Chapitre 2. Qui étaient les tribuns de la plèbe et leurs lignées ?
p. 87-122
Texte intégral
1L’idée d’étudier les tribuns de la plèbe par lignée doit beaucoup à E. Pais qui fut le premier à exposer, dans le troisième volume des Ricerche sulla storia e sul diritto pubblico di Roma, l’histoire des tribuns avec celle de leurs lignages. L’ordre y est alphabétique (gens après gens), et non chronologique, car il l’estimait propice à une meilleure intelligence de l’action des tribuns1. La nécessité de prêter attention aux gentilices, à partir des fastes, fut ensuite soulignée par nombre d’historiens2. Ils se limitèrent cependant souvent aux fastes consulaires alors qu’il est pertinent d’étendre ces analyses au cas des tribuns de la plèbe3. L’étude des lignées tribunitiennes permet en effet de dépasser les lacunes de la documentation disponible pour les seuls tribuns. En outre, pour Rome, considérer l’individu au sein de son groupe gentilice est un meilleur moyen de percevoir son milieu social et son action.
2En dépit de l’incertitude des sources disponibles, et puisque nous avons vu qu’il convient de conserver les tribuns de la première moitié du Ve siècle, ce chapitre se propose de présenter l’origine des tribuns et de leurs lignages, en la resituant dans le contexte de l’Italie centrale des VIe‑IVe siècles. Rome était alors « an independant Latin settlement, with a cosmopolitan population and a sophisticated culture4 ». Pour comprendre comment ces familles tribunitiennes s’inscrivent dans ce cadre, il convient de croiser approche individuelle et approche gentilice. Nous reviendrons, pour cela, sur la mobilité des personnes en Italie centrale entre les VIe et IVe siècles afin de montrer comment l’histoire des familles tribunitiennes et des tribuns s’insère dans une série de processus historiques plus amples qui aident à saisir leur positionnement social à Rome. Leur origine pourrait expliquer l’ouverture de la plèbe aux influences extérieures, sa créativité politique ou son rapport au monde grec5.
L’origine des lignées tribunitiennes
Problèmes de méthode
3Le premier problème est d’ordre lexicologique. La notion de famille est porteuse d’une certaine polysémie autour de ses deux principales acceptions : la famille nucléaire, qui concerne un groupe de proches parents vivant sous un même toit ; la famille entendue au sens large de « lignée », c’est‑à‑dire un ensemble d’individus unis par des liens de filiation et de mariage. Il en va de même pour l’Antiquité à ceci près que s’ajoute à ce double champ conceptuel, notamment en latin, une foule de termes dérivés pour évoquer des groupes familiaux : la familia, la gens6, la domus, le genus, etc. Ces termes sont précis et, s’ils renvoient à la parenté au sens large, évoquent des réalités particulières qui ne sont pas forcément celles sur lesquelles il convient ici de réfléchir. C’est la famille comprise au sens de la lignée qui nous intéresse, c’est‑à‑dire un groupe familial relativement large dont il s’agit de suivre l’évolution sur un temps long. J’utiliserai donc les termes de « lignée » ou de « lignage », tout comme parfois celui de « famille », entendus dans ce sens précis. Ne dissimulons pas l’aspect problématique de cette acception. La continuité d’existence d’une lignée sur cinq siècles est difficilement démontrable et, de fait, les lignées romaines se séparent souvent en différentes branches, les stirpes. Il est cependant intéressant de prendre en considération tous les membres connus par le même gentilice sous la République, même s’il est évident que la continuité lignagère stricte, pour les familles tribunitiennes, ne peut être supposée au‑delà du IIIe siècle7. Cela permet d’être attentif à l’éventuelle réactivation d’une mémoire familiale – fût‑elle inventée – par des stirpes plus tardives, ou aux continuités revendiquées sur la seule base d’une onomastique similaire.
4Plusieurs alternatives s’offrent à nous pour discerner l’origine des lignages tribunitiens. L’on peut partir des sources littéraires et numismatiques puisque, dans certains cas, l’histoire de ces lignées fit l’objet de traditions qui la mettent en valeur, par des légendes voire par des monnaies. C’est par exemple le cas des Antistii dont l’origine gabienne était célébrée par des émissions monétaires8, ou des Pomponii qui exaltaient leur supposée filiation avec Numa Pompilius9. De la même façon, les Caecilii – dont nous avons vu qu’ils doivent être écartés du tribunat archaïque – prétendaient descendre de Caeculus, le fondateur de Préneste. Une autre version les rattachait à Caecas, un compagnon d’énée10. Ces cas sont cependant minoritaires et ces indications ne sauraient avoir, à elles seules, valeur de preuve tant une tradition peut, à l’image de celle des Pomponii, relever d’une pure et simple prétention dénuée de fondement historique. Croiser ces informations avec une enquête onomastique et épigraphique permet donc de préciser la provenance de ces lignées. Pour une telle période, il n’est guère d’autres possibilités d’apporter des données concrètes. Le caractère incertain de la méthode ne saurait toutefois être camouflé.
5Pour ce qui a trait aux critères onomastiques, le premier élément tangible est le cognomen11. Or les tribuns n’en portent presque pas et la possibilité que les cognomina archaïques puissent correspondre à une réalité historique fait débat. La thèse classique veut que ces surnoms soient apparus de manière progressive chez les patriciens, pour qui ils seraient devenus d’usage courant dans la seconde moitié du IVe siècle, période qui fournit les premières attestations épigraphiques. Pour les plébéiens, le phénomène aurait été plus tardif, avec une adoption des cognomina dans le courant du IIe siècle12.
6H. Solin a défendu récemment une position plus nuancée. Il constate que les cognomina étaient d’usage courant pour les patriciens au IVe siècle et que l’on en trouve plusieurs dans les fastes dès le début du Ve siècle, documents qu’il juge fiables. S’il lui semble peu plausible que tous ces surnoms fussent authentiques, cela ne saurait pour autant conduire à les négliger. Il est naturellement impossible de connaître la date exacte à partir de laquelle ces cognomina entrèrent dans l’usage, ce qui rend difficile de distinguer les noms authentiques de ceux interpolés. Les renseignements des fastes inclinent cependant en faveur d’une pratique ancienne et d’une apparition du phénomène durant le Ve siècle, probablement aussi pour les grandes lignées plébéiennes. Il n’y eut toutefois pas d’homogénéité de l’usage avant la fin du IVe siècle. Cela restait un élément officieux, circulant en milieu familial, et qui n’apparut que tard dans les documents officiels. Les consuls de 186 sont mentionnés sans leur surnom dans le sénatus‑consute de Bacchanalibus. Dans ce type de documents, les cognomina furent régulièrement indiqués plutôt à partir de l’époque de Sylla, avant de se généraliser à l’époque cicéronienne. L’introduction du cognomen à Rome serait ainsi le résultat d’une évolution interne à l’Vrbs, amorcée dès le début de la période républicaine13. L’existence des cognomina archaïques doit donc être envisagée et s’accorderait à l’origine de cette pratique, à savoir l’attribution d’un surnom issu de particularités physiques ou morales14. Si ces cognomina ne seraient pas tous à rejeter, il faut cependant faire preuve d’une grande prudence à leur égard car ils ne peuvent, à eux seuls, constituer un élément déterminant.
7Reste le nom de famille proprement dit (le gentilice). Sur ce point, même si la méthode conserve sa pertinence, il faut considérer tout résultat avec précaution pour au moins trois raisons : l’état parcellaire de la documentation disponible ; un système onomastique très répandu en Italie qui facilite le passage d’une aire culturelle à une autre et rend plus complexe les identifications ; enfin, la présence reconnue depuis longtemps d’éléments onomastiques étrusques ou italiques dans l’onomastique latine et vice versa15. C’est dire à quel point l’enquête repose sur des données fragiles. Elles le sont d’autant plus que le rattachement de gentilices à des langues ou à des lieux demeure un exercice intellectuel ardu, qui divise souvent les linguistes eux‑mêmes.
8C’est pourquoi il convient d’ajouter à la tradition et à l’enquête onomastique le critère épigraphique. J’ai cherché les traces de ces lignages tribunitiens dans les inscriptions latines et non latines conservées. Pour les inscriptions latines, je me suis fondé sur le dépouillement du premier tome du CIL16. Pour les inscriptions non latines, j’ai utilisé les corpus disponibles pour les langues étrusques et italiques17. Le but était d’identifier des personnes que l’on pouvait rapprocher de ces lignées tribunitiennes pour proposer, grâce à la localisation de l’inscription, une éventuelle origine. Là aussi, les difficultés sont nombreuses. Tout d’abord, la date de l’inscription n’est pas toujours repérable et, lorsqu’elle l’est, on constate que nombre d’inscriptions sont en réalité postérieures au IIIe siècle, les recoupements devenant alors hypothétiques. De plus, un certain nombre d’inscriptions font référence à des femmes, lesquelles sont, pour des raisons matrimoniales, plus sujettes aux déplacements que les hommes, ce qui rend les rapprochements incertains. Enfin, le caractère lapidaire voire fragmentaire de nombreuses inscriptions complique encore la démarche. Pour des raisons de cohérence logique, seules les inscriptions les plus anciennes, jusqu’à la première moitié du IIe siècle, ont été versées au dossier. En effet, les inscriptions postérieures sont trop éloignées chronologiquement pour pouvoir constituer des indices probants, tandis que s’arrêter à une date antérieure aurait drastiquement réduit le corpus disponible. On mesure alors la précarité des enseignements tirés de l’épigraphie puisque sur soixante‑huit lignées tribunitiennes, trente‑quatre portent des noms connus uniquement par des inscriptions tardives (postérieures au IIIe siècle) et dix‑sept par des inscriptions du IIIe siècle, soit la majorité du corpus. Restent cependant dix‑sept lignées, et non des moindres. On rencontre ainsi des Licinii dans des inscriptions des VIIe‑VIe siècles, ou des Aternii et des Verginii dans des inscriptions des VIe‑Ve siècles. Pour le Ve siècle, on croise des Flauii, des Poetelii et des Statii. Pour le IVe siècle, on trouve les Aselii, les Caedicii, les Canuleii, les Hortensii, les Oppii, les Ouinii, les Terentilii et les Titinii. Enfin, pour les IVe‑IIIe siècles, on trouve les Cassii et les Iunii.
9En dépit de ces difficultés, un croisement raisonné de ces différentes sources met en évidence des tendances révélatrices. Il va de soi que ne sont ici proposées que des hypothèses, mais elles sont nécessaires et, pour tout dire, inévitables pour une bonne compréhension de la place et du rôle des tribuns. Chacune des lignées tribunitiennes a donc fait l’objet d’une notice explicative dans la prosopographie, notices dont le tableau placé en annexe synthétise les résultats18.
Des origines révélatrices
10Ce tableau nous apprend que trente‑deux lignées ont une origine probablement latine dont il n’est pas toujours évident de détailler la provenance. Préneste se taille cependant la part du lion, avec Gabies et Tusculum. Douze lignées sont potentiellement étrusques, parmi lesquelles seules trois le sont avec certitude : les Licinii, les Poetelii et les Verginii. Tarquinia, Vulci ou Volsinies sont les villes qui semblent avoir principalement été leur centre d’origine. Viennent ensuite des groupes plus restreints : 6 lignées osques, 4 italiques sans que l’on puisse être plus explicite, 2 de Sabine, 2 campaniennes et peut‑être 1 volsque et 1 ombrienne. Restent huit cas où il est impossible de proposer une origo par manque de données. Répétons que ces résultats doivent être considérés avec prudence et qu’ils ne constituent pas des statistiques en bonne et due forme. Toutefois, si leur détail reste soumis à révisions, les tendances de fond me paraissent justes et révèlent que, de façon générale, ces familles ne viennent pas de Rome même. Moins de la moitié d’entre elles proviennent du Latium et, sur les trente‑deux qui en sont originaires, toutes ne sont pas romaines. Il est malheureusement impossible d’avancer des chiffres plus précis sur ce point. En revanche, trois aires géographiques principales se dégagent : le Latium (la plus importante), l’Étrurie et la Campanie. Mieux caractériser ces origines est plus compliqué car les familles dont il est possible de spécifier avec assurance la provenance géographique sont rares. Pour nombre de lignées latines, nous ne pouvons identifier la ville d’origine qui pourrait être Rome. En outre, si les rapports de quelques‑unes d’entre elles avec des cités précises sont évidents (à l’image des Acutii avec Préneste ou des Licinii avec Caere), d’autres demeurent pour le moment dans l’ombre. Certains noms reviennent malgré tout plus fréquemment que d’autres : Gabies, Préneste, Tarquinia, Tusculum, Volsinies ou Vulci.
