Un traitement « méthodique » de la matière grammaticale : Denis Vairasse (1681)
p. 223-231
Texte intégral
Introduction
1Une vingtaine d’années après la Grammaire generale et raisonnée de Port-Royal parut, à Paris, le 17 novembre 1681, une Grammaire methodique dédiée au duc de Chartres. L’indication cryptique de l’auteur figure dans l’adresse, en dessous du lieu de publication, de l’éditeur et libraire : « Chez l’Auteur le Sr D.V. d’Allais, au bas de la ruë du Four, proche du petit Marché, Faubourg Saint Germain ». Sous ces initiales se cache le nom de Denis Vairasse ou Veiras1, originaire d’Alès2 dans le Gard, et mieux connu par son roman L’Histoire des Sevarambes (1677-1679), récit de voyage qui relève du genre de la littérature utopique3.
2On sait peu de choses à propos de Denis Vairasse (ca 1630 - ca 1690) : né à Alès dans une famille protestante, il fut d’abord soldat dans l’armée française. Ensuite, il fit des études de droit et passa plusieurs années (de 1665 à 1675 environ) en Angleterre, où il jouissait de la protection de George II Villiers, deuxième duc de Buckingham, et où il fit la connaissance de John Locke. Revenu en France, vers 1675, il s’installa à Paris et prit par précaution, à cause de ses convictions protestantes, le nom de famille « d’Allais ». Il semble avoir gagné sa vie en donnant des cours de français et d’anglais ; son enseignement de français à des anglophones l’amena à publier, en 1683, une petite grammaire française rédigée en anglais (A Short and Methodical Introduction to the French Tongue)4. À la suite de la révocation (1685) de l’Édit de Nantes, il s’établit aux Pays-Bas et c’est là sans doute qu’il termina sa carrière.
3Dans cette contribution, offerte en hommage à notre ami Bernard Colombat, nous voudrions analyser quelques aspects de la Grammaire methodique de Denis Vairasse5.
Coup d’œil sur le titre
4Le titre de la grammaire6 occupe trois quarts du frontispice. Il est constitué de lignes imprimées en grandes capitales, en romain et en italiques ; à l’intérieur d’une section (en italiques), quelques mots sont imprimés en petites capitales (en romain).
5Nous proposons la transcription suivante, conformément à la disposition du texte sur le frontispice :

6Trois données sont à relever ici : 1) le qualificatif « méthodique » ; 2) la mention d’un « ordre clair et naturel » ; 3) la proposition de « caractères [graphiques] nouveaux » n’altérant toutefois pas fondamentalement l’orthographe existante7. Le titre de l’ouvrage brandit deux qualités auxquelles prétend cette grammaire : esprit méthodique et innovation.
Paratexte et autopropagande
7Ces deux qualités sont mises en relief dans la préface (de l’auteur) et dans l’épître de « L’imprimeur au lecteur » (p. A vr-vijr) ; ces deux paratextes ne sont pas signés et l’on peut admettre qu’ils sont de la même main, celle de l’auteur8.
8La préface (p. A ijr-iiijv) est très intéressante, parce que l’auteur insiste sur l’exigence – à laquelle beaucoup9 de grammaires ne satisfont pas – de présenter une grammaire composée avec « méthode »10.
9Or que faut-il comprendre par cette qualification globale ? Une lecture serrée de la préface permet de concrétiser cette qualité « méthodique » de la manière suivante :
10(a) Étude des principes et des proprietez de la langue décrite :
Ce n’êt pas assez que d’avoir appris une Langue par une simple imitation, il en faut étudier les principes, en démêler les differentes proprietez. (p. A ijr)
11(b) Dégagement du rapport et de la liaison entre les matieres : « observer le rapport & la liaison que les matieres ont entr’elles » (p. A ijr-v)11.
12Si (a) et (b) concernent des aspects relevant du « plan ontologique » d’une langue (ses caractéristiques et sa constitution cohérente), les trois aspects suivants se réfèrent à l’activité du grammairien.
13(c) Exactitude des faits décrits.
