Introduction
p. 19-23
Texte intégral
1Enseigner c’est « faire apprendre une science, un art, une discipline à quelqu’un, à un groupe, le lui expliquer en lui donnant des cours, des leçons » (« Enseigner », s.d.). Apprendre, toujours selon la définition du Larousse, c’est « acquérir par l’étude, par la pratique, par l’expérience une connaissance, un savoir-faire, quelque chose d’utile » (« Apprendre », s.d.). Ces deux actions, au cœur du travail de l’enseignant, sont à l’origine de cette étude. Comment enseigner pour que les élèves apprennent, sachant que dès les premières années de la scolarité obligatoire, certains enfants rencontrent des difficultés d’apprentissage ?
2Ces inégalités face aux acquisitions scolaires sont souvent liées aux différentes manières de faire et d’apprendre de chacun (Caffieaux, 2011). Le rapport à l’école, au savoir, aux apprentissages diffère d’un enfant à l’autre, d’une famille à l’autre. On sait que les pratiques enseignantes peuvent influencer le fonctionnement des élèves dans leurs apprentissages et favoriser ou pas leur développement : l’inégalité scolaire n’est pas une fatalité socioculturelle (Bautier, 2006 ; Caffieaux, 2011 ; Cèbe, 2001). Ainsi, les pratiques enseignantes devraient être en mesure d’aider les élèves dans leurs apprentissages et non de rendre ces apprentissages plus difficiles.
3Enseigner demande donc de faire des choix pédagogiques et didactiques ainsi que d’interroger ses pratiques en regard des progressions des élèves. Dans cette recherche, c’est à travers la catégorisation que les pratiques enseignantes et les apprentissages des élèves seront interrogés. Catégoriser et conceptualiser les objets du monde est un processus universel qui permet de s’adapter à notre environnement. Dans un souci de développer des compétences catégorielles et des procédures efficaces chez les élèves, je me suis intéressée à l’enseignement de la catégorisation dans une classe de deuxième année primaire Harmos (2P) en Suisse.
4Le Plan d’études romand (ci-après PER ; CIIP, 2010), document de référence commun à l’ensemble des cantons de Suisse romande, ne traite pas explicitement de la catégorisation. En revanche, dans la plupart des domaines disciplinaires, des tâches de catégorisation sont requises : par exemple en langues (comparaison des informations données par l’image et par le texte, construction de l’ordre chronologique d’une histoire, trier des ouvrages, identifier des livres…), en mathématiques (classement d’objets, identifier, trier et organiser des informations, comparer des collections…) ainsi qu’en sciences humaines (catégorisation des éléments, classement, distinction d’étapes de la vie…).
5Dans le domaine disciplinaire « Mathématiques et Sciences de la nature », sous commentaires généraux, il est indiqué :
Face aux évolutions toujours plus rapides du monde, il est nécessaire de développer chez tous les élèves une pensée conceptuelle, cohérente, logique et structurée, d’acquérir souplesse d’esprit et capacité de concevoir permettant d’agir selon des choix réfléchis. Dans le même ordre d’idées, il est également important de permettre aux élèves de contextualiser l’utilisation des nombres, éléments essentiels dans la communication d’informations et de données, ainsi que de structurer l’espace par l’utilisation de repères universels. Par un questionnement sur le monde qui les entoure, on favorise chez eux une prise de conscience des conséquences de leurs actions sur leur environnement. L’approche ludique dans la résolution de problèmes logiques et de stratégies leur offre une manière de s’ouvrir à des situations avec confiance et réflexion. (CIIP, 2010, p. 7)
6Il est ainsi recommandé de permettre aux élèves de développer une pensée conceptuelle, une prise de conscience de leurs actes et d’acquérir de la flexibilité. En d’autres termes, il s’agit de favoriser la métacognition, l’autorégulation et l’autonomie.
