe des projets en cours en insistant sur la perception très favorable du milieu financier sur ces fusions.
39On le voit, des logiques diverses poussent à la fusion. Elles ne se réduisent pas aux velléités de croissance de la SRI mais renvoient également aux difficultés financières des sociétés concernées (même si les trois sont dans des situations différentes), ainsi qu’aux intérêts des actionnaires (et à leur perception de la sécurité apportée par une société de grande taille). L’interconnaissance entre les administrateurs et les liens historiques entre la SRI et les sociétés qu’elle absorbe sont sans doute également déterminants dans ces rapprochements.
1.3. La fusion-absorption de 1920
1.3.1. Le montage des fusions
40La guerre suspend tous les projets en cours. Il faut attendre juin 1917 pour voir apparaître dans les discussions au sein du conseil d’administration le projet d’absorption de la Société de la rue de la Bourse. Le président présente aux administrateurs le bilan et la situation financière de la SRB et expose les conditions de fusion, notamment l’apport de son actif immobilier. Des négociations s’engagent alors avec la SRB qui, dans un premier temps, refuse de faire apport de ses réserves. Face à ce refus, le CA cherche un compromis et propose à la SRB de conserver ses réserves en contrepartie de l’apport de l’immeuble de la rue Gentil. Cette proposition est acceptée. Si le montant financier est âprement discuté au CA, la décision de fusion n’est pas pour autant suspendue au résultat de cette négociation. L’élément déclencheur est l’analyse de la situation financière de la SRI qui va provoquer une accélération du projet.
41En effet, en mai 1919, lors des préparatifs de l’AG, le président souligne que les dividendes distribués pour l’exercice 1918 sont trop élevés par rapport à la valeur nominale de l’action (12,8 % !).60 Il souhaiterait une augmentation de capital par l’emploi des réserves d’amortissements évaluées à 14,3 MF. Plusieurs scénarios sont alors étudiés. Tous s’accordent à doubler le capital (+ 45 000 actions) qui serait payé par un prélèvement de 11,25 MF sur les réserves. Le montant restant, environ 3 MF, pourrait servir à l’absorption de sociétés immobilières comme la SRB.61 L’opération ne peut se réaliser sans une modification des statuts (ceux-ci n’ayant pas prévu la distribution de tout ou partie des réserves par l’attribution d’actions). Au cours du montage financier, une nouvelle fusion avec une autre société immobilière, la Société d’entreprise immobilière de Lyon (SEIL) est envisagée en mai. Bissuel, l’architecte de la SRI, chargé d’évaluer les immeubles, dresse un bilan très favorable sur l’état des constructions évaluées à 3 MF.62 Les administrateurs estiment
[…] que le paiement d’une telle somme mettrait la SRI, pour un certain temps, hors d’état de profiter des occasions favorables d’acquisitions qui pourraient se présenter. Il [le CA] préfère absorber la SEIL moyennant attribution d’actions d’apport, ce qui présenterait aussi un avantage fiscal. Le président propose la fusion sur les bases suivantes : la SEIL apporte à la SRI tout son actif, à charge de tout passif, et recevra en contrepartie 3 000 actions nouvelles de la SRI.63
42Le président du conseil d’administration de la SEIL ainsi que le gérant de la SRB acceptent les conditions de la fusion. Au moment où l’ensemble du projet s’apprête à être finalisé, une autre société immobilière, la Société civile de placement de fonds dite la Sécurité lyonnaise (SL) s’invite dans les négociations. Toutefois, les prétentions des administrateurs de la SL de vouloir conserver leur portefeuille irritent ceux de la SRI qui leur opposent un projet de fusion non négociable à savoir : 12 000 actions de la SRI en échange de ses immeubles plus la somme de 1,5 MF sur son portefeuille.64 En octobre, à l’issue de longues négociations avec les trois sociétés immobilières, la SRI est en mesure de proposer un projet de fusion aux actionnaires lors des prochaines AG ordinaire et extraordinaire prévues en novembre.
1.3.2. La fusion
43Le montage initial consiste en une augmentation de capital de 16,5 MF par la création de 66 000 actions de 250 F correspondant aux apports des trois sociétés (21 000 actions) plus la création de 45 000 actions nouvelles payées par le fonds de réserve et distribuées aux actionnaires à raison d’une action nouvelle par action.65
Tableau 31. Montage financier de la fusion-absorption de 1920
Sociétés | Actions (nb) | Action (valeur) | Capital (F) | Primea (F) | Complément (F) |
SRI (avant fusion) | 45 000 | 250 | 11 250 000 | ||
Apports – SEIL | 3 000 | 250 | 750 000 | 750 000 | Dette 1,30 MF |
Apports – SL | 12 000 | 250 | 3 000 000 | 3 000 000 | Espèces 0,78 MF |
Apports – SRB | 6 000 | 250 | 1 500 000 | 1 500 000 | Espèces 0,22 MF |
SRI (nouvelles créations) | 45 000 | 250 | 11 250 000 | ||
SRI (après fusion) | 111 000 | 250 | 27 750 000 | ||
a. Prime de 250 F par action. |
44Le fonds de réserve (ou fonds d’amortissement) régulièrement augmenté par le rachat des obligations par la SRI dépasse 14 MF en 1919 et a permis de réaliser la fusion sans que les actionnaires ne soient sollicités financièrement en prélevant 11,25 MF. Par cette opération, les anciens actionnaires de la SRI contrôlent toujours la société avec 81 % des actions. L’apport en capital provenant des trois sociétés inclut leur portefeuille en sus de l’immobilier. Il est donc avantageux pour la SRI.
45Revenons quelques instants sur les clauses de la fusion.66 La Société de la rue de la Bourse (SRB), société en commandite par actions au capital de 1,50 MF divisé en 3 000 actions de 500 F, possède l’îlot de la rue de la Bourse (13 immeubles) d’une valeur estimée à 2,78 MF générant un revenu brut de 196 000 F (7 %). Outre ces immeubles, elle verse une somme complémentaire de 220 000 F en espèces, ce qui porte l’apport à 3 MF. La société d’Entreprise immobilière de Lyon est de taille semblable mais fortement endettée. Cette société anonyme au capital de 1,50 MF détient 9 immeubles à Lyon d’une valeur de 2,60 MF auquel s’ajoute 0,20 MF de réalisable et avec une dette de 1,30 MF. Enfin, le capital immobilier de la Société civile de placement de fonds dite la Sécurité lyonnaise (SL) se compose à Lyon d’un l’îlot dit « la Boucherie des Terreaux » (3 MF), d’un immeuble place Tolozan et d’un autre à Marseille (1,70 MF) soit 4,70 MF (revenu brut de 4,7 %) auquel s’ajoute un portefeuille de 2 MF. En sus de ces 12 000 actions, la SRI lui verse en espèce 0,78 MF67.
46Pour compenser les écarts entre la valeur estimée de l’immobilier et le montant versé sous forme d’actions, la SRI verse une prime de 250 F par action. L’AG extraordinaire qui entérine ces fusions modifie substantiellement les statuts.68 L’espace d’intervention de la société est étendu au-delà des frontières (art. 4) et elle se dote d’un fonds de réserve extraordinaire pour supporter des dépenses extraordinaires, pour acquérir ou construire de nouveaux immeubles ou encore pour faire des amortissements exceptionnels (art. 26). Les conséquences de ces fusions sont multiples. L’actionnariat évolue, même si le montage est conçu pour que les anciens actionnaires restent prédominants. 60 % des actions SRI sont créées après la fusion. L’augmentation du nombre de titres potentiellement remis sur le marché est un facteur de fragilisation de la position des actionnaires traditionnels.
47La croissance de l’actif de la SRI est également une conséquence importante de la fusion. En effet, en une dizaine d’années, la SRI double le nombre de ses immeubles et augmente d’un tiers la surface bâtie.
Tableau 32. Parc immobilier de la SRI en 1920 (avant et après la fusion)69
Année | Immeubles (nb) | Surface bâtie (m2) |
1910 | 52 | 27 100 |
1920 (avant fusion) | 69 | 32 200 |
1920 (après fusion) | 98 | 43 300 |
48Les fusions de 1920 conduisent à une diversification du parc immobilier de la SRI. Tout d’abord, elle intègre les immeubles de la rue de la Bourse qui viennent compléter leur propriété autour de la rue de la République. D’autre part, elle incorpore des immeubles situés en dehors de sa zone géographique initiale (Terreaux-Bellecour) comme ceux de la rue de la Charité, sur le plateau de la Croix-Rousse et sur la rive gauche du Rhône, dans le quartier des Brotteaux. Enfin, la SRI s’étend au-delà de la ville par l’acquisition d’un hôtel somptueux en plein centre de Marseille. L’autre conséquence de la fusion concerne l’entrée au sein du CA de la SRI de trois nouveaux administrateurs correspondant à ces trois sociétés : Jean Coignet (industriel, président de la Chambre de commerce de Lyon) pour la SEIL, Georges Martin (gérant de la Société lyonnaise immobilière70) pour la SRB et le banquier Fernand Saint Olive pour la SL (voir chapitre 6). Ce nouveau CA continue la politique d’expansion.
Carte 6. Parc immobilier de la SRI après les fusions de 1920

Source : Le fond de carte a été réalisé par Véronique Martinez (voir B. Gauthiez, L’immeuble lyonnais au xixe siècle. La production immobilière, ses conditions et ses conséquences urbaines et architecturales, Lyon, MRASH, 1996).
