2. Les limites « concrètes »
p. 31-113
Texte intégral
1Tout autant que la toponymie, l’identité de l’Aventin a été largement déterminée par les entités territoriales concrètes qui ont organisé le territoire de la Ville, qu’elles fussent de nature juridique, religieuse, associative, administrative ou encore défensive. Il convient donc de considérer à présent la position de la colline au regard de ces différents seuils.
2.1 Les limites juridiques de l’Aventin
2Dans un premier temps, l’accent est mis sur les seuils juridiques qui eurent un rôle dans la définition territoriale des pratiques augurales et de l’exercice du pouvoir, et sur la situation de la colline au regard de ces limites particulières, entre la fin de la République et le début du Principat.
2.1.1 L’Vrbs et les continentia : la définition de Rome à l’époque d’Auguste
3Il faut au préalable revenir sur les données transmises par la littérature juridique et érudite, qui se révèlent particulièrement importantes pour comprendre à quoi correspond l’ensemble territorial que l’on appelle « Rome » et les éléments qui le composent.
4Le juriste Marcellus (IIe s. apr. J.-C.) nous a ainsi transmis les concepts admis à l’époque d’Auguste dans ce domaine, notamment le point de vue du jurisconsulte Alfenus Varus (cos 39 av. J.-C.), élève du célèbre juriste Servius Sulpicius Rufus (Dig. 50, 16, 87 [Marcellus 12 Dig.]) :
Vt Alfenus ait, "urbs" est "roma", quae muro cingeretur, "roma" est etiam, qua continentia aedificia essent : nam romam non muro tenus existimari ex consuetudine cotidiana posse intellegi, cum diceremus romam nos ire, etiam si extra urbem habitaremus.
Comme l’affirme Alfenus, l’Vrbs est cette partie de Rome enfermée dans la ligne des murs, tandis que « Rome » comprend aussi les zones construites des faubourgs : que Rome ne se limite pas au circuit des murs est prouvé par l’usage courant de dire que nous allons à Rome également si l’on habite en dehors de l’Vrbs.
5Contemporain de Marcellus, bien qu’il fût cependant son aîné, le juriste Pomponius s’est également intéressé à ce qui définit territorialement Rome d’après l’autorité d’Alfenus Varus. Dans la partie de son Enchiridion dédiée aux définitions étymologiques, il étudia la signification du terme urbs en recourant également à l’autorité du juriste du Ier s. av. J.-C. (Dig. 50, 16, 239 § 6 [Pomp. Lib. sing. enrichir.]) :
‘Vrbs’ ab urbo appellata est : urbare est aratro definire. Et Varus ait urbum appellari curvaturam aratri, quod in urbe condenda adhiberi solet.
On désigne l’Vrbs d’après le verbe urbo : urbare c’est délimiter au moyen d’un araire. Et Varus dit qu’est appelée urbus la courbure de l’araire que l’on emploie habituellement pour fonder une « Ville » (Vrbs).
6Selon R.A. Bauman1, le jurisconsulte Alfenus Varus auquel réfèrent les juristes du IIe siècle apr. J.-C., fut étroitement lié aux cercles littéraires augustéens. Il fut l’ami de Virgile et un proche de Catulle. Il n’est pas à exclure qu’il appartint également au cercle de Mécène. Impliqué dans les confiscations et les redistributions de terres en Gaule cisalpine au profit des vétérans d’Octavien, il participa en tant que préteur au repeuplement de la province en 42. C’est probablement de cette époque que datent ses amitiés avec le futur Auguste. En remerciement de ses succès, il reçut le consulat en 39 av. J.-C. On sait également qu’Alfenus reçut des funérailles publiques, ce qui pourrait attester de son importance et de sa proximité avec le pouvoir impérial. Il n’est donc pas à exclure qu’Alfenus Varus mit ses talents de juriste, mais aussi d’antiquaire (Gell., 7, 5, 1)2, au service du princeps, et que ses recherches sur la définition de Rome fussent en rapport avec la réforme urbaine d’Auguste. Le juriste distingue en effet deux espaces, celui mineur et historique de l’Vrbs, et celui majeur de Roma qui renvoie à l’extension urbaine de la plus grande Rome envisagée par César (Cic., Att., 13, 35-36) et finalisée par Auguste3.
7Si l’on admet que les juristes du IIe siècle apr. J.-C. ont fidèlement transcrit les propos d’Alfenus Varus, sans simplifications ou réadaptations ultérieures4, on peut considérer qu’à l’époque d’Auguste, il était admis que l’Vrbs désignait l’espace autour duquel étaient érigés les murs défensifs de la Ville, tandis que Roma renvoyait à l’ensemble de l’agglomération, comprenant également les zones construites des faubourgs (continentia aedificia) qui s’étendaient au-delà des murs de l’Vrbs. Mais la réforme d’Auguste prit simplement acte d’une situation urbaine antérieure5. Ainsi se trouvait-on, dès l’époque républicaine, dans une situation juridique particulière, où la ville s’étendait à la fois dans et hors les murs, le territoire intra muros et le territoire extra-muros constituant deux ensembles bien distincts : l’Vrbs et les continentia.
2.1.2 Les éléments qui définissent les confins de l’Vrbs
8Les sources de la fin de la République et du début de l’Empire permettent de savoir que l’Vrbs est elle-même délimitée par un ensemble d’éléments qui vont permettre de la définir territorialement mais aussi juridiquement. Les principaux textes qui nous informent sur l’origine et la nature des éléments qui définissent ses confins viennent de Varron (Ling., 5, 143), Tite-Live (1, 44, 3-5), Plutarque (Rom., 11, 4) et Tacite (ann., 12, 24, 1-2). L’analyse de ces textes a donné lieu à une bibliographie immense. Il est pourtant nécessaire d’évoquer de façon synthétique les principales interrogations soulevées par ces sources, afin de mieux saisir la spécificité de l’Aventin par rapport aux éléments qui définissent le territoire de l’Vrbs.
9Les textes évoqués, publiés entre le Ier s. av. et le IIe s. apr. J.-C., nous apprennent que l’Vrbs fut originellement définie à l’aide d’une charrue attelée de bovins, lors du rituel de fondation de la cité dont les modalités s’appuient vraisemblablement sur la disciplina étrusque. Mais les éléments produits à l’occasion de ce rituel, leur articulation, de même que leur fonction, continuent de faire débat parmi les chercheurs modernes.
10Selon A. Magdelain6, le sillon tracé lors du rite de la charrue, c’est-à-dire ce que Festus (p. 271 L) définit comme le sulcus primigenius, le « sillon primordial », aurait généré le pomerium, qui constitue la limite augurale de l’Vrbs. Le rite de la charrue aurait donc conféré au pomerium son caractère sacral. Au-delà de la ligne du pomerium, on aurait édifié ensuite un fossé et les murs défensifs à proprement parler de la Ville. L’analyse proposée par A. Magdelain a été largement admise, en raison de la cohérence qu’elle donne à la lecture des textes. Mais elle a été reprise à frais nouveaux dans de récentes analyses.
11D’abord celle de G. De Sanctis7 qui a repris avec minutie la lecture des textes de référence, et s’est efforcé d’unifier au maximum les propos de chaque auteur. Le chercheur suggère que le sulcus primigenius ne doit pas être mis en relation avec le pomerium mais avec les murs de la Ville. Le sillon primordial aurait en effet généré le fossé et les remparts de la Ville à proprement parler, tandis que le pomerium, qui ne peut être défini comme un sillon, formait une limite interne sans interruption, dont le circuit était marqué uniquement par la présence de cippes terminaux. C’est à des conclusions relativement similaires qu’aboutit la récente analyse de S. Sisani8. Ce dernier suggère que la confusion entre le pomerium et le sulcus primigenius est due à une certaine partie de la tradition antique, extrapolée par les modernes qui ont proposé une interprétation paraétymologique du pomerium fondée sur le glissement post-moerium > pomerium. Ce glissement aurait conduit à établir un rapport topographique direct entre pomerium et murs, et indirectement à reconstruire un rapport fonctionnel entre le pomerium et le sulcus primigenius. L’auteur soutient que cette filiation étymologique est en réalité toute autre, rappelant qu’une alternative valide avait été donnée par R. Antaya9, qui avait proposé comme forme de base un composé *po‑smer- signifiant « confins externes », détachant ainsi nettement le concept originaire de pomerium de la réalité matérielle des murs. Il s’agit donc ici de deux réalités distinctes juridiquement. Le rite du sulcus primigenius constitue l’acte fondateur de la cité comme oppidum, qui représente en terme juridique une réalité urbanistiquement structurée. La délimitation du pomerium fonde la cité comme Vrbs, le terme ne désignant pas tant un espace physique mais une réalité institutionnelle en lien étroit avec la notion générique de ciuitas, au sens de communauté structurée. La fonction du pomerium est avant tout de marquer du point de vue augural et juridique les limites des auspicia urbana.
12La démarche de S. Sisani, visant à démêler les étapes de la construction étymologique antiquaire qui a conduit au lien implicite entre les murs et le pomerium, nous amène à une autre interrogation qui a longtemps occupé les chercheurs à propos du lien originel entre le mur et le pomerium : tandis que certains ont considéré que le pomerium aurait précédé les murs, pour n’y être associé que tardivement (L. Bonfante Warren10 ; A.O. Citarella11), d’autres ont envisagé les murs défensifs de la Ville et le pomerium comme deux éléments indépendants, tant par leur nature que par leur fonction, mais néanmoins liés étroitement dès le rituel de fondation (M. J. Valeton12, suivit par P. Catalano13 et selon des optiques différentes, A. Magdelain14, V. Basanoff15, A. Giardina16, G. De Sanctis17 et S. Stevens18). La ligne interprétative suivie par S. Sisani le conduit pour sa part à déconstruire le postulat qui voit dans le pomerium une limite fonctionnellement et topographiquement liée aux murs.
13C’est donc à la lumière de ces éléments qu’il faudra considérer la position de l’Aventin au regard de ces deux confins de nature et de fonctions distinctes, et les conséquences sur le statut de la colline qui en découlent.
2.1.3 L’Aventin et L’Vrbs
14Concernant tout d’abord la position de l’Aventin au regard du territoire de l’Vrbs défini par le pomerium, les sources antiques précisent que la colline fut maintenue « en dehors » de ce périmètre, jusqu’au règne de l’empereur Claude. C’est ce qu’affirme Aulu Gelle (13, 14, 4-5 et 7), ou encore Sénèque (dial.,10, 13, 8).
15La situation de l’Aventin au regard du pomerium paraît donc claire, mais elle se complexifie lorsque l’on intègre à cette question les débats des chercheurs contemporains sur la physionomie de ce périmètre. Ligne selon certains (J. Imbert19, A. Magdelain20, R. Antaya21), elle se présentait plutôt sous la forme d’une bande de terre pour d’autres (M.J. Valeton22, suivi par P. Catalano23, et voir plus récemment, selon une toute autre approche, G. De Sanctis24). Si l’on veut défendre l’hypothèse que le pomerium fut une bande plutôt qu’une ligne, on ne peut admettre que sa limite interne eut été formée par les cippes pomériaux tandis que les murs en auraient constitué la limite externe, comme l’a récemment suggéré G. De Sanctis25. D’abord parce que nous avons vu l’absence probable de lien fonctionnel entre ces deux éléments26. Ensuite parce que cela reviendrait à dire que jusqu’au règne de Claude, l’Aventin était situé « sur » la bande pomériale. Or les sources sont très claires sur ce point : l’Aventin n’était pas in, intra, ou intus pomerium, mais bien extra pomerium. La colline se trouvait donc sur un espace intercalaire, entre le pomerium et les murs, dont la fonction principale aurait été « de permettre les opérations de défense en cas de siège, sans qu’elles touchent au sol urbain qu’elles ne devaient pas souiller », selon l’hypothèse d’A. Magdelain27. L’Vrbs était en effet soumise à un certain nombre de proscriptions, au nombre desquelles l’interdiction pour l’armée de pénétrer sur son territoire. La position de l’Aventin aurait donc permis d’organiser les praesidia en cas d’attaque, tout en respectant les contraintes de l’Vrbs au regard du droit augural. Cette stricte limitation de la défense de la cité à un espace restreint de la Ville a cependant été mise en doute. S. Sisani28 a en effet souligné l’écart entre ce principe, qui serait avant tout une construction moderne, et la réalité factuelle telle que la décrit Tite-Live (26, 9-10) à propos de l’attaque de Rome par les troupes d’Hannibal en 211 av. J.-C. Selon S. Sisani, la libre circulation des troupes dans la Ville lors de ces événements montre qu’en pratique, sa défense ne pouvait se concentrer exclusivement sur les murs ou l’arx. Des circonstances exceptionnelles, comme celles décrites par Tite-Live, pouvaient manifestement donner lieu à une militarisation intra-pomériale. La justification stratégique au statut extra-pomérial de l’Aventin jusqu’au milieu du Ier siècle apr. J.-C. serait donc toute théorique. Cette analyse se heurte toutefois à la question du rôle du pomerium dans la discrimination topographique entre le pouvoir civil des magistrats (imperium domi) et leur pouvoir de commandement militaire (imperium militiae), sur lesquelles on reviendra plus loin29.
2.1.4 L’Aventin et l’ager Romanus
16Selon A. Magdelain30, en termes de droit augural on ne peut considérer sur le territoire de la Rome antique que deux espaces concentriques : l’Vrbs et l’ager Romanus antiquus. Il est en revanche à exclure que l’ager effatus et liberatus ait formé une bande de terrain entre l’Vrbs et l’ager Romanus, comme cela a été suggéré parfois. L’ager effatus se confond avec l’ager Romanus qui a en commun avec l’Vrbs la même condition de loci effati (délimité par la parole augurale) et liberati (libéré des servitudes religieuses qui grèvent le sol)31. Mais une qualité essentielle distingue cependant l’Vrbs de l’ager qui l’entoure : l’Vrbs est par surcroît un lieu inauguré32. Par conséquent, si l’Aventin était situé en dehors du pomerium, qui constitue la limite augurale de l’Vrbs, la colline devait relever du régime juridico-religieux de l’ager Romanus.
17Dès lors, il faut s’interroger sur les spécificités de ce régime juridique. P. Catalano33 précise que l’ager Romanus a un statut particulier qui le distingue des autres agri (par exemple l’ager Veiens ou Crustuminus). En ce sens, il ne doit pas être confondu avec la totalité des territoires compris dans les fines populi romani. Certaines activités des prêtres et des magistrats ne pouvaient avoir lieu que sur l’ager Romanus : la pratique des inaugurationes ; la définition d’un templum inauguratum34 ; la nomination d’un dictateur par un consul ; l’accomplissement de la repetitio, en cas de corruption lors de la prise des auspices. Comme élément essentiel de certaines cérémonies officielles, l’ager Romanus demeura inchangé tout au long de la République.
18Enfin, il est important de considérer la question de la définition territoriale de cette limite et de sa date d’apparition. Sur ce sujet également, la bibliographie est immense35. On ne considérera ici que les aspects de la question qui peuvent nous éclairer sur la position de l’Aventin par rapport à cette limite.
19La définition contemporaine des confins de l’ager Romanus antiquus remonte au XIXe siècle, en particulier lorsque W.A. Becker36 tenta d’établir les limites du territoire propre à la Ville de Rome, qu’il distinguait des terres conquises ensuite. Selon lui, ce territoire ne pouvait dépasser une distance de cinq milles depuis l’Vrbs, puisque selon les dire de Strabon (5, 3, 2), les frontières des cités archaïques voisines étaient très proches de Rome :
Κολλατία δ’ ἦν καὶ Ἀντέμναι καὶ Φιδῆναι καὶ Λαβικὸν καὶ ἄλλα τοιαῦτα τότε μὲν πολίχνια, νῦν δὲ κῶμαι, κτήσεις ἰδιωτῶν, ἀπὸ τριάκοντα ἢ μικρῷ πλειόνων τῆς Ῥώμης σταδίων.
Telles étaient les circonstances à Collatia, à Antemnae, à Fidenae, à Labicum et dans d’autres petites villes du même genre, à 30 stades de Rome ou un peu plus, aujourd’hui descendues au rang de bourgades, voire de propriétés privées.37
20De plus, le géographe grec précise que le lieu appelé Fêstoi, situé entre le Ve et le VIe mille, marquait la limite de l’ancien territoire romain (ager Romanus antiquus), et qu’en ce lieu, ainsi que d’autres établis sur cette frontière, on célébrait les Ambarvalia :
Μεταξὺ γοῦν τοῦ πέμπτου καὶ τοῦ ἕκτου λίθου τῶν τὰ μίλια διασημαινόντων τῆς Ῥώμης καλεῖται τόπος Φῆστοι· τοῦτον δ’ ὅριον ἀποφαίνουσι τῆς τότε Ῥωμαίων γῆς, οἵ θ’ ἱερομνήμονες θυσίαν ἐπιτελοῦσιν ἐνταῦθά τε καὶ ἐν ἄλλοις τόποις πλείοσιν ὡς ὁρίσις αὐθημερόν, ἣν καλοῦσιν Ἀμβαρουίαν.
De fait, il existe entre la Ve et la VIe borne miliaire de Rome un lieu appelé Fêstoi38 ; celui-ci marque la limite du sol romain de ce temps [l’ager Romanus antiquus]. À cet endroit et en plusieurs autres points de la frontière, les pontifes célèbrent le même jour un sacrifice appelé ambarouia (thusia).39
21Sur cette base, A.W. Becker a supposé l’existence d’une série de cultes placés entre les Ve et VIe milles, dont les sanctuaires et les célébrations marquaient les confins de l’ager Romanus antiquus. L’hypothèse fut reprise ensuite, notamment par Th. Mommsen40 et K.J. Beloch41. Ce dernier admit que cette ligne correspondait aux limites primitives du territoire de Rome. S’il fixe son apparition plus tard, A. Alföldy42 a également repris la limite identifiée par A.W. Becker, y intégrant de nouveaux indices permettant d’en préciser les confins. D’autres marqueurs potentiels de cette limite ont été également intégrés au dossier depuis par S. Quilici Gigli43, J. Scheid44 et G. Colonna45.
22La date à laquelle les confins de l’ager Romanus furent définis à hauteur des Ve-VIe milles reste débattue : elle dépend de l’identification des marqueurs de cette limite46 et de la chronologie qui leur est attribuée. Les opinions divergentes des historiens sont déterminées par l’emprise du territoire romain admise pour la période royale et la valeur accordée à la tradition annalistique relative à la Rome des premiers temps. Ainsi, selon certains historiens, de tels confins de l’ager Romanus ne peuvent être antérieurs au Ve siècle47, voire au IIIe s. av. J.-C.48. Favorable à cette seconde datation, J. Scheid a par ailleurs suggéré que l’image de la cité nichée au cœur de son territoire a été définie au Ier s. av. J.-C. par Octavien, qui a ainsi élaboré un choix parmi les anciens cultes placés à cette distance de Rome pour définir la limite originelle de l’ager Romanus49. L’antique territoire de Rome étendu entre le Ve et le VIe mille, serait donc une construction tardive. Cependant, d’autres chercheurs sont enclins à admettre que l’ager Romanus existait déjà au début de l’époque royale, comme le suggère la tradition littéraire50. Dans une perspective plus « fidéiste », d’autres admettent la définition des confins de l’ager Romanus en même temps que les prémices de la cité, en correspondance avec la période latiale IIB-IIIA (830-725 av. J.‑C.)51.
23Quoi qu’il en soit, cette limite constituait indéniablement une entité territoriale efficiente au cours de la période qui nous concerne. Quelles que furent à cette époque l’extension (Ve-VIe milles ou au-delà52) et la forme de l’ager Romanus (circulaire ou non), l’Aventin devait relever de ce territoire sur le plan juridico-religieux entre la fin de la République et le début du Principat.
24Cette situation n’était pas sans conséquences en matière de droit augural, mais aussi de droit public. On admet largement depuis les travaux d’A. Magdelain53 que l’Vrbs correspond au domaine de l’imperium domi, tandis que l’ager Romanus relève de l’imperium militiae. De ce point de vue, l’Aventin devait donc être également placé sous le coup de cette forme absolue de l’imperium. Mais la question se complexifie lorsque l’on considère l’existence d’un autre périmètre urbain, qui pourrait avoir également concerné l’Aventin : la zone des mille pas. Il faut revenir dans un premier temps sur les nombreux débats que suscite cette limite, notamment à propos de son incidence sur la définition territoriale des compétences et pouvoirs des magistrats selon qu’ils relèvent de la sphère civile ou militaire. Ce point éclairci, on peut considérer ensuite la question de l’emprise topographique de cette zone, afin de déterminer dans quelle mesure elle a pu concerner l’Aventin.
2.1.5 L’Aventin et la zone des mille pas
2.1.5.1 Les sources
25Plusieurs documents littéraires et épigraphiques font mention de la zone des mille pas (voir annexes, doc. 1). Comme l’a souligné J.-P. Guilhembet54, on peut observer à la lecture de ces documents que cette zone intervint sur différents aspects usuels de la vie urbaine, mais qu’elle joua également un rôle significatif dans le fonctionnement de certaines institutions romaines. Il est donc utile de revenir sur sa nature et sa portée, avant de considérer la question des confins de cet espace spécifique sur le territoire urbain de Rome entre la fin de la République et le début du Principat.
2.1.5.2 Une limite qui définit territorialement compétences et pouvoirs
26En premier lieu, cette limite jouait un rôle essentiel dans les réalités usuelles de la vie urbaine, notamment dans la réglementation de la circulation des véhicules dans la Ville. La table d’Héraclée (CIL I², 593 = ILS 6085) stipule en effet que la circulation des chariots était interdite dans les rues de la Ville de Rome et dans celles des faubourgs bâtis dans la journée jusqu’à la dixième heure (l. 56-57), sauf pour le transport de matériaux destinés à la construction d’édifices consacrés au culte des dieux ou à l’exécution de travaux publics. Étaient également autorisée l’évacuation des décombres provenant de démolitions affermées par l’État (l. 57-61)55. Cette réglementation comportait d’autres exceptions notables. La table d’Héraclée précise en effet que les voitures des vestales, des flamines ou du rex sacrorum n’étaient pas concernées, non plus que les mouvements liés aux triomphes et aux jeux, ainsi que l’évacuation des immondices (l. 62-67). L’ensemble de ces catégories était ainsi autorisé à circuler pendant les dix premières heures du jour dans la Ville de Rome ou dans les mille pas à compter de la Ville de Rome (l. 64 : quei 〈urbi〉 Romae {aut} 〈propiusve〉 urbei Romae 〈passus M〉; l. 67 : in u(rbe) R(oma) et ab u(rbe) R(oma) p(assus) mille). Comme l’a souligné J.‑P. Guilhembet56, le transport des immondices et des matériaux de construction représentait sans doute l’essentiel des dérogations : les textes des satiriques, d’Horace à Juvénal, insistent en effet sur les inconvénients causés par le trafic des blocs de pierre, notamment celui en provenance de Tibur.
27Ces règlements, liés à la circulation, furent vraisemblablement maintenus jusqu’au IIe s. apr. J.-C. L’Histoire Auguste (22, 6) attribue en effet à l’empereur Hadrien une mesure du même ordre57. Cependant, les imprécisions du texte ne permettent pas de déterminer s’il s’agit d’une réitération ou d’une amplification des restrictions antérieures. Toujours est-il qu’à la suite de J.-P. Guilhembet, il faut admettre que la zone des mille pas constitua, pendant la période qui nous concerne, un périmètre concret, que nul ne pouvait ignorer en raison de son importance dans l’organisation de la vie de la cité.
28En outre, la zone des mille pas déterminait le champ d’application de certaines compétences incombant aux magistrats chargés de l’entretien et de la surveillance des rues de la Ville. Comme le précise la table d’Héraclée (l. 24), les édiles curules et les édiles plébéiens se répartissaient les voies publiques qu’ils avaient à charge de paver ou de réparer (tuitio) à l’intérieur de cette zone. C’est également dans la limite des mille pas (l. 50) que s’organisait le nettoyage des rues (purgatio) revenant aux adjoints des édiles58. Enfin, les édiles se répartissaient la surveillance des aménagements pouvant toucher aux lieux ou portiques publics dans la limite des mille pas (l. 68). Ce périmètre jouait donc un rôle important dans la définition des champs de compétences et des responsabilités urbaines des édiles dans le cadre de la cura urbis59. La table d’Héraclée ne précise pas si la zone des mille pas définissait également le champ des autres compétences qui revenaient aux édiles telles que nous les connaissons à la fin de la République par Cicéron (leg., 3, 3, 7), avant la réforme de César : la cura annonae et la cura ludorum60. Les sources parvenues jusqu’à nous ne permettent pas de clarifier ce point, mais l’on sait en revanche que les compétences touchant à la surveillance des édifices et des lieux publics échappèrent probablement aux édiles à partir d’Auguste : après 11 av. J.‑C., les deux curatores aedium sacrarum et operum locorum publicum, tantôt de rang consulaire, tantôt de rang prétorien, furent chargés, comme leur nom l’indique, de veiller sur les édifices sacrés, les constructions et les lieux publics61. Avec le Principat et la création des curatelles urbaines, les édiles furent donc dépossédés d’un bon nombre de leurs compétences. Ceux-ci restèrent toutefois en charge de la tuitio des voies publiques, et la zone des mille pas continua probablement à jouer un rôle dans l’organisation de cette tâche.
29Le rôle fondamental de ce périmètre dans la définition du champ d’application de certaines compétences et de certains pouvoirs semble avoir également concerné les tribuns de la plèbe. En particulier la procédure d’appel au peuple (provocatio ad populum), que ces derniers pouvaient déclencher en vertu de leur pouvoir d’auxilium pour contrer une décision coercitive prise par un magistrat à imperium62. La limitation d’une telle procédure à la zone des mille pas est évoquée dans un passage de Tite-Live (3, 20, 6-7 – annexes doc. 1). L’historien évoque ici le contexte de tensions politiques qui marque la décennie entre la rogatio de Terentilius visant à limiter le pouvoir judicaire des consuls (462 av. J.-C.), et l’élaboration de la loi des XII tables qui mit fin à l’arbitraire de leur juridiction criminelle (450 av. J.-C). Dans ce contexte de conflits internes, la cité est dans le même temps menacée de l’extérieur, plus particulièrement à ce moment du récit, placé en 456 av. J.-C., par les Èques et les Volsques. Les tribuns de la plèbe s’efforcent donc de faire pression pour obtenir gain de cause, en retardant le départ de l’armée. En réponse, les magistrats cherchent à faire annuler les décisions des tribuns qui entravent le départ des armées. À cette fin, ils tentent de rassembler les comices en un lieu inauguré situé en dehors de la zone des mille pas, afin que ces assemblées puissent abroger ces décisions. L’objectif est aussi d’imposer la volonté des consuls par la force, car au-delà de cette limite, le recours à la provocatio n’est plus possible, les tribuns étant assujettis, comme n’importe quel citoyen, au pouvoir consulaire.
30L’un des principaux débats suscités par ce texte concerne le domaine de pouvoir des magistrats à imperium entravé par la provocatio tribunicienne à l’intérieur du périmètre des mille pas : s’agit-il de l’imperium domi ou de l’imperium militiae ?
31Selon A. Magdelain63, ici la provocatio et l’intercessio tribuniciennes paralysent le pouvoir civil des consuls, mais sont inopposables au général qui a pris les auspices de départ. Si le tribun peut paralyser le pouvoir de coercition des consuls exercé dans le cadre de leur imperium domi jusqu’à la limite des mille pas, on peut donc en déduire que le pouvoir civil des consuls ne fut pas toujours limité au pomerium. Selon A. Magdelain, lorsque les habitations s’étendirent au-delà de l’enceinte de la Ville, par commodité, on étendit la compétence civile des consuls à ce périmètre64. Cependant, l’imperium militiae s’exerçait toujours une fois que le général, après avoir pris les auspices de guerre, avait franchi le pomerium. Avec l’extension urbaine, la compétence civile et la compétence militaire eurent donc une zone d’application commune qui correspondait à la zone des mille pas depuis le pomerium65. Pour autant, selon A. Magdelain, l’imperium domi et l’imperium militiae demeurèrent deux pouvoirs d’essence différente puisque, dans la zone des mille pas, l’un était soumis aux restrictions de la provocatio et l’autre pas. Cette thèse implique par ailleurs que la logique territoriale du binôme juridique imperium domi/imperium militiae s’est à un moment détachée de la logique territoriale augurale auspicia urbana/auspicia militaria, qui resta strictement définie par l’Vrbs. Y. Berthelet66 a récemment proposé que ces deux entités ont même toujours été indépendantes, et que le binôme imperia domi/militiae se calait plutôt sur la logique territoriale des auspices d’entrée en charge et de départ.
32La thèse d’A. Magdelain a été discutée, en particulier par A. Giovannini67. On se limitera ici aux arguments de ce dernier mettant en cause la limitation territoriale de la provocatio tribunicienne au périmètre des mille pas, et les domaines de pouvoir qu’a pu concerner cette procédure. A. Giovannini a ainsi relevé que dans le récit de Tite-Live, l’assemblée convoquée au lac Régille a un caractère très particulier qui a échappé à bon nombre de chercheurs : il s’agit de soldats assermentés et armés, donc d’ores et déjà mobilisés. Tite-Live précise en effet dans les paragraphes précédents que le consul P. Valerius avait obtenu la mobilisation de citoyens pour mener l’assaut contre les exilés et les esclaves révoltés qui occupaient le Capitole (3, 18, 7). Après la victoire, le débat reprit sur la rogatio Terentilla. Parallèlement, L. Quinctius Cincinnatus avait été nommé consul par son collègue, C. Claudius pour remplacer P. Valerius, mort au combat, et projetait de partir en campagne contre les Èques et les Volsques (3, 19, 6-12). Lorsque les tribuns annoncèrent leur intention d’empêcher le dilectus (3, 20, 2), Cincinnatus rétorqua que cette procédure était de toute façon inutile, puisqu’avant l’assaut du Capitole, les hommes armés par P. Valerius avaient fait serment de ne point se séparer sans l’ordre de ce dernier (3, 20, 4). Or, un tel ordre ne fut jamais prononcé. Ainsi, Cincinnatus ordonna à des hommes toujours assermentés, de se trouver le lendemain en armes au lac Régille (3, 20, 4). C’est donc bien le départ de ces soldats que les tribuns tentèrent d’empêcher, et non leur mobilisation. Il faut ainsi admettre que cette assemblée de soldats, qui devait être transformée en assemblée décisionnaire, fut rassemblée par les consuls en vertu de leurs pouvoirs militaires, et non de leurs pouvoirs civils. Si l’on tient compte de ces éléments, on peut se demander alors pour quelle raison les consuls cherchèrent à rassembler les citoyens mobilisés en dehors de la zone des mille pas : ceux-ci étaient déjà sous le coup du pouvoir militaire des consuls, auquel, selon A. Magdelain, les tribuns ne pouvaient aucunement opposer le ius provocationis. Selon A. Giovannini, il faut déduire du témoignage de Tite-Live que, dans le périmètre des mille pas, la provocatio tribunicienne pouvait aussi protéger les soldats et s’opposer aux décisions militiae des magistrats à imperium. C’est précisément pour cette raison que les consuls convoquèrent leurs troupes au-delà de cette limite. Pour A. Giovannini, le ius provocationis était donc absolu « en ville de Rome et dans un périmètre d’un mille autour de Rome »68, car il concernait aussi bien les citoyens civils que les citoyens mobilisés relevant en principe de la sphère militiae. Il s’agissait là d’une condition nécessaire pour le bon déroulement de la vie politique. En effet, comment une assemblée de citoyens composée en partie ou en totalité de soldats assermentés, pouvait-elle se prononcer souverainement sur une proposition des consuls, si ces soldats tombaient sous le coup de la discipline militaire ? Le pouvoir électif de chaque citoyen devait être le même, qu’il fût assermenté ou non. Pour autant, cette analyse ne met pas en cause la distinction essentielle entre l’imperium domi et l’imperium militiae, défendue par A. Magdelain, dans la continuité de la tradition mommsénienne. En effet, selon A. Giovannini, il existait deux régimes bien distincts du ius provocationis : le premier qui protège le citoyen civil, quel que soit le lieu où il se trouve, contre les condamnations capitales ou les mesures coercitives prononcées par des magistrats dans le cadre de leur imperium domi ; le second évoqué ici par Tite-Live, qui est celui du citoyen-soldat contre le pouvoir disciplinaire des magistrats à imperium militiae, mais qui ne vaut que dans le périmètre des mille pas.
33Si elle met en lumière un aspect important du témoignage de Tite-Live, certains points de cette analyse restent néanmoins discutés. Comme l’a relevé Y. Berthelet69, la rigueur juridique du témoignage de Tite-Live est sujette à caution, puisque l’annaliste donne par ailleurs des éléments assez différents sur l’emprise territoriale du ius provocationis des tribuns de la plèbe, et de son impact sur l’imperium militiae des magistrats. Ainsi lorsqu’il relate les circonstances dans lesquelles le consul Q. Fabius Maximus convoqua les comices centuriates en 215 av. J.-C. (Liv., 24, 9, 1-2), l’annaliste insiste sur le soin que prit le consul, encore doté de son imperium militiae, à demeurer avant tout hors du pomerium, manifestement dans le but d’échapper à l’intercessio ou à la provocatio tribuniciennes au moment de convoquer les comices centuriates pour les élections sur le Champ de Mars (cf. Liv., 24, 7, 11), soit bien en deçà du périmètre des mille pas.
34Par ailleurs, l’analyse d’A. Giovannini70 déduit du témoignage de Tite-Live que la provocatio contre les décisions des magistrats prises dans le cadre de leur imperium domi s’affranchit de toute logique topographique dès le milieu du Ve s. av. J.-C. Cependant, les études menées depuis par M. Humbert71, suggèrent une évolution plus complexe de la procédure de provocatio dans ce cadre. Selon lui, ce n’est qu’avec la lex Valeria de provocatione de 300 av. J.-C. que tout citoyen romain put recourir par lui-même à la provocatio, sans le détour par les tribuns, et donc que le ius provocationis s’affranchit de la limite territoriale des mille pas dans le domaine du droit civil. Jusque-là, le recours à la provocatio par l’intermédiaire des tribuns demeura nécessaire pour entraver l’arbitraire du pouvoir domi des magistrats. Après 450, le recours à la provocatio tribunicienne concerna surtout la dimension coercitive de ce pouvoir car sa dimension juridictionnelle fut considérablement limitée par la loi des XII tables, qui réserva aux comices centuriates le jugement des crimes capitaux72. Il restait cependant aux consuls la coercitio, le pouvoir de châtier par la mort ou une amende lourde. Le rôle des tribuns demeura donc important car ils restaient les seuls à pouvoir déclencher la provocatio ad populum et permettre ainsi de recourir aux assemblées populaires pour déterminer la validité d’une condamnation prononcée en vertu de la coercitio consulaire. Ainsi le tribun demeura le « véritable pivot » de la provocatio ad populum, jusqu’à la lex Valeria de 300. À compter de cette date, la lex Valeria de provocatione reconnut à tout citoyen le droit de porter lui-même devant le peuple la peine coercitive capitale. Ce n’est donc qu’à l’extrême fin du IVe siècle que l’on peut considérer que la provocatio devint pleinement un droit intangible du citoyen civil, s’exerçant indépendamment du lieu où il se réclame de ce droit. Le rôle éventuel des tribuns et les évolutions des recours du citoyen face à l’imperium militiae des magistrats avant la lex Valeria est plus difficile à déterminer. Ce ne serait qu’avec les leges Porciae de 195 que la garantie individuelle offerte par le droit de provocatio s’étendit à la discipline militaire et même à la juridiction criminelle provinciale. Mais l’interprétation de ces lois reste débattue73 et A. Giovannini considère qu’elles n’auraient eu de toute façon qu’une portée limitée74.
35Quoi qu’il en soit, la mission d’entrave du tribun de la plèbe envers la répression consulaire dans le périmètre des mille pas ne fut pas complètement dissoute après la lex Valeria. Selon M. Humbert, si le tribun n’était plus le pivot de la provocatio, il joua cependant un rôle dans le procès comitial provocatoire, à côté des questeurs et des duovirs75. En effet, il semblerait que plusieurs affaires d’appel au peuple postérieures à 300 ayant abouti à des procès comitiaux, furent conduites à Rome par un tribun de la plèbe76. Là encore, il est difficile de déterminer si après cette date, les capacités d’entrave des tribuns de la plèbe dans le périmètre des mille pas ont également concerné le domaine de l’imperium militiae. Parmi les cas de procès provocatoires recensés par M. Humbert, certains pourraient avoir été déclenchés par les tribuns contre des mesures de répression relevant de cette forme d’imperium77. La mutinerie des ciues romani sine suffragio de la legio Campana à Rhegium, en 272, et le transfert du jugement des rebelles à Rome semble offrir l’exemple le plus probant. Suivant l’analyse proposée par Th. Mommsen, M. Humbert considère que Rome ne fut pas seulement le lieu d’exécution des mutins mais également le lieu de leur jugement78. En choisissant de transférer les rebelles à Rome, le consul aurait en effet abandonné son pouvoir de répression au profit du Sénat (Val. Max., 2, 7, 15) et peut-être du peuple (D.H., 20, 16 ; Oros., hist., 4, 3, 2). Valère Maxime rapporte par ailleurs que le tribun M. Fulvius Flaccus se serait érigé contre l’exécution capitale des mutins décidée par le Sénat, proclamant « qu’il ne fallait pas sévir contre des citoyens romains contrairement à la tradition »79. S’il admet, à la suite de Th. Mommsen, que le tribun aurait ainsi pu invoquer le respect de la provocatio ad populum – qui se serait donc appliquée aussi aux citoyens sine suffragio – M. Humbert pense, contrairement au chercheur allemand, que cet appel fut bel et bien entendu. Certes, les mutins furent exécutés mais M. Humbert rappelle que l’appel au peuple n’entraînait pas systématiquement l’annulation du châtiment. Polybe (1, 7, 12) et Denys d’Halicarnasse (20, 16) semblent indiquer que les mutins furent condamnés conformément au mos maiorum, à savoir dans le respect de la tradition de l’appel au peuple confirmé par la loi de 300. Il y eut donc bien recours à la provocatio, sans pour autant que les rebelles fussent sauvés, puisque les comices décidèrent leur mort, comme le rapporte Paul Orose (hist., 4, 3, 5). Pour le propos qui nous intéresse ici, une telle restitution de la procédure de condamnation soulève des interrogations. Le jugement des mutins s’est-il tenu à Rome afin d’être rendu en tenant compte de leurs droits civils de citoyens romains pouvant recourir à la provocatio ? Ou bien furent-ils jugés avant tout en tant que citoyens enrôlés et assermentés, sur la base du caractère militaire de leur crime (desertio), supposé par Th. Mommsen ? Valère Maxime précise que le jugement des rebelles avait été transféré à Rome, afin que le Sénat lui-même « veille sévèrement au maintien de la discipline militaire »80. Dès lors on pourrait admettre que les mutins auraient eu recours à la provocatio tribunicienne contre le pouvoir de répression militaire des consuls dans le périmètre des mille pas. La limite de cette hypothèse est que peu de sources témoignent de configurations comparables permettant de confirmer la portée de la provocatio tribunicienne sur le pouvoir militiae des magistrats à imperium.
36Quoi qu’il en soit, que la provocatio tribunicienne ait pu entraver le seul pouvoir domi des magistrats, ou qu’elle ait également concerné le domaine militiae de leur imperium, l’activation de cette procédure par le biais des tribuns de la plèbe semble bien avoir revêtu une dimension strictement territoriale, définie par le périmètre des mille pas.
37À la fin de la République, le recours à la provocatio tribunicienne semble être tombé en désuétude. Pour autant, le pouvoir d’aide des tribuns – dont la provocatio était une émanation – reste très actif. En pratique, le ius auxilii des tribuns est ainsi fréquemment invoqué comme droit de protection des citoyens contre certains types de condamnation81.
38Cependant, un passage de Dion Cassius suggère qu’à cette période, le ius auxilii des tribuns ne s’étendait pas jusqu’à la zone des mille pas, et que l’extension territoriale de ce pouvoir n’advint que lorsqu’il fut conféré à Octavien, aux alentours de 30 av. J.-C. (51, 19, 6 – annexes, doc. 1). Th. Mommsen82 avait émis l’hypothèse que l’auxilium accordé au futur Auguste dans la zone des mille pas se serait également appliqué aux imperia militiae. On pourrait dès lors considérer que les propos de Dion Cassius contredisent l’hypothèse d’une provocatio tribunicienne pouvant impacter les décisions militiae des magistrats à imperium dans le périmètre des mille pas avant le début du Principat. Du reste, on peut s’interroger sur la portée concrète de ce pouvoir tribunicien attribué à Octavien. La concession du droit d’auxilium à un patricien – Octavien appartenait au patriciat depuis son adoption par César –, avait sans doute nécessité des aménagements juridiques, tout comme l’attribution de la sacrosanctitas au jeune héritier de César en 36 av. J.-C. Selon une étude de J.-L. Ferrary83, ces attributions avaient surtout créé un précédent nécessaire aux mesures de 23, qui définirent les nouveaux pouvoirs attribués à Auguste. C’est en effet à cette date que la plénitude de la puissance tribunicienne fut attribuée au princeps. Selon J.-L. Ferrary, la finalité de ces mesures était essentiellement politique et institutionnelle, plutôt qu’idéologique.
39Après l’abdication du consulat en 23 av. J.‑C., Auguste conserva l’imperium lié au gouvernement des provinces militarisées qu’il avait reçu en 27, tant qu’il ne franchissait pas le pomerium. En outre cet imperium, contrairement au pouvoir consulaire, n’impliquait pas l’exercice d’une magistrature urbaine. Auguste perdait ainsi le ius agendi cum Senatu et le ius cum plebe réservés aux magistrats, et devait rester aux portes de la Ville pour ne pas se voir immédiatement dépouillé de son imperium lié au gouvernement des provinces. Afin de ne pas perdre la possibilité de participer aux activités politiques qui se déroulaient dans l’Vrbs, on lui attribua, non pas de manière fortuite mais préparée, la puissance tribunicienne viagère par reconduction annuelle, en la greffant à la sacrosanctitas des tribuns, dont Auguste bénéficiait avec certitude depuis 3684. Il s’agit, selon J.-L. Ferrary, d’une mesure sans précédent et d’une véritable nouveauté. D’abord parce que le ius relationis des tribuns85 accordé à Auguste fut renforcé, en 23 puis en 22, pour conférer au prince un ius relationis tel qu’aucun magistrat n’en avait jamais possédé. Ensuite parce que la mesure comitiale chargée d’attribuer la puissance tribunicienne à Auguste comportait une clause l’affranchissant de la règle sur le pomerium. L’affranchissement du pomerium découle donc de la collation de la puissance tribunicienne. Une telle prérogative fut accordée à Auguste parce qu’il était nécessaire de rendre compatible l’imperium qu’imposait le gouvernement des provinces avec les compétences urbaines permises par l’attribution d’une nouvelle forme de puissance tribunicienne, qui s’exerçait prioritairement dans la zone des mille pas. L’ensemble de ces dispositions connut des développements ultérieurs avant de prendre une forme définitive. Il s’agit donc d’une étape fondamentale dans la construction progressive de l’aspect urbain du pouvoir impérial d’Auguste qui se poursuivit jusqu’en 1986.
40Les pouvoirs tribuniciens d’Auguste furent donc sans grand rapport avec la nature populaire et potentiellement subversive de cette magistrature, mais attestaient plutôt une volonté d’agir avec le Sénat. Par ailleurs, si l’attribution de la pleine puissance tribunicienne devait permettre à l’empereur d’affranchir son imperium de l’interdit du pomerium, ce dernier n’était pas contraint pour autant de demeurer dans la zone des mille pas. L’empereur, qui n’était pas tribun, n’était pas tenu par les limites territoriales habituellement imposées à ces derniers car sa tribunicia potestas avait une vocation universelle87. Organe essentiel de la République romaine, le collège des dix tribuns fut maintenu mais il perdit sa signification politique. Il perdit également ses pouvoirs législatifs et ses pouvoirs juridictionnels furent limités88. D’une manière générale, les sources attestent que l’intercessio tribunicienne continua de s’exercer (voir notamment Tac., ann., 1, 77, 3 ; 6, 47, 2 ; 16, 26, 6). Mais en tout état de cause, elle perdit certainement une part substantielle de son efficacité, puisqu’elle ne pouvait aller à l’encontre de la puissance tribunicienne du princeps89.
41Avec l’avènement du Principat, la zone des mille pas perdit ainsi sa fonction d’espace privilégié pour le recours aux tribuns de la plèbe. Elle garde cependant une fonction dans la définition territoriale des compétences juridictionnelles d’autres magistratures, comme l’atteste le témoignage de Gaius (Inst., 4, 104). Ainsi le juriste indique qu’en son temps, les jugements rendus par des préteurs urbains n’avaient de valeur légale que s’ils intervenaient sur le territoire délimité par ce périmètre90. Ce témoignage confirme donc que la zone des mille pas demeura un seuil efficient dans la définition territoriale des compétences et des pouvoirs de certains magistrats jusqu’au IIe s. apr. J.-C., au moins91.
2.1.5.3 Le problème de l’emprise territoriale de la zone des mille pas
42Après avoir mesuré l’importance du périmètre des mille pas dans l’organisation de la vie politique de Rome, on peut considérer la situation topographique de l’Aventin par rapport à ce seuil. La situation de la colline dépend évidemment du point de la Ville depuis lequel on mesurait les mille pas. La définition de ce point de départ est loin d’être évidente, mais on peut néanmoins tirer quelques indications des sources évoquant ce périmètre (voir le tableau, annexes doc. 1).
43La zone des mille pas est évoquée sous différentes formes dans les textes littéraires et épigraphiques recensés, mais on la trouve le plus souvent présentée par l’expression in urbem Romam propiusue urbem Romam passus mille, que l’on pourrait traduire par : « dans l’Vrbs de Rome ou à moins d’un mille de l’Vrbs de Rome »92. La majorité des sources indique ainsi que la distance des mille pas était établie depuis l’Vrbs. On admet pourtant de façon générale que le calcul de la zone des mille pas s’effectuait depuis les portes de la Ville, suivant le même système de comptage que celui employé le long des voies romaines jusqu’à l’époque d’Auguste93. Pourtant, si l’Vrbs est contenue dans la ligne des murs comme le rappelle Alfenus Varus, nous avons vu que ses confins, formés par le pomerium, ne se confondaient pas avec celle‑ci94. Aussi paraît-il nécessaire de bien dissocier le système employé pour le calcul des distances le long des voies romaines depuis les portes de Rome95, du système servant à établir les limites dans lesquelles s’inscrivent des pouvoirs et des compétences proprement urbains. D’autant qu’à ce jour, aucune borne marquant la limite des mille pas n’a été découverte. La définition de l’emprise territoriale de ce périmètre se fonde essentiellement, d’un point de vue topographique, sur l’existence de sanctuaires qui auraient servi à en marquer les confins, peut-être dès l’époque archaïque. On doit essentiellement cette thèse aux travaux de G. Colonna, qui a proposé de rapprocher les cultes de ces temples avec les limites des pouvoirs de certains magistrats romains définies par la zone des mille pas96. Le chercheur italien mentionne notamment les sanctuaires de Fors Fortuna sur la via Campana, le culte de Dis Pater et Proserpine du Tarentum sur la via Triumphalis, Anna Perenna sur la via Flaminia, Hercule sur la via Tiburtina, Spes Vetus sur la via Labicana, Minerve sur la via Latina, et Mars sur la via Appia. Selon le chercheur italien, l’existence de ces sanctuaires et leur rôle dans la délimitation du périmètre des mille pas pourraient remonter à la période archaïque97. Il faut noter que lorsque les sources placent explicitement ces sanctuaires en rapport avec le « premier mille » – ce qui n’est pas toujours le cas98, l’expression ne renvoie pas nécessairement à la première borne milliaire placée le long des routes depuis les portes de Rome. Comme l’a récemment souligné P. Herrmann99, les cas où le terme miliarius (avec un ou deux L) désigne indéniablement une borne routière sont assez rares, le terme Lapis lui étant généralement préféré. En outre, le terme recouvre d’autres significations100, dont certaines sont bien antérieures à son emploi pour désigner les bornes milliaires. Il n’est d’ailleurs pas certain que ces dernières aient été désignées par le terme miliarius, même en étant espacées de mille pas. Rien n’oblige donc à admettre que ce terme, lorsqu’il est employé à propos des sanctuaires recensés par G. Colonna, renvoie à la première borne placée à mille pas depuis les portes, le long des voies partant de Rome101.
44Ces éléments renforcent l’idée que le système employé pour définir les confins des mille pas était différent du système de comptage des distances le long des voies romaines depuis les portes de la ville : ce périmètre fut probablement établi à un mille depuis l’Vrbs, comme le suggère la plupart des sources.
45Reste dès lors à déterminer depuis quel point précis de l’Vrbs s’effectuait ce comptage. Selon une première hypothèse, la périphérie des mille pas pourrait avoir été calculée depuis le forum républicain, au cœur de l’Vrbs s’effectuait ce comptage. Un passage de Pline l’Ancien (nat., 3, 66-67) mentionne l’existence d’un milliaire sur le forum qui servit à établir un certain nombre de mesures urbaines à l’époque des Flaviens :
Moenia eius coll<e>gere ambitu imperatoribus censoribusque Vespasianis anno conditae DCCCXXVI m. p. XIII CC, conplexa montes septem. Ipsa dividitur in regiones XIIII, compita Larum CCLXV. Eiusdem spatium mensura currente a miliario in capite Romani fori statuto ad singulas portas, quae sunt hodie numero XXXVII, ita ut XII portae semel numerentur praetereanturque ex veteribus VII, quae esse desierunt, efficit passuum per directum XX M DCCLXV. Ad extrema vero tectorum cum castris praetoriis ab eodem miliario per vicos omnium viarum mensura colligit paulo amplius <<L>X> p.
(66) Le pourtour de ses murailles sous la censure des empereurs Vespasiens, l’an 826 de sa fondation, a atteint 13 mille et 200 pas, embrassant sept collines. La Ville elle-même est divisée en 14 régions, avec 265 carrefours des Lares. Si l’on fait courir la mesure à partir du milliaire érigé à l’extrémité du Forum romain jusqu’à chacune des portes qui sont actuellement au nombre de 37, – nous ne comptons qu’une fois chacune des portes doubles et nous excluons 7 des anciennes portes qui ont cessé d’exister – les dimensions de la ville font en ligne droite un total de 20 mille et 765 pas. (67) Mais jusqu’aux derniers immeubles, y compris le camp des prétoriens, en partant du même milliaire et en traversant les quartiers de la ville, la longueur de toutes les rues atteint un peu plus de 60 milles.102
46L’identification des limites urbaines auxquelles renvoie le texte reste débattue103. Ici il faut surtout retenir la mention d’un milliaire (miliarius) situé sur le forum, qui servit de point de référence pour mesurer les dimensions de la Ville. L’idée que ce milliaire ait pu servir également au calcul du périmètre des mille pas est suggérée par un passage du juriste du IIIe siècle, Macer (Dig. 50, 16, 154 [Macer ad leg. vicessimam]), lequel indique que désormais ce ne serait plus le miliarium urbis mais les continentia aedificia qui serviraient de point de référence pour le calcul de ce périmètre (voir le texte en annexe, doc. 1).
47On admet généralement que le milliaire évoqué par Pline correspondait au Milliaire d’or érigé par Auguste sur le forum romain en 20 av. J.-C. (D.C., 54, 8, 4)104. Placé sub aede Saturni par les sources (Tac., hist., 1, 27 ; Suet., Otho, 6), on situe le monument au sud des Rostres du forum, au pied du temple de Saturne105. L’hypothèse selon laquelle le Milliaire d’or érigé par Auguste aurait pu servir à calculer le point de départ des distances urbaines, et pourrait donc correspondre au miliarius in capite fori Romani de Pline, se fonde sur les remarques de G.B. De Rossi106. Le Milliaire d’or aurait servi de point de référence pour les mesures, puis la commémoration des restructurations urbaines de Rome voulues par Auguste et les travaux topographiques d’Agrippa. En réalité, la fonction du Milliarium Aureum telle que l’attestent les sources est assez éloignée de celle qu’en donne G.B. De Rossi : le monument fut érigé pour célébrer la cura viarum d’Auguste en 20 av. J.-C., qu’il exerça en lieu et place des censeurs (D.C., 54, 8, 4). Cette curatelle, qui devint sans doute collégiale après cette date107, prenait en charge l’entretien des principales routes partant de Rome vers les régions italiennes. Il s’agissait donc d’une curatelle avant tout extra-urbaine. Il semble pour le moins curieux qu’un monument d’une telle nature fût également choisi pour célébrer une éventuelle mensura de Rome réalisée par Auguste et Agrippa. À la rigueur on peut admettre que le Milliaire d’or servit au calcul des distances le long des voies romaines108, mais cette hypothèse est également débattue109.
48L’hypothèse du Milliaire d’or écartée, on peut dès lors s’interroger sur le rôle éventuel de l’Vmbilicus urbis dans le calcul des mesures urbaines. Si ce monument n’est attesté que par des documents tardifs110, il est possible qu’il puisse remonter à la période républicaine. On a supposé en effet que l’Vmbilicus urbis placé sur le forum fut en réalité une dénomination tardive du mundus111. En admettant que le mundus se situait effectivement sur le forum Romanum112 le monument aurait pu servir en premier lieu à marquer le cœur de la Ville, depuis lequel certains confins auraient été établis. Ce serait ainsi depuis ce centre que Romulus aurait défini, suivant un tracé circulaire, le périmètre du pomerium qui marque les confins de l’Vrbs, si l’on en croit Plutarque (Rom., 11, 2-5), dont l’excursus sur le sujet s’inspirerait très vraisemblablement de Varron113. Selon M. Humm114 cette forme circulaire donnée par certains antiquaires au pomerium s’expliquerait par l’influence de la philosophie pythagoricienne qui se manifeste à Rome aux IIIe et IVe siècles av. J.-C., et qui aurait progressivement conduit à établir un lien entre le mundus, le comitium et le pomerium. Mais l’image du cercle appliquée à ces différents éléments, et en particulier au pomerium, reste une représentation purement symbolique du territoire de la Ville, en contradiction avec la réalité urbanistique de Rome. Il semble donc difficile d’affirmer que le mundus constitua un élément de référence qui aurait pu servir en pratique à la définition de certaines limites de la Ville.
49Par conséquent le monument auquel aurait pu correspondre le miliarius évoqué par Pline reste difficile à identifier. En outre, quelle que soit l’hypothèse retenue, le calcul des mille pas depuis le cœur de l’Vrbs pose un problème de taille. En effet, si l’on part du forum romain, on peut facilement observer sur une carte que la distance d’un mille établie depuis ce point ne pouvait coïncider avec la position des sanctuaires qui marquaient les confins de ce périmètre, selon G. Colonna (annexes pl. II). Plus encore, le calcul des mille pas depuis le cœur de Rome a pour effet de superposer une partie de cet espace sur celui de l’Vrbs. Cela contredit la logique territoriale de prolongement, plutôt que d’enchevêtrement, entre l’Vrbs et la zone des mille pas induite par les contraintes de droit public. On a vu en effet que la zone des mille pas étendait au-delà du pomerium le champ d’exercice de l’imperium domi. Il paraît donc plus cohérent d’admettre le calcul des mille pas depuis les confins de l’Vrbs définis par le pomerium, jusqu’au IIIe s. apr. J.-C. – date à laquelle ce point de repère fut abandonné, selon Macer. Ce point de départ permet de faire coïncider les confins de la zone des mille pas avec la localisation des sanctuaires identifiés par G. Colonna, tout en maintenant la logique de prolongement territorial de l’imperium domi au-delà des limites de l’Vrbs jusqu’aux extrémités du territoire des mille pas (annexes pl. II).
50En admettant que le pomerium servit de point de référence pour le calcul des mille pas, on se trouve dès lors confronté à la question des variations de cette limite. La tradition rapporte en effet plusieurs extensions du pomerium, dont une, au cours de la période qui nous intéresse, réalisée par Sylla (Sen., dial., 10, 13, 8 ; Tac., ann., 12, 23 ; D.C., 43, 50,1 et Gell., 13, 14, 4). Si la tradition relative à cette extension s’inscrit clairement dans le contexte de la polémique autour de l’extension pomériale de Claude, son authenticité ne peut être mise en doute. Les motifs de l’extension syllanienne ont été probablement extrapolés en rapport avec cette polémique115, mais on ne peut plus considérer ce précédent comme un faux, ainsi que l’a suggéré L. Hermann116. Plusieurs éléments liés au contexte du Ier s. av. J.-C. rendent vraisemblable l’extension du pomerium par Sylla117. En admettant son authenticité, il est néanmoins difficile de connaître avec précision le parcours du pomerium à partir de cette date, l’extension syllanienne n’ayant laissé aucune trace matérielle. On peut seulement supposer que dans le courant de la période républicaine, le pomerium coïncidait avec la limite des quatre régions urbaines comprises dans la muraille dite servienne118. Mais les confins des régions urbaines à cette période restent discutés119. Concernant la partie méridionale de la Ville, F. Coarelli120 a suggéré pour sa part que le pomerium devait certainement englober le Grand Cirque, et s’étendait ainsi jusqu’au pied de l’Aventin. En effet, une fois qu’ils avaient pénétré dans l’Vrbs par la porta Triumphalis121, les cortèges triomphaux ne devaient plus en sortir avant d’avoir atteint le Capitole. Le Grand Cirque étant traversé par ces cortèges, il aurait été par conséquent inclus dans le pomerium. Quel qu’en fût le tracé précis, il est en tous les cas certain que le pomerium n’engloba pas l’Aventin avant l’extension claudienne (Sen., dial., 10, 13, 8 ; Gell., 13, 14, 7). Il est donc très vraisemblable que la colline fut concernée par les contraintes de droit public liées à la zone des mille pas jusqu’au milieu du Ier s. apr. J.-C.
51On peut supposer qu’à partir de 49 apr. J.-C., le statut juridique de la colline au regard de la zone des mille pas évolua. Au IIe s. apr. J.-C., ce périmètre était toujours perçu comme une donnée établie depuis l’Vrbs, ainsi qu’en témoigne un passage de Gaius (Inst., 4, 104 – voir annexes, doc. 1). Dès lors, on peut en déduire que la zone des mille pas fut étendue en même temps que le pomerium, et qu’elle fut reportée au-delà de l’Aventin. Ce n’est qu’un siècle plus tard que le point de référence pour le calcul des mille pas changea de nature, comme l’indique le juriste Macer (Dig. 50, 16, 154 [Macer ad leg. vicessimam] – annexes, doc. 1). Évoquant la perception de l’impôt du vingtième des héritages, ce dernier précise en effet que le périmètre se calcule désormais depuis les continentia. Ce n’est donc plus l’Vrbs, mais Roma qui semble être alors devenue le point de repère pour le calcul des mille pas, si l’on s’en tient à la définition d’Alfenus Varus, encore admise à cette période, comme en témoigne le juriste Paul (Dig. 50, 16, 2 [Paulus lib. I ad Edictum])122. Jusqu’où s’étendaient ces continentia aedificia ? La question paraît insoluble tant cette notion, sans doute évolutive, reste difficile à définir précisément et surtout à circonscrire territorialement. Quoi qu’il en soit, on peut considérer d’après ces éléments qu’à partir de l’extension pomériale de Claude, l’Aventin échappa aux prescriptions juridiques spécifiques au territoire des mille pas et fut désormais soumis aux contraintes juridico-religieuses propres au territoire de l’Vrbs.