14(d) Organisation adéquate de l’exposé :
[Dans ce grand nombre de Grammaires] […] [parmi plusieurs bonnes choses] on trouve de notables defauts, soit dans la matiere, ou dans l’ordre & la disposition des parties. (p. A iijr)
j’ai tâché de […] les [les matières] ranger dans leur ordre naturel. (p. A iijv-iiijr)12
15(e) Économie descriptive :
[…] methode reglée & uniforme dans l’oeconomie des preceptes. (p. A iijv)
[Les auteurs de grammaires] s’etendent le plus souvent en un détail ennuyeus des choses les moins importantes. (p. A iijv)
16(f) Enfin, il y a un aspect de « statut méthodique » qui relève à la fois de l’objet décrit et de son approche :
[…] I’ose encore esperer qu’ils [les grammairiens sincères] cesseront à l’avenir de confondre les regles de la Langue Françoise avec celles de la Latine, dont ils semblent estre si entêtez, qu’ils tirent ordinairement le portrait de la fille sur le visage de la mere, sans considerer que chaque Langue a son air & son caractere particulier. (p. A iiijr-v)
17On voit formulé ici, de manière métaphorique, le principe d’immanence descriptive, celui donc d’un positionnement grammaticographique émique13.
18L’idée de l’unicité « caractérielle » de chaque langue est reprise dans l’épître de « L’imprimeur au lecteur », mais d’un point de vue contrastif : s’adressant aux étrangers qui veulent apprendre le français, « l’imprimeur » les rassure qu’ils « trouveront dans cette Grammaire des secours merveilleux pour leur en faire comprendre le Genie & la veritable constitution »14 (p. A vjv).
19En même temps, cette épître apporte un éclaircissement quant aux prétentions scientifiques de la grammaire : on apprend que l’ouvrage est novateur dans son traitement « méthodique » de la « Declinaison des noms » et de la « Conjugaison des Verbes »15.
La mise en œuvre grammaticographique
20Comment se traduit l’objectif méthodique dans le traitement des données grammaticales ? Notons d’abord que la description est articulée en quatre parties : une première partie, où est définie la grammaire et dans laquelle l’auteur traite des lettres16 et des syllabes ; une deuxième consacrée à la prosodie, suivie de la partie la plus étendue, « De l’Analogie » (p. 54-434)17, qui comprend aussi une section sur l’étymologie (p. 421-434) ; enfin une quatrième partie, « De la Syntaxe ou Construction du Discours ». Dans cette dernière partie, l’auteur dit s’être limité à l’essentiel, réservant un traitement plus circonstancié pour une autre occasion :
Il me seroit facile de grossir ce Traité de la Syntaxe de diverses observations sur l’Idiome ou proprieté de notre Langue, sur la Phrasiologie, sur la Grammaire figurée, & sur la Ponctuation, ou distinction des parties de la Periode : mais je reserve ces matieres pour un volume à part, & passe par dessus beaucoup de regles moins importantes que celles que j’ai données. (p. 497)
21La partie centrale de l’ouvrage est structurée autour du schéma des parties du discours. Vairasse en reconnaît neuf, qu’il traite dans l’ordre suivant : nom (comprenant le substantif et l’adjectif), article, pronom, verbe, participe, adverbe, préposition, conjonction et interjection. Dans le traitement des parties du discours, quatre caractéristiques se dégagent :
22(i) Le démarquage net des accidents des (principales) parties du discours18 : ces accidents sont énumérés « en bloc » au début de l’analyse de la classe de mots en question.
23(ii) L’attention portée à la catégorisation de formes, opération dans laquelle l’auteur tient compte à la fois de la sémantique des unités grammaticales (et lexicales) et des aspects formels. Ainsi, il faut relever son rejet de la distinction entre articles définis et indéfinis au profit d’une division des noms en noms dividuels et individuels19 ; ses observations sur l’emploi adjectival ou verbal des participes (p. 235) ; ses observations sur l’impersonnel (p. 308) ; sa classification des formes temporelles20.