49Enfin, les fusions ont pour conséquence d’étoffer le portefeuille de participations de la SRI. Lors de l’acquisition du portefeuille de la SL, la SRI devient actionnaire (400 actions) d’une importante société immobilière, la Société immobilière marseillaise (SIM), forte de plus de 600 immeubles situés à Marseille. Même si la prise de participation demeure marginale (0,5 % du capital), elle fait entrer la SRI dans le capital d’une société sœur, constituée lors des grandes percées des années 1850 avec la création de la rue de la République entre les quartiers nord et le nouveau port de la Joliette.71 C’est également le cas avec une autre société lyonnaise, la Société immobilière lyonnaise (SIL). En 1924, un des anciens actionnaires de la SRB, Georges Martin, propose une prise de participation au capital de la SIL, société en commandite par actions qu’il avait créée parallèlement à la SRB en mars 1895 et dont il est le gérant.72 Déjà, lors des augmentations de capital en 1896 et 1899, des actionnaires de la SRI y avaient souscrit des actions (Balmont et Tavernier). En mars 1924, lorsqu’elle décide une troisième augmentation de capital, la SRI disposant de fonds conséquents n’hésite pas à souscrire à hauteur de 500 000 F (1 000 actions) au nouveau capital. Elle réitère ce geste en 1931, rachetant 240 actions mises en vente par la banque Veuve Guérin.73 La SIL possède à cette date un ensemble d’immeubles situés sur la rive gauche dans le quartier de la Préfecture et place Jean-Macé.74 Là aussi, leur participation est faible et ne dépasse pas les 4 % du capital (15,7 MF en 1942) mais, contrairement à la SIM, quatre membres de la SRI siègent dans les instances dirigeantes : deux sont gérants (André Piaton et Henri Martin) et deux sont membres du conseil de surveillance (Alfred Finaz et Canat de Chizy). À la mort d’Emmanuel Lucien-Brun en janvier 1942, c’est André Piaton qui, officiellement en raison de ces compétences en matière immobilière, prend la présidence du conseil d’administration de la SRI. À partir de cette date et ce jusqu’en 1956, la direction des deux SA est aux mains d’une seule et même personne. Ce qui expliquerait pourquoi il n’y a pas eu de volonté d’augmenter davantage leur participation ou seulement de manière marginale, comme en 1951 où ils acquièrent 300 actions lors d’une énième augmentation de capital portant leur participation à 5 % du capital.75
1.4. Vers de nouvelles formes de participation
50La prise de participation dans le cadre d’un projet d’aménagement représente une troisième forme d’expansion, concomitante des fusions absorptions et des prises de participation dans des sociétés anciennes. En 1921, la SRI décide d’entrer au capital de la Société pour l’industrie dans la région lyonnaise (SIRL). Constituée en février 1917, elle a pour but l’ouverture du boulevard des États-Unis, entre le cimetière de la Guillotière et la gare de Vénissieux, loin des terrains d’opération habituels de la SRI. Au début des années 1920, la SIRL a déjà réalisé la presque totalité des achats et commence la revente. Il lui reste à vendre 50 hectares et elle entend participer, dans une certaine mesure, à la création du boulevard sur le territoire de Vénissieux.76 Elle procède au doublement de son capital (1,3 MF en actions) ainsi qu’à l’émission de 1,2 MF en obligations. Elle sollicite la SRI pour l’acquisition de 300 000 F en actions et 200 000 F en obligations, et demande la domiciliation dans ses locaux contre une allocation fixe, plus 5 % des bénéfices tirés des terrains et 10 % des bénéfices tirés de la liquidation des actions. Le CA craint les risques et les délais de l’opération : « Comme toute affaire de terrains, l’opération projetée comporte des aléas » écrit Georges Martin au CA. La SRI souscrit toutefois à l’émission d’actions et accepte la domiciliation : le personnel de la SRI est chargé de la gestion de la SIRL. Georges Martin, Gabriel Gros (président de la SRI) et Benjamin Chomel (directeur) entrent au CA de la SIRL.77 Il semble que l’affaire soit passée par l’intermédiaire de Georges Martin, même si le CA ne le mentionne pas explicitement. Il est en revanche notable que Jean Coignet, dont l’usine de produits chimiques se trouve au débouché sud du futur boulevard n’y entre pas.
51La redevance pour la domiciliation est fixée 20 000 F en 1921, 12 000 F les années suivantes. En 1922, La SIRL délègue tous les pouvoirs à la SRI (acquisitions de terrains et immeubles, toutes opérations immobilières, gérer et administrer tous immeubles, dépôts et retrait dans les banques, signature de chèques). Hugues Canat de Chizy, directeur de la SRI depuis 1921, devient président de la SIRL en 1940. Les résultats tardent à se montrer probants, les ventes de terrain ne se réalisant réellement que dans les années 1940.78 La SIRL change de siège social en 1959 et refond ses statuts dans le but de conserver les terrains et « d’intéresser la société à l’expansion industrielle de la ville ».79 Néanmoins, les terrains concernés font l’objet de plusieurs convoitises et la SRI cède ses actions en 1960 à des conditions qui paraissent très avantageuses au membre du CA. À la suite de cette cession, le président et le directeur général de la SIRL rejoignent le CA de la SRI (voir plus loin, les administrateurs).80 L’épisode s’étend donc sur une période de 40 ans, comportant de longues années de mise en sommeil, et étonne car la SRI agit ici loin de son territoire habituel. On peut l’interpréter comme le fait que l’entrée de deux industriels au CA, Georges Martin et Jean Coignet, élargit les réseaux de la SRI et donc les sollicitations qui lui sont faites. Néanmoins, la SRI ne contribue pas à d’autres projets d’aménagement jusqu’au début des années 1950.
52Elle renoue en revanche avec les fusions absorptions dans une période où elle dispose de fonds abondants mais trouve moins de possibilités d’acquérir de nouveaux immeubles dans un marché immobilier peu porteur. Aussi, lorsqu’en janvier 1930, les administrateurs reçoivent une proposition d’achat d’actions d’une société propriétaire d’immeubles, la Société civile des immeubles Brossette (SCIB), ils étudient la question sérieusement et mandatent le directeur et l’architecte pour établir un bilan du parc immobilier.81 Créée en 1920, la SCIB est une filiale d’une société commerciale de produits industriels, la société Brossette et Fils82 dont le siège se situe au no 49 rue de la rue de la République. L’essentiel de ses recettes provient des loyers versés par cette société via deux régies d’immeubles : la régie Guillermain à Lyon et la Société foncière méridionale à Marseille. Progressivement, la part versée par la société mère diminue (95 % du montant perçu entre 1920 et 1925, 50 % en 1927).
53Son parc se compose de quatre groupes d’immeubles – 3 à Lyon (2 sur la rive gauche du Rhône et un quai d’Herbouville) et un à Marseille (groupe de 7 immeubles contigus, rue de la Joliette et rue Vincent Leblanc). Au vu de la bonne qualité des constructions, la SRI propose d’acquérir la totalité des actions que la SCIB est prête à céder. La cession s’opère en juin 1930 au prix de 3,8 MF83 (1 770 actions à 2 200 F). Les administrateurs nomment Canat de Chizy comme administrateur unique et représentant de la SRI. La SCIB installe alors son siège dans les locaux du siège social de la SRI et verse, pour cet hébergement, une indemnité annuelle de 12 000 F. La SRI conserve en l’état la SCIB avec une comptabilité propre et laisse l’administration des immeubles marseillais à la Société foncière méridionale. Le schéma est donc un peu différent de celui de la fusion de 1920. Il est vrai que la SCIB ne partageait pas avec la SRI la même histoire et la même proximité que les trois sociétés absorbées alors.
54La gestion directe par la SRI apporte de notables changements. Tout d’abord, la mise en commun des services diminue les frais généraux qui chutent dès 1931, même si l’entretien de certains immeubles va grever ce poste budgétaire en 1939-1940, entraînant la vente de l’immeuble du no 15 cours Aristide Briand en 1940.84 D’autre part, la constitution d’un portefeuille, la forte augmentation du fonds de réserve (62 900 F en 1930, 406 200 F en 1931) et l’amélioration de la rentabilité de l’action constituent les autres modifications dans la gestion de cette société. Assez logiquement, la SCIB procède à une augmentation de capital en décembre 1944 pour réactualiser l’actif de la société.85
Graphique 18. Rendement des actions SCIB et SRI (1921-1943)

55Les bénéfices générés consolident les résultats de la SRI, même s’ils ne représentent que 4 % de ses revenus entre 1930 et 1947.
56Parallèlement à ces prises de participation, la SRI reçoit de plus en plus de sollicitations pour entrer dans le capital de sociétés immobilières. Elle y répondra peu.86 Ainsi, lorsque la Compagnie immobilière du 1er arrondissement, créée en 1897 et dont la SRI possède déjà une centaine d’actions, propose de vendre la moitié de ces actions, les administrateurs déclinent l’offre, l’estimant « sans intérêt à cause du faible rendement des [19] immeubles. […] Le seul intérêt serait une fusion de cette société qui augmenterait le compte immeuble en remploi du bénéfice de la vente de l’hôtel sur la Canebière ».87 Suite à de nouvelles sollicitations et après études, il considère que la fusion n’est fiscalement pas avantageuse.88
57En 1936, la SRI a étendu son emprise. Elle est présente, à des degrés distincts, dans le capital de sept sociétés immobilières et de deux associations professionnelles de propriétaires pour un montant total d’environ 5 MF.
Schéma 2. Participations de la SRI en 193689

58Certaines de ces prises de participation sont éphémères et très vite les administrateurs se désengagent des petites sociétés immobilières comme celle du Briançonnais90 pour se recentrer sur les principales sociétés (Brossette, Marseillaise et Martin). Face aux dégradations constantes de ses immeubles, la SCIB est dissoute et les immeubles vendus par lots après la Seconde Guerre mondiale. La SCIB disparaît d’un point de vue comptable en 1953, année de sa sortie du portefeuille. Elle est remplacée par la Compagnie algérienne (Cie coloniale foncière)91 pour un montant équivalent.
59Parallèlement, la SRI consent des prêts à des sociétés immobilières. Tout d’abord, en 1928, elle accorde un prêt immobilier pour l’accession à la propriété à une société coopérative d’HBM des employés de la société anonyme Omnibus et tramways de Lyon (OTL).92 Puis, en 1932, elle consent un prêt de 0,8 MF à la Société immobilière lyonnaise moyennant une hypothèque sur leur terrain de 3 300 m2 situé rue de Marseille / rue de l’Université, loué aux Automobiles Citroën.93 De nouveau sollicité en 1933 pour un prêt hypothécaire d’un million au taux de 6,5 % pour les immeubles du Spendid Hôtel à Marseille et du Golf Club à Hyères, le CA se désiste, considérant la crise hôtelière dans le Midi et les risques de mécomptes.94 La politique des administrateurs reste donc très prudente et les projets de fusion avec d’autres sociétés immobilières sont examinés avec attention. Ainsi, lorsqu’en 1948, elle reçoit une proposition de fusion avec la Société des immeubles de Saint-Étienne et de Lyon qui possède plusieurs immeubles à Saint-Étienne, le CA rejette l’offre qu’il juge peu intéressante pour la SRI.95
60De par sa position dominante dans le secteur de l’immobilier, la SRI est constamment sollicitée pour d’innombrables opérations et ses sièges aux conseils d’administration de la chambre syndicale des propriétés immobilière de la ville de Lyon depuis 1898 et du Syndicat des sociétés immobilières françaises à partir de 1938 démontrent son ancrage au sein de ce secteur.96 L’évolution de la part des sociétés immobilières dans le portefeuille montre tout l’intérêt que le CA accorde à ces sociétés. Ainsi, en 1918, les valeurs de sociétés immobilières ne représentaient que 9 % du montant total des valeurs. Ce montant va croissant : 17 % en 1922, 51 % en 1930, 53 % en 1936 et 87 % en 1947 pour s’effondrer 10 ans plus tard, 20 % en 1957.97 Ces fluctuations traduisent un net changement qui n’était pas visible à la lecture des seules acquisitions d’immeubles et préfigurent une orientation future tournée vers d’autres types de placements.
2. Croître en investissant dans la pierre
2.1. Politique d’acquisition d’immeubles : pas de plan d’ensemble mais un opportunisme raisonné
2.1.1. Acquisitions et choix d’investissement : approche précautionneuse guidée par le rendement
61L’absorption de sociétés immobilières constitue la partie la plus visible de la croissance de la SRI. En dehors de ces opérations d’envergure, les administrateurs vont poursuivre leur politique d’acquisition d’immeubles entamée à la Belle Époque. Toujours à la recherche du meilleur placement, ils étudient au cas par cas les opportunités qui se présentent.