52Au terme de cette enquête, on peut donc soutenir que le point de référence depuis lequel était établi le périmètre des mille pas, essentiel dans de nombreux domaines de la vie de la cité, se calculait le plus probablement depuis les confins de l’Vrbs. La documentation juridique, comme l’articulation fonctionnelle évidente de ce périmètre avec le pomerium, semblent aller dans ce sens. Mais selon toutes vraisemblances, le lien entre la zone des mille pas et les confins de l’Vrbs évolua. En outre, comme la plupart des limites de Rome, le périmètre des mille pas fut relativement flexible123.
53Ces éléments admis, on peut affirmer que l’Aventin fut concerné par les contraintes juridico-administratives liées à la zone des mille pas jusqu’au milieu du Ier s. apr. J.-C., ainsi que le soutenait déjà G. Colonna. Selon le chercheur italien, la zone des mille pas formait une bande de terrain à l’intérieur de l’ager Romanus124, qui intégrait des espaces vitaux dans la vie de la cité tels que le Champ de Mars ou l’Aventin. Outre sa fonction évoquée plus haut dans la définition territoriale de certaines compétences et de certains types de pouvoirs, G. Colonna125 a par ailleurs démontré que cette zone était en grande partie dévolue à des usages militaires et religieux, liés plus particulièrement à des cultes chtoniens et pérégrins, qui permettent de l’assimiler au proasteion de nombreuses cités grecques. L’intégration de l’Aventin dans le périmètre des mille pas est donc essentielle pour saisir une partie de l’identité territoriale et fonctionnelle de la colline.
2.2 Les statuts socioreligieux et administratifs de l’Aventin
54Après avoir étudié la place de l’Aventin au regard des confins juridiques et stratégiques qui organisaient le territoire de Rome, il faut considérer ensuite d’autres types de limites de nature socioreligieuse et administrative, qui ont également pu concerner la colline entre la fin de la République et le début du Principat. Le statut de l’Aventin a connu d’importantes évolutions dans ce domaine, en même temps que les réformes urbaines entreprises par Auguste redéfinissaient ces catégories de confins et leur rôle dans l’organisation territoriale de la Ville.
2.2.1 Le statut de l’Aventin à l’égard des circonscriptions territoriales des montes et des pagi
55Rome a longtemps conservé les vestiges de cadres territoriaux très anciens remontant parfois à la période archaïque. Comme l’a souligné A. Fraschetti126, ce conservatisme a entraîné la superposition d’espaces aux implications idéologiques innombrables, qui se fondaient autant sur des critères fonctionnels que sur la dimension sacrale de ces espaces.
56D’après la tradition, parmi les circonscriptions territoriales qui organisaient le territoire de la Rome archaïque, il faut distinguer les montes, qui étaient des circonscriptions propres à la Ville, et les pagi, qui étaient des entités relatives au territoire rural. Cette distinction semble avoir perduré au moins jusqu’à la fin de la République, comme l’atteste un passage de Cicéron daté du milieu du Ier s. av. J.-C. (Cic., dom, 74. 7-10) :
Nullum est in hac urbe conlegium, nulli pagani aut montani, quoniam plebei quoque urbanae maiores nostri conventicula et quasi concilia quaedam esse voluerunt, qui non amplissime non modo de salute mea sed etiam de dignitate decreverint.
Il n’est pas dans la Ville un collège, un groupement d’habitants des districts (pagani) ou des collines (montani) – puisque nos ancêtres ont accordé aussi à la plèbe urbaine des comités et des sortes d’assemblées – qui ne se soit prononcé de la manière la plus flatteuse sur la restitution non seulement de mes droits, mais encore de mes titres127.
2.2.1.1 Les montes
57La définition des montes comme circonscriptions territoriales est étroitement liée à la liste des sites de la Ville qui étaient concernés par la cérémonie du Septimontium, que l’on célébrait le 11 décembre.
58Cette liste est donnée par Varron (ling., 5, 41-56), qui consacre un long excursus à la question du Septimontium au livre 5 du De lingua latina. L’antiquaire commence par proposer une définition du Septimontium, suivie d’une série de définitions étymologiques consacrées aux différentes collines concernées par cette fête. Une liste des collines participant au Septimontium nous a été également transmise par Festus, qui se réfère à l’autorité du juriste d’époque augustéenne, M. Antistius Labeo. Cette liste est probablement plus ancienne que celle de Varron128, et on la trouve mentionnée également dans l’abrégé du De verborum significatione de Paul Diacre.
59Festus p. 458 L
Septimontium . . . ap>pellatur mense <Decembri . . . post eum, qui dicitur in> F?astis Agonalia, <quod eo die in septem m>ontibus fiunt sa<crificia : Palatio, Velia, F>agutali, Subura, <Cermalo, Caelio, Oppio> et Cispio.
On appelle Septimontium (un jour de fête) du mois de décembre… qui vient après celui qui est appelé Agonalia dans les Fastes, parce qu’on fait ce jour des sacrifices sur les sept montes129 : le Palatin, la Velia, le Fagutal, Subure, le Germal, le Caelius, l’Oppius et le Cispius.
60Festus p. 476 L
Septimontio, ut ait Antistius Labeo, hisce montibus feriae : Palatio, cui sacrificium quod fit, Palatuar dicitur ; Veliae, cui item sacrificium ; Fagu<t>ali, Suburae, Germalo, Oppio, Caelio monti, Cispio monti.
Comme dit Antistius Labeo, au Septimontium correspond la fête de ces montes : le Palatin, pour lequel on fait un sacrifice qui est appelé Palatuar, la Velia, à laquelle on fait aussi un sacrifice, et aussi le Fagutal, Subure, le Germal, le mont Caelius et le mont Cispius.
61Festus d’apr. Paul Diacre p. 459 L
Septimontium appellabant diem festum, quod in septem locis faciebant sacrificium : Palatio, Velia, Fagitali[a], Subura, Cermalo, Caelio, Oppio et Cispio.
On appelait Septimontium un jour de fête, parce qu’on faisait un sacrifice en sept endroits : le Palatium, la Velia, le Fagutal, Subure, le Germal, le Caelius, l’Oppius et le Cispius.
62Un bref rappel sur l’origine et la nature du Septimontium semble d’abord nécessaire. On a supposé que cette fête, remontant d’après les sources à l’époque archaïque, renvoie à une étape préurbaine, au cours de laquelle plusieurs noyaux d’habitations dispersés commencèrent à s’agréger, évoluant ainsi progressivement vers une certaine unité130. Selon D. Briquel131, cette pluralité de villages, formant encore à ce stade plusieurs noyaux indépendants plutôt qu’un tout unitaire, aurait été liée par des rapports de nature fédérale, se rassemblant autour de la célébration d’une fête commune. Ainsi le Septimontium, à un certain stade du développement de la cité, aurait joué un rôle comparable aux Feries Latines pour les peuples latins. Le chercheur français remarque par ailleurs que tous les montes ne sont pas mis sur le même plan. Dans la liste plus ancienne d’Antistius Labeo transmise par Festus, le Palatin et la Velia semblent jouer un rôle prépondérant : les deux reliefs sont en tête de liste et sont les seuls à bénéficier d’un sacrifice. Cette liste conserverait donc le souvenir fossilisé d’une situation antérieure à la constitution de la cité, caractérisée par la coexistence, sur le site de la future Rome, de plusieurs communautés capables d’une action commune. Parmi celles-ci le secteur du Palatin semblerait avoir reçu très tôt un rôle de direction. Une telle lecture se fonde essentiellement sur le rapprochement entre l’examen de cette liste et les données archéologiques relatives à l’organisation de l’habitat archaïque pour la période latiale IIB sur le site de Rome, qui semblent indiquer l’existence d’un ensemble centré autour du Palatin et de l’Esquilin, auquel se serait agrégé ultérieurement le Capitole et le Quirinal. Cependant, d’autres chercheurs ont préféré une interprétation différente du Septimontium. Ainsi M. Pallottino132 et G. Colonna133 ont suggéré que le Septimontium pourrait refléter un état de la cité datant de la fin du VIIe s. av. J.-C., donc postérieur à la « cité romuléenne ».
63On retiendra surtout ici que le Septimontium était une fête pré-citadine qui fut intégrée dans les structures de la cité historique. De ce fait le Septimontium, célébré le 11 décembre134, était caractérisé par une activité cultuelle spécifique qui ne concernait pas l’ensemble du populus mais les seuls habitants des montes, au moins jusqu’à la fin de la République si l’on en croit Varron (ling., 6, 24) :
Dies Septimontium nominatus ab his septem montibus, in quis sita Vrbs est ; feriae non populi, sed montanorum modo, ut †paganalibus, qui sunt alicuius pagi.
Le jour du Septimontium a été dénommé d’après les sept collines (septem montes) à l’intérieur desquelles la Ville a été établie ; cette fête n’est pas une pratique du peuple, mais seulement des habitants des collines (montani), de même qu’aux Paganalia n’assistent que ceux qui appartiennent à un district (pagus).135
64Il faut attendre la fin du Ier s. apr. J.-C. pour que cette fête, qui fut célébrée jusqu’à la fin de l’Antiquité, intègre le populus romanus dans son ensemble. C’est ce qu’atteste un passage de Suétone, à propos des largesses que l’empereur Domitien conféra au peuple à l’occasion de cette fête (Suet., Dom., 4, 5, 3)136.
65Quels étaient précisément les montes concernés par les célébrations du Septimontium ? La liste de M. Antistius Labeo (Festus p. 476 L) en nomme huit, assez simples à identifier : le Palatin, la Velia, le Fagutal, la Subure, le Germal, l’Oppius, le Caelius et le Cispius. Varron quant à lui en mentionne sept, en cohérence avec la définition étymologique fondée sur ce chiffre qu’il donne du Septimontium (Varro, ling., 5, 41 ; 6, 24)137. Les chercheurs se sont efforcés d’identifier les sept montes de la liste varronienne, à partir du long excursus toponomastique du livre 5, 41-54 qui suit sa définition étymologique du Septimontium138 :
(41) Vbi nunc est Roma, Septimontium nominatum ab tot montibus quos postea urbs muris comprehendit ; e quis Capitolinum […] dictum […]
(43) Aventinum aliquot de causis dicunt. […]
(44) Velabrum a vehendo. […]
(45) Reliqua urbis loca olim discreta, cum Argeorum sacraria septem et viginti in <quattuor> partis urbi<s> sunt disposita. […] E quis prima scripta est regio Subur[b]ana, secunda Esquilina, tertia Collina, quarta Palatina. […]
(46) In Subur[b]anae regionis parte princeps est C<a>elius mons […].
(47) Cum C<a>elio[n] coniunctum Carinae et inter eas quem locum Ceroliensem appellatum apparet, quod primae regionis quartum sacrarium scriptum sic est […]
(48) Eidem regioni adtributa Subura, quod sub muro terreo Carinarum […]
(49) Secundae regionis Esquili[n]ae. […]
(50) Esquiliae duo montes habiti, quod pars <Oppius pars> Cespeus mons suo antiquo nomine etiam nunc in sacris appellatur. […]
(51) Tertiae regionis colles quinque ab deorum fanis appellati, e quis nobiles duo. Collis Viminalis (…). Collis Quirinalis […]
(52) Quod vocabulum coniunctarum regionum nomina obliteravit. dictos enim collis pluris apparet ex Argeorum sacrificiis […] Horum deorum arae, a quibus cognomina habent, in eius regionis partibus sunt. […]
(53) Quartae regionis Palatium, […]
(54) Huic Cermalum et Vel[l]ias coniunxerunt […]
(41) À l’emplacement de la Rome actuelle se trouvait le Septimontium, appelé ainsi en raison du nombre de montes que la Ville devait plus tard renfermer dans ses murs ; parmi eux, le Capitole […]
(43) On explique le nom de l’Aventin de différentes manières. […]
(44) Velabre vient de vehere (transporter). […]
(45) Autrefois, les autres secteurs de la Ville étaient séparés, lorsque les vingt-sept sacelli des Argées furent répartis selon les quatre parties de la Ville. […] De ces parties de la cité est indiquée en premier lieu la région Suburane, en second lieu l’Esquiline, en troisième lieu la Colline, en quatrième lieu la Palatine. […]
(46) Dans le secteur de la région Suburane, le plus important est le mons Caelius […]
(47) Les Carènes jouxtent le Caelius, et comportent un lieu-dit Ceriolensis, parce que le quatrième sacrarium de la première région est indiquée ainsi […]
(48) La Subure est assignée à la même région, parce qu’elle se trouve sous le mur (sub muro) de terre des Carènes […]
(49) Les Esquilies appartiennent à la seconde région. […]
(50) Les Esquilies sont considérées comme deux montes parce que la partie formée par l’Oppius et celle formée par le mons Cispius sont appelées aujourd’hui encore, dans les rites, de leur ancien nom. […]
(51) À la troisième région appartiennent les cinq colles qui tirèrent leur nom de sanctuaires des dieux ; deux d’entre eux sont très connus. Le collis Viminal […] Le collis Quirinal […]
(52) Le nom du Quirinal a fait oublier les noms des localités contiguës. Qu’il y ait eu plus de colles désignés par leur nom ressort en effet des rites des Argées […] Les autels des dieux, dont ils tirent leur nom, se trouvent dans différentes parties de cette région. […]
(53) Le Palatin appartient à la quatrième région […]
(54) Le Germal et la Vélia furent rattachés au Palatin […]
66On observe ainsi que dans cette liste, l’Aventin est mentionné pour la première fois parmi les collines concernées par les célébrations du Septimontium. Après le Capitole, il apparaît de manière très explicite au début de l’exposé, tandis que les cinq autres montes sont beaucoup plus difficiles à identifier, car évoqués de façon implicite dans le développement que Varron consacre ensuite aux toponymes romains donnés aux tribus urbaines, utilisant pour cela le document très ancien des Argées139. Varron conserve ainsi le souvenir de sites traditionnels rattachés aux rites des Argées répartis dans les quatre régions urbaines. Chaque région est dominée par une ou deux hauteurs, ou par un ensemble de proéminences que l’antiquaire rattache à un oronyme commun. On peut ainsi dégager de cet excursus, outre le Capitole et l’Aventin, le Caelius, les Esquilies formées par l’Oppius et le Cispius, le Viminal, le Quirinal et le Palatin. Le fait que ces hauteurs soient au nombre de sept concorde avec l’interprétation étymologique du Septimontium proposée par Varron.
67Une autre originalité de l’excursus varronien mérite également d’être relevée. Comme l’a souligné M. Tarpin140, l’opposition originelle entre montes et pagi ne reposait pas sur le critère du relief, avec d’un côté les montes qui correspondraient aux collines de la Ville, et de l’autre les pagi qui correspondraient aux zones de plaines rurales. Denys d’Halicarnasse (4, 15, 1-4) précise en effet que les pagi incluaient des hauteurs sur lesquelles les habitants pouvaient se réfugier en cas d’attaque. Par ailleurs, la liste de Labeo compte la vallée de Subure parmi les sites impliqués dans la cérémonie du Septimontium, tandis que Varron semble reléguer cet espace au second plan pour insister davantage sur les hauteurs. Au total, l’innovation varronienne se décèle autant dans la création étymologique donnée au Septimontium à partir du chiffre sept, que dans la conception d’ensemble141. Varron intègre les acquis d’un savoir récent, qui se manifeste par une certaine insistance sur les hauteurs et l’inclusion de nouvelles collines dans la liste qu’il élabore, à une documentation très ancienne telle que le document des Argées.
68Il faut à présent considérer la place de l’Aventin dans cette liste originale des montes de Rome établie par Varron, et la manière dont l’antiquaire perçoit cette colline. Varron (ling., 5, 7, 43, 1-4) propose ainsi une interprétation étymologique du toponyme Aventinus qui tend à souligner la position plutôt marginale de la colline par rapport aux autres montes :
Aventinum aliquot de causis dicunt. Naevius ab avibus, quod eo se ab Tiberi ferrent aves, alii ab rege Aventino Albano, quod ibi sit sepultus, alii Adventinum ab adventu hominum, quod commune Latinorum ibi Dianae templum sit constitutum. Ego maxime puto, quod ab advectu: nam olim paludibus mons erat ab reliquis disclusus. Itaque eo ex urbe advehebantur ratibus, cuius vestigia, quod ea qua tum advectum dicitur Velabrum, et unde escendebant ad infimam Novam Viam locus sacellum Velabrum.
On rattache le nom de l’Aventin à plusieurs origines. Naevius le rattache à aues (oiseaux), car c’est là, dit-il, que se portent les oiseaux venant du Tibre ; d’autres le font venir du roi albain Aventinus parce qu’il y aurait son tombeau ; d’autres y voient l’Aduentin, de aduentus hominum (l’afflux des gens), sous prétexte qu’un temple de Diane, commun aux peuples latins, y fut établi. Mais moi, j’ai surtout tendance à le faire venir d’advectus (transbordement), car jadis la colline était isolée du reste par des marécages. Aussi, pour y venir de la ville, s’y transportait-on (aduehebantur) en radeau. De cet usage, il existe des survivances : d’abord la voie que les gens empruntaient s’appelle le Velabrum (le bac), ensuite leur point de débarquement, près de la partie basse de la Nova Via, s’appelle le sacellum Velabrum (chapelle des Vélabres)142.
69Selon l’antiquaire, cet isolement viendrait surtout des caractéristiques naturelles du site et de la position topographique quelque peu excentrée de la colline. Curieusement, rien n’est dit au sujet de sa position extra-pomériale ou de son supposé caractère plébéien qui pourrait justement renforcer cette marginalité. Varron présente plutôt l’Aventin comme un territoire autrefois séparé du cœur de la Ville en raison de ses caractéristiques géomorphologiques, mais qui, en son temps, semble parfaitement intégré à l’espace urbain de la cité.
2.2.1.2 Les pagi
70Aux montes, il a été souvent opposé une autre structure communautaire et administrative à base territoriale dont l’origine remonterait également à l’époque archaïque : les pagi. L’association dichotomique pagi/montes est attestée au moins jusqu’au milieu du Ier s. av. J.‑C. par différents auteurs, tels que Varron (ling., 6, 24 : feriae […] montanorum modo, ut † paganalibus, qui sunt alicuius pagi143), Cicéron (dom., 74, 7-10 : nulli pagani aut montani), ou Quintus Cicéron (Pet., 30) : Deinde habeto rationem urbis totius, collegiorum, montium, pagorum, vicinitatum144.
71La tradition place l’institution des pagi dans le contexte de la Rome royale. Il n’y a pas lieu de revenir ici sur la question complexe de leur origine et de leur lien avec l’institution des tribus rustiques par Servius Tullius145. On retiendra simplement que ces entités territoriales ont joué un rôle notable dans l’organisation urbaine de Rome jusqu’à la fin de la République.
72La survivance des pagi sur le territoire de Rome à cette période est attestée par les sources littéraires, mais aussi par une série de documents épigraphiques. Ainsi, le souvenir d’un ancien pagus Succusanus a été conservé par Varron (ling., 5, 48) et Festus (p. 402 L), tandis que différentes inscriptions d’époque républicaine font état d’un pagus Montanus (CIL I², 591), d’un pagus Ianic(ularius) ou Ianic(ulensis) (CIL I², 1000-1001), d’un pagus anonyme sur le Caelius (CIL I², 984), et enfin d’un pagus Aventinensis (CIL XIV, 2105)146. Cette dernière inscription, provenant de Lanuvium, est dédiée à un certains A. Castricius, fils de Myriotalentius. Au cours de sa carrière, ce personnage, de rang équestre, exerça successivement la charge de magister des collèges des Luperques, des Capitolini, des Mercuriales puis des pagani de l’Aventin. Ainsi que le souligne D. Palombi147, à la fin de la République, les pagi, comme les montes, survivent sur le territoire de Rome de manière essentiellement nominale. Les pagani conservent néanmoins une certaine importance, en tant qu’organismes associatifs et cultuels de la plèbe urbaine agissant au sein de ces cadres territoriaux spécifiques et définis. Cicéron (dom., 74, 7-10) les considérait en effet comme des « comités et des sortes d’assemblées » (conventicula et quasi concilia). Dans la mesure où il existait un pagus de l’Aventin, on peut s’interroger sur la nature précise de ces organismes associatifs qui lui étaient rattachés.
73Il s’agit d’abord de déterminer si les organismes associatifs de la plèbe urbaine constitués autour des pagi peuvent être considérés comme des structures à caractère collégial. Auquel cas, à quelle catégorie de collèges appartenaient ces pagani : collèges religieux, professionnels ou autres ?
74Comme l’avait déjà noté J.-P. Waltzing148, Cicéron (dom., 74, 7-10), et probablement aussi le Commentariolum petitionis (Pet., 30), distinguent clairement collegia et pagani. En outre, ces structures organisées autour des pagi n’étaient jamais qualifiées de collegia. Néanmoins, J.-P. Waltzing149 considérait que le seul pagus qui aurait pu former une véritable sodalité était justement le pagus Aventinensis, parce que l’État lui avait confié un culte public. En effet, selon la thèse de Th. Mommsen150, le collège des marchands qui reçut la charge d’honorer Mercure sur l’Aventin (Liv., 2, 27, 5), et que le chercheur allemand assimile de ce fait au collegium Mercurialium, était étroitement lié au pagus Aventinensis. Selon Th. Mommsen, les marchands qui composaient ce collège auraient tous habité ce pagus. Si J.-P. Waltzing considérait peu vraisemblable que tous les habitants de ce pagus fussent exclusivement des marchands, il admettait toutefois que le collegium mercatorum appartenait bel et bel au pagus Aventinensis et qu’il fut préposé au culte de Mercure151, car la fonction d’un collège devait être nécessairement à dominante cultuelle. Pour J.-M. Flambard152, en revanche, il n’est pas nécessaire d’associer à tout prix le pagus Aventinensis à un collège religieux. L’inscription d’A. Castricius permettrait plutôt d’élargir les catégories de collèges élaborées par J.-P. Waltzing : elle évoquerait successivement un collège strictement religieux (Luperques), deux collèges mixtes, mi-religieux mi-territoriaux (Capitolini et Mercuriales), et enfin un collège purement territorial (pagus Aventinensis)153. Ces catégories peuvent être mises en parallèle avec la typologie de Quintus Cicero, qu’elles semblent parfaitement illustrer. J.-M. Flambard suggère en effet que le Commentariolum petitionis (Q. Cic., Pet., 30)154 aurait énoncé successivement les collèges professionnels stricto sensu, puis les collèges territoriaux, ceux des montes, des pagi et des vicinitates, selon une typologie que l’on retrouverait donc également dans l’inscription d’A. Castricius155.
75La finalité proprement territoriale du pagus Aventinensis et le fait que les activités associatives qui lui étaient rattachées fussent indépendantes du culte public de Mercure trouve par ailleurs confirmation dans l’étude de F. Coarelli sur le lien entre le collège des Capitolini et celui des Mercuriales. Selon le chercheur italien, ces deux collèges auraient recouvert des fonctions cultuelles mais également professionnelles liées notamment au commerce, justifiant ainsi le lien entre collegium mercatorum et collegium Mercurialium156. Pour ce qui intéresse notre propos, il faut surtout retenir qu’en raison de leur nature particulière, les activités auxquelles ces collèges étaient voués selon F. Coarelli, nécessitaient qu’ils fussent placés en dehors de l’espace urbain. C’est donc avant tout le caractère extra-pomérial de l’Aventin et d’une partie du Capitole qui prévaut dans l’ancrage territorial de ces collèges, et non leur rattachement à un pagus – statut qui du reste ne concernait que l’Aventin.
76Pour en revenir enfin à l’hypothèse de Th. Mommsen, selon laquelle les habitants du pagus Aventinensis auraient été exclusivement des marchands, elle doit être écartée157. Il n’existe en effet aucun témoignage concret sur la vocation exclusivement marchande des habitants de l’Aventin à l’époque républicaine. Ce topos reprit parfois par l’historiographie moderne, repose sur une interprétation sociologique qu’A. Merlin se faisait de la plèbe archaïque, qui a été depuis battue en brèche158.
77Le cas du pagus Aventinensis confirme donc la nécessité de distinguer strictement les pagani des collegia. Les pagani, comme les montani, concernaient avant tout l’organisation d’une partie du corps civique de Rome à l’intérieur de circonscriptions territoriales définies. Comme l’a souligné A. Fraschetti, à la suite de J.-M. Flambard, ce cadre de référence et d’agrégation territoriale les distingue assez nettement des collegia. Ces structures « s’appliquent à des cadres territoriaux bien spécifiques qui représentent pour leurs habitants le fondement même de leur vie associative, de leur existence en tant qu’organisation de la plèbe romaine »159. Pour autant, collegia et pagani partagent des formes d’organisation assez proches160. Ainsi, les pagani avaient à leur tête un magister, qui agissait en accord avec eux161, et ils disposaient d’une organisation financière commune162. Pour la célébration des fêtes religieuses des pagani, les magistri avaient en charge d’organiser des jeux et de préparer des banquets collectifs, comme le suggèrent les documents épigraphiques du pagus du Caelius163 et du pagus du Janicule164. Les groupements associatifs des pagi bénéficiaient donc probablement de sièges apprêtés pour de telles activités. Mais ces similitudes organisationnelles ne suffisent pas à assimiler pagani et collegia. Selon A. Fraschetti165, la différenciation opérée par Cicéron dans le Commentariolum petitionis se fonde moins sur la forme d’organisation que sur les différents degrés de hiérarchie existant entre ces types de structures. Les pagani et les montani sont mentionnés distinctement et après les collegia en raison de leur rang inférieur, car il ne s’agit pas d’anciennes organisations religieuses comparables aux Capitolini, aux Mercuriales ou encore aux Luperques.
78Ce premier point admis, il faut identifier d’autres caractéristiques propres aux pagi ayant également concerné le pagus Aventinensis. Comme le relève A. Fraschetti166, le fameux plaidoyer que Cicéron rédigea à l’attention de ses adversaires à son retour d’exil (dom., 74, 7-10)167 atteste bien qu’au milieu du Ier s. av. J.-C., les pagi avaient une certaine importance dans le cadre des luttes politiques qui caractérisèrent les deux derniers siècles de la République. Au-delà de leur seul rôle cultuel, ces structures avaient donc aussi un rôle civique et politique. S’il est certain que ces circonscriptions territoriales sont très anciennes, leur caractère subversif et les objectifs séditieux qui en émanent sont en revanche une nouveauté168.
79Enfin, comme la majorité des pagi connus à la fin de la République169, le pagus Aventinensis se trouvait en dehors du pomerium, puisque la colline ne fut intégrée à l’Vrbs qu’avec l’extension pomériale de Claude (Gell., 13, 14, 7). Cependant, il est difficile de savoir quelle fut précisément l’emprise territoriale du pagus de l’Aventin. Il n’existe en effet aucune autre référence à ce pagus dans les sources connues. L’existence d’un pagus Aventinensis permet à tout le moins d’affiner nos connaissances sur le statut territorial de l’Aventin et de le confronter à celui de mons que lui attribue Varron.
2.2.1.3 L’Aventin : pagus ou mons ?
80L’inscription d’A. Castricius (CIL XIV, 2105) présente une contradiction notable avec les éléments que l’on peut tirer de Varron (ling., 5, 43) sur l’un des statuts territoriaux de l’Aventin. On a vu que l’antiquaire inclut la colline au nombre des montes, tandis que l’inscription, vraisemblablement postérieure au De Lingua latina170, atteste clairement son statut de pagus. Or montes et pagi sont deux circonscriptions territoriales qui se sont définies de manière antithétique dès l’origine. D’après Varron lui-même (ling., 6, 24)171, cette opposition se fonde sur des rites et des cadres de sociabilité distincts. Tandis que le Septimontium était réservé aux habitants des montes qui le célébraient dans le cadre des montani, les habitants des pagi célébraient les Paganalia dans le cadre des pagani. Par ailleurs, montes et pagi relevaient d’un statut juridico-religieux clairement distinct. Comme cela a été évoqué plus haut, les pagi avaient en effet la particularité d’être tous situés en dehors du pomerium. Ce constat, que l’on doit à Th. Mommsen, est particulièrement éclairant sur le développement progressif de la Ville172. Suivant l’historien allemand, il semble qu’à chaque étape de l’expansion urbaine de Rome correspondait un pagus qui lui était associé, avant d’être intégré au territoire plus étendu de la Ville. Ainsi le pagus Succusanus, qui donna probablement son nom au quartier de Subure (Varro, ling., 5, 48 ; Fest., p. 402 L), aurait été le pagus d’une première implantation sur le Palatin et la Velia, avant d’être inclus dans l’Vrbs plus tard, en lien avec l’expansion urbaine de Rome. De même, les quatre pagi urbains mentionnés par des documents épigraphiques de la fin de la République (CIL I² 591 découvert in situ ; 984 ; 1000-1001 et CIL XIV, 2105), au nombre desquels figure le pagus Aventinensis, semblent avoir été alors situés en dehors des limites du pomerium173.
81Dès lors, comment expliquer que l’Aventin fut considéré par Varron comme un mons, si la colline bénéficiait au cours de la même période du statut de pagus et qu’elle se situait hors du pomerium ? Il ne peut s’agir d’une simple erreur de la part de cet érudit, dont les connaissances solides dans les domaines antiquaire et juridique sont bien attestées174. L’explication doit donc être cherchée ailleurs. Pour cela, il est nécessaire de s’interroger sur les significations sous-jacentes au concept varronien du Septimontium.
82D’emblée, on peut écarter toute spéculation sur la signification intrinsèque donnée au chiffre sept. Certes, ce chiffre comportait des implications symboliques pour Varron. Aulu Gelle (3, 10)175 rappelle ainsi, dans un long excursus, les diverses propriétés que l’antiquaire lui accordait. On peut donc en déduire une certaine propension aux croyances pythagoriciennes de la part de l’antiquaire, sans pouvoir aller beaucoup plus loin.
83Par contre, on a vu que pour atteindre le chiffre sept, Varron définit les principales hauteurs de la cité fondée par Romulus en incluant de nouveaux colles et en regroupant des montes. Ainsi l’antiquaire n’hésita pas à y inclure l’Aventin, sans doute pour des raisons pratiques, car la colline présentait l’avantage d’être située intra muros, à défaut d’être comprise dans le pomerium176. Cela prouverait, selon A. Fraschetti177, que la signification ancienne du terme mons comme cadre territorial et fondement d’une sociabilité spécifique serait devenu obsolète autour de 47-45 av. J.‑C. Mais l’hypothèse paraît peu vraisemblable si l’on considère la façon dont Cicéron, à la même période, insiste sur la distinction qui doit être faite entre les différents cadres de sociabilité existants à Rome (Q. Cic., Pet., 30 ; Cic., dom., 74). En réalité, l’intégration de l’Aventin à la nouvelle définition du Septimontium donnée par Varron semble loin d’être anodine et de se limiter à des aspects purement pratiques.
84Il est intéressant de noter tout d’abord que cette nouvelle conception du Septimontium se déploie en même temps que l’image de la Rome aux sept collines, dont les premières mentions datent de la fin du Ier s. av. J.-C. Il est donc très probable que Varron fonda sa définition du Septimontium, basée sur le chiffre sept, en lien étroit avec cette nouvelle image de Rome. C’est chez Cicéron qu’on en trouve la première expression. Déjà dans le De Republica (2, 3-6), rédigé entre 55 et 51178, l’Arpinate offre une description du site de la Ville, la plus ancienne connue par les sources, mais il n’y fait pas encore mention des « sept montes ». Cette conception de la Ville de Rome apparaît véritablement dans une lettre que l’Arpinate adresse à Atticus, le 26 juin 50 (Att., 6, 5, 2)179. Cicéron mentionne « la Ville aux sept collines », utilisant une terminologie grecque pour n’être compris que de son correspondant. Demandant à son ami d’enquêter sur des problèmes concernant la gestion de ses biens, il indique :
Hoc tu indaga, ut soles, at hoc magis. ἐξ ἄστεως ἑπταλόφου στείχων παρέδωκεν μνῶν †καμν† ὀφείλημα τῷ Καμίλλῳ,
Mais voici plus : venant de la Ville aux sept collines, il [Philotime, affranchi de l’épouse de Cicéron] a remis un acompte sur les 24 et 48 mines dues à Camillus ;
85Selon R. Gelsomino180, cette désignation de la Ville de Rome viendrait directement de Varron, qui en aurait fait part à son ami entre l’édition du De Republica et le départ de Cicéron pour la Cilicie en avril 51 av. J.-C. Cette chronologie est cependant discutable. Il faut noter d’abord que ce ne fut pas avant 49, après la défaite des Pompéiens, que Varron commença véritablement à se consacrer au travail antiquaire181. Par ailleurs, dans une autre lettre qu’il adresse à Atticus, datée de juin 45 (Cic., Att., 13, 12), l’Arpinate déclare toujours attendre la dédicace du De lingua latina que Varron lui avait promise deux ans plus tôt. Il faut noter enfin que l’expression employée par Cicéron dans la lettre de 50 semble forgée sur le modèle de l’épithète célèbre de Thèbes, « la Ville aux sept portes »182. Aussi la référence aux sept collines dans la lettre de juin 50 nous renseigne moins sur l’origine varronienne de ce concept, que sur l’influence grecque de cette notion de « Ville aux sept collines », qui commence à apparaître dans certains cercles érudits. À moins d’admettre, comme l’a proposé D. Palombi183, que les deux hommes, dont les liens d’amitié sont bien connus, avaient entamé une réflexion commune sur cette représentation de la Ville dès 51 av. J.-C. La note de Cicéron dans la lettre de 50 av. J.-C. en serait le premier témoignage, bien avant la parution du De Lingua Latina dans lequel Varron exprime, quelques années plus tard, l’aboutissement de sa réflexion sur le concept numérique du Septimontium.
86Quoi qu’il en soit, il est fort probable que cette conception particulière du Septimontium, qui se développe en lien étroit avec l’image de la Ville aux sept collines, recelait une dimension idéologique. C. Moatti a en effet montré de quelle façon l’œuvre de Varron participa, dans le contexte de crise politique et identitaire que traversait alors Rome, à une mise en ordre culturelle et intellectuelle qui passait par une rationalisation de la pensée et de la tradition184. La topographie et la toponymie constituaient des éléments importants de ce processus intellectuel impulsé par l’érudition antiquaire185. Leur redéfinition devait en effet permettre d’élaborer une image plus unitaire et politiquement plus consensuelle de la Ville de Rome, intégrant l’ensemble de la communauté civique. La nouvelle liste des collines concernées par les célébrations du Septimontium, telle que l’établit Varron, semble parfaitement s’inscrire dans cette logique. En réorganisant complètement la définition territoriale de cette fête, Varron chercha certainement à transcender les anciens cadres territoriaux de Rome, ainsi que les sodalités dans lesquelles s’étaient exacerbées les tensions politiques de la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. Pour ce faire, il valorisa une catégorie de circonscriptions territoriales associées à des sodalités plus neutres, telle que les montes186, auxquels il intégra, comme on l’a vu, de nouvelles hauteurs. Dans cette perspective, l’inclusion de l’Aventin est particulièrement intéressante. En intégrant cette colline parmi les montes de la Rome archaïque, c’est-à-dire parmi les noyaux d’habitations primitifs unis par le biais d’une fête précitadine, dont l’agrégation progressive conduit à la formation de la plus ancienne cité, Varron tendait à faire de l’Aventin un élément à part entière de la Rome des origines. Il en réduisait ainsi la marginalité territoriale, au moins sur le plan symbolique. Bien sûr, cette marginalité ne se dissout pas totalement dans la tradition antiquaire. Varron (ling., 5, 43) explique en effet l’étymologie du mons Auentinus par la position en retrait de la colline au regard des autres montes. Mais comme on l’a vu, l’antiquaire insiste d’abord sur la dimension géographique de cette marginalité. Selon Varron, l’Aventin était originellement isolé du reste de la Ville lors des montées d’eau du Tibre, qui le rendaient alors inaccessible. L’antiquaire évoque également la singularité de son statut juridique en signalant la présence sur la colline du sanctuaire fédéral commun aux populations latines, consacré à Diane187. Mais il n’y a chez Varron aucune dimension polémique dans les justifications qu’il donne à cette marginalité de l’Aventin, contrairement à ce que l’on trouve exprimé chez d’autres érudits contemporains à propos de la situation extra-pomériale de la colline188. Cette marginalité juridique est ainsi reléguée au second plan et permet à Varron de faire de l’Aventin un mons. L’intégration d’un espace aussi connoté rend d’autant plus vraisemblable l’hypothèse que Varron contribua sciemment à construire une image plus unitaire de la Ville, visant à dépasser les divisions de la fin de la République qui s’exprimèrent dans l’espace urbain. On peut dès lors s’interroger sur le succès possible de cette représentation de la Ville lorsque se mit en place le Principat.
87Comme le note A. Fraschetti189, après le dernier siècle de la République, le terme Septimontium n’est plus attesté que par Festus (p. 424 L)190, qui site Verrus Flaccus. Le concept varonnien aurait donc connu une postérité toute relative jusqu’à l’époque d’Auguste. En revanche, l’image de la Rome aux sept collines qui s’en inspire, connut un vif succès. Elle réapparaît de façon explicite dans la documentation littéraire au début des années 30 av. J.-C., où elle connaît alors une diffusion massive et sans précédent191. Selon une récente hypothèse formulée par D. Palombi192, elle pourrait même avoir donné lieu à une iconographie monétaire originale, diffusée dès 42 av. J.-C. sur le revers des monnaies à l’effigie de Marc Antoine frappées par L. Livineius Regulus, IIIIvir A(uro) P(ublico) F(lando) (RCC 494/2a – fig. 1). M.H. Crawford a proposé d’identifier le type figurant sur l’avers comme une représentation d’Hercule ou de son fils Anton, renvoyant aux origines mythiques de la famille d’Antoine193. Mais selon D. Palombi, Marc Antoine ne pouvait rivaliser avec les revendications mythologiques des autres triumvirs (Énée et Anchise pour Octavien, la vestale Aemilia pour Lépide). Il est donc probable qu’il préféra associer son image à celle de la Rome aux sept collines, dont le concept avait été récemment élaboré par la recherche antiquaire. En admettant une telle hypothèse, il s’agirait donc de la plus ancienne représentation de ce type, élaborée à peine trois ans après la parution du De lingua latina, à partir du plus ancien type monétaire de la Rome assise sur un monticule d’armes utilisé depuis le IIe s. av. J.-C. Cette interprétation soulève toutefois des interrogations. Il est en effet difficile de comprendre les motifs pour lesquels Marc Antoine aurait préféré une telle référence, alors que les liens revendiqués par ce dernier entre la gens Antonia et le mythe herculéen sont attestés par ailleurs (Plut., Ant., 4 ; App., BC, 3, 19)194. En outre, le triumvir n’était pas plus impliqué que ses pairs dans la gestion de Rome et de l’Italie en 42. Au contraire, l’intérêt qu’il manifesta assez rapidement à l’égard des provinces d’Orient et le séjour prolongé qu’il effectua dans ces régions restreignent l’intérêt qu’aurait eu Marc Antoine à s’approprier le concept de la Rome aux sept collines.
88Quoi qu’il en soit, c’est surtout après l’avènement du Principat que l’image de la Rome aux sept montes semble la plus largement répandue dans la documentation littéraire195. On la trouve déjà dans les Géorgiques de Virgile (2, 534-535)196. Auguste aurait probablement entendu l’œuvre dès 29 av. J.-C., après son retour d’Orient et avant sa publication définitive en 26, selon la datation proposée par R. Martin197. Le thème fut repris dans le livre 6 de l’Énéide (781-783) achevé en 22, et ce n’est qu’à partir de cette date qu’il semble se diffuser parmi les poètes des cercles de Mécène et de Messala, tels que Tibulle (2, 5, 55-56) en 22, et Properce (3, 11, 57) en 20. Cette image de Rome, formée de sept collines, trouverait sa consécration définitive lors des jeux séculaires du 3 juin 17 av. J.-C. Le chant élaboré par Horace (carm. saec., 7), invoquant les dieux quibus septem placuere colles, permit de l’intégrer dans un contexte public et sacré. Selon D. Palombi198, il n’y a aucun doute sur le choix conscient de cette image, certainement approuvée par le prince ainsi que par la commission chargée des délibérations. Par la suite, le thème des sept collines, devenu canonique, apparaît encore chez Ovide (trist., 1, 5, 69 et 3, 7, 51) mais aussi chez les géographes et historiens augustéens (Str., 5, 3, 7 ; D.H., 4, 13-14 ; Commentator Cruquianus ad Hor. Carm. Saec. 8 – F. Castagnoli dans G. Lugli, fontes, I. 1 1952, 6, n. 22 ; le Glossarium Ansileubi, SE 442-443 (Gloss., Lat. 1 (1965) p. 518)199. Si le Septimontium varronien est donc peu évoqué en tant que tel à l’époque augustéenne, l’image de la Rome aux sept collines qui s’en inspire est, quant à elle, largement reprise. On peut donc supposer que par ce biais, le régime d’Auguste s’intéressa aux réflexions de Varron sur une nouvelle représentation de la Ville, et les fit siennes. L’hypothèse paraît plausible, si l’on en croit le témoignage de Pline (nat., 6, 115) sur l’admiration dont le princeps fit preuve à l’égard de l’antiquaire. On comprendrait également pourquoi à cette période, le juriste M. Antistius Labeo, notoirement opposé à Auguste200, proposa une liste alternative à celle de Varron, fondée sur une documentation ancienne incluant non pas sept mais huit collines dans les cérémonies du Septimontium (Fest., p. 476 L). Au-delà du débat antiquaire, cette liste apparaît ainsi comme une remise en cause des choix du princeps en la matière. En admettant l’hypothèse d’une adhésion du régime augustéen au système varronien, il reste dès lors à déterminer la place que l’Aventin occupa dans cette nouvelle représentation de la Ville de Rome. Les débats d’érudits qui ont marqué cette période, à propos de l’identité des sept collines romaines, rendent la chose difficile à déterminer, ainsi que le soulignait déjà Servius Honoratus (Aen., 6, 783)201. Ceci étant, dans la mesure où le système varronien présentait la particularité d’inclure des espaces jusque lors marginalisés de la Ville, tels que l’Aventin, afin de lui donner une image plus unitaire et consensuelle, il n’est pas à exclure que le régime augustéen conserva ce principe pour le mettre au service de sa politique de normalisation et de pacification, au sortir des guerres civiles202.
89À l’époque flavienne, la représentation de Rome aux sept collines connaît de nouveau un retentissement particulier dans les sources, et transparaît notamment chez des auteurs proches de la cour impériale, tels que Pline (nat., 3, 66, 4), Stace (silv., 1, 2, 191 ; 2, 7, 45 et 4, 3, 26), Martial (4, 64, 11) ou encore Silius Italicus (12, 608 et 17, 228). Par ailleurs, le développement iconographique de ce thème apparaît avec certitude sur un type monétaire diffusé en 71 apr. J.-C., au début du règne de Vespasien. Il apparaît notamment sur les aera provenant de l’atelier monétaire de Tarragone, représentant une personnification de Rome assise sur sept montes (RIC II, p. 69 n° 442 – fig. 2)203. Cette représentation allégorique de la Ville apparaît également dans d’autres documents iconographiques contemporains qui attestent bien cette fois l’inclusion de l’Aventin parmi les sept montes canoniques de Rome. La colline apparaît notamment sur une base de statue découverte en remploi dans la partie est du Lechaion de Corinthe204 (fig. 3).
90D / IMP(erator) CAESAR VESPASIANUS AUGUSTUS(ustus) P(ontifex) M(aximus) T(ribunicia) P(otestate) P(ater) P(atriae) CO(n)S(ul) III.
Tête laurée de Vespasien tournée à droite.
R / SC de part et d’autre. ROMA à l’exergue.
Rome casquée en tenue d’amazone, assise et tournée vers la droite. La déesse soutient sa tête de la main droite et tient le parazonium posé sur son genou gauche, dans la main gauche. Derrière elle, sept rochers représentant les sept collines de Rome. Au pied des rochers, la louve allaitant les jumeaux. À droite, une personnification du Tibre couché.
Sources : Mattingly – Sydenham 1968, vol. 2, p. 69 ; Giard 1998, vol. 3, p. 147 ; Palombi 2006, p. 25-26.
91Sur le monument sont clairement indiqués les noms des sept montes : l’Aventin est mentionné sur le côté droit, à côté du Palatin et de l’Esquilin ; le Caelius, le Quirinal et le Viminal paraissent sur le côté gauche, tandis que le Capitole figure sur la face principale. On a par ailleurs supposé que cette base avait soutenu une représentation de la déesse Rome, dans une posture similaire à celle observée sur les monnaies de Vespasien. Selon les chercheurs, la datation du monument oscille entre la fin du Ier s. apr. J.-C., ce qui le placerait dans le contexte de la dynastie flavienne205, et le début du IIe s. apr. J.-C., datation qui le met dès lors en lien avec la valorisation du culte de Rome voulue par Hadrien206.
92Il apparaît donc qu’à travers le concept de la Rome aux sept collines, la nouvelle manière d’appréhender l’espace urbain proposée par Varron connut une certaine postérité et servit de support idéologique au pouvoir impérial. À l’accession d’Auguste, comme à l’avènement de Vespasien, la société romaine sortait d’une période de crise du pouvoir politique et de troubles qui menacèrent considérablement l’intégrité et l’unité de la cité. Aux tensions urbaines qui marquèrent la période du second triumvirat (marche d’Octave sur Rome en août 43 ; problèmes d’approvisionnement de la cité pendant le conflit contre Sextus Pompée, etc.) firent échos les affrontements entre Vitelliens et Flaviens sur le Capitole (Tac., hist., 3, 74 ; Suet., Dom., 1, 2). Rappelons en outre que lors de ces derniers affrontements, le temple de Jupiter capitolin, symbole de l’autorité et de la permanence de l’État romain fut détruit. Il s’agissait de la seconde destruction du temple depuis celle qui était survenue lors des conflits urbains opposant les partisans de Marius et de Sylla en 88 av. J.-C., et le parallèle n’avait pas manqué de frapper les contemporains (Plut., Publ., 15 ; Tac., hist., 3, 72, 1)207. Dans un tel contexte, la Ville aux sept montes offrait une image de la cité réintégrée grâce à la concorde civile retrouvée. Au début du Principat, l’image consensuelle de la Ville aux sept collines, dont la légitimité s’inscrivait dans un passé mythique, pouvait accompagner de manière appropriée la grande réforme urbaine entreprise par Auguste. Celle-ci fut marquée, comme on le sait, par d’importants travaux d’embellissement et de réhabilitation des anciens édifices de la cité, afin d’effacer les dégâts causés par la guerre civile dans le paysage urbain. Mais elle s’appuia également sur une redéfinition des cadres territoriaux de la cité, fondée également sur le chiffre sept, avec la définition de quatorze régions et la mise en place de services internes organisés sur ce même module208. Parallèlement, les murs et les portes, pourtant privés de toute valeur stratégique, furent restaurés. La Ville des sept collines entourées d’un mur trouva donc sa réalisation formelle avec la réforme urbaine d’Auguste réalisée à partir de 12 av. J.-C., cinq années après la consécration du thème des sept collines lors des jeux séculaires de 17. À l’époque flavienne, cette représentation de la Ville accompagna la réforme administrative et structurelle du spatium urbis de 73, comme en témoigne Pline l’Ancien (nat., 3, 66-67).
93Il faut noter enfin qu’à côté de l’image de la Rome aux sept collines, la fête du Septimontium connut également un regain d’intérêt, bien que sous une forme nouvelle, à l’époque flavienne. Comme cela a été évoqué plus haut, Suétone (Dom., 4, 5) atteste que cette fête religieuse ne concerna plus les seuls montani mais tous les citoyens de Rome. Cette évolution se confirme avec Plutarque (M., q. Rom. 69) qui explique les usages auxquels était soumise cette cérémonie :
Ἢ πᾶσαν μὲν ἐβούλοντο κοσμεῖν ἀεὶ καὶ τιμᾶν ἑορτὴν τοὺς πολίτας παρόντας, μάλιστα δὲ τὴν ἐπὶ τῷ συνοικισμῷ τῆς πόλεως ἀγομένην· ἵν’ οὖν τὴν πόλιν, ἧς ἐστιν ἡ ἑορτή, μὴ ἀπολείπωσιν, οὐκ ἐφεῖτο χρῆσθαι ζεύγεσιν ἐκείνην τὴν ἡμέραν ;
Ou bien ont-ils voulu que les citoyens parent et honorent de leur présence toute fête et surtout celle qui était célébrée en l’honneur du synœcisme de la ville [le Septimontium], et du coup interdit, afin qu’on ne quitte pas la Ville dont on célèbre la fête, d’utiliser des voitures attelées, au cours de cette journée là ?209
94Le calendrier de Guidizzolo (Inscr. It., 13, 2, 235), daté du début de la période impériale, semble indiquer que cette évolution de la fête du Septimontium eut lieu assez tôt, probablement en lien avec les transformations des cadres territoriaux de la Rome augustéenne. Le fait est que cette réforme entraîna la disparition des pagi, faisant des montes un cadre unique, commun à l’ensemble de la communauté civique.
95En lien avec ces évolutions, le pagus aventinensis semble disparaître également à partir de la réforme d’Auguste, tandis que l’Aventin se voit attribuer le statut de mons. Il est toutefois difficile d’évaluer précisément le rôle de la colline dans cette nouvelle forme donnée à la fête du Septimontium, et de déterminer si elle conserva la place qu’elle avait occupée dans les innovations antiquaires de Varron. Pour ce qui est de l’image de la Rome aux sept collines en revanche, la place qu’y occupe l’Aventin est bien attestée aux périodes ultérieures, et ce malgré les fréquentes variations que connurent les listes canoniques des montes pendant la période impériale. Après l’expansion urbaine et la construction de nouveaux murs au IVe s. apr. J.-C., il fut en effet nécessaire de redéfinir la liste des sept montes, à la faveur des collines incluses dans l’enceinte aurélienne210. L’Aventin semble avoir conservé la place qu’il occupait dans cette liste à la fin du IIe s. apr. J.-C. Ainsi, à la fin du IVe siècle, Vibius Sequester (225, 1) conserve encore le souvenir de l’Aventin comme mons de la Rome aux sept collines211.
2.2.2 L’Aventin, regio de la Rome augustéenne
96Le fait que le pagus Aventinensis n’apparaisse plus après 13 av. J.-C. trouverait donc son explication dans la redéfinition des sites concernés par la célébration du Septimontium proposée par Varron, et dans les transformations des cadres territoriaux liées à la réforme d’Auguste. Avant le milieu du Ier s. av. J.-C., l’Aventin était aussi bien exclu de la liste traditionnelle des montes que du système des quatre regiones urbaines.
97L’existence de ces quatre régions, leur date de création ainsi que leur lien avec les tribus serviennes ont fait l’objet de nombreuses hypothèses contradictoires qui dépassent le cadre de la présente étude212. On retiendra simplement qu’à la fin de la République, regiones et tribus urbaines renvoient à des entités identiques, comme le laisse transparaître, une fois encore, le passage du De lingua latina relatif à la toponymie des quatre parties de la Ville dans lesquelles étaient disposés les sacella des Argées (Varro, ling., 5, 41-54)213. L’emploi du terme regio pour désigner les quatre parties de la Ville correspondant aux quatre tribus urbaines n’est pas tiré du document des Argées, mais introduit par Varron lui-même. Par ailleurs, Nonius Marcellus (62 L) nous informe que l’antiquaire employait ce même terme pour désigner également les tribus rustiques214. Le fait que Varron qualifie de regiones les tribus rustiques et urbaines, prouve qu’il les percevait comme de simples circonscriptions territoriales. Comme l’a noté C. Nicolet215, elles constituaient des entités territorialement définies qui, par leurs caractéristiques, pouvaient être qualifiées de regiones. Par cette assimilation, Varron évoquait sans doute l’ancien caractère territorial des tribus désormais perdu216, puisqu’à la fin de la République, l’appartenance à une tribu n’était plus définie par le lieu de domiciliation mais par la filiation217.
98À partir de ces observations, D. Palombi218 a proposé de restituer les confins des quatre régions formant la base territoriale des tribus urbaines. Selon le chercheur italien, celles-ci correspondaient plus ou moins aux limites de l’Vrbs. Il faut noter que les extensions pomériales réalisées à la fin de la République (notamment celle de Sylla dont l’authenticité est la plus largement admise), ont modifié les confins de l’Vrbs qui, dès lors, se sont probablement démarqués des confins territoriaux des tribus219. Quoi qu’il en soit, l’Aventin demeura territorialement en dehors des tribus urbaines220, mais également hors de l’Vrbs définie par le pomerium jusqu’au début du Principat221.
99À partir de la réforme d’Auguste, la situation de la colline changea, dans la mesure où cette réforme induisit une nouvelle organisation des circonscriptions territoriales qui supplanta les formes de partition territoriale antérieures. Les pagi disparurent au profit des montes222, tandis que le territoire de Rome, comprenant l’Vrbs et les continentia aedificia, fut réorganisé en quatorze régions (Suet., Aug., 30, 1)223, elles-mêmes divisées en vici. L’existence du vicus comme unité territoriale divisant la regio avant la réforme d’Auguste reste discutée. Toujours est-il que l’organisation vicinale constitue avec certitude le cadre territorial de référence des nouvelles regiones créées après la réforme urbaine du princeps224.
100La recherche récente a permis d’identifier les nombreuses finalités d’une telle réforme. La réorganisation urbaine d’Auguste prenait acte de l’expansion de la cité en intégrant les quartiers qui s’étendaient au-delà de Rome et de l’enceinte républicaine. L’extension des nouveaux cadres territoriaux de référence au territoire plus étendu de Rome devait permettre une harmonisation juridique et renforcer l’intégration des nouveaux quartiers. Ces nouveaux cadres territoriaux devaient également servir de modules de base à l’organisation de services destinés à renforcer le contrôle de l’ordre public et la surveillance des rues de Rome. Dans une même optique, cette réforme urbaine devait enfin permettre au nouveau régime de capter et redéfinir les cadres de référence traditionnels de la vie sociale, politique et religieuse des quartiers, afin de mieux les canaliser. Il n’y a pas lieu de revenir sur les charges administratives et les infrastructures progressivement établies à partir d’Auguste pour prendre en charge et améliorer cette nouvelle organisation de la cité225. On se limitera ici aux incidences de cette réforme sur le statut territorial de l’Aventin.
101L’Aventin fut bien sûr concerné par cette réorganisation du territoire de la Ville. D. Palombi226 a récemment proposé une nouvelle définition des confins et de l’extension des régions urbaines à partir de la documentation disponible à ce jour. Cette documentation réside essentiellement dans le contenu des Catalogues Régionnaires du IVe s. apr. J.-C. et, de façon plus limitée, dans les éléments tirés de la Base Capitoline (CIL VI, 975). Des hypothèses peuvent être formulées en considérant les données archéologiques permettant de localiser sur le terrain les monuments, édifices et sites mentionnés dans ces catalogues.
102Les Catalogues Régionnaires et la Base Capitoline constituent cependant une documentation tardive, mais en l’absence de toute autre donnée, il faut toutefois en tenir compte, sans écarter pour autant l’hypothèse très vraisemblable que l’organisation des regiones, telle qu’elle existait à l’époque d’Auguste, connut un certain nombre de modifications227. Dans la mesure où seuls quelques monuments signalés dans ces documents existaient déjà entre la fin de la République et le début du Principat, les Régionnaires du IVe siècle (Nordh 1949, en particulier Reg. XII, p. 92-93 et Reg. XIII, p. 94-95) ne peuvent rendre qu’un aperçu approximatif de la topographie des regiones englobant les deux monticules de l’Aventin au début de l’époque impériale. On peut observer dès lors que les deux proéminences qui forment géographiquement l’Aventin sont placées dans deux régions distinctes228.
103Le Grand Aventin, qui constitue la partie occidentale de la colline, est placé dans la Regio XIII. Celle-ci était fermée à l’ouest par le Tibre, qui semble avoir joué un rôle constant dans la définition des regiones229. Au nord, la limite de cette région semble s’arrêter un peu avant les gradins méridionaux du Grand cirque. Dans la mesure où un certain nombre de sanctuaires placés sur les pentes septentrionales de l’Aventin étaient désignés ad circum maximum et placés dans la Regio XI par les Catalogues Régionnaires, il faut admettre que les premières pentes septentrionales de la colline n’étaient pas incluses dans cette circonscription. On peut donc reporter légèrement plus au sud la frontière septentrionale de la Regio XIII, par rapport à la restitution proposée par D. Palombi. À l’est, il est admis que le vicus portae Naeviae et le vicus portae Raudusculanae, qui traversaient la dépression entre les deux proéminences de l’Aventin, appartenaient à la Regio XII, ce qui permet d’établir avec certitude la frontière entre les deux regiones dans ce secteur. Dans la partition et l’articulation de ces deux régions, la porte Capène semble avoir constitué un point de repère fondamental230.
104Le monticule oriental de l’Aventin était quant à lui inclus dans la Regio XII. Celle-ci est limitée à l’est par le tracé de la via Appia, les voies consulaires ayant également joué un rôle concret dans la définition des confins des regiones231.
105On ignore jusqu’où s’étendaient les deux régions dans leur partie méridionale. Leur existence à l’époque augustéenne est attestée par quelques documents épigraphiques qui, cependant, ne nous renseignent guère sur leur emprise territoriale à cette période232. Enfin on peut observer, à la suite de D. Palombi233, qu’il est difficile d’établir un lien entre la définition topographique des regiones et les autres types de confins organisant le territoire de la Ville à l’époque impériale. Cette difficulté se vérifie dans le secteur de l’Aventin où, ni le pomerium, ni la muraille républicaine ne semblent avoir été pris en considération dans la définition des limites des regiones. Dans la mesure où les confins extérieurs de ces régions ne sont pas connus avec précision, il est également difficile d’évaluer le rôle de la zone des mille pas dans la définition des limites externes des régions XII et XIII.
2.3 Les limites défensives : murs et portes de l’enceinte urbaine sur l’Aventin
106Ce sont principalement les données apportées par la recherche archéologique qui permettent de connaître la situation de la colline par rapport aux murailles qui ont protégé la Ville au fil des siècles. La position de l’Aventin au regard des murs de Rome est essentielle pour comprendre son statut et certaines de ses spécificités fonctionnelles. Comme le rappelle P. Gros, la construction d’une muraille ne vise pas seulement à défendre un espace urbain mais s’inscrit dans une « dialectique complexe de l’extérieur et de l’intérieur, de l’en deçà et de l’au-delà »234. La question des relations entre les limites de l’Vrbs et les murs défensifs de la cité, ainsi que la nécessité de les considérer comme deux entités indépendantes ont déjà été évoquées plus haut235. L’étude proposée dans ce chapitre se limitera donc aux vestiges matériels de l’enceinte urbaine et à leur position topographie sur l’Aventin.
2.3.1 L’enceinte primitive de Rome et la position de l’Aventin par rapport à celle-ci
107Dans les années 80, l’archéologue A. Carandini236 a proposé d’identifier les vestiges de fortification archaïque mis au jour par son équipe sur les pentes septentrionales du Palatin, avec la première enceinte de la cité attribuée par la tradition à Romulus (Liv., 1, 3, 5 ; Varro, ling., 5, 143 ; D.S., 8, 6, 1 ; D.H., 1, 88, 2-3). Sa restitution du tracé de l’enceinte primitive s’appuie sur le parcours du pomerium romuléen transmis par l’historien Tacite (ann., 12, 24), au tout début du IIe s. apr. J.-C. : démarrant du forum Boarium, la limite pomériale aurait englobé l’ara Maxima d’Hercule, puis elle aurait poursuivi son parcours vers l’autel de Consus jusqu’aux curiae veteres, pour rejoindre enfin le sacellum Larundae à proximité de la porta Romulana237. Ainsi le pomerium romuléen aurait largement dépassé les fortifications repérées sur les pentes du Palatin. Une telle configuration fait problème, car on admet depuis les travaux d’A. Magdelain238 qu’au moins jusqu’à l’époque impériale, le pomerium était situé systématiquement à l’intérieur des murs. En tenant compte de cette donnée, A. Carandini239 a donc suggéré que le pomerium était contenu dans le rempart qu’il a pu identifier, et que Tacite n’aurait pas décrit le tracé du pomerium lui-même mais plutôt les lieux de culte les plus proches des angles septentrionaux de cette limite. Quant à l’ara Maxima d’Hercule et l’ara Consi, Tacite aurait commis une erreur, car elles constituaient en réalité les angles méridionaux d’un pomerium remanié probablement à l’époque de Servius Tullius. Sur la base de ce postulat, A. Carandini suggère que la portion de fortification exhumée par son équipe entre l’arc de Titus et la domus publica se plaçait en correspondance avec la limite nord de l’enceinte romuléenne qui s’étendait entre les curiae veteres et le sanctuaire de Larunda.
