Conclusion
p. 239-240
Texte intégral
1Dès la fin du xve siècle, l’invention de Gutenberg a eu ses premières répercussions sur la législation royale. Certes, la mise sous presse des actes royaux est avant tout d’origine privée entre 1490 et 1559, mais elle n’en a pas moins des incidences institutionnelles sur le processus législatif lui-même. Dans un premier temps, l’impression des lettres patentes reste timide. Durant les règnes de Charles VIII et de Louis XII, le nombre de pièces imprimées est faible, d’autant plus si on le compare au frémissement que commence à connaître l’activité normative du roi de France. La première rupture date du règne de François Ier. Non seulement celui-ci légifère activement, mais il intègre – ou au moins expérimente – l’utilisation de l’imprimerie de manière officielle pour la promulgation et la diffusion de ses décisions. Son règne voit en effet paraître à la fois les premiers originaux imprimés et les premières copies imprimées authentifiées par la signature d’un secrétaire du roi ou d’un notaire royal. Les originaux imprimés semblent être restés de simples expérimentations au cours de la période d’étude. Ils montrent néanmoins que la chancellerie commence à prendre conscience des intérêts de l’imprimerie pour l’activité législative. Celle-ci se révèle surtout utile pour la production de copies : l’imprimerie permet en effet de produire un grand nombre de textes identiques qui, une fois authentifiés par une simple signature, peuvent servir à la diffusion des lettres patentes auprès de l’ensemble des juridictions du royaume. La chancellerie s’inspire alors de la pratique de certaines cours souveraines qui, dès le xve siècle, furent les premières institutions à recourir à l’imprimé pour la diffusion des actes royaux par l’intermédiaire des tribunaux inférieurs, mais aussi des affiches placardées par les crieurs publics. C’est également par le biais de l’enregistrement par les juridictions du royaume que les actes royaux imprimés participent à la conservation officielle de la législation de l’Ancien Régime. Du fait de leur diffusion massive auprès des tribunaux inférieurs à partir de la fin du règne de François Ier, des copies imprimées de lettres patentes ont été directement intégrées dans les registres de certaines juridictions, allégeant ainsi le travail de transcription des greffes.
2Toutefois, l’essentiel de la législation imprimée avant 1559 est impulsé par l’initiative privée des imprimeurs-libraires. Certes, les institutions exercent un contrôle croissant par le biais des privilèges de librairie mais celui-ci reste indirect et n’intègre pas les copies produites dans le processus législatif officiel. Il s’agit de simples copies destinées aux particuliers, notamment aux professionnels du droit. Bien que non officielles, elles participent également à la diffusion et à la conservation des lois. En effet, leur nombre croît considérablement au cours des décennies 1540 et 1550, améliorant mécaniquement la diffusion des textes dans l’ensemble du royaume. De même, compte tenu du volume d’actes royaux en leur possession, certains érudits commencent à les organiser en recueils afin d’en faciliter la consultation et la conservation. Ainsi, l’imprimerie a permis de multiplier les lieux au sein desquels la législation royale est conservée. Si cette dernière est au Moyen Âge confinée aux registres des juridictions, elle se retrouve désormais dans la bibliothèque d’un grand nombre de lettrés. Toutefois, aucune de ces collections ne s’avère complète en raison des principes régissant l’enregistrement des textes et des lacunes dans l’impression des actes royaux. Cette dispersion explique la difficulté d’appréhender la législation de l’Ancien Régime dans sa globalité alors que le pouvoir monarchique ne cesse de développer son intervention, comme le montre notamment la grande variété des objets abordés par les actes royaux imprimés.
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