62Entre 1921 et 1964, pas moins de 208 offres d’achats d’immeubles (187) ou de terrains (21) sont proposées au CA. La chronologie des offres laisse apparaître trois périodes d’intense activité (71 % des offres) : celle de l’immédiat après-guerre (1921-1923), les années de (pré)crises (1928-1934) et la Seconde Guerre mondiale / après-guerre (1943-1947).
Graphique 19. Offres d’achat d’immeubles et de terrains proposées à la SRI (1921-1962)

63Après 1947, la SRI n’est plus sollicitée hormis quelques propositions en 1953 et au début des années 1960. Parmi ces offres, celles concernant les terrains demeurent particulières car elles induisent une politique de promotion immobilière. En effet, les terrains sont acquis en vue de constructions futures. À Lyon, ces offres se concentrent sur la rive gauche du Rhône (3e, 6e et 7e arr.), là où le foncier est disponible. En dehors, elles sont très marginales : trois à Marseille, une seule à Paris.
Tableau 33. Localisation des terrains proposés et prix moyen entre 1921 et 1962 en millions de francs courants (MF)
Années | Lyon | Marseille | Paris | Total |
1921 | 1 (1 MF) | 1 | ||
1924 | 1 (0,5 MF) | 1 | ||
1927 | 2 (3 MF) | 2 | ||
1928 | 5 (0,5 MF) | 5 | ||
1929 | 5 (1 MF) | 5 | ||
1930 | 1 (1 MF) | 1 | ||
1931 | 1 | 1 | ||
1933 | 2 (4,8 MF) | 2 | ||
1934 | 1 | 1 | ||
1946 | 1 (80 MF) | 1 | ||
1962 | 1 (4,6 MF) | 1 | ||
Nombre | 17 | 3 | 1 | 21 |
64Bien qu’alléchés par des profits substantiels, les administrateurs hésitent souvent à franchir le pas spéculatif. En décembre 1927, l’administration des Domaines met en vente les terrains militaires déclassés du Clos Jouve à la Croix-Rousse (environ 30 000 m2) au prix de 100 F/m2. Le CA, bien que réticent en raison des taxes fiscales qui grèvent l’opération, charge Bissuel, l’architecte, d’étudier le projet, conscient que ce quartier est de plus en plus recherché pour l’habitat. Ils y renoncent finalement en raison du coût élevé (10 MF) qui nécessiterait soit une augmentation de capital soit un emprunt, et de la conjoncture économique jugée défavorable.98 En règle générale, les montants des projets de promotion dépassent les capacités financières de la SRI et obligeraient à des montages financiers. Pour le seul achat de terrain, les sommes à payer sont importantes, 1 MF (1929, 1930), 4,8 MF (1933), 80 MF (1946), etc.
65Jusqu’au début des années 1950, la SRI ne prend pas part à des opérations immobilières comportant des aménagements (viabilisation de terrain, construction, gestion directe ou revente) qui supposent une prise de risque et des immobilisations de capital. En ce sens, les administrateurs restent fidèles à leur stratégie rentière. L’achat d’immeubles continue d’être pour eux l’investissement privilégié.
Tableau 34. Localisation99 des offres d’achats et de ventes d’immeubles
Offres | Total | ||||
Villes | Achats | Ventes | Échange | Copropriété | |
Avignon | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Genève | 3 | 0 | 0 | 0 | 3 |
Lyon | 157 | 32 | 2 | 12 | 203 |
Marseille | 8 | 8 | 0 | 0 | 16 |
Monte Carlo | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Nice | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Paris | 16 | 0 | 0 | 0 | 16 |
Total | 187 | 40 | 2 | 12 | 241 |
66La grande majorité des offres reçues concernent des achats d’immeubles (187) auxquels s’ajoutent des achats de parts d’immeubles au no 9 place Tolozan et no 46 rue du Palais-Grillet.100 La SRI reçoit aussi des demandes pour vendre ses immeubles (40) et deux propositions d’échanges. Bien qu’elles se situent principalement à Lyon (203), nombreuses sont les offres marseillaises (16) ou parisiennes (16).
67Toutes ces opérations d’achats et de ventes sont mues par une recherche d’optimisation du rendement locatif. Lorsqu’un bien est proposé à l’achat par un intermédiaire que ce soit un courtier en immeuble, un notaire ou autre, le CA examine chacune d’entre elles en fonction trois critères principaux : la rentabilité, l’état de l’immeuble, et, pour les acquisitions proches de la rue de la République, le potentiel de valorisation du patrimoine déjà détenu. Suite à une étude approfondie, ils établissent un prix plafond. Le calcul de la rentabilité est l’un des éléments pour la détermination du prix, mais pas le seul.
68Par exemple, en 1922, l’immeuble situé au no 15 quai Tilsitt est mis en vente à 200 000 F pour un revenu brut de 17 000 F, soit une rentabilité de 8,5 %. La SRI décide de suivre les enchères jusqu’à 250 000 F (rentabilité 6,8 %), mais l’immeuble est finalement cédé à un autre acquéreur pour 291 000 F, soit une rentabilité de 5,8 %. Trois autres immeubles vendus à la même période aux enchères ont un taux de rentabilité légèrement inférieur à 6 % soit 1-1,5 % de moins que celui souhaité par les administrateurs. Le niveau de rentabilité moyen durant l’entre-deux-guerres peut être estimé à 6,5 %. Les exigences des administrateurs ne s’éloignent donc pas tellement des tendances de marché.101
Tableau 35. Rentabilité brute des immeubles proposés à l’achat (n = 71) et achetés (n = 4)
Villes | mini | max | nb valeurs |
Genève | 6,3 % | 1 | |
Lyon | 0,9 % (3 %) | 13 % (4 %) | 58 (4) |
Marseille | 4,2 % | 9,2 % | 4 |
Nice, Monte Carlo | 4,4 % | 4,8 % | 2 |
Paris | 2,2 % | 8 % | 6 |
69Parmi les 187 propositions, les loyers ne sont connus que pour 71 immeubles. Leur rentabilité brute est très variable (entre 0,9 % et 13 % !). Le rendement apparaît particulièrement bas pendant les années 1940.
70Les achats ne portent donc pas sur les immeubles présentant la plus forte rentabilité affichée par les vendeurs. L’emplacement, l’état de l’immeuble (entretien, vétusté, charges) et la trésorerie disponible sont autant de facteurs qui sont mobilisés lors des décisions. On sait que les rendements les plus élevés concernent souvent des immeubles dégradés, dont le loyer reste élevé mais dont le prix est bas.
Graphique 20. Rentabilité des immeubles lyonnais proposés à l’achat et achetés (1922-1947)102

Carte 7. Localisation des propositions d’achat soumises à la SRI (1910-1962)103

Tableau 36. Montants des achats et ventes d’immeubles (1921-1964)
Années | Achats immeubles ( ) nb d’achats | Achats parts d’immeubles ( ) nb d’achats | Ventes d’immeubles ( ) nb de ventes |
1921 | 254 200 (5) | ||
1922 | 369 845 (1) | 2 700 000 (1) | |
1923 | 1 515 000 (3) | 184 923 (1) | |
1924 | 135 000 (1) | ||
1925 | 2 000 000 (3) | ||
1926 | 156 500 (1) | ||
1927 | 195 000 (1) | ||
1928 | 3 000 (1) | ||
1934 | 4 500 000 (7) | ||
1941 | 13 120 000 (2) | ||
1943 | 2 500 000 (1) | ||
1944 | 4 375 000 (2) | 464 058 (1) | |
1948 | 2 850 000 (2) | ||
1949 | 3 500 000 (1) | ||
1960 | 1 650 000 (1) | ||
Total | 15 046 500 (17) | 4 453 026 (12) | 20 973 000 (6) |
71En 1934, la SRI achète, à la Compagnie française d’immeubles104, le tènement no 20 et 22 rue de la République, les nos 44, 46 rue Dubois et les nos 41, 43, 45 rue Grenette, soit un ensemble de sept immeubles. Par cette opération, la SRI réinvestit un îlot qu’elle avait initialement délaissé. Une étude de rentabilité très précise permet de mieux comprendre comment les administrateurs évaluent les prix d’acquisition.
72À l’origine, la SRI avait vendu en 1857 le no 20 à Mathieu Thomasset. À sa mort en 1867, l’immeuble est estimé à 255 000 F. À la suite de plusieurs successions, l’immeuble est vendu 500 000 F en 1918 à la Société Nicolas Frères105 pour le compte de la Compagnie française d’immeubles. Le déroulement est assez similaire pour le no 22, vendu en 1857 à Empaire puis revendu une première fois par les successeurs (1901 au prix de 875 000 F) à une société de capitalisation foncière genevoise qui le cède en 1916 à la Société Nicolas (1,20 MF) laquelle le revend à la Compagnie française d’immeubles en 1918 (1,29 MF).
Tableau 37. Historique des prix des immeubles du tènement no 20-22 rue de la République (1867-1918)
Immeubles | Surface bâtie (m2) | Prix (année de vente) |
20 rue de la République (B) | 144 | 255 000 (1867), 500 000 (1918) |
22 rue de la République (A) | 264 | 875 000 (1901), 1,20 MF (1916), 1,29 MF (1918) |
41 rue Grenette (E) | 71 | Sans indication (1918) |
44 rue Dubois (E’) | 210 | |
43 rue Grenette (D) | 82 | 117 000 (1918) |
45 rue Grenette (C) | 140 | 200 160 (1917, 1918) |
46 rue Dubois (F) | 125 | 196 000 (1918) |
Total | 1 036 | 4 633 160 (sans E et E’) |
73En 1934, ce tènement de 1 036 m2 est mis en vente en adjudication. La SRI charge alors un expert immobilier, ancien inspecteur du Crédit foncier de donner une estimation de sa valeur. Classiquement, cet expert combine une évaluation par capitalisation et une autre qui se fonde sur la valeur vénale. Pour la première méthode, l’expert applique un taux de 4,5 %106 (correspondant au taux d’intérêt), aboutissant à un montant de 5,5 MF. Le calcul de la valeur vénale est réalisé à partir du prix du terrain et des constructions :
Tableau 38. Estimation de la valeur vénale du tènement no 20-22 rue de la République (1934)
A, B (20-22 rue République) | C, D, E, E’, F (autres immeubles) | Total | |
Prix m2 terrain | 6 000 | 2 500 | |
Surface | 453 | 708 | |
Total prix terrain | 2 718 000 | 1 770 000 | 4 488 000 |
Prix m2 bâti | 1 400 | 700 | |
Surface | 408 | 628 | |
Total prix construction | 571 200 | 439 600 | 1 010 800 |
74Les deux modes de calcul donnent une valeur semblable d’environ 5,50 MF. L’expert souligne qu’il y a trois critères essentiels dans son calcul : le taux d’intérêt net (4,5 %), la valeur de marché du mètre carré bâti (5 300 F = 5,50 MF/1 036 m2) et le revenu brut d’avant-guerre. Pour étayer son évaluation, il compare les revenus de 1914 à ceux de 1934 par immeuble et par étage, rappelant que les loyers ont augmenté moins vite que l’inflation107, et fournit un tableau avec les 3 critères pour 7 nouveaux immeubles de rapport de 1re catégorie :
Tableau 39. Références pour l’évaluation de la valeur vénale du tènement no 20-22 rue de la République108
Localisation (rue et arrondissement) | R. 1911 | R. 1933 | Coeff. | Prix de vente | Taux R. B. | Taux R. N. |
Rue de la Barre (2e arr.) | 18 900 | 94 965 | 5,0 | 1,131 | 8,4 % | 5,4 % — 5,8 % |
Avenue de Saxe (6e arr.) | 18 350 | 71 189 | 3,9 | 1,240 | 5,7 % | 3,7 % — 4,0 % |
Rue Vendôme (6e arr.) | 11 800 | 45 249 | 3,8 | 0,806 | 5,6 % | 3,6 % — 3,9 % |
Rue Gasparin (2e arr.) | 7 300 | 29 500 | 4,0 | 0,470 | 6,3 % | 4,0 % — 4,4 % |
Rue Bugeaud (6e arr.) | 10 050 | 42 379 | 4,2 | 0,640 | 6,6 % | 4,3 % — 4,6 % |
Rue des Archers (2e arr.) | 14 850 | 78 500 | 5,3 | 0,950 | 8,3 % | 5,3 % — 5,7 % |
Total et moyenne | 96 500 | 418 268 | 4,3 | 5,989 | 7,0 % | 4,5 % — 4,9 % |
Légende : R. 1911 : revenus bruts en 1911, coeff. : coefficient de location de 1933 par rapport aux locations de 1911, prix : prix des adjudications en MF, taux R. B. : taux de rentabilité brut, taux R. N. (taux de rentabilité net avec 35 % de charges et 30 % de charges. Cette dernière étant considérée comme la plus proche de la réalité).
75Les taux de rentabilité bruts et nets de ces immeubles sont proches de ceux de l’ensemble des sept immeubles à évaluer avec le prix proposé. Le conseil d’administration décide toutefois, en raison du risque d’une augmentation des charges fiscales, de proposer 5 MF, avant de se raviser pour finalement faire une offre à 4,50 MF, comptant, qui est acceptée.
76Avec cet achat s’achève la phase d’acquisitions entamée après la Première Guerre mondiale. Elles se montent à un total de 9,3 MF alors que le produit des ventes n’atteint que 2,9 MF. Notons qu’une petite partie de ces achats est financée par la revente des actions d’American Telegraph et de Canadian Pacific Railway finance (0,70 MF). Jusqu’en 1940, les propositions d’achats et de ventes continuent sans pour autant déboucher sur de nouvelles transactions. Le mouvement reprend, quelque peu forcé, pendant la guerre. En janvier 1941, la Marine nationale réquisitionne l’Hôtel du Louvre et de la Paix à Marseille puis exproprie la SRI en avril pour raisons d’utilité publique. L’offre présentée de 13 MF est acceptée bien qu’elle soit très inférieure à l’évaluation faite par l’architecte mandaté par la SRI. Le courtier d’immeubles à Marseille qui a servi d’intermédiaire dans cette vente réclame alors une commission de 675 000 F (soit environ 5 %) et assigne la SRI en justice. Le commissionnaire sera débouté en février 1943 par le tribunal de commerce. Pour éviter une taxation sur le montant de la transaction, les administrateurs cherchent à réinvestir le montant de la vente109 et chargent, en 1944, un courtier de trouver des immeubles à acheter. L’année précédente, ils avaient déjà acquis le no 2 rue de Sèze (2,8 MF) et tenté d’investir, par rachats d’actions, la Compagnie immobilière du 1er arrondissement (voir plus haut).110 Dans l’empressement, ils achètent le no 3 rue Pierre Corneille (2,5 MF), contigu au 2 rue de Sèze et le no 55 rue de la Charité (1,80 MF).111 Ce sont là les derniers achats hormis le rachat de parts de l’immeuble no 19 place Tolozan en 1944 et 1948 (3,30 MF). En revanche, la SRI continue à vendre des immeubles de son patrimoine. Deux immeubles sont ainsi cédés : les no 55 rue de la Charité (3,50 MF) et no 62 rue de la République (1,60 MF). Notons qu’en francs constants l’immeuble de la rue de la Charité a perdu les deux tiers de sa valeur !
2.1.2. Le bilan d’un demi-siècle d’expansion mesurée
Carte 8. Parc immobilier de la SRI en 1962

77En 1964, à la veille d’un changement radical dans sa gestion, la SRI a encore étendu son parc immobilier fort maintenant de 125 immeubles et d’une surface bâtie estimée à 66 000 m2.
Tableau 40. Parc immobilier de la SRI en 1964
Année | Immeubles (nb) | Surface bâtie (m2) |
1910 | 52 | 27 100 |
1920 (avant fusion) | 69 | 32 200 |
1920 (après fusion) | 98 | 43 300 |
1964 | 125 | 66 000 |
78La SRI de la Belle Époque semble à l’étroit dans son cadre originel et disposée à croître, à s’élargir et à investir dans de multiples directions. Beaucoup d’offres sont examinées dans d’autres arrondissements de Lyon et même dans d’autres villes mais, au final, les acquisitions restent concentrées géographiquement. La stratégie de la SRI est à la fois prudente et opportuniste. Sans que ce soit une intention explicite, et encore moins l’application d’un plan d’ensemble, le résultat est un renforcement de l’ancrage local. Les administrateurs, malgré les disponibilités financières, ne se sont pas dispersés et ont accentué leur emprise dans les 1er et 2e arrondissements qui concentrent 89 % des immeubles et de la surface bâtie. Les immeubles situés en dehors du périmètre d’intervention sont la propriété de la Société civile des immeubles Brossette, que ce soit à Marseille (7 immeubles) ou dans les autres arrondissements lyonnais (9 immeubles). En ce sens, la SRI conserve une activité purement immobilière misant sur les revenus locatifs bien plus que sur les plus-values à la revente. L’absorption de sociétés immobilières peut être lue comme le signe d’un mouvement de concentration dans une période de longue atonie du marché immobilier. Ce processus ne doit toutefois pas être pensé indépendamment du cadre spatial dans lequel il s’insère : c’est bien comme grand propriétaire du centre-ville lyonnais et comme acteur local que la SRI imprime sa marque au cours de son expansion dans la première moitié du xxe siècle.
Photo 11. La rue de la République vers 1950

Source : AML, 4 FI 5854. Vue sud / nord de la rue à partir de la place de la Viste. À droite, l’immeuble du Progrès et du cinéma Pathé Palace.
2.2. Incursions décevantes dans la promotion immobilière
79Le développement de la SRI passe par des prises de participation et des acquisitions d’immeubles, pas par la construction. On a vu qu’elle refusait en général les propositions de terrains à cause des aléas que représente la construction. De la même façon, la part prise dans les affaires de la SIRL, impliquée dans l’ouverture du boulevard des États-Unis, se limite à la revente de terrains. À bien des égards, la SRI apparaît comme un acteur de la recomposition de la propriété dans le patrimoine bâti existant, et non comme un acteur de la construction. Il est vrai que là n’est pas son objet. Pourtant, elle ne s’en tient pas totalement éloignée. Elle avait déjà été tentée par une opération d’envergure à la fin du xixe siècle, la rénovation du quartier Grolée qui jouxte son domaine, mais en avait été évincée. Les dirigeants de la SRI sont ponctuellement tentés de faire passer le développement de la société par la mise en œuvre d’une activité de promotion. Cette tentation, repoussée tout au long de l’entre-deux-guerres, réapparaît dans l’euphorie immobilière de la période fordiste.112
80Ainsi, propriétaire d’un terrain qui ne trouve pas preneur au no 54-56 de l’avenue Jean-Jaurès, à proximité de la Guillotière, la SRI estime en 1928 que « le moment n’est pas propice à la construction d’une maison de rapport » et accepte qu’un garage automobile s’y installe (bail de 18 ans).113 Le CA fait état d’un projet de construction dès 1945114 mais ce projet ne verra pas le jour : la SRI se heurte à l’interdiction de reprendre un terrain sur lequel des constructions ont été édifiées115 ainsi qu’à l’importance des indemnités d’éviction demandées dans le cadre du décret du 5 janvier 1957.116 Tout en engageant l’instance contre les locataires pour revoir le montant des indemnisations (ce qui est refusé en 1965), la SRI dépose une nouvelle demande de permis de construire, rejetée par la préfecture en raison de la présence d’une station-service au rez-de-chaussée.117 Le terrain est vendu en 1965 à la Société de gestion immobilière lyonnaise (SGIL), filiale de la SRI (voir plus loin). Il apparaît toutefois qu’au terme de 20 ans de procédure, la SRI n’a pas pu réaliser le projet de construction. De fait, les incursions dans la promotion immobilière s’avèrent décevantes pour la SRI qui intervient dans des secteurs déjà bâtis, du centre-ville ancien ou dans des quartiers devenus centraux. À l’exception de ce terrain avenue Jean-Jaurès, deux projets importants méritent d’être traités118 : la rénovation du secteur Mercière – Saint-Antoine, et la construction d’immeubles cours Gambetta.
2.2.1. La rénovation du quartier Mercière – Saint-Antoine
81La question de la résorption des taudis et de l’insalubrité est loin d’être neuve mais elle resurgit après la guerre dans un contexte de dégradation du bâti des centres anciens.119 Le quartier Mercière – Saint-Antoine est l’un des secteurs concernés, moins emblématique que le Vieux Lyon qui a vu naître dès 1946 une mobilisation aboutissant en 1964 à sa sauvegarde dans le cadre de la loi Malraux. Voisin des immeubles de la SRI, le quartier Saint-Antoine constitue l’un des seuls territoires de la Presqu’île (entre Bellecour et les Terreaux) à avoir échappé aux percées du Second Empire. Il est stigmatisé pour son insalubrité supposée ainsi que pour la présence de prostitution. L’initiative de la rénovation120 est prise par Jean Pila, architecte né en 1911, originaire d’une grande famille de soyeux121 et fondateur du mouvement Propagande et action contre les taudis (PACT) en 1942. Il est représentatif de la façon dont la grande bourgeoisie lyonnaise catholique a réinvesti, durant les trente glorieuses, le secteur du logement populaire qui avait déjà été l’un de ses terrains de prédilection au xixe siècle.122 C’est lui qui sollicite la SRI et plusieurs autres sociétés immobilières lyonnaises « historiques », pourtant éloignées du catholicisme social pour mener à bien la rénovation du quartier Saint-Antoine.