7Dans la brochure de présentation générale du PER « Organisation du Plan d’études romand », sous le titre « compétences transversales », les auteurs relèvent l’importance de ces dernières en tant qu’elles participent aux apprentissages :
En tant qu’intentions de formation, les capacités transversales peuvent trouver différentes formes d’expression dans la formulation du plan d’études, sans être perçues comme des objets d’apprentissage en soi. […] Ce faisant, elles constituent un appui à l’apprentissage de notions plus complexes. Intégrées à tous les domaines d’enseignement, elles sont clairement reconnues comme relevant de la responsabilité de l’ensemble du milieu scolaire. (CIIP, 2010, p. 35)
8Les instructions officielles demandent aux enseignants de travailler à la construction de ces compétences dites « transversales » dès le premier cycle de l’école dans le cadre de situations contextualisées. Les élèves seront ainsi amenés à construire des concepts fondamentaux impliqués dans un grand nombre de tâches scolaires. Les compétences transversales sont définies dans le PER comme permettant à l’élève d’améliorer sa connaissance de lui-même ainsi que d’optimiser et réguler ses apprentissages. Elles définissent « les contours des diverses aptitudes fondamentales, lesquelles traversent à la fois les domaines d’apprentissage et l’ensemble de la scolarité » (p. 6). Catégoriser permet de faire face aux diverses situations de la vie quotidienne et favorise l’apprentissage. C’est une conduite adaptative fondamentale qui permet à l’intelligence humaine de réduire la complexité du monde qui l’entoure en l’organisant, en mettant de l’ordre dans ses connaissances et en les subdivisant en catégories. La catégorisation joue donc un rôle fondamental dans l’apprentissage car elle est impliquée dans de nombreuses activités cognitives, des plus simples aux plus complexes : identifier, déduire, désigner, représenter, abstraire des relations, mémoriser, rappeler, apprendre. Savoir catégoriser permet alors de réussir un grand nombre de tâches scolaires et de situations de la vie quotidienne (Cèbe, Paour & Goigoux, 2004).
9Dans la brochure de présentation générale du PER, il est précisé : « les capacités transversales ne sont pas enseignées pour elles-mêmes, mais se mobilisent au travers de nombreuses situations contextualisées leur permettant de se développer et d’étendre progressivement leur champ d’application » (CIIP, 2010, p. 35). Il est bien demandé aux enseignants de favoriser le développement de ces compétences transversales mais, de même que le constatent Cèbe et al., (2004) pour la France, aucun texte officiel ne statue sur les pratiques d’enseignement ou les méthodes pédagogiques capables de les faire apprendre.
10Le PER précise que l’enseignant dispose d’une certaine liberté quant aux moyens d’enseignements qu’il désire exploiter : « Le choix des moyens d’enseignement et la responsabilité pédagogique des enseignants dans leur classe laissent toutefois une marge de manœuvre qui reste conforme à l’harmonisation voulue par le peuple et les cantons suisses » (CIIP, 2010, p. 1). Compte tenu de la liberté laissée à l’enseignant quant aux moyens utilisés et les directives concernant le développement de capacités transversales, j’ai choisi de travailler la catégorisation dans une classe de deuxième enfantine à l’aide de l’outil Des procédures aux concepts, catégoriser des catégories (ci‑après Catégoriser des catégories).
11La catégorisation est une compétence requise dès l’entrée à l’école et tout au long de la scolarité. Catégoriser est au cœur non seulement des processus d’apprentissage mais aussi de nombreuses situations de la vie quotidienne. Bien que requise dans toutes les disciplines scolaires, la catégorisation fait partie, selon une formule de Bernardin (2001) des « impensés du quotidien scolaire » (p. 91), car cette compétence n’est jamais enseignée en tant que telle.
12Omniprésente dans le prescrit, usitée mais jamais enseignée, c’est le développement de la catégorisation en classe de deuxième enfantine qui fait l’objet de cette étude. Tout d’abord du point de vue de l’enseignement, il s’agira d’identifier les gestes professionnels requis pour enseigner la catégorisation à l’aide d’un outil adapté. Puis, du point de vue des apprentissages, il s’agira de mesurer l’impact des activités proposées sur le développement de la catégorisation chez des enfants de 5‑6 ans.
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Enseigner la catégorisation pour apprendre à catégoriser
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