24(iii) Le fait d’avoir entrevu que les frontières entre certaines parties du discours sont floues :
Il faut remarquer qu’il y a plusieurs mots qui sont tantôt des Prepositions, & tantôt des Adverbes, selon la manière de les construire. (p. 390)
Au reste il faut observer, qu’il y a tant d’affinité entre les Conjonctions, & les Adverbes que le plus souvent on les confond, sans pouvoir gueres bien les demêler. (p. 417)
25(iv) Le souci d’informer le lecteur sur l’usage correct de la langue. À plusieurs reprises21, l’auteur affirme avoir consulté des experts ; toutefois, son empirisme lui inspire une attitude tolérante :
Pour moi je suis du sentiment de ceux qui disent que toutes ces diverses manieres sont également bonnes, puis qu’elles n’ont rien de rude ni de contraire à l’analogie, qu’on peut s’en servir indifferemment, & qu’elles sont toutes pratiquées par les gens les plus polis. (p. 376-377)
26Terminons par quelques remarques sur la section de syntaxe. Curieusement, Vairasse, séparant les phénomènes qui relèvent de l’ordre des mots et ceux qui relèvent de leurs rapports mutuels, établit une équivalence entre régime et construction :
Il y a deux choses principales à considerer dans la Syntaxe, à savoir la Construction ou arrangement des mots & le Regime, dependence [sic] ou rapport que les parties ont entr’elles. (p. 435-436)
Le Regime ou Concordance des Parties du Discours, est proprement le rapport que les termes ont entre eux, pour la composition reguliere des Phrases & des Periodes. (p. 467)
27Cela tient au fait que pour Vairasse, la syntaxe consiste à distinguer ce qui est régissant et ce qui est régi22 ; or, un rapport de rection peut se traduire par une concordance (par exemple entre l’adjectif ou l’article et le nom qu’il accompagne ; entre le sujet et le verbe principal ; entre le relatif et son antécédent) ou par un rapport de dépendance. Il est à noter que Vairasse utilise la notion de régime dans un sens bidirectionnel : le régime « de l’adjectif » (p. 493) désigne la construction engagée par un adjectif (sensible à, utile à) ; par régime « de l’infinitif » (p. 490), Vairasse entend l’emploi de l’infinitif comme régi (par un verbe principal) ; et par régime « des modes » (p. 485) il faut entendre la dépendance d’un mode subordonné à l’égard d’un mode principal.
Conclusion
28La Grammaire methodique de Denis Vairasse, tout en n’étant pas une grammaire philosophique, est un ouvrage de réflexion23 sur les structures de la langue et sur les exigences du travail grammaticographique. Vairasse est loin d’être un simple « grammatiste » : il met en question des concepts reçus – comme ceux d’article défini et d’article indéfini –, il opère d’intéressantes distinctions classificatoires (comme celles de cas et de modes « directs et obliques ») et il ne perd jamais de vue les attentes de son public24, à l’affût d’un exposé clair, suffisamment complet et reflétant l’usage correct de la langue. Enfin, ce grammairien méthodique est bien conscient du fait que son objet – la langue – est une réalité (par trop) humaine :
Cependant il faut ceder à l’usage, quoi qu’il soit en plusieurs choses contraire à la raison, & attendre qu’il change, comme il a fait souvent en d’autres occasions. Car c’est mal entendre les choses, que de croire qu’il ne change jamais, puis que l’experience a fait voir en tout tems qu’il etoit sujet au changement, comme les autres choses humaines. (p. 296)
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Chevalier Jean-Claude, 1968, Histoire de la syntaxe. Naissance de la notion de complément dans la grammaire française (1530-1750), Genève, Droz.
Colombat Bernard éd., 1998, avec l’assistance d’Élisabeth Lazcano, Corpus représentatif des grammaires et des traditions linguistiques, t. I, hors-série no 2 d’Histoire Épistémologie Langage.
Fournier Jean-Marie, 2013, Histoire des théories du temps dans les grammaires françaises, Lyon, ENS Éditions.
10.4000/books.enseditions.4724 :Mühl Emanuel von der, 1938, Denis Veiras et son Histoire des Sévarambes (1677-1679), Paris, Droz.
