Chapitre 6. Padoue et la société padouane vers 1260
p. 843-868
Texte intégral
I–LES NOUVEAUX DIRIGEANTS : NOUVEAUX RICHES ET ARISTOCRATES
1Tout allait redevenir comme avant.
2Les vainqueurs voulaient du moins s’en convaincre : une fois proclamée la damnatio memoriae du tyran, et annulées les dispositions statutaires prises en son temps, la politique redevenait le combiné de rivalités et d’alliances privées qu’elle avait toujours été.
3Avec toutefois cette nuance essentielle que les acteurs de ce jeu venaient à présent d’horizons variés et qu’il n’était plus réservé aux seules familles aristocratiques. Elles s’étaient habituées depuis longtemps à côtoyer une roture parvenue ; désormais elles ne s’en distingueraient plus avec la belle clarté d’antan.
4On s’en aperçut vite : tout citadin aisé était à présent un Dominus, et nombreux étaient ceux qui égalaient en fortune les vieilles familles consulaires, voire les châtelains les plus munificents. Pis encore, les années 1260 allaient être celles de la mise en place d’organismes du « popolo » auxquels il faudrait concéder leur part. Tout ce chapitre de l’histoire de Padoue a été écrit, plus institutionnel chez M. A. Zorzi, plus axé sur la dialectique des classes dirigeantes chez J. K. Hyde.
5Caractérisons brièvement les choses. Là où allaient, durant les années suivantes, entre 1257 et 1259 pour l’essentiel, s’amorcer des changements radicaux, à savoir dans les campagnes où les contrats à court terme créaient de nouveaux rapports entre paysans et propriétaires, le silence régnait. La mise au pas d’un monde rural appauvri allait garantir la prospérité des dirigeants les plus avisés, d’ancienne noblesse comme de nouvelle souche, en attendant du moins les catastrophes démographiques du xive siècle et leurs conséquences.
6Entre deux temps de crise, celui des guerres de Frédéric et d’Ezzelino, et celui qu’annonceraient les décennies 1310-13201 (qui allait aboutir au déclin de la commune padouane et à la mise en place de la seigneurie des da Carrara), un « modus vivendi » s’installe, lui aussi « gattopardien » à sa manière, bien que moins feutré qu’en 1200.
7Tout le monde, des usuriers (conservateurs par intérêt) aux vieilles familles consulaires, était d’accord pour qu’on en revienne à l’ancienne constitution : les Statuts communaux rédigés à partir de la libération de la ville ne se présentent que comme des adjonctions à la masse fondamentale antérieure à 1236. Tout n’est que reprise d’une continuité communale séculaire. Padoue, où le podestat étranger, recruté parmi les alliés guelfes, maintient mieux qu’en bien des endroits la paix civile, mérite, aux yeux de ses intellectuels, d’être qualifiée de res publica. Les organismes dont se dotera rapidement le « popolo » agissent en fin de compte dans le même sens : le conseil, assez restreint, des « anziani » (10 à 12 personnes), qui formule des propositions de loi, vient en fait appuyer l’exécutif, sans prétendre à une domination exclusive. Aussi bien n’est-il pas besoin d’un « capitaine du peuple », sinon en cas d’urgence2. Il est vrai que ce « popolo » padouan, peu agressif, n’était pas susceptible d’aller au-delà d’un rôle de participant aux affaires publiques, en raison même – on le verra – de sa composition sociale.
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8Le triomphe des nobles guelfes n’était-il une restauration qu’en apparence ? Tout n’était pas qu’illusion. On retrouvait, sinon les mêmes hommes, du moins les mêmes familles aux mêmes places : un Forzatè, Giovanni, entré dans la ville avec les exilés, était évêque, et donc la dynastie qui avait le plus ostensiblement incarné, avec Giordano, la religiosité guelfe de la cité, était à présent à la tête de son Église ; un da Limena, Giacomo, succédait à un autre da Lime-na, Arnaldo, victime d’Ezzelino, à la tête du monastère de Santa Giustina ; les Avvocati, issus des da Fontaniva, reprenaient l’avouerie des biens épiscopaux. Autant de symboles !
9Il y avait aussi les profits concrets de la victoire. Les plus grandes dynasties seigneuriales voisines des da Romano avaient participé à la curée : en 1261 l’évêque de Freising investira Tiso III Camposampiero du castrum de Godego, dans le Trévisan, que les da Romano avaient tenu de lui3 ; de même l’évêque Forzatè investit ses propres frères, en fief, du village d’Arsego et d’autres biens ayant appartenu à Ezzelino4.
10Les choses étaient pourtant moins simples qu’il ne semblait. Même les plus illustres familles de la coalition guelfe n’avaient pas toujours et partout retrouvé leurs biens. Les terres des da Romano avaient parfois été attribuées de façon abusive, ou arbitraire : même les Camposampiero, de ce point de vue, se virent défavorisés par l’attitude des communes – notamment à Trévise5. A Monselice, autour de 1300, des terres qui avaient appartenu aux Paltanieri n’étaient toujours pas récupérées par leurs légitimes propriétaires6. Le clergé, tout particulièrement, semble avoir été mis face au fait accompli7 ; et sa véhémence à rappeler ses droits et ses privilèges devait dégénérer, quelques années plus tard, en un interminable conflit8.
11La situation n’avait pas, il est vrai, la simplicité biblique d’une confrontation entre méchants spoliateurs ezzéliniens et bons guelfes, spoliés et sûrs de leurs droits. C’est ainsi qu’à Monselice un membre de la famille padouane des Negri, Manfredino, avait acheté des biens qui, soit avaient appartenu à des adversaires politiques d’Ezzelino, soit relevaient de la curia impériale accaparée par le dictateur9. Quelle qu’ait été, durant la période faste de la seigneurie, l’attitude de ce personnage et celle d’autres membres de sa famille10, on voit en 1259 Gabriele dei Negri prêter serment, en tant que représentant de Padoue, à la ligue formée contre les da Romano11.
12Dès lors que dans tant de familles avaient figuré, selon les temps, aussi bien des profiteurs que des victimes du régime et, parfois, certains de ses vainqueurs, il devenait difficile de trancher. Mieux encore : d’indéniables gibelins, et des plus endurcis, tels les Ardenghi, chassés de leurs biens d’Arquà, allaient les récupérer au bout de quelques années12.
13D’une part la situation foncière des vainqueurs n’avait donc pas toujours été rétablie telle qu’avant 1237, mais surtout, pour bien des nobles, les causes structurelles d’appauvrissement demeuraient, à commencer par un endettement grossi considérablement du fait des engagements guerriers eux-mêmes, avec tous leurs aléas durant une vingtaine d’années13. Les confiscations aux vaincus ne suffisaient point à tout résoudre, et les nouveaux modes de gestion foncière, outre qu’ils en étaient, entre 1256 et 1260, à un stade quasi expérimental, ne devaient être le fait, pour longtemps, que d’une minorité de laïcs.
14Encore en 1260, alors que la « reconstruction » est faite dans un sud-ouest padouan hors de portée de l’adversaire depuis des années, le marquis, toujours endetté, aurait vendu à la commune de Padoue ses biens sur le Monte Ricco de Monselice, avec les vassaux et leurs fiefs. Il est vrai qu’on peut s’interroger sur cette cession : le Catastico ne fait aucune allusion au marquis, ne serait-ce que parmi les spoliés14. En 1273 Obizzo, endetté de 700 livres auprès de Rinaldo Scrovegni, vend les biens de ses serfs à Melara ; en 1267 et 1269 il avait du moins pu rembourser un emprunt fait aux Badoer de Venise15. De même, peu avant sa mort, en 1266, Tiso da Camposampiero ne peut rembourser que 200 livres à un usurier vénitien, Marino, sur 357 qu’il doit ; en 1275 encore le fils de Marino réclamera le reste à Ponzia, veuve de Tiso16.
15Du moins ne s’agit-il là que d’égratignures : le marquis et des seigneurs de la puissance des Camposampiero conservent en somme leur rang. La victoire a consolidé leurs assises. Tel n’est pas le cas, parmi les vainqueurs, de tout le milieu châtelain. Chez les da Carra-ra eux-mêmes, futurs maîtres de la ville, la situation est pour le moins contrastée, et cela, très classiquement, du fait de leur nombre ! Car la parentèle est proliférante : c’est alors que les Papafava, seuls descendants encore existant aujourd’hui, constituent un lignage particulier ; les mêmes causes produisant les mêmes effets le vieux schéma du déclin se reproduit, et certains vont peu à peu à la ruine, y compris dans ce nouveau lignage : en 1332 Brisco et Uguccio Papafava seront insolvables, en dépit du riche mariage de Brisco avec une Linguadivacca (de la plus célèbre branche d’usuriers de la famille des Lemizzi) en 1304, qui avait été assorti d’une dot de 3000 livres. L’acquisition du pouvoir en ville par Giacomo et Marsiglio, entre 1314 et 1328, tiendra largement au fait que les biens dispersés de toute une parentèle seront réunis en leurs mains, à la suite de décès providentiels17.
16Comme auparavant, les hasards successoraux et l’habileté politique permettent donc à certains de se maintenir, voire de parvenir au premier rang. La majorité de l’ancien milieu châtelain, toutefois, ne doit sa survie (et l’on retrouve ici aussi les vieux schémas) qu’à l’intégration acceptée dans les activités citadines, la magistrature dans le meilleur des cas, l’usure à défaut, et, bien souvent, l’une et l’autre : ainsi les da Montagnone se font juges, les Dalesmanini usuriers, si l’on en croit le malveillant da Nono18. Plus que jamais la famille comtale est immergée dans la vie citadine : en 1271, Manfredo sera extimator ; comme tant d’autres magistrats communaux. Parmi les branches parentes les contrastes impressionnent : au début du xive siècle, au plus bas d’une courbe descendante, les da Carturo ne sont plus que de modestes propriétaires tandis qu’au contraire les Schinelli maintiennent une solide seigneurie autour du castrum de Rovolon et que les da Lozzo se trouvent un moment en position de leaders à Padoue (cela finira mal, il est vrai ; en 1312, quand désormais c’est du pouvoir suprême dans la cité qu’il s’agit, ils seront exilés)19.
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17Quelle que puisse être l’inégalité des situations et des évolutions dans les lignages châtelains, le « temps des usuriers » n’est donc pas celui du pouvoir exclusif des nouveaux riches. « Nouveaux », tous ne le sont pas, au demeurant, parmi eux ; il n’est que de rappeler la fortune d’une famille de niveau consulaire, les Lemizzi, bien étudiée par Sante Bortolami, d’où est issu un usurier de dantesque mémoire20. Les Scrovegni eux-mêmes, auxquels il est temps maintenant de s’intéresser, étaient-ils sortis brusquement du milieu populaire, comme voudrait le faire croire le venimeux da Nono21 ? L’hypothèse ne tient pas : le plus ancien représentant connu de la famille, Pietro, est chanoine à la cathédrale dès 1225, donc une génération avant la seconde période communale22. Usure ou pas, ce qui explique l’émergence des Scrovegni est aussi une longue fidélité à l’Église padouane et à la cause guelfe. Le 22 mars 1256 trois exilés, Tommaso dei Guarnerini, un moine de Santa Giustina nommé Andrea, et le déjà cité chanoine Pietro Scrovegni, se trouvant à Ferrare, annoncent à Guglielmo dei Canavoli son élection au chapitre cathédral de Padoue23. Il s’agit donc d’une famille de notables qui doit au maniement de l’argent son insertion parmi les dirigeants de premier plan, plutôt que d’usuriers venus de rien. L’Église a visiblement beaucoup fait pour elle : le chanoine Pietro est le frère de Rinaldo, usurier que J. K. Hyde qualifie de « notorious » – avec tout ce que le terme implique, en anglais, de réprobateur, et l’oncle d’Enrico, le fondateur de la chapelle de l’Arena, avec qui s’écrouleront les rêves de pouvoir sur la cité. Ce lien étroit avec le milieu cathédral, et la reconnaissance épiscopale envers de vieux alliés politiques expliquent sans doute quelques insignes faveurs : c’est ainsi qu’en 1268 l’évêque concède en fief à Dominus Rinaldo la colline de Montecchia, avec autorisation d’y reconstruire le castrum, ruiné depuis la guerre, et 6 campi dans les environs ; à quoi s’ajoute la reconnaissance d’un autre fief ; rien de moins que le « Monte » de Baone, reçu des Dalesmanini24. Une ascension commencée dès le début du siècle, avec des charges canoniales pour première étape, se poursuit donc par l’entrée de fait dans l’aristocratie seigneuriale.
18Inutile de multiplier les exemples : les nouveaux partenaires des seigneurs et des familles du vieux milieu consulaire avaient le plus souvent établi les bases de leur puissance avant la guerre ; c’est vrai non seulement des Scrovegni, mais des déjà connus Mangiavillani, di Ordano, Macaruffi... La véritable nouveauté, qui choque le nostalgique da Nono, est le fait qu’ils occupent à présent la même première place que les consuls d’antan, épousent des filles de châtelains – et non des moindres, puisque Giovanna, sœur du marquis Azzo IX, sera la femme d’Enrico Scrovegni, et prétendent le cas échéant à la direction politique de la commune. Alors qu’autrefois la ville était déchirée par la rivalité des da Camposampiero et des Dalesmanini ou, encore auparavant, résonnait des éclats agressifs des Tadi et des Tanselgardini, ce sont désormais les Scrovegni et les Macaruffi qui rivalisent et, en leaders qu’ils sont devenus, entraînent dans leurs discordes les nobles familles des Paltanieri et des Forzatè d’un côté, des Castelnuovo de l’autre25 !
19Les véritables nouveaux riches sont les multiples usuriers qui viennent occuper la place que ces lignages passés à l’aristocratie ont laissée libre, à partir des années de guerre : les dal Legname, Malvasi, dal Sale (qui, comme leur nom l’indique, ont commencé par vendre du sel), Lavezoli (des chaudronniers), Torculi (anciens savetiers)26, qui entament à leur tour des carrières qui les porteront à la notabilité et, parfois après un passage par le notariat, le cas échéant, à cette consécration qu’est la magistrature27. Parmi eux, certains devaient tout à leur collaboration avec da Romano : le cas le plus célèbre est celui des Bibi, issus d’un trésorier d’Ezzelino et entrés dans le collège des juges ; une fille de cette famille épousera Obizzo da Carrara28.
20Les chemins d’antan sont donc repris tels quels par les enrichis des années 1240-1250 et des décennies suivantes. Pas de portes forcées avec fracas, mais une régulière entrée des Sedara dans les familles d’ancienne noblesse. Le rythme des changements a simplement été très accéléré par les bouleversements guerriers, et désormais une position de domination met les plus fortunés d’entre eux au premier plan, non point à la place des grandes familles, mais à côté d’elles. Rien n’a changé, mais tout a changé.
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21Le rôle de ce que l’on appelle le « popolo » à Padoue est, dans un tel contexte, de garantir le nouvel ordre, et la paix civile dans ce nouvel ordre, et non pas de s’imposer au premier plan.
22On connaît mal le détail du processus de mise en place de ses organismes, comme en témoigne un débat récent29. Ce qui, par contre, est bien établi, est sa composition sociale, qui en fait comprendre et mesurer le conservatisme30.
23Les « Arts » existent, peu à peu, laborieusement : s’il se trouve, en effet, dès avant 1236, outre les notaires, quelques corporations de petits artisans et commerçants31, ainsi que, reconnaissons-le, un Ars pignolatorum (des fabricants de draps communs, « pignolati »), il faut attendre 1265 pour que soit mentionné une première fois un Art de la laine, qui ne semble alors que fort peu développé et qui attendra la seconde moitié du xive siècle pour être doté d’une réglementation cohérente32.
24L’essentiel, pour mon propos, tient dans deux constatations : d’une part il manquera toujours à Padoue une corporation regroupant l’ensemble des marchands, ce qui implique que le « fer de lance » habituel du « popolo » s’y trouve manquer, première, et fondamentale, explication de sa position subordonnée, sinon subalterne, sur l’échiquier communal padouan ; d’autre part, et ceci découle de ce qui précède, c’est, du coup, la corporation des notaires qui, d’un bout à l’autre de cette histoire, y exerce une suprématie de fait33. Mais le milieu notarial est, on l’a vu, ambigu : revendicatif, certes, il est en même temps un trait d’union entre le monde de l’aristocratie et le véritable « popolo », tremplin vers la magistrature pour les élites montantes aussi bien que dernier refuge des aristocrates en déclin. Il ne saurait exprimer une conception politique, ni des ambitions économiques, qui lui soient propres, à l’inverse d’un milieu d’entrepreneurs et de négociants. Au contraire, c’est dans un tel milieu, ainsi que chez les artisans et boutiquiers enrichis, que se forment les noyaux d’usuriers, parasites conservateurs de la société aristocratique, jusqu’à ce qu’après la pleine réussite de leurs affaires les plus malins en forcent l’entrée.
25L’organisation des instances de ce « popolo » s’en ressent : si les « Arts » y existent, ils n’en constituent pas le fondement institutionnel et n’entrent que partiellement dans le corps des « anziani »34. En fin de compte les associations de quartiers (les vicinie) ont gardé une part au moins du rôle qu’elles jouaient depuis la naissance du « popolo » padouan35. En quoi, au demeurant, la ville de Padoue ne constitue pas une exception archaïque : comme l’a remarqué E. Artifoni, qui s’est attaché à des exemples moins exceptionnels que Florence ou autres brillantes cités de négoce et d’industrie, Padoue offre une solution moyenne, face d’un côté aux villes piémontaises (Asti, Chieri, Alba) où les corporations n’entrent pas dans l’organisation d’un « popolo » fondé exclusivement sur les quartiers, et de l’autre à Pérouse, où au contraire il y a fusion entre lui et les organismes professionnels36.
26Il faut, pour conclure, revenir sur une réalité qui est la plus révélatrice de ce que j’ai qualifié de « conservatisme » de la part de ce « popolo » padouan. Dirigé par le milieu notarial, il est par nature « poreux » : dans la mesure où les notaires tendent à devenir autre chose que ce qu’ils sont, leur connivence est acquise au milieu des juges, leur relais dans l’aristocratie. Si bien que le collège des « anziani » n’est pas fermé à celle-ci : juge dès avant 1259, Gabriele dei Negri, issu de ce monde des petits notables, aurait, en 1261, fait partie du collège des « anziani »37.
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27Rien n’a changé, mais tout a changé. Pour les plus grandes familles, les deux générations que dure la seconde période communale – entre deux crises – sont un temps d’équilibre relatif avant de nouvelles compétitions où, encore une fois, certaines seront éliminées. La véritable nouveauté, depuis l’époque de Frédéric et d’Ezzelino, est dans la relative instabilité des situations : que, après quelques décennies, la conjoncture redevienne difficile, et les rivalités guerrières plus ou moins assoupies retrouveront leur violence. Plus rien n’est dit au départ et, comme l’avait déjà remarqué J. K. Hyde, les dynasties nouvelles sont plutôt moins garanties que les plus anciennes, certes éventuellement désargentées mais mieux assurées sur leurs assises foncières et, surtout, leurs clientèles, tant vassaliques qu’informelles38.
28C’est ainsi que se maintiennent au premier rang, ou parviennent au pouvoir suprême, les da Camposampiero et l’un des lignages da Carrara, tandis que ce sont les Scrovegni et les Macaruffi qui, après une rapide ascension, sont brusquement emportés par la deuxième crise du féodalisme italien, après 1310. Le jeu politique est plus ouvert ; il est aussi devenu plus dangereux pour tous.
II – LA VILLE VERS 126039
29Il faut sans doute renoncer à évaluer la population padouane avant la date, postérieure d’environ 60 ans, de 1320. Il n’est pas interdit, par contre, de comparer diverses estimations, à fins d’hypothèses. En 1174, selon le Liber regiminum, 2614 maisons, correspondant aux trois quarts de l’espace bâti de la cité, auraient été détruites dans un incendie. J. K. Hyde s’est livré à une évaluation approximative et a suggéré le chiffre de 15.000 habitants, un peu élevé peut-être ; celui qu’avançait la chronique n’est-il pas en effet exagéré ? Il est vrai que la civitas, dans l’anse du fleuve, avait pu arriver à une première saturation car la conséquence la plus remarquable de ce drame semble avoir été d’inciter les plus riches à s’installer plus au large, dans les faubourgs. On retiendra donc une fourchette plausible, entre 10 et 15.000 habitants40.
30En 1254, Ezzelino fait établir la liste des cives de Padoue, Vérone et Vicence présents lors de la ratification du traité entre lui-même et Uberto Pelavicino. Il ne s’agit pas de toute la population mâle et en âge de porter les armes. J. K. Hyde avait recensé 1941 membres des 20 centenarie citadines, auxquels s’ajoutaient 665 conseillers du Grand Conseil, soit environ 2 600 hommes adultes. Adoptant les coefficients et critères de calcul proposés par C. Klapisch-Zuber et D. Herlihy dans leur étude sur le Catasto florentin, G. M. Varanini est parvenu à un chiffre très bas : pas plus de 12.000 personnes, ce qui pose le problème du nombre des exilés politiques, les « fuorusciti »41. On remarquera, en tout cas, que, avant même la fin des années de guerre, la population semble au mieux équivalente à celle de 80 ans auparavant !
31Par contre, le même Varanini propose, à partir d’une « Descrittione », incomplète elle aussi mais, selon lui, plus fiable, qui date de 1320, le chiffre considérable de 40 à 45.000 personnes (d’autant plus considérable qu’on est en temps de guerre ; mais il est vrai qu’alors le problème est inverse de celui de 1254 : il ne s’agit pas de compter avec la masse des « fuorusciti », mais avec celle des réfugiés !)42.
32Que peut-on proposer entre 1254 et 1320 ? L’étude d’un document de 1281, qui faisait le compte des feux du contado, avait amené Gino Luzzatto, à l’issue d’un calcul complexe, qui faisait intervenir à la fois une évaluation du possible rapport entre ville et campagne et une hypothèse sur le taux de croissance (supposé de 1 %) à partir du chiffre de 41.000 habitants adopté par lui pour 1320, à proposer celui, tout à fait plausible mais bien sûr aléatoire, de 27 à 30.000 personnes. G. M. Varanini estime le jeu trop risqué et se contente de conjecturer un doublement entre 1254 et 1320, ce qui, dans l’abstrait, n’infirme d’ailleurs pas la proposition de Luzzatto43.
33De tout cela, il ressort que l’essor de Padoue a dû être considérable entre la fin de la dictature et le début du xive siècle, à partir d’un point de départ dont la faiblesse peut avoir été largement conjoncturelle, certes, mais qui, une fois la paix revenue, faisait de la ville, grâce aux activités qu’elle ne cessait de développer, une nouvelle « frontière » du peuplement qui allait permettre aux campagnes, désormais au maximum de leurs possibilités, de ne pas sentir de crise malthusienne avant le second quart du Trecento. J’en veux pour preuve le rapport entre le chiffre total de 57.000 habitants du contado (à en juger par « l’estimo » de 1281) et celui, probable, de la ville, qui aurait atteint à elle seule une population équivalente aux 2/3 de celle de son territoire.
34Même si l’on admet, avec J. K. Hyde, que le chiffre du contado sous-évalue la réalité, le rôle de la ville dans l’économie générale de la région considérée apparaît largement prédominant44.
35Qu’en était-il vers 1260 ? Les coupes claires faites dans les rangs des citadins par les massacres ezzéliniens ont-elles eu des conséquences statistiquement décelables ? C’est, à dire vrai, peu probable, sauf si l’on admet comme vérité (ça n’est pas à exclure absolument) l’allusion des Chroniques à l’élimination brutale de 11.000 « padouans » ce qui aurait impliqué la disparition d’une minorité non négligeable de citadins, même si l’on entend le terme au sens large, territorial. Il convient toutefois de considérer que l’aggravation de la guerre au nord et à l’ouest du territoire depuis 1256 avait sans doute provoqué la venue d’un nombre conséquent de réfugiés, ceci compensant cela. Mais, puisqu’il est impossible de chiffrer le coup de fouet dû à l’éloignement du danger puis à la paix, j’en resterai là.
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36Cette grande ville, libérée depuis peu et, sans doute, encore meurtrie des événements récents, est le miroir où se reflètent les quatre siècles de l’histoire que je viens de conter. Mieux encore, par delà même les temps de sa résurrection, aux ixe et xe siècles, elle a retrouvé un usage de l’espace par lequel elle renoue avec l’Antiquité la plus lointaine.
37Toute ville historique – et bien peu ne le sont pas en Europe – est un combiné de sédimentation et d’étalement.
38Sédimentation : durant les trois premières décennies du xiiie siècle la commune a accompli, à l’intérieur des 90 hectares du méandre fluvial avec lequel s’identifie la civitas, la résurrection des artères paléo-vénètes et romaines ; les marchés et le palais communal ont refait de ce qui avait été la zone portuaire de Patavium le cœur de la ville45.
39Etalement : les bourgs vont s’étirant au long de l’étoile des grands axes de circulation ; « stricto sensu », Padoue est une « ville tentaculaire »46.
40La curia épiscopale, vieil ensemble fortifié qui inclut la cathédrale, se trouve désormais en une situation légèrement décalée. Elle a été le centre de la ville aux temps pré-communaux. A présent, à une faible distance au nord-est, ce centre est devenu, par essence, laïc et, en une symbolique sans complexe, il associe le pouvoir politique et celui de l’argent : le « Palazzo della Ragione » (entendez : « de la justice », fonction première de l’autorité) est comme investi par les boutiques et les étals des commerçants qui s’installent définitivement (la situation est en gros la même de nos jours) à son rez-dechaussée et tout autour, aux bords de la place dont il occupe le centre.
41Dès le xiie siècle, en effet, la commune avait édifié son propre siège (mentionné à partir de 1166), sans toutefois pouvoir se passer de l’usage civique de la curia puisque le Conseil se tenait dans la cathédrale47. Au fur et à mesure que les institutions croissaient en nombre et en complexité, le besoin de nouveaux édifices se faisait sentir : jusqu’au début du xiiie siècle, le podestat est installé chez des particuliers48. Aussi bien la mise en place de l’ensemble des bâtiments nécessaires aux instances de la cité-état est-elle un processus relativement lent. Le plus remarquable est que, dans le même temps, une liaison « planifiée »49 n’a cessé d’unir cet ensemble aux stationes des marchands.
42La tradition veut que le « Palazzo della Ragione » ait été édifié en 2 ans, en 1218 et 1219. Sur son côté nord se trouvent les tables des changeurs, ailleurs au rez-de-chaussée les drapiers, pelletiers, tailleurs ; sous le palais du conseil est vendu le sel ; les ferrures le sont sous celui du podestat, utilisé à partir de 1216. Sous les portiques autour de la place, et sous des installations provisoires, se vendent les produits d’alimentation. La structure d’ensemble, largement réalisée, semble-t-il, autour des années 1220, ne changera guère : c’est après Ezzelino, toutefois, qu’est édifié le palais du conseil et c’est en 1308 que le « Palazzo della Ragione » sera surélevé et prendra son aspect définitif.
43En fin de compte, seule la jeune Université, avec son Studium de légistes et son « Università degli Artisti », n’est pas encore dotée d’un édifice qui l’unisse aux autres instances du pouvoir50 : avant la Renaissance, ses établissements demeureront disséminés dans la ville, des abords de la cathédrale à ceux de Sant’Antonio.
44L’expression monumentale d’une cité est d’abord une symbolique du pouvoir. Y avait-il eu un impact, en positif et en négatif, d’Ezzelino ? L’apport du tyran se laisse supposer quasiment a priori : il manifeste la force à l’état brut. « Ezzelino urbanista », comme le voudraient L. Puppi et M. Universo ? C’est beaucoup dire. On lui doit une impressionnante tour en avancée, un peu au-delà du Ponte Molino, d’où partent les artères vers Vicence, vers le nord (Bassano) et vers le nord-est, toutes essentielles pour da Romano : « mesto avanzo di nefanda tirannide », selon l’inscription, d’une rhétorique inimitable, qu’on y a placée au siècle dernier. On lui doit surtout la forteresse qui, englobant la vieille rocca épiscopale appelée Torlonga, occupe tout l’angle sud-ouest de la civitas murée, le « Castello », dont la tour a été utilisée bien plus tard comme observatoire astronomique, et dont les autres structures restantes se devinent à la base de ce qui fut jusqu’à il y a peu la prison municipale (« mesta realtà »)51.
45La conséquence majeure de l’épisode ezzélinien fut la mise en œuvre, par les officiers de l’autocrate puis par les Guelfes, qui s’attendaient à un retour en force de ses troupes, d’un programme de fortification systématique des bourgs, qui n’ira d’ailleurs pas jusqu’au bout de sa propre logique. On ne sortira, en effet, jamais tout à fait, durant tout le xiiie siècle et jusqu’aux réalisations des seigneurs da Carrara, de la situation contradictoire qu’avait engendrée le parti pris de symbolisme civique adopté entre 1195 et les environs de 1210, au détriment de la réalité des structures d’habitat, lorsque l’enceinte murée avait consacré la séparation physique de la civitas (confondue avec l’île artificielle qu’était devenu le méandre fluvial) d’avec des bourgs qui, déjà, s’étiraient dans toutes les directions que suggéraient les axes de circulation52.
46Dès lors, ces diverses excroissances citadines avaient entrepris de se protéger chacune pour soi, en édifiant des fossés et des terre-pleins dont les chroniques ne disent rien avant les années de guerre. Çà et là – rarement, des allusions documentaires tout incidentes nous montrent que des pièces de terre, achetées, louées, sont voisines d’un fossé, d’un spaldum, ou du « fossé du spaldum »53. Ce terme, que l’on voit utilisé à Padoue dès le xie siècle (précisément là où l’on édifiera le mur de la fin du xiie siècle) désigne en effet le terre-plein disposé le long d’un fossé54.
47Si bien que c’est un double système défensif qui, par endroits, protège la ville : là où un bourg s’est suffisamment développé aux voisinage des murs de la civitas pour avoir édifié sa propre enceinte ; en 1238, le marquis Azzo tente de reprendre Padoue en un assaut brusqué ; des gens dévoués à sa cause lui ont ouvert, au sud-est, la porte du bourg des Torricelle – lequel est situé entre les murs de la civitas et le Prato della Valle, mais il échouera devant la Porte des Torricelle, l’une des 4 principales de la ville murée, qui se présente ensuite, à l’issue de la traversée de ce bourg fortifié55. En 1256, les troupes censées défendre la ville contre les « Croisés » sont installées par Ansedisio dei Guidotti le long du spaldum du Pontecorvo, que renforce une tour56. La même année, immédiatement après la victoire et en prévision d’un retour d’Ezzelino, on creuse à l’ouest un fossé surmonté de palissades et de tours de bois, puis, à partir de 1258, on en arrive enfin à entreprendre d’unir du moins les faubourgs les plus proches à la civitas en édifiant un véritable mur au dessus des anciens terre-pleins : c’est le murus spaldi. Si l’on en croit les chroniques, il sera terminé en 1270 mais, comme l’a remarqué J. K. Hyde, il s’en faut que tout l’habitat suburbain soit protégé : le très actif faubourg portuaire d’Ognissanti, le plus excentré à l’est, ne l’est pas57. C’est donc à la seigneurie des da Carrara que reviendra le mérite de réunir en une seule unité la ville et l’ensemble de ses bourgs, à l’intérieur d’une vaste muraille, inspirée d’une conception dynamique – optimiste, à tout le moins – que l’avenir devait démentir, là comme ailleurs, puisque l’espace interne ne devait se trouver entièrement occupé qu’au début de ce siècle. Celle que Venise édifiera après l’alerte de 1509 (l’invasion péniblement repoussée des armées de la ligue de Cambrai), en reprendra, pour l’essentiel, le parcours.
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48L’entassement des habitations avait fait la gravité de l’incendie de 1174 ; la reconstruction aurait permis, selon l’hypothèse émise par C. Gasparotto, l’installation plus au large des milieux dirigeants, ce qui impliquait l’utilisation plus systématique de l’espace offert, hors les murs, par les bourgs existant, voire la fondation de nouveaux58.
49Les quatre quartiers qui divisaient la ville étaient subdivisés en 20 centenarii (5 par quartier)59. Autour de 1250, 9 d’entre eux étaient situés, pour l’essentiel ou entièrement, hors les murs. Plus vastes que les noyaux centraux, certains étaient désormais plus peuplés, parfois de beaucoup. En 1254, à l’occasion du pacte conclu entre Ezzelino et Oberto Pelavicino, un certain nombre de représentants des centenarii avaient été présents, on l’a vu. Or, alors que, de tous les districts de la civitas, le plus représenté, celui de San Nicolò, comptait 107 personnes, deux bourgs de l’est, Rudena et Santa Sofia, atteignaient respectivement les chiffres de 234 et 20760. Dans la mesure où l’on ignore selon quels critères avaient été choisis ces témoins, on n’a là, je le rappelle, que des indices très grossièrement symboliques. Du moins concordent-ils avec la logique du développement de la ville qui aboutira, en effet, autour de 1300, à faire, à l’est, du contre-méandre qui va jusqu’au Ponte Corvo et au secteur que borde, au xiiie siècle, le nouveau canal de Santa Sofia, comme une deuxième ville accolée à l’ancienne, avec, à ses extrémités sud et nord, les deux points-limites que seront devenus la basilique Sant’Antonio d’un côté, et l’ensemble Arena-Eremitani de l’autre61. Ailleurs les bourgs conserveront leur figure étirée le long des axes de circulation, n’atteignant une densité comparable à celle des quartiers citadins qu’autour des zones portuaires d’Ognissanti à l’extrême-est, de Santa Croce tout au sud (son centenario, en 1254, avait déjà compté 137 représentants), et, çà et là, autour de quelques édifices religieux.
50Car ce sont eux, avec cette notable exception des ports, qui marquent, sur les directions préférentielles de l’urbanisation, les points de fixation62. Plusieurs facteurs concourent. Il va de soi, tout d’abord, que le clergé citadin sait accompagner le mouvement : dans la première période communale le moment le plus favorable à l’essor démographique est, bien sûr, celui qui entoure les deux épisodes guerriers frédériciens, soit entre 1177 et les années 1230 ; c’est alors, entre 1178 et 1229 pour être précis, que 7 oratoires se transforment en paroisses, dont 4 situées dans la zone suburbaine63. Lorsqu’une nouvelle vicinancia hominum se constitue, elle reconnaît sa propre identité en fonction de l’église qu’elle fréquente : c’est ainsi que le centenario de Rudena, trop vaste, se scinde peu après 1200, et que, à côté de l’ancienne paroisse de San Lorenzo (la contracta Sancti Laurencii), est née celle de Santa Margherita. On se trouve là dans un cas de figure classiquement exemplaire, le long de la route vers Piove di Sacco qui, partant de la civitas au Ponte San Lorenzo, se dirige vers le Ponte Corvo64.
51Il faut ajouter que le chapitre cathédral autant que les monastères anciennement installés ne se font pas faute d’encourager le peuplement des zones vides : au xiie siècle, les chanoines ont eu une politique systématique de lotissements, dans la civitas, près du mur de la ville au voisinage de la Torlonga, dans l’angle sud-ouest65, comme dans le quartier du Ponte Molino, où le monastère citadin de San Pietro en fait autant au même moment66. Ces initiatives seront poursuivies jusqu’à la crise du xive siècle67.
52L’essentiel n’est pas là : le séjour d’Antoine à Padoue a dû son énorme portée symbolique au fait qu’il se situait au moment le plus fort d’un temps particulièrement intense de vitalité religieuse qu’incarnaient plusieurs nouveaux ordres réguliers, et non point les seuls franciscains ; il se trouve que ce temps a eu des conséquences majeures dans l’histoire monumentale et, plus largement, dans l’évolution démographique de la ville. Car s’il est vrai que la basilique Sant’Antonio, installée à ce qui était alors la limite extrême de la zone urbaine68, a joué un rôle privilégié en prolongeant jusqu’à elle, grâce à ce prestige incomparable qui était le sien, la zone centrale de la ville en une coulée quasi uniformément bâtie, d’autres monastères et couvents seront, peu à peu, autant de points forts de l’urbanisation des faubourgs plus immédiats (aucun de ceux qui ont compté n’a une situation aussi excentrée que la basilique du saint), et pratiqueront, directement ou, comme les Mendiants, par des intermédiaires, à leur tour une politique de lotissements et d’urbanisation dans leurs secteurs69 : dès le début du siècle San Benedetto, centre de direction du monachisme bénédictin albus, illustré par Giordano Forzatè, à l’ouest, peu au-delà du pont des Tadi ; Sant’Agostino, couvent des Dominicains, fondé en 1226, au sud-ouest, face à la forteresse épiscopale appelée Torlonga, au milieu des champs et des jardins70 ; plus tard, en 1264, à côté de l’Arena, les Ermites de Saint Augustin, présents à Padoue depuis les années 1250, et dont la chapelle sera transformée en un vaste édifice (les « Eremitani ») à partir de 127671. Le dernier de ces monuments qui rythment le paysage urbain autour du noyau annulaire sera l’église des Carmes, Santa Maria del Carmine, au nord du Ponte Molino, en allant vers Codalonga, commencée en 1313.
53Il s’agit là des établissements les plus prestigieux : ils ne sont pas seuls. Ainsi la modeste fondation des Teutoniques (les « Alemani ») installés sous Ezzelino, en 1240, près du Ponte Piocchioso, au nord-est du Ponte Corvo (donc dans un faubourg relativement éloigné), « se montrera capable de promouvoir, durant les décennies suivantes, l’urbanisation de ses alentours et la formation de ce qu’on appellera le borgo Zucco »72. On est donc, à l’aube de la seconde période communale, encore au cœur d’un mouvement de longue durée : Sant’Agostino, la basilique Sant’Antonio elle-même sont alors des « works in progress » ; les couvents sont déjà installés depuis une génération au moins lorsque, avec le retour à la paix, ils commencent à se transformer en pôles de concentration humaine. La coordination avec le centre ancien – le Dôme et les places – s’ordonnera par un système de voies en éventail (dont la via del Santo, qui joint la civitas au nord-est) à partir d’eux73.
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54Comment, et selon quels critères, les diverses couches sociales de la population, tant ancienne que récemment immigrée, se disposent-elles dans cet ensemble urbain en cours de dilatation ?
55Il va de soi que la majorité des demeures citadines des châtelains, comme celles de leurs vassaux de l’aristocratie consulaire, se trouvent à l’intérieur des murs de la civitas74. Quelque étroit que soit cet espace, il faut pourtant y distinguer de leur part deux attitudes possibles, pas forcément exclusives l’une de l’autre. Le secteur du Dôme et des places communales, avec, toutes proches, les paroisses de San Martino, San Nicolò et Sant’Urbano, est, bien entendu, le plus densément aristocratique : les Camposampiero ont, à côté du palais communal, une maison-forte qu’ils vendront à la commune en 1215 et dont la tour est, encore aujourd’hui, adossée aux bâtiments anciens de la mairie75 ; la demeure d’Alberto da Baone est voisine de Sant’Urbano, et c’est là que vient se loger Aldobrandino d’Este lorsque, en 1213, la commune lui impose de se faire citoyen padouan avec l’obligation conséquente de résider en ville un certain temps (on notera au passage qu’il est alors le seul à ne pas y avoir de demeure, en dépit de l’étroitesse de ses liens avec toute la noblesse régionale)76 ; entre 1185 et 1189, Marcio dei Maltraversi acquiert, autour du Dôme, 2 maisons et 2 lots à bâtir77 ; près du palais communal, autour de San Martino, au voisinage des maisons des Capodilista, non loin de la tour du juge Manzio, une branche de la famille des da Carrara, au plus tard vers 1200, a érigé des palais78 ; les Tanselgardini sont paroissiens de San Nicolò79 ; etc.
56Une minorité non négligeable d’aristocrates, pourtant, a déterminé son lieu de séjour selon des raisons que l’on peut qualifier de stratégiques. Recouvraient-elles une méfiance envers la ville ? Toujours est-il qu’ils ont gardé une possibilité de liaison rapide avec leurs biens du contado : c’est ainsi que la demeure des Dalesmanini, en 1178, est toute proche de la Porta Altinate, et donc de la grande route qui mène à leurs possessions à l’est80 ; les da Vigodarzere, propriétaires au nord de la ville, sont paroissiens de San Fermo, près du Ponte Molino81. Ce sont sans doute d’autres raisons, économiques (l’espace y manquait moins qu’ailleurs pour bâtir des demeures spacieuses) qui expliquent que des familles citadines de rang consulaire aient choisi de s’installer près des portes : les Lemizzi habitent le secteur du Ponte Molino, les di Rolando ont une maison-forte dans celui de San Matteo, non loin d’une porte et d’un pont donnant sur l’Arena, de même les Tadi à proximité du pont qui porte leur nom dès le début du Duecento, etc.82.
57Avec le temps, et chez certains des plus grands seigneurs, la demeure de prestige au centre n’apparaît pas contradictoire avec l’installation dans des sites liés aux routes du contado : ainsi Tiso Novello da Camposampiero (mort en 1235) possède aussi un ensemble de maisons au Ponte Molino, point de départ des axes nordiques83, et l’on verra de même les Papafava, châtelains au sud-est, ériger une maison-forte au Prato della Valle après 125684. Mais une évolution inverse peut se produire, et le souci de prestige provoquer une installation pour le moins alternative (j’entends par là non exclusive du maintien aux abords des portes) au centre de la civitas : en 1227, Giacomo dei Dalesmanini habite sur la place du palais communal85.
58Arrêtons-nous un moment sur un fait qui sera apparu au lecteur au vu des notes, et ne saurait surprendre quiconque a un peu de familiarité avec l’histoire des communes italiennes : petits comme grands aristocrates coiffent leurs demeures de tours86. Si, comme on le verra, la dilatation de l’habitat fait que certaines sont isolées, loin du centre (les da Vò en ont une à Santa Croce, à l’extrême-sud)87, il va de soi que l’œil du citadin ou du voyageur contemporain était alors tout aussi immédiatement frappé de leur abondance dans le centre – civitas et alentours immédiats les plus peuplés (Ponte Molino, Rudena) – que l’est aujourd’hui celui du touriste à San Gimignano. Da Nono, au début du xive siècle, en fait une des caractéristiques de sa ville : le roi mythique Egidio apprend de ses descendants qu’ils « construiront autant de palais que de tours, au point que cela semblera comme un bois »88.
59De quelques trop rares documents, il ressort que l’usage militaire de ces tours est rendu possible par la présence de vassaux et de dépendants aux alentours immédiats : en 1181, le testament d’Aldrigetto di Rolando les mentionne dans le « centenario » de San Matteo, là où il a sa maison-forte, comme on l’a vu plus haut89.
60Un tel tableau n’est vrai, cependant, qu’en temps de paix. Sur ce point, Ezzelino a appliqué les mesures qui semblent avoir été d’usage un peu partout durant cette période de guerres civiles : lorsqu’un parti l’emportait, il détruisait les demeures, et donc les tours, de l’adversaire. A Padoue, ce fut sans doute pire dans la mesure où la plu-part des amis finirent par être proscrits. Selon Rolandino, encore en 1262 (à l’époque où il faisait une lecture publique de sa chronique), plus de la moitié des palais et des tours de la ville était en ruines90.
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61La composition sociale des faubourgs – soit l’essentiel de l’espace urbain au terme de leur extension – est d’autant plus complexe que la civitas ne correspondait déjà plus à la réalité de la ville lorsque, vers 1200, on l’avait murée. C’est pourquoi il faut commencer par distinguer entre de « vieux » bourgs, comme Rudena, qui véritablement prolongent le noyau central, et de plus récents, en cours de formation, sinon d’achèvement, entre 1250 et la fin du siècle. Il est globalement exact que, comme l’a écrit J.-C. Maire-Vigueur, « la plupart des faubourgs ou quartiers périphériques abritent des populations récemment immigrées, homogènes soit par leur niveau de fortune, soit par leur statut socio-professionnel, soit encore par leurs origines géographiques »91. A Padoue cependant, pour les raisons que je viens d’indiquer, la première des nuances à apporter à ce schéma (inspiré à l’auteur avant tout par l’exemple de Gênes) tient à la dialectique de l’incontestable immigration et de la tendance précoce des élites à sortir de l’anneau fluvial trop étroit.
62C’est dès 1140 qu’un document montre les da Fontaniva, dynastie septentrionale, installés dans le burgus du Ponte Molino (alors plutôt appelé « Ponte dei Molini »)92 : je rappelle que j’ai incidemment mentionné l’installation plus tardive des Papafava au Prato della Valle, et des da Vò en situation encore plus excentrée, à Santa Croce.
63Les raisons « stratégiques » valent pour les potentats du contado. On a déjà pu voir qu’il en est d’autres, hédonistes, qui motivent les aristocrates citadins : l’espace qu’offrent les faubourgs, le confort, la possibilité d’intégrer un jardin (avant tout d’agrément ; s’y ajoutent toutefois des produits d’alimentation) ; en 1226 les Gnanfo offrent aux Dominicains une maison et, à côté, un viridarium dans le bourg encore peu peuplé (tout est là) de Contrà93. De même, au xiiesiècle, l’ensemble des ruines et du lieu attenant à l’Arena était passé aux Sicherii, puis aux Dalesmanini. C’est à cette famille que l’on doit le sauvetage de ce qui restait alors de l’amphitéâtre, pour la simple raison qu’elle l’avait utilisé pour fortifier sa domus broili : autre demeure campagnarde, donc, avec son jardin-verger, dans un faubourg resté plus que d’autres semi-rural, malgré la proximité des murs.
64On ne sera pas, je pense, surpris de constater que les nouvelles élites de l’argent ont des itinéraires immobiliers qui s’engagent dans les voies prises par cette aristocratie à laquelle leur destin est de s’assimiler : au xiiie siècle, au moment où des Scrovegni sont chanoines et doivent tout à l’Église, la demeure familiale est aux abords de la cathédrale94 ; en 1300 Mainfredo Dalesmanini cède la domus broili de l’Arena à Enrico Scrovegni ; grâce à Giotto l’usage qu’il en fit est demeuré fameux95.
65Ces homines novi peuvent avoir des choix préférentiels que dictent à la fois les disponibilités spatiales des nouveaux quartiers et des raisons à caractère idéologique, moitié religieuses, moitié snobs : le nouveau burgus a Sancto Antonio, dès les années ezzéliniennes, lorsque commence tout juste à s’édifier la « basilica del Santo », est habité par les Frigimelica, tout comme par des seigneurs en déclin, ainsi les da Carturo, installés au milieu des jardins96.
66Le populus (c’est-à-dire un monde très complexe, qui va de ce que nous appelons le peuple à des gens qui sont aux marges de l’aristocratie), bien entendu, est partout : il n’est guère, sans doute, que les quartiers du Dôme et du palais communal où la documentation ne montre que peu de non-aristocrates (quitte à deviner, outre la présence de notaires, le grouillement des domesticités). Ailleurs, dans la civitas comme au-delà, les notaires (omniprésents !)97 se mêlent aux artisans et boutiquiers. Çà et là, d’inévitables spécialisations sectorielles : le Ponte Molino, « intra muros » ou faubourien, est un quartier de meuniers ; de même on en rencontre à proximité immédiate, le long du Borgo Pentido, qui s’étire le long du mur (en-deçà), en poursuivant vers l’ouest98. Selon une tradition médiévale bien établie, semble-t-il, à en croire les fameuses vitupérations de saint Bernard, les moulins sont des points de fixation de la prostitution : là se concentrent les bordels, associés aux tavernes99. Les tanneurs sont installés le long de la rivière au nord de l’Arena (il existe une « Via Conciapelli »)100. Les zones portuaires, plus excentrées, sont les autres grands secteurs d’activités spécialisées : celle d’Ognissanti, à l’extrémité-est de l’agglomération, est liée à Chioggia d’où, entre autres, arrive le sel ; un autre port s’est développé au sud, à partir du moment où a été creusé le navigium qui lie Padoue à Monselice et, de là, à toute la partie méridionale du contado : en 1256 il est à Santa Croce, dans un espace autrefois vide où l’on avait établi la léproserie ; mais, en 1265 le « porto dei barconi di Monselice » sera placé un peu plus près du centre, aux abords du couvent dominicain de Sant’Agostino101. Cela dit, les ports ne sont aucunement des zones de monoactivité : il est, hors du Ponte Molino, deux points de concentration de moulins, la porte des Torricelle, au sud-est, et, précisément, le port d’Ognissanti102.
67Ces précisions apportées, il faut admettre que, plus plébéiens, certes, que la civitas au fur et à mesure qu’ils s’en éloignent, les bourgs abritent cependant à peu près partout, outre leur contingent d’aristocrates (de plus récente extraction en périphérie !), les métiers les plus variés. Dès 1261, la documentation permet de recenser dans le bourg de Sant’Antonio, outre les notables déjà cités, un chausseur, un forgeron, un tisserand de lin et un de laine, un teinturier, un savetier, un héraut communal, deux apothicaires et une famille de négociants, les Favalessi ; parmi les immigrés, avant tout des Vicentins (on remarquera qu’ils viennent d’une direction opposée, à l’encontre des schémas habituels) et des gens de Legnaro (toute proche au contraire, au sud-est)103. Un peu partout on retrouve les mêmes variétés d’artisans, de commerçants, et l’inévitable noyau de notaires.
68Industrie familiale, et de surcroît pratiquée aussi dans les monastères de la ville, le textile n’est la spécialité d’aucun secteur particulier104. A une exception près peut-être : les moulins à foulons se situent dans les faubourgs de plus récente urbanisation ; dès le début des années 1250, dans celui de Vanzo, « le long du canal que la commune avait concédé à Santa Maria in Vanzo il y eut vite tout un grouillement d’activité manufacturière » ; en 1252, près du monastère voisin de Sant’Agata in Vanzo, se trouvait une domus ubi batitur lana105.
69S’il est une caractéristique propre à des bourgs socialement diversifiés elle se situe plutôt, comme l’avait rappelé J.-C. Maire-Vigueur, dans l’origine géographique des immigrants (avec là aussi des exceptions, ainsi que je viens de le constater au sujet de ce bourg à vrai dire particulier qu’est celui de Sant’Antonio). Et ce facteur nous ramène à l’histoire politique, et tout particulièrement au temps d’Ezzelino.
70Rien d’original, en soi, à ce que les immigrants s’installent près de leur point d’arrivée en ville : le fait est bien connu à Paris, avec ses Bretons de Montparnasse et ses Auvergnats entre gare de Lyon et Bastille. Mais à Padoue, venus d’un contado bien sûr beaucoup plus proche, les gens conservaient un lien étroit avec leur lieu d’origine, y compris un lien de fidélité avec les maîtres de ces lieux. Si Azzo d’Este, en 1238, tente de se rendre maître de la ville en entrant par le bourg, puis la porte, des Torricelle, c’est que dans ce secteur sud-est se sont fixés les gens de la Scodosia et du sud des Euganées, le plus souvent sujets du marquis106. Pour la même raison c’est au nord, dans le quartier (quarterius) du Ponte Molino, tant hors les murs qu’à l’intérieur, que se sont installés les immigrants du piémont alpestre, dont ceux de Bassano et des castra proches, sujets d’Ezzelino : quand il s’empare de la rocca d’Este, en 1238, c’est à des gens du Ponte Molino qu’il en confie la garde107.
71Cette considération apporte une ultime nuance à l’image d’une ville qu’il ne faut pas considérer comme une entité homogène : comme toute agglomération en essor elle prend son temps pour intégrer les nouveaux arrivants ; comme toute commune italienne de cette époque, elle connaît des clivages et des contradictions politiques qui y ont leur expression ethno-géographique. Une partie de ceux qui, deux ou trois générations plus tard, seront des Padouans « tout court » réagissent encore en sujets des seigneuries micro-régionales.
72En 1256, l’unité du contado restait à parachever : les citadins avaient pu s’en rendre compte au moment même de la libération de la ville. Une bonne part des « Croisés » que dirigeait Tiso da Camposampiero étaient des gens du castrum de Camposampiero : ils s’étaient conduits comme n’importe quelle troupe étrangère et avaient pillé la ville avec entrain, pendant 8 jours.
Notes de bas de page
1 Les premiers symptômes de crise se manifestent avec l’arrivée d’Henri VII de Luxembourg, en 1310, qