Prise en charge sexuée de la jeunesse “irrégulière”
p. 89-126
Texte intégral
1Cette disparité entre les filles et les garçons se reflète dans les politiques publiques de protection de l’enfance. Pour chercher à comprendre quel est l’impact de la différenciation sexuée sur la mise en œuvre et les effets d’une politique, je vais mettre en perspective La Pommière avec le Centre de Chevrens. Les deux institutions ont en commun la prise en charge d’un public “difficile”, avec une catégorie d’âge similaire : l’adolescence. Cependant, La Pommière est réservée aux filles, et le Centre de Chevrens aux garçons.
Des politiques publiques genrées (1960‑1980)
2Une politique publique est constituée de plusieurs moments, des « séquences d’actions plus ou moins ordonnées » (Muller, 2013, p. 24). Dans le chapitre qui va suivre, je vais me fonder sur les trois premières étapes d’une politique publique (Jones, 1970, cité par Muller, 2013) – l’identification d’un problème, le développement d’un programme et la mise en œuvre de la politique – pour analyser la prise en charge des adolescent.es considéré.es comme caractériel.les à Genève, dans une perspective genre.
Identification du problème (garçons vs filles)
3L’identification du problème est la phase au cours de laquelle « le problème est intégré dans le travail gouvernemental. À cette étape sont associés des processus de perception du problème, de définition, d’agrégation des différents événements ou problèmes, d’organisation des structures, de représentation des intérêts et de définition de l’agenda » (Muller, 2013, p. 22).
4Dès le début des années 1960, les professionnel.les de la protection de l’enfance à Genève soulignent le manque de place récurrent dans les institutions pour les adolescent.es “difficiles”. La problématique des besoins de placement à Genève est liée au contexte démographique et aux nouvelles prescriptions concernant la prise en charge de l’enfance inadaptée, mais aussi à d’autres transformations sociales. D’une part, la modification des représentations de la jeunesse et la plus grande liberté accordée aux jeunes a pour corolaire l’augmentation de la délinquance juvénile. D’autre part, l’exigence d’avoir une main d’œuvre plus qualifiée, liée au contexte économique, nécessite de mettre l’accent sur la formation professionnelle des jeunes afin de favoriser leur insertion sociale. Le manque de place dans les institutions de placement s’inscrit dans l’agenda des politiques publiques de protection de l’enfance. Le manque de places en institution concerne tous les adolescent.es en général même s’il est déjà plus marqué pour les filles que pour les garçons. Les différents rapports établis entre 1965 et 1972 montrent que les besoins de placement pour les filles augmentent de manière significative sans qu’aucune structure ne soit créée pour les accueillir, contrairement aux garçons (le Centre de Chevrens en 1957, la Clairière en 1964).
5Suite aux « cris d’alarmes […] lancés par les services placeurs, des statistiques ont été élaborés pour tenter de recenser les besoins, en vue de la création ou de l’agrandissement de diverses institutions »1, parmi lesquelles figurent Les Verchères et La Pommière. En 1960, un rapport du DIP sur les problèmes de placements d’adolescent.es dans les services sociaux de Genève signale que presque la moitié des jeunes filles âgées de 12 à 20 ans sont placées de manière inadéquate dans les institutions genevoises. Près d’un tiers des « jeunes filles d’intelligence normale avec trouble de l’affectivité »2 sont placées dans des structures qui ne correspondent pas à leurs besoins car celles-ci ne présentent pas de troubles de comportement suffisamment graves pour que des structures aient été développées à leur égard. L’écart « entre la demande et l’offre de placement pour les enfants perturbés sur le plan affectif » est tel que les services sociaux sont obligés de parer aux cas les plus urgents, les plus graves ou les plus déviants, au détriment de ceux qui se situent juste en-dessous du seuil de tolérance. « Cette manière de faire n’est […] guère rentable » à long terme : les troubles affectifs des jeunes filles concernées risquent de s’aggraver puisqu’elles sont alors à ce moment placées dans des structures où leurs troubles ne sont pas traités, mais simplement tolérés. Il faut prévoir la possibilité de les traiter, avant que leur cas ne s’aggrave en raison d’un placement inapproprié, ce d’autant plus qu’une intervention précoce garantit de meilleurs résultats de traitement.
6Une enquête est menée en 1965, à la demande du Département Fédéral de Justice et Police, pour « faire ressortir les traits caractéristiques de l’équipement de placement spécialisé de l’ensemble du pays ». À Genève, les institutions non spécialisées sont également recensées car elles représentent « une donnée essentielle de l’équipement genevois ». Cette enquête montre que si le nombre de places en institution a augmenté de 9 % par rapport à 1960, la population de 4 à 19 ans a augmenté de 15 % durant la même période, ce qui signifie qu’en réalité, le nombre de places a diminué. Elle recense 113 « placements problèmes » (jeunes placé.es de manière inappropriée ou en attente de placement faute de places) : « 80 % des placements [sont] pour caractériels et cas très difficiles, 38 % [sont] des problèmes de placement filles, 45 % des 16 à 19 ans, 35 % des 11 à 15 ans ». Ces chiffres sont sous-estimés : à force de faire des demandes de placements qui n’aboutissent pas, les assistants sociaux et assistantes sociales renoncent à entamer de telles démarches, ce qui fausse les données en ce qui concerne les besoins réels. De plus, en 1965 « une élévation assez généralisée des prix de pension [s’est produite], notamment dans les institutions spécialisées »3, ce qui a eu un impact sur les décisions de placements.
7En 1967, une enquête « sur les placements d’adolescentes de 15 à 20 ans d’intelligence normale mais de comportement inadapté à Genève »4 est menée par la commission technique des Verchères, en collaboration avec les services placeurs. Concernant les placements qui auraient dû être effectués entre le 1er janvier 1967 et le 15 octobre 1967, 142 cas problématiques sont relevés, parmi lesquels 115 jeunes filles. Sur ces 142 cas, « le 30 % des demandes a reçu une réponse adéquate, le 33 % une réponse inadéquate et le 37 % aucune réponse en raison de la carence de [l’] équipement [genevois] »5.
8En février 1972, Degoumois (directrice du SPJ) rédige une étude sur les « besoins de placement institutionnel dans le canton de Genève pour les mineurs de 10‑20 ans »6, basée sur les chiffres, approximatifs, donnés par les PFI, la CPE, le SMP, le service pénitentiaire et la police. En ce qui concerne le placement des jeunes filles souffrant de troubles du comportement, elle souligne que :
les lacunes de l’équipement institutionnel sont telles – les maisons se fermant les unes après les autres – que les services placeurs renoncent souvent à effectuer des démarches en vue d’un placement, en connaissant d’avance la réponse négative à leur demande, [ce qui] fausse totalement l’étude des besoins exprimés.
9Selon elle, c’est dans « le secteur éducatif et thérapique […] que l’effort doit porter au plus vite pour répondre aux besoins » : si les besoins de la tranche d’âge des 10‑12 ans sont suffisamment couverts par l’équipement que fournit le SMP, « on se trouve devant de sérieuses lacunes »7 pour les 13 à 16 ans. Pour les filles de cette catégorie d’âge, en-dehors du foyer d’Aïre de l’Astural, « il n’existe pas de solution à Genève et il faut chercher hors du canton quelques rares places, difficilement obtenues », ce d’autant plus que La Pommière a dû modifier son mandat en accueillant des filles plus âgées à cause de de l’augmentation des demandes de placement pour ce public. Degoumois souligne « l’urgence de rendre à La Pommière sa destination initiale en la transformant en une véritable maison de thérapie d’une vingtaine de places pour jeunes filles de 13‑15 ans ». Elle espère que le projet des Verchères, en attente de réalisation depuis plus d’une dizaine d’année, verra rapidement le jour car il cible les jeunes filles de 16 à 20 ans, pour lesquelles l’équipement genevois présente les plus graves lacunes. Certains cas pénaux nécessitant une observation sont encore envoyés à la prison de Saint-Antoine, faute d’une structure mieux adaptée à leurs besoins. Selon les chiffres présentés dans ce rapport, « 20 jeunes filles sont mal placées ou implaçables dans les structures actuelles »8.
10Sur la base de ces différents rapports, une sous-commission de la Commission d’étude consultative en matière d’institution dresse un état des lieux concernant les possibilités de placement pour les jeunes filles de 15 à 20 ans entre 1965 et 1972. Six institutions genevoises ont été fermées, deux ont modifié leur structure et deux ont été créées : « la perte s’élève au total à 69 places dont 47 étaient utilisées par les services placeurs »9. Au niveau des institutions romandes, six ont fermé et deux ont ouvert : le nombre de places disponibles pour les jeunes filles genevoises dans ces institutions est de fait passé de 12 à 6. Il existe une « nette disparité entre les possibilités pour les garçons et celles pour les filles »10 dans l’équipement institutionnel genevois : une centaine de places pour les garçons, seulement 28 pour les filles. Ces données, mises en lien avec le contexte démographique, indiquent de plus que les lacunes signalées en 1972 concernent des jeunes filles nées durant une période de basse natalité (1952‑1957) : « les cris d’alarmes, relevés dans les différentes enquêtes […] portaient donc sur une période favorable »11. En effet, entre 1960 et 1972, le nombre de naissances de jeunes filles a augmenté de 120 % : si une institution n’est pas créée rapidement pour accueillir ces adolescentes, « c’est un véritable raz-de-marée […] qui va s’abattre sur [l’équipement institutionnel genevois] déjà incapable de résoudre les problèmes actuels »12. En juin 1972, le rapport final de la sous-commission sur la problématique du placement des adolescentes à Genève souligne la permanence de ce problème, la tendance à diminuer l’équipement pour les jeunes filles, la nécessité de prendre en compte le phénomène démographique et l’importance de comparer le placement des garçons avec celui des filles13.
11La perception du problème – le manque de places en institutions pour les adolescent.es considéré.es comme caractériel.les – est liée aux valeurs et aux représentations sociales, lesquelles diffèrent en fonction de deux facteurs : l’âge et le sexe. En ce qui concerne l’âge, tous les rapports ciblent la catégorie des 13‑20 ans (manque de places en institution, inquiétude quant à la prise en charge etc.). Il semble que pour les professionnel.les de la protection de l’enfance, l’adolescence constitue à elle seule un point de rupture, une problématique, une sorte de risque potentiel dont il faut impérativement prévenir ou limiter les manifestations. Contrairement à l’enfant, l’adolescent.e est de manière générale une source d’inquiétude pour la société : c’est à ce moment que l’enfant échappe au contrôle des adultes, est susceptible de “mal tourner” et peut être sous l’emprise d’émotions exacerbées, notamment liées à la puberté. Dans le cas des enfants placé.es, les professionnel.les semblent considérer que la combinaison “entrée dans l’adolescence” et “situation familiale défaillante” ne peut que déclencher des troubles : un.e adolescent.e placé.e est presque forcément un.e adolescent.e perturbé.e. Ce facteur “âge” explique la focalisation des professionnel.les sur la problématique du placement des adolescent.es à Genève, mais ne justifie pas pour autant la création de plusieurs institutions pour les garçons, et aucune pour les filles.
12C’est là qu’intervient le facteur “sexe”. En effet, bien que l’adolescence – des garçons comme des filles – inquiète les adultes, les politiques publiques ne déploient pas les mêmes moyens pour les adolescents que pour les adolescentes. Le degré d’inquiétude envers les adolescent.es (et d’action publique à leur égard) est corrélé au degré de leur troubles et surtout, aux conséquences de ceux-ci sur le « bon fonctionnement » de la société : les agressions et les vols dérangent bien plus l’ordre public que les fugues ou les tentatives de suicides. Or les rapports associent fréquemment la délinquance des garçons à des faits de violence, et celle des filles à des déviances d’ordre psychiatrique ou sexuel (aucun jugement n’est porté sur la sexualité des garçons, considérée comme allant de soi, à l’inverse de celle des filles). Les garçons représentent donc davantage un danger pour la société que les filles. Cette représentation se répercute sur le développement du programme par l’État qui a l’obligation de garantir la sécurité de ses citoyen.nes, et contribuables.