11Gabies occupait une position géographique d’importance entre Rome et Préneste, près d’Osteria dell’Osa, sur la voie de communication intérieure qui mène à Capoue. Les relations entre les deux cités étaient anciennes, peut‑être marquées originellement par une certaine inimitié, puisque la ville aurait été prise par Rome durant le règne de Tarquin le Superbe19. Elles laissèrent vite place à une relation d’alliance20. D’après Denys d’Halicarnasse, Gabies et Rome auraient conclu dès l’époque royale un foedus encore conservé à l’époque augustéenne dans le temple de Dius Fidius et consistant en une ἰσοπολιτεία21. M. Humbert souligna les liens importants entre les deux cités, visibles au moment de la chute des Tarquins. C’est en effet vers Gabies que le roi fugitif se tourna, y cherchant un secours pour reconquérir Rome. Le statut particulier que Gabies dut, très tôt, s’être vu reconnaître, se lit dans un passage de Varron qui explique que les augures reconnaissaient cinq types d’ager : Romanus, Gabinus, Peregrinus, Hosticus et Incertus22. M. Humbert a aussi montré que ce foedus Gabinum est antérieur au foedus Cassianum et que cette ἰσοπολιτεία consistait en une offre de citoyenneté qui ne prenait corps que par l’émigration à Rome. Sans entrer plus avant dans la nature de ce traité, soulignons que les liens qu’il implique expliquent les possibilités de migrations entre les deux villes. Les Antistii, que Denys d’Halicarnasse qualifie de manière erronée de patriciens, en sont le meilleur exemple23. La ville de Gabies restait cependant indépendante – elle est mentionnée parmi les cités révoltées contre Rome en 49924 – et le demeura jusqu’à la guerre sociale.
12Préneste, présentée comme une colonie d’Albe25, eut également des relations précoces avec Rome. Elle fit partie des cités latines combattant l’Vrbs en 49926, avant de faire défection en faveur des Romains à la veille de la bataille du lac Régille27. Cela témoigne de rapports intenses, qui rendraient bien compte du cas des Cominii ou, peut‑être, des Volumnii. Nous ne savons quasi rien de l’histoire de la ville au Ve siècle, bien qu’il soit certain que Préneste finit par repasser du côté des Latins. Les oppositions entre Rome et Préneste entre 382 et 373 furent la conséquence directe du bouleversement des rapports de force internes au Latium après la chute de Véies en 396 et l’invasion gauloise. Dès 389, une guerre opposa Rome aux forces conjointes des Volsques, des Latins et des Herniques. Ce fut le début d’une longue série d’opérations militaires entre Rome et ses anciens alliés latins, inquiets de son expansionnisme. De 383 à 380, une ligue dirigée par Préneste affronta l’Vrbs. Ces conflits furent à peu près réglés en 358, avant que Préneste ne se soulève une nouvelle fois avec l’ensemble du Latium en 340, ce qui conduisit à la perte de son indépendance en 338 au profit du statut de cité fédérée. Elle subit alors des confiscations tout en conservant certains privilèges de l’ancien foedus Cassianum, notamment le ius migrandi28. Q. Anicius de Préneste, édile curule en même temps que Cn. Flavius en 304, offre un bon exemple de ces longues relations entre les deux cités. Son origine prénestine est évoquée par les sources et Pline l’Ancien rappelle qu’il était encore ennemi de Rome quelques années auparavant29.
13Au sujet de Tarquinia, l’histoire de Démarate et de Tarquin l’Ancien offre un aperçu de la richesse des liens l’unissant à l’Vrbs. A. Alföldi en fait même la première cité étrusque à avoir étendu sa domination sur Rome. Cette importante ville connut sa première structuration à la fin du VIIIe siècle et atteignit son zénith au milieu du VIe siècle avant d’être rattrapée, puis dépassée, par Caere et Vulci à partir du début du Ve siècle. Rome et Tarquinia entretinrent de longues relations, plutôt amicales, ayant impliqué des échanges commerciaux et des brassages de populations avant d’entrer en conflit. De premiers heurts sont rapportés au moment de la guerre contre Véies, puis en 388. C’est toutefois seulement au milieu du IVe siècle, entre 358 et 351, que le conflit ouvert éclata30. Une trêve de quarante ans fut conclue qui s’acheva sur la reprise des hostilités en 311 et une nouvelle trêve de quarante années décidée en 308. Tarquinia participa aussi à la troisième guerre samnite, du côté étrusque. Les deux villes établirent vers 281 un foedus qui fit de Tarquinia une cité fédérée jusqu’à la guerre sociale, au prix de confiscations territoriales permettant la fondation de Grauiscae en 18131.
14Le cas de Tusculum est encore plus parlant. Adversaire des Romains au début du Ve siècle32, cette cité latine se rangea aux côtés de l’Vrbs après nombre d’oppositions et devint une des ses plus fidèles alliées. Elle fournit un des plus anciens exemples de ciuitas honorifique individuelle en la personne de L. Mamilius, devenu citoyen romain en 458 pour faits d’armes33. La cité se révolta pourtant contre la tutelle de Rome, à la suite de Préneste, en 383. Cette guerre ne dura pas puisque, dès 381, Tusculum se rendit à Camille et fut une des premières cités latines à bénéficier de la ciuitas Romana optimo iure, dès 381, ce qui témoigne des relations importantes existant entre elle et Rome34.
15Restent deux cités étrusques. Volsinies, en Étrurie centrale, est souvent décrite comme une des plus anciennes et des plus florissantes villes étrusques. Nous sommes cependant moins informés sur ses rapports avec Rome, même s’ils ne semblent pas avoir été particulièrement belliqueux35. Le site a fourni moins de données archéologiques pour les époques antérieures à la fin du VIIe siècle, comparativement à d’autres cités étrusques. De même, elle n’apparaît dans la tradition littéraire qu’en 392, lorsque ses armées envahirent le territoire romain. Elle fut ensuite vaincue à plusieurs reprises, notamment en 310‑30836 et en 295‑29437. À en croire la periocha 11, des combats à l’intensité difficile à déterminer eurent aussi lieu dans les années 28038. En 265, elle appela Rome à l’aide contre des esclaves révoltés. L’Vrbs accepta d’intervenir mais détruisit la ville et déplaça les survivants39. Évoquons pour finir le cas de Vulci. Nous sommes mal renseignés sur cette cité avant sa conquête par T. Coruncanius en 28040. En revanche, le site a livré un certain nombre de documents archéologiques intéressants qui illustrent sa richesse au tournant des VIe et Ve siècles. C’est là que fut trouvée la fameuse tombe François. Sans aller jusqu’à l’hypothèse d’A. Alföldi d’une authentique domination vulcienne sur Rome au VIe siècle, ce document fournit des arguments en faveur de rapports anciens et complexes entre les deux cités et atteste de l’existence de condottieri vulciens ayant eu des vues sur l’Vrbs41.
16Ce rapide survol corrobore les possibilités d’échanges de populations entre Rome et les cités que nous avons vu émerger de l’analyse prosopographique. Il dessine en creux une géographie de l’origine des tribuns. Sont majoritairement concernés le Latium uetus et l’étrurie méridionale, avec une certaine prépondérance des cités du Latium et de Sabine. Cela confirme que la majorité des lignées tribunitiennes avait émigré récemment depuis des régions voisines. Pour la population romaine en son ensemble, cette hypothèse n’est pas neuve42 et elle trouve sa pleine expression chez Fr. Münzer pour qui nombre de lignées plébéiennes importantes n’étaient pas originaires de Rome ou du Latium43. Cet état de fait est à présent démontré, notamment pour ce qui concerne l’aristocratie de l’Vrbs avec le cas des Claudii, des Furii, des Papirii, des Sergii, des Sulpicii ou encore des Volumnii44. La confrontation avec les patriciens est d’ailleurs révélatrice. Si, dans ces cas aussi, la détermination exacte de l’origo demeure complexe, on peut identifier plus de vingt lignées patriciennes de provenance étrangère, auxquelles s’ajoutent les lignées patriciennes latines. P.‑Ch. Ranouil donne les chiffres suivants : 19 lignages étrusques, 12 ou 13 du Latium, 1 ou 2 de Sabine et 1 volsque. St. Bourdin critique certaines attributions d’origo sans donner de chiffrage précis, tout en soulignant l’importance de l’apport étrusque au patriciat45. Le cas le plus emblématique est celui de la gens Claudia, d’origine sabine, arrivée à Rome en 504 lors de la migration de son chef, Atta Clausus, et attestée dans les sources en raison de la création de la tribu Claudia. À Rome, Clausus intégra le patriciat sous le nom d’Ap. Claudius46. D’autres familles patriciennes connurent un parcours similaire, comme la gens Papiria, la gens Valeria, ou bien la gens Veturia47.
17L’origine extra‑romaine d’une bonne part des tribuns (et sans doute aussi plus largement des plébéiens) apparaît de la sorte comme une hypothèse plausible. Cette idée n’avait toutefois jamais été explorée de façon systématique pour les tribuns de la plèbe, alors même que cette intuition s’accorde au contexte historique romain des VIe et Ve siècles et qu’elle affermit les conclusions similaires auxquelles ont abouti les enquêtes sur les noms patriciens. Il est donc impossible de faire de la plèbe et de ses tribuns un élément extérieur, moins romain que ne le serait l’oligarchie des patres. Toutefois, si la proportion d’une origine allogène n’est pas plus importante chez les tribuns que chez les consuls ou les sénateurs patriciens, la nature de cette origine diffère, elle, sensiblement. En comparaison des résultats fournis par P.‑Ch. Ranouil et St. Bourdin, l’origine des tribuns apparaît plus variée et, en particulier, moins liée à la seule Étrurie. Cette différence pourrait bien avoir eu des répercussions politiques et idéologiques.
18Une question demeure en suspens : celle de la vitesse d’intégration de ces lignées. Pour le dire en termes contemporains, les tribuns étaient‑ils immigrés de première, deuxième ou troisième génération ? Nos sources ne nous permettent pas de répondre à cette question. Seul le cas de Cn. Flavius offre ici quelques enseignements puisque la tradition le présente comme le fils d’un libertinus. Contrairement à l’interprétation classique de ce qualificatif, il signale en réalité l’entrée récente dans la citoyenneté romaine du père de Cn. Flavius48. Il est donc possible d’en déduire que Cn. Flavius était ce que nous appellerions aujourd’hui un immigré de deuxième génération, expression qui n’a cependant aucun sens dans le monde romain. Par ailleurs, la comparaison avec l’histoire d’Appius Claudius, intégré au patriciat dès son arrivée à Rome s’accorderait avec des possibilités rapides d’incorporation dans les structures politique de l’Vrbs.
19Rome fut‑elle une exception ou d’autres cités d’Italie connurent‑elles des mouvements de population similaires ? Répondre à cette question suppose de resituer cette provenance majoritairement extra‑romaine des lignées tribunitiennes dans le contexte plus large de l’Italie centrale à cette époque.
L’origine des lignées tribunitiennes et le contexte de l’Italie centrale (fin VIe siècle-IVe siècle)
Un contexte historique d’échanges
20Il est désormais établi que l’Italie archaïque fut une mosaïque de peuplements et de langues dont Rome et le Latium ne constituaient qu’une tesselle, peu importante au demeurant. Cette tesselle se trouva très tôt au croisement de trois aires culturelles majeures : l’étrurie, le monde grec colonial d’Italie méridionale et le domaine punique. La naissance de l’Vrbs se fit dans ce contexte propice aux échanges et aux mouvements de population. Ces thématiques reçoivent une attention croissante depuis une vingtaine d’années49. De façon évidente, c’est avant tout l’étrurie méridionale qui fut en contact prolongé avec le Latium et cette influence étrusque est patente dans les arts et la statuaire50. De multiples éléments architectoniques et décoratifs se retrouvent d’un espace à l’autre, telles les antéfixes, les plaques ou les frises murales de terre cuite aux thématiques figuratives voisines. La comparaison des plaques frontales du temple de Velletri avec celles du temple de Cisterna et du sanctuaire de Sant’Omobono est, par exemple, révélatrice51. La céramique témoigne des mêmes phénomènes. Le rapprochement des objets trouvés dans les dépôts votifs du sanctuaire de Portonaccio à Véies avec ceux de l’aire sacrée de Sant’ Omobono indique de fortes correspondances52. La tradition littéraire, enfin, insiste sur le rôle historique de certaines cités étrusques, ainsi que sur les indéniables emprunts culturels et religieux à l’étrurie53.
21On a souligné de longue date l’importance de la contribution étrusque à l’évolution de l’Vrbs, à commencer par les insignes du pouvoir et les faisceaux54, ou encore pour ce qui concerne les aspects artistiques et décoratifs puisque les sources ont transmis les noms d’artisans étrusques ayant travaillé à Rome, à l’image du célèbre Vulca55. Sur ces bases, la thèse classique d’A. Alföldi fait de la Rome royale, dont la tradition a laissé l’image d’une cité puissante, une collectivité vassale des cités étrusques méridionales56. C’est seulement à partir du Ve siècle que Rome aurait connu un développement spectaculaire et une émancipation véritable. Cette thèse pose problème du fait de sa radicalité et est refusée par de plus en plus d’historiens57.