82Jean Pila organise une rencontre chez le notaire Dubost le 20 février 1958 à laquelle se rendent Pierre Lucien-Brun (président de la SRI), Henri Martin123 (administrateur) et Charles Neyrand (directeur) ainsi que les représentants des autres sociétés conviées. L’opération qui leur est soumise consiste à créer une nouvelle société immobilière qui se chargerait de l’acquisition des immeubles, du relogement124, de la démolition et de la reconstruction (après cession à la ville des terrains destinés à la voirie). Le projet vise les immeubles situés entre le quai Saint-Antoine et la rue Mercière, et se divise en deux zones, nord (de la place d’Albon à la rue Grenette) et sud (de la rue Grenette à la rue de l’ancienne Préfecture). Bien que les acteurs indiquent accomplir par cette opération une mission d’intérêt général, l’orientation est économique plus que philanthropique (l’objectif est par exemple de privilégier les locaux commerciaux). Il est, dans un premier temps, uniquement question de la rénovation de la zone nord, dont le coût est estimé à un milliard de francs. La société créée aurait d’abord un capital de dix millions de francs, rapidement porté à cent. Lors de la présentation du projet à l’AG du 4 mars 1958, le rapport du CA retrouve des accents qui ne sont pas sans rappeler ceux des fondateurs de la SRI un siècle plus tôt :
D’après les renseignements qui nous ont été fournis, la ville, la préfecture et le ministère de l’urbanisme sont entièrement acquis à ce projet important et donneraient leur aide et leur appui à la réalisation de cette entreprise de salubrité publique et d’amélioration de ces vieux quartiers de Lyon. […] En raison de la place prise par notre société dans la création de la rue de la république actuelle, le conseil estime que nous devons nous intéresser à toute amélioration des quartiers insalubres de Lyon en prenant une part importante dans la société en formation.
83Toutefois, le CA justifie aussi cet investissement par les décrets pris en faveur de la construction et mentionne en 1959 une prise de participation dans une « société d’études ».125
Photo 12. Projet d’aménagement du quartier Mercière – Saint-Antoine de 1961

Source : AML, 880 Wp 002. Dans le triangle délimité par la place des Jacobins (sud), la place d’Albon (nord), le quai Saint-Antoine et la rue de l’ancienne préfecture, toute la zone hachurée devait être démolie et la partie le long de la rue Mercière incorporée dans le domaine public par voie d’alignement.
84La SRI verse 2 MF sur les 10 qui composent la Société immobilière Saint-Antoine (SISA) créée en 1910. Henri Martin siège au CA. Les autres membres sont la Société foncière lyonnaise126, la Société des logements économiques, la Société des immeubles de Saint-Paul127, la Société de gestion et d’affaires privées (SOGAR), ainsi que la société Dijon-Lyon-Marseille, présidée par Robert Perrier.128 Les pourparlers avec la ville sont rapidement engagés129 et les plans (cabinet Laurent) des futures constructions déposés dès 1958.130 En 1959, les mêmes acteurs fondent la Compagnie immobilière du sud-est (CISE) qui sera chargée d’édifier les nouvelles constructions une fois les terrains libérés par la SISA (qui doit retirer un bénéfice de la revente de terrains à la ville).131 Le capital de la CISE se monte à 100 MF, la SRI en souscrit 20 MF. Lachassagne la préside, Henri Martin y est administrateur.132 Le conventionnement de la CISE est accordé par le ministère en octobre 1959133 et le capital de la CISE est doublé pour faire face à ses besoins de trésorerie.134 Il est à nouveau augmenté deux fois en 1961 et en 1964.135 Plusieurs immeubles et appartements sont rapidement acquis, mais le processus se heurte à la question du relogement des habitants et des commerçants dont le déplacement est suspendu à la réalisation du marché-gare à Perrache. Malgré cette difficulté du relogement, les atermoiements liés à l’obtention du permis de démolir136 et l’opposition des habitants137, la CISE commence les évacuations des immeubles à démolir en 1962 et les démolitions au 2e semestre 1964.138 La SRI n’est pas en première ligne dans la confrontation avec les habitants dont la mobilisation est forte et durable. On a pu, a posteriori, douter de la pertinence du diagnostic d’insalubrité qui est pourtant brandi comme une évidence par les acteurs de la rénovation mais contesté par les habitants et les commerçants.139 L’annulation par le tribunal administratif en janvier 1966 des arrêtés préfectoraux (mai-juin 1965) ne remet pas fondamentalement en cause le projet puisque les travaux de démolition sont pratiquement terminés, mais elle oblige la municipalité et la SISA à revoir les procédures d’expropriation des immeubles situés aux nos 1 et 9 quai Saint-Antoine, nos 2 et 4 place d’Albon, no 18 rue Mercière pour lesquels les propriétaires avaient contesté la légalité de l’arrêté déclaratif d’utilité publique. Pour contourner cet obstacle, la municipalité et la préfecture décident de s’appuyer sur le décret de la rénovation urbaine de 1958. La municipalité prend en charge les expropriations puis rétrocède ces immeubles à la SISA. À partir de cette décision, les ordonnances de juin 1966 déclarent l’expropriation au profit de la ville de Lyon des immeubles situés aux no 18 rue Mercière et nos 8-9 quai Saint-Antoine qui seront, par la suite, vendus à la SISA. La ville intervient donc comme intermédiaire dans une opération à caractère privé, dans une sorte de retournement du principe de la concession qui avait prévalu sous le Second Empire. Au final, seuls les immeubles compris dans les deux îlots quai Saint-Antoine, place d’Albon, rue Mercière et rue Grenette sont détruits laissant intacts les autres îlots, initialement voués à la démolition.
85Malgré cette intervention de la ville, plusieurs immeubles restent à acquérir. À partir de 1966, la SRI cherche à se désengager de la CISE et de la SISA.140 Les motifs mis en avant sont la lenteur de l’avancée des travaux causée par les retards administratifs et les délais d’éviction des habitants. Elle investit également, à la même période, dans un autre projet qui rencontre moins de difficultés (voir plus loin) ce qui lui fournit un prétexte pour ne pas participer à l’augmentation de capital de la CISE en janvier 1966.141 La SRI cesse momentanément de rechercher des voies de sortie lorsque Pila est nommé président de la CISE et de la SISA en 1971. Les obstacles à la démolition reconstruction des îlots subsistant dans la partie nord (îlots 21, 22, 23 et 24) sont progressivement levés, sans pour autant convaincre le conseil qui estime à nouveau devoir se désengager.
Un échange de vues s’instaure au sein du conseil, faisant ressortir une fois de plus que, la Rue Impériale ayant au cours des années rempli la mission d’intérêt général qu’elle s’était donnée dans cette affaire, n’a plus intérêt à garder ces titres. 142
86Pourtant, alors que la dette de la CISE-SISA continue à augmenter, la SRI l’abonde à nouveau, prêtant un million de francs « qui viennent s’ajouter à la masse ».143 Le bilan de la CISE-SISA ne s’équilibre qu’en 1979 et les travaux de la partie nord sont achevés à la fin de l’année 1980 seulement.144 6 000 m² ont ainsi été restaurés, procurant un loyer de 1 MF. Selon un accord établi « depuis toujours », la SIL absorbe alors la SISA et la SRI augmente sa participation dans la SIL en proportion. Établissant un ratio d’une action SIL pour 15 actions CISE-SISA, la SRI acquiert ainsi 2 404 actions SIL supplémentaires.145
87Le problème de la zone nord est ainsi réglé, mais pas celui de la zone sud où le permis de construire a été refusé.146 Toutefois, ayant cédé ses parts de la CISE-SISA, la SRI se détourne du projet. Les travaux se poursuivent dans les années 1980 et 1990, notamment avec la piétonisation de la rue Mercière.147 Le récit de cet aménagement nous a entraînés au-delà des limites de la période traitée ici. Il était néanmoins nécessaire de le traiter d’un bloc pour montrer comment la SRI est passée d’un discours qui semblait reprendre le flambeau de ses origines pour un projet où les perspectives de profit se conjuguaient à de nobles motivations (non sans une certaine prudence dans le discours tenu aux actionnaires), à l’impression d’un enlisement dans les vicissitudes de la rénovation urbaine et de l’opposition des habitants conduisant à l’idée que la société « a fait sa part ». La SRI a les moyens d’inscrire ses investissements dans le long terme et peut supporter financièrement ces aléas. Par le biais des dividendes des actions de la SIL, elle récupère progressivement dans les années 1980 et 1990 ce qui avait été investi depuis la fin des années 1950, mais ce retour sur investissement intervient avec un tel retard (près de trente ans) qu’il disqualifie toute autre intervention des vieilles sociétés immobilières lyonnaises sur le territoire de la Presqu’île.
2.2.2. La Société de gestion immobilière lyonnaise
88La seconde grande opération de construction dans laquelle s’implique la SRI est plus classique et plus rentable mais elle ne suffit pas à faire entrer durablement la SRI dans la pratique de la promotion immobilière. Il s’agit d’une tentative pour tirer parti de la loi du 15 mars 1963148 qui autorise la constitution de sociétés immobilières d’investissement et de gestion bénéficiant d’avantages fiscaux encore plus conséquents que les sociétés conventionnées. Le CA envisage alors la constitution d’une filiale qui pourrait bénéficier de ces dispositions « sur le plan lyonnais et régional ».149 Le projet consiste à associer d’autres sociétés immobilières. Une demande d’agrément pour la création d’une société de gestion, la première du genre, est présentée au ministère en 1964 par Henri Martin et Charles Neyrand.150 L’autorisation est donnée à la SRI et à la Société immobilière Martin de constituer une société, la Société de gestion immobilière lyonnaise (SGIL), SARL au capital de 50 000 F réparti par moitié entre les deux sociétés mères.151 Elle est constituée le 1er septembre 1964 devant notaire.
89Le capital est augmenté en deux temps en 1965 jusqu’à 13,05 MF dont la SRI détient les deux tiers. Elle acquiert notamment les terrains du no 54-56 avenue Jean-Jaurès évoqués ci-dessus et un terrain cours Gambetta provenant de la Société immobilière Martin. Le projet de construction qui est établi porte sur 6 immeubles, soit 150 logements cours Gambetta (angle du cours Gambetta et rue de l’Abbé-Boisard, au nos 113-115-117 cours Gambetta) et, avenue Jean-Jaurès, 28 logements et 40 parkings. La demande de permis de construire est déposée en 1966 et les plans établis en 1967. Les travaux commencent en 1968 et une inauguration a lieu en présence du maire Louis Pradel le 7 novembre 1969.152 La rapidité du déroulement de l’opération contraste avec les délais qui retardent à la même époque la rénovation du quartier Mercière, dans un quartier où la construction ne suscite aucune opposition.