Développement d’un programme pour les adolescent.es « difficiles » (garçons vs filles)
13Le développement du programme, la deuxième phase d’une politique publique, consiste à élaborer des solutions pour résoudre le problème et obtenir le consentement politique pour ce faire (Muller, 2013). En ce qui concerne les garçons, des solutions ont été trouvées et légitimées par les autorités politiques : deux institutions, le Centre de Chevrens et La Clairière, ont été créées pour les adolescents dits difficiles et/ou délinquants.
14Initialement prévu comme centre de loisirs pour les jeunes, le Centre de Chevrens, créé par l’Astural, ouvre finalement ses portes en 1957 en tant que centre d’accueil de semi-liberté pour huit adolescents inadaptés de 15 à 19 ans pour répondre aux besoins des services placeurs. Sa capacité d’accueil passe de huit à seize places en 1959, puis à vingt-trois en 1963, année durant laquelle le centre change de mandat pour devenir un centre de préapprentissage et de rattrapage scolaire, « un internat pour des jeunes perturbés qui n’ont pas pu suivre normalement leur scolarité » (Roehrich, 2006, p. 24). Dès 1966, le centre dispose de vingt-huit places pour des adolescents considérés comme délinquants, l’ouverture du foyer de Thônex offre neuf places supplémentaires pour les adolescents nécessitant une post-cure à leur sortie de Chevrens, sans compter celles du foyer de la Servette, créé en 1971. L’ensemble de ces trois foyers (Chevrens, Thônex et Servette), nommé Interac, offre plus d’une quarantaine de places pour les adolescents considérés comme difficiles (auxquelles s’ajoutent notamment celles de la Clairière et du foyer des Ormeaux). L’équipement institutionnel genevois, en termes de places disponibles, est plus développé pour les garçons que pour les filles.
15Quand le placement pour les jeunes filles difficiles devient problématique à Genève, l’Astural ouvre deux petites structures d’accueil pour ce public (tout comme La Pommière a modifié son mandat afin de pourvoir aux besoins grandissants) : le foyer de Bernex, en 1960, pour huit jeunes filles « caractérielles » (Roehrich, 2006) ; le Centre d’accueil et d’observation de Vernier pour dix jeunes filles en 1961. L’Astural essaie d’offrir aux adolescentes perturbées
une équipe de spécialistes (de l’éducateur au psychologue et au psychiatre) qui soit à même de les soutenir, de les comprendre dans leurs problèmes sociaux, affectifs, relationnels et une maison accueillante où les exigences de la discipline collective n’excluent nullement une compréhension et un dialogue individuel14.
16L’équipe éducative du centre de Vernier souligne à quel point le besoin de développer des structures pour les adolescentes se fait sentir car « beaucoup d’entre elles se voient encore placer [sic] dans des conditions défavorables, faute de places ou de foyers suffisamment équipés pour leur cas »15.
17Lorsqu’en 1966 la fondation de l’Astural est contrainte de fermer le foyer de Bernex, elle met en route, en collaboration avec l’Hospice général (ci-après HG), le projet d’une institution plus vaste destinée aux jeunes filles perturbées, dont l’idée avait déjà été esquissée dès 1963 (Roehrich, 2006). Afin de définir l’orientation et l’organisation de cette future institution, Les Verchères, en fonction des besoins exprimés par les services officiels genevois pour le placement des jeunes filles en difficulté, une Commission technique est constituée en 1967. Celle-ci prend contact avec les « organismes romands qui étudient de nouvelles créations dans le même domaine [pour mettre] sur pied un équipement intercantonal, différencié [et] utile à tous »16. L’Astural et l’HG sont – avec l’Armée du Salut et l’Association de l’institution de La Pommière – « seuls depuis des années à assumer à Genève [une] action de rééducation »17 pour les jeunes filles considérées comme difficiles et/ou perturbées et à subir « les lacunes de l’équipement actuel »18. Or l’institution gérée par l’Armée du Salut « n’offre pas un encadrement adapté pour [les adolescentes difficiles] » : « pas de personnel éducateur formé », « éducation [basée] sur des règles morales et religieuses », « formation professionnelle en internat [limitée] au métier de repasseuse »19. L’Astural et l’HG considèrent qu’« à l’inverse des jeunes gens, aucune méthodologie de rééducation pour jeunes filles n’a vu le jour jusqu’à maintenant et l’on pratique en ce domaine un empirisme qui n’est pas toujours sans danger »20.
18Début mars 1972, le projet des Verchères est finalisé et attend d’être concrétisé. L’institution des Verchères prévoit d’accueillir vingt-huit jeunes filles de 15 à 20 ans, une partie en internat, l’autre en semi-internat21, et serait complémentaire à La Pommière, destinée à accueillir des jeunes filles de 13 à 16 ans. La plupart des placements seraient civils, mais la possibilité d’accueillir des adolescentes placées pénalement reste ouverte.
19Cependant, fin mars 1972, deux difficultés empêchent la réalisation effective du Centre Conradi-Perrard (la nouvelle appellation des Verchères). La première provient du fait « que plusieurs institutions intéressées au projet n’en ont pas saisi toute la portée »22 malgré l’étude préalablement menée par la Commission technique des Verchères. La seconde est liée à la difficulté de certains organismes de subventionnement à reconnaître ce centre comme maison de thérapie, en dépit des résultats de l’étude23. Malgré tout, la Commission d’exploitation du Centre Conradi-Perrard continue de préparer sa mise en œuvre en attendant « le feu vert officiel de l’État »24 pour son financement. La Commission de coordination en matière de subventionnement attend le préavis de la Commission d’étude consultative avant de donner son aval pour débloquer les fonds nécessaires à l’ouverture du centre25. En juin 1972, la Commission du Centre Conradi-Perrard et la Commission de La Pommière signent une convention « qui témoigne de leur souci de contribuer d’une manière complémentaire à l’amélioration des jeunes filles perturbées dans leur comportement, [elle] est également le témoignage d’un début de collaboration tangible »26. Ce document est adressé à Berger, directeur de l’OJ, aussi membre de la Commission d’étude consultative chargée d’étudier la problématique du placement des jeunes filles dans le contexte genevois.
20Créée en avril 1972 à l’initiative de l’OJ, de l’AGOEER et de l’ARTES27, elle remplace l’ancienne Commission technique des Verchères28. Son rôle est de tout mettre en œuvre pour que le canton de Genève bénéficie enfin de « l’équipement institutionnel de rééducation indispensable pour jeunes filles adapté aux besoins »29 en assurant la coordination des organismes officiels et privés concernés par la prise en charge des mineures en difficulté. Cette commission a notamment pour mandat de « recenser les besoins en matière de placements de jeunes filles sur le plan genevois et éventuellement romand, d’aider à définir les zones d’intervention des projets actuellement en cours et de proposer un plan d’ensemble pour les années à venir »30. Composée de membres issus des divers services officiels (OJ, STG, SPJ, SMP, CPE, AGOEER, ARTES, Office d’orientation professionnelle) et organismes privés (l’HG, l’Astural, la FOJ, le comité de La Pommière, la commission des Verchères) concernés par cette problématique, cette commission fait également appel à des expert.es psychiatres (le Pr. Bernheim et à la Drs Dupuis‑Dami)31.
21Au niveau des structures, Berger rappelle qu’il « s’agira surtout d’utiliser ce qui existe déjà. […] Dans les années à venir [on ne pourra] pas augmenter les possibilités de création, les pouvoirs politiques étant seuls à décider »32. La commission doit se centrer sur les projets en cours (Les Verchères, La Pommière) et prendre en compte les réductions de crédits annoncées : la Confédération ne subventionnera probablement qu’une seule maison de thérapie pour la Suisse romande à 75 %, et selon ses propres critères. Berger estime préférable d’envisager « un subventionnement à 50 % pour les trois projets actuellement à l’étude », d’autant plus qu’une maison de thérapie fonctionne comme un internat fermé très médicalisé « et que ces principes […] semblent […] complètement dépassés ».
22En ce qui concerne l’observation des jeunes filles, les avis divergent au sein de la commission. Un des experts psychiatre mandaté estime qu’elle doit être effectuée sur une courte période afin de trouver rapidement une solution et d’éviter que le placement ne constitue une rupture pour la jeune fille : « l’observation ne peut vraiment pas être dissociée de l’action éducative, elle doit être continue et il faut l’intégrer sous une forme qu’il faut définir à l’activité des maisons »33. Pour l’autre expert psychiatre, le but de l’observation « est de poser un diagnostic » davantage que de créer des liens affectifs, et cela peut se faire tant dans un centre d’observation distinct que « dans la maison même, avec un ‘sas’ qui constitue une période préliminaire, moins coûteux ». Si les adolescentes sont regroupées par catégorie d’âge, il serait possible de concevoir un centre d’observation dans chaque institution, mais le Pr. Bernheim recommande d’envisager plutôt une maison d’observation pour tout le canton. Conçue de manière polyvalente, celle-ci orienterait ensuite les jeunes filles vers La Pommière ou les Verchères en fonction des résultats des observations34, lesquelles pourraient aussi être réalisées en partie par l’IML si besoin35. Certains membres de la commission trouvent judicieux « d’étoffer l’observation de style ambulatoire plutôt que de créer un centre d’observation qui ferait fonction de gare de triage »36, alors que d’autres considèrent que beaucoup de cas exigent d’être observés dans une institution.
23Il est important « de protéger les directions des maisons de traitement si l’on veut qu’elles fassent du bon travail »37. Pour ne pas créer une « ‘maison-poubelle’ », les directeurs.trices des institutions doivent pouvoir refuser un.e adolescent.e qui « n’est pas adapté et […] risque de perturber l’institution ». Cette possibilité n’est pas toujours réalisable car les travailleurs sociaux et travailleuses sociales doivent répondre du placement de certaines jeunes filles devant la Chambre des tutelles. L’intervention des éducateurs de rue pourrait être une bonne alternative « dans ces cas où le placement en institution est illusoire », d’autant plus au regard des coûts d’une maison de thérapie selon les critères retenus par la Confédération, mais il ne faudrait envisager cette option que pour certains cas particuliers.
24Lorsqu’en octobre 1972, la Confédération refuse de reconnaître La Pommière en tant que maison de thérapie et de la subventionner en tant que telle, le comité de La Pommière informe la commission qu’il compte modifier sa politique d’admission mais que « la répartition des tâches sur le plan romand reste à étudier »38. Le comité entend néanmoins poursuivre la collaboration entre La Pommière et Les Verchères car ces « deux institutions sont complémentaires et nécessaires pour l’équipement institutionnel pour adolescentes perturbées dans le canton ».