22En effet, si la rive droite du Tibre demeura longtemps aux mains des étrusques, Rome y établit tôt une tête de pont58. En outre, seules trois inscriptions étrusques certaines ont été retrouvées sur le site de Rome, plus deux autres probables, et il s’agit toujours de textes brefs59. Quant au uicus Tuscus, on l’analyse aujourd’hui plutôt comme le souvenir de la présence à Rome d’une minorité étrusque que comme l’indice d’une domination politique60. À l’inverse, les inscriptions latines sont plus nombreuses, et parfois plus longues, comme celle du vase de Duenos. Le seul document officiel archaïque à nous être parvenu – le lapis niger – fut rédigé en latin, tout comme la fameuse fibule d’or de la tombe Bernardini61. Enfin, aucun texte étrusque n’est similaire à celui de la coupe de bucchero retrouvée à Rome et portant le graffito rex62. La période dite « étrusque » de Rome ne s’accorde donc pas, du point de vue de la documentation, à une domination politico‑militaire unilatérale accompagnée d’une expansion économique et culturelle imposée à l’Vrbs de l’extérieur. Le phénomène en question correspond plus au développement d’une κοινή culturelle étrusco‑romaine63. En outre, ce que nous pouvons restituer du territoire romain à partir du premier traité romano‑carthaginois montre que le Latium uetus, du Tibre jusqu’à Terracine, était considéré comme une sorte de χώρα de l’Vrbs et de ses alliés et sujets. En revanche, il n’est fait nulle mention de peuples alliés ou sujets de Rome extérieurs au Latium. Le système d’alliance et de domination romaine était entièrement limité à cette région, ce qui serait étrange pour une cité totalement étrusquisée64. Il faut donc rejeter les positions d’A. Alföldi au profit de l’idée de κοινή culturelle étrusco‑italique chère à S. Mazzarino65.
23Au‑delà d’un indémontrable rapport de sujétion, c’est un contexte d’échanges permanents que la recherche récente a révélé. La présence étrusque ne se limitait pas au sol romain comme en atteste, entre autres exemples, une inscription mise au jour dans le dépôt votif du sanctuaire de Satricum66. Si plusieurs dynasties étrusques se succédèrent sans doute à la tête de l’Vrbs, ce fut sans en faire une collectivité phagocytée par l’étrurie et la victoire de Porsenna ne déroge pas à ce constat. Le roi de Chiusi prit la ville à son rival Tarquin le Superbe durant la dernière décennie du VIe siècle. Ce dernier s’enfuit auprès de la ligue latine67, laquelle en appela au secours de Cumes, victorieuse contre les étrusques en 524. Le fils de Porsenna fut vaincu par les troupes de Cumes devant Aricie vers 504. Cette défaite des dirigeants de Chiusi explique les concessions faites à Rome, transformées par l’annalistique en une sorte de victoire romaine. En effet, en concédant l’autonomie aux Romains, Porsenna conservait une position alliée stratégique tandis que ses nouveaux partenaires pouvaient développer à loisir leur propre mode de gouvernement68.
24Il est également établi que la fin du régime monarchique ne coupa pas brusquement Rome du monde étrusque ou du reste de la Méditerranée. Les controverses autour de la date d’un éventuel « départ des étrusques » n’ont plus guère qu’un intérêt historiographique69. La défaite étrusque de 474 ne signifia pas la perte de toute influence et les mouvements de population continuèrent. En revanche, il est certain que la fin du VIe et le début du Ve siècle furent des moments d’intenses transformations politiques et sociales70 qui se traduisirent, sur le long terme, par le recul progressif des étrusques au profit de nouvelles puissances, dont Rome.
25Pour les périodes ultérieures, ces jeux d’échanges et d’influences persistèrent, particulièrement au IVe siècle71. Les zones en contact s’élargirent toutefois davantage à l’Italie méridionale. À partir de ce moment, sans jamais se tarir complètement, l’apport étrusque diminua tandis qu’avec les débuts de l’expansion vers le sud, de nouvelles aires culturelles entrèrent dans la sphère d’influence romaine.
La mobilité des personnes du VIe au IV e siècle
26Tout cela incite à revenir brièvement sur la mobilité des personnes à cette époque. La prise de conscience de cette mobilité n’est pas neuve, mais elle fut souvent étudiée au travers d’exemples singuliers, aristocratiques, qui se laissent plus aisément percevoir. Le locus classicus demeure le cas de Démarate et de Tarquin l’Ancien72. Démarate, père de Tarquin, aurait quitté Corinthe pour des raisons politiques. Installé à Tarquinia, occupant une place importante dans sa cité, il demeurait l’équivalent d’un métèque. Confiné dans la même position, son fils immigra à Rome pour poursuivre une carrière politique. Si cette histoire illustre les processus esquissés jusqu’ici, elle pose néanmoins quelques problèmes car un texte de Cicéron porte un tout autre regard sur l’intégration de Démarate à Tarquinia et affirme qu’il « fut reçu au nombre des citoyens à Tarquinia où il élut domicile définitivement73 ». Citoyenneté et accès aux magistratures sont certes deux choses différentes dans la plupart des cités‑états antiques, toutefois, une telle version justifierait moins l’émigration à Rome de son fils. Elle doit aussi nous alerter quant à la possibilité de faire de Rome un hapax. Elle l’était peut‑être pour le monde grec où l’octroi de la citoyenneté obéit à des conceptions différentes74. Elle l’était moins pour le monde italique. En revanche, Rome semble s’être signalée en allant plus loin qu’un simple octroi de citoyenneté et en laissant un accès assez aisé aux fonctions politiques. Denys d’Halicarnasse fait d’ailleurs de cette ouverture un des fondements de la puissance de l’Vrbs75.
27Outre le fait qu’un ancêtre du roi Tullus Hostilius aurait quitté Medullia pour Rome où il épousa une Sabine76, on trouve à Vulci mention d’une femme probablement latine du nom de Hustilei77. Il existe aussi une Vetusia mentionnée sur une coupe d’argent de la tombe Bernardini de Préneste, qui pourrait être étrusque78. Une Tita Vendia est également nommée dans une inscription latine de Caere79. Enfin, une inscription de découverte récente à Rome concerne un dénommé Trepios, d’origine italique, dont le nom peut être rapproché de l’osque Trebis ou Trebiis80. Ces cas similaires prouvent que ces phénomènes furent précoces et nombreux. Ils continuent toutefois de renvoyer à cette mobilité aristocratique et ne concernent, à l’exception de ce Trepios, que des femmes dont nous avons vu qu’elles furent plus mobiles pour des raisons matrimoniales.
28Réduire ces mouvements migratoires à des déplacements aristocratiques serait pourtant une simplification de la tradition et pourrait n’être que le fruit d’un effet déformant de la documentation. Nous en percevons en effet l’existence essentiellement grâce à l’épigraphie, que seuls les individus maîtrisant l’écriture – souvent issus de milieux sociaux aisés pour ces époques – pouvaient employer81. D. Musti insiste, à ce propos, sur une tendance de l’historiographie, notamment grecque, qui la pousse à se focaliser sur les chefs et sur les personnages principaux lorsqu’elle parle de migrations. En déduire que seul ce type de groupes sociologiques était concerné par ces déplacements serait une erreur. Ils touchèrent des groupes humains plus vastes et perdurèrent dans le temps82.
29Rappelons aussi que Rome ne fut pas la seule cité concernée. Le phénomène affecta d’autres villes, notamment en Étrurie méridionale, illustrant le dynamisme des populations d’Italie centrale. À Tarquinia, par exemple, nous avons mention d’un sabellien du nom de Mamarce Spuriiaza83. À Caere, de nombreux cas sont attestés : l’Italien Ate Peticina (d’origine sans doute sabellienne)84, le Latin Kalatur Phapena85, ou encore une Vestiricinai (là aussi d’origine sabellienne)86. Signalons, enfin, un possible italique Tursikina sur la fibule d’or de Chiusi87, le Tite Latine retrouvé à Véies dans une tombe du VIIe siècle88, le latin Mamarce Kaviate à Volsinies89 ou un Ucrislane à Clusium90. Ces quelques exemples montrent que Latins et Italiques ne se déplacèrent pas uniquement vers Rome, ce qui ne surprend guère et, dans tous ces cas (qui s’étendent sur une période allant de la deuxième moitié du VIIe au VIe siècle), ces personnages occupaient visiblement des positions sociales correctes dans leurs cités d’adoption91. Dans cet ensemble, la mobilité des populations grecques est particulièrement révélatrice. Outre Démarate, évoqué plus haut, elle est illustrée par quelques cas célèbres, tels, à Tarquinia, deux grecs : le Rutile Hipukrates dont le nom orne un fond de céramique provenant de la nécropole de la Doganaccia, aujourd’hui perdu92, et un dénommé Kraitiles, plus incertain93. De même, à Caere, nous avons trace d’une femme potentiellement grecque dénommée Larthia Telicles94. Ces individus, dont la présence était liée aux échanges commerciaux avec le monde grec, se distingueraient cependant par une intégration moindre dans leurs collectivités d’accueil, témoignant, par contraste, du fort degré d’intégration des italiques95.
30Il existait aussi une mobilité artisanale liée à celle des aristocraties96. C’est évident dans le cas des clients d’Atta Clausus mais il en alla de même pour Démarate. Il était accompagné d’artisans et de modeleurs qui auraient introduit l’art plastique en Italie : Ecphantus, Euchir et Eugrammus97. La même tradition signale qu’un de ces artisans s’appelait Diopus. Or une antéfixe peinte, provenant d’une tombe à sarcophage de Camarine et datant du milieu du VIe siècle, porte la signature d’un Διοπος. Bien que la coïncidence ne doive pas être surinterprétée, l’existence de ce Diopus n’est sans doute pas une pure invention98. Nous savons aussi que des ouvriers étrusques vinrent à Rome construire des temples romains ou la cloaca maxima99. L’augmentation des vases grecs du dépôt votif de Sant’Omobono illustre cet essor des activités commerciales et artisanales100. Ces artisans purent venir de bien plus loin que l’étrurie puisqu’une olpé à décor géométrique retrouvée dans une tombe de l’Esquilin a livré le nom d’un certain Keikles (ou Keiklos), sans doute celui du défunt101. Citons, enfin, les cas célèbres de Gorgasos et de Damophilos, qui réalisèrent la décoration du temple de Cérès102, ou, pour le Ve siècle, le potier Arnthe Praxias au nom à la fois étrusque et grec103.
31Les résultats obtenus dans ce domaine à partir de l’étude de nécropoles entières sont encore plus significatifs. Ils démontrent l’ampleur que purent prendre ces phénomènes de mobilité à l’échelle de cités entières. Le cas de Volsinies est emblématique de ce phénomène puisque, pour les nécropoles de la ville (Crocefisso del Tufo et la Cannicella), les tombes des VIe‑Ve siècles fournissent une forte proportion de gentilices d’origine étrangère, latine, falisque, sabine ou osque, suivant une proportion qui varie entre 10 et 30 % selon les historiens104. Les travaux de S. Marchesini sur Caere ont révélé des phénomènes similaires qui se lisent en particulier aux modifications affectant les gentilices : nombre d’entre eux sont ainsi formés sur des noms individuels ou des dénominations ethniques105. Enfin, à Préneste, les analyses menées par A. Franchi de Bellis sur le stock onomastique fourni par l’épigraphie latine révèlent la présence d’un nombre non négligeable de gentilices d’origine non latiale : un peu moins de 30 %, de type essentiellement osque. Cela lui permet d’affirmer que la société de la ville était hétérogène et ethniquement composite. Si les inscriptions en question s’étendent sur un arc chronologique qui va du VIIe au IIe siècle, elles datent majoritairement des IVe‑IIe siècles106. Elles fournissent un indice de la continuité de ces pratiques et de leur élargissement géographique par rapport à la période archaïque.
32À la lumière des données épigraphiques, l’Italie centrale paraît avoir été le théâtre d’importants brassages culturels dont il est naturel qu’ils affectassent Rome. Existait alors une κοινή culturelle centro‑italique qui s’est traduite dans des échanges commerciaux et une importante mobilité des personnes, lesquels perdurèrent à l’époque républicaine et s’élargirent à d’autres espaces107. Nous avons eu l’occasion de le constater, pour le cas des tribuns, avec Q. Anicius de Préneste et avec l’arrivée de lignées tribunitiennes comme celles des Atilii ou des Flauii108. Ces mouvements de population connurent même, à partir du VIe siècle, une extension plus grande à tous les niveaux de la société109, et une certaine diversification avec l’apparition d’une mobilité marchande sans intégration, ou celle d’une mobilité liée au mercenariat110.
33Le cas romain en général, et tribunitien en particulier, ne se comprend donc qu’une fois situé dans ce contexte qui éclaire l’origine étrangère des familles tribunitiennes, origine dont une inscription pourrait fournir une attestation probante. Elle se trouve sur un bronze en forme de tête de bélier dont un seul côté est orné, l’inscription se trouvant au dos, sur la face lisse de l’objet. Il s’agit d’une tessera hospitalis mentionnant un Atilies Saranes, de datation délicate111. Quelques indices permettent de proposer une date correspondant plus ou moins au IIIe siècle. Il s’agit tout d’abord du cognomen Saranus qui subit un changement de prononciation en Serranus à l’époque classique. Toutefois le consul de 136 s’appelait encore Saranus ce qui laisse supposer que ce changement d’orthographe est postérieur112. En revanche, les caractéristiques de l’écriture – le « a » non fermé ou le « e » transcrit par deux barres verticales et parallèles – sont anciennes et reportent à une date antérieure au IIe siècle. En l’absence d’autres indices, le IIIe siècle conviendrait, d’autant que les premiers Atilii Sarani n’apparurent à Rome qu’au IIIe siècle. Quoiqu’existent d’autres objets de ce type, celui‑ci est le seul retrouvé à ce jour qui cite une famille plébéienne dont une branche eut des tribuns de la plèbe aux Ve et IVe siècles113. Le cas similaire le plus connu, retrouvé à Sant’Omobono, représente un félin portant l’inscription mi araz silqetenas spurianas114. Ces tessères d’hospitalité étaient remises à un hôte et signalaient l’appartenance étrangère de leur destinataire. Elles participaient d’un système d’hospitium priuatum bien documenté dans le monde romain115. Ici, la mention de la filiation pourrait cependant faire penser à un citoyen et complique l’interprétation.