108Cependant, le tracé et la fonction attribués à ces vestiges de fortification restent discutés et cette analyse a été très critiquée. Tout d’abord, parce qu’elle considère la description du pomerium romuléen transmise par Tacite comme une donnée autonome, sans tenir compte de son contexte documentaire et historique. La description du pomerium de Romulus s’intègre en effet dans un développement plus large, consacré aux différentes interventions réalisées sur le tracé de ce périmètre jusqu’à la dernière en date, à savoir celle de Claude240. Comme l’a récemment relevé F. Coarelli241, Tacite (ann., 11, 4, 4) précise bien à la fin du texte que ses données sur le pomerium sont tirées en premier lieu des acta publica de Claude : Et quos tum Claudios terminos posuerit, facile cognitu et publicis actis prescriptum. Même s’il n’est pas à exclure que ces actes, ou bien Tacite lui-même, s’appuient sur un fonds plus ancien, il est très probable que ces données aient subi des remaniements liés à la nouvelle signification juridique et idéologique donnée au pomerium, à la suite de l’extension claudienne. Ce contexte permet de comprendre tout d’abord pourquoi le tracé du pomerium romuléen s’étend au-delà des murs dans la description de Tacite. En effet, avec Claude, le pomerium s’affranchit clairement de la muraille républicaine (annexes pl. IV). De plus, selon F. Coarelli, l’empereur avait sans doute intérêt à placer l’un des angles méridionaux du pomerium de Romulus sur le forum Boarium, espace lié à la mémoire de la gens Claudia, pour des raisons idéologiques242. Ces deux éléments, qui résultent probablement d’une actualisation du mythe de Romulus, permirent ainsi à Claude d’inscrire son action dans la continuité du précédent romuléen.
109Par ailleurs, d’autres lectures archéologiques du rempart exhumé par l’équipe d’A. Carandini peuvent être envisagées, à l’exemple de celle proposée par D. Briquel243. Le chercheur français reconnaît l’importance des découvertes d’A. Carandini et admet la probable connotation religieuse des vestiges liés à la structure d’enceinte244. Toutefois, si l’on admet que la cité connaissait déjà une extension au-delà du seul Palatin, comme le suggère l’archéologie (la Velia joue déjà un rôle important et se trouverait pourtant exclue d’une telle fortification), D. Briquel considère que cette muraille devait plutôt servir à isoler ce secteur au sein d’une agglomération déjà nettement étendue. Elle n’aurait donc pas défini un espace urbain mais plutôt les limites d’une sorte de citadelle au sein de la cité. Une telle configuration se conformerait bien à la tradition qui mentionne l’existence d’un auguraculum, ou plus exactement d’un auguratorium sur le Palatin245.
110Dans le sens de cette interprétation, il est intéressant de noter que les sources situent à la même période la réalisation d’une palissade sur l’Aventin visant à renforcer la défense de l’agglomération primitive, en doublant le rempart du Palatin (D.H., 2, 37). Ce système de fortification partielle aurait également concerné le Capitole. Sur l’Aventin, le roi Ancus Marcus aurait ensuite substitué un mur de maçonnerie à la palissade romuléenne pour consolider la défense de cette place stratégique, et intégra ainsi la colline à l’agglomération primitive formée sur le Palatin (D.H., 3, 43, 1-2). L’existence de ces premières formes de fortification reste toutefois incertaine. Les historiens et archéologues qui admettent la réalisation d’une muraille défensive en maçonnerie à l’époque royale, l’associent plutôt au roi Servius Tullius246. C’est en effet le sixième roi de Rome qui aurait finalisé le premier véritable système de fortification de la Ville, si l’on en croit la tradition247 (Liv., 1, 44, 3 ; D.H., 4, 14, 1 ; Str., 5, 3, 7). Pour autant, l’aspect et le parcours de cette muraille restent aujourd’hui discutés. Dans la mesure où cette enceinte servienne pourrait avoir englobé l’Aventin, il faut considérer les débats soulevés par l’interprétation des vestiges de murs en pierre de taille exhumés en différents points de la Ville, et sur la colline en particulier.
2.3.2 L’enceinte royale
111Les sources littéraires rapportent donc l’existence d’une enceinte unitaire qui fut édifiée – ou simplement achevée selon les différents récits248 – dès la première moitié du VIe siècle av. J.‑C. par le roi Servius Tullius. Cette enceinte urbaine aurait ainsi pris en compte l’expansion territoriale de la Ville et l’augmentation de sa population249. Au milieu du XIXe siècle, la théorie en vigueur identifiait les vestiges de fortifications mis au jour à Rome avec cette muraille d’époque royale, accordant foi à la tradition littéraire250. Cependant, à la fin du XIXe siècle, l’école hypercritique remit en cause la véracité de la tradition et considéra comme fausses les nombreuses références aux murailles antérieures au IVe s. av. J.-C., sur la base de différents motifs251. Mais la recherche et les découvertes archéologiques effectuées depuis ont radicalement modifié les connaissances sur la Rome royale et la manière d’appréhender ces vestiges.
112Ainsi, l’étude analytique des tronçons de mur conservés en différents points de la Ville a démontré que l’on ne pouvait rejeter complètement l’existence d’une telle enceinte. Certes, elle a effectivement révélé l’usage de tuf de Grotta Oscura pour la construction de nombreux tronçons de murs, un matériau qui ne devint accessible aux Romains qu’après la conquête de Véies en 396 av. J.-C., comme l’a démontré T. Frank252. Mais l’étude de certaines portions de murs conservées a également permis de révéler l’emploi de blocs de cappellaccio, un tuf de provenance locale utilisé à Rome même, que l’on trouve dans plusieurs édifices remontant avec certitude au VIe s. av. J.-C.253. Malgré ces observations en faveur d’un usage antérieur du cappellaccio, exprimées en premier lieu par E.B. Van Deman254, G. Säflund255, dans une étude parue en 1932, suggéra qu’en réalité le cappellaccio fut utilisé en même temps que le tuf de Grotta Oscura comme matériau de remploi dans les murs de l’enceinte républicaine, notamment pour les restaurations réalisées au IIIe et au Ier s. av. J.-C.256. L’emploi de cappellaccio ne pourrait donc pas attester, selon lui, l’existence d’une large muraille unitaire antérieure au IVe siècle. L’enceinte dont on peut voir encore aujourd’hui quelques vestiges, réalisée en tuf de Grotta Oscura et cappellaccio, n’aurait donc été réalisée qu’en 378 av. J.-C. (Liv., 6, 32, 1), à la suite de l’occupation gauloise de 390 av. J.-C. Jusqu’à cette date, la cité n’aurait bénéficié que du terre-plein (agger) de l’Esquilin comme défense urbaine, auquel se seraient ajoutées les fortifications indépendantes des seules collines.
113Contre cette lecture, G. Lugli257 réaffirma dès 1933 un emploi diachronique et plus ancien du cappellaccio, à partir de l’étude des caractéristiques de ce matériau et des témoignages archéologiques attestant les spécificités techniques de son emploi258. En outre, le savant italien rappela, à juste titre, que les grandes cités du Latium et d’Italie centrale étaient pourvues de murailles dès cette époque, comme les recherches archéologiques l’ont montré259. On peut donc difficilement admettre que Rome, l’une des principales cités de cette époque, en fut dépourvue260. Cette théorie lui permit ainsi de suggérer l’existence d’un système de fortification unitaire, élaboré dès l’époque royale.
114Cette thèse de G. Lugli fut à son tour critiquée dans les années cinquante par E. Gjerstad261. Bien qu’admettant l’existence d’un système de fortifications archaïque ne se limitant pas au seul agger de l’Esquilin, le chercheur a considéré que celui-ci devait se limiter à des tronçons de fortification isolés sur le Quirinal et le Capitole, formés de palissades.
115Aujourd’hui on admet largement l’existence d’un système de fortifications urbaines dès l’époque royale, en opposition à la thèse hypercritique de la fin du XIXe siècle. La recherche récente a également démontré qu’il n’était plus possible d’imaginer un système défensif archaïque fondé sur la seule fortification des collines262. Le caractère unitaire et continu de ces murs défensifs, d’une longueur estimée à 11 km, reste néanmoins débattu263. Quel que fut son aspect, on peut se demander dans quelle mesure l’Aventin a pu être inclus dans ce système défensif.
116Selon G. Lugli, la colline n’aurait pas été englobée dans l’enceinte de la cité avant les restaurations du IIIe siècle, réalisées sur la muraille au début de la deuxième guerre punique. Pourtant, la recherche archéologique a apporté des éléments en faveur de l’intégration de la colline dans l’enceinte royale. Au milieu du XIXe siècle, parmi les vestiges dégagés dans la zone de l’église S. Sabina qui occupe le côté nord-ouest du Grand Aventin (annexes pl. III, n° 11), quelques tronçons de muraille furent identifiés264. Une nouvelle étude des murs réalisée en 1947 par P. Quoniam, a démontré deux phases successives de construction : une phase archaïque en cappellaccio, à laquelle succéda au IVe s. av. J.-C. une seconde phase de construction. Le chercheur a en effet observé que l’assise supérieure des blocs de cappellaccio fut retaillée en assise de réglage pour y placer les blocs de Grotta Oscura, ce qui laisse supposer un écart temporel entre les deux phases de construction du mur265. Ces observations ont ainsi permis de confirmer la thèse d’un emploi diachronique de ces matériaux de construction266, avec un usage antérieur du cappellaccio, mais aussi de soutenir l’hypothèse que l’Aventin fut déjà intégré à l’enceinte de défense du VIe s. av. J.-C.267.
117Cependant, l’idée a été une nouvelle fois mise en doute par la recherche récente. Dans une étude consacrée aux vestiges de l’enceinte républicaine observés dans le secteur méridional du Grand Aventin, P. Quaranta268 a constaté l’emploi exclusif de tuf de Grotta Oscura dans les portions de murs exhumées via di S. Anselmo. Elle a également pu observer, d’après le contexte stratigraphique, qu’une partie de ces structures est venue perturber les phases d’occupation antérieures. Selon l’archéologue italienne, ces éléments confirmeraient donc indirectement la thèse selon laquelle le Grand Aventin ne fut pas inclus aux murs de la cité avant le IVe s. av. J.‑C. L’argument vaut si l’on considère la muraille républicaine comme une construction reprenant strictement le tracé de l’enceinte attribuée à Servius Tullius. Ce postulat induit effectivement une continuité structurelle et une intégration du bâti défensif archaïque au système défensif républicain, ainsi qu’une continuité dans l’organisation du maillage urbain environnant ces structures. Il semble toutefois que cela ne suffise pas à affirmer l’exclusion de l’Aventin de l’enceinte royale, à moins d’éluder complètement la découverte de portions de murs appartenant à cette période dans la partie nord-ouest du Grand Aventin. On peut tout aussi bien supposer que les structures défensives uniquement composées de blocs de Grotta Oscura témoigneraient d’un élargissement ou d’une modification du tracé de l’enceinte antérieure en certains points. Dès lors, rien n’interdit d’admettre que l’inclusion de l’Aventin dans le système de défense de la ville fut partielle mais déjà effective à l’époque archaïque.
2.3.3 L’enceinte républicaine
2.3.3.1 Caractéristiques générales de la muraille républicaine
118La structure globale de l’enceinte réalisée au IVe s. av. J.-C., qu’elle ait repris le tracé de l’enceinte royale269 ou constitué un système indépendant, est mieux connue270. Globalement, cette muraille était large de 3 à 4 m, et haute de 10 à 12 m. Elle était composée de blocs taillés, disposés en assises horizontales et placés alternativement en parpaings et carreaux. Les traces de raccord visibles à certains endroits dans la structure interne semblent indiquer que plusieurs équipes œuvrèrent simultanément sur différents tronçons de la muraille271. Entre la porta Collina et la porta Esquilina, en l’absence de défenses naturelles, la muraille républicaine est venue renforcer une structure de fortification manifestement antérieure (D.H., 9, 68, 2-3 ; Str., 5, 3, 7)272. À 8 m de la façade externe du mur se trouvait un fossé de profil trapézoïdal, large de 36 m en surface et de 8 m à la base273. Depuis la face interne du mur s’étendait, sur 42 m, un terre-plein (agger) attesté par différents auteurs (D.H., 9, 68 ; Cic., Rep., 2, 6 ; Str., 5, 3, 7 ; Plin., nat., 3, 66-67). La forme en pente douce du terre-plein permettait d’atteindre le chemin de ronde situé sur la partie la plus haute de l’agger (super aggerem). L’épaisseur de l’agger permettait par ailleurs de renforcer la résistance des murs en cas de siège. Le terre-plein se terminait dans la partie interne par un mur de soutènement en cappellaccio (sub aggere)274.
119La muraille républicaine connut plusieurs remaniements, en particulier pendant la deuxième guerre punique, lorsque Rome fut menacée de siège par Hannibal (en 217 : Liv., 22, 8, 7-6 et en 212 : Liv., 25, 7, 5), mais également au Ier s. av. J.-C., lorsque les factions rivales successives tentèrent de s’emparer de la cité pendant les guerres civiles (App., BC, 1, 66, 303)275. Avec l’accroissement urbain sans précédent que connaît la cité à partir des IIIe et IIe s. av. J.‑C., certaines portions de la muraille républicaine semblent perdre leur fonction défensive : des constructions résidentielles sont adossées aux murs aussi bien sur leur face interne qu’externe. Les renforcements et transformations réalisés pendant les guerres civiles ne semblent avoir concerné finalement que certains points névralgiques de la muraille. On verra que ces deux phénomènes sont particulièrement bien illustrés sur l’Aventin.
120À l’avènement du Principat, Rome est clairement une « Ville ouverte »276, dont les îlots d’habitations dépassent largement l’ancienne muraille républicaine277. La réforme urbaine d’Auguste ne fait qu’entériner administrativement cet état de fait. Rome demeure ainsi sans véritables murailles défensives efficaces pendant trois siècles, tandis que le pomerium est élargi indépendamment des murs de la cité278.
2.3.3.2 La muraille républicaine sur l’Aventin entre le IIe s. av. J.-C. et le Ier s. apr. J.-C
121Après cette mise au point sur les caractéristiques de la muraille républicaine, on peut se demander quels secteurs de l’Aventin étaient englobés dans cette enceinte urbaine entre la fin de la République et le début du Principat. Les vestiges de muraille découverts sur la colline permettent d’en restituer approximativement le parcours d’est en ouest. Il est également nécessaire de faire un état des éléments permettant de situer les différentes portes qui jalonnaient la muraille sur l’Aventin, car celles-ci ont largement déterminé l’accessibilité et l’organisation du réseau de voirie sur la colline.
2.3.3.2.1 Les vestiges de la muraille identifiés sur l’Aventin
122Le parcours de la muraille n’est pas connu avec certitude dans le secteur du mont Oppius et de la colline du Caelius. Des vestiges de mur sont encore visibles sur la piazza Leopardi, adossés à l’auditorium de Mécène, puis on en perd la trace279 jusqu’au Petit Aventin où plusieurs tronçons ont été repérés à différentes périodes dans les substructions de l’hospice de S. Margherita, près de l’église S. Balbina280.
123Le tronçon le plus important et le plus clairement identifié se situe le long du côté nord-est de l’édifice conventuel supérieur, orienté nord/nord-est (annexes pl. III, n° 1)281. D’une longueur de 50 m et d’une hauteur de 6 m, il s’agit d’un mur de blocage avec un parement en opus quadratum comportant quelques blocs en tuf de Grotta Oscura disposés en parpaings et carreaux. Selon G. Säflund, ce tronçon est à mettre en relation avec une restauration du mur républicain réalisée en 87 av. J.-C.282
124Les recherches conduites par la SAR en 1983 ont restitué, près de la limite ouest de la propriété de l’hospice S. Margherita (alors en concession à une pépinière), un autre tronçon de muraille républicaine (annexes pl. III, n° 2). Celui-ci est constitué d’un noyau en opus caementicum avec un parement en opus quadratum de tuf de Grotta Oscura, semblable aux restes conservés à proximité de la piazza Albania, et attribuable également à une restauration de l’époque de Sylla. Un mur perpendiculaire en opus caementicum, long de 9 m, venait s’appuyer sur la partie interne du tronçon, servant sans doute de contrefort. Cette découverte est d’une importance considérable, car l’emplacement de ces vestiges a conduit à reconsidérer le parcours de l’enceinte sur le Petit Aventin et à placer la porta Naevia, d’où partait la via Ardeatina, à l’extrémité de l’actuelle via Aventina, dans les environs de la piazza Remuria283 (annexes pl. III, B).
125Ainsi, depuis la vallée du Grand Cirque, suivant un parcours qui devait probablement correspondre à une portion de l’actuel viale Baccelli, la muraille aurait traversé la zone de S. Balbina, puis continué en direction de S. Saba. Depuis ce secteur, suivant un parcours curviligne, le mur descendait vraisemblablement en direction de la vallée qui sépare le Petit Aventin du Grand Aventin. En effet, plusieurs tronçons de la muraille ont été identifiés dans cette zone284.
126Tout d’abord, un tronçon de mur a été observé dans les caves de l’immeuble situé au n° 10 de la piazza Albania (annexes pl. III, n° 3). Il en reste quatre avancées orientées nord-ouest285. Les blocs de la dernière portion de mur visible, d’une épaisseur modeste, pourraient avoir constitué la façade externe d’un système d’agger286.
127Toujours sur la piazza Albania (annexes pl. III, n° 4), non loin de la via della Piramide Cestia, on a également repéré, dès le XVIIIe siècle, un tronçon de muraille long de 36 m, et haut de 8 m, orienté nord/nord-est287. Le blocage de cette portion du mur est composé d’éclats de tuf de l’Aniene, de Monteverde et de Grotta Oscura. À la base du blocage, on a observé sept rangées de blocs de cappellaccio. Sur le blocage s’appuyaient les restes d’un agger dont on a pu repérer quelques vestiges. Le parement originel du mur était probablement composé de blocs de tuf de Grotta Oscura en opus quadratum, comme le suggèrent quelques fragments restants. G. Säflund attribue ce tronçon aux restaurations de 87 av. J.‑C.288. Selon ce dernier, les blocs de cappellaccio furent utilisés en remploi pour les fondations de la muraille289. Contre cette lecture, P. Quoniam290 a suggéré que la rangée de blocs de cappellaccio, observée à la base du blocage et étudiée par John Henry Parker en 1870, faisait originellement partie de l’enceinte archaïque qui englobait l’Aventin, à l’instar de celle qu’il a pu observer sous l’église de S. Sabina.
128Ensuite, deux portions importantes, sans doute les plus remarquables de l’enceinte républicaine après celles de la gare Termini, sont encore visibles le long de la via di S. Anselmo partant de la piazza Albania (annexes pl. III, n° 5-6).
129Le premier tronçon, le plus proche de la place, est orienté est-ouest (fig. 4). Il est long de 42 m et peut atteindre en certains endroits une hauteur de 8 m291. Il s’agit d’un mur de blocage avec un parement en opus quadratum. De ce parement sont conservées quinze rangées de blocs en tuf de Grotta Oscura disposés en carreaux et parpaings, parmi lesquels furent également insérés, sans ordre particulier, quelques blocs de tuf de l’Aniene et de Monteverde. La partie supérieure du mur (à partir de la huitième rangée) est percée d’un arc en tuf de l’Aniene formant une ouverture sous arcades pour les pièces d’artillerie. On a identifié sur la droite de cette ouverture la base d’un second arc désormais perdu. Là encore, ce tronçon atteste des remaniements survenus vraisemblablement au Ier s. av. J.-C., en un point où la cité était dépourvue de protections naturelles292. Il est possible qu’un terre-plein adossé au mur ait complété la fortification293.
130Plus haut le long de la via di S. Anselmo, on peut voir un second tronçon orienté est-ouest, de 43 m de long et 6,9 m de haut (annexes pl. III, n° 6)294. Il en reste douze rangées de blocs en tuf de Grotta Oscura disposés en carreaux et parpaings (fig. 5). Seuls quelques blocs de Monteverde et de Fidènes ont été intégrés dans le parement très corrodé. Cette portion correspond à la plus ancienne phase de la muraille républicaine. La partie inférieure du mur, où les blocs des cinq premières rangées forment un socle en saillie, est mieux conservée. À l’arrière du mur, on observe les traces d’un terre-plein, datant vraisemblablement d’une restauration du IIIe s. av. J.-C. réalisée pendant la deuxième guerre punique295.
131À l’occasion de fouilles réalisées en 2010, les archéologues de la SAR ont mis au jour, via di S. Anselmo, une nouvelle structure composée d’une rangée de neuf blocs de tuf jaune de Grotta Oscura suivant la même orientation que les structures précédemment évoquées296. Ses caractéristiques ont permis de la mettre en relation avec le système de muraille défensive observé dans cette partie de l’Aventin, et de situer sa datation après la fin du Ve s. av. J.-C.297
132Depuis la via di S. Anselmo, l’enceinte remontait vraisemblablement en direction du sommet du Grand Aventin, comme l’attestent d’autres portions de murs observées. D’abord un petit tronçon mis au jour en 1954 à l’angle des via Icilio et S. Anselmo, puis un second observé en 1972, plus haut sur la via Icilio298 (annexes pl. III, n° 7 et 8). P. Quaranta299 suggère que depuis ce point, les murs devaient poursuivre leur parcours en remontant le long de la crête de la colline, suivant un tracé conditionné par l’orographie qui devait présenter des pentes bien plus abruptes que ce que l’on peut voir aujourd’hui. Les murs devaient donc s’enfoncer davantage dans la colline, puis reprendre le parcours naturel de la crête avant de replonger en direction de la vallée, de sorte à rejoindre un autre tronçon encore existant, identifié dans une propriété de la via di porta Lavernale (annexes pl. III, n° 9). Cette nouvelle proposition de parcours de la muraille, éloignée du tracé généralement admis pour ce secteur de l’Aventin, peut être déduite de la superposition de documents cartographiques antérieurs au lotissement de la colline, qui permettent d’en restituer l’ancienne orographie mais aussi de la mettre en cohérence avec les autres portions de murs repérées dans ce secteur. Elle se fonde également sur l’organisation générale du maillage urbain antique que l’on peut déduire des vestiges archéologiques observés dans cette zone. L’hypothèse de P. Quaranta a enfin pour effet de mettre en question le positionnement de ce que R. Lanciani identifiait dans ce secteur comme la porta Navalis300 – ou la porta Lavernalis d’après les études ultérieures301.
133Depuis les vestiges identifiés dans le secteur de la via di porta Lavernale, les murs devaient ensuite remonter vers les sommets du Grand Aventin, le long des pentes ouest qui surplombent la via Marmorata. Ainsi G. Säflund signale un petit tronçon de mur en tuf de Grotta Oscura observé au-dessus de l’arc de S. Lazzaro (annexes pl. III, n° 10)302, ainsi que d’autres blocs plus ou moins fragmentaires de Grotta Oscura mis au jour dans le même secteur303, qui pourraient également être en lien avec le système de fortification de l’Aventin.
134Depuis l’angle nord-ouest du Grand Aventin, le mur poursuivait ensuite son parcours le long de la ligne de crête qui surplombe le Tibre, incluant les vestiges conservés sur les flancs nord-ouest du Grand Aventin.
135Comme cela a été évoqué plus haut, on a retrouvé en effet des portions importantes du mur, d’une longueur totale de 16 m, dans le secteur de l’église S. Sabina (annexes pl. III, n° 11)304. L’enceinte, percée en différents endroits pour permettre de circuler entre les deux niveaux d’habitations qui vinrent s’y appuyer à la fin de la République, est visible en quatre points principaux305. Selon les observations de P. Quoniam306, ces quatre portions de la muraille servienne présentent les mêmes caractéristiques : les blocs de la dernière rangée de cappellaccio semblent avoir été retaillés dans un second temps pour créer une assise de réglage sur laquelle vint s’appuyer la seconde fortification en blocs de tuf de Grotta Oscura307.
136La suite du parcours de la muraille entre l’Aventin et le Capitole est plus problématique. Deux théories se sont longtemps opposées sur ce point308. La première suggère que du côté du fleuve, la Ville n’aurait pas été fermée par une muraille, s’appuyant en cela sur les témoignages de Denys d’Halicarnasse (5, 23, 4) et Tite-Live (2, 10) à propos de l’épisode d’Horatius Coclès. Seuls deux tronçons, disposés perpendiculairement au nord et au sud entre les deux collines et le Tibre, auraient protégé la rive du fleuve où s’étendait le forum Boarium. Cette hypothèse a toutefois posé le problème de la défense de la cité du côté du fleuve qui, selon toute vraisemblance, ne pouvait constituer à lui seul une protection suffisante. En effet, le Tibre formait un gué à cette hauteur et pouvait être franchi sans grandes difficultés. En tenant compte de ce problème, F. Coarelli309 a donc conforté la seconde hypothèse favorable à l’existence ancienne d’un mur parallèle au fleuve qui, depuis l’Aventin, aurait rejoint le Capitole. Ses recherches tendent à démontrer que le tracé de la muraille, parallèle au Tibre, suivait un parcours assez proche de ses rives : des restes du mur ont été identifiés à différentes époques à côté de l’église S. Maria in Cosmedin, la fontaine de la piazza Bocca della Verità et le temple de Portunus310. Les céramiques exhumées lors des sondages dans cette zone ne sont pas postérieures au IIIe s. av. J.-C. Aussi F. Coarelli suppose que cette enceinte continue aurait été détruite au cours de cette période, lorsque toute la zone située à proximité du forum Boarium fut recouverte et nivelée à la suite d’un incendie survenu en 213 av. J.-C. (Liv., 24, 47). Dès lors, on peut supposer que la tradition rapportée par Tite-Live et Denys d’Halicarnasse sur l’absence de murs dans cette partie de la Ville ne serait pas antérieure à la fin du IIIe s. av. J.-C., comme le suggérait déjà E. Gjerstad311. À cette occasion, les blocs du mur auraient été réemployés pour la restauration des deux temples de la zone sacrée de S. Omobono.
2.3.3.2.2 Les portes de l’enceinte urbaine entre le IIe s. av. J.-C. et le Ier s. apr. J.-C.
137Aucune source ancienne ne donne la liste complète des portes de l’enceinte de Rome à l’époque républicaine312. Mais les rares témoignages connus, souvent fragmentaires, livrent cependant des indications précieuses sur les portes insérées dans la partie méridionale de l’enceinte. Le nom de la majeure partie des portes placées sur l’Aventin est donc connu. La principale source d’information sur ce point vient notamment d’un passage du livre 5 du De lingua latina (ling., 5, 163), dans lequel Varron énumère les différentes portes de la muraille républicaine dans le sens inverse des aiguilles d’une montre :
* * ligionem Porcius designat cum de Ennio scribens dicit eum coluisse Tutilinae loca. Sequitur porta Naevia, quod in nemoribus Naeviis: etenim loca, ubi ea, sic dicta. deinde Rauduscula, quod aerata fuit. aes raudus dictum; ex eo [in] veteribus in mancipiis scriptum ’raudusculo libram ferito’. Hinc Lavernalis ab ara Lavernae, quod ibi ara eius.
*** c’est ce culte que mentionne Porcius lorsqu’il dit, dans son ouvrage sur Ennius, que le poète habita le quartier de Tutilina. Puis vient la porta Naevia, ainsi appelée parce qu’elle est dans le bois Naevius ; car le lieu-dit où elle se trouve se nomme ainsi. Ensuite, la porta Rauduscula, ainsi appelée parce que jadis elle était recouverte de cuivrures. Or « cuivre » se disait raudus ; de là la formule en usage dans les vieux actes de mancipation : « Qu’on frappe la balance avec un menu lingot de cuivre (raudusculo) ». Après vient la porta Lavernalis, dont le nom est tiré de l’ara Lavernae, car c’est là que se trouve l’autel de cette déesse.313
138Outre ce document, il existe une description tardive de ces portes dans le De montibus, portis et viis urbis Romae, mais elle est cependant très lacunaire. De plus, cette liste mentionne les portes dans l’ordre alphabétique, sans préciser leur topographie et en intégrant peut-être des portes plus anciennes attribuées à l’enceinte romuléenne. Le seul document exploitable pour la période républicaine est donc le témoignage de Varron, qu’il est nécessaire de confronter à d’autres types de données.
139Du point de vue des données archéologiques, elles sont limitées car les portes de l’Aventin, comme la plupart des portes de l’enceinte de Rome, n’ont généralement laissé que peu de traces matérielles. De plus, ces portes, parfois très anciennes, ont été remaniées au fil des siècles, en même temps que les techniques architecturales ont évoluées314.
140Malgré ces difficultés, on peut toutefois proposer d’établir un essai de synthèse des connaissances relatives aux différentes portes de l’Aventin, en s’efforçant d’indiquer, lorsque ces éléments sont connus, leur localisation, leur date de création, leur aspect et leur étymologie. On cherchera également à préciser quelles furent les principales voies extra muros prenant leur départ depuis les différentes portes de la colline, afin de déterminer vers quelles régions de l’Italie se tournait la plus méridionale des collines de Rome.
