Conclusion
p. 645-654
Texte intégral
Vaut‑il la peine de raconter depuis les origines de Rome l’ensemble de l’histoire romaine ? Je n’en suis pas très sûr, et si je l’étais, je n’oserais le prétendre. C’est que mon sujet me semble vieux et surtout rebattu1.
1À plus de vingt siècles de distance, et avec moins de légitimité que Tite‑Live, il est possible de répéter cette question à l’issue de ce parcours au sein de la Rome des Ve et IVe siècles, tant cette affirmation demeure d’actualité. Étudier les tribuns de la plèbe à cette époque suppose d’accepter nombre de contraintes liées aux sources et de se satisfaire de résultats souvent hypothétiques. J’ai tout de même souhaité, après bien d’autres, tenter de mieux comprendre ces personnages ainsi que leur rôle dans les évolutions de la République romaine car, s’il n’est pas possible d’arriver à des conclusions assurées dans tous les domaines, quelques grandes tendances se laissent percevoir. Quoique le Ve siècle puisse paraître un nadir de l’histoire de Rome, il n’en correspondit pas moins à un impressionnant bouillonnement institutionnel et politique qui démontre à quel point la haute République fut une période de bricolage institutionnel et d’accumulation primitive d’expériences politiques permettant l’éclosion, à la fin du IVe siècle, de la République dite classique2. Les tribuns de la plèbe prirent place dans ce cadre et en furent parmi les principaux artisans.
2Les tribuns de la plèbe donc, ce qui revient à dire : non la plèbe, non le tribunat de la plèbe, mais bien les hommes qui occupèrent et incarnèrent cette fonction singulière du système politique républicain romain. S’il n’est pas toujours aisé de se conformer à la ligne de partage entre ces trois aspects, cette précision permet cependant de rappeler le périmètre et le pourquoi de ce livre. En effet, bien qu’ayant dû, à de multiples reprises, m’attacher à la question de la plèbe ou du tribunat de la plèbe comme fonction, voire du patriciat, je n’en ai pas moins tâché de me concentrer sur les seuls tribuns, afin d’assurer à l’ouvrage son unité conceptuelle. C’est en outre uniquement en le maintenant dans de semblables limites qu’il pouvait conserver sa pertinence, puisque la nécessité d’une telle recherche répond à un double constat : d’une part, une étude exhaustive des tribuns de la plèbe pour la période la plus ancienne de leur histoire n’avait pas été entreprise depuis G. Niccolini, dans les années 19303 et, d’autre part, la plèbe ou le tribunat retinrent davantage l’attention que les tribuns proprement dit. Cette étude voudrait avoir comblé ce manque, à partir d’une double perspective : prosopographique et historiographique.
3La prosopographie rend possible, dans un premier temps, de préciser les caractéristiques sociales des tribuns de la plèbe. Cela s’est fait à travers une approche contextualiste des tribuns, par laquelle j’ai essayer de réintégrer l’étude prosopographique dans une dimension interprétative plus ample, fondée sur des analyses onomastiques et des dépouillements épigraphiques étendus à l’échelon gentilice. Il s’est agi, ce faisant, de réinsérer ces lignages dans le contexte de la société romaine des deux premiers siècles de la République en posant les questions suivantes : un milieu social proprement tribunitien pouvait‑il être décelé ? Ces lignées étaient‑elles sans lien aucun entre elles ? Présentaient‑elles des profils quelques peu ressemblants ? Répondre à ces questions a permis d’établir ce qui n’avait souvent été que pressenti. Les tribuns appartenaient à des familles dont l’origine était généralement étrangère et ils ne relevaient nullement de la plebs sordida. Ce constat permet de rappeler que la plèbe romaine, au début de la République, formait un corps social varié. À l’image du Tiers état d’Ancien Régime, elle recouvrait des réalités socio‑économiques contrastées, celles d’un groupe hétérogène tant dans sa sociologie que dans ses choix politiques. Elle s’est créée par amalgame progressif de populations diverses – sans que cela entrainât jamais des conceptualisations à caractère ethnique – avant de prendre conscience d’elle‑même, et d’accéder à une forme d’aperception de son existence comme entité politique possible à partir du début du Ve siècle, dans le cadre des conflits politiques de cette époque. Des gentes plébéiennes existaient durant le premier âge républicain, ce qui va à l’encontre des reconstructions historiographiques antiques.