25Dans son rapport rendu aux autorités politiques en décembre 1972, la Commission d’étude consultative souligne que « la nécessité de réaliser d’urgence les deux projets à l’étude, à savoir le Centre Conradi Perrard39 et La Pommière a été démontrée »40. Ces deux institutions, complémentaires puisqu’elles ciblent des catégories d’âge différentes, « constitueraient ainsi le noyau central de l’équipement genevois, autour duquel graviteraient les petits foyers de type communautaires déjà existants et nullement superflus »41. Sous la supervision de la commission, les comités des deux institutions « ont établi un plan d’action commun » et un programme qui définit le mandat, les fonctions et les responsabilités de chacune des deux institutions. La commission privilégie « l’intégration d’une section d’observation dans chacune des deux maisons prévues » à la création d’un centre strictement réservé à l’observation. Un choix justifié par son moindre coût et par « l’avantage d’éviter un placement supplémentaire dans la plupart des cas ». La Commission confirme la nécessité d’ouvrir le plus rapidement possible le Centre Conradi-Perrard et La Pommière pour doter le canton de Genève d’un équipement apte à « recevoir les jeunes filles de 13 à 20 ans qui doivent bénéficier d’une prise en charge pédagogique intensive ». En mars 1973, Berger donne le préavis qu’attendait la Commission de coordination en matière de subventionnement. Favorable à l’ouverture du Centre Conradi-Perrard, celui‑ci précise que :
Le plan d’ensemble prévoit à moyen terme l’exploitation de deux maisons, la Pommière étant pour jeunes filles de 13 à 16 ans, la seconde étant le Centre Conradi-Perrard […] pour jeunes filles de 15 à 20 ans. Chaque institution aura sa propre section d’observation pour éviter la construction d’une maison supplémentaire42.
26En attendant l’ouverture de ces deux institutions, la Pommière s’installera provisoirement aux Délices pour accueillir une dizaine de jeunes filles, et le Centre Conradi-Perrard « débutera son activité avec un petit foyer à Meyrin (Champs Fréchets) pouvant accueillir 5 à 6 jeunes filles ». Au vu de l’importance des travaux envisagés, Berger recommande également à la Commission de subventionnement « d’étudier le problème de l’équipement dans sa globalité en entendant notamment les responsables et les futurs gestionnaires de ces institutions ».
27Le rapport établi par la Commission d’étude consultative a élaboré des solutions pour résoudre le problème du placement des jeunes filles à Genève. Ne manque plus que la légitimation des autorités politiques pour mettre en œuvre le programme proposé, et c’est là que le bât blesse. En janvier 1974, la situation n’a guère évolué : le Centre Conradi-Perrard se résume à quelques places au foyer de Champs-Fréchet et la Pommière, toujours installée aux Délices, ne dispose que de dix places. Les directeurs.trices des services de l’OJ ont presque toutes et tous un avis différent sur la question. Turian (STG) pense « qu’il serait préférable d’abandonner le projet des Verchères et de faire de la Pommière, maison existante, une institution polyvalente [aménagée] pour le maximum, c’est-à-dire 24 places »43. Berger (OJ) rappelle que les études ont montrées que « l’existence simultanée des Verchères et de La Pommière devait répondre à une prise en charge de populations différentes » en termes de catégories d’âge. Stettler (SPJ) se prononce en faveur « des placements familiaux avec appui psychiatrique du couple ». Goumaz (SMP) partage l’opinion de Turian sur l’élargissement de la Pommière car « on place souvent des adolescents parce qu’on ne peut assurer l’appui psychiatrique nécessaire ». Le juge Dunant constate que « les services placeurs vont être obligés de laisser de plus en plus de jeunes dans la rue [et] est d’avis qu’il faut à Genève une maison pour jeunes filles caractérielles »44. Turian avoue ne pas comprendre « que l’on mette en discussion l’utilité d’une pareille maison »45.
28La réalisation des Verchères n’est plus d’actualité. Ce qui a débuté par un “simple” changement d’appellation (de la Maison des Verchères au Centre Conradi-Perrard) s’est, au bout de plusieurs années, terminé en transformation intégrale du projet. La grande institution des Verchères, initialement prévue pour les jeunes filles en difficulté, est finalement devenue le Centre Conradi-Perrard réunissant quatre institutions de l’Astural et de l’HG : les foyers d’Aïre, du Lignon, de Champs-Fréchets et du Pont (Roehrich, 2006). Sur les quatre foyers, seul Champs-Fréchets est réservé aux jeunes filles « difficiles » : les foyers d’Aïre et du Lignon accueillent des jeunes filles en formation professionnelle, et le foyer du Pont s’occupe de l’accueil en urgence des filles… comme des garçons. Sans compter qu’entre-temps, en 1971, le Centre d’accueil et d’observation pour les jeunes filles de Vernier a fermé ses portes (Roehrich, 2006).
29Dès 1974, il ne reste que Champs-Fréchets et La Pommière – qui à eux deux offrent seize places – pour accueillir les jeunes filles souffrant de troubles du comportement. La possibilité que La Clairière, une institution pour les garçons placés pénalement en attente de leur jugement, accueille aussi les filles est évoquée46, mais celle-ci n’est pas réalisée. Il n’existe donc toujours aucune structure « permettant d’isoler les jeunes filles durant quelques jours si nécessaire, [hormis] la prison de Saint-Antoine – seule maison de détention pour les adolescentes à Genève hélas »47. Pour les adolescentes nécessitant un encadrement psychologique, le SMP est « souvent dans l’obligation de prendre des décisions en utilisant les ‘Moyens du bord’, faute de pouvoir utiliser un dispositif souple et rapide »48 en l’absence de places disponibles. En cas d’hospitalisations en urgence ou à court terme, « c’est la clinique de Bel-Air qui accueille dans ces cas-là aussi bien les adultes que les adolescents ; en revanche, il n’existe absolument rien pour des adolescents nécessitant un traitement à moyen ou long terme »49. Faute de structure adaptée pour des hospitalisations de longue durée, les adolescentes restent donc souvent dans une clinique psychiatrique pour adultes qui ne peut ni leur fournir un traitement adapté ni assurer leurs besoins éducatifs.
30En 1976, la presse genevoise relève « la nécessité de disposer d’une institution polyvalente »50 pour les adolescentes de 13 à 16 ans souffrant de troubles du comportement : « un tel établissement fait actuellement défaut à Genève et revêt une extrême urgence »51. La situation n’a guère évolué depuis deux ans. Un rapport du SPJ est alarmant : La Châtelaine (ex-foyer d’Aïre) ne dispose que d’une place pour deux candidatures urgentes, le foyer de Champs-Fréchets a une place alors qu’il en faudrait trois, et la Pommière n’est même pas prise en compte puisque sa fermeture est prévue pour fin juin52. Le SPJ estime à « plus de dix les jeunes filles à placer absolument, pour lesquelles [il cherche] des solutions originales ou insolites […] faute d’avoir un équipement suffisant adéquat ! »53 : il n’existe que dix-huit places pour les jeunes filles, contre plus de cent-vingt pour les garçons. Un deuxième rapport sur le placement des jeunes filles dans le contexte genevois souligne que depuis un an « les services placeurs sont confrontés à une crise accentuée par la fermeture ou la réorientation successives de trois institutions pour filles »54, notamment le foyer du Pont (devenu un centre d’accueil d’urgence pour tous.tes les adolescent.es) et la Pommière (fermée depuis le 30 juin 1976 pour une durée indéterminée). En raison de cette situation « particulièrement choquante si on la compare avec l’équipement à disposition des adolescents de sexe masculin », des adolescentes sont placées hors du canton ou dans des institutions qui ne correspondent pas à leur catégorie d’âge : des « inconvénients non négligeables par rapport à l’action que l’équipe éducative tente d’entreprendre ». La situation la plus critique concerne la catégorie de 13 à 16 ans ; celle des adolescentes de plus de 16 ans est moins alarmante, mais insuffisante aussi : « le fait qu’il n’existe qu’un seul foyer de 6 places réservé exclusivement aux jeunes filles, tous les autres étant mixtes, ne permet pas d’opérer un choix adapté aux caractéristiques de chaque demande »55. Stettler (directeur du SPJ), estime qu’il faudrait au minimum créer deux foyers de semi-liberté pour les adolescentes de 13 à 16 ans et un troisième pour celles de plus de 16 ans. Cependant, les organismes privés qui essaient de créer ces structures sont souvent confrontés à de nombreux problèmes financiers et méthodologiques, ce qui explique « la lenteur constatée dans la réalisation des projets, quand ceux-ci n’ont pas tout simplement avorté en cours d’étude ».
Mise en œuvre d’une politique (Chevrens vs La Pommière)
31La mise en œuvre d’une politique « comprend l’organisation des moyens à mettre en œuvre, l’interprétation des directives gouvernementales et leur application proprement dite » (Muller, 2013, p. 22). Le problème – le manque de places en institutions pour les adolescents considérés comme difficiles et/ou délinquants – a été identifié, et un programme a été développé : des institutions ont été créées pour accueillir ce public. Je vais à présent me pencher sur la mise en œuvre contrastée des politiques pour le Centre de Chevrens et La Pommière.
32Dès sa nouvelle orientation en 1963 (centre de préapprentissage et de rattrapage scolaire), les programmes de Chevrens sont extrêmement détaillés et structurés. Ils définissent non seulement les critères d’admission et la structure du centre, mais aussi les objectifs visés et les multiples moyens proposés pour les atteindre, adaptés à la personnalité de chaque adolescent, et développés en fonction de différentes approches pédagogiques et psychologiques.
33Dès 1966, l’équipe éducative du Centre de Chevrens se base notamment sur la méthode pédagogique Ramain 56 qui vise à « favoriser le développement total et harmonieux de l’être en lui faisant utiliser au mieux les multiples processus de raisonnement, dont certains ne sont que peu développés dans l’éducation traditionnelle »57. Les activités proposées suscitent chez l’élève « une multitude de prises de conscience » afin qu’il accède à « une meilleure connaissance de ses possibilités ». Cette méthode ne considère pas l’erreur « comme une faute, mais comme un moyen de progresser vers un mode de réponse plus évolué », et permet à l’adolescent de tirer « parti des difficultés rencontrées dans un but positif »58. Chevrens s’appuie également sur le modèle freudien, qui « constitue la référence des actions entreprises par L’ASTURAL » (Roehrich, 2006, p. 33). Ce modèle permet à l’individu de comprendre quels mécanismes sont à l’origine de ses réactions et encourage les éducateurs.trices « à rechercher les attitudes les plus adéquates possibles dans l’interaction éducative » (p. 33). L’équipe éducative de Chevrens utilise aussi la systémique, une approche qui ne se centre pas uniquement sur l’individu mais aussi sur le système dans lequel il s’intègre. Considérée comme une partenaire indispensable pour permettre à l’intervention éducative d’être la plus bénéfique possible (Roehrich, 2006), la famille n’est plus jugée comme un milieu néfaste dont il faut extraire le ou la jeune, mais au contraire, comme une actrice avec laquelle les professionnel.les doivent collaborer.
34L’intervention éducative s’effectue dans trois secteurs distincts (la classe, l’atelier, le foyer)59, avec des actions pédagogiques et des objectifs différents mais complémentaires : tous visent la rééducation de l’adolescent, sa réinsertion dans la société et abordent le domaine de l’information et de l’orientation professionnelle. Durant la journée, les adolescents partagent leur temps entre les moments passés en classe et ceux passés à l’atelier. La classe vise « à combler les lacunes scolaires et à conserver les acquis »60 de l’adolescent mais aussi à ce qu’il soit « en mesure de suivre les cours professionnels à sa sortie de Chevrens »61. Même si certains aspects traditionnels de l’enseignement sont conservés, le programme scolaire « est adapté aux particularités de chacun des élèves de façon à tenir compte du niveau réel, du rythme d’acquisition, des difficultés spécifiques de la motivation »62. Les apprentissages sont progressifs et visent l’amélioration du « niveau scolaire, afin que l’éventail soit le plus ouvert possible au moment du choix professionnel »63. L’essentiel est que l’adolescent prenne confiance en lui : « plus le garçon affrontera l’apprentissage sans appréhension au niveau de ses acquisitions scolaires, plus l’adaptation au travail sera facile »64. L’atelier permet la mise en pratique des connaissances scolaires acquises dans un cadre proche d’une formation professionnelle. Structuré en plusieurs étapes successives, il a pour objectif d’inculquer aux adolescents « des habitudes de travail [et] de faire accroître ou naître l’intérêt et la nécessité de l’apprentissage »65, à travers la mécanique et le dessin technique. Au début, les adolescents bénéficient de nombreuses pauses et sont très encadrés par le maître d’atelier pour favoriser leur « adaptation aux exigences d’une nouvelle condition de vie et de travail ». Peu à peu, les temps de pause diminuent afin de se rapprocher de la réalité du monde professionnel : « les exigences de ponctualité, tenue, ordre, précision, etc., poursuivent sans détour un cours ascendant », de même que l’autonomie, l’organisation et la prise d’initiative des adolescents dans leur travail66. Les maîtres d’atelier mettent l’accent sur la capacité de l’apprenant.e à s’adapter aux exigences d’un milieu professionnel, sur la faculté de pouvoir transposer les acquis pratiques et scolaires et réaliser « un programme personnel d’action ». Les adolescents doivent apprendre à évaluer leur travail, à « s’astreindre à un certain rythme de travail au travers d’une qualité suffisante, exclure le bâclage ».