La porta Capena (pl. III : A)
141L’une des plus fameuses portes de la muraille républicaine située au pied de l’Aventin est la porta Capena. Elle s’ouvrait dans le secteur compris entre la colline et le Caelius, à hauteur de la courbe du grand Cirque. De celle-ci partait un tronçon unique, qui se divise ensuite entre la via Latina et la via Appia (Fest., p. 97 L ; Frontin., aq, 1, 5, 19). Les fouilles conduites par J.H. Parker en 1867, près de la tour médiévale située au début de la promenade archéologique encore visible aujourd’hui, ont permis de mettre au jour un ensemble de vestiges appartenant à des époques variées315. Parmi ces vestiges, G. Säflund a proposé d’identifier les restes de la porte316.
142Il s’agit d’une porte ancienne, que les sources littéraires mentionnent en lien avec les événements de 484 av. J.-C., lorsque le Sénat ordonna l’expulsion des Volsques d’Attius Tullus venus assister aux jeux, après avoir eu connaissance de leurs intentions belliqueuses (D.H., 8, 4, 5), et en 459 av. J.-C., lorsque les troupes de Romains et d’Alliés commandées par Q. Fabius se rassemblèrent hors de la porte, avant d’engager la campagne contre les Volsques et les Èques à Antium (Liv., 3, 22, 4)317.
143Les Anciens ont mis le nom de la porte en rapport avec la cité de Capène (Serv., Aen., 7, 697), laquelle est pourtant orientée dans une toute autre direction. D’autres la mettent en rapport avec la cité de Capoue (Schol. Iuv., 3, 11, 1-2), ce qui serait plus vraisemblable topographiquement, mais pas linguistiquement d’après F. Coarelli318. Par ailleurs, admettre l’ancienne origine étrusque du nom de la porte impliquerait que celle-ci fut antérieure à la construction de la via Appia (312 av. J.-C.)319. Selon F. Coarelli, il faudrait donc mettre le nom de la porte plutôt en rapport avec Cabum320, centre très ancien des monts Albains et destination originelle de la via Latina, par laquelle on reliait Rome au sanctuaire de Iuppiter Latiaris depuis la porte Capène. Le lien ancien de la porte avec le Latium se trouve également dans l’origine des premiers occupants de la colline rapportée par les sources (Liv., 1, 33, 1 ; D.H., 3, 43).
La porta Naevia (pl. III, B)
144La localisation de la porta Naevia peut également être déduite du passage mutilé de Varron cité plus haut (ling., 5, 163). Après avoir probablement fait mention de la porte Capène321, l’antiquaire cite les trois autres portes de l’Aventin : la porta Naevia qui précède la Raudusculana et la Lavernalis. Le fait que la Base Capitoline (CIL VI, 975) mentionne un vicus portae Naeviae dans la Regio XII confirme que la porte doit être placée sur le Petit Aventin. Comme cela a été indiqué plus haut322, on la situe depuis les découvertes réalisées par la SAR en 1983, au débouché de l’actuelle via Aventina à hauteur de la piazza Remuria, entre les églises S. Saba et S. Balbina. Si l’on admet la tradition livienne qui mentionne pour la première fois la porte en lien avec les événements de 508 av. J.-C. et le siège de Porsenna (Liv., 2, 11, 8-10), on peut supposer qu’elle était déjà intégrée à l’enceinte royale.
145Le nom de la porte pourrait s’expliquer par la proximité des nemora Naevia (Varro, ling., 5, 163). Festus (p. 170 L) ajoute, dans un passage très lacunaire, que les nemora Naevia appartinrent un jour à un certain Naevius. Comme le note F. Coarelli323, le fait qu’un nom de porte soit dérivé d’un gentilice n’est pas exceptionnel à Rome : on connaît par ailleurs les exemples des porta Minucia et Ratumena. Festus précise que les nemora Naevia avaient très mauvaise réputation, en raison des vagabonds et débauchés qui avaient l’habitude de les fréquenter. Certains chercheurs se demandent toutefois si la mauvaise réputation du lieu ne serait pas liée plutôt à un jeu de mot entre naevius et naevus324.
146Depuis la porta Naevia démarrait probablement la via Ardeatina, qui longeait la partie arrière des futurs thermes de Caracalla, puis s’orientait vers le sud, suivant un tracé sans doute parallèle à celui de l’actuelle via delle Terme di Caracalla325. Selon une autre hypothèse, elle aurait suivi le tracé de la via Appia pour s’en écarter à hauteur de l’église Domine quo vadis, comme l’actuelle route du même nom. La via Ardeatina permettait notamment de rejoindre Ardée, mais il est probable que cette voie se scindait en un réseau complexe de routes permettant de relier Rome aux principales cités du Latium Vetus vers le sud-est.
La porta Raudusculana (pl. III, C)
147La porta Raudusculana est elle aussi mentionnée dans le texte lacunaire de Varron (ling., 5, 163), entre la porta Naevia et la porta Lavernalis. On la situe également dans la Regio XII, d’après la Base Capitoline (CIL VI, 975) qui place dans cette région le vicus éponyme. La porte, située au début de cette voie qui prolongeait le vicus piscinae publicae au-delà des murs de la ville, devait se situer entre les deux proéminences de l’Aventin, à hauteur de l’actuelle piazza Albania.
148Le nom de la porte viendrait de sa couverture en bronze (Varro, ling., 5, 163 ; Fest., p. 338 L ; Fest. (Paul Diacre), p. 339 L). Festus propose toutefois d’autres explications, faisant dériver le nom de rudis ou raudus. Une tête humaine ornée de bois de cerf fut probablement placée sur la porte. Selon la tradition (Ov., met., 15, 616-621 ; Val. Max., 5, 6, 3), cet ornement serait lié au souvenir du prodige de Genucius Cipus (RE Genucius 16, VII, 1, 1209) advenu dans le courant du IIIe s. av. J.-C. : alors qu’il s’apprêtait à partir en campagne, des bois auraient poussé sur la tête du préteur lorsqu’il franchit la porta Raudusculana. L’oracle interrogé lui répondit qu’il deviendrait roi s’il rentrait dans la cité. Afin d’éviter ce que lui-même considérait comme un malheur pour la République, Genucius préféra l’exil perpétuel. Indépendamment de la dimension symbolique de cette légende326, L. Richardson remarque que la disposition de têtes anthropopaïques sur les portes était une pratique courante en Italie au cours de cette période : on connait par ailleurs les exemples de la porta all’Arco de Volterra et de la porta Marzia de Pérouse327.
149Au-delà la Porta Raudusculana, le vicus Portae Raudusculanae suivait probablement le tracé des actuels viale Aventino et via di Piramide Cestia328. À la hauteur du mausolée de Caius Cestius, le vicus rejoignait la via Ostiensis, qui permettait de relier Rome au port d’Ostie.
La porta Lavernalis (pl. III, D)
150Le passage mutilé de Varron (ling., 5, 163) suggère enfin de situer la porta Lavernalis sur les pentes méridionales du Grand Aventin. On la place généralement au débouché de l’actuelle via di porta Lavernale, dans le défilé immédiatement à l’est du bastion de Sangallo (Bastioni di Paolo III), où R. Lanciani localise une porte329. Un vicus permettait sans doute de faire la jonction depuis la porta Lavernalis jusqu’au tronçon urbain de la via Ostiensis, qui suivait dans ce secteur un tracé similaire à celui de l’actuelle via Marmorata.
151Cependant les récentes fouilles conduites par la SAR tendent à réviser le parcours des murs et de la voirie antique dans ce secteur, et donc à mettre en doute cette localisation de la porta Lavernalis330. Comme cela été évoqué plus haut, ces fouilles indiquent en effet que dans cette zone, les murs républicains remontaient le long des pentes de l’Aventin, suivant un axe qui coupe transversalement l’actuelle via di Porta Lavernale (annexes pl. III, n° 9). Du reste, elles ne laissent entrevoir aucune trace de porte. Enfin, l’orientation des vestiges d’habitations antiques exhumés en dessous du tracé de cette voie ne coïncide pas avec son orientation. Contrairement à ce qui a été admis jusqu’ici, l’organisation du maillage urbain et de la voirie antique paraît donc très différente de l’orientation de l’actuelle via di Porta Lavernale, dont l’apparition doit être placée à l’époque tardo-antique, voire médiévale. Sur la base de ces éléments, l’emplacement de la porta Lavernalis doit manifestement être cherché ailleurs. Le nom de la porte serait lié à une obscure divinité qui disposait d’un lucus à proximité (Varro, ling., 5, 163 ; Fest. (Paul Diacre), p. 104 L). Or les scholies d’Horace du Pseudo-Acron (1, 16, 60) mentionnent l’existence d’un lucus Lavernae situé près de la via Salaria, ce qui a conduit certains chercheurs à placer le lucus et la porta Lavernalis dans la partie nord de Rome, et non sur l’Aventin. Cependant, les contradictions avec les éléments transmis par Varron rendent l’hypothèse peu vraisemblable331.
La porta Trigemina (pl. III, E et E bis)
152La mention la plus ancienne de la porta Trigemina remonte à Plaute (Capt., 1, 90), ce qui atteste l’existence de l’édifice depuis la seconde moitié du IIIe s. av. J.-C., au moins. Elle est mentionnée par Tite-Live à propos des aménagements réalisés entre 193 et 174 av. J.-C. au-delà de la porte (extra portam Trigeminam), jusque dans la zone de l’Emporium (Liv., 35, 10, 11-12 ; 35, 41, 10 ; 40, 51, 4-6 ; 41, 27, 8-9). Après 174, la porte est mentionnée dans plusieurs inscriptions funéraires et professionnelles (CIL VI, 9488 ; CIL VI, 9618 = ILS 7497 et CIL VI, 9515 = ILS 7751).
153La localisation de la porta Trigemina varie selon les hypothèses admises à propos de l’existence ou non d’un mur érigé le long du Tibre. Considérant que la muraille suivait la ligne de crête du Grand Aventin surplombant le fleuve, R. Lanciani situe la porta Trigemina sur les pentes occidentales de l’Aventin (pl. III, E)332. Suivant la thèse selon laquelle le système défensif se limitait à des murs perpendiculaires au fleuve, placés au pied de l'Aventin et du Capitole, la porte a été placée plus au nord, dans la zone du forum Boarium. H. Lyngby333 a ainsi proposé de la situer au début du clivus Publicius (pl. III, E bis), ce qui induirait un tracé de la muraille assez éloigné des rives du Tibre dans ce secteur. Cette proposition est confortée par le fait que les Catalogues Régionnaires situent la porta Trigemina dans la Regio XI (Nordh 1949, p. 91, 11)334. Mais selon F. Coarelli, qui soutient l'hypothèse d'un tracé continue de la muraille, la porte devait être située plus près de S. Maria in Cosmedin, entre cette église et les pentes septentrionales de l’Aventin335. Sa position dans la liste des monuments de la Regio XI ne constitue pas un élément suffisant pour préciser sa localisation, car il a été observé à plusieurs reprises que celle-ci ne suivait pas nécessairement un ordre topographique précis. Cependant, d’autres sources relatives à la topographie du forum Boarium ont permis au chercheur italien de conforter son hypothèse. Sur la base de ces indications topographiques, F. Coarelli propose ainsi d’identifier la porta Trigemina avec l’arcus Lentuli et Crispini (CIL VI 1385) situé près de S. Maria in Cosmedin, daté de 2 apr. J.-C. Cette datation correspondrait donc à une restauration de la porte à l’époque augustéenne.
154Concernant l’aspect du monument, L. Richardson336 suggère, d’après le nom de la porte, qu’elle se présentait sous la forme d’un arc à trois arches : une arche centrale pour le passage des véhicules, tandis que les arches latérales auraient servi au passage d’individus à pied. Par ailleurs, on a proposé de reconnaître une représentation de l’état augustéen de la porta Trigemina sur le dessin n° 88 du Codex Coburgensis337. Le dessin présente une porte entre deux tours, derrière laquelle émerge un temple d’Hercule. L’arc est décoré d’objets qui évoquent le culte d’Hercules Invictus de l’ara Maxima (armes, tête de sangliers, scyphus), confirmant la position de la porte du dessin dans le secteur du forum Boarium.
155La porta Trigemina s’ouvrait probablement sur le pons Sublicius, le premier pont de Rome dont la construction est attribuée au roi Ancus Marcius par la tradition (Liv., 1, 33, 6 ; Plut., Num., 9, 2-3 ; D.H., 3, 45, 2). Elle permettait ainsi de rejoindre la très ancienne via Campana, qui reliait les zones du portus Tiberinus et du Trastevere aux salines situées à l’embouchure du Tibre338. La porte constituait enfin le point d’aboutissement de la voie qui, dans le prolongement de la via Ostiensis, longeait depuis le Sud la rive gauche du Tibre, le long des marges occidentales du Grand Aventin339.
La porta Navalis (pl. III, F)
156À cet ensemble de portes, dont l’existence est bien attestée même si leur localisation est parfois discutée, s’ajoute le cas plus problématique de la porta Navalis. Cette porte est mentionnée uniquement dans un passage mutilé de Festus (p. 186 L), résumé par Paul Diacre (p. 187 L), qui la décrit comme une porte située près des arsenaux du Tibre : Navalis porta a vicinia Navalium dicta. Certains chercheurs ont supposé que les Navalia en question devaient être les Navalia inferiora situés quelque part sous l’Aventin, le long du Tibre340. Sur cette base, R. Lanciani341 situe la porte non loin des anciens Bastioni di Paolo III, au début de l’ancienne voie romaine qui permettait de rejoindre les hauteurs méridionales du Grand Aventin depuis l’actuel largo M. Gelsomini (annexes pl. III, F), et l’intègre ainsi dans la ligne alors supposée des murs défensifs342.
157F. Coarelli a proposé pour sa part une autre localisation de la porte. Selon lui, les Navalia mentionnés par Festus se situaient plutôt dans la partie occidentale du Champ de Mars, comme le suggèrent deux passages de Tite-Live (3, 26, 8 ; 45, 42, 12)343. Ils s’étendaient le long des berges du Tibre, depuis le pons Neronianus en amont, jusqu’à hauteur du portus Tiberinus en aval. Sur la base de ce postulat, et reprenant une hypothèse déjà formulée par G. Säflund, F. Coarelli344 propose que la porta Navalis fut liée à une fortification de ces Navalia, réalisée après une tentative d’incendie de la part des Carthaginois pendant la deuxième guerre punique. La porte s’ouvrait ainsi sur le bras nord, qui passait entre les Navalia et le portus Tiberinus. Un arc demeuré jusqu’au XVe siècle à proximité du théâtre de Marcellus pourrait être mis en rapport avec une réfection augustéenne de cette porte345. Cependant, une récente hypothèse avancée par L. Cozza et P.L. Tucci346 propose d’identifier comme des Navalia les structures repérées au pied de l’Aventin, habituellement considérées comme les vestiges de la porticus Aemilia. Cette théorie oblige à reconsidérer l’existence de Navalia dans la plaine subaventine, et donc la position de la porta Navalis dans ce secteur. Si l’on conserve le principe que la porta Navalis était une porte de l’enceinte des Navalia, il faudrait dès lors la placer plus près des rives du Tibre, au pied de l’Aventin. En l’occurrence, il s’agirait ici d’une porte placée dans l’enceinte des Navalia inferiora.
158Au terme de cette enquête, on constate donc qu’un certain nombre de vestiges d’infrastructures défensives ont été exhumés sur l’Aventin. En admettant qu’il s’agisse d’éléments constitutifs d’une enceinte unitaire, le tracé qu’il est possible d’esquisser indique que la colline n’était pas intégrée en totalité dans l’enceinte républicaine. Quel que fût le tracé de la muraille entre les vestiges observés via di S. Anselmo (annexes pl. III, n° 5-9) et à hauteur de l’arco di S. Lazzaro (annexes pl. III, n° 10), la majeure partie de l’Aventin occidental semble avoir été comprise dans l’enceinte. En revanche, même en admettant que la partie du Petit Aventin qui s’étend au sud de S. Saba fut intégrée aux fortifications, toute la zone située à l’est de S. Balbina, depuis les thermes de Caracalla jusqu’aux murs de l’enceinte aurélienne, aurait alors été maintenue à l’extérieur de la muraille républicaine. Cette limite matérielle formée par les remparts de la cité servit certainement de point de repère à Denys d’Halicarnasse (3, 43) pour définir la superficie de ce qu’il considère alors comme le mont Aventin.
159Il faut noter par ailleurs que l’Aventin se trouve au départ des principales voies romaines permettant de rejoindre les cités du Latium et de la côté littorale latine. La colline apparaît véritablement comme la porte de Rome vers le sud de la péninsule italienne. Elle se trouve en outre à la jonction des principaux axes, fluviaux et terrestres, utilisés par les marchands provenant de ces régions. Cette spécificité a très vraisemblablement contribué à façonner son identité. La tradition évoque l’implantation de populations latines sur l’Aventin dès l’époque royale, notamment à l’initiative du roi Ancus Marcius (Cic., Rep., 2, 18, 33 ; Liv., 1, 33, 1-2 ; D.H., 3, 43, 2). Ces populations latines demeurent présentes au IIe s. av. J.-C., comme l’atteste l’origine des protagonistes des Bacchanales, pour la plupart descendants d’anciennes familles d’Ardée et Aricie347. La conquête a également permis de renforcer ou d’élargir les liens de connexion entre Rome et d’autres régions d’Italie méridionale et du monde méditerranéen. Certains de ces liens sont probablement très anciens, et à l’échelle « micro-régionale »348 s’est vraisemblablement surimposé très tôt un autre échelon de connectivité, amenant sur l’Aventin des populations originaires de ces régions plus lointaines349.
Notes de bas de page
1 Bauman 1985, p. 89-105. Voir aussi RE Alfenus 8, I, 1-2, 1472-1474.
2 Gell., 7, 5, 1-2 : Alfenus iure consultus, Seruii Sulpicii discipulus rerumque antiquarum non incuriosus. On sait également par ce dernier (2, 10, 1-3) que le maître d’Alfenus Varus, Servius Sulpicius Rufus avait eu des échanges avec Varron sur le sens d’anciennes expressions. Sur les amitiés de Varron et Servius Sulpicius, voir Moatti 1997, p. 139 ; n. 40 p. 354 et Bauman 1985, p. 4-65.
3 Casavola 1992, p. 20-21.
4 Dans ce sens, Casavola 1992, p. 21-22, affirme que les juristes du haut Empire renvoient à l’état urbain de l’époque césarienne. On notera qu’il est pour le moins curieux que cette acception territoriale de l’Vrbs fût encore admise à une époque où le pomerium, qui définit les confins de l’Vrbs, s’étendait bien au-delà des murs « serviens ». Aux IIe et IIIe s. apr. J.-C., d’autres juristes se sont intéressés aux dispositions spécifiquement appliquées dans le cadre de l’ensemble territorial formé par Rome, comprenant à la fois Vrbs et continentia. Sur ce point et sur les constructions intellectuelles qu’implique la notion d’Vrbs Roma, ainsi que son évolution jusqu’au Bas-Empire vers la notion d’État territorial, voir Casavola 1992, p. 20-29.
5 Frézouls 1987, p. 374.
6 Magdelain 1990, p. 158-160.
7 De Sanctis 2007.
8 Sisani 2016. En ce sens également, voir les récentes contributions sur le sujet de Stevens 2017, p. 13-30.
9 Antaya 1980.
10 Bonfante Warren 1970, p. 108-120.
11 Citarella 1980, p. 401-414.
12 Valeton 1897, p. 109-122.
13 Catalano 1978, p. 479-509.
14 Magdelain 1990, p. 158-160.
15 Basanoff 1939.
16 Giardina 2000, p. 33-34.
17 De Sanctis 2007.
18 Stevens 2017, p. 13-27 en particulier.
19 Imbert 1944, voir notamment, p. 23-27.
20 Magdelain 1990, p. 158-160.
21 Antaya 1980, p. 184-189.
22 Valeton 1897.
23 Catalano 1978.
24 De Sanctis 2007.
25 Ibid.
26 Sisani 2016.
27 Magdelain 1990, p. 157. En ce sens également, voir Giardina 2002, p. 29. Sans doute un espace similaire s’étendait-il au-delà du mur, formant ainsi une bande de terre libre de part et d’autre de la muraille dans une perspective avant tout défensive, ainsi que l’a récemment suggéré Stevens 2017, p. 28-29.
28 Sisani 2016, p. 73-74. En ce sens également, Stevens 2017, p. 29-30.
29 Sur ce point, voir le chapitre 2.1.5, infra.
30 Magdelain 1990, p. 211-214.
31 Sur la finalité de la liberatio de l’Vrbs et de l’ager Romanus, qu’il faut bien distinguer de la liberatio des templa, A. Magdelain (ibid.) suit la thèse de K. Latte : il s’agit d’expulser du sol les esprits malfaisants qui le hantent afin de permettre l’installation de l’homme dans des limites précises.
32 Varro, ling., 6, 53, 4 ; Serv., Aen., 6, 197 ; Gell., 13, 14, 1.
33 Catalano 1978, p. 479-509.
34 Ainsi Liv., 3, 20, 6-7 à propos des augures qui partent consacrer un emplacement pour le vote des comices centuriates en dehors de la zone des mille pas, donc sur le territoire de l’ager Romanus.
35 Sur ce point voir l’état de la question proposé par Scheid 2010-2011, dont certains éléments sont repris ici.
36 Becker 1843.
37 Traduction : Lassère, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1967.
38 Coarelli 2006b, p. 17-21, p. 18-19 notamment a récemment proposé de placer cette localité sur la rive droite du Tibre, sur l’ancien ager Veiens conquis par Romulus, qui aurait revêtu une fonction importante dans le cadre des opérations augurales. Son identification avec le siège des frères Arvales, également suggérée par le chercheur italien, qui développe ainsi l’ancienne thèse de H. Jordan, a été contestée par Scheid (voir en dernier lieu Scheid 2010-2011).
39 Traduction d’après Scheid 2010-2011, support de cours n° 3, 4, 6. En admettant une distance de mille pas entre chaque borne, cela reviendrait à placer les confins de l’ager romanus entre 7 et 9 km depuis les portes de Rome (1 mille = 1, 478 km). Dans la phrase précédente, Strabon indique pourtant que les cités voisines de Rome étaient situées à 30 stades de la Ville ou un peu plus, ce qui équivaut à une distance entre 3 et 6 km selon la valeur accordée au stade de Polybe. L’écart entre ces deux mesures indiquées par Strabon (5, 3, 2) paraît donc assez considérable. Il faut noter cependant que les unités de mesure antiques étaient fluctuantes. À propos du stade, Strabon (7, 7, 4) précise qu’il n’y a pas de facteur de conversion officiel entre le stade et le mille et que chaque auteur, tel par exemple Polybe, lui donne une valeur à sa convenance. Quant à la valeur du mille, à priori plus stable, elle reste toutefois approximative (entre 1,4 et 1,5 km). Sur ces questions, voir Herrmann 2007, p. 20.
40 Mommsen (1882-1891) 1985, p. 48.
41 Beloch 1925, p. 169-179.
42 Alföldy 1965, p. 296-304.
43 Quilici Gigli 1978, p. 567-575.
44 Scheid 1987, p. 583-595.
45 Colonna 1991, p. 209-232.
46 Sur ce point, voir le recensement critique des différents marqueurs de cette limite identifiés par l’historiographie moderne, récemment proposé par Coarelli 2006b et, selon une approche différente, Scheid 2010-2011.
47 En ce sens notamment, Alföldy 1965, p. 123
48 Avec d’autres, notamment Scheid 1990a.
49 Scheid 2010-2011, p. 462 et sq.
50 Ainsi, selon une chronologie variable, Momigliano 1963, p. 101 ; Quilici Gigli 1978, p. 567-575 ; p. 572 ; Ampolo 1987, p. 75-80 notamment et Thomsen 1980, p. 135.
51 Ainsi, Colonna 1991, p. 212 et Carandini 1997, p. 446-447.
52 En ce sens notamment Zevi 2009, p. 680 sq. qui place au IXe mille les confins de l’ager Romanus, au début de notre ère.
53 Magdelain 1990, p. 155-191 et p. 209-228.
54 Guilhembet 2006, p. 105-108.
55 Sur l’existence de superficies destinées au stationnement ou au transbordement des fourgons en raison de cette réglementation, voir également Guilhembet 2006, p. 107-108.
56 Ibid.
57 Hist. Aug., Hadr., 22, 6 : Vehicula cum ingentibus sarcinis urbem ingredi prohibuit. « Il interdit aux véhicules chargés de gros fardeaux d’entrer dans Rome. » Traduction de Callu, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1992.
58 Parmi les magistrats inférieurs qui assistaient les édiles, on distingue les Quatuorviri viis in Vrbe purgandis (chargés du nettoyage des rues à l’intérieur de l’Vrbs) des Duoviri viis extra Vrbem purgandis (chargés du nettoyage des rues hors de l’Vrbs, jusqu’au premier mille). Si les premiers subsistent sous l’Empire, les seconds disparaissent avant 13 av. J.-C. (D.C., 54, 26, 7).
59 Sur ce point voir Daguet-Gagey 2015, p. 335-346.
60 Cic., leg., 3, 3. 7 : Suntoque aediles curatores urbis annonae ludorumque sollemnium, ollisque ad honoris amplioris gradum is primus ascensus esto. « Que les édiles soient administrateurs de la Ville, du ravitaillement et des jeux solennels, et que ce soit pour eux, le premier échelon pour s’élever vers un accroissement d’honneurs. » Traduction de De Plinval, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1959. Sur les pouvoirs et les compétences des édiles de Rome, voir désormais Daguet-Gagey 2015.
61 Sur le rôle des édiles (notamment curules) dans ce domaine aux côtés des censeurs et des consuls, et sur la création de la curatelle des travaux publics à l’époque d’Auguste, voir Daguet-Gagey 1997, p. 26-38 et 2015, p. 399-404.
62 Humbert 2005c.
63 Magdelain 1990, p. 210-211.
64 Le texte de Gaius (Inst., 4, 104) évoquant le champ d’application de la juridiction des préteurs urbains va également dans le sens d’un lien étroit entre l’imperium domi et la zone des mille pas, qui se maintint jusqu’au IIe s. apr. J.-C. En effet, selon le juriste romain, la juridiction des préteurs urbains, qui relève clairement du domaine civil, n’a de légitimité que dans cette zone.
65 La chronologie tardive induite par cette hypothèse (un tel stade de l’extension urbaine étant généralement situé aux IIIe-IIe siècles av. J.-C.) a été contestée par Colonna 1991, n. 79, p. 231. L’apparition de la zone des mille pas et l’extension de l’imperium domi qu’elle implique pourraient être antérieures à cette période, comme le suggère la suite du développement.
66 Berthelet 2015, p. 198-200.
67 Giovannini 1983, p. 19-26.
68 Ibid., p. 25.
69 Berthelet 2015, p. 192, qui par ailleurs propose plus largement une lecture critique de la thèse générale d’A. Giovannini, p. 188-200.
70 Giovannini 1983, p. 22-23 et 26. Cette chronologie est conforme à celle admise depuis les travaux de Mommsen 1892a, p. 150 et 164 qui ne reconnaissait aucun lien entre la provocatio ad populum et le tribunat de la plèbe. Cette magistrature n’avait en effet aucune existence légale selon le chercheur allemand. Le tribun ne pouvait donc s’approprier une disposition de droit public essentielle telle que le provocatio. Toute une tradition historiographique a rejeté, à la suite de Th. Mommsen, l’idée d’une existence légale ou institutionnelle du tribunat de la plèbe avant le IIIe siècle. C’est la contestation de ce postulat qui constitue le point central de la démonstration de M. Humbert.
71 Humbert 1988, p. 431-503 ; 2003, nos 307, 349, 372 ; 2005c.
72 Dès lors, le procès comitial est marqué par le schéma provocatoire même si la juridiction ne relève plus de la provocatio. Humbert 2005c, p. 1828.
73 Sur ce point, voir Berthelet 2015, p. 192-194.
74 Giovannini 1983, p. 22. En effet, Cicéron (Rep., 2, 31, 54) indique que ces leges successives n’apportèrent pas grand-chose au ius provocationis hormis la sanctio. De nombreux cas d’exécution arbitraire sont connus dans l’armée, en particulier dans le contexte, singulier il est vrai, des guerres civiles du Ier s. av. J.‑C.
75 Humbert 1988, p. 488-498.
76 Comme le rappelle Humbert 1988, p. 489, il ne faut pas confondre ce type de procès avec les procès tribuniciens comitiaux jugeant les crimes de perduellio, bien connus, qui n’ont rien à voir avec la provocatio.
77 Sur les différents cas pouvant illustrer le rôle des tribuns dans l’instruction de procès comitiaux, voir Humbert 1988, p. 488-498.
78 Ibid., p. 492-495.
79 Val. Max., 2, 7, 15 : M. Fuluio Flacco tribuno plebi denuntiante ne in ciues Romanos aduersus morem maiorum animaduerteret, nihilo minus propositum executus est. Traduction par Combès, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1995.
80 Val. Max., 2, 7, 15 : Sed cum aliquotiens senatus pro militari disciplina seuere excubuerit. Traduction de Combès, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1995.
81 Sur ce point voir Thommen 1989, p. 120 et la bibliographie mentionnée par celui-ci n. 73, p. 120.
82 Mommsen 1892a, p. 79 et sq.
83 Ferrary 2001a, p. 9-21 ; 2001b, p. 101-154, en particulier ici p. 115-121.
84 La collation de l’une et de l’autre est étroitement liée dans les Res Gestae (RGDA, 10, 1 – Scheid 2007). L’une comme l’autre reçurent le même caractère viager par le biais du renouvellement annuel.
85 Plus que le droit d’agir avec le Sénat, qui fut essentiellement employé par les consuls, à la fin de la République les relations des tribuns avec le Sénat se fondaient essentiellement sur le ius relationis (droit de saisir le Sénat d’une affaire et de lui proposer une motion). Voir Thommen 1989, p. 193-205.