4En effet, l’annalistique eut plutôt tendance à jouer de l’extraction supposée modeste des tribuns de la plèbe pour élaborer un modèle interprétatif de leur action qui les transforme en des personnages turbulents et séditieux, uniquement préoccupés de leur intérêt à court terme. Il convenait de remettre en perspective ces présupposés historiographiques, pour autoriser une redéfinition sociale et politique de ces personnages, ainsi que de leur dynamique historique. Ils s’inscrivirent dans les grands mouvements de mobilité de personnes qui affectèrent l’Italie centrale durant la période archaïque et sous la haute République. Là se trouve leur origine, là se trouve aussi une part de l’explication de leur progressive opposition au patriciat. Cette étude des tribuns est donc venue compléter les intuitions de travaux précédents en démontrant la complexité des recompositions sociales et aristocratiques en cours au début de la République, ce dont témoignent exemplairement les divisions du Sénat au moment du procès de Coriolan4. C’est dire si l’étude prosopographique ne saurait être réduite à la condition ancillaire d’une démarche dont elle constitue le fondement. Elle permet, en paraphrasant Goethe, une sorte de palingénésie transformant la poussière de l’histoire en une plante vivante5.
5Ces considérations conduisent également à reposer le sens des expressions canoniques de « dualisme patricio‑plébéien » ou de « conflit des ordres », aujourd’hui plutôt discréditées. Est‑il légitime de parler de plèbe et de patriciat dès les débuts de la République, à un moment où ces camps étaient encore en cours de constitution, ou bien est‑il préférable d’attendre le milieu du Ve siècle, voire 367 selon certains, pour estimer justifié l’emploi de cette terminologie ? à l’issue de cette enquête, autant l’expression de « conflit des ordres » paraît trompeuse et mal adaptée, autant je crois préférable de continuer à avoir recours aux notions de plèbe et de patriciat. À partir du début de la République, il devient légitime de les employer, même si ces termes ne doivent pas nécessairement conduire à une vision moniste de ces groupes sociaux. Des configurations institutionnelles et juridiques s’autonomisèrent alors progressivement dans le champ politico‑social de la République romaine, ce qui les conduisit à entrer en conflit car l’une d’entre elles, portée par le patriciat, prétendit imposer une structure de pouvoir entièrement construite à son avantage. C’est ce que l’on nomme traditionnellement le « conflit des ordres ». Aucun de ces « ordres » ne demeura cependant clos, pas même le patriciat pour qui c’était pourtant vital : de sa fermeture dépendait la viabilité du système qu’il entendait créer. Il le tenta, y parvint presque avant de devoir renoncer durant le IVe siècle. En cédant, en 367, il ouvrait mécaniquement la porte au renversement de ce système et à la naissance de la nobilitas. Dès le début, des passerelles demeurèrent toutefois ouvertes et l’histoire de Sp. Cassius offre un condensé de ces problématiques. C’est donc bien autour de ces deux pôles que le conflit se construisit, ce sont les prédicats qui y sont attachés qui influèrent sur les recompositions politiques et qui permirent la réification d’ensembles aux contours initialement flous. Dans ce cadre, une bonne part des lignées tribunitiennes se présentent comme des lignées de type aristocratique qui, sans différer radicalement de celles qui devinrent patriciennes, se virent petit à petit rejetées par le patriciat en formation, en fonction de critères essentiellement politiques. C’est contre cela qu’elles réagirent ; c’est ce qui, en partie, justifia les modalités et les choix de leur action publique ; c’est ainsi qu’elles se définirent autour de ces deux pôles en cours de consolidation.
6L’activité des tribuns de la plèbe est également riche d’enseignements. Elle révèle la grande inventivité de ce groupe social qui s’explique tant par leurs parcours individuels que par des facteurs politiques. D’un point de vue prosopographique, avoir montré que les tribuns de la plèbe se rattachaient à des lignages d’une certaine importance autorise la perception de leur action comme partiellement conduite et dirigée par les intérêts de ceux‑ci. La mise en évidence de l’origine extra‑romaine de nombre de ces lignées apporte d’autres éléments d’interprétation de leur créativité politique, si souvent mise en avant dans l’historiographie moderne. Les liens conservés ou entretenus avec d’autres régions de l’Italie peuvent expliquer leur facilité à proposer et à imposer des changements, y compris et surtout dans le domaine juridique. Des découvertes épigraphiques récentes invitent en effet à tempérer l’exceptionnalité romaine en ce domaine. P. Pocetti a ainsi proposé de voir dans le cippe de Tortora (fin VIe‑début Ve siècle) une inscription à valeur prescriptive témoignant du développement, dans l’aire italique, de pratiques normatives que l’on retrouverait dans le monde romain6. Si l’interprétation du texte est encore discutée, une telle suggestion fournit d’autres éléments de compréhension au rôle des tribuns en ce domaine, du fait de leur origine étrangère qui, à la différence de l’origine également étrangère d’une bonne part du patriciat, impliquait moins une zone en particulier (à savoir l’étrurie).
7D’un point de vue politique, en face des normes que le patriciat tendit – et dans une certaine mesure réussit – à imposer, la légitimité de ces personnages devait reposer sur d’autres fondements, intimement liés à leur action. Les tribuns de la plèbe cherchèrent à acquérir des modes de légitimité et de reconnaissance nouveaux par leur engagement politique et par la procédure pénale. Ne pouvant faire état des critères d’honorabilité patriciens, de type théocratico‑politique, ils promurent d’autres formes de distinction, fondées sur les conduites et sur la pratique politique, pour partie réutilisées lors de l’établissement du système de valeurs de la nouvelle nobilitas. Leur remarquable capacité à agir dans un contexte politique troublé et incertain ne s’en comprend que mieux.
8P. Le Roux a parlé d’acculturation permanente à propos de Rome, défendant l’idée de la grande plasticité d’un système qui sut toujours s’adapter et se remettre en question7. Cette idée est particulièrement exacte pour les Ve et IVe siècles où les tribuns jouèrent un rôle essentiel comme pôle d’instabilité plus ou moins contrôlée. Face à la volonté patricienne, ils manifestèrent une grande capacité à gérer les turbulences et à modifier leur politique à son contact. Des systèmes différents entrèrent alors en conflit et des compromis élaborés sur le temps long émergea une nouvelle structure sociale pérenne. Les tribuns, parmi d’autres, se situèrent au fondement de ces transformations, dans tous les domaines, en particulier grâce aux plébiscites qu’ils réussirent à imposer. Ils participèrent de l’encadrement de l’imperium consulaire, ils créèrent le principe de l’assemblée tribute, ils furent à l’origine du Sénat républicain classique, ils promurent le rôle du peuple en matière criminelle, ils attaquèrent frontalement la prétention patricienne au monopole religieux et, s’ils ne réussirent jamais à totalement le détruire, l’entamèrent sérieusement. Rappelons aussi le rôle des tribuns dans la mise en place du principe de collégialité des magistratures, le rôle du plébiscite de 367 dans la création de la nobilitas, ou encore le rôle important du plébiscite ogulnien dans l’accès des plébéiens aux fonctions religieuses. Enfin, de façon plus souterraine, ils jouèrent un rôle évident dans l’élaboration de la notion classique de populus, à la fois par l’invention d’une assemblée tribute et par la promotion du plébiscite comme source normative. Bien sûr, les tribuns de la plèbe ne créèrent pas, à eux seuls, en fonction d’un programme préétabli, les institutions républicaines, et ils le firent parce qu’ils défendaient l’intérêt bien compris d’un certain groupe social. Toutefois, par leur action, ils apparaissent indubitablement comme les maïeuticiens de la République classique.
9Cette idée n’était pas acceptable pour une historiographie antique généralement conservatrice et le plus souvent acquise à la cause sénatoriale, ce que démontre l’étude des représentations des tribuns d’époque alto‑républicaine. Ils sont en permanence saisis dans un vocabulaire et des conceptions anachroniques qui ne cessent de les ramener à des catégories de pensée d’époque tardo‑républicaine car, chez ces historiens antiques, l’acte illocutoire que constitue leur prise de parole sur un sujet tel que les origines de la République ne saurait être détaché de sa visée perlocutoire. L’ensemble des stéréotypes à leur sujet vise de la sorte à en dresser le portrait classique du démagogue factieux, écheveau qui dévoile sa signification avec ce qui relève de la conception médicale et contagieuse du mal tribunitien, vision qui les assimile à une virémie risquant à tout moment d’infecter le reste du corps social romain. Pourtant, dans le même temps, cet ensemble de conceptions témoigne, indirectement, du sens profond de l’action des tribuns aux origines de la République et s’accompagne du maintien d’une série de notations positives, présentes de façon plus cachée. En reprenant l’idée de paradigme indiciaire à C. Ginzburg, il est possible de remonter de ces traces minimales, de ces indices laissés çà et là, pour en inférer une réalité ou des phénomènes plus généraux et plus significatifs. Cela présuppose de considérer que ces données marginales sont autant, sinon plus, révélatrices que l’évidence. C’est ce que j’ai tenté d’illustrer en jouant sur deux aspects. Dans un premier temps, la vision négative des tribuns, au‑delà de ses anachronismes évidents, fait sens une fois rapportée aux pouvoirs réels des tribuns d’époque alto‑républicaine et à la direction générale de leur action : à pouvoir révolutionnaire correspondaient des moyens révolutionnaires qui, mal compris par les auteurs plus tardifs, furent retranscrits en des termes servant ordinairement à qualifier les populares. Dans un second temps, la rémanence d’une vision laudative de ces personnages vient confirmer l’idée que, peut‑être, cette action n’avait pas été que pure sédition, ou plutôt que la sédition pouvait devenir quelque chose d’utile, car elle permit d’édifier la cité. Oublieuse Rome, qui chercha à taire cela, sans doute en raison du traumatisme des guerres civiles de la fin de la République. Cette même République connut cependant tout au long de son histoire une conflictualité au moins latente, qui fut source d’avancées politiques, et dont les premiers tribuns de la plèbe demeurent un cas exemplaire.
10Par ailleurs, revenir sur les divergences importantes entre Denys d’Halicarnasse et Tite‑Live à ce sujet était nécessaire. Le premier, qui construit son discours à partir de la trichotomie classique de la philosophie politique grecque et qui cherche à exposer la lente genèse des institutions romaines, fait des tribuns des agents du passage à la constitution mixte de type polybien. Tite‑Live, à l’inverse, plus tributaire du vocabulaire politique romain et de ses connotations, et marqué par sa vision moralisante de l’histoire républicaine, interprète les tribuns comme un facteur contradictoire qui sert sa volonté d’exposer des oppositions de caractères et de conduites. Les buts poursuivis divergent, ce qui a de nettes répercussions sur la manière dont les tribuns sont présentés dans ces deux textes.
11L’étude des tribuns de la plèbe aux Ve et IVe siècles invite aussi à repenser la périodisation de l’histoire romaine. L’expression « haute République » a beaucoup été employée dans ce livre, notamment pour éviter l’adjectif « archaïque » qui, d’un point de vue archéologique, renvoie très exactement au VIe siècle. Il convient d’interroger le sens exact d’une telle dénomination, tout comme celle de médio‑République d’ailleurs. En effet, l’histoire romaine se divise traditionnellement en trois grandes périodes : la période royale (753‑509) ; la période républicaine (509‑31) ; la période impériale (31 à 476 après J.‑C.). Il s’agit là d’une périodisation simple et large. Chaque période peut, en son sein, faire l’objet de subdivisions plus fines, permettant une meilleure appréhension de l’évolution de l’Vrbs. C’est le cas pour la République. Or on constate souvent que, quelles que soient les temporalités adoptées, le Ve siècle ne trouve place nulle part. « Républicain », il est évacué de la fin de la période royale avec laquelle il entretient pourtant de réelles affinités. « Archaïque », on le détache de la médio‑république dont il constitue au moins les prodromes. L’archéologie a ainsi construit un découpage chronologique différent : période archaïque (580‑480), période post‑archaïque (480‑350), médio‑République (350‑200) et République tardive (200‑30)8. Une périodisation alternative pourrait commencer avec la progressive formation de la cité (IXe‑VIIe siècles). Puis, à cheval sur la fin de la période royale traditionnelle et sur les débuts de la République, une phase de formation du système républicain et civilisationnel classique s’intercalerait, allant de Servius Tullius aux lois licinio‑sextiennes (vers 600‑367). Avec ces dernières, s’ouvrirait la période médio‑républicaine (de 367 à 264, date du début de la première guerre punique, ou à 201, fin de la deuxième guerre punique), qui céderait ensuite la place à la République dite classique (de 264 à 133 et au tribunat de Ti. Gracchus), puis à la République en crise (de 133 à 31). Ce schéma pourrait avoir une plus grande portée heuristique, particulièrement si, pour la période de formation du système républicain, Rome est réintégrée à son contexte italien. La lecture de cette histoire par le biais des tribuns de la plèbe semble ainsi montrer une autre voie, qu’il n’était pas question d’explorer dans ce livre, mais qui invite à des recherches ultérieures.
