Dégager les imaginaires
p. 133-135
Texte intégral
1En dédicaçant son texte à toutes celles et à tous ceux qui ont eu l’impression de perdre leur temps sur les bancs de l’école parce que l’on n’y faisait jamais rien de concret, Taha Naji nous en dit certes beaucoup sur son travail, mais peut-être surtout sur lui-même. Donc : le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas gardé de très bons souvenirs de son passage à l’école. Et il n’est malheureusement pas le seul : elle serait longue, la liste de celles et ceux qui ont fait le même constat, avec même, parmi tous ces gens, des noms bien illustres qui ont parsemé leur œuvre de sombres remémorations scolaires (Vallès bien sûr, mais aussi Lavisse)…
2Mais revenons à notre auteur, et au paradoxe auquel nous renvoie son ouvrage. Voilà quelqu’un qui s’est abondamment morfondu à l’école, et qui pourtant s’est engagé dans de longues années de formation en sciences de l’éducation afin d’obtenir son master en analyse et intervention dans les systèmes éducatifs. Un parcours académique conclu par un beau mémoire consacré à l’École Ferrer.
3Le paradoxe n’est évidemment qu’apparent. C’est précisément parce qu’il est passionnément fasciné par l’éducation, et qu’il en a une très haute idée, que Taha Naji s’est lancé dans cette formation et dans cette enquête consacrée à l’histoire de l’école et de la pédagogie. Et plus précisément d’une école, d’une pédagogie : celle de l’École Ferrer, dont il évoque l’existence, les ressorts, et les remous provoqués par ses prises de position et modes de fonctionnement. Un projet libertaire qui est tout à la fois le modèle inversé de l’école que l’auteur a fréquentée, et un appel à celle qu’elle pourrait – devrait – être, ou redevenir.
4Car la réflexion de Taha Naji, ne nous y trompons pas, même si elle s’inscrit en histoire de l’éducation, n’est pas exclusivement tournée vers le passé. Même si, bien sûr, c’est la curiosité liée à la redécouverte d’une expérience enfouie dans les replis du temps qui a initié cette recherche. Il n’empêche : l’ensemble de la démarche menée ici vise surtout à questionner le présent et plus encore l’avenir de cette institution qui nous est commune à tous. Et à comprendre comment cette belle idée d’une institution dédiée au plaisir de grandir et de se grandir en apprenant a pu être repensée, expérimentée et débattue au tournant du 20e siècle dans ce petit coin de Suisse romande, au prisme d’une ambition émancipatrice. Certes non sans difficulté, divisions, tensions, controverses. Autant d’étapes nécessaires quand on cherche à vivifier, innover, transformer un système perçu comme inadapté avant tout à celles et ceux à qui il est destinée : les élèves, leurs parents, les enseignantes et enseignants.
5Oubliée, cette expérience ? Révolue, cette époque ? Obsolète, cette ambition ? L’auteur, on s’en doute, espère bien que non. Il a travaillé ses archives comme un archéologue extrait de précieux ossements de ses couches géologiques : pour que de telles histoires soient remises au jour et surtout au gout du jour, et pour donner à voir qu’il est possible de faire mieux ou faire autrement.
6À l’heure où l’actualité pousse parfois à vouloir faire la même chose en faisant moins, et moins cher (on se demande comment ?), le livre qu’on vient de lire s’efforce de montrer que d’autres imaginaires sont possibles ici ou ailleurs ou jadis, et d’autres espérances existent que la seule ligne budgétaire.
7Tout un programme qui méritait bien de figurer dans le catalogue des Éditions Interroger l’éducation.
Auteur
Université de Genève
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