Pellandra Carla, 1986, « Transparences trompeuses : les cosmogonies linguistiques de Foigny et de Veiras », Requiem pour l’utopie ? Tendances autodestructrices du paradigme utopique, C. Imbroscio éd., Pise, Libreria Gollardica, p. 55-71.
Swiggers Pierre, 1984a, « Méthode et description grammaticale chez Denis Vairasse d’Allais », Grammaire et méthode au xviie siècle, P. Swiggers éd., Louvain, Peeters, p. 68-87.
— 1984b, « Relecture : Vairasse d’Allais et sa grammaire française à l’usage des Anglais », Le français moderne, no 52, p. 221-224.
— 1987, « La description de la langue des Sevarambes chez Denis Vairasse d’Allais : grammaire et fiction », Lingua e Stile, no 22, p. 119-126.
— 1999, « Pour une systématique de la terminologie linguistique : considérations historiographiques, méthodologiques et épistémologiques », La terminologie linguistique, t. VI des Mémoires de la Société de linguistique de Paris, p. 11-49.
[Vairasse d’Allais Denis], 1677-1679, L’Histoire des Sevarambes ; peuples qui habitent une partie du troisieme Continent, communément appellé la Terre australe, Contenant un compte exact du Gouvernement, des Mœurs, de la Religion, & du langage de cette Nation, jusques aujourd’huy inconnuë aux Peuples de l’Europe […], Paris, Claude Barbin, 5 tomes.
— 1681, Grammaire methodique contenant en abregé les principes de cet art Et les Regles les plus necessaires de la Langue Françoise […], Paris, chez l’Auteur.
— 1683, A Short and Methodical Introduction to the French Tongue, Paris, [« To be sold at the Author’s Lodging, Au bout de la ruë Sainte Marguerite, proche le Carrefour Saint Benoist, Fauxbourg Saint Germain, attenant la Boutique d’un Fruitier »].
Notes de bas de page
1 Nous adoptons la graphie Vairasse. Dans nos citations de la Grammaire methodique, nous respectons la graphie et la ponctuation de l’original.
2 L’Édit de Nantes (1598) avait désigné Alès comme un des lieux de sûreté pour les protestants.
3 La première partie de l’ouvrage parut d’abord en anglais, sous le titre The History of the Sevarites (1675) ; rentré en France, l’auteur publia l’ouvrage entier en français, L’Histoire des Sevarambes, roman qui raconte le voyage du capitaine Siden (anagramme de Denis) dans les Terres australes, où il passa quelques années dans la parfaite société du peuple des Sévarambes, disposant d’une langue également parfaite. Pour une analyse du contenu de L’Histoire des Sevarambes, voir von der Mühl (1938) ; sur la langue des Sevarambes, voir Pellandra (1986) et Swiggers (1987). L’utopie romancée de Denis Vairasse a fait l’objet d’une réédition avec introduction par Raymond Trousson (Genève, Slatkine, 1979) et d’une édition critique par Aubrey Rosenberg (Paris, Champion, 2001).
4 Titre complet : A Short and Methodical Introduction to the French Tongue. Composed for the particular use and benefit of the English, by D.V. d’Allais a Teacher of the French, and English Tongues in Paris. To be sold at the Author’s Lodging, Au bout de la ruë Sainte Marguerite, proche le Carrefour Saint Benoist, Fauxbourg Saint Germain, attenant la Boutique d’un Fruitier. Sur ce manuel grammatical, voir Swiggers (1984b).
5 La Grammaire methodique de Vairasse a fait l’objet de quelques rares études : Chevalier (1968, p. 582-589 ; appréciation globale, plutôt négative, de la description morphosyntaxique), Swiggers (1984a) et Fournier (2013, p. 41-44 et 66-67 ; analyse de son système de temps simples et temps composés).
6 Pour la Grammaire methodique on dispose d’une fiche descriptive, établie par Jean-Marie Fournier, dans le Corpus représentatif des grammaires et des traditions linguistiques (voir Colombat éd. 1998, p. 141-143, no 2307).