86 Selon Ferrary, 2001 a, p. 16-19 ; 2001b, p. 121-125, les pouvoirs qui lui sont alors accordés (puissance censorienne, cura morum et le pouvoir consulaire à vie selon D.C., 54, 10, 5) n’impliquent pas un cumul d’imperia mais plutôt le recouvrement des insignes consulaires, qui ne sont pas de simples ornamenta mais attestent une certaine capacité à exercer l’imperium. Depuis 23, Auguste avait probablement dut s’abstenir de tout insigne du consulare imperium à l’intérieur du pomerium, et de tout acte manifestant cet imperium. Les pouvoirs attribués en 19 supposent que le privilège de « ne pas perdre l’imperium à l’intérieur du pomerium », et donc les capacités de manifester et d’exercer son imperium à Rome fussent précisés. Pour autant cela n’impliquait pas que les pouvoirs d’Auguste fussent équivalents à ceux des consuls. Les mesures de 19 lui permirent d’exercer les fonctions censoriennes et probablement de développer son intervention, notamment dans le domaine judiciaire. Dans l’ensemble, les textes normatifs laissèrent, sur la capacité d’exercer l’imperium, une marge d’interprétation.
87 De Martino 1972, p. 417-419 ; Humbert 2003, n° 342 et Scheid 1996, p. 34.
88 Scheid 1996, p. 55-56.
89 Mommsen 1896, p. 157.
90 Cette charge juridictionnelle relève essentiellement de l’imperium domi. Comme le rappelle Humbert 2003, n° 354, leur imperium militiae, en sommeil, ne surgit qu’exceptionnellement.
91 Pour Magdelain 1990, p. 155, le régime des iudicia legitima est le principal témoignage de l’extension de la compétence domi à la première borne milliaire.
92 Sauf chez Tite-Live (43, 11), qui emploie assez curieusement l’expression ultra mille passuum ab Roma. C’est donc Rome plutôt que l’Vrbs qui constitue ici le point de référence pour mesurer le territoire des mille pas. Dans la mesure où il s’agit du seul cas où la locution apparaît sous cette forme, y compris chez l’historien padouan, on peut supposer qu’il s’agit d’une erreur de la part de ce dernier qui n’aurait pas strictement retranscrit la formulation juridique adéquate.
93 Ainsi Guilhembet 2006, p. 106. L’archéologie a démontré la juxtaposition de plusieurs systèmes de comptage le long des voies romaines. Sur ce point voir notamment les remarques de Mari 1989-1990, p. 165-179 à partir de ses observations sur les bornes milliaires de la via Tiburtina. Ce dernier observe notamment, pour la période qui nous concerne, qu’au système de comptage depuis les murs s’est ajouté un système de calcul des distances depuis le forum romain.
94 Sur ce point, voir les chapitres 2.1.1 et 2.1.2, supra.
95 On notera qu’aucune des bornes milliaires (milliaria) de l’époque républicaine qui nous sont parvenues ne mentionne explicitement son point de référence pour le calcul des distances. On ne trouve pas non plus d’indications sur le sujet dans les documents littéraires évoquant ce système (Cic., Brut., 54 ; Att., 8, 5, 1 ; Liv., 2, 11, 7 ; 3, 6, 7 et 69, 8 ; 5, 4, 12 ; Vell., 2, 27, 2 ; Frontin., aq., 5 ; Balb. grom., p. 95 ; Gaius, inst., 1, 27 ; Iust., 22, 6, 9). C’est donc essentiellement par l’archéologie qu’on a pu démontrer le rôle des portes comme point de référence dans le calcul des distances le long des voies romaines. Voir Chevallier 1997, p. 64 ; Herrmann 2007, p. 23-25 et Mari 1989, p. 174-175.
96 Colonna 1991, p. 231-232.
97 Ibid., p. 209-232. Le caractère archaïque de la plupart de ces sanctuaires est également suggéré de façon très explicite par les sources (ainsi Varro, ling., 6, 17 ; Liv., 10, 46, 14 ; Ov., fast., 6, 781-784 ; D.H., 4, 27, 7 attribuent le sanctuaire de Fors Fortuna au roi Servius Tullius). Scheid 2010-2011, p. 462 a toutefois mis en doute une chronologie aussi haute, pour la ramener au IIIe s. av. J.-C. Selon lui, la création de la zone des mille pas serait liée à une extension des pouvoirs civils des magistrats et des tribuns en rapport avec l’extension de la Ville à cette période. On objectera cependant que le lien entre la zone des mille pas et le droit d’appel au peuple des tribuns pourrait très vraisemblablement remonter à l’époque royale, comme l’a démontré l’étude de Humbert 1988. Par ailleurs, les fouilles des sanctuaires de la zone de S. Omobono ont attesté la présence d’un culte féminin qui peut être rapproché de celui de fors Fortuna, confirmant ainsi le caractère ancien de cette divinité : selon la tradition, le roi Servius entretenait des rapports de nature hiérogamique avec la Fortune ; or des traces de ce thème religieux, caractéristique des religions orientales, ont été identifiées dans l’iconographie de ce temple dont les pratiques rituelles remonteraient au VIe s. av. J.-C. Voir notamment sur le sujet la synthèse de Briquel 2000, p. 111-115 et p. 935 pour la bibliographie relative aux vestiges de S. Omobono et leur interprétation. Il existe donc des arguments relativement solides, tant d’un point de vue juridique que religieux, en faveur de l’existence de la zone des mille pas dès l’époque archaïque. Il faut noter par ailleurs que d’autres sanctuaires ou monuments ont été également considérés comme des marqueurs potentiels du périmètre des mille pas, mais de manière plus incertaine. Ainsi Torelli 1982a, p. 29-30 a suggéré que le temple de l’ara Pacis augustae pourrait également avoir été placé délibérément à une telle distance des murs. Contra Haselbelger 2000, p. 525-526 et Guilhembet 2006, n. 77 p. 106. Scheid 2010-2011, p. 463 mentionne par ailleurs au Ier mille de la via Aurelia, le bois de Furrina au Janicule. Le chercheur note également l’agrégation d’autres cultes autour des sanctuaires anciens du Ier mille qui exploitent la symbolique des mille pas.
98 La mention d’une telle localisation n’est explicite que dans les cas de Fors Fortuna (Inscr. It., 13, 2, 473 : t(rans) T(iberim) ad mil(iarium) I et [VI]) ; Anna Perenna (CIL I², p. 242 : ad lapidem primum) et Mars (CIL VI, 10234 : via Appia ad Martis intra milliarium I et II ab urbe euntibus parte laeva).
99 Herrmann 2007, p. 17-19.
100 Caton (Agr., 20, 23, 1 ; 22, 25, 1 et 135, 6 ; 144, 6-7) désigne par ce terme un moulin à olives formant saillant. Plus tard Sénèque (nat., 3, 14, 2) désigne par miliarius un mécanisme pour chauffer l’eau qui pourrait correspondre au chauffe-eau décrit par Héron d’Alexandrie (2, 24). Enfin, Palladius (Agr., 1, 40) emploie le terme miliarium pour désigner un vase servant de piège à papillons. Selon Herrmann 2007, p. 18 ces termes n’ont pas de relation avec les bornes routières et les termes « bornes milliaires » ou « milliaires » sont donc à manier avec prudence.
101 Dans ce sens également, Colonna 1991, p. 231. Ce dernier considère pour sa part que la limite des mille pas ne nécessitait pas des bornes permettant de la délimiter physiquement.
102 Traduction (légèrement modifiée) de Zehnacker, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 2004.
103 Ces débats sont notamment liés à l’interprétation du terme moenia employé par Pline. Sur cette question voir Guilhembet 2006, p. 79-121 avec la bibliographie antérieure.
104 En ce sens voir Zehnacker 1987 ; Le Gall 1991, n. 6 p. 56 ; Moro 1983, p. 71-82 et Mari 1996, p. 250.
105 Sur le Milliaire d’or et sa localisation, voir Coarelli 1994a, p. 50-51 ; Mari 1996, p. 250-251 ; Filippi 2012, p. 169.
106 De Rossi 1879, p. 31-33.
107 Eck 1992, p. 237-245.
108 Sur cette fonction du Miliarium Aureum voir Chevallier 1997, p. 64 et Mari 1989, p. 174-175 qui s’est rétracté par la suite, voir Mari 1996, p. 250.
109 La convergence des voies de l’Empire (ou de l’Italie, selon les opinions) vers Rome, que certains chercheurs pensent déduire d’un passage de Plutarque (Galb., 24, 4), serait en réalité purement symbolique. Voir sur ce point Mari 1996, p. 251.
110 Dans les Catalogues Régionnaires (Nordh 1949 – Reg. VIII, p. 84 l. 20) et l’Itinéraire d’Einsiedeln (Valentini – Zucchetti 1942, p. 177, 191, 195).
111 En ce sens Coarelli 1976-1977, p. 346-377 ; 1986, p. 199-226 ; 1996d, qui l’identifie avec le massif circulaire en briques repéré à l’extrémité nord-ouest des Rostres. Son hypothèse s’appuie sur les études archéologiques réalisées par Verzár 1976-1977, p. 378-398, qui le fait remonter au IIe s. av. J.-C. Sur cette base, F. Coarelli suggère que cet état du monument correspond à une réfection réalisée probablement en 121 av. J.-C., en même temps que le temple de la Concorde et la Basilique Opimia. Contra Richarson 1992, p. 204 et Brodersen 1996-1997, p. 273-283 qui identifient l’Vmbilicus urbis au Miliarium Aureum d’Auguste. Pour d’autres chercheurs, l’Vmbilicus urbis est plutôt à mettre en relation avec le Genius populi romani. Ainsi, Palombi 1995, p. 367.
112 La localisation du mundus fait débat. L’identifiant au mundus Cereris, Le Bonniec 1958, p. 185-193 a proposé de mettre cette structure en relation avec le temple de la triade plébéienne Cérès, Liber et Libera qu’il plaçait sous l’actuelle Santa Maria in Cosmedin, suivant la thèse de Giovenale 1927, p. 352-371. Il comparait ainsi le mundus au silo à vocation agraire qui se trouvait sous l’autel de Consus au Grand Cirque. L’hypothèse a été contestée par Castagnoli 1993, p. 189-193, tandis que les travaux de Coarelli 1992b, p. 67-70 ont montré depuis qu’il était préférable de placer le sanctuaire de Cérès sur les premières pentes de l’Aventin (voir dans la partie 3, le chapitre 1.1.1). Sur cette base, Pailler 1988, p. 421-427 a également mis le mundus en relation avec le temple de la triade plébéienne, mais en le plaçant cette fois sur l’Aventin. Cependant, les travaux de Marcattili 2008 envisagent une localisation du mundus Cereris plutôt au niveau du circus Maximus. Par ailleurs, selon Humm 2004, p. 48, le mundus devait se trouver à l’intérieur du pomerium, comme le suggère un passage de Caton cité par Festus (p. 144 L), précisant qu’il était impossible de tenir des comices les jours où le mundus était ouvert, car son ouverture troublait les auspices urbains de l’Vrbs. L’hypothèse exclue ainsi de facto la localisation du mundus sur l’Aventin. Dans la mesure où l’on cherche à identifier la borne milliaire du forum, on retiendra ici la proposition de localisation du mundus suggérée par Coarelli (voir note précédente).
113 Il serait peut-être tiré des Antiquitates rerum humanarum de Varron. Voir sur ce point Ampolo – Manfredini 1993, p. 298-300.
114 Humm 2004, p. 43-61.
115 Voir à ce propos les remarques du chapitre 3.2.3, infra.
116 Hermann 1948, p. 222-228.
117 Sur ce point, voir Sordi 1987, p. 200-211 ; Hinard 1994.
118 Palombi 1999a, p. 196-197.
119 Sur ce point, voir les hypothèses divergentes de Homo 1971, p. 67 ; Erkell 1981, p. 35-39 ; Castagnoli 1980a, p. 28 ; Favro 1996, p. 136 ; Palombi 1999a.
120 Coarelli 1992b, p. 17.
121 Sur les différentes hypothèses de localisation de la porta Triumphalis, voir Coarelli 1996i, p. 333. Toutes ne permettent pas de mettre le monument en lien avec l’entrée des cortèges triomphaux dans l’enceinte du pomerium.
122 Dig. 50, 16, 2 [Paulus lib. I ad Edictum] : Vrbis appellatio muris Romae autem continentibus aedificiis finitur quod latius patet. Ce que l’on appelle Vrbs est défini par les murs, tandis que « Rome » est déterminée par les zones construites des faubourgs parce qu’elle est bien plus étendue.
Concernant la teneur de cette définition, il faut s’arrêter sur un point. Il est pour le moins surprenant que, malgré l’extension du pomerium par Claude, bien attestée par les sources (voir sur ce point le chapitre 3.2, infra), les juristes des siècles ultérieurs considéraient toujours que l’enceinte républicaine de la ville contenait les limites de l’Vrbs, voire se confondait avec celles-ci. À ce propos, Sisani 2016 a bien montré l’écart entre l’élasticité du pomerium par rapport aux murs dans les faits, et la confusion théorique, d’origine paraétymologique, qui s’opère entre ces deux limites dans les exégèses antiquaires sur le pomerium entre le Ier s. av. et le Ier s. apr. J.-C. La position des juristes des IIe et IIIe siècles sur le sujet semble confirmer cet écart.
123 Il en fut également ainsi du pomerium et de l’ager Romanus, comme on l’a vu plus haut. La notion de « flexibilité » des limites de Rome est encore plus évidente si l’on s’intéresse à d’autres confins urbains, tels que le suburbium. Bien qu’il reste difficile d’en définir précisément les limites dans l’espace et dans le temps, comme le révèlent les remarques de Coarelli 2009b, p. 64-65. Scheid 2010-2011, a néanmoins pu montrer le caractère flexible de cette limite.
124 Colonna 1991, p. 231.
125 Ibid., p. 209-232.
126 Fraschetti 1994, p.143 et sq.
127 Traduction : Wuilleumier, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1952.
128 Sur le caractère ancien de la liste de M. Antistius Labeo, probablement tirée des pontificii libri, voir Poucet 1960, p. 25-73 et Franschetti 1994, p. 143. Selon Collart 1954, p. IX-X, suivi par Fraschetti 1994, p. 156, la liste de Varron est datée quant à elle de 47-45 av. J.-C.
129 Il est préférable de conserver la terminologie latine car la traduction de montes par « colline » ou « hauteur » induit une ambigüité sur la nature de ces entités. En effet, Subure n’est pas un mons au sens géographique.
130 Sur les états successifs de la formation de la cité que pourrait révéler la liste du Septimontium, voir notamment l’étude systématique de Carandini 1997, p. 267-380.
131 Briquel 2000, p. 61-63. Sur cette analyse du Septimontium, voir aussi les remarques de Carandini 2006, p. 200-206.
132 Pallottino 1993, p. 148-150.
133 Colonna 1988, 411-528, p. 450.
134 Sur la manière dont l’historiographie moderne a pu établir la date précise de cette cérémonie pour la période républicaine (le Septimontium n’étant mentionné que dans les calendriers impériaux ou tardifs), voir Fraschetti 1994, p. 146-151.
135 Traduction (légèrement modifiée) : Flobert, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1985.
136 Suet., Dom., 4, 5, 3 : Congiarium populo nummorum trecenorum ter dedit atque inter spectacula muneris largissimum epulum Septimontiali †sacrorum quidem senatui equitique panariis, plebei sportellis cum obsonio distributis initium uescendi primus fecit. « Il [Domitien] fit trois fois distribuer au peuple trois cents sesterces par tête, et lui offrit, au cours d’un spectacle, un festin des plus magnifiques, lors de la fête du Septimontium : dans cette circonstance, les vivres furent distribués aux sénateurs et aux chevaliers dans des corbeilles à pain, à la plèbe, dans de petits paniers, et ce fut lui-même qui donna le signal de manger » Traduction : Ailloud, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1964.
137 Sur cette originalité varronienne, voir Gelsomino 1975, p. 27-31. Cette valeur de toponyme dérivé des septem montes de la future Rome définie par Varron, se retrouve plus tard chez Festus (p. 424 L).
138 Seuls ont été laissés les éléments du texte mentionnant les noms des collines identifiées comme les montes du Septimontium varronien. La traduction est tirée de l’édition française de l’ouvrage de Fraschetti 1994, p. 208‑212. Sur l’étude de cette liste problématique et la bibliographie afférente, voir Carandini 1997, p. 267-279.
139 Sur les Argées et les études qui ont été consacrées à cette très ancienne procession, voir Fraschetti 1994, p. 159 n. 23 pour la bibliographie de référence. Voir aussi l’étude de Palombi 2017 avec la bibliographie plus récente sur le sujet mentionnée n. 3 p. 16.
140 Tarpin 2002, p. 186 sq.
141 Fraschetti 1994, p. 161.
142 Traduction de Collart, Paris : Les Belles Lettres (PFLUS), 1954.
143 Voir la traduction du texte dans le chapitre précédent, 2.2.1.1, supra.
144 Ensuite, tu considèreras toute forme d’organisation de la Ville : collèges, montes, pagi et vici. La lecture du texte latin proposée par Mommsen 1889, p. 130 est généralement admise. À noter toutefois la leçon retenue dans d’autres éditions : collegiorum omnium plutôt que collegiorum, montium. Ainsi dans l’édition d’Oxford de Watt 1958.
145 L’abondante bibliographie publiée sur le sujet est présentée dans Fraschetti 1994, p. 170 n. 42. On la complètera par deux ouvrages francophones ultérieurs : Cels Saint-Hilaire 1995, p. 112-122 et Tarpin 2002, p. 177-241.
146 CIL XIV, 2105 : A(ulus) Castricius Myrio/talenti f(ilius) tr(ibunus) mil(itum) praef(ectus) eq(uitum) / et classis mag(ister) colleg(iorum) / Lupercor(um) et Capitolinor(um) / et Mercurial(ium) et paga/nor(um) Aventin(ensium), XXVIvir [---]moni per plures / [---]i sortitionibus / [---]dis redemptis.
147 Palombi 2008, p. 302.
148 Waltzing 1895, p. 40.
149 Ibid., p. 41. Ce qui suppose en outre une assimilation entre collegium mercatorum et collegium Mercurialium. Or ce lien est loin d’être évident.
150 Mommsen 1889, p. 128.
151 Waltzing 1895, p. 41-42.
152 Flambard 1981, p. 143-166.
153 CIL XIV, 2105 : A(ulus) Castricius Myrio/talenti f(ilius) tr(ibunus) mil(itum) praef(ectus) eq(uitum) / et classis mag(ister) colleg(iorum) / Lupercor(um) et Capitolinor(um) / et Mercurial(ium) et paga/nor(um) Aventin(ensium), XXVIvir [---]moni per plures / [---]i sortitionibus / [---]dis redemptis.
154 Voir le texte latin et sa traduction au 2.2.1.2, supra.
155 L’analyse de J.-M. Flambard permet donc d’élargir les catégories de collèges établies par J.-P. Waltzing. Chaque catégorie se fonde sur une fonction dominante, ce qui n’exclut pas pour autant leur caractère potentiellement "hybride". Les apports de J.-M. Flambard sur ce point restent largement admis par la recherche récente sur les associations romaines. Voir ainsi Dondin-Payre – Tran 2012, p. 9-10.
156 Coarelli 1987, p. 175-187. Selon le chercheur italien, les ludi Capitolini étaient liés à la cérémonie du triomphe mais aussi, en lien avec cette cérémonie, à la vente des prisonniers de guerre dont la pratique remonterait probablement au IVe s. av. J.-C. Par ailleurs, plusieurs documents épigraphiques semblent attester l’existence d’un lien, dès l’époque républicaine, entre les marchands d’esclaves et Jupiter capitolin. À l’époque républicaine, le lien entre les Mercuriales et les Capitolini est attesté par un texte de Cicéron (Cic., ad Q. fr., 2, 5, 2 : Non praetermittam ne illud quidem : M. Furium Flaccum, equitem Romanum, hominem nequam, Capitolini et Mercuriales de collegio eiecerunt praesentem ad pedes unius cuiusque iacentem. « Je ne dois pas non plus te laisser ignorer cet incident : M. Furius Flaccus, chevalier romain, un malhonnête homme, s’est vu expulser de leurs collèges par les Capitolini et par les Mercuriales, alors qu’il assistait à la séance et se traînait aux pieds de chacun de ses confrères. » Traduction de Constans, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1963). Selon F. Coarelli, le contexte dans lequel s’intègre ce passage (l’annone confiée à Pompée en 56, les tensions liées au manque d’argent dans les caisses du trésor public et la cherté des vivres) contribue à mettre ces deux collèges, dont la raison sociale semble clairement homogène, en rapport avec les problèmes de l’annone. Il contribue également à mettre les Mercuriales en rapport avec un collège de Mercatores lié à l’annone à la fin de la République. La raison sociale des deux collèges relève donc de sphères analogues mais non identiques : le commerce lié à la vente d’esclaves pour les Capitolini et le commerce de produits communs pour les Mercuriales. Le lien entre les Capitolins et le commerce d’esclaves, et plus généralement entre les Capitolini, les Mercuriales et l’annone a été cependant contesté par Fraschetti 1994, p. 186-189.
157 Combet-Farnoux 1980, p. 286-289 a rejeté la théorie de Th. Mommsen selon laquelle les membres de cette corporation étaient tous domiciliés sur l’Aventin. Selon lui, la dénomination officielle des membres du collège rattaché au temple était celui de Mercuriales ; or le lien entre le collegium mercatorum et le collegium Mercurialium affirmé par Tite-Live (2, 27, 5) n’est pas fondé, puisque Mercurius n’était pas strictement le patron des mercatores mais la divinité qui assumait plus largement la merx, c’est-à-dire le mode d’échange mercantile. Ensuite, il affirme que l’aedes Mercurii était près des metae Murciae, c’est-à-dire près du côté courbe du circus Maximus et ne pouvait donc pas relever du territoire du pagus aventinensis. Par conséquent, « le critère du choix dans le recrutement des Mercuriales ne dépendait ni de l’appartenance à la profession marchande ni de la domiciliation ». S’il est certain que la thèse de Th. Mommsen est discutable, l’argument topographique opposé par B. Combet-Farnoux semble trop aléatoire, dans la mesure où l’on ignore de toute façon quelle fut l’emprise territoriale du pagus Aventinensis. Par ailleurs, l’absence de lien entre le collegium mercatorum et le collegium Mercurialium a été vigoureusement critiquée par Coarelli 1987, p. 175-187.
158 Merlin 1906, p. 80-91, p. 84 en particulier. Sur la plèbe telle que l’a définie l’historiographie récente depuis les travaux de Richard 1978, voir les développements dans la deuxième partie, au chapitre 1.1.
159 Fraschetti 1994, p. 185-186.
160 En ce sens, voir Palombi 2008, p. 302-304.
161 Les travaux engagés par le magister du pagus du Janicule furent en effet entrepris de pagi sententia (voir CIL I2, 1000-1001 = ILLRP 699-700).
162 Sur l’organisation de ces pagi et la bibliographie afférente, voir Fraschetti 1994, p. 168-200. Voir aussi les remarques complémentaires de Palombi 2008, p. 302 et 304.
163 L’inscription (CIL I2, 984 = VI, 30888 = ILLRP, 701) mentionnerait en effet l’organisation de ludi de la part des magistri du Caelius. Voir les remarques de Fraschetti 1994, p. 173-174 sur cette inscription ainsi que ces indications bibliographiques.
164 Ibid., p. 177-178. Les deux inscriptions (CIL I2, 1000-1001 = ILLRP 699-700) réfèrent en effet à une série de travaux réalisés probablement au siège du pagus, comprenant une culina, ainsi qu’une cella (à entendre peut-être au sens de cellier) et un autel.
165 Ibid., p. 185-186.
166 Ibid., p. 133 et sq.
167 Voir le texte latin et sa traduction au chapitre 2.2.1, supra.
168 Fraschetti 1994, p. 140.
169 Le pagus succusanus pose évidemment problème car il est généralement considéré comme inclus dans l’enceinte du pomerium. Il s’agit toutefois de la seule exception, le pagus étant en outre attesté uniquement par Varron et Festus et non par ailleurs (voir Tarpin 2002, p. 186 sq.). Toutefois, si l’on admet la thèse de Th. Mommsen selon laquelle les pagi se définissent dès l’origine par opposition à l’espace urbain, il n’est pas nécessaire de mettre en doute l’authenticité de ce pagus. Comme l’a suggéré Fraschetti 1999, p. 8-9, on peut supposer qu’il fut originellement situé à l’extérieur du pomerium de la cité primitive organisée autour du Palatin et de la Velia, et qu’il perdit son caractère extra-urbain avec l’extension de la cité. Voir également dans ce sens la récente contribution de Palombi 2008, p. 302-304. Le cas du pagus Succusanus contribuerait ainsi à éclairer les étapes du développement urbain de la cité archaïque et les formes de son organisation primitive. Il tend par ailleurs à confirmer l’existence assez tôt de pagi qui perdirent rapidement leur caractère rural, en même temps que leur caractère extra-urbain.
170 Selon Collart 1954, p. IX-X, suivi par Fraschetti 1994, p. 156, l’ouvrage de Varron peut être daté de 47-45 av. J.-C. Quant à l’inscription d’A. Castricius, elle est datée de l’époque augustéenne et serait certainement antérieure à 13 av. J.‑C. Il est en effet admis depuis les travaux de Borghesi 1865, p. 411, que Castricius exerça le vigintisévirat. Or, on sait par Dion Cassius (54, 26, 6) que le vigintisévirat, qui précédait la questure, fut remplacé à partir de 13 av. J.‑C., par le vigintivirat. Voir Chastagnol 1992, p. 58.
171 Voir le texte et sa traduction au 2.2.1.1 , supra.
172 Voir à ce propos les remarques de Fraschetti 1999.
173 Ibid.
174 Sur le rôle de Varron dans le développement de l’antiquariat à la fin de la République, voir Moatti 1997, p. 100 et passim. Sur les connaissances précises de Varron en matière de droit augural, voir Norden (1939) 1995, p. 6-9 et Fraschetti 1994, p. 161.
175 Gell., 3, 10 : M. Varro in primo librorum, qui inscribuntur hebdomades uel de imaginibus, septenarii numeri, quem Graece ἑβδομάδα appellant, uirtutes potestatesque multas uariasque dicit. « Varron dans le livre premier de ses Hebdomades ou Portraits, énumère de nombreuses et diverses propriétés et facultés du nombre sept, que les Grecs appellent ἑβδομάδα. » Traduction de Marache, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1967. La suite du texte est consacrée à la présentation des diverses significations attribuées au chiffre sept par Varron, tirées de l’astrologie et de bien d’autres domaines. Voir les commentaires du traducteur à ce sujet, n. 1 p. 165.
176 On peut formuler la même remarque à propos du Capitole, également intégré à la liste varronienne. Si la colline était bien incluse dans les murs de Rome, en revanche son statut juridico-religieux est plus discuté. Magdelain 1990, p. 206 avait en effet soutenu que l’arx du Capitole était situé en dehors du pomerium pour des raisons de droit augural. Contra Berthelet 2015, p. 163 n. 92 en particulier.
177 Fraschetti 1994, p. 160-163.
178 Moatti 2008, p. 89. La correspondance de Cicéron semble indiquer qu’en 55, Cicéron venait d’achever le De oratore qui précéda le De Republica. En 54, l’ouvrage est vraisemblablement en cours de rédaction. En 51, Cicéron part en Cilicie ou il a été nommé proconsul de la province. Sur le détail de cette chronologie voir l’édition commentée de ce texte par Bréguet, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1980, p. 7-13.
179 Et non avril 51 comme le suggère Gelsomino 1975, p. 35.
180 Gelsomino 1975, p. 35 récemment suivi par Palombi 2006, p. 25.
181 Collart 1954, p. II.
182 Kardos 1998, p. 31.
183 Palombi 2006, p. 22-29.
184 Sur cette véritable révolution intellectuelle que connaît la Rome du Ier s. av. J.-C., voir Moatti 1997.
185 Ead., p. 118-121.
186 Selon Fraschetti 1994, p. 160-161, le rôle subversif des pagani et des montani fut en effet sans comparaison avec celui joué par les vicinitates.
187 Sur le lien entre cette fondation et la situation extra-pomériale de l’Aventin, voir le chapitre 3.1.2.1 supra.
188 Ainsi dans les explications proposées par d’autres antiquaires du Ier s. av. J.-C. évoquées par Sénèque (dial., 10, 13, 8) et Aulu-Gelle (13, 14, 4-7). Voir à ce propos les développements du chapitre 3 de cette partie, en particulier au 3.1.5, infra.
189 Fraschetti 1994, p.160-163.
190 Fest., p. 424 L : Sacrani appellati sunt Reate orti, qui ex Septimontio Ligures Siculosque exegerunt ; nam vere sacro nati erant. Dans cette notice, le grammairien indique que les Sacrani, originaires de Réate, auraient chassé les Ligures et les Sicules du Septimontium.
191 Fraschetti 1994, p. 163 ; 1996, p. 287 et Palombi 2006, p. 22.
192 Palombi 2006, p. 25-27.
193 Crawford 1974, RRC n° 494/2 a-b.
194 C’est ce que semblent confirmer les récents travaux de Laignoux 2011, p. 5 qui a relevé en outre un certain nombre de similitudes dans les programmes iconographiques des monnaies à l’effigie des triumvirs.
195 Fraschetti 1994, p. 163 ; Id. 1996, p. 287.
196 Palombi 2006, p. 22-23.
197 Martin 1985, p. 664-669.
198 Palombi 2006.
199 Gelsomino 1975, p. 57-59 et Palombi 2006. Il faut noter que Tite-Live est le seul à ne pas exploiter ce thème. Un tel silence pourrait refléter le scepticisme de certains érudits, notamment Antistius Labeo et peut-être certains cercles intellectuels anti-augustéens, représentés notamment par des personnages tels que Trogue Pompée (Gelsomino 1975, p. 74-83).