35Le foyer « appuie et complète les efforts entrepris en classe et à l’atelier » en aidant les adolescents à prendre conscience du monde dans lequel ils évoluent, « à s’adapter à la vie communautaire en y prenant chacun une part de responsabilités ». Les éducateurs.trices gèrent le quotidien des adolescents : hygiène, alimentation, argent, relations sociales, contacts avec la famille et les assistants sociaux et assistantes sociales. « Dans le face à face quotidien avec l’adolescent et le groupe dans l’institution et à l’extérieur »67, les éducateurs.trices doivent permettre et favoriser « l’analyse commune des situations vécues »68. Ils et elles organisent également les activités obligatoires pour les jeunes placés69 durant les soirées et les weekends. Les activités culturelles abordent des domaines liés à l’information générale (actualité, politique, économie, histoire etc.) ou des thèmes de vie (liberté, sexualité, relations humaines etc.)70 par des lectures, documentaires visuels ou débats auxquels sont conviées des personnalités71. Certaines activités sportives sont quotidiennes (natation, ping-pong, basket etc.), d’autres (alpinisme, ski alpin, spéléologie, randonnée, etc.) sont réservées aux weekends ou aux nombreux camps organisés par le Centre72.
36Dès les débuts de Chevrens, l’importance de reconnaître la qualité des éducateurs.trices et de développer un esprit d’équipe est soulignée73 : « l’accroissement de cette cohésion et la codification de ce travail recèlent de grosses sources de progrès » et permet d’exercer « une action différenciée et améliorée sur les adolescents ». Chaque membre de l’équipe éducative doit être éthique, réceptif dans ses relations avec ses collègues comme avec les adolescents et capable de « reconnaître ses limites et la nécessité de l’action par l’équipe »74. Un rôle est attribué à chaque éducateur.trice (en fonction de sa personnalité et de ses capacités) et utilisé dans le travail éducatif avec les adolescents : rôle d’autorité, d’animation, de compréhension, d’organisation, etc. À chaque rôle correspondent des tâches et responsabilités différentes : ce système permet que chaque éducateur.trice soit « en mesure de concentrer toute son intelligence et son expérience vers l’accomplissement d’un but bien défini ». L’intervention éducative est enrichie par des notes d’observations des éducateurs.trices « qui trouvent leur complète utilité au moment des synthèses réunissant éducateurs et assistants sociaux, maîtres de classe et d’atelier, psychologue et quelques fois les parents, permettant une réelle confrontation ». Outre ces synthèses hebdomadaires, les éducateurs.trices ont trois réunions par semaine pour régler les questions de détails. Lorsque Interac est créé, « les équipes éducatives [de ces institutions] se rencontrent chaque trimestre pour échanger leurs expériences. Ensemble, elles tentent d’améliorer la qualité et l’unité des démarches éducatives dans le temps, dans des lieux et avec des personnes différentes »75. Une grande attention est accordée aux conditions de travail des éducateurs.trices (nombre d’éducateurs, congés etc.)76, aux difficultés qu’ils et elles rencontrent dans l’exercice de leur fonction : doutes, découragement, relations avec les jeunes, la famille ou les services placeurs77. La collaboration avec ces derniers est régulièrement analysée, notamment la manière dont le contrat de placement est vécu (par le jeune, mais aussi par les professionnel.les) ou les relations entre l’éducateur.trice, l’assistant.e social.e et l’institution, leur rôle et leurs attentes respectives, etc.78. Des réunions sont organisées entre les représentant.es des services placeurs et l’équipe de Chevrens afin de permettre le meilleur échange possible entre ces différent.es intervenant.es.
37Qu’en est-il du côté des filles ? Comme pour leurs homologues masculins, le problème a été identifié : le manque de places en institutions pour les adolescentes considérées comme difficiles et/ou délinquantes. Cependant le programme politique à leur égard n’a été que partiellement développé : des solutions ont été élaborées mais aucune n’a réellement abouti, et on ne peut dès lors parler d’une réelle mise en œuvre.
38Même si « la psychologie de la femme est différente de celle de l’homme »79 et qu’il ne s’agit pas d’appliquer les mêmes principes éducatifs aux filles qu’aux garçons, la Commission d’étude consultative relève en 1972 que la société actuelle « est une société d’hommes, qui n’a pas encore fait à la femme la place à laquelle elle a droit » et que ce constat touche également le domaine de l’enfance inadaptée. Lors de sa réinsertion sociale, l’adolescente se heurte à « un grand nombre d’obstacles que le garçon, lui, ne connaît pas », tant au niveau des opportunités d’apprentissage qu’au niveau des ressources financières ou des autres moyens mis à dispositions. Concernant le manque de places en institution pour les filles, Stettler (SPJ) considère que « la situation est particulièrement choquante si on la compare avec l’équipement à disposition des adolescents de sexe masculin »80 et que justifier cette disparité par le taux de délinquance des filles nettement inférieur à celui des garçons est indigne d’« une politique de prévention dont les objectifs ne se limitent pas à assurer à la société une protection contre des formes d’agressions plus ou moins violentes, mais qui visent avant tout la promotion et l’épanouissement du mineur ». Selon lui, la gravité des troubles d’un.e adolescent.e ne se mesure pas aux perturbations qu’il ou elle cause à l’ordre public. Si les manifestations d’un mal-être peuvent revêtir différentes formes, toutes sont d’égale importance : « le symptôme que constitue le délit n’est certes pas un baromètre approprié pour décider du type de traitement, voire du genre d’institution dont le mineur concerné peut avoir besoin »81.
39La mise en perspective de Chevrens et de La Pommière illustre la disparité entre l’offre éducative pour les garçons, et celle pour les filles. Jusqu’en 1978, les programmes pédagogiques de La Pommière tiennent sur une page (contre une dizaine pour Chevrens) et ne détaillent que les critères d’admission et le public concerné. Même si, contrairement aux garçons de Chevrens, la plupart des filles de la Pommière suivent leur scolarité/formation/activité professionnelle à l’extérieur, les activités du soir et des week-ends organisées par le foyer sont restreintes, peu structurées et non obligatoires. Celles prévues pour les quelques adolescentes déscolarisées/sans formation ou activité professionnelle durant la journée se rapprochent plus d’une occupation improvisée avec les moyens du bord (aide aux cuisines du foyer) que d’une réadaptation éducative structurée et avec un but spécifique. Chevrens vise la réinsertion sociale de l’adolescent par le biais d’un rattrapage scolaire et d’une initiation à la formation professionnelle ; l’objectif de La Pommière est de limiter les déviances des adolescentes grâce à un suivi médico-psychologique.
40Si La Pommière et Chevrens ont en commun la prise en charge d’adolescent.es jugé.es caractériel.les, ces deux institutions présentent toutefois certaines différences (autres que le sexe des pensionnaires) qui peuvent en partie expliquer la disparité de leur offre éducative. Entre 1960 et 1980, la direction de Chevrens (et d’Interac dès 1971) est assurée par la même personne, alors que La Pommière a, dans la même période, eu quatre directeurs.trices différent.es, et connu un véritable turn-over de l’équipe éducative. Avoir le même directeur a probablement eu un impact sur la cohésion de l’équipe éducative et sur la cohérence de l’offre éducative du Centre de Chevrens. Au contraire, les multiples changements auxquels La Pommière a été confrontée, tant au niveau de la direction que des éducateurs.trices, ont eu des répercussions sur l’organisation interne de l’équipe et sur le fonctionnement général de l’institution, aggravées par les relations conflictuelles entre le comité, la direction et l’équipe éducative.
41De plus, La Pommière existe depuis le 19e siècle et “porte le poids” de son ancienneté : elle a dû modifier plusieurs fois son mandat d’accueil et a tenté d’adapter au mieux son organisation et sa structure afin de correspondre aux besoins de placement. Les jeunes orphelines pour lesquelles l’institution a été créée en 1821 n’exigeaient pas les mêmes compétences que celles requises pour accueillir les adolescentes « perturbées » accueillies dès les années soixante. Les valeurs, les normes et l’idéologie philanthropiques à l’origine de la création de La Pommière se sont révélées difficilement conciliables avec la prise en charge d’adolescentes dites difficiles. En comparaison, Chevrens est une “jeune” institution qui ne fonctionne que depuis une quinzaine d’année et a été pensée dès le début pour l’accueil de jeunes en difficulté. La structure du bâtiment, le programme pédagogique et la qualification du personnel éducatif ont donc été pensés en fonction de cette orientation. En outre, Chevrens est géré par une association de professionnel.les issu.es du domaine social (l’Astural, fondée par le Tuteur général), contrairement à la Pommière dont la gestion est assurée par une association constituée de bienfaiteurs.trices n’ayant aucun lien, ni qualifications professionnelles, avec ce domaine. Cette difficulté a bien été décelée par le comité, sans toutefois que les moyens mis en œuvre pour le contrer ne se soient montrés efficaces. Enfin, la Pommière étant l’unique institution gérée par l’association, elle ne peut donc pas, comme Chevrens, avoir des échanges avec d’autres institutions concernant les méthodes pédagogiques, l’organisation institutionnelle, les problématiques actuelles de prise en charge à l’adolescence, ce qui affaiblit considérablement sa « crédibilité » institutionnelle auprès des services placeurs.
42De tous les projets envisagés, seule la transformation de La Pommière sera concrétisée en 1978. Cependant, l’institution n’offre que vingt-quatre places supplémentaires pour les filles dans l’équipement genevois, et seulement pour des adolescentes qui ne sont ni en traitement psychologique intensif, ni en détention préventive, pour lesquelles les seules options possibles restent la clinique de Bel-Air et la prison de Saint-Antoine. La situation n’a finalement guère évolué depuis décembre 1970, où une jeune fille, renvoyée de la Pommière, est incarcérée à la prison de Saint-Antoine « en attendant d’être placée ailleurs, ce qui sera très difficile car aucune institution n’est actuellement équipée pour recevoir de tels cas »82. L’adolescente est décédée deux mois plus tard83.