12Le philosophe autrichien L. Wittgenstein clôt son Tractatus logico‑philosophicus par sa célèbre septième proposition : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire. » Cette proposition logique fait particulièrement sens dans le cas de l’histoire des premiers temps de Rome et constitue l’axiome fondamental de toute position authentiquement hypercritique. De fait, face à l’histoire des premiers siècles de Rome, la tentation du silence est souvent forte et l’acheminement vers la parole difficile. On l’aura compris, j’ai tenté malgré tout de suivre une autre voie, qui ne soit pas celle du fidéisme, pour découvrir ce que ces sources peuvent encore avoir à nous dire. Ce faisant, ce livre s’est mû en permanence sur une difficile ligne de partage entre histoire et historiographie, convaincu que, dans la Rome antique, le passé et sa mémoire agissaient sur le présent, et qu’il était donc possible d’utiliser les résidus de cette action pour tenter, par le biais d’une opération historiographique inverse, de dévoiler un peu de ce passé perdu. Le pari, risqué, s’explique parce que je n’ai pas voulu me satisfaire d’une simple entreprise de déconstruction des mécanismes de production de l’historiographie antique, sans oser le pas supplémentaire en direction de la reconstruction historique. Ce pari s’explique aussi parce que le sujet en vaut la peine et que l’historien a son mot à dire tant, d’une certaine façon, l’histoire des tribuns de la plèbe aux Ve et IVe siècles, est celle de Rome devenant l’Vrbs, et de la plèbe s’affirmant comme peuple. C’est d’ailleurs cette plèbe qui demeure, à l’issue de ce livre, la grande absente du tableau que j’ai cherché à dresser. Elle en est l’invisible, ce qui s’explique parce que j’avais choisi de me concentrer sur les tribuns. En outre, le manque criant de sources rend complexe toute tentative d’approche détaillée de la plèbe romaine à cette époque. Toutefois, la puissance des tribuns de la plèbe et leurs victoires ne se comprendraient pas sans cette plèbe romaine agissante dont il faut supposer l’existence et la pression. Si les plébiscites licinio‑sextiens peuvent, par moment, laisser l’impression que les intérêts de la plèbe furent abandonnés, elle ne se laissa cependant pas oublier et sa présence dans l’histoire romaine continua d’être remarquable. Ce n’est guère surprenant car, comme le dit le tribun de la plèbe C. Sicinius dans le Coriolan de Shakespeare : « What is the city but the people ?9 »
Notes de bas de page
1 Liv., praef., 1 : Facturnusne operae pretium sim si a primordio Vrbis res populi Romani perscripserim nec satis scio nec, si sciam, dicere ausim, quippe qui cum ueterem tum uolgatam esse rem uideam (trad. G. Baillet).
2 Voir Schiavone 2005, p. 71 et p. 74 où il parle de cette période comme du laboratoire de la République.
3 À l’exception de Sancho Rocher 1984, livre qui est très loin de faire le tour de la question.
4 D.H., 7, 24.
5 Voir la lettre de Goethe à Herder de mai 1775, dans Goethe 1887‑1919, IV. Abteilung, Bd. 2, p. 261‑262 : « Deine Art zu fegen – und nicht etwa aus dem Kehrigt Gold zu sieben, sondern den Kehrigt zur lebenden Pflanze umzupalingenesiren, legt mich immer auf die Knie meines Herzens. »
6 Imag. Ital., 3, p. 1336‑1339, Blanda 1 (= ST, Ps 20) et Poccetti 2008, p. 280‑292.
7 Le Roux 1995.
8 De Haas 2011, 1, p. XIII.
9 Shakespeare 2002, p. 1190.
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