34Dans un article récent consacré aux tesserae hospitalis, L. Luschi est revenue sur cette pièce dont il existe un autre exemple, plus tardif, pour les Manlii cette fois. Elle confirme la datation du IIIe siècle et rappelle qu’on hésite encore entre latin et osque pour la langue de l’inscription116. Le fait que cette tête de bélier ne soit pas un hapax et que ce type de pièces se retrouve souvent dans des sanctuaires117 la conduit à développer l’hypothèse d’un lien entre le choix du bélier, des divinités particulières (les Dioscures/Cabires) et la fides118. La tessera à tête de bélier, à travers le rappel des ancêtres de la famille (au travers de leurs représentants mystiques, le Dioscures et les Cabires), rappellerait et sanctionnerait la fides et serait ainsi le signe des rapports entre Rome et une famille étrangère (une famille marse dans le cas des Manlii). En l’absence de toute indication sur la provenance de l’inscription mentionnant les Atilii, il est impossible de lui en faire dire plus ou d’y voir une preuve de l’origine étrangère de cette lignée.
Le cas romain : tradition, histoire et ius migrandi
35À Rome, la présence d’éléments ethniques variés se lit dès les récits sur les origines de l’Vrbs, ce dont témoignent les légendes de l’enlèvement des Sabines119, de la double royauté latino‑sabine120 ou de l’origine du nom des trois tribus primitives121. La tradition conserve l’idée d’une coexistence d’éléments de populations d’origine étrangère, qui apparaît souvent sous le mode du conflit et des antagonismes. Si tant de théories ethniques sur les origines de Rome purent voir le jour, c’est que le matériau sur lequel les fonder existe. D’où les multiples tentatives de réinterprétation des primordia de Rome au travers de ce prisme122. Quand bien même elles purent parfois prendre des formes absurdes, leur longévité parmi les historiens témoigne de leur attrait123. Ce matériau ne se prête toutefois pas systématiquement à une lecture univoque et antagoniste. Il en existe une vision positive et une lecture des origines de Rome qui célèbre en l’Vrbs une société pratiquant volontiers l’assimilation des groupes étrangers124. La tradition sur l’asylum romuléen125, sur l’origine sabine de Numa Pompilius126 ou encore sur l’arrivée du Sabin Atta Clausus et son intégration sans heurts au patriciat127 sont des éléments caractéristiques de ce filon interprétatif. Vont dans le même sens les raisons qui poussèrent Tarquin l’Ancien à quitter Tarquinia pour Rome, puisque seule cette ville lui aurait offert les possibilités d’ascension politique qui lui étaient déniées en Étrurie. Trois éléments permettent d’illustrer que la Rome ancienne fut une société d’accueil.
36Le premier concerne l’histoire du roi Servius Tullius, pour laquelle le discours de l’empereur Claude au Sénat constitue un bon point de départ. Il n’est pas anodin qu’un tel discours fût le fait de cet empereur érudit, auteur d’une importante littérature historique128. Ce discours fut prononcé en 48 après J.-C., à un moment où l’empereur dut, en tant que censeur, procéder à un nouveau recensement des citoyens romains et à une lectio senatus. Il le prononça devant le Sénat pour justifier ses choix et permettre aux notables Gaulois d’accéder à cette assemblée. Son but était de faire accepter aux sénateurs un élargissement de leur recrutement. Pour cela, il chercha à intégrer sa volonté d’ouverture dans un cadre historique et chronologique remontant à Romulus. Ce discours se situe donc dans la tradition romaine de réflexion sur l’Vrbs et sur son développement depuis la fondation. Il témoigne de ce besoin romain de justifier toute tentative d’innovation par la référence au mos maiorum et au passé, afin de faire croire qu’il ne s’agit pas d’une nouveauté129.
37Le discours est connu par Tacite et par la table claudienne de Lyon, concordance qui est, en soi, une rareté130. Plus que la ressemblance entre ces documents, ce sont leurs différences qui importent. Le document épigraphique rapporte deux légendes concernant Servius Tullius, dont la seconde l’identifie à un étrusque du nom de Macstarna131. Si Tacite évoque l’origine extra romaine d’un certain nombre de lignages aristocratiques, et le fait que des rois étrangers régnèrent sur Rome, il omet en revanche toute la partie consacrée à Servius Tullius. Cette fraction du discours est pourtant significative parce qu’elle témoigne d’une forte divergence d’interprétation quant à l’histoire de ce roi entre des sources romaines, d’une part, qui lui attribuent souvent une origine locale et, d’autre part, une tradition mettant en jeu ce Macstarna/Servius Tullius et deux de ses compagnons, les frères Aulus et Caeles Vibenna. Cette seconde version est ancienne, peut‑être étrusque, car le rapport entre ces personnages et Servius Tullius, tel qu’on le trouve posé chez Claude, ne se repère pas chez d’autres auteurs latins132. Lorsque Tacite, dans un second passage des Annales, explique l’origine possible du mont Caelius par le nom de Caeles Vibenna, il ne parle pas de Servius Tullius, alors même qu’il a recours à un verbe rare qu’utilise également Claude : appellitare. Cela prouve que l’historien romain avait eu connaissance de l’intégralité du discours de Claude dont il choisit d’insérer un simple compendium dans ses Annales133. Il le condensa et le réarrangea, passant rapidement sur ces aspects et écartant ce qui touchait à Servius Tullius.
38L’histoire des frères Vibenna se retrouve chez Varron, Paul Diacre et elle descend sans doute en droite ligne de Verrius Flaccus et des traditions antiquaires. Il est en revanche à peu près certain que ces traditions romaines ne liaient pas le sort de ces personnages à celui de Servius Tullius, préférant, pour ce dernier, d’autres versions de sa légende134. Un passage d’Arnobe abonde en ce sens et démontre que l’histoire des deux frères était connue depuis longtemps à Rome135. Autrement dit, non seulement les sources romaines gardaient en mémoire, depuis fort longtemps, l’installation à Rome de ces deux personnages, mais des sources étrusques y ajoutaient leur rapport avec Servius Tullius. L’existence précoce, dans les sources romaines, de la version pieuse et patriotique de l’origine servile de Servius Tullius, qui en fait le descendant de l’esclave Ocresia, ajoute un élément en faveur de l’ancienneté de ces récits. Cette version n’a en effet d’autre utilité que de masquer la version étrusque, qui ne peut lui être qu’antérieure136.
39Deux autres éléments appuient l’ancienneté de cette histoire. Il s’agit d’abord de la tombe François de Vulci, dont les fresques mettent en scène l’histoire des frères Vibenna, de Macstarna et de Rome137. On estime généralement que cette tombe date de la fin du IVe siècle et plus particulièrement des années 330, soit peu après une période d’intenses conflits entre Rome et l’étrurie (358‑351). L’ensemble fut sans doute remanié au IIe siècle et soulève le problème de la datation des fresques138. En réalité, seuls les éléments architecturaux permettent de trancher car on a ici affaire à une tombe où architecture et décor peint ont été conçus de façon simultanée, suivant un projet architectonique déterminé. Les fresques furent donc conçues en même temps que la tombe et elles datent également des années 330. Le dernier élément est fourni par une coupe de bucchero du VIe siècle portant une dédicace à un Auile Vipiienas139. Elle achève de démontrer l’antiquité et l’historicité de cette version de l’histoire de Servius Tullius, avec ses multiples variantes. L’histoire et les légendes concernant ce roi semblent donc s’être fixées de façon définitive suivant quelques grandes versions dans le courant du IVe siècle, en utilisant un ensemble de matériaux anciens et récents140. Cela démontre la présence, dans les multiples récits sur la Rome archaïque, de ces éléments de différences ethniques. La tradition en était consciente, même lorsqu’elle cherchait à les masquer et cela renvoie à une réalité historique dont il est aujourd’hui impossible de douter.
40Un deuxième élément pourra convaincre davantage qu’une telle lecture de l’histoire de Rome n’est pas nouvelle. Lorsqu’il rapporte les conflits au sujet des mariages entre patriciens et plébéiens, Tite‑Live transcrit un discours fictif attribué au tribun de la plèbe Canuleius. Ce discours est du plus haut intérêt pour deux raisons. D’une part, parce que l’on y rencontre ce thème de l’ouverture aux autres à travers un bref historique de Rome ; d’autre part, parce qu’il est certain qu’il servit de modèle à l’empereur Claude141. On y lit :
Mais, je vous prie, si nous ne sommes pas admis à consulter les Fastes et les Commentaires des pontifes, ne savons‑nous pas du moins, comme tout le monde et comme les étrangers eux‑mêmes, que nos consuls ont pris la place de nos rois, et n’ont aucun droit, aucune majesté qui n’aient appartenu avant eux à nos rois ? Or, vous ne doutez pas, bien sûr, qu’on ait entendu raconter leur histoire, celle de Numa Pompilius, qui n’était ni patricien ni même citoyen romain, mais qu’on alla chercher au pays des Sabins par ordre du peuple avec l’assentiment du Sénat pour le faire roi de Rome ? Puis celle de L. Tarquin, qui n’était ni Romain ni même Italien d’origine mais fils du Corinthien Démarate et simple immigrant venu de Tarquinia, et qu’on fit roi du vivant des fils d’Ancus ? Celle de Servius Tullius, son successeur dont la mère avait été faite prisonnière à Corniculum, fils d’une esclave et d’un père inconnu, et qui, grâce à son seul génie, son seul mérite, occupa le trône ? Faut‑il rappeler Titus Tatius, un Sabin, que Romulus lui‑même, le père de Rome, associa au trône ? C’est donc en ne dédaignant jamais pour sa naissance l’homme d’un mérite éclatant que s’est accru l’empire romain. Allez donc rougir maintenant d’un consul plébéien, quand nos ancêtres n’ont pas dédaigné des rois venus du dehors, et quand, même après avoir chassé ses rois, Rome n’a pas été fermée aux étrangers de mérite ! Les Claudius, par exemple, venaient de la Sabine, après l’expulsion de nos rois, quand nous leur avons donné le droit de cité et le rang de patriciens. Ainsi donc un étranger sera patricien, puis consul ; mais qu’un citoyen romain soit plébéien et il perdra tout espoir d’accéder au consulat !142
41Remarquons au passage le choix opéré par Tite‑Live quant aux origines de Servius Tullius. La version étrusque, bien connue à son époque, est délibérément omise par l’historien latin. Un peu plus loin, le même tribun de la plèbe rajoute :
Mais alors, si c’est une souillure pour votre pauvre petite noblesse, que vous possédez non par la race et le sang (car vous descendez tous des Albains ou des Sabins), mais pour avoir fait partie d’une promotion de sénateurs désignés par les rois ou même, après le départ des rois, par un décret du peuple, que ne lui conserviez‑vous sa pureté par des mesures d’ordre privé ? N’épousez pas de plébéiennes ! Ne mariez vos filles et vos sœurs qu’à des patriciens !143
42À la lumière des données prosopographiques, le choix de mettre ces propos dans la bouche d’un tribun de la plèbe, qui plus est face à un membre de la gens Claudia, ne peut relever du hasard144. Ce rappel des origines ethniques différentes de nombre de Romains se double de l’idée que certains rois de Rome n’étaient pas patriciens et se confond parfois avec elle, par exemple dans le discours de Canuleius. Au contraire, les grandes familles patriciennes qui dominèrent Rome aux Ve et IVe siècles n’ont donné aucun roi connu à l’Vrbs. Cela va dans le sens d’un processus débutant à la fin de la monarchie et au début de la République qui déboucha sur des prétentions nouvelles du patriciat. C’est par l’interregnum, l’imperium et la possession des auspices que ce dernier put prétendre au rôle qu’il joua aux débuts de la République et à la mainmise sur les leviers de commandement à Rome145. Les patriciens cherchèrent d’autant plus à se réserver cette place éminente dans le nouveau régime en formation qu’il est à peu près certain que les politiques des derniers rois de Rome allèrent à l’encontre d’une domination aristocratique146.
43La tradition sur la Rome archaïque livre donc de multiples éléments qui confirment et valident l’apport des études archéologiques sur la mobilité des personnes. S’y ajoute une particularité romaine, notre troisième élément : le ius migrandi. En effet, à partir de 493 et du foedus Cassianum, des possibilités officielles de migrations furent accordées à une partie des cités de cette région147. Si les échanges de population concernèrent l’ensemble des cités d’Italie centrale, le cas de Rome et du Latium offre ce paramètre supplémentaire que constitue la possibilité reconnue officiellement de migrer et d’adopter la citoyenneté de sa cité d’accueil. Ce droit trouve son origine dans les rapports communs entre les cités formant initialement le nomen Latinum, rapports s’accompagnant de droits spécifiques reconnus aux citoyens des différentes cités de la ligue latine148. Il n’exista, bien sûr, jamais de régime général conférant indistinctement ces droits à tous, mais des séries de régimes particuliers sont envisageables. Pour le cas de Rome, nous sommes renseignés à ce sujet par le foedus Cassianum de 493 qui entérina la possibilité d’acquérir la citoyenneté per migrationem et censum, sans limite apportée à ce droit, pour cette époque. Ces possibilités existaient probablement déjà auparavant. En tous les cas, accordé d’abord aux Latins, ce droit fut étendu dès 486 aux Herniques et entraînait, pour le migrant, la perte automatique de son ancien droit de cité149. Une telle officialisation du processus n’est pas documentée ailleurs en Italie, même si elle exista sans doute150. Elle facilita la continuité d’un phénomène bien attesté, particulièrement à partir du moment où Rome, s’affirmant comme puissance politique, devint une cité de plus en plus attractive.
44Comme ce ius migrandi concernait tous les individus de droit latin, il fut acquis progressivement par d’autres communautés, notamment les cités fédérées latines, permettant alors à de nouvelles personnes d’en bénéficier. Si ce ne furent jamais des milliers de personnes qui se déplacèrent, le phénomène fut loin d’être négligeable, comme le montre le cas tribunitien dans lequel, de façon significative l’origine latiale est prédominante. De tels afflux de populations ne purent qu’avoir des conséquences tant sur la sociologie des sociétés d’accueil que sur leur vie politique. Les luttes patricio‑plébéiennes plongent ainsi leurs racines dans la fin de l’époque royale, période de formation de la population romaine et de sa structuration politique. Cette ouverture de l’Vrbs joua un rôle non négligeable dans la formation de la plèbe, processus sans équivalent en Grèce ou en Étrurie à ces époques151.
Les lignées tribunitiennes et la société romaine des Ve et IVe siècles
45La citation de T. J. Cornell, placée en introduction de ce chapitre, s’avère ainsi pleinement valide. Rome fut bien cette cité ouverte aux autres, idée qui est, en réalité, très ancienne. Elle avait déjà été affirmée dans les travaux de Louis Ferdinand Alfred Maury qui mettent en avant les facteurs ethniques comme élément explicatif des origines de Rome152. D’un certain point de vue, il n’est pas anodin qu’une telle thématique, bien que née auparavant, se soit affirmée à la fin du XXe siècle dans un contexte de mondialisation et de métissage. Pour le dire autrement, l’émergence et l’affirmation de ce type d’analyse durant la seconde moitié du XXe siècle doit moins au hasard qu’à une mutation épistémologique. Le contexte intellectuel et culturel de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, fait d’affirmation impérialiste occidentale, d’hégémonie de la culture européenne et de justification de la colonisation par la diffusion d’une culture supérieure rendait impossible de concevoir une culture romaine née d’autre chose que d’elle même, à l’exception de la culture grecque. À l’inverse, la deuxième moitié du XXe siècle vit le recours de plus en plus massif aux concepts d’échanges culturels, de mondialisation, de créolité, d’identité rhizome, etc. Il devenait dès lors pensable d’imaginer ainsi le passé romain. Affirmer que chaque époque est porteuse de ses propres interrogations historiques est un lieu commun car c’est en réalité la naissance de formes de conceptualisations nouvelles qui rend possible la perception des phénomènes passés sous un angle original. Le cas de Rome fournit, de ce point de vue, un exemple frappant de ce type de métamorphose du champ de ce qu’il est permis de penser.
46L’aire culturelle centro‑italique fut propice aux échanges de toutes sortes entre les VIe et IVe siècles153. Les différentes zones de peuplement n’étaient pas refermées les unes sur les autres et les frontières furent en réalité plutôt poreuses. Au sein de cet ensemble, le site de Rome semble avoir été particulièrement attractif et des populations d’horizons différents s’y sont très tôt croisées. Les lettres du roi Philippe V de Macédoine adressées à la cité de Larissa, datables d’environ 215, évoquent la facilité avec laquelle les Romains donnaient leur citoyenneté, même aux esclaves affranchis. Ces textes montrent que cette idée était déjà suffisamment répandue au IIIe siècle pour être réemployée dans le monde grec154. Que ce soit le cadre général, la tradition littéraire ou les apports archéologiques et historiques, toutes les données disponibles vont dans le même sens et démontrent que l’origine étrangère des tribuns et des lignées tribunitiennes prend place dans ce contexte et ne se comprend que rapportée à lui. Le développement précoce de l’Vrbs s’explique dans une certaine mesure par cette attractivité originale. Rome était une cité latine qui connut, à la fin du VIe siècle, un essor spectaculaire, aidée en cela par sa position charnière entre les cultures dominantes de l’époque. C’est ainsi que la constitution de la population romaine eut lieu et sa progressive stratification se fit sur ce substrat impliquant des influences variées et des mouvements de population multiples. Ces phénomènes ne cessèrent pas avec la fin de la monarchie. Le passage à la République et la création du tribunat se fit donc en rapport avec les évolutions des autres régions de l’Italie et sur ce substrat fondamental155.
47Soulignons cependant que mettre en avant l’évidence de l’origine étrangère des tribuns de la plèbe ne doit pas conduire à surinterpréter cette donnée. Ils appartiennent globalement tous à une κοινή culturelle homogène, celle sur laquelle avait insisté S. Mazzarino. Cela ne doit donc pas entraîner un contresens ou, pire, la réactivation des théories analysant le conflit des ordres et le dualisme patricio‑plébéien sur une base ethnique. Si les tribuns eurent, pour une large part, une origine étrangère, ils ne furent pas les seuls. Le constat vaut pour bien des lignées patriciennes. Les Aternii étaient sans doute étrusques, les Minucii étaient latins et les Postumii sabins. Au sein des lignages tribunitiens comme au sein des lignages patriciens, cette origine étrangère révèle de multiples lieux de provenance et, à aucun moment cette diversité n’entraîna, à Rome, la constitution de groupes sociaux sur une base ethnique156. La période archaïque fut plutôt marquée par la progressive formation des identités ethniques de l’Italie, en parallèle à l’émergence des structures politiques, formation dans laquelle ces mouvements de population jouèrent un rôle157. Il convient donc d’envisager la société romaine archaïque comme un organisme labile, sans revendications particulières d’identités ethniques, au sein duquel seule l’attitude patricienne témoigne d’une tentative de figer les oppositions et les groupes sociaux (et uniquement sociaux). Il n’est nul besoin de rappeler les conséquences de ces choix et le refus précoce auxquels ils se heurtèrent.
48En revanche, si on trouve des résultats similaires pour les lignées patriciennes, la grande différence concerne l’intégration politique. L’enquête conduit ici à mettre en avant un blocage de la société romaine au début du Ve siècle. La mobilité horizontale et géographique perdura tandis que la mobilité verticale et sociale se réduisit. Les mouvements de population se poursuivirent mais, à Rome, une fraction du peuple entendit accaparer à son profit les leviers de commandement, le tout au détriment d’autres lignées moins puissantes, ou implantées depuis moins longtemps dans l’Vrbs. La cristallisation des antagonismes politiques au début du Ve siècle se joua aussi en partie sur cette différence arbitraire qui se créa et dont les Claudii offrent un condensé. Récemment arrivés à Rome, ils se virent pourtant intégrés au patriciat naissant, à l’inverse, sans doute, d’autres familles dont nous n’avons plus connaissance. Cela peut suggérer de nouvelles pistes pour comprendre les représentations de gentes comme celles des Claudii, lignage présenté sous un jour très négatif dans les sources158. Puisque cette vision remonte à leur arrivée à Rome, elle pourrait être liée à l’origine étrangère de lignées plébéiennes, ce d’autant plus que les Claudii sont dépeints comme des ennemis du peuple dès Atta Clausus. Il est certain que ce blocage politique provoqua une forme d’incompréhension dont le discours du tribun Canuleius cité plus haut porte la marque.
49Une fois mise en évidence l’origine étrangère de ces lignées tribunitiennes, l’important est donc moins cette origine en elle même que l’effet qu’elle put avoir dans le processus de formation et de développement de la République, son influence sur la stratification sociale de l’Vrbs et sur son évolution politique interne qui connut un tournant à la charnière des VIe et Ve siècles. C’est d’autant plus le cas qu’en dépit des nombreuses théories en ce sens, on peine à trouver dans les sources l’idée d’une quelconque organisation de la cité romaine sur une base ethnique, voire même d’éléments permettant de supposer que ces origines multiples se traduisirent par certaines formes d’exclusions ethniquement fondées159.
Conclusion : la dimension démographique
50Cet élargissement de la réflexion au niveau des lignées serait incomplet si l’on n’essayait pas d’en tirer quelques réflexions quantitatives à travers un essai d’analyse démographique des forces politiques en présence. En effet, les victoires remportées par les plébéiens au cours des Ve et IVe siècles ne peuvent s’expliquer sans tenir compte d’un rapport de force démographique évident. Une fois encore, et c’est tout l’intérêt d’une réflexion intégrant l’échelon familial, ces personnages ne furent jamais des individus isolés agissant de façon autonome dans un champ social neutre. Ils s’inséraient dans des réseaux d’alliances, dans des groupes humains qui conférèrent du poids à leurs revendications. Essayer de mieux quantifier ce qu’ils purent représenter apporterait un élément supplémentaire à la réflexion.
51Il est très difficile d’obtenir des données démographiques solides sur la population romaine au début de la République. Les seules indications numériques antiques que nous possédons à ce sujet sont les chiffres du cens, transmis par un certain nombre de sources littéraires et dont l’absence de fiabilité est unanimement reconnue. Sur ces bases et par comparaison avec d’autres périodes historiques, les études démographiques sur Rome entre la fin du VIe et le début du Ve siècle aboutissent à une estimation de la population totale comprise entre 20 000 et 50 000 individus. Un chiffre moyen d’environ 35 000 habitants est plausible. Sur ce total, il est malaisé de préciser combien étaient patriciens, combien étaient plébéiens et combien étaient étrangers160.
52Dans son étude sur le patriciat, P.‑Ch. Ranouil dénombre quarante‑trois gentes patriciennes pour la période 509‑366161. Toutefois, il ne précise pas combien d’individus cela pouvait représenter. Sur ce point, la tradition apporte deux chiffres différents lorsqu’elle évoque, d’une part, les cinq‑mille personnes accompagnant Atta Clausus dans sa migration vers Rome et, d’autre part, les quatre‑mille individus accompagnant les trois‑cent‑six Fabii au Crémère. Incontestablement, ces chiffres de cinq‑mille et de quatre‑mille parents et clients entourant Atta Clausus ainsi que les Fabii sont arbitraires. Leur unique raison d’être tient en une volonté d’impressionner le lecteur et de lui donner à lire la puissance de ces familles. Raisonner sur cette base est impossible. En revanche, le chiffre des trois‑cent‑six Fabii, moins aberrant en dépit de sa volonté de copier le nombre des Spartiates tombés aux Thermopyles162, pourrait constituer une base de calcul plus raisonnable. Il est d’autant plus intéressant que le témoignage de Denys qui évoque les quatre‑mille personnes accompagnant ces Fabii spécifie que, sur cet ensemble, les membres de la gens à proprement parler n’était qu’au nombre de ces fameux trois‑cent‑six163. Ainsi, dans le cas d’Atta Clausus comme dans celui des Fabii, ces chiffres de cinq‑mille et quatre‑mille comprennent les clients, qui n’étaient assurément pas patriciens, mais bien plébéiens, ce dont il faut tenir compte164. En outre, les Fabii étant une des plus importantes gentes de cette époque, il est certain que toutes les autres ne comptaient pas autant de membres et qu’il s’agit là d’un maximum. L’insistance sur ces chiffres dans les sources tient précisément à leur caractère extraordinaire. Si tant est qu’on leur accorde une certaine fiabilité, ils ne sauraient en aucun cas être représentatifs.
53De fait, un calcul sur la base de trois‑cents individus, rapporté à quarante‑trois gentes patriciennes, signifierait que douze‑mille‑neuf‑cents personnes, soit environ un tiers de la population totale, auraient fait partie du patriciat, ce qui est hautement improbable. Encore une fois, il s’agit d’un chiffre maximal. Sur ce total, les patriciens proprement dits ne formaient qu’une part bien inférieure, impossible à quantifier autrement que de manière arbitraire. Par comparaison, on estime la proportion de la noblesse dans la population d’Ancien Régime en France à 1 ou 2 %. Toujours sur la base de quarante‑trois lignées patriciennes, et en comptant que chacune comportait deux héritiers mâles, on arrive à peine à cent‑trente individus, qui rendent crédible le rapprochement avec la noblesse d’Ancien Régime. Enfin, l’augmentation progressive du nombre de centuries équestres pour arriver, à la fin du IVe siècle, aux mille‑huit‑cents equites equo publico va dans le sens d’un chiffre initial bien plus faible et, donc d’un nombre très réduit de patriciens dans la cité romaine165.
54À l’inverse, ce chiffre d’un tiers pourrait donner une idée de ce que pouvait représenter l’influence patricienne sur le corps social romain, à travers les personnes qui leur étaient liées à un titre ou à un autre. L’ensemble des autres plébéiens et des étrangers représenterait alors au moins les deux tiers restants de la collectivité. Les lignées plébéiennes étaient en effet plus nombreuses que les cinquante‑et‑une lignées tribunitiennes authentiques recensées plus haut puisque, sans mentionner celles dont nous avons perdu la trace, toutes n’accédèrent pas au tribunat. Quant aux étrangers (entendons par là tous ceux qui ne possédaient pas la citoyenneté romaine), nous ne disposons d’aucun moyen d’en estimer, même grossièrement, le nombre. Dans une étude récente, D. Noy estima le nombre d’étrangers à Rome à la fin de la République autour de 5 %166. Comparé à ce que nous avons vu du cas de Préneste, un tel chiffre peut représenter une base de réflexion plausible et, par conséquent, environ 59 % de la population romaine citoyenne se retrouvait dans la plèbe, libre de toute tutelle patricienne. Ajoutons enfin qu’avec l’émergence de la plèbe comme entité politique, durant la première moitié du Ve siècle, l’intérêt qu’il put y avoir à se placer dans la dépendance patricienne décrut sensiblement, renforçant l’avantage quantitatif des plébéiens.