43Entre 1960 et 1980, les professionnel.les chargé.es de la prise en charge de l’enfance inadaptée à Genève n’ont cessé de dénoncer le manque de places en institution et de moyens mis en œuvre pour les jeunes filles. Services placeurs, organismes privés, juges, médecins, éducateurs.trices : toutes et tous soulignent cette situation alarmante et la nécessité d’y remédier rapidement. Malgré ces constats répétés, comment est-il possible qu’aucune modification réelle de cette configuration ne soit intervenue ? Les autorités politiques (fédérales et cantonales) établissent des critères de plus en plus restrictifs pour obtenir les subventions nécessaires à la réalisation des projets d’institutions pour jeunes filles. Au final, celles-ci finissent par ne jamais voir le jour, ou alors “au rabais”. Les restrictions budgétaires auxquelles l’État est contraint et l’obligation de chaque institution de devoir lui rendre des comptes dès lors qu’elle sollicite une subvention peuvent en partie expliquer cette situation. Cependant, toutes les institutions ont été touchées par l’intervention croissante de l’État et la rationalisation des budgets, qu’elles soient dévolues aux enfants ou aux adolescent.es, aux garçons ou aux filles. On peut dès lors se demander pourquoi, à Genève, une telle disparité entre les adolescentes et les adolescents en termes de structures institutionnelles, mais aussi d’offre pédagogique, a perduré si longtemps. Serait-elle liée au genre ?
Des représentations différenciées selon le sexe
44La mise en œuvre d’une politique publique découle des représentations sociales en vigueur (normes, valeurs, symboles). La prise en charge des adolescent.es relève du travail social, lequel :
doit être saisi comme un champ constitué d’objets et de concepts, de méthodes et de théories, de procédures et de règlements mais également de techniques, d’instruments, de lieux, d’espaces, de professionnels et d’usagers, à partir desquels sont fabriqués du sens et des représentations, sont exercées des pratiques rationnelles (sociales, éducatives, citoyenne, etc.), sont reproduits ou non des systèmes de différenciations sociales ou encore sont structurés des champs de possibilités pour les individus. (Gutknecht, 2016, p. 160)
45La disparité entre Chevrens et La Pommière ne se mesure pas seulement en termes de places, de programmes pédagogiques et d’organisation. Elle résulte aussi d’une représentation différenciée selon le sexe. Pour souligner la nécessité de développer un équipement institutionnel adéquat pour les adolescentes à Genève, les services placeurs et organismes privés ont adopté deux stratégies pour correspondre aux critères (implicites, ou explicites) de l’État pour obtenir des subventions : insister sur la « dangerosité » des adolescentes et mettre en évidence les manifestations de leur « délinquance ». La problématique du placement des jeunes filles à Genève a été présentée comme un danger potentiel pour la population, un sujet qui soit suffisamment inquiétant pour que l’État se sente obligé d’intervenir, comme cela avait été le cas avec les garçons. Les manifestations de mal-être des jeunes filles (fugues, dépressions, tentatives de suicide, consommation de drogue) ont été fortement soulignées pour en faire des critères de délinquance. En outre, puisque la sexualité des filles était un motif d’inquiétude voire une preuve de déviance, leur comportement sexuel a aussi été utilisé pour justifier la nécessité de remédier à la situation (création d’institutions, allocation de subventions etc.). Que ces jeunes filles puissent représenter un danger pour elles-mêmes n’était pas suffisant, on s’est efforcé de le dépeindre comme un danger pour autrui.
46L’analyse d’un corpus de soixante sources84 traitant de la problématique du placement des adolescentes à Genève entre octobre 1966 et juin 1978 dégage trois champs lexicaux récurrents concernant les représentations des jeunes filles. Le premier relève du domaine de la perturbation comportementale et décrit le comportement et le caractère des adolescentes. Le deuxième relève de la psychiatrie ; il est utilisé soit pour décrire les jeunes filles (manifestations comportementales), soit pour définir et justifier le type d’intervention à leur égard (traitement du comportement, programme thérapeutique). Le dernier concerne leur sexualité, considérée comme déviante : les termes qui s’y réfèrent sont tous péjoratifs.
47Concernant les garçons, le corpus analysé85 est nettement plus restreint (huit sources). Il permet néanmoins de montrer que la manière dont les adolescents considérés comme délinquants sont décrits diffère radicalement de celle employée pour leurs homologues féminines. Ces différences de représentations ont un impact significatif sur la prise en charge des garçons et des filles, et sur l’intervention éducative à leur égard.
Les représentations liées à la perturbation comportementale
48Les quatre termes relatifs au champ lexical de la perturbation : « filles caractérielles », « troubles (problèmes) du comportement », « comportement perturbé », « cas difficiles (très difficiles, particulièrement difficiles, extrêmement difficiles) » apparaissent quarante-huit fois dans le corpus des soixante sources. Lorsque les professionnel.les abordent le manque de places en institutions à Genève pour la catégorie de 13‑18 ans, ils et elles emploient essentiellement des termes liés à un comportement et un état émotionnel perturbés. Ce discours donne à voir une image déformée : tout se passe comme si les institutions de placement du canton de Genève ne comptent que des adolescentes caractérielles parmi leurs pensionnaires.
49En ne considérant que le facteur “âge”, en-dessous de 13 ans, les filles et les garçons sont considéré.es comme des enfants « encore dans une période de latence »86. Les plus de 18 ans sont engagé.es (pour la plupart) dans une formation professionnelle : cette population a « franchi le cap de l’adolescence avec succès ou présente des problèmes pour lesquels les demandes de placement sont de moins en moins fréquentes ». En revanche, entre 13 et 18 ans, les adolescent.es sont, au mieux, « des jeunes ayant des difficultés relationnelles [ou] ‘normaux’ difficiles » ; au pire, des « mineurs ‘implaçables’ : ‘les très difficiles’, ‘les drogués’, les fugueurs, les cas psychiatriques ». En ajoutant la variable “sexe”, en 1972, seules 13,5 % des adolescentes placées entre 13 et 18 ans ne présentent “que” des problèmes sociaux, « où l’environnement est la cause principale du placement (mère seule, qui tombe malade, divorce, etc.) »87, alors qu’ils sont 19 % chez les adolescents. La différence paraît insignifiante, mais représente quand même une proportion d’un tiers de filles considérées comme non perturbées contre deux tiers de garçons.
50Sur l’ensemble de la période étudiée, il y a trois fois plus de places disponibles en institution pour les garçons que pour les filles88, mais la disparité la plus flagrante se situe au niveau du nombre d’institutions, et de leur diversité. En-dehors de Chevrens et de La Clairière qui accueillent les mineur.es difficiles et/ou délinquant.es, les garçons disposent de plusieurs foyers non spécialisés. Pour les filles, en revanche, il n’y a aucune institution spécialisée (contrairement à Chevrens, La Pommière n’est comme nous l’avons vu pas reconnue en tant que telle), et seulement trois foyers qui accueillent essentiellement des jeunes filles de plus de 18 ans en formation professionnelle. Non seulement, il n’existe presque aucune structure pour les adolescentes entre 13 et 18 ans, mais il est prévu de ne créer que des institutions pour adolescentes perturbées, comme si elles ne pouvaient pas être autrement que caractérielles.
51Pour exemple, les filles placées à La Pommière sont systématiquement présentées comme particulièrement « difficiles »89, « caractérielles »90 et extrêmement « perturbées »91. Le comportement de ces adolescentes, « très dangereuses pour elles-mêmes ou autrui »92, nécessite « une surveillance étroite »93 et « beaucoup de personnel »94 : « il faut s’en occuper constamment »95. La présidente du comité affirme que « les filles de la Pommière, aucun foyer ne les veut »96 et qu’elles « sont rejetées de toutes part »97. Au début des années 1970, le comité souligne que, parmi les quinze pensionnaires de l’institution : sept se droguent, huit ont des problèmes de vol, huit fuguent et toutes représentent un problème en latence98. Dès 1971, le comité évoque de manière récurrente l’extension de la consommation de drogue des adolescentes99, estimant peut-être que ce pourrait être un critère de délinquance pour la société et les autorités fédérales. La manière dont les filles de La Pommière sont dépeintes est en effet explicitement liée aux conditions d’obtention de subventions. Ainsi, en 1975, le terme “adolescentes caractérielles” est conservé dans un document officiel, malgré la volonté du directeur de La Pommière de le supprimer : « il est préférable de laisser cette appellation, car il ne faut pas oublier que l’on demande une subvention et que le terme adolescentes caractérielles est spécialement stipulé dans les dispositions fédérales »100.
52Si le terme « caractériel » apparaît aussi dans plusieurs documents pour désigner les garçons de Chevrens, son usage a une toute autre portée, tout comme la signification qui lui est attribuée. Malgré une « même évolution des anciennes conceptions, soit le passage d’une idée d’acceptation, passive […] ou [punitive], à une recherche résolument constructive de réadaptation au meilleur niveau possible »101, un rapport de Chevrens souligne en 1964 que les institutions de rééducation genevoises sont largement à la traîne « tant sur le plan des investissements que de l’exploitation ». Les adolescent.es caractériel.les sont traité.es « en parents pauvres », contrairement aux adolescent.es avec un handicap physique ou un retard mental qui bénéficient de nombreuses places en institutions et de « larges appuis financiers, en particulier par le jeu des assurances d’État ».
53À Chevrens, les jeunes sont considérés comme semblables aux éducateurs.trices, seule leur adaptation aux normes sociales n’est pas (encore) au même niveau : « ce qui les différencie réside surtout dans le capital, les ressources disponibles, voire libérables »102. Le but du centre est d’offrir aux adolescents « une structure éducative globale attentive, sécurisante et stimulante »103 qui leur permettra d’évoluer et d’aller vers « une meilleure adaptation sociale, un mieux-être et un mieux vivre »104. L’équipe éducative estime que la moitié des adolescents de Chevrens possèdent « la mobilité de cheminer vers les performances sociales que tout le monde souhaiterait […] à condition d’être très bien soutenus »105. Pour ceux qui n’ont pas encore cette capacité et ont « un besoin prioritaire de ‘mûrir’ avant d’être replacé dans une situation d’exigence et de performances sociales dites habituelles », c’est à l’équipe éducative de trouver les moyens pour les guider dans cette voie. Même si certains garçons sont considérés comme « prépsychotiques », l’équipe éducative a pour objectif de développer leur autonomie autant que faire se peut et d’essayer « à tout prix de leur éviter l’internement, pour leur permettre de vivre en liberté, pour qu’ils ne restent pas bloqués à l’intérieur des circuits fermés, essentiellement pathologiques ».
54À Chevrens, l’accent est mis sur l’acte ou le processus, et non sur la personne : c’est la structure du garçon qui est perturbée, son adaptation sociale qui est compromise, et non pas sa personnalité. De même, à chaque fois que les adolescents sont catégorisés (caractériel, prépsychotiques), le terme est mis entre guillemets. Ces nuances, de prime abord minimes, sont capitales : elles traduisent la reconnaissance d’une possible progression. Pour les garçons de Chevrens, “il faut bien que jeunesse se passe”, leur avenir reste ouvert : « ils n’ont pas encore commencé à diriger leur vie »106. Par contre, les filles de La Pommière sont majoritairement décrites par des termes “pathologisants”, les professionnel.les ne mentionnent presque jamais la possibilité d’une évolution positive et l’intervention à leur égard est essentiellement médico-psychologique. Pour elles, “jeunesse est passée”, leur avenir est fermé et sans espoir d’amélioration : leur adolescence problématique est considérée comme un état définitif et non un processus.
Les représentations liées à la psychiatrie
55Au vu de ce qui précède, il est peu étonnant que le champ lexical de la psychiatrie soit bien représenté. Dans le corpus, trente-huit termes font allusion à la santé mentale des jeunes filles, à leurs comportements relevant d’affections psychiatriques, à l’intervention et/ou traitement préconisés par les professionnel.les, à l’exigence d’un avis médico-psychiatrique. Les services psychiatriques genevois (SMP, IML, unité de psychiatrie) sont systématiquement sollicités pour traiter de la problématique du placement des jeunes filles. Suite à la demande que « la clinique de psychiatrie soit associée »107 à la commission d’étude consultative, deux expert.es psychiatres sont mandaté.es (le Pr. Bernheim et la Drs. Dupuis-Dami) « pour l’étude d’un équipement institutionnel cohérent en faveur des filles mineures en difficulté »108 et la nécessité de collaborer avec « l’unité psychiatrique récemment créée par le Professeur BERNHEIM »109 est soulignée.