7 Ce qui sera contredit dans l’épître de « L’imprimeur au lecteur » : en effet, « l’imprimeur » signale que comme la grammaire « contient plusieurs caracteres nouveaux, la correction des épreuves en a eté si difficile, que j’ose dire qu’il n’y avoit que l’Auteur capable de s’en bien acquiter » (p. A vijr).
8 Il est vrai que « l’imprimeur » justifie (p. A vv) la longueur de l’ouvrage face à l’objectif initial de concision de la part de l’auteur, mais il est évident qu’il s’agit ici d’un stratagème de l’auteur pour mettre davantage en relief les qualités de son ouvrage : « Mais la matiere l’attirant insensiblement, il s’est vû dans la necessité de grossir son ouvrage, pour expliquer plusieurs choses utiles qu’il ne pouvoit omettre, & de renverser de faux Principes pour en établir de veritables. Il ne faut donc pas s’étonner si dans les premieres pages, il s’excuse souvent sur la brieveté qu’il s’étoit proposée ; puis que d’un Livre de six ou sept feuilles, il en a fait un de 25, s’étant engagé peu a peu à fournir de la copie, à mesure qu’on l’imprimoit. Mais il y a lieu de se consoler de cet engagement de l’Auteur, puis qu’il est utile au Public, & qu’il lui procure un ouvrage beaucoup plus parfait, que ne pourroit être un Abregé » (p. A vv). Dans cette épître, la formulation du titre est d’ailleurs légèrement, mais de façon significative, modifiée : « Il [l’auteur] y a aussi mêlé beaucoup de choses nouvelles pour la correction de l’Ortographe, qui pourront être fort utiles au public, & rendre notre maniere d’écrire plus reguliere & plus facile, sans rien changer d’essentiel dans l’Etymologie des mots » (p. A vjv).
9 Il est question d’une prolifération de grammaires : « […] depuis que la nôtre [la langue française] s’êt aquis de la reputation, on ne void par-tout que des Grammaires Françoises faites en France ou dans les païs étrangers » (p. A iijr).
10 Le terme est utilisé deux fois par l’auteur dans la préface, une première fois dans un passage où sont critiquées la majorité des grammaires françaises existantes (« On ne suit point de methode reglée & uniforme », p. A iijr-v) et une seconde fois en référence à sa propre grammaire (« I’espere […] que les Grammairiens sincéres qui l’examineront sans préjugé, approuveront cette methode », p. A iiijr).
11 Voir la dernière phrase de l’ouvrage : « Cependant je prie le Lecteur équitable de comparer cette Grammaire avec celles qui ont parû ci-devant, d’en considerer l’ordre & la liaison des parties, & de pardonner, du moins dans une premiere edition, les fautes de l’Auteur & celles de l’Imprimeur » (p. 498).
12 L’auteur insiste sur le profit didactique qui en résulte : « afin qu’on puisse facilement & comme tout d’une vûë remarquer la juste situation & l’enchaînement des parties pour la composition du tout » (p. A iiijr).
13 Sur la distinction entre l’approche émique et l’approche étique (théorisée par des linguistes et anthropologues américains comme Kenneth L. Pike, Floyd Lounsbury, Ward Goodenough), voir Swiggers (1999, p. 28-29).
14 À noter que ces mêmes termes sont employés à l’intérieur de la grammaire, ce qui renforce l’hypothèse que derrière « l’imprimeur » se cache l’auteur : voir p. 79 (« au genie & à la constitution de notre Langue »), p. 129 (« peu conformes au genie de notre Langue »), p. 193 (« les Grammairiens n’ont guere bien compris quelle etoit en cela la constitution & le genie particulier de notre Langue »), p. 240, où génie de la langue et humeur nationale sont accouplés (« ce qui [l’accord du participe passé avec son objet, imputé à la « passivité » des Italiens !] est tout opposé au genie de notre Langue, & à l’humeur des François, dont le temperament est beaucoup plus actif que passif »), p. 294 (« Cette maniere de construire le Participe du Tems passé […] me semble la plus naturelle & la plus conforme au genie de notre Langue, en ce qu’elle est plus vive & plus commode »), p. 435 (« selon le genie & la constitution de chaque Langue »).