200 Bretone 1982, p. 129.
201 Servius (Aen., 6, 783) évoque dans ce passage les débats que suscite cette liste :
SEPTEMQUE UNA SIBI MURO CIRCUMDABIT ARCES BENE URBEM ROMAM DICIT SEPTEM INCLUISSE MONTES. Et medium tenuit : nam grandis est inde dubatio. Et alii dicunt breues septem colliculos a Romulo inclusos, qui tamen aliis nominibus appellabantur. Alii volunt hos ipsos, qui nunc sunt, a Romulo inclusos, id est Palatinum, Quirinalem, Auentinum, Caelium, Viminalem, Esquilinum, Ianucularem. Alii uero uolunt hos quidem fuisse, aliis tamen nominibus appellatos : quae mutata sunt postea, ut de multis locis et fluminibus legimus, ut : ‟saepius et nomen posuit Saturnia tellus”. « SEPT COLLINES QUE LE FONDATEUR ENTOURA D’UNE SEULE ENCEINTE, veut bien dire que l’Vrbs de Rome incluait sept montes. Et sur ce point, on ne peut prendre parti, car il y a une grande incertitude à ce sujet. Les uns disent que Romulus a entouré sept petites collines, mais qu’elles avaient des noms différents. D’autres veulent qu’il ait entouré ces mêmes collines qui existent aujourd’hui, c’est-à-dire le Palatin, le Quirinal, l’Aventin, le Caelius, le Viminal, l’Esquilin et le Janicule. Pour d’autres, il s’agit des mêmes collines mais elles avaient des noms différents : elles auraient changé de nom par la suite, ainsi qu’on le lit pour de nombreux sites et de nombreux fleuves, comme dans : “et bien souvent la terre de Saturne perdit son nomˮ. » Traduction d’après Jeunet-Mancy, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 2012.202 Voir le développement des arguments sur cette question dans Prim 2017, p. 88-91.
203 Pour la bibliographie des représentations iconographiques de Rome, voir Palombi 2006, n. 61 p. 25.
204 Robinson – Weinberg 1974, p. 470-484.
205 Ainsi Andreussi 1993b, p. 148.
206 En ce sens, Palombi 2006, p. 27.
207 Martin 1983, p. 11-15.
208 Palombi 2006, p. 29.
209 Traduction de Boulogne, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 2002.
210 Gelsomini 1975, p. 62-73.
211 Vib. Seq., geogr., 225, 1 : Aventinus, Romae unus ex septem montibus.
212 Sur ces questions, voir la synthèse proposée par Fraschetti 1999, p. 190-200 et la bibliographie concernant ces débats dans Fraschetti 1994, n. 72 p. 190.
213 Sur ce point, voir les observations de Nicolet 1996, p. 201 sq., reprises et développées par Fraschetti 1994, p. 185-192 ; 1999, p. 195.
214 Non., 62 L = Varr., De vita populi Romani, frg. 104 – Riposati 1972 : [Servius Tullius] extra urbem in regiones XXVI agros viritim liberis adtribuit.
215 Nicolet 1996, p. 201 et sq.
216 Fraschetti 1999, p. 195.
217 Nicolet 1985, p. 799-839.
218 Palombi 1999a.
219 Ibid., p. 196. Il faut noter par ailleurs la thèse de Pailler 1985, p. 785-797 qui suggère que le système des tribus dites « serviennes » aurait déjà été remanié au début du IIe s. av. J.-C., en tenant compte de l’expansion de l’habitat au-delà du Tibre. C’est notamment en lien avec la lutte contre les bacchanales qu’une cinquième région située ultra Tiberim, ancêtre de la quatorzième région augustéenne, aurait été créée.
220 Cependant, le caractère personnel que revêt la tribu à la fin de la République permet de supposer que certains habitants de l’Aventin pouvaient être rattachés par leur onomastique à l’une de ces tribus. Voir Nicolet 1985, p. 799-839.
221 Sur ce point, voir les développements du chapitre 2.1.3, supra.
222 Fraschetti 1999, p. 9 remarque en effet qu’il n’y a plus de trace des pagani après la réforme d’Auguste.
223 La définition des confins des régions périphériques est difficile à établir, en raison du caractère « fluide » des continentia aedifica entendues au sens strictement territorial et administratif (voir Palombi 1999b, p. 199). C’est ce qui a conduit Castagnoli 1980a à conceptualiser ces régions externes comme des espaces territorialement ouverts.
224 Sur ce point, voir Bert Lott 2004.
225 On renverra ici à la bibliographie de référence proposée par Fraschetti 1999, p. 197-199.
226 Palombi 1999b, p. 199-204.
227 À titre d’exemple, on peut mentionner les transformations monumentales réalisées à l’époque flavienne dans la zone du Colisée, qui entraînèrent sans doute une réélaboration des frontières entre les régions II et III, comme l’avait déjà noté Homo 1971, p. 108. Sur ces transformations et leur incidence sur l’organisation du réseau de voirie, voir Palombi 1997, p. 33-43 et fig. 51-52. De la même façon, les aménagements liés à la construction du forum de Trajan, probablement engagés dès l’époque de Domitien en vue de construire un nymphée monumental dans ce secteur (voir Meneghini – Santangeli Valenzani 2007, p. 81-114), ont certainement modifié les confins augustéens des régions VI et VIII. À l’époque d’Auguste, ces confins pouvaient suivre soit le clivus Argentarius, soit le tracé de la muraille républicaine, soit l’axe de l’Argiletum (voir Palombi 1999b, p. 202).
228 Sur ce point l’ensemble des restitutions des limites des quatorze régions semblent s’accorder. Voir Palombi 1999b, pl. V ; Carandini – Carafa 2012, II, pl. V. Les divergences portent plutôt sur le tracé des confins septentrionaux de la Regio XIII et la définition des limites externes des regiones.
229 Palombi 1999b, p. 201.
230 Ibid., p. 202.
231 Ibid., p. 201.
232 CIL XV 7188 ; CIL VI, 2229 (p 3827) = CIL VI, 32453 = AE 2007 ; ZPE 164-246 = AE 2008, 241 ; CIL VI, 40323 = CIL VI, 899 = CIL VI, 39207 = AE, 1949, 176 ; CIL VI, 39207 = NSA 1914, 223.
233 Palombi 1999b, p. 201.
234 Gros 1996, p. 26.
235 Sur ce point, voir le chapitre 2.1.3, supra.
236 Carandini 1990, p.159-165 ; 2000, p. 1-18. Une récente mise au point sur l’interprétation de ces découvertes a été proposée dans Carandini 2006, p. 235-236, p. 427 et fig. 18 p. 516-517 pour la restitution du tracé de l’enceinte.
237 Pour la restitution cartographique du pomerium romuléen, voir Perrin 2001, p. 221.
Tac., ann., 12, 24 : Igitur a foro boario, ubi aereum tauri simulacrum aspicimus, quia id genus animalium aratro subditur, sulcus designandi oppidi coeptus ut magnam Herculis aram amplecteretur; inde certis spatiis interiecti lapides per ima montis Palatini ad aram Consi, mox curias veteres, tum ad sacellum Larund<a>e. Donc le marché aux bœufs, où nous voyons aujourd’hui la représentation en bronze d’un taureau, parce que les animaux de cette race sont attelés à la charrue, marqua le début du sillon destiné à délimiter la cité, de manière à embrasser le grand autel d’Hercule ; à partir de là, des pierres furent posées à intervalle déterminé, en suivant le pied du mont Palatin jusqu’à l’autel de Consus, puis jusqu’aux anciennes curies, ensuite jusqu’à la chapelle de Larunda. Texte et traduction de Hellegouarc’h, Paris : Les Belles Lettres (CUF), 1994. La lecture adoptée pour le texte latin, qui a été mal conservé, est débattue : selon les éditions, le dernier point de jalonnement du pomerium de Romulus serait soit le sanctuaire des Lares (sacellum Larum), soit le sanctuaire de Larunda (sacellum Larundae), mère des Lares. La première lecture est suivie par Magdelain 1990, p. 162 et Castagnoli 1979, p. 343-344. Contra Coarelli 1986, p. 270 qui juge préférable de développer le sacellumlarunde donné par le manuscrit du Codex Mediceus en sacellum Larundae. Cette lecture est également préférée par Carandini 2006, p. 234.
238 Conformément à l’étymologie du terme, post-moerium. Magdelain 1990, p. 155-191. Voir notamment p. 162 et sq.
239 Carandini 2006, p. 425-426. Ce dernier se base sur les murs de la cité romuléenne qu’il a lui-même identifiés. Voir la bibliographie antérieure sur les murs dans Carandini 1997, p. 578-580.
240 Sur l’importance du contexte claudien pour la lecture du texte de Tacite, voir les remarques de Syme 1958, p. 705.
241 Coarelli 2009a, p. 301-302.
242 Coarelli 1997a, p. 131-133.
243 Briquel 2000, p. 66-69.
244 L’édification de cette enceinte fut probablement accompagnée d’un processus rituel, comme en témoigne la découverte, sous le seuil d’une porte de la muraille, d’un dépôt d’objets analogues à ceux que l’on trouve dans les tombes, suggérant la présence d’une sépulture liée à un sacrifice de fondation. Voir Carandini – Carafa 2000.
245 Coarelli 1993, p. 143. Cet auguratorium est mentionné dans les Catalogues Régionnaires (Nordh 1949 – Reg. X, p. 89, 14), les Mirabilia (Caesareus – Valentini – Zucchetti 1946) et une inscription d’Hadrien datée de 138 apr. J.-C. (CIL VI 976).
246 Sur ce point, voir le chapitre 2.3.2, infra.
247 Une telle attribution se trouve également dans le papyrus dit “servien” (POxy. 2008). Cependant, l’authenticité de ce document est très discutée. Sur ce point voir Fraschetti 1994, p. 169.
248 Ce qui pourrait laisser supposer que Servius Tullius ne fit que compléter et unifier les premières structures défensives réalisées par Ancus Marcius. La tradition laisse par ailleurs supposer qu’une telle entreprise d’unification pourrait avoir été engagée déjà par Tarquin l’Ancien (D.H., 3, 67, 4 ; Ps. Aur. Vict., vir ill., 6, 8 ; Eutr., 1, 6 ; Hier., Chron., p. 99 a – ed Helm.) et poursuivie par Tarquin le Superbe (Plin., nat., 3, 67). Sur ce point, voir Ridley 1975, p. 147-177.
249 Sur l’importance et le rayonnement de Rome pendant la royauté étrusque, voir Cristofani 1990, ainsi que Coarelli 1995f, p. 19-22 et Briquel 2000, p. 117-120.
250 Ainsi Lanciani 1871, p. 40-85 attribue la réalisation de ces vestiges à la muraille de Servius Tullius.
251 À l’origine de ce courant, Richter 1901, p. 41-43. Voir Andreussi 1996d, p. 319-320, qui rappelle les différents arguments opposés par le courant hypercritique à une datation des vestiges de muraille au VIe s. av. J.-C. Parmi ceux-ci, est évoqué le fait que cette thèse induirait une extension de la ville trop importante pour la période archaïque. Néanmoins, cette appréhension de la Rome étrusque a été remise en cause par les travaux sur la « grande Rome des Tarquins ». Voir notamment le catalogue de l’exposition éponyme de Cristofani 1990 et les récentes remarques de Coarelli 2000, p. 292. Un autre argument opposé par le courant hypercritique concerne l’existence d’une tradition selon laquelle Rome était dépourvue de protection au moment de l’invasion gauloise (en particulier lorsque les sources indiquent, à propos de l’invasion gauloise, que la cité aurait été laissée « sans défense » à l’ennemi – Liv., 5, 39, 2-3). Toutefois, la lecture de cette tradition pose problème. Comme l’ont noté Grimal 1959, p. 52-53 et Le Gall 1959, p. 46-47, les sources parlent de murailles dégarnies et de portes ouvertes, ce qui ne signifie pas l’absence complète de fortifications, mais l’impossibilité de les défendre pour le faible nombre de soldats demeurés à Rome après le désastre de l’Allia. De plus, comme le relève Andreussi 1996d, p. 319, les sources anciennes se réfèrent avec une certaine régularité à l’existence de murs aux VIe et Ve siècles. Enfin, on a opposé à l’existence de cette muraille la découverte présumée sous le mur, en trois endroits, de tombes à fosses datables du IVe siècle av. J.-C. : au largo Magnanapoli, près de l’église S. Antonio et enfin via G. Lanza. Sur ce point, voir Pinza 1897, p. 256-261 et Carter 1909, p. 129-141.
252 Frank 1924.
253 Ainsi la citerne du Germal (voir en dernier lieu Borrello – Colazingari 1998 ; Cifani 2008, p. 316-318), la phase archaïque de la Regia sur le forum Romanum (voir Coarelli 1986, n. 42 p. 68 ; Cifani 2008, p. 126-127) ou encore les fondations du temple de Jupiter Optimus Maximus (voir en dernier lieu Tagliamonte 1996, p. 147 ; Cifani 2008, p. 80-109).
254 Van Deman 1912.
255 Säflund 1932.
256 Ibid., p. 129-132. Le chercheur appuie cette analyse technique des murs à partir de l’exemple du tronçon d’enceinte repéré sur le Quirinal, entre la via Carducci et la via Piemonte : il y a observé la présence d’un blocage placé en dessous des blocs de cappellaccio (voir la description précise de la structure des murs, ibid. p. 77-81) ; la séquence chronologique que l’on peut déduire de cette structure démontrerait un emploi tardif du cappellaccio, après le tuf de Grotta Oscura. Selon Coarelli 1995f, p. 15, une telle structure s’expliquerait plus vraisemblablement par un renforcement des maçonneries inférieures d’un tronçon en cappellaccio qui menaçait de s’effondrer. Cette restauration fut réalisée à la fin de la République, en même temps qu’un grand nombre de remaniements réalisés sur le mur. Il faut noter également que le tronçon de mur de la via Carducci repose sur des maçonneries modernes, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles soient antérieures au cappellaccio.
257 Lugli 1933, p. 3-45.
258 Voir Lugli 1957, p. 248.
259 Sur les fortifications des grandes cités d’Italie centrale et méridionale, voir Gros 1996.
260 L’argument est repris par Grimal 1959, Le Gall 1991, p. 47, Coarelli 1995f et Gros 1996.
261 Gjerstad 1954, p. 50-65.
262 Cifani 2013, p. 205.
263 Sur les principales tendances qui s’opposent aujourd’hui sur le sujet, voir Cifani 1998, p. 361 ; 2008, p. 25-73 et 2013, p. 205. De nombreux chercheurs admettent l’existence d’une fortification unitaire, au moins pour la fin de la période royale, d’après une étude comparative des techniques de construction dans le Latium et le contexte socio-économique de la Rome du VIe siècle, éclairé par de récentes découvertes archéologiques. D’autres en revanche, objectent différents arguments sur la qualité des données utilisées en faveur d’une telle hypothèse.
264 Descemet 1863, p. 62-72 ; Rossi 1855, p. 16-26.
265 Quoniam 1947, p. 41-64.
266 Selon Coarelli 1995f, p. 16-17, cette chronologie est également confirmée par la lecture des structures de maçonnerie que l’on peut faire du tronçon de la via di Porta S. Paolo.
267 D’autres vestiges de murs pouvant être datés de l’époque archaïque ont été identifiés sur l’Aventin. Pour un recensement récent et complet de ces vestiges, voir Cifani 2008, p. 59-61. Le chercheur rappelle par ailleurs que l’élaboration d’un système défensif de la cité centré sur les quatre régions urbaines, mais incluant également la zone extra-pomériale de l’Aventin, cadrerait parfaitement avec le contexte de réformes militaires de l’époque servienne (Cifani 2013, p. 205).
268 Quaranta 2017, p. 34-37.
269 En ce sens Coarelli 1995f, p. 16 qui soutient que la muraille du IVe siècle a simplement repris et renforcé le tracé de l’enceinte royale.
270 Pour la restitution de son tracé, voir Carandini – Carafa 2012, vol. 2 pl. Ib.
271 Ces traces sont particulièrement visibles sur la portion de la muraille du IVe siècle conservée piazza dei Cinquecento. Sur ce point voir Lugli 1933, p. 126-128 ; Säflund 1932, p. 123 ; Aurigemma 1964, p. 24 ; et en dernier lieu Barbera 2008, p. 22-23. Coarelli 1995f, p. 23-24 a suggéré que ces traces de raccord pourraient indiquer que chaque chantier devait permettre de réaliser une portion de mur d’une longueur de 36 m. Or cette mesure évoque le plèthre, mentionné par Diodore de Sicile comme mesure de référence pour une équipe de deux cents ouvriers, à propos de la fortification des Épipoles de Syracuse, construite en 402 sous l’impulsion de Denys l’Ancien. Ces éléments pourraient ainsi confirmer la thèse de Säflund 1932, p. 123 à propos de l’emploi, pour la construction de l’enceinte romaine, d’ouvriers grecs venus de Syracuse, où venait d’être érigée la forteresse des Épipoles. Le chercheur suédois avait émis cette hypothèse à partir de l’étude des marques de carrière gravées sur les blocs de tuf de Grotta Oscura employés dans la muraille, qui pourraient appartenir à l’alphabet grec (Ibid., p. 104-114).
272 Comme l’a reconnu Säflund 1932, p. 231 d’après les structures de l’agger conservées piazza dei Cinquecento qui attestent l’ancienneté de ce système. La datation servienne de l’agger a été confirmée par l’étude de Gjerstad 1951, p. 53, réalisée à partir des sondages, dessins et photos faits en 1907 par Giacomo Boni. Selon Coarelli 1995f, p. 13, Gjerstad a vraisemblablement forcé les données acquises par Giacomo Boni pour les faire coïncider avec la tradition. Cependant, les observations de l’archéologue conduisent bien à la conclusion que les deux strates les plus anciennes (sur les cinq observées) appartiennent effectivement à deux phases distinctes et rien n’empêche de les attribuer respectivement à l’époque royale et à l’époque républicaine. Voir aussi les récentes mises à jour sur l’étude de cette portion de muraille proposées par Menghi 2008.
273 Pour une restitution schématique de l’ensemble, voir Coarelli 1995f, p. 24 ; Carandini – Carafa 2012, pl. IV (vol. 2). Les dimensions du fossé ne correspondent pas à celles transmises par Denys d’Halicarnasse (110 x 30 pieds = 30 x 9 m). Selon Coarelli ibid., les dimensions transmises par l’historien grec (9, 68, 2-3) pourraient être tirées d’une source antérieure aux travaux de renforcement des murs réalisés pendant les guerres civiles, qui inclurent aussi un élargissement du fossé. Sur ce point, voir aussi Menghi 2008.
274 Sur l’antériorité du mur de soutènement en cappellaccio par rapport au mur externe en tuf de Grotta Oscura, démontrant une nouvelle fois la diachronie dans l’usage de ces deux matériaux, voir Coarelli 1995f, p. 17.
275 Les sources attestent le rôle militaire que la muraille joua en d’autres occasions, sans préciser si ces incidents nécessitèrent toujours des réaménagements ou des restaurations de la muraille. Il y eut vraisemblablement une restauration de l’enceinte dès 353 av. J.-C., après la trêve avec les Cérites (Liv., 7, 20, 9). À moins qu’il ne s’agisse d’une des dernières phases de construction de la muraille, entreprise après le sac de Rome par les Gaulois, en 378. Auquel cas, les sources ne mentionnent pas de remaniements de la muraille pour des motifs militaires avant les guerres puniques. Il faut noter, par ailleurs, que bon nombre de restaurations de l’enceinte furent liées aux dommages provoqués par divers phénomènes naturels survenus aux IIIe et IIe siècles av. J.-C. Sur ces différents points voir Andreussi 1996d, p. 320-321 et Le Gall 1959, p. 43-44 et p. 47.
276 L’expression renvoie à l’article de Frézouls 1987, p. 373-392 qui traite la question de l’expansion urbaine de Rome au-delà des murs, depuis l’époque augustéenne jusqu’à la réalisation des fortifications du IIIe s. apr. J.‑C.
277 Laquelle ne disparaît pas pour autant, comme l’attestent de nombreux témoignages archéologiques et littéraires. Sur les témoignages littéraires, voir Le Gall 1959, p. 45-46. Toutefois, on ne peut suivre le chercheur français lorsqu’il affirme qu’aucune habitation ne vint s’appuyer à la muraille républicaine avant la fin du Ier s. apr. J.-C. Les vestiges identifiés sur l’Aventin, sous l’église S. Sabina, prouvent que la muraille avait perdu sa fonction défensive en certains points de son parcours dès le IIe s. av. J.-C. En ce sens, voir Coarelli 2008b, p. 456. Sur les vestiges antiques observés sous l’église S. Sabina, et plus particulièrement les murs et les structures d’habitations qui vinrent s’y adosser, voir Darsy 1968, p. 23.
278 Sur ce point voir dans cette partie le chapitre 3.2, infra.
279 On a proposé d’identifier quelques éléments en tuf de Grotta Oscura dans les fondations de l’abside de l’église dei Santi Quattro Coronati. Probablement pas observés in situ, ces éléments sont désormais impossibles à repérer. Voir Colini 1944, p. 33-34.
280 Säflund 1932, p. 32-33 (Av. g-i et k).
281 Ibid., p. 33-34 (Av. k) et Picozzi – Santoro 1973, p. 26-27.
282 Säflund 1932, p. 242.
283 Taviani 2002, p. 198.
284 Des portions de mur ont été par ailleurs observées en différentes occasions entre les vestiges exhumés parmi les bâtisses de l’hospice S. Margherita et les tronçons d’enceinte de la piazza Albania. Leur correspondance avec les murs de la ville demeure toutefois très incertaine, comme le notait Säflund 1932, p. 31-32 (Av. f). Aucun élément n’a permis depuis de clarifier cette interprétation.
285 Picozzi – Santoro 1973, p. 27-28.
286 Ibid.
287 Ibid. et Säflund 1932, p. 26-31 (Av. e).
288 Säflund 1932, p. 242.
289 Ibid., p. 243 et sq.
290 Quoniam 1947, p. 62 suivi par Coarelli 1995f, p. 37 et Cifani 1998, p. 373.
291 Picozzi – Santoro 1973, p. 28-29 ; Säflund 1932, p. 22-26 (Av. d.)
292 Säflund 1932, p. 242 ; Lugli 1957, p. 264. Ce dernier suggère toutefois que le mur puisse remonter à une date antérieure à l’époque de Sylla.
293 Picozzi – Santoro 1973, p. 29 ; Coarelli 1995f, p. 37.
294 Picozzi – Santoro, ibid. et Säflund 1932, p. 19-22 (Av. c).
295 Lugli 1957, p. 264. Cependant, Säflund 1932, p. 125 propose de dater le terre-plein du IVe s. av. J.‑C. Il serait ainsi contemporain de l’agger du Viminal.
296 Quaranta 2017, p. 34-37.
297 Sur les discussions induites par cette découverte à propos de l’inclusion de l’Aventin dans le système défensif de la Ville au VIe s. av. J.-C., voir les remarques dans cette partie au chapitre 2.3.2, supra.
298 Quaranta 2017, p. 37-38 pour la bibliographie afférente et la description de ces structures.
299 Ead., p. 38 et sq.
300 Lanciani (1893) 1988, pl. 40.
301 Voir les développements sur les portes au 2.3.3.2.2, infra.
302 Säflund 1932, p. 19 (Av. b) ; Coarelli 1995f, p. 37.
303 Säflund, ibid.
304 Picozzi – Santoro 1973, p. 30-31 ; Quoniam 1947, p. 41-64 et Darsy 1968, p. 21. À noter que l’analyse de ces murs par Säflund 1932, p. 17-19 (Av. a) n’est pas très développée. Lorsque celui-ci entreprit son ouvrage sur les murs de Rome, la connaissance des tronçons du secteur de S. Sabina se limitait aux observations succinctes des fouilles de la seconde moitié du XIXe siècle (De Rossi 1855 ; Descemet 1863).
305 Quoniam 1947, fig. 1-4 et pl. II.
306 Ibid., p. 47 et sq.
307 Darsy 1968, p. 21 indique cependant que l’on ne peut faire remonter la chronologie de la muraille à l’époque royale, malgré les arguments avancés par Lugli 1933, p. 3, repris et développés par Quoniam 1947. Toutefois, le Révérend Père Darsy ne donne aucun élément plus précis sur les techniques de construction des murs, et l’argument selon lequel on n’a pas trouvé de monuments remontant à cette période sur la colline ne semble pas suffisant. Les sources littéraires attestent bien une forme d’urbanisation, monumentale et publique à tout le moins, dès la période royale.
308 Celles-ci sont résumées dans Coarelli 1992b, p. 13-16 qui mentionne la bibliographie afférente.
309 Ibid. En ce sens également, voir Cifani 2008, p. 63-66 et n. 15 pour la bibliographie.
310 Si le parcours exact de la muraille dans ce secteur reste cependant discuté (voir Carandini – Carafa 2012, pl. Ib, vol. 2), l’existence d’une fortification entre l’Aventin et le Capitole est aujourd’hui largement admise.
311 Gjerstad 1967, p. 149-161, en particulier p. 159 sq.
312 Coarelli 1995f, p. 26.
313 Traduction française de Collart, Paris : Les Belles Lettres (PFLUS), 1954.
314 Pour le IVe s. av. J.-C., Säflund 1932 a suggéré que l’on avait eu recours au système du linteau monolithique, ou bien des deux blocs creusés en demi-cercle et accolés pour former une arcade. Cette technique était souvent utilisée dans l’architecture sicilienne de l’époque classique. Selon Gros 1996, p. 30, les plus anciens exemples de voûtes clavées sur les portes urbaines ne sont pas antérieurs au IIIe s. en Italie centrale, tandis que les fornices à arcade observés en Italie méridionale (la Porta Rosa à Velia ou la porte dite de la Sirène à Paestum) restent difficiles à dater.
315 Coarelli 1996f, p. 325.
316 Säflund 1932, p. 199.
317 Selon Coarelli 1995f, p. 18 le fait que la tradition indique l’existence de la porta Capena, ainsi que celle d’autres portes, bien avant le IVe s. av. J.-C., pourrait confirmer la thèse d’une enceinte archaïque.
318 Coarelli 1996f, p. 325.
319 Sur la via Appia, voir en dernier lieu Patterson 1999a.
320 Le nom étrusque de la porte, que l’on peut reconstruire en Capu(e)na, émergerait dès lors de la présence classique du suffixe en –na et de l’absence de la sonorisation de la labiale sourde : le B n’existe pas en étrusque. Voir Coarelli 1995f, p. 19.
321 Elle figurerait dans le passage mutilé du texte. Coarelli 1996g, p. 329-330 le déduit de la mention du sanctuaire voisin de Tutilina.
322 Voir le chapitre précédent sur la muraille républicaine.
323 Coarelli 1996g, p. 329.
324 Säflund 1932, p. 199 suivi par Richardson 1992, p. 305.
325 Patterson 1999a.
326 Pour le détail de cette légende et sa lecture symbolique, voir les analyses différentes de Pairault-Massa 1990 et Néraudau 1989 repris et développé par Guillaumin 2008, p. 163-171.
327 Richardson 1992, p. 308.
328 Ibid.
329 Voir Lanciani (1893) 1988, pl. 40, qui rattache cependant ces vestiges à la porta Navalis. Pour une localisation de la porta Lavernalis à cet endroit voir Richardson 1992, p. 304 et Coarelli 1996g, p. 329. Sur la porta Navalis, voir les remarques infra.
330 Quaranta 2017, p. 39-40.
331 Ainsi Steinby 1996, p. 188, considère que le Pseudo-Acron mentionne plus probablement un site consacré à la déesse différent de celui de l’Aventin. Sur la localisation du lucus Laverna et de la porta Lavernalis dans la partie nord de la Ville, voir Platner – Ashby 1929, p. 409 ; Säflund 1932, p. 198 et Richardson 1992, p. 304.
332 Cette localisation correspond à celle qui apparaît dans Lanciani (1893) 1988, pl. 34.
333 Lyngby 1959, p. 61-66.
334 Selon la restitution des limites des quatorze regiones augustéennes proposée par Palombi 1999b, pl. V (hors texte), la frontière entre la Regio XI et la Regio XIII se situe à peu près au niveau de l’actuelle via della Greca. Ce qui exclut effectivement la thèse de Lanciani (1893) 1988, pl. 34, qui place la porta Trigemina entre le Tibre et les pentes occidentales de la colline, à hauteur de l’église S. Sabina, soit dans la Regio XIII.
335 Coarelli 1992b, p. 25-52 ; p. 402-405 et 1996h, p. 332-333 suivi par Richardson 1992, p. 310.
336 Richardson 1992, p. 310.
337 E. Schulze et M. Pfanner suivis par Coarelli 1996h, p. 333.
338 Scheid 2004, p. 56-58.
339 Sur ce tronçon ancien désigné comme la via portae Trigeminae par Lanciani (1893) 1988, pl. 34, et sur son importance pour le trafic commercial depuis Ostie vers l’ancien port fluvial de Rome, voir Patterson 1999b.
340 L’hypothèse se base sur un fragment du plan de marbre, dont on n’a conservé pour l’essentiel qu’une copie mentionnant l’inscription NAVALEMFER, et qu’Hülsen a proposé de restituer par Navalia inferiora. Voir Coarelli 1996j, p. 340.
341 Lanciani (1893) 1988, pl. 40.
342 Dans ce sens également, Richardson 1992, p. 305. Contra, Säflund 1932, p. 208 qui la décrit plutôt comme une porte monumentale située dans l’enceinte des Navalia.
343 Coarelli 1992b, p. 52-54 et 1996j, p. 339-340.
344 Coarelli 1996g, p. 330.
345 Le monument portait une inscription (CIL VI, 878) identique à celle de l’arc proche du pons Aemilius mentionné par certains auteurs de la renaissance.
346 Cozza – Tucci 2006, p. 175.
347 Voir les développements dans la partie 2, au 2.2.2.2.
348 L’expression est empruntée à Bresson 2005, p. 96-97 qui désigne ainsi le premier échelon de connectivité. Sur cette notion de connectivité, voir les travaux de Horden – Purcell 2000.
349 Dans le cas de Rome, on peut en effet envisager l’existence de plusieurs niveaux de connectivité concomitants, comme le laissent supposer certains travaux insistant sur la présence très ancienne, sans doute antérieure à la fondation de la cité, de marchands originaires de Phénicie et de Grèce sur le site de la future Rome.
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