56Les sources relatives à La Pommière mettent en évidence la référence qu’est la psychiatrie quand il s’agit des adolescentes considérées comme perturbées. Dès 1961, La Pommière sollicite un psychiatre pour assurer le suivi psychiatrique des adolescentes et faire partie du comité110. Depuis cette date et jusqu’en 1978, le comité compte toujours un psychiatre parmi ses membres voire même deux puisque, dès 1972, le Pr. Bernheim rejoint le comité (avec le Dr. Ladame)111. Le suivi psychiatrique des filles de La Pommière dès 1961 peut être justifié par le changement du mandat de cette institution en 1960 : « elle, qui accueillait principalement des cas dit ‘sociaux’, s’est vue confier des adolescentes au comportement très difficile, à l’équilibre psychique très fragile »112. Comme La Pommière devient un institut spécialisé pour des jeunes filles présentant des troubles du comportement, l’équipe éducative a besoin d’être appuyée par un.e médecin. En revanche, l’irruption du Pr. Bernheim (en 1972) et du Dr. Ladame (en 1973) porte davantage à controverse, car à la différence des autres psychiatres qui se sont succédé à La Pommière, ils sont issus de services officiels (IML et SMP). Leur arrivée au sein du comité coïncide avec celle de représentant.es issu.es d’autres services officiels tels que le SPJ et le STG, selon la volonté du comité d’avoir une meilleure collaboration avec les services responsables du placement des adolescentes perturbées. J’ai évoqué précédemment à quel point cumuler deux rôles parfois contradictoires peut être ambigu, une ambigüité d’autant plus forte pour les psychiatres car durant cette période (en 1972), la Confédération édicte des critères drastiques pour l’obtention de la qualification de maison de thérapie. J’ai essayé de comprendre les enjeux, les intérêts et les bénéfices de cette situation pour chacun des protagonistes. Pour le comité de La Pommière, il s’agit d’enjeux financiers : il a tout intérêt à solliciter l’appui de psychiatres affiliés à l’État pour obtenir les subventions fédérales et cantonales les plus élevées possibles, lesquelles sont dévolues aux maisons de thérapie. En 1970, le comité précise : « l’administration fédérale ne nous subventionne qu’à la condition que les jeunes filles soient assurées […] d’un traitement psychothérapeutique adéquat »113. En 1971, pour remplacer les éducateurs.trices qui ont démissionné, le comité engage trois psychologues et une infirmière psychiatrique. Il semble que la confusion des rôles soit récurrente à La Pommière : l’équipe éducative a davantage une formation liée à la psychiatrie qu’à l’éducation spécialisée, le psychiatre affilié à la Pommière doit non seulement appuyer l’équipe éducative, mais aussi assurer le traitement psychothérapeutique des filles et faire partie du comité. L’un d’eux pointe d’ailleurs cette incompatibilité de rôle lorsqu’« il refuse de soigner les pensionnaires et se contente de donner un soutien à l’équipe éducative »114. Même s’il « n’effectue que le contrôle médical »115 des adolescentes lors de leur admission à La Pommière, il s’étonne cependant « que les cas présentés […] relèvent de plus en plus de la psychiatrie »116. Il est difficile de savoir si son étonnement provient de la manière dont les cas sont présentés durant les séances du comité, ou s’il résulte d’une réelle aggravation des troubles des jeunes filles constatée lors de son unique rencontre avec elles à leur arrivée. Ce psychiatre finit par démissionner du comité117 pour être seulement un médecin consultant « dont la tâche consistera à être le conseiller premièrement du directeur, et en second lieu de l’équipe éducative dans son ensemble »118.
57Les psychiatres, en tant qu’employés de l’État, ont intérêt à ce que celui-ci reconnaisse La Pommière comme maison de thérapie afin de bénéficier d’un surcroît de responsabilités professionnelles (peut-être aussi de notoriété). De plus, les institutions pour adolescentes gravement perturbées sont une ressource inestimable pour les psychiatres car elles constituent une sorte de “laboratoire naturel”, notamment pour des recherches universitaires. Comme le souligne le Pr. Bernheim, pour ce type d’établissements la « formule institutionnelle idéale doit comporter des activités systématiques de recherche, avec un contrôle permanent des programmes et des résultats »119 : « cette activité de recherche est indispensable »120. Les décisions de l’État, concernant l’attribution des subventions ou l’orientation décidée pour les institutions, influencent fortement l’implication des psychiatres. En effet, face aux restrictions budgétaires, le Pr. Bernheim décide en 1975 de réduire les heures de consultation, effectuées par un psychiatre de son service, des filles de La Pommière121. Il décide peu après de se retirer du comité122 car celui-ci « a pris la décision de ne pas accueillir des cas nécessitant des soins psychothérapeutiques intensifs, mais plutôt des adolescentes caractérielles »123. Dès lors que La Pommière n’est pas reconnue comme maison de thérapie par la Confédération, ne bénéficie pas des subventions escomptées, et que l’activité de recherche s’annonce restreinte, les motivations des responsables des services psychiatriques semblent s’amenuiser.
58À la lumière de ce qui précède, on peut se demander quels sont les enjeux et intérêts pour les adolescentes, et quels bénéfices elles peuvent tirer de cette situation. L’image qu’on leur attribue n’est guère valorisante : considérées comme « handicapées à la fois sur les plans psychiatrique, social et financier »124, « dépressives voire suicidaires »125, les filles de ne peuvent être admises à La Pommière qu’à la suite d’un « préavis médical-psychiatrique »126. Dès 1972, l’IML, dirigée par le Pr. Bernheim (membre du comité), devient l’unique responsable de la prise en charge médicale des adolescentes de La Pommière : elle « participera aux colloques de présentation, préparera les admissions et assistera aux réunions de synthèse. C’est elle également qui donnera son appui au comité dans la mesure où celui-ci le demandera »127.
59Or, les descriptions que le Pr. Bernheim fait des adolescentes dites perturbées, loin d’améliorer leur image, participent au contraire à renforcer les représentations qui leur sont attribuées, tant au niveau de leurs troubles comportementaux que de leur atteinte psychiatrique. Il considère en effet que leur conduite « est déterminée en même temps par leur maturité physique que par leur immaturité psychique »128, que « les cas les plus frustres doivent, pour l’essentiel, recevoir une sorte de conditionnement à des formes acceptables de comportement » même si « il faut admettre que nombre de ces adolescentes particulièrement difficiles ne peuvent être réellement influencées à long terme par des traitements médicaux, psychiatriques ou psychothérapeutiques ». Bernheim estime que ces adolescentes sont guidées par des pulsions dues à leur maturité physique (sexuelle ?) qui ne peuvent être contrôlées à cause de leur immaturité psychique (« traits infantiles ou caractériels plus ou moins graves, voire psychotiques »). Les termes « fruste » et « conditionnement » sous-entendent qu’au vu de leur état mental, la seule intervention possible et envisagée par Bernheim s’apparente davantage à un dressage qu’à une aide éducative et thérapeutique. Il relève d’ailleurs que « certaines jeunes filles gravement perturbées, inatteignables aux techniques éducatives actuelles et dangereuses du fait de la contagion qu’elles entraînent, ne peuvent qu’être placées en milieu de détention », afin de ne pas mettre en péril « l’action des institutions à vocation socio-éducative ». Ces propos se rapprochent dangereusement des théories hygiénistes, en vigueur au début du 20e siècle, qui considéraient la délinquance juvénile comme une maladie mentale, la conséquence d’un capital biologique et génétique taré, aggravé par un milieu social pathogène. Il convenait d’extraire les enfants de ce milieu afin de prévenir ou du moins limiter sa portée sur la personnalité des enfants. Si les enfants s’avéraient trop “atteints” pour être guéris, les hygiénistes préconisaient leur sortie de l’école, ou de tout autre institution, afin d’éviter qu’ils et elles ne contaminent leurs camarades “normaux” et “normales”. Non seulement les filles de La Pommière ne retirent aucun bénéfice des représentations qu’on leur attribue, mais celles-ci leur portent préjudice. Lorsqu’une adolescente se plaint des dysfonctionnements de l’institution à son avocat, Berger effectue une enquête auprès du Pr. Bernheim129, lequel souligne que « la jeune fille mise en cause présentait des troubles non négligeables et était suivie médicalement »130 par son assistante.
60Même si le mal-être et la détresse de ces jeunes filles existent bel et bien, les professionnel.les préfèrent les interpréter comme des manifestations liées à leur personnalité (troubles du comportement, atteintes psychiatriques), en occultant le possible impact du contexte dans lequel ces adolescentes évoluent. Quand le comité de La Pommière considère que les douze tentatives de suicide de ses pensionnaires en un an, dont cinq ayant nécessité une hospitalisation131, sont uniquement dues à leur comportement problématique, cela ne suscite aucune remise en question des pratiques professionnelles, sauf au niveau de l’équipe éducative, quelques années plus tard. En 1975, les éducateurs.trices de La Pommière décident de cesser leur collaboration avec le psychiatre132, les rapports professionnels tendus entre l’équipe éducative et les psychiatres de l’IML sont interprétées comme étant le fruit de
fantasmes tenaces, tant chez nos filles que chez nos éducateurs, [qui] tendent à faire de l’IML une antichambre, soit de la morgue, soit du Palais de Justice. […] Représentations qui, si elles n’ont pas de fondements dans la réalité, peuvent cependant entraver notre action mutuelle133.
61Force est de constater que l’accent porté sur la gravité supposée des troubles psychiatriques des adolescentes n’a pas suffi à ce qu’un équipement institutionnel adéquat soit développé en leur faveur, et les a de plus catégorisées comme des cas psychiatriques. Elles ont donc été doublement discriminées : en termes de représentations, et en termes de moyens mis en œuvre.
62Alors qu’un contrôle médico-psychiatrique des filles de La Pommière est exigé avant leur entrée dans l’institution, les garçons de Chevrens doivent passer un examen psychologique seulement si l’équipe éducative ne possède pas d’informations suffisantes à leur égard pour orienter son travail éducatif. Elle souhaite par ailleurs que « les assistants, les psychologues ou médecins traitants viennent […] personnellement présenter le garçon »134 aux réunions de synthèse. À Chevrens, c’est une psychologue, et non un.e psychiatre, qui est affiliée à l’institution. Elle examine le jeune pour évaluer son niveau et sa personnalité afin de favoriser la prise en charge éducative et assure la collaboration avec les familles, les assistant.es et les consultant.es135. Elle rencontre périodiquement les adolescents pour établir un bilan et se tient à leur disposition pour un soutien psychopédagogique selon leur demande ou leurs besoins136. Les examens cliniques que la psychologue fait passer aux garçons137 sont des tests pour évaluer leurs compétences intellectuelles et cognitives, et non pour déceler une quelconque pathologie ou établir un diagnostic psychiatrique. Les résultats de ces tests sont utilisés pour dégager les forces et les faiblesses de chaque adolescent, cibler l’action éducative à son égard et l’orienter vers une préformation professionnelle adaptée à ses caractéristiques individuelles.