90La SRI semble ici participer à l’euphorie immobilière des années 1960. Elle est pourtant freinée dans cet élan par l’immeuble de l’avenue Jean-Jaurès. L’exonération fiscale est refusée pour ce projet (sans que les raisons nous en soient connues) et, après deux années passées à envisager les alternatives, ce terrain est vendu 400 000 F à une société civile immobilière. Le terrain restant disponible cours Gambetta est placé en ZAD153 et son aménagement est repoussé sine die. Les CA n’en font plus mention par la suite, ce qui semble indiquer que le statu quo a été maintenu jusqu’à la vente des terrains.154 Ainsi, même sur l’opération qui lui réussit le mieux, la SRI éprouve un certain nombre de déceptions. Il ressort de ces tentatives de développement vers l’activité de construction que les atouts de la SRI (trésorerie et capacité de supporter de longs délais, relais d’influence à l’échelon municipal) sont contrebalancés par un certain nombre de réticences (souhait de se concentrer sur ses territoires et terrains déjà acquis, refus de recourir au prêt bancaire et limitation des associations avec les sociétés immobilières déjà amies). En restreignant ainsi son champ, la SRI s’interdit un réel développement immobilier. Par ailleurs, les opérations dans lesquelles elle s’engage à partir de 1965 sont de plus en plus tournées vers la sphère financière, comme on le verra dans la dernière partie. Son activité immobilière est alors comme sanctuarisée, les risques de la promotion devant disparaître devant la régularité d’un revenu locatif réinvesti dans la finance.
Notes de bas de page
1 Le nouvel emprunt se monte à 7,125 MF, soit 14 250 obligations de 500 F produisant un intérêt de 3 % (AG du 9 avril 1895), remboursable sur 20 ans. Rappelons que le taux des deux premiers emprunts était de 5 %.
2 L’actif immobilier porté au bilan continue à reposer sur le coût de construction, il n’y a pas de revalorisation à cette période.
3 CA du 12 février 1897.
4 CA du 19 février 1897 : le changement de nom pourrait être vu par le fisc comme une création de société « ce qui entraînerait la perception de droits très considérables ».
5 Notons que cette révision statutaire n’est pas la première. En 1882, l’AG avait voté une révision pour se conformer aux principes de la loi de 1867 sur les sociétés anonymes AGE du 1er avril 1881, révision votée à l’AGE du 4 avril 1882. Il ne s’agissait toutefois pas de modifier l’objet de la société.
6 Le motif affiché est la prolongation de la durée de vie de la société : les statuts prévoyaient son terme au 1er janvier 1917, alors que certains baux vont au-delà. Les nouveaux statuts prévoient une prolongation de 100 ans, jusqu’au 1er janvier 2017.
7 CA du 15 juin 1917.
8 Voir par exemple le CA du 15 mai 1914 : « Informations sur la vente de plusieurs immeubles au Tribunal. »
9 Le CA refuse de se dessaisir du no 52 en décembre 1910. En revanche, il n’oppose pas à l’idée de vendre le no 45 au prix de 2,15 MF en juin 1911.
10 CA du 22 mars 1918.
11 Le no 56 rue de la République est mis à prix à 250 000 F pour un revenu brut de 12 078 F (rendement 4,8 %). Le CA estime le prix exagéré et propose 200 000 F soit un rendement de 6 % que le propriétaire refuse. Voir CA du 3 novembre 1911.
12 Ce prix correspond à sa valeur en 1872 avec un rendement estimé à 4,5 %.
13 CA du 4 mai 1904.
14 Ibid.
15 Opération présentée à l’AG du 8 avril 1913.
16 CA du 24 juin 1905.
17 Il est à noter que les fonds placés en attendant la réalisation de ces opérations sont moins rémunérateurs que le placement dans la pierre : 1,5 % seulement puis un peu plus avec la décision d’acheter 400 obligations PLM fusion, et 5000 F en rentes rapportant 2,5 %.
18 CA du 26 novembre 1916.
19 AML 3 S 00138 et 139.
20 CA du 16 février 1912.
21 Si projet ne se réalise pas, la société aura la possibilité de construire plusieurs bâtiments avec un rendement minimum estimé à 3,7 %. Au contraire si la percée aboutie, ils prévoient un rendement bien supérieur. Le CA a décidé de faire une offre à 420 000 F après justifications du rendement brut de 5,7 % (24 000 F) indiqué par le propriétaire qui finalement a revu son prix à la hausse (450 000 F + 33 000 F de droits et frais). L’ensemble est complété, plus tard, par l’achat du no 6 rue des Templiers (septembre 1917).
22 La commission en charge de l’examen des plans de modification a émis un rapport favorable au projet ainsi que le chef de la voirie.
23 CA du 18 avril 1913.
24 Huit actions sont achetées en juin-décembre 1913 pour un montant de 6 736 F. Grand livre 1907-1914. AML 187 II 37.
25 Société lyonnaise au capital de 50 000 F dont trois administrateurs sur cinq sont actionnaires de la SRI. Très vite (février 1913), elle se transforme en société anonyme (240 000 F capital) et parmi les nouveaux actionnaires figurent six actionnaires de la SRI. ADR 6 UP 1/256.
26 CADR 6 UP/255. Nombre de souscripteurs sont là aussi actionnaires de la SRI d’une société dont l’objet est purement spéculatif : achat et vente des immeubles, et généralement de toutes les opérations immobilières. À noter que la SRI souscrit à deux actions.
27 La SRI et la SRB avaient beaucoup investi dans cette société qui sera dissoute en 1922. CA du 6 janvier 1922.
28 Les statuts limitaient d’ailleurs à 824 000 F le montant de ces emprunts hypothécaires. Clair Tisseur affirme que la société, avant de devenir une société en commandite, avait eu recours à un emprunt hypothécaire pour payer les 60 % affectés en argent aux entrepreneurs sur le montant de leurs travaux. C. Tisseur, « Benoît Poncet et sa part dans les grands travaux publics de Lyon », Annales de la Société Académique d’Architecture de Lyon, tome IV, exercice 1881-1882, p. 168-172. Cet emprunt fait fi des sommes nécessaires à l’achat du terrain, estimer à plus d’un million de francs (2035,22 m2 à 500 F/m2). L’inscription hypothécaire n’a pu être retrouvée.
29 Acte du 31 août 1859. ADR 6 Up 1/3016.
30 Statuts du 31 août 1859. Ibid.
31 C. Tisseur, « Benoît Poncet … », ouvr. cité, p. 105-188.
32 Alexandre Baudesson de Richebourg, né le 30 mars 1805 à Calais (Pas-de-Calais), chevalier de la légion d’honneur en 1844 (16 septembre), est un ancien officier supérieur. Dossier de légion d’honneur (base Leonore).
33 Le fisc refusa l’exemption fiscale à laquelle la société croyait avoir droit. Dans le but de favoriser le développement des grands travaux publics, la loi du 22 juin 1854 avait exempté d’impôts durant vingt-cinq années les constructions de la rue Impériale et non celles des rues adjacentes. Cité par C. Tisseur, « Benoît Poncet … », ouvr. cité.
34 ADR bureau des hypothèques de Lyon, 3334 w 224, 226.
35 ADR actes notariés des études Berloty François, Boffard Jean-Pierre et Berloty Joseph.
36 ADR 6 Up 1/57 : acte de société du 17 février 1882. Maurice Piaton (1853-1917) ancien élève de l’École polytechnique (1873) et de l’École des mines de Paris (1875) est administrateur de plusieurs sociétés : Produits chimiques d’Alais et de la Camargue, de l’Aluminium français, Société générale de force et de lumière, Mines de Roche la Molière et surtout de plusieurs sociétés gazières dont il est le principal actionnaire et dirigeant (pour ces sociétés gazières, il en est plus que l’administrateur, il en est le patron). Il devient conseiller municipal de Lyon en 1896.
37 Bilan de la SRI présenté à l’AG du 5 avril 1892.
38 Le capital initial de 690 000 F (1 380 actions de 500 F) est augmenté de 810 000 F pour le porter à 1 500 000 F par la création et l’émission de 1 620 actions de 500 F. ADR 6 Up 1/106 : acte de société de juin 1890.
39 Terrain (1 MF) et construction (416 000 F).
40 Clair Tisseur avance, sans que nous puissions le vérifier, que les actionnaires initiaux ayant besoin d’argent vendent leur actions bien en dessous du taux d’émission. C. Tisseur, ibid., p. 168-172. Farnoux, entrepreneur de pierre de taille, présent dès la création de la société est, en 1882 comme en 1890, le président.
41 Le montant du dividende est constant entre 1868 et 1889 (20 F) puis il double en 1891. Sociétés cotées ; A. Bozon, Manuel des sociétés par actions de la région lyonnaise, Lyon, Imprimerie Rey, 1893, p. 579.
42 Les relations familiales entre les familles Piaton et Martin sont croisées : René Piaton (1884-1958) épouse Julie Martin et Georges Martin (1867-1937) Thérèse Piaton.
43 Les créances non remboursées, au vu des inscriptions hypothécaires, se montent à 1,5 MF. ADR bureau des hypothèques de Lyon 3334 w 224, 226.
44 ADR 6UP 1/102.
45 Issu d’une famille d’industriels spécialisés dans la fabrication de phosphates et de superphosphates de chaux, Jean Coignet, ancien élève de l’École polytechnique (1874) puis de l’École des mines (1876), prend la direction des affaires familiales en 1882. Il sera président de la Chambre de commerce de Lyon de 1911 à 1921. Sénateur du Rhône (1920-…) inscrit au groupe de la gauche républicaine, il participa à la tribune à de nombreuses discussions dont celle sur le régime des loyers (1922). G. Monnerville, J. Chaban-Delmas et J. Jolly éd., Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, tome III, p. 1094 et 1095.
46 SL, AG du 29 janvier 1872.
47 Immeuble de 5 étages construit en 1857 sur une parcelle de 800 m2.
48 « […] la pensée du conseil serait d’augmenter un peu l’importance de la société et d’élargir ainsi le marché de ses actions, tout en divisant ses risques sur des immeubles situés dans divers quartiers ou même, diverses villes, afin d’être à l’abri d’une crise sur les loyers qui pourrait frapper plus spécialement un quartier ou une ville. Divers projets d’acquisition d’immeubles à Lyon ont été étudiés mais sans avoir pu jusqu’à ce jour, aboutir à des conditions de prix acceptables pour la société. Le CA a également étudié plusieurs immeubles à Genève et sur cette place, l’acquisition d’immeubles de tout premier ordre pourrait se faire actuellement à des conditions plus avantageuses qu’à Lyon. […] Le CA se prononce à l’unanimité en faveur de projet de nouveaux immeubles à Lyon ou dans toute autre ville mais plus spécialement à Genève. […] » Voir SL, AG du 5 avril 1886.
49 Le développement de la rive gauche du Rhône engendre, selon eux, une baisse des loyers.
50 Acquisition de cet immeuble construit en 1863 par échange de 3 400 actions (1,7 MF) au profit d’un négociant E. Jullien. SL, AGE du 28 avril 1893. Lors de la faillite de la Cie immobilière des Pereire en 1867, une partie des immeubles furent, par la suite, aliénés dont l’Hôtel du Louvre pour 15 MF en 1875, l’autre vendu, en 1878, à la Société immobilière marseillaise (SIM). P. Leverne, Une grande entreprise immobilière, la société immobilière marseillaise, Marseille, Imprimerie Leconte, 1925, p. 63.
51 SL, AG du 3 avril 1897.
52 SL, AG du 4 avril 1906.
53 SL, AG du 2 avril 1912.
54 Le mot amortissement est employé dans ce sens. « Le système d’amortissement adopté par les prédécesseurs des membres actuels du conseil a été très ingénieux et c’est grâce à lui que la Sécurité Lyonnaise a pu traverser avec le moins de dommages possibles des crises immobilières graves dont l’une laissait vers 1879 la valeur de l’action à 425 et plus tard à 350 F environ en début de la guerre 1914-1918 tout en assurant le maintien du dividende à 20 F net malgré les impayés sur les loyers allant en s’aggravant. La constitution de la réserve et son accroissement automatique par ses propres revenus a fourni le balancier nécessaire d’amortissement soit pour les immeubles soit pour le portefeuille avec une approximation très suffisante de la valeur vraie. » AG du 11 avril 1919.
55 SL, AG du 12 avril 1917.
56 « Nous avons toujours pensé qu’il était de l’intérêt bien entendu de notre société de placer autant que possible sur elle même, c’est-à-dire dans ses propres actions le capital provenant de ses réserves », AG du 31 juillet 1967.
57 Dès 1858, la SL achète 30 obligations de SRI. SL, AG du 12 juillet 1858.
58 SL, AG du 30 janvier 1868.
59 SL, CA du 25 août 1919.
60 Pour les exercices 1910 à 1915, le dividende moyen était de 3,2 % de la valeur nominale de l’action. Revue mensuelle E.-M. Cottet.
61 CA du 23 mai 1919.
62 CA du 4 juillet 1919.
63 Ibid.
64 CA du 12 septembre 1919. S’ajoute une clause du paiement par la SL des 12 000 actions qu’elle recevra.
65 La SRI prélève 11 250 000 F sur les 14 320 875 F du fonds d’amortissement.
66 ADR 6 UP 1/318, actes de fusion.
67 SL, CA du 30 octobre 1919.
68 Seuls trois actionnaires s’opposeront à cette fusion. CA du 20 novembre 1919.
69 En comptabilisant en 1920, après les fusions, le Grand Hôtel du Louvre et de la Paix à Marseille d’une superficie de 1 100 m2.
70 Société G. Martin et Cie, société en commandite par actions créée en 1895 dont le siège est au no 49 rue de la Bourse. Parmi les dix administrateurs à l’origine de la société, deux sont, en 1905, actionnaires de la SRI.
71 Sur l’immobilière marseillaise, voir : P. Leverne, Une grande entreprise immobilière, ouvr. cité ; C. Jasmin et D. Jasmin, « Marseille, la rue Impériale », Revue de l’art, no 106, 1994, p. 11-22 ; P. Fournier et S. Mazzella, Marseille entre ville et port, Paris, La Découverte, 2004. La SL avait acheté ces actions lors de l’augmentation de capital de la SIM en 1890 effectuée pour financer l’absorption de la Nouvelle compagnie immobilière (NCI).
72 Société au capital de 10 000 F (20 actions de 500 F). Le siège social de la SIL se situe au 49 rue de la Bourse, siège de la SRB. Après la fusion, la SIL devient locataire de la SRI. Voir l’historique de la SIL dans B. Permezel, Le major général Martin et sa famille. Mémoire d’une lignée lyonnaise xviie-xxe siècle, Lyon, BGA Permezel René Georges, 2000, p. 161-171.
73 CA du 27 novembre 1931.
74 CA du 14 mars 1924.
75 Soit 5 % du capital. CA du 17 janvier 1951.
76 Ce boulevard, qui traverse l’actuel 8e arrondissement de Lyon (créé en 1959), est décidé en 1917 (d’où son nom). Le maire Édouard Herriot en confie la réalisation à Tony Garnier et le plan est adopté en 1931. Tony Garnier dessine les plans d’une cité HBM dont les logements sont livrés en 1934. Cette cité n’occupe que la partie centrale du boulevard dont le reste est aménagé à la fin des années 1950 (d’où sans doute les retards dans les ventes de terrain de la SIRL). Les archives de la SRI contiennent celles de la SIRL, mais elles n’ont pas été dépouillées dans le cadre du présent travail.
77 CA du 2 septembre 1921.
78 CA du 10 janvier 1940.
79 Ibid.
80 CA des 7 juillet 1959, 7 octobre 1959, 8 avril 1960, 8 décembre 1960 et 28 juin 1961.
81 CA du 17 janvier 1930. Il existait déjà des liens avec la SRI car François Brossette était lui aussi actionnaire de la Société civile des constructions salubres de la Guillotière comme de nombreux d’actionnaires de la SRI. ADR 6 UP 1/126.
82 B. Angleraud et C. Pellissier, Les dynasties lyonnaises, Paris, Perrin, 2003, p. 69-70, 149-150, 222-223, 377, 506, 598, 679-680, 720, 740, 766.
83 Il est probable que l’actif immobilier ait été doublé. En février 1920, le capital de 1,7 MF se répartissait en 1,5 MF de biens immobiliers (immeubles et terrains).
84 Cet immeuble est jugé proche de l’éboulement, difficile à louer et d’un entretien coûteux. CA du 9 avril 1940.
85 En décembre 1944, la SCIB double son nombre d’actions, 3 540 soit un capital de 3,4 MF.
86 En 1930, la SRI, à la demande de Bissuel (architecte-administrateur de la SRI), souscrit de manière complaisante au capital de constitution (3,5 MF) de la Société immobilière du briançonnais gérant le sanatorium de cette ville. La potentialité de bénéfices n’exclut pas le côté philanthropique de l’opération : « Il convient de s’intéresser à cette entreprise d’intérêt général dont le fonctionnement paraît d’ailleurs devoir laisser des bénéfices. » Leur association se maintient à ce niveau malgré une demande pressante de participer à l’augmentation de capital (3,5 MF à 5,1 MF) de cette société qui accuse un déficit important en 1931. CA du 13 mars 1931 et AML 187 II. Toujours avec ce côté caritatif, Bissuel propose et obtient en 1946 une petite subvention à la société immobilière chargée d’ériger une église soulignant l’ancrage de la SRI dans le milieu catholique (subvention de 5 000 F). CA du 16 juin 1948.
87 CA du 14 mai 1943. Un groupe de porteurs d’actions de la Cie immobilière du 1er arrondissement (quartier Martinière) propose l’achat de leurs titres (plus de 50 % du capital). Aucun prix n’est donné mais « les prétentions paraissent élevées ». L’actif compte 19 immeubles, dont 14 construits il y a une quarantaine d’années.
88 CA du 18 juin 1943. En février 1944, le CA décide de reprendre les négociations avec la société du 1er arrondissement mais l’exigence des porteurs de part (4 500 F au lieu des 3 500 F proposés) met fin aux pourparlers.
89 En 1936, la SRI détient 2,5 % des 832 actions de la Société immobilière G. Martin.
90 La société immobilière et hôtelière du briançonnais, fondée en 1930 par des architectes dont l’architecte de la SRI, Bissuel, et des entrepreneurs lyonnais pour la construction et l’exploitation d’un hôtel sanatorium au capital de 3,5 MF, a très vite eu des problèmes de trésorerie en raison de la crise. La SRI refusera de participer à sa recapitalisation (5,5 MF en 1931), CA des 31 janvier et 20 juin 1930, 13 mars 1931, AML 187 II.
91 Les sollicitations d’investissement en Afrique sont anciennes. Déjà en 1929, un administrateur de plusieurs sociétés dont une société coloniale demande si la SRI serait disposée à souscrire au capital d’une société immobilière qui va se fonder en vue de l’achat et de l’exploitation de terrains à Dakar. Le CA, au vu du développement du port de Dakar, de la situation immobilière dans cette ville et de l’emplacement des terrains, décide de souscrire à hauteur de 100 000 F. CA du 5 juillet 1929.
92 Plusieurs membres du CA siègent également à la compagnie OTL depuis longtemps : Hugues Meaudre, Charles Saint Roe, Gabriel puis Charles Saint-Olive. La SRI possédait également des obligations de la Cie OTL au début des années 1920. En 1928, La Chaumière, société coopérative d’HBM fondée par des employés de la Cie OTL et destinée à leur permettre d’accéder à la propriété, demande un prêt de 500 000 F à 3 ou 3,5 % d’intérêt sans garantie d’hypothèque mais avec un engagement de l’OTL de couvrir l’intérêt du prêt. Le CA, dans un premier temps, refuse puis accepte, quelques mois plus tard, de prêter 200 000 F à 5 %. CA des 17 août et 7 décembre 1928.
93 CA du 5 août 1932. Créée en mars 1912, la Cie immobilière a fixé son siège au no 12 rue de la République. Citroën édifiera la « plus grande station service d’Europe » qui sera inaugurée en 1932. Le prêt au taux de 5 % sur 5 ans a la caution de la société Citroën. CA du 4 novembre 1932.
94 CA du 27 janvier 1933.
95 CA des 11 juin et 7 octobre 1958.
96 CA de la Chambre syndicale des propriétés immobilières de la ville de Lyon du 5 août 1898. CA du 29 avril 1938. Voir, plus loin, l’engagement syndical de la SRI.
97 Les sociétés immobilières sont essentiellement représentées par la SIM, la SIL et la Cie algérienne.
98 CA des 2 et 23 décembre 1927. La somme comprend la viabilisation du terrain et la construction de deux immeubles.
99 Sans indication de commune (2).
100 La SRI achète, quand l’occasion se présente, les parts mises en vente du no 19 place Tolozan (7 offres entre 1922 et 1948), sans pour autant en détenir la totalité de cet immeuble massif (environ 10 000 m2 plancher), ainsi que du no 46 rue Palais Grillet (5 offres en 1921).
101 L. Bonneval et F. Robert, L’immeuble de rapport, Rennes, PUR, 2013.
102 Les ronds indiquent les achats.
103 La carte ne porte que sur les immeubles lyonnais, pas sur les terrains ni les immeubles proposés dans d’autres villes. Lorsque l’adresse est imprécise, ou n’existe plus (le fond de carte utilisé est celui de 2008), la localisation la plus proche a été utilisée.