55Ne cachons pas que ces calculs demeurent très hypothétiques. Ils ont toutefois l’intérêt de rappeler un rapport de force réel et autorisent quelques suggestions. Tout d’abord, ils ne permettent guère d’imaginer une quelconque superposition de la plèbe et de la clientèle167. Il faut garder à l’esprit que les rapports entre patriciens et plébéiens, en partie par le biais du système clientélaire, furent loin d’être univoques. Dans le même temps, ces chiffres indiquent que les patriciens ne représentaient, numériquement parlant, qu’une petite minorité de la cité romaine, bien inférieure au tiers mentionné plus haut. Ce n’est pas négligeable, ne serait‑ce que pour analyser le champ d’application respectif des plébiscites et des lois. Certes, avant 287, les plébiscites n’engageaient que la seule plèbe. Cette plèbe représentait toutefois l’écrasante majorité de la population. De même, la partie patricienne de la collectivité ne pouvait suffire à former l’armée et devait avoir recours à ses clients et à la plèbe. Enfin, les tribuns pouvaient mobiliser une frange importante de la société romaine au service de leur cause, ce qu’ils ne se privèrent pas de faire. Il importe donc de réintégrer le corpus des tribuns de la plèbe à l’intérieur de l’image ainsi esquissée de la société romaine archaïque car, ce faisant, l’on pourra mieux comprendre comment ils purent, progressivement, réussir à imposer un certain nombre de modifications politiques capitales. Reste alors à tenter de les situer dans l’échelle sociale de Rome aux Ve et IVe siècles.
Notes de bas de page
1 Pais 1918b, p. 6‑7 : « Il materiale di questi Fasti, non lo espongo secondo l’ordine cronologico tenuto dal Niccolini e poi dallo Ziegler. Lo ho invece raggruppato per stirpi e famiglie. È nota legge della società romana che assai spesso, se non sempre, i discendenti di magistrati agirono in conformità di tradizioni di famiglia gelosamente rispettate. I Duilii, i Cassii, i Cecilii, i Livii, gli Octavii, i Sempronii, i Trebonii quali tribuni della plebe, seguirono esempi familiari, non meno dei consoli Manlii e Cornelii Scipioni […] E se è utile esaminare il materiale dal lato cronologico, non sarà del tutto inutile considerarlo anche sotto un aspetto diverso. »
2 P. ex. Gjerstad 1962, p. 60‑61 ; Alföldi 1963, p. 76‑77 ; Pallottino 1963, p. 3‑37 ; Ranouil 1975, p. 188‑189 et Ampolo 1981, p. 57‑67 avec la bibliographie.
3 Halpérin 1984 s’était fixé un programme similaire mais, dans le cadre d’un simple article, ne le mena que partiellement. Ses pistes de réflexion demeurent intéressantes.
4 Cornell 1995, p. 171, ou encore p. 244 : « As we have seen, Rome was a dynamic and constantly changing society, with a diverse and ever growing population whose most striking characteristic was its capacity to absorb and integrate new elements. »
5 Voir les remarques de Zevi 1987, p. 128, avec les références aux travaux précurseurs d’A. Momigliano.
6 J’entends ici gens dans le sens de « famille », pas dans celui de « peuple ». Sur cette dernière signification du mot, voir Bourdin 2012, p. 197‑205.
7 Voir les remarques de Corbier 1990, p. 225‑228 et de Fayer 1994, p. 17‑88.
8 Babelon 1983 (1885‑1886), 1, p. 149 (Antestia, n° 17) et p. 151‑152 (Antestia, n° 20 et 21) = RIC, I2, p. 68‑69 (n° 363 et 364) et p. 73 (n° 411). Voir la présentation de cette lignée dans la prosopographie.
9 Babelon 1983 (1885‑1886), 2, p. 359, (Pomponia, n° 6) = RRC, 334/1. Voir la présentation de cette lignée dans la prosopographie.
10 Fest., p. 38 L., s.v. Caeculus. Sur ces questions de généalogies mythiques, voir Wiseman 1974 et Badel 2006.
11 Alföldi 1966.
12 Kajanto 1965, p. 19‑30 et Kajanto 1977. Les elogia du tombeau des Scipions sont une pièce maîtresse du dossier, comme le montre Etcheto 2003.
13 Solin 2009 avec la bibliographie. Voir aussi Etcheto 2003.
14 Cette position ne fait que reprendre celle défendue plus tôt par K.‑J. Beloch et que l’on retrouve chez T. J. Cornell, historien très critique vis‑à‑vis du refus systématique des cognomina archaïques. Voir Beloch 1926, p. 46‑52 et Cornell 1995, p. 440, n. 14 qui prend appui sur les thèses de K.‑J. Beloch.
15 Ampolo 1981, p. 63. Selon Colonna 1977a, le gentilice serait apparu en étrurie sans doute au VIIIe siècle puis le système onomastique à deux noms se serait progressivement diffusé à partir de là dans toute l’Italie. Sur les questions d’emprunts onomastiques, outre Bonfante 1948, le point de départ reste l’ouvrage classique de Rix 1963 qui a mis en évidence le système des Vornamengentile. On se reportera ensuite aux contributions de J. Heurgon, M. Lejeune et Cl. Nicolet dans Duval 1977. Ce problème a été récemment revu par Adams 2003 ; Hadas‑Lebel 2004 et l’on pourra aussi consulter Poccetti 2009 et Bourdin 2012, p. 521, n. 12.
16 En le croisant avec les ILLRP ; Epigrafia 1982 et certains corpus plus précis. Ainsi, pour les nombreux cippes prénestins, j’ai utilisé Cippi prenestini.
17 Essentiellement Giacomelli 1963, Lejeune 1976 et, surtout, les ET, les ST et les Imag. Ital.
18 Voir annexe, p. 679-695.
19 D.H., 4, 58 et Liv., 1, 54. D.S., 7, 5, 9 la range parmi les colonies d’Albe.
20 Alföldi 1963, p. 378. Voir, p. ex., la mention de D.H., 1, 84, 5 à ce sujet.
21 D.H., 4, 58, 3.
22 Varro, ling., 5, 33.
23 Alföldi 1963, p. 378‑380 ; Bruun 1967 ; Sherwin‑White 1973, p. 15‑20 ; Civiltà del Lazio 1976, p. 186‑187 ; Humbert 1978, p. 86‑91 ; Enea nel Lazio 1981, p. 43‑48 et Smith 1996, p. 208‑210.
24 D.H., 5, 61.
25 D.S., 7, 5, 9. D’autres sources en font cependant une cité grecque. Voir Fernique 1880, p. 5‑8.
26 D.H., 5, 61.
27 Liv., 2, 19, 2.
28 Sur Préneste, on consultera encore avec profit, au moins pour les sources littéraires, Fernique 1880, p. 5‑29. Voir, sinon, Humbert 1978, p. 190‑191 ; Coarelli 1978a, p. 104‑143 ; Enea nel Lazio 1981, p. 34‑37 ; Pairault Massa 1992a ; Gatti et Onorati 1992 et Coarelli 1992. Concernant les privilèges issus du foedus Cassianum, et notamment le ius migrandi, voir Humbert 1978, p. 91‑122 ; Bottiglieri 1980 ; Kremer 2006, p. 5‑8 et p. 30‑40 et Bourdin 2012, p. 292‑293. Rappelons que ce traité de 493 prévoyait un droit réciproque de migration entre les cités signataires, permettant l’installation et l’acquisition de la citoyenneté dans la cité d’accueil. Il facilitait donc les migrations à Rome depuis les cités en question.
29 Plin., nat., 33, 17. Voir les remarques d’Alföldi 1963, p. 385‑391 ; Humbert 1978, p. 190, n. 135 et de Pairault Massa 1992a, p. 136‑138.
30 Sur Tarquinia, voir Alföldi 1963, p. 206‑209 ; Scullard 1967, p. 86‑92 ; Harris 1971, p. 47‑48 ; Torelli 1975, p. 56‑92 ; Torelli 1987 ; Sordi 1987 ; Cataldi et Ricciardi 1993, p. 14‑34 ; Maggiani 2005, p. 65‑67 ; Cataldi Dini 2008 ; Cataldi Dini 2010 ; Bourdin 2012, p. 486‑499 ; Torelli 2012, p. 115 et p. 218‑224 ; Jolivet 2013. On pourra aussi se reporter aux articles sur Tarquinia dans Dinamiche di sviluppo 2005.
31 Humbert 1978, p. 260‑262.
32 D.H., 5, 61.
33 Liv., 3, 18, 2 et 3, 29, 6 et Cato, orig., 1, 26 Chassignet (= frgt 1, 24 J = frgt 25 P = frgt 29 Cugusi = frgt 25 Cornell, apud Prisc., gramm., 6, p. 226‑227 H). Voir Alföldi 1963, p. 380‑385 et Humbert 1978, p. 175‑176. Comme le précise ce dernier, il est possible que d’autres cas similaires aient existé dès 460, mais que seul Mamilius ait accepté de devenir ciuis Romanus.
34 D.C., 7, 28, 1‑2 Boissevain ; D.H., 14, 6 (= 14, G Pittia) ; Liv., 6, 26 ; Plut., Cam., 38, 5. Voir Humbert 1978, p. 155‑157 et p. 192‑194.
35 Sur Volsinies, voir Scullard 1967, p. 126‑132 ; Harris 1971, p. 83‑84 et p. 115‑118 ; Harris 1985 (mais qui ne remonte pas au‑delà de 400 faute de sources) ; Stopponi 2010 et Torelli 2012, p. 140.
36 Harris 1971, p. 59‑60.
37 Harris 1971, p. 75‑76. Une trêve fut alors signée.
38 Liv., perioch., 11 et Harris 1971, p. 78‑79 et p. 82‑83.
39 Scullard 1967, p. 126‑132 ; Harris 1971, p. 83‑84 et p. 115‑118 et Stopponi 2010.
40 Scullard 1967, p. 119‑126.
41 Alföldi 1963, p. 212‑231. Sur Vulci, voir Hus 1971 ; Moretti Sgubini 2001, p. 179‑255 ; Maggiani 2005, p. 67‑69 ; Moretti Sgubini 2008 avec la bibliographie ; Sgubini Moretti 2010 ; Torelli 2012, p. 115‑116 ; Moretti Sgubini 2013. On pourra aussi se reporter aux articles sur Vulci dans Dinamiche di sviluppo 2005.
42 Lange 1876, p. 415‑420 ; Binder 1909, p. 374 ; Grosso 1965, p. 80‑82 ; Richard 1978, p. 52, n. 204 et p. 284‑286.
43 Münzer 1999 (1920), p. 48‑93. Ce chapitre deux est significativement intitulé : « Die Einbürgerung fremder Herrengeschlechter », traduit ainsi dans la version anglaise : « The Naturalization of Foreign Princely Clans ».
44 On la trouve chez Alföldi 1963, p. 197‑198. Voir, plus récemment, Ampolo 1981, p. 57‑67 ; Torelli 2008 ; Ampolo 2009 et Camporeale 2010. Voir aussi Tac., ann., 11, 24, 2.
45 Ranouil 1975, p. 184‑185 ; Ampolo 1981, p. 63‑64 et, surtout, Bourdin 2012, p. 542‑551.
46 App., Reg., frgt 12 ; D.H., 5, 40, 3‑5 et 9, 47, 1 ; Liv., 2, 16, 2‑5 ; 4, 3, 14 et 10, 8, 6 ; Plut., Publ., 21, 4‑10 ; Serv., ad Æn., 7, 706 ; Suet., Tib., 1, 1‑2 ; Tac., ann., 4, 9 ; 11, 24 et 12, 25 ; Verg., Æn., 7, 706‑709. Sur le dossier de l’émigration des Claudii et de la création de la tribu Claudia, voir Wiseman 1979a, p. 57‑76 ; Romano 1984, p. 117‑112 ; Hermon 2001, p. 56‑72 ; Rieger 2007, p. 353‑371 ; Semioli 2010, p. 117‑133 et Bourdin 2012, p. 523‑524 et p. 545‑546.
47 Voir Ampolo 1981, p. 46. Sur les Veturii, on pourra rappeler avec Momigliano 1967a, p. 300‑301 (= Momigliano 1969b, p. 441) que la tombe Bernardini de Préneste abritait une branche de la lignée.
48 Sur ce personnage, on consultera essentiellement Pekáry 1969 ; Vernacchia 1970 ; Wolf 1980 ; Bauman 1983, p. 24‑45 ; Pólay 1983 ; D’Ippolito 1985a ; D’Ippolito 1985b ; D’Ippolito 1986, p. 27‑36 ; Loreto 1991a ; Loreto 1991b ; Cels‑Saint‑Hilaire 1995, p. 251‑289 ; Cels‑Saint‑Hilaire 2002 ; Humm 2005, p. 441‑480 ; Oakley 2005, p. 600‑645 ; Walter 2006 ; Lanfranchi 2013a.
49 Ampolo 1970‑1971, p. 37‑99 ; Civiltà del Lazio 1976, p. 99‑147 ; Torelli 1979a, p. 251‑287 ; Delpino 1987, p. 19‑26 ; Cristofani 1990 ; Cornell 1995, p. 81‑118 ; Moatti 2004 ; Rieger 2007, p. 24‑82 ; Ampolo 2009 ; Bourdin 2012, p. 517‑700 ; AnnFaina 2013.
50 Les statues acrotères de la phase II du sanctuaire de Sant’ Omobono à Rome (Hercule et Minerve), celles de Portonaccio à Véies (également Hercule et Minerve) et celles du temple B de Pyrgi (Hercule et Héra), toutes très similaires, le démontrent bien. Voir Moretti Sgubini 2001, p. 67‑68 et Cifani 2008, p. 301‑303.
51 Cristofani 1987b ; Torelli et Moretti Sgubini 2008, p. 185 et p. 218. Voir aussi Cristofani 1990, p. 60 n° 5, 6 et 7, à comparer avec Moretti Sgubini 2001, p. 20 I C 8.
52 Michetti 2010, p. 140‑142 et fig. 34‑35. Sur ces questions désormais bien étudiées, on consultera pour plus de détails Bartoloni 1989‑1990 et Ambrosini et Belelli Marchesini 2009.
53 Gagé 1955a, p. 57‑60 ; Colonna 1981a ; Delpino 1987, p. 24 ; Torelli 2008 et Torelli 2012, p. 19.
54 Sil., 8, 483‑485 en attribue l’invention à Vetulonia, où fut trouvé, dans une tombe de cette cité, le seul témoin archéologique connu qui ressemble à un faisceau et qui date d’environ 600. Voir Scullard 1967, p. 223 ; Piel 2000, p. 449‑475, p. 764‑773 et p. 837‑840 (qui montre que l’exemplaire de Vetulonia est en réalité un insigne hybride, résultant de l’association d’une bipenne et de uirgae, et non un faisceau à proprement parler) et Tassi Scandone 2001.
55 Voir à ce sujet Pallottino 1945 ; Combet‑Farnoux 1957, p. 8‑12 ; Vacano 1973 ; Andrén 1976‑1977 ; Colonna 1981b ; Colonna 1988b, p. 311‑314 et Colonna 2008.
56 Alföldi 1963, p. XII : « Regal Rome, the ruling power of Central Italy according to the Annals, turns out to be no more than a vigorous vassal of some southern Etruscan states wich tried to snatch this important transfer place from each other », et p. 206‑235.
57 Voir Ampolo 1988b ; Pallottino 1993b, p. 174‑226 ; Cornell 1995, p. 151‑172 avec la bibliographie ; Zevi 1995, p. 307‑314 ; Vanotti 1999 et Bourdin 2012, p. 525‑527.
58 Les nécropoles de Sant’Agata et de Poggioverde témoignent de la persistence de la présence étrusque, mais Rome contrôlait l’ager Vaticanus et une série d’autres territoires dès la fin du VIe siècle. Voir Bourdin 2012, p. 500‑503 et p. 510.
59 Les trois inscriptions certaines sont CIE, 862 (= ET, La 2.3) ; TLE, 24 (= ET, La 2.4) et CIE, 8604. Les deux probables sont CIE 8601 (= ET, La 2.2) et CIE 8608. Trois autres documents épigraphiques fragmentaires sont d’interprétation plus incertaine et pourraient être latins ou étrusques. Voir Ampolo 2009, p. 11‑16 et Bourdin 2012, p. 526. Le témoignage de Plin., nat., 16, 237 prouve qu’il en exista sans doute d’autres, même si cela demeure peu de choses.
60 Les sources lui attribuent deux origines. D.H., 5, 36 et Fest., p. 486 L, s.v. Tuscum uicum le relient aux restes de l’armée de Porsenna ; tandis que Varro, ling., 4, 46 le met en rapport avec les frères Vibenna.
61 Pour le vase de Duenos, voir CIL, I2, 4 (= ILS, 8743 = ILLRP, 2). Pour le lapis niger, voir CIL, I2, 1 et pour la fibule, voir CIL, I2, 3. Voir aussi Ernout 1947, n° 1 et 2.
62 CIL, I2, 2830.
63 Voir Pallottino 1984, p. 144 ; Colonna 1987, p. 58‑65 ; Heurgon 1993, p. 239 et la reprise récente du dossier par Ampolo 2009.
64 Richard 1978, p. 304 et Ampolo 1987, p. 81‑85. La question des trois traités romano‑carthaginois et, en particulier, de l’authenticité du premier a fait l’objet de nombreuses discussions. L’accord se fait aujourd’hui plutôt en faveur de leur historicité. On se reportera pour plus de détails à Aymard 1957 ; Alföldi 1963, p. 350‑355 ; Werner 1963, p. 299‑368 ; Rebuffat 1966 ; Ferenczy 1969 ; Richard 1978, p. 300‑305 ; Petzold 1972 ; Scardigli 1991 ; Ameling 1993, p. 141‑154 ; Heurgon 1993, p. 386‑395 ; Cornell 1995, p. 210‑214 ; Bringmann 2001 ; Bresson 2004 ; Colonna 2010 et Bourdin 2012, p. 288.
65 Mazzarino 2001, p. 14‑15, p. 83‑84, p. 101‑102 ou encore p. 175‑177. S. Mazzarino ne fit toutefois que reprendre et approfondir des intuitions qui remontent à Rosenberg 2011 (1913). Pour une histoire de ce concept, on pourra consulter Triantafillis 2004‑2005.
66 ET, La 3.1. Voir Naso 2001.
67 Sur la ligue latine, voir Bourdin 2012, p. 278‑298 avec la bibliographie.
68 Combet‑Farnoux 1957 ; Alföldi 1963, p. 72‑84 et Cornell 1995, p. 215‑226.
69 Voir Torelli 2012, p. 194‑199 qui insiste justement sur l’absence de véri- table coupure et, p. 198, présente les noms étrusques dans les fastes comme l’» espressione non già della continuità di un “dominio” etrusco, ma del persistere nei primi decenni del V secolo a. C. del cosmopolitismo delle classi dominanti, di quelle mobilità sociale che abbiamo visto in atto nel secolo precedente ». Voir aussi Camporeale 2004, p. 88‑93.
70 Voir, sur ces aspects, Pallottino 1993a (1984), p. 92‑100.
71 On consultera encore avec intérêt, sur ce point, Schur 1924.
72 Les sources sont Cic., rep., 2, 34 ; D.H., 3, 46‑47 ; 4, 6, 1‑4 et 4, 29, 2 ; Liv., 1, 34, 2 ; Plin., nat., 35, 152 ; Plb., 6, 11a, 7 ; Str., 5, 219c ; Tac., ann., 11, 14. Voir Blakeway 1935 ; Ampolo 1976‑1977 ; Ampolo 1981 ; Pallottino 1984, p. 180‑181 ; Musti 1987 ; Briquel 1988 ; Ridgway 1992 ; Torelli et Menichetti 1995 ; Zevi 1995 ; Ridgway 1997 et Bourdin 2012, p. 527‑529.
73 Cic., rep., 2, 34 : adscitus est ciuis a Tarquiniensibus atque in ea ciuitate domicilium et sedes collocauit (trad. E. Breguet).
74 Encore faut‑il tenir compte du caractère proverbial de cette idée et des différences de nature entre la citoyenneté en Grèce et à Rome. Voir, là‑dessus, Gauthier 1974.
75 D.H., 2, 17 et Poma 1989a.
76 D.H., 3, 1, 2.
77 ET, Vc 2.1. Voir Colonna 1977b ; De Simone 1975, p. 139 ; De Simone 2006, p. 169 et Marchesini 2007, p. 25.
78 ET, La 2.1. Le rattachement linguistique est disputé. Pallottino 1967 ; Torelli 1967 et Pallottino 1980 se prononcent pour une origine étrusque. Contra, Prosdocimi 1979 penche pour l’origine latine. Voir aussi Canciani et Hase 1979, p. 39‑40.
79 Pallottino 1950‑1951 ; Lejeune 1952, p. 120‑121 ; Pisani 1952‑1953 ; Pisani 1953, p. 349 ; Pallottino 1954a ; Knobloch 1958 ; Giacomelli 1963, p. 261 ; Peruzzi 1963 ; Colonna 1980, p. 51‑52 ; Agostiniani 1982, p. 149 n° 587 et p. 242‑243 ; Cristofani 1990, p. 101 ; Silvestri 1993, p. 106 et Bakkum 2009, p. 583‑584 n° 479.
80 Fortini 2005 et Ampolo 2009, p. 15‑16. Voir aussi Bourdin 2012, p. 620 et p. 690 sur ce nom.
81 Bourdin 2012, p. 522.
82 Musti 1987, p. 149‑150.
83 CIE, 5429 et ET, Ta 1.1. Voir Marchesini 2007, p. 69‑70 n° 33.
84 ET, Cr 2.30 (= TLE, 865a). Voir Cavagnaro Vanoni 1963, p. 206‑207 n° 3 ; Cristofani 1967b ; De Simone 1970, p. 109 ; Colonna 1970, p. 655 et Marchesini 1997, p. 36 n° 40.
85 ET, Cr 2.31 (= TLE, 65). Voir Buffa 1935, p. 252 n° 896 ; Martelli 1987, p. 227‑230 n° 45 ; Colonna 1970, p. 655 ; Marchesini 1997, p. 47 n° 78 et Marchesini 2007, p. 26‑27.
86 ET, Cr 3.20 (= TLE 868). Voir Colonna 1970, p. 655 ; Marchesini 1997, p. 47 n° 78 et Marchesini 2007, p. 54.
87 ET, Cl 2.3 (= TLE, 489). Voir Heurgon 1971b ; De Simone 1972 ; Maggiani 1972 ; De Simone 1975, p. 144 ; De Simone 1976 ; Heurgon 1976 ; De Simone 1993, p. 26‑27 et Marchesini 2007, p. 28‑29.
88 ET, Ve 2.4. Des gentilices similaires sont attestés ailleurs. Voir Marchesini 1997, p. 139‑140.
89 ET, Vs 1.90.
90 ET, Cl 1.2609, 1.2611, 1.2612 et 1.2613. Voir Bourdin 2012, p. 476‑479 pour les gentilices d’origine ombrienne en étrurie et, plus généralement, p. 477‑482. Voir aussi p. 526‑527 pour la diffusion d’étrusques hors de Rome, p. ex. à Satricum et à Lauinium, et p. 580‑581 pour la mobilité des personnes dans les zones plus méridionales. De Simone 1978 avait aussi proposé d’interpréter certains gentilices présents dans les nécropoles d’Orvieto comme la preuve d’une présence celte.
91 Voir Torelli 1979a, p. 261‑262 avec la bibliographie et Cornell 1995, p. 158.
92 CIE, 10017 et ET, Ta 6.1 (= TLE, 155). Voir De Simone 1970, p. 228 ; Musti 1987, p. 144‑147 ; De Simone 1995, p. 289‑290 ; Marchesini 1997, p. 162‑166 et Marchesini 2007, p. 65‑66 n° 30 avec la bibliographie.
93 CIE, 10159 et ET, Ta 3.1. Voir Jucker 1969 ; Cristofani 1970 et Marchesini 1997, p. 162‑166.
94 ET, OA 2.2. Voir Marchesini 1997, p. 164‑165.
95 Sur la présence grecque en Italie centrale et les problèmes qu’elle pose, voir Bourdin 2012, p. 527‑532.
96 Gabba 1993, p. 19 (= Gabba 2000, p. 18) et Bourdin 2012, p. 527 et p. 530‑531.
97 Plin., nat., 35, 152. Voir les remarques de Torelli 1979b ; Martin 1982, p. 265 ; Pallottino 1984, p. 180‑181 et Bourdin 2012, p. 527. D.H., 3, 47, 2 évoque aussi la suite nombreuse accompagnant le premier Tarquin lors de sa migration tandis que Cic., rep., 2, 37 fait de Servius le fils d’un client de Tarquin. Voir aussi Camporeale 2001b.
98 Torelli 1979b, p. 311‑312 ; Colonna 1980‑1981, p. 157‑160 ; Pelagatti 1985 et Winter 1993.
99 Liv., 1, 56 et Plin., nat., 36, 107.
100 Paribeni 1959‑1960 ; La Rocca 1976 ; Enea nel Lazio 1981, p. 124‑131 et Virgili 1989. Il est aujourd’hui certain que l’artisanat s’accrut à Rome sous les rois étrusques. Sur ce sujet, on consultera encore avec profit Tamborini 1930 ; Besnier 1934 et Besnier 1955. Voir, plus récemment, Cristofani 1990, p. 109‑130 ; Cascino 2008 ; Ambrosini 2009 ; Olcese 2009 et Michetti 2010.
101 Guarducci 1976‑1977 et Colonna 1987, p. 57‑58.
102 Plin., nat., 35, 154. Voir Colonna 1980‑1981.
103 Hus 1971, p. 96.
104 Cette proportion varie selon les auteurs : Heurgon 1977, p. 26 parle de 16 % ; Tagliamonte 1994, p. 60 parle de 30 % et Torelli 2008, p. 169‑170 parle de plus de 10 %. Voir aussi la reprise du dossier par Bourdin 2012, p. 533‑538 et l’annexe 2 n° 12, p. 1051‑1052.
105 Marchesini 1997 (en particulier la synthèse finale p. 117‑166) et Bourdin 2012, p. 538‑540.
106 Cippi prenestini, p. 22‑33. Cette analyse a été reprise et critiquée par Bourdin 2012, p. 576‑577 qui arrive au chiffre sans doute plus véridique de 8 % de noms d’origine étrangère.
107 Bourdin 2012, p. 585‑587.
108 Voir le tableau en annexe.
109 Bourdin 2012, p. 532 et p. 541‑542.
110 Ibid., p. 552‑569 et p. 585‑587.
111 CIL, I2, 23 (= ILLRP, 1064).
112 CIL, I2, 636. Sur ce cognomen, voir aussi Heurgon 1942, p. 290-291.
113 Pour d’autres exemples, voir ET, La 2.3 ; Af 3.1.
114 CIE, 862 et ET, La 2.3. Voir Pallottino 1979, p. 11‑12 ; Adams 2003, p. 159‑163 ; Ampolo 2009, p. 11‑12 avec la bibliographie. On pensera aussi à un autre exemplaire célèbre retrouvé à Carthage : TLE, 724 et ET, Af 3.1.
115 Bourdin 2012, p. 569‑574.
116 Luschi 2008, p. 148, n. 48.
117 Ibid., p. 141‑143.
118 Ibid., p. 164‑165.
119 D.H., 2, 30 ; Enn., Ann., 1, 107 ; Fab. Pict., frgt 9 Chassignet (= frgt 7 P1et 2 = frgt 5a J = frgt 10 F1 = frgt 6 Cornell, apud Plut., Rom., 14, 1) ; Gell. hist., frgt 11 Chassignet (= frgt 11 P1 et 2 = frgt 1 Cornell, apud D.H., 2, 31, 1) ; Liv., 1, 9 ; Plut., Rom., 14, 5 ; Varro, ling., 5, 20 et Vell., 1, 8.
120 Voir notamment Cic., rep., 2, 13 ; D.H., 2, 46 ; Flor., epit., 1, 1 (= 1, 1) ; Liv., 1, 13 et 1, 14 ; Plut., Rom., 19 ; Strab., 5, 3, 1‑2 et Varro, ling., 5, 51 et 6, 68. Sur les Sabins, on se reportera à Poucet 1967, ouvrage dans lequel il veut montrer que le rôle des Sabins serait une reconstruction historiographique à partir d’éléments du Ve siècle. Voir aussi, plus récemment, Semioli 2010, passim.
121 Pensons p. ex. à la mise en rapport de la tribu Luceres avec l’étrusque Lucumon.
122 Richard 1978, p. 1‑77. Ce dernier souligne aussi, p. 96, que, si la tradition reconnaît l’existence d’éléments étrangers variés à Rome, « elle ne privilégie pas tel apport aux dépens de tel autre » et, donc, n’aurait pas dû pouvoir donner le jour aux théories opposant plèbe et patriciat sur des bases ethniques ou raciales.
123 Ampolo 1981, p. 48 qui évoque les cas de Florián de Ocampo qui écrivit en 1543 que les premiers Romains étaient des Espagnols ou de Manuel de Faria y Sousa qui, en 1628, en faisait des Lusitaniens.
124 Voir les remarques d’Ampolo 1981, p. 46‑47.
125 D.H., 2, 15, 4 ; Liv., 1, 7 ; Plut., Rom., 9, 3 et Serv., ad Æn., 2, 761.
126 Liv., 1, 18, 1 et Plut., Num., 3, 2‑4.
127 Voir supra p. 97-98.
128 Suet., Claud., 33 et 41.
129 Sur ces aspects de la vie de Claude, voir Momigliano 1932b, notamment le chapitre un, significativement intitulé « l’erudito », p. 17‑41. Ce livre fondamental fut le point de départ de la réhabilitation politique de cet empereur. On lira aussi encore avec profit Heurgon 1953 (= Heurgon 1986, p. 427‑432). Les rapports entre Claude et Tite‑Live ont aussi été analysés par Ogilvie et Last 1958. Voir aussi Harris 1971, p. 27‑28 et Cornell 1976 qui estime que les sources de Claude furent de seconde main, et non directement des textes étrusques.
130 Tac., ann., 11, 23‑25 et CIL, XIII, 1668 (= ILS, 212 = FIRA, 1, p. 281‑285). L’édition française classique de ce texte reste Fabia 1929. On pourra y ajouter les remarques de Perl 1996. Les différences entre la version de Tacite et celle de Claude ont été étudiées par Fabia 1931. Voir notamment les p. 225‑237 pour l’étude du rapport Claude/Tacite. Ce problème a été revu depuis par De Vivo 1980 et Briquel 1990.
131 Sur les tentatives modernes pour rendre compte de cette identification, voir Alföldi 1963, p. 212‑215 ; Pallottino 1977 ; la synthèse de la question par Thomsen 1980, p. 67‑114 ; Capdeville 1992 et Capdeville 1995, p. 7‑39.
132 Briquel 1990, p. 94‑102.
133 Tac., ann., 4, 65 et les remarques à ce sujet de Briquel 1990, p. 90‑94.
134 Varro, ling., 5, 46 ; Paul. Fest., p. 38 L., s.v. Caelius mons ; Fest., p. 486 L., s.v. Tuscum uicus et Fest., p. 487 L., s.v. Tuscus. Voir là‑dessus Briquel 1990, p. 94‑102 et Poucet 2000, p. 196‑202 pour les variabilités de cette tradition.
135 Arn., 6, 7, ainsi que les remarques d’Alföldi 1963, p. 217‑218 et de Briquel 1990, p. 97‑99.
136 Voir en ce sens Alföldi 1963, p. 215‑218 qui attribue ce phénomène à Fabius Pictor.
137 La bibliographie sur cette tombe est importante. On consultera encore Messerschmidt et Gerkan 1930 qui demeure indispensable. On se reportera aussi à Pallottino 1952, p. 115‑124 ; Gagé 1962 ; Alföldi 1963, p. 220‑231 ; Cristofani 1967a ; Buranelli 1987 ; Pairault Massa 1992b, p. 117‑125 ; Cornell 1995 p. 130‑141 ; Coarelli 1983b (= Coarelli 1996c, p. 138‑178) ; Briquel 1997, p. 57‑116 ; Moretti Sgubini 2004 ; Marcattili 2008 et Minder 2008.
138 Pallottino 1952, p. 115 opte, lui, pour une datation de la tombe du Ve siècle mais date les fresques du IIe ou du commencement du Ier siècle. Il ne doit pas être suivi. La datation de la fin du IVe siècle a été établie par Cristofani 1967a.
139 CIE, 6456 (= TLE 35 = ET, Ve 3.11) ; Pallottino 1939, p. 455‑457 et Heurgon 1966 (= Heurgon 1986, p. 273‑283).
140 Voir Pallottino 1984, p. 145‑147 et les analyses en ce sens de Humm 2005, p. 351‑367, même s’il s’interroge sur l’existence d’une image de Servius Tullius antérieure à cette époque (p. 355). Je diverge sur ce point.
141 Voir les remarques en ce sens de Fabia 1929, p. 69‑71. Ajoutons que Suet., Claud., 41 révèle que Tite‑Live serait à l’origine de la vocation historique de l’empereur Claude.
142 Liv., 4, 3, 9‑15 : Obsecro uos, si non ad fastos, non ad commentarios pontificum admittimur, ne ea quidem scimus quae omnes peregrini etiam sciunt, consules in locum regum successisse nec aut iuris aut maiestatis quicquam habere quod non in regibus ante fuerit ? En unquam creditis fando auditum esse, Numam Pompilium, non modo non patricium sed ne ciuem quidem Romanum, ex Sabino agro accitum, populi iussu, patribus auctoribus Romae regnasse ? L. deinde Tarquinium, non Romanae modo sed ne Italicae quidem gentis, Demarati Corinthii filium, incolam ab Tarquiniis, uiuis liberis Anci, regem factum ? Ser. Tullium post hunc, captiua Corniculana natum, patre nullo, matre serua, ingenio, uirtute regnum tenuisse ? Quid enim de T. Tatio Sabino dicam, quem ipse Romulus, parens urbis, in societatem regni accepit ? Ergo dum nullum fastiditur genus in quo eniteret uirtus, creuit imperium Romanum. Paeniteat nunc uos plebeii consulis, cum maiores nostri aduenas reges non fastidierint, et ne regibus quidem exactis clausa urbs fuerit peregrinae uirtuti ? Claudiam certe gentem post reges exactos ex Sabinis non in ciuitatem modo accepimus sed etiam in patriciorum numerum. Ex peregrinone patricius, deinde consul fiat, ciuis Romanus si sit ex plebe, praecisa consulatus spes erit ? (trad. G. Baillet revue et corrigée par Ch. Guittard).
143 Liv., 4, 4, 7 : Quid ? Hoc si polluit nobilitatem istam uestram, quam plerique oriundi ex Albanis et Sabinis non genere nec sanguine sed per cooptationem in patres habetis, aut ab regibus lecti aut post reges exactos iussu populi, sinceram seruare priuatis consiliis non poteratis, nec ducendo ex plebe neque uestras filias sororesque ecnubere sinendo e patribus ? (trad. G. Baillet revue et corrigée par Ch. Guittard).
144 Un discours similaire, adressé une fois encore à un Ap. Claudius, est attribué au tribun de la plèbe C. Laetorius en 471. Voir D.H., 9, 47.
145 Voir les remarques de Cornell 1995, p. 142 et supra p. 22-25.
146 Voir en dernier lieu Cornell 1995, p. 194‑197.
147 Kremer 2006, p. 5‑8 et p. 30‑40 et Bourdin 2012, p. 292‑293. Sur les clauses du foedus Cassianum, voir D.H., 6, 95.
148 Voir Mommsen 1984‑1985 (1889‑1896), 6/1, p. 52‑54 et 6/2, p. 249‑268.
149 Ferenczy 1976a, p. 101 ; Humbert 1978, p. 91‑122 et Kremer 2006, p. 30‑40. Ce dernier auteur, en particulier, montre de façon convaincante que seules les colonies fondées à partir de 493 ont pu voir leurs colons soumis à restriction dans l’exercice de ce droit de migration. Voir aussi Bourdin 2012, p. 148 et p. 292‑293. Rappelons que Firpo 2001 a proposé de dater ce traité avec les Herniques de 493 au lieu de 486.
150 Bourdin 2012, p. 549.
151 Voir les suggestions de Musti 1987, p. 144 et Cornell 1995, p. 148.
152 Voir Maury 1866. Pour une présentation de ce texte, voir Ampolo 1981, p. 68‑70. Voir aussi Bourdin 2012, p. 717‑720. Dans les sources antiques, outre les textes cités supra on pourra se référer à Cic., rep., 2, 7 à 20 ou Cic., Balb., 31.
153 Ils ont été l’objet de travaux récents pour l’aire étrusque méridionale et l’Italie centrale. Voir, notamment, Cristofani 1996 ; Marchesini 1997, p. 162‑166 ; Marchesini 2007, p. 117‑129 ou encore Urso 2008 pour des périodes plus tardives.
154 SIG3, n° 543. Voir Walbank 1940, p. 295‑299 et les remarques de Gauthier 1974, p. 207‑215.
155 Cette généreuse ouverture de Rome aux étrangers avait déjà été soulignée par Botsford 1968 (1909), p. 38.
156 Voir les remarques déjà anciennes de Rose 1922, p. 132 : « We thus get the nucleus of a plebs rustica and a plebs urbana, more mixed perhaps than the mixed patrician body, but not opposed to it as race to race, still less as community to community. » Voir, depuis, Cornell 1997.
157 Bourdin 2012, p. 550‑551.
158 Voir Wiseman 1979a, p. 57‑139 et, dernièrement, Humm 2005, p. 77‑94.
159 Ampolo 1981, p. 52‑54 et Ampolo 2009, p. 9‑41.
160 Voir le résumé de la discussion dans Cornell 1995, p. 204‑208. Botsford 1968 (1909), p. 83‑84 retient le chiffre de moins de 60 000 habitants pour l’ensemble du territoire sous domination romaine au début de la République. On consultera également Ampolo 1980, p. 28‑29 qui, à partir de l’étude des conditions matérielles, estime la population de Rome au VIe siècle entre 20 000 et 30 000 habitants, chiffres repris dans Richard 1986, p. 191.
161 Ranouil 1975, p. 113‑124. Notons que ce nombre alla en diminuant. Brunt 1979 (1971), p. 67 n’en dénombre plus que vingt‑et‑une après 366.
162 Sur la façon dont l’histoire des 306 Fabii a été modelée sur celle de la bataille des Thermopyles, voir Richardson 2012, p. 140‑142.
163 D.H., 9, 15, 3.
164 Sur les rapports plèbe/clientèle, voir infra p. 185-190.
165 Sur ce dernier aspect, voir Humm 2005, p. 155‑166.
166 Noy 2002, p. 15‑17.
167 Voir infra p. 188-189.
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