63L’évaluation des filles de La Pommière ne porte pas sur leurs aptitudes, et n’a pas pour objectif leur (ré)insertion scolaire ou professionnelle. Malgré les moyens développés par l’État pour allonger la durée de la scolarité obligatoire quelle que soit l’origine sociale ou le sexe, et favoriser la formation des jeunes, les filles de La Pommière ne bénéficient d’aucun soutien scolaire ou d’accompagnement dans la formulation d’un projet professionnel. Leur placement ne suffit pas à justifier cette différence de traitement puisqu’une intervention éducative complète est mise en place pour les adolescents placés à Chevrens. La seule explication possible est que la scolarité ou la formation professionnelle des adolescentes de La Pommière n’est pas une priorité, ou un enjeu majeur, parce que ce sont des filles. Mai 68 n’a pas permis la même révolution pour tous, ou toutes : l’État investit davantage de moyens pour la formation des garçons car ceux-ci sont considérés comme des futurs travailleurs, contrairement aux filles, pour lesquelles une formation est de fait secondaire parce qu’elles sont destinées à devenir épouses et mères au foyer. Les filles non placées bénéficient (presque) des mêmes moyens que les garçons, mais lorsqu’il y a un placement (allant souvent de pair avec une scolarité chaotique), les moyens supplémentaires de l’État pour soutenir la scolarisation et/ou la formation professionnelle semblent uniquement être alloués aux garçons. S’instaure alors une division socio-sexuée des savoirs (Mosconi, 1999), en dépit de “l’égalité des chances” prônée par le système éducatif genevois. Les filles de La Pommière, confrontées à ces inégalités de possibilités (Dayer & Collet, 2014), sont d’autant plus pénalisées par cette différenciation selon le sexe car le contexte économique a « progressivement accru l’enjeu de la scolarité, le rendant incontournable non plus seulement pour permettre une mobilité sociale, mais pour éviter une exclusion sociale » (Payet & Giuliani, 2014, p. 55).
Les représentations liées à la sexualité
64Ce champ lexical englobe les allusions à la sexualité déviante des adolescentes, ainsi que les dispositions prises à leur égard en fonction de cette représentation de leur sexualité. La vie sexuelle des adolescente.es est soumise à des normes de genre qui influencent fortement le regard porté sur les adolescentes sexuellement actives, lequel diffère totalement de celui porté sur les garçons. Lorsqu’une adolescente est soupçonnée d’inconduite sexuelle (avérée ou pas), celle-ci est d’emblée considérée comme une délinquante alors qu’un comportement similaire chez un adolescent est conçu comme faisant partie de son développement normal. Cette représentation différenciée de la sexualité des filles et des garçons a une conséquence directe sur les modalités de traitement : « la semi-liberté pour les filles est une solution plus difficilement applicable que pour les garçons. Souvent un internat conviendrait mieux »138. Préconisé pour les jeunes filles, l’enfermement est considéré comme garantie de leur bonne conduite car il empêche toute possibilité d’activité sexuelle. « L’apprentissage du contrôle de soi »139, exigé chez les adolescentes lors du développement de leur féminité, ne s’applique pas aux adolescents.
65Les filles de La Pommière doivent suivre un cours d’éducation sexuelle deux fois par mois140 et le comité prévoit « un contrôle gynécologique de toutes les pensionnaires »141 de l’institution car « c’est malheureusement nécessaire »142. Selon le comité, sur les quinze adolescentes placées à La Pommière en 1971, six présentent un « problème sexuel de type nymphomaniaque »143, une souffre de « problème sexuel de type homosexuel »144. En 1972, le comité décide que chaque candidate au placement devra être examinée par un médecin interniste et un gynécologue145 et, souligne le Pr. Bernheim, ses collaborateurs de l’IML « demanderont un examen gynécologique spécialisé »146 si nécessaire. L’expertise de Mulock Houwer relève une « grande liberté et tolérance »147 envers les adolescentes : deux ont la permission de voir régulièrement leur ami à La Pommière et six prennent la pilule contraceptive. La désapprobation de l’expert est implicite mais non moins réelle. En 1973, le comité prévoit toujours une « collaboration permanente avec des médecins (internistes et gynécologues) attachés à l’institution »148, et en 1974, le directeur mentionne la possibilité que les jeunes filles de La Pommière s’adonnent à « la prostitution occasionnelle dans le but de se procurer de l’argent »149.
66L’évocation d’une éventuelle prostitution est révélatrice : entre 1960 et 1975, les arguments avancés pour prouver la délinquance des adolescentes se sont modifiés et l’inconduite sexuelle ne constitue plus un critère de délinquance suffisant, contrairement à la prostitution qui est un délit pénal. Mai 68 a initié la revendication des droits des femmes (création de Mouvement de Libération des Femmes à Genève et droit de vote des femmes au niveau fédéral en 1971) et de leur libération sexuelle (vente de la contraception orale en Suisse en 1961, ouverture du premier centre suisse de Planning familial à Genève en 1965). Cependant, ces avancées en faveur de la condition féminine n’ont que peu d’impact sur les représentations de la sexualité des jeunes filles placées : celles-ci restent délinquantes, seuls les motifs donnés pour “justifier” leur déviance sexuelle évoluent. Puisque désormais la société ne proscrit plus les rapports sexuels hors mariage et reconnaît le droit à la sexualité pour les jeunes, la prostitution (avérée ou non) devient le nouveau critère de déviance sexuelle des adolescentes “perturbées”. La volonté de souligner la déviance sexuelle des filles de La Pommière peut avoir plusieurs interprétations. Elle pourrait être le “simple” reflet de la réalité et témoigner d’une véritable apparition de la prostitution chez les jeunes filles placées. Mais elle pourrait aussi découler de la nécessité de prouver la délinquance de ces adolescentes pour obtenir des subventions, ou être une ultime tentative pour conserver le contrôle sur la sexualité des jeunes filles mineures, et ses conséquences éventuelles. Dès lors que la sexualité des mères célibataires n’est plus considérée comme hors normes, le contrôle des familles jugées dysfonctionnelles ne peut plus s’effectuer par ce biais.
67En ce qui concernent les garçons, leur maturation physiologique pubertaire est mise en lien avec leur immaturité affective et leur identité du Moi encore fragile, des facteurs justifiant une identité sexuelle encore mal assumée, d’autant plus avec les expériences qu’ils ont vécues jusque-là150. Leur agressivité est associée à « son pendant (social !) : la virilité » et n’est pas jugée pathologique. Contrairement aux filles, la sexualité des garçons n’est pas présentée comme déviante mais comme un état momentané, un passage (obligé) de l’adolescence. Les garçons ont un « affect […] quelque peu à l’état brut, donc très labile, immature, explosif… et probablement très angoissant ». Les termes utilisés indiquent que c’est un processus en cours et qu’aucun diagnostic définitif ne peut et ne doit être posé sur leur comportement sexuel.
68Le vocabulaire utilisé pour décrire les adolescentes de La Pommière, et de manière plus générale, les jeunes filles placées, n’est pas anodin. Malgré la volonté de développer à leur égard un équipement institutionnel adéquat, les professionnel.les ont adopté une stratégie qui a desservi les jeunes filles placées dans le contexte genevois. Dépeindre ces adolescentes avec des termes liés à leur santé mentale ou à leur conduite sexuelle a renforcé les représentations qui leur étaient déjà attribuées à la fin du 19e siècle : psychiquement perturbées, émotionnellement instables et sexuellement déviantes. En 1955, le Dr. Bovet affirmait que les manifestations de la délinquance juvénile féminine étaient « considérées – à tort – comme des traits féminins normaux »151, et que « le traitement de la fillette ou de la jeune fille non-délinquante [était] peut-être la prophylaxie la plus efficace de la délinquance qui, quelques années plus tard éclatera chez son fils ». Marier les jeunes filles permettait « de fabriquer la non-délinquance, la non-névrose », pour autant qu’un « certificat prénuptial délivré par un psychanalyste » prouve leur bonne santé mentale et physique. Vingt ans plus tard, l’objectif n’est plus de traiter les adolescentes pour prévenir la délinquance de leurs futurs enfants, mais les mêmes arguments, issus de l’hygiène mentale, sont utilisés pour justifier les modalités de leur prise en charge. La délinquance des garçons perturbe la société ; les jeunes filles sont perturbées. Deux connotations bien différentes pour ce même terme, lesquelles engendrent des représentations, une prise en charge et des moyens développés bien différents eux aussi.
Notes de bas de page
1 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Besoins de placement institutionnel dans le canton de Genève pour les mineurs de 10‑20 ans », étude rédigée par V. Degoumois le 24 février 1972.
2 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972. Les citations qui suivent proviennent de cette source.
3 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
4 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
5 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
6 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Besoins de placement institutionnel dans le canton de Genève pour les mineurs de 10‑20 ans », étude rédigée par V. Degoumois le 24 février 1972. Toutes citations suivantes proviennent de cette source.
7 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Besoins de placement institutionnel dans le canton de Genève pour les mineurs de 10‑20 ans », étude rédigée par V. Degoumois le 24 février 1972. Les citations suivantes sont issues de cette source.
8 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
9 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Commission technique consultative en matière d’institutions, décembre 1972.
10 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Commission technique consultative en matière d’institutions, décembre 1972.
11 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
12 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
13 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « projet de synthèse des différentes études sur les besoins de placements pour pré-adolescentes et adolescentes de 1960 à 1972 », rapport rédigé par E. Amblet, E. Schaer et R. Hutmacher de la commission d’étude consultative, non daté mais probablement de 1972.
14 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « Comment aider les jeunes filles en danger moral ? », rédigé par A. Magnenat, psychologue du Centre d’accueil de Vernier. Sans date.
15 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « Comment aider les jeunes filles en danger moral ? », rédigé par A. Magnenat, psychologue du Centre d’accueil de Vernier. Sans date.
16 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : rapport de Amblet à Paillard du 18 novembre 1970.
17 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : rapport de Amblet à Paillard du 18 novembre 1970.
18 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : rapport de Amblet à Paillard du 18 novembre 1970.
19 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.4, dossier 4.1 : note de Placements Familiaux et Institutionnels à R. Berger (Office de la jeunesse), datée du 28 juin 1968.
20 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : rapport de Amblet à Paillard du 18 novembre 1970.
21 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de R. Hutmacher issu du PV de la séance consacrée aux institutions pour jeunes filles du 2 mars 1972.
22 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de Ch. Schaefer (présidente de la Commission d’exploitation du Centre Conradi-Perrard) à R. Berger (directeur de l’Office de la jeunesse) du 28 mars 1972.
23 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de Ch. Schaefer (présidente de la Commission d’exploitation du Centre Conradi-Perrard) à R. Berger (directeur de l’Office de la jeunesse) du 28 mars 1972.
24 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : présentation du Centre Conradi-Perrard, 16 octobre 1972.
25 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : présentation du Centre Conradi-Perrard, 16 octobre 1972.
26 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : document des Commissions de La Pommière et Conradi-Perrard, envoyé à R. Berger le 19 juin 1972.
27 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : invitation de E. Amblet (président de la Commission des Verchères) et R. Berger (directeur de l’Office de la jeunesse) aux responsables des divers organismes et institutions concernés par le placement des jeunes filles, du 14 avril 1972.
28 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance no 1 de la Commission d’étude consultative du 4 mai 1972.
29 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance no 1 de la Commission d’étude consultative du 4 mai 1972.
30 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : projet de l’OJ, l’AGOER et de l’ARTES, du 4 mai 1972.
31 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance no 1 de la Commission d’étude consultative du 4 mai 1972.
32 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance no 1 de la Commission d’étude consultative du 4 mai 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
33 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972, daté du 9 octobre 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
34 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972, daté du 9 octobre 1972.
35 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972, daté du 9 octobre 1972.
36 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972, daté du 9 octobre 1972.
37 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972, daté du 9 octobre 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
38 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 16 octobre 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
39 Entre-temps, Les Verchères ont été renommées Centre Conradi Perrard.
40 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Commission technique consultative en matière d’institutions, décembre 1972.
41 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Commission technique consultative en matière d’institutions, décembre 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
42 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : préavis de R. Berger sur la construction du Centre Conradi-Perrard (Verchères) daté du 9 mars 1973. Les citations du paragraphe suivant proviennent de cette source.
43 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : conférence des directeurs des services de l’OJ du 30 janvier 1974. Les citations suivantes proviennent de cette source.
44 AEG, APAP : 372.4.12 : PV de la séance du comité de La Pommière du 12 février 1974.
45 AEG, APAP : 372.4.12 : PV de la séance du comité de La Pommière du 12 février 1974.
46 AEG, APAP : 372.7.31 : lettre du juge A. Dunant à la présidente du comité de La Pommière du 16 mai 1974.
47 AEG, APAP : 372.7.31 : lettre du juge A. Dunant à M. Stettler du 29 novembre 1974.
48 AEG, APAP : 372.4.13 : PV de la séance du comité du 27 janvier 1975, daté du 10 février 1975.
49 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.15.3 : intervention du Dr. F. Ladame à la FOJ, 1974.
50 AEG, APAP : 372.3.24 : article de La Tribune de Genève du 31 mars 1976.
51 AEG, APAP : 372.3.24 : article de La Tribune de Genève du 31 mars 1976.
52 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Situation des foyers à but éducatif pour adolescents et adolescentes », rapport rédigé par E. Schaer (PDJ), le 31 mai 1976.
53 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Situation des foyers à but éducatif pour adolescents et adolescentes », rapport rédigé par E. Schaer (PDJ), le 31 mai 1976.
54 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : « Le placement des jeunes filles dans le contexte genevois », rédigé par M. Stettler, le 24 septembre 1976. Les citations suivantes proviennent de cette source.
55 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : « Le placement des jeunes filles dans le contexte genevois », rédigé par M. Stettler, le 24 septembre 1976. La citation suivante provient de cette source.
56 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965.
57 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970. Les citations suivantes proviennent de cette source,
58 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
59 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
60 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
61 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965.
62 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
63 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
64 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « À propos de la création d’un centre de pré-apprentissage et d’orientation professionnelle, complémentaire à l’actuel centre d’accueil de Chevrens », 1964.
65 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965. Les citations suivantes proviennent de cette source.
66 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970. Les citations suivantes proviennent de cette source.
67 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
68 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
69 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
70 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
71 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
72 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
73 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « À propos de la création d’un centre de pré-apprentissage et d’orientation professionnelle, complémentaire à l’actuel centre d’accueil de Chevrens », 1964. Les citations suivantes proviennent de cette source.
74 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965. Les citations suivantes proviennent de cette source.
75 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
76 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965.
77 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Suite des échanges entre représentants des services placeurs et l’équipe de Chevrens », 22 avril 1975 et 10 décembre 1975.
78 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Suite des échanges entre représentants des services placeurs et l’équipe de Chevrens », 22 avril 1975 et 10 décembre 1975.
79 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : modifications de la Commission d’étude consultative selon décision de la séance du 26 juin 1972. Les citations suivantes proviennent de cette source.
80 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : « Le placement des jeunes filles dans le contexte genevois », rédigé par M. Stettler, le 24 septembre 1976.
81 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : « Le placement des jeunes filles dans le contexte genevois », rédigé par M. Stettler, le 24 septembre 1976. Les citations suivantes proviennent de cette source.
82 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité de la Pommière du 2 décembre 1970.
83 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité de la Pommière du 3 mars 1971.
84 Parmi les 700 sources analysées pour cette recherche, ce corpus regroupe celle relatives à La Pommière et/ou à la problématique du placements des filles
85 Parmi les 700 sources analysées pour cette recherche, ce corpus regroupe celles relatives au Centre de Chevrens.
86 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : « Besoins en placement institutionnel dans le canton de Genève pour les mineurs de 10‑20 ans », rédigé par V. Degoumois le 24 février 1972. Les citations suivantes proviennent de cette source.
87 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965. Les citations suivantes proviennent de cette source.
88 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Commission technique consultative en matière d’institutions, décembre 1972.
89 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : rapport d’entretien avec R. Paillard, rédigé par V. Degoumois le 20 septembre 1971 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : PV de la séance de la commission de coordination du 22 octobre 1971 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : programme de la Pommière rédigé en juin 1972 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : programme de la Pommière, rédigé par le comité en mai 1973 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : note de C-N. Robert à R. Berger du 9 février 1972 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de Bernheim à Dami du 8 septembre 1972.
90 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : note de V. Degoumois à H. Cartier, 12 octobre 1966 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : rapport de la Drs Dupuis-Dami du 19 septembre 1972 ; AEG, APAP : 372.3.6 : rapport du comité de 1970 ; AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 6 octobre 1971 ; AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 1er mars 1972 ; AEG, APAP : 372.9.12 : expertise de Mulock Houwer, printemps 1971.
91 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : PV de la commission de coordination des subventions, 22 septembre 1971 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de J. Bernheim à R. Dami du 8 septembre 1972 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : séance de la commission d’étude consultative du 16 octobre
92 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : note de C-N. Robert à R. Berger du 9 février 1972.
93 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : PV de la commission de coordination des subventions, 22 septembre 1971.
94 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : PV de la séance de la commission chargée d’étudier le projet de loi 4522 concernant une subvention à accorder à La Pommière, du 14 mai 1976.
95 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.2 : PV de la séance de la commission chargée d’étudier le projet de loi 4522 concernant une subvention à accorder à La Pommière, du 14 mai 1976.
96 AEG, APAP : 372.3.24 : rapport présidentiel à l’Assemblée générale de l’institution de la Pommière, 9 juin 1976.
97 AEG, APAP : 372.3.24 : rapport présidentiel à l’Assemblée générale de l’institution de la Pommière, 9 juin 1976.
98 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : document du comité non daté (probablement entre 1970 et 1972).
99 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 30 juin 1971 ; PV du comité du 20 décembre 1971 ; AEG, APAP : 372.3.24 : rapport du direteur de La Pommière à l’Assemblée générale de l’institution de la Pommière du 14 mai 1974 ; AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : PV de la commission de coordination des subventions, 22 septembre 1971.
100 AEG, APAP : 372.4.13 : PV du comité de la Pommière du 27 janvier 1975.
101 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « À propos de la création d’un centre de pré-apprentissage et d’orientation professionnelle, complémentaire à l’actuel centre d’accueil de Chevrens », 1964. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
102 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965.
103 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
104 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
105 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Suite des échanges entre représentants des services placeurs et l’équipe de Chevrens », 10 décembre 1975. Les citations suivantes proviennent de cette source.
106 AEG, ADIP : FOJ, 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural, rapport d’activité 1964 du Centre de Chevrens élaboré par l’équipe éducative, avril 1965.
107 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : prise de position de l’AGOER, 4 mai 1972.
108 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : prise de position de l’AGOER, 4 mai 1972.
109 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : « Réflexions et propositions concernant la collaboration et les échanges nécessaires entre les praticiens et les diverses institutions œuvrant dans le secteur des jeunes filles souffrant de troubles de l’adaptation », rédigé par R. Bourgoz le 17 octobre 1972.
110 BGE : Rapport de l’année 1961 de l’Asile de La Pommière, 141e année.
111 AEG, APAP : 372.3.6 : Rapport annuel de l’institution de la Pommière de l’année 1972.
112 AEG, APAP : 372.3.6 : Rapport annuel de l’institution de la Pommière de l’année 1972.
113 AEG, APAP : 372.3.6 : rapport annuel du comité de la Pommière de 1970.
114 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.3, dossier 3.1 : rapport d’entretien avec R. Paillard, rédigé par V. Degoumois le 20 septembre 1971.
115 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 20 décembre 1971.
116 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 20 décembre 1971.
117 AEG, APAP : 372.3.6 : rapport annuel du comité de 1972.
118 AEG, APAP : 372.10.5 : courrier du directeur de La Pommière au Dr. Mati, du 5 octobre 1972.
119 AEG, ADIP, FOJ, 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de J. Bernheim à R. Dami du 8 septembre 1972.
120 AEG, ADIP, FOJ, 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : PV de la séance de la Commission d’étude consultative du 2 octobre 1972.
121 AEG, APAP : 372.7.32 : courrier de J. Bernheim à la présidente du comité de La Pommière, du 25 avril 1975.
122 AEG, APAP : 372.7.32 : courrier de J. Bernheim à la présidente du comité de La Pommière, du 30 mai 1975.
123 AEG, APAP : 372.4.13 : PV du comité de la Pommière du 20 juin 1975.
124 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : note C-N. Robert à R. Berger du 9 février 1972.
125 AEG, APAP : 372.3.24 : extrait du rapport du directeur de La Pommière, rapport annuel du comité de 1973.
126 AEG, APAP : 372.4.12 : PV du comité du 5 décembre 1972.
127 AEG, APAP : 372.10.5 : courrier du directeur de La Pommière au Dr. Mati, du 5 octobre 1972.
128 AEG, ADIP, FOJ, 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de J. Bernheim à R. Dami du 8 septembre 1972. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
129 AEG, APAP : 372.7.31 : courrier de R. Berger à J. Bernheim du 3 juillet 1974.
130 AEG, APAP : 372.7.31 : courrier de J. Bernheim à la présidente du comité de La Pommière du 10 juillet 1974.
131 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : document du comité non daté (probablement entre 1970 et 1972).
132 AEG, APAP : 372.7.32 : courrier de J. Deshusse au Dr. Mati, du 18 avril 1975.
133 AEG, APAP : 372.7.32 : courrier du directeur de La Pommière au Dr. Essaut (IML), du 30 avril 1975.
134 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : « Documentation à l’intention des services de l’enfance et des assistants sociaux concernant les demandes d’admissions », Centre de Chevrens, avril 1970.
135 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
136 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Astural/Chevrens, Internat de préformation générale, présentation 1974‑1975.
137 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Chevrens, internat de préformation générale, Essai de « profil » du groupe d’adolescents, 12e volée 1974‑75, rédigé par Liliane Hänni.
138 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.15.3, dossier 3.4 : PV de la Commission de création pour une maison fermée à Genève, du 18 février 1965.
139 AEG, ADIP, FOJ, 1986 va 5.4.3.3, dossier 3.2 : courrier de J. Bernheim à R. Dami du 8 septembre 1972.
140 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 30 juin 1971.
141 AEG, APAP : 372.4.11 : PV du comité du 31 mars 1971.
142 AEG, APAP : 372.9.11 : extrait du journal de bord tenu par les dames du comité lors de leurs visites de la Pommière, daté de mars 1971.
143 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : document du comité non daté (probablement entre 1970 et 1972).
144 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : document du comité non daté (probablement entre 1970 et 1972).
145 AEG, APAP : 372.4.12 : PV du comité du17 octobre 1972.
146 AEG, APAP : 372.7.29 : courrier de J. Bernheim à des internistes et gynécologues, du 7 novembre 1972.
147 AEG, APAP : 372.9.12 : expertise de Mulock Houwer, printemps 1971.
148 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.2.14.6, dossier 6.1 : « Orientations générales » de la Pommière, rédigées par le directeur de La Pommière le 8 mai 1973.
149 AEG, APAP : 372.3.24 : extrait du directeur, rapport de 1973 à l’Assemblée générale de l’Association de la Pommière du 14 mai 1974.
150 AEG, ADIP, FOJ : 1986 va 5.3.1.3, dossier 3.1 : Chevrens, internat de préformation générale, Essai de « profil » du groupe d’adolescents, 12e volée 1974‑75, rédigé par Liliane Hänni. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
151 Muller, A. (1955). Étiologie de la délinquance juvénile. Revue suisse d’hygiène. Toutes les citations de ce paragraphe proviennent de cette source.
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