Au total, sur les 187 propositions d’achats d’immeubles, seules 17 se concrétisent. La localisation des immeubles achetés démontre une volonté de renforcer le parc autour de la rue de la République dans les rues adjacentes. La totalité de ces immeubles acquis durant l’entre-deux-guerres se situe dans la Presqu’île : 13 dans le 2e arrondissement et 1 dans le 1er : no 22 rue Pizay contigu au 3 rue de la République, le no 3 rue du Colonel Chambonnet et du no 4 rue des Templiers dans l’îlot Bellecour/Templiers (toujours avec l’idée de la percée Bellecour/Célestins), l’achat des immeubles de l’îlot no 71 rue République/Bellecordière qui complète l’ensemble ceux déjà acquis en 1919 (nos 73, 77, 79 rue de la République ainsi que les immeubles correspondants rue Bellecordière) et enfin un immeuble beaucoup plus excentré, le no 2 place Carnot qui présente une excellente rentabilité (7,1 %). Ces achats ont été, en partie, payés par la vente en 1922 du no 6 rue de la République à la Société générale pour 2,70 MF.
104 Cette société anonyme créée en 1917, au capital de 10,445 MF, a son siège à Paris (boulevard des Italiens no 16).
105 Société en nom collectif de travaux publics.
106 Le revenu net n’est pas connu par l’expert mais estimé à partir du revenu brut moins les impôts (foncier 9 % et taxes municipales 3 %, arrondis à 13 %), et les charges et amortissements (22 % à 27 % du revenu brut selon le type d’immeuble). Le revenu net estimé est ainsi de 251 421 F.
107 Les loyers ont, d’après lui, augmenté d’un facteur 3, les prix à la consommation d’un facteur 4,7.
108 AML, 187 II.
109 « Sous peine d’un prélèvement fiscal très onéreux, nous sommes dans l’obligation de réemployer en maisons ou terrains le prix auquel a été cédé à l’État l’important immeuble que vous possédiez à Marseille […]. » AG du 5 avril 1944.
110 La transaction butera sur le montant du prix de l’action.
111 La vérification auprès du cadastre et de l’enregistrement semble indiquer qu’il ne s’agit pas de rachat de biens juifs : le no 55 rue de la Charité est acheté à Claude Cimetière (maître d’hôtel né le 21 avril 1874 et résidant à Villerest dans la Loire, voir ADR 3P 138/147-148 et 4Q6/2072). Le no 2 rue de Sèze est acheté en 1943 à Germaine Pascal épouse Cotte, habitant à proximité (no 21 rue Duquesne). Le 3 rue Pierre Corneille, mitoyen, est acheté à Gabriel Laneyrie, artiste peintre résidant à la Théoule (Alpes-Maritimes) (ADR 3P 138/282).
112 C. Topalov, Les promoteurs immobiliers, Paris, Mouton, 1974.
113 CA du 10 février 1928.
114 CA du 10 juillet 1945.
115 Il s’agit d’un arrêt de la cour de cassation (CA des 9 juillet 1947 et 16 juin 1948). Suite à une longue bataille juridique, elle obtient un permis de construire en 1954 (CA du 23 novembre 1954).
116 Décret portant sur le renouvellement des baux. AG du 6 mai 1958.
117 CA des 26 mars 1963 et 21 décembre 1965.
118 Ce ne sont pas les seuls, des projets sont envisagés dans les 6e et 3e arrondissements, rue Bossuet en 1957, au 64 rue Molière en 1958, ainsi qu’à la Croix-Rousse en 1958, et en 1963. Ils n’aboutissent pas, notamment faute d’accord avec les services d’urbanisme.
119 H. Coing, Rénovation urbaine et changement social, Paris, Les Éditions ouvrières, 1966. Y. Fijalkow, La construction des îlots insalubres, Paris 1850-1945, Paris, L’Harmattan, 1998.
120 Notons que plusieurs projets, restés lettre morte, avaient déjà été déposés par Moncorgé en 1909, ou encore à l’occasion du concours organisé par la SEL en 1925. Voir C. Delfante et A. Dally-Martin, Cent ans d’urbanisme à Lyon, Lyon, LUGD, 1994.
121 B. Angleraud et C. Pellissier, Les dynasties lyonnaises, ouvr. cité ; J.-F. Klein, Un Lyonnais en Extrême-Orient, Ulysse Pila – vice-roi de l’Indochine, 1837-1909, Lyon, LUGD, 1994.
122 O. Chatelan, Les catholiques et la croissance urbaine dans l’agglomération lyonnaise pendant les trente glorieuses, thèse pour le doctorat d’histoire, Université Lyon 2, 2009.
123 H.-P. Martin siège au comité d’honneur du Comité lyonnais pour l’aide au logement (CLAL) fondé en 1950 par Jean Pila. Voir O. Chatelan, ibid.
124 Notons que cette question était totalement absente des percées du Second Empire. Les commerçants seraient « relogés » dans le nouveau marché de gare créé derrière Perrache, sans indemnité, et les habitants indemnisés.
125 AG du 12 mai 1959.
126 Filiale immobilière du Crédit lyonnais, cette société anonyme au capital de 50 MF (1928) a été créée en 1879.
127 Ces deux sociétés anonymes, des Logements économiques (création 1888) et des Immeubles Saint-Paul (création en 1888), sont issues du même groupe d’industriels et de banquiers composé des frères Mangini, Joseph Gillet et d’É. Aynard. Voir H. Joly, Les Gillet de Lyon : fortunes d’une grande dynastie industrielle (1838-2015), Genève, Droz, 2015, p. 336-342 et F. Mangini, Les petits logements dans les grandes villes et plus spécialement dans la ville de Lyon, Lyon, Storck-Masson, 1891.
128 CA du 1er janvier 1958.
129 La municipalité dirigée par Louis Pradel depuis 1957 rédige, en accord avec la SISA, un projet de convention qui est voté au conseil municipal en juillet 1959 puis approuvé par le préfet en septembre. La mairie et la Direction départementale de la Construction donnent leur accord pour la destruction des immeubles situés aux nos 2, 3, 4, 5, 6, 10 quai Saint-Antoine et nos 4, 6, 8, 10, 12, 14, 20, 22 rue Mercière.
130 CA du 7 octobre 1958.
131 La raison pour laquelle une deuxième société est créée vient de l’interrogation des fondateurs sur le statut de la SISA. La question est de savoir si elle doit acquérir le statut de société conventionnée selon le décret de 1958 sur la rénovation urbaine de P. Sudreau (statut qui conditionne l’accès à des prêts bonifiés). Une société d’études, la Société lyonnaise d’étude immobilière (SLEI) est créée à l’initiative de la société foncière lyonnaise pour étudier cette question. La SRI y contribue. La SLEI est liquidée en juin 1960. La CISE prend également une participation dans la Compagnie lyonnaise immobilière, société conventionnée fondée par le général Lacaille (également dirigeant de la Société foncière lyonnaise), dans le but de construire 150 logements pour les expropriés. Cette participation grève ses comptes. CA des 4 novembre 1958, 6 janvier, 13 mars, 7 juillet 1959, et 26 juillet 1960.
132 CA du 3 février 1959.
133 En réalité ce conventionnement est attribué sous condition (que l’augmentation de capital soit réalisée en 1960 et que les travaux commencent en 1962), ce qui donne lieu à de nombreuses négociations pour obtenir plus de délais.
134 La participation de la SRI dans les deux sociétés se monte alors à 53 MF. CA du 3 novembre 1959 et AG du 12 mai 1960.
135 CA du 8 juillet 1964.
136 CA du 21 mai 1963 : le ministère des Affaires culturelles donne son accord sous réserve que les plans soient agréés par le même ministère. L’arrêté d’utilité publique est promulgué le 29 juin 1965. CA du 1er juillet 1965 : « L’arrêté d’utilité publique lève les derniers obstacles à l’acquisition d’immeubles ou de parties d’immeubles ainsi qu’à l’expulsion de certaines locataires qui se maintiendraient dans les lieux. Les démolitions pourraient reprendre à l’automne. Les projets de construction ont été approuvés par la ministère des Affaires Culturelles et par la ville de Lyon. »
137 L’opposition à cette opération immobilière est menée par l’Union de défense des expulsés du quartier Saint-Antoine-Mercière, présidée par Georges Crémieux, qui demande le rejet du projet et des expropriations. Elle invoque l’absence de nécessité pour exproprier, conteste le terme de rénovation d’îlot défectueux employé dans les textes municipaux (inadmissible pour les 2/3 des immeubles) : « Depuis près de 3 ans on grignote isolément et habilement les intéressés et il n’est pas possible d’obtenir des renseignements positifs sur notre réelle situation de menacés. » (Lettre du 3 octobre 1961). Enfin, elle remet en cause la procédure jugée irrégulière.
138 Les premiers immeubles concernés sont les nos 2, 3, 4, 5, 6, 7 quai Saint-Antoine et nos 4-16 rue Mercière. CA des 22 juin 1962 et 18 décembre 1964.
139 I. Backouche, Aménager la ville, Paris, Armand Colin, 2013. L. Bonneval et F. Robert, L’immobilier de rapport, forme urbaine, rapports de location et stratégies patrimoniales, Lyon, rapport pour l’ANR, 2011.
140 AG du 13 mai 1966.
141 CA du 14 janvier 1966, AG du 26 mai 1967, CA des 25 février 1969 et 7 novembre 1969 : « Le conseil, confirmant ses délibérations antérieures, estime qu’il faut sortir de ces deux affaires le plus tôt possible, sans chercher à faire un bénéfice, étant même entendu que cette opération de retrait pourrait être envisagée en cas d’une perte légère. Au cas où l’une des deux solutions ne pourrait être réalisée, il conviendrait alors de rechercher le bénéfice dans un avenir beaucoup plus lointain. »
142 CA des 9 décembre 1974 et 22 juin 1976.
143 CA du 13 juin 1977. La SIL y contribue également pour 2 MF (la dette totale s’élève à 6,2 MF).
144 Les terrains situés au nord ont été acquis par le groupe Urbiplan, Brodero, Pitance, (7,9 MF). Le CA a accepté cette transaction à la condition que les acquéreurs fassent l’avance des frais de libération du terrain (3 MF). CA du 9 janvier 1978. À l’issue de ces travaux, la SRI possède 23 % de la CISE-SISA soit une valeur de 1,5 MF bien inférieure à sa valeur intrinsèque.
145 CA des 8 janvier 1979, 15 octobre 1979, 20 octobre 1980 et 12 janvier 1981.
146 CA du 11 janvier 1982.
147 C. Delfante et A. Dally-Martin, Cent ans d’urbanisme à Lyon, ouvr. cité.
148 JO du 17 mars 1963. La loi porte sur la réforme de l’enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière et vise, entre autres, à favoriser la construction de logements.
149 CA du 9 octobre 1963.
150 Les sociétés d’investissement doivent disposer d’un capital d’au moins 50 MF et porter sur des projets de plus de 300 logements, celles de gestion n’ont pas de minimum. CA des 11 décembre 1963 et 22 janvier 1964.
151 CA du 8 juillet 1964.
152 CA du 7 octobre 1966, AG du 26 mai 1967, CA des 10 septembre 1969 et 7 novembre 1969.
153 Zone d’aménagement différé : la collectivité, en l’occurrence ici la SEM, y conserve un droit de préemption.
154 CA des 4 octobre 1971, 14 décembre 1971, 22 janvier 1973 et 9 décembre 1974.
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