15 « La Declinaison des noms & la Conjugaison des Verbes, qui sont les deux choses les plus importantes dans l’Analogie, n’a paru jusqu’ici dans les autres Grammaires, que dans une extrême confusion : mais ces matieres sont traitées dans celle-ci avec tant de metode & de clarté, que je ne crois pas qu’on y puisse rien ajoûter ni diminuer » (p. A vijr ; ici, la graphie metode est utilisée).
16 C’est ici que l’auteur présente son « alphabet methodique », que nous avons analysé ailleurs (Swiggers 1984a, p. 77-80) ; l’orthographe préconisée par Vairasse est utilisée seulement dans la présentation des paradigmes verbaux.
17 Vairasse parle de « l’Analogie ou Reduction » : « Le mot d’Analogie se prend souvent pour le rapport ou convenance que les termes ont entre eux : mais ici je le prens dans un autre sens, & dis que l’Analogie ou Reduction est la troisiéme partie de la Grammaire, qui traite de tous les mots ou dictions d’une Langue, & montre à les ranger, selon leur signification, en de certaines classes qu’on appelle les Parties du Discours. La pluspart des Grammairiens la nomment Etymologie, prenant la partie pour le tout : car l’Etymologie n’est proprement que cette partie de l’Analogie qui traite de l’origine ou derivation des mots : mais celle-cy s’occupe à expliquer toutes les parties du discours » (p. 54-55).
18 Il s’agit du nom (7 accidents : espèce, figure, genre, nombre, cas, déclinaison, comparaison), du pronom (7 accidents : genre, nombre, cas, figure, personne, espèce, déclinaison) et du verbe (8 accidents : genre, figure, espèce, mode, temps, personne, nombre, conjugaison). Vairasse signale aussi que le participe combine les accidents du nom et du verbe (à l’exception de la personne) ; il mentionne quatre accidents pour l’adverbe (espèce, figure, signification, comparaison) et trois pour la conjonction (figure, signification, ordre).
19 Voir l’analyse chez Chevalier (1968, p. 586-587) et Swiggers (1984a, p. 82-83).
20 Voir Fournier (2013, p. 42-43).
21 Voir p. 320 (« les esprits les plus éclairez que j’ai consultez à Paris »), p. 359 (« les personnes les plus polies & les plus savantes dans notre Langue que j’aye pû trouver dans Paris »), p. 370 (« selon la pratique des Parisiens les plus exacts dans la prononciation de leur langue »), p. 372 (« la pratique des personnes les plus exactes »), p. 376 (« des personnes tres polies »).
22 « Or il y a deux choses generales à considerer dans le Regime, à savoir les Termes qui regissent, & ceux qui sont regis ; c’est à dire les Parties principales qui regnent dans le discours, & celles qui en dépendent » (p. 467).
23 Voir l’aveu de l’auteur : « Il n’y a rien dans la Grammaire Françoise qu’on ait plus mal entendu que le nombre & l’ordre des Modes. Tout cela est fort confondu dans les Grammaires ; & j’ai esté long-tems à examiner cette matiere sans y rien voir de bien clair : Mais enfin, après une longue meditation, je crois avoir trouvé la lumière que je cherchois, & la pouvoir communiquer aux autres » (p. 187).
24 Le souci pédagogique de l’auteur est apparent à plusieurs endroits (voir p. 258, 314, 320, 340, 351).
Auteur
Katholieke Universiteit Leuven
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un dialogue atlantique
Production des sciences du langage au Brésil
Eni Puccinelli Orlandi et Eduardo Guimarães (dir.)
2007
Des sons et des sens
La physionomie acoustique des mots
Frederico Albano Leoni Philippe-Marie Théveny (trad.)
2014
Entre expression et expressivité : l’école linguistique de Genève de 1900 à 1940
Charles Bally, Albert Sechehaye, Henri Frei
Anamaria Curea
2015
Voix et marqueurs du discours : des connecteurs à l'argument d'autorité
Jean-Claude Anscombre, Amalia Rodríguez Somolinos et Sonia Gómez-Jordana Ferary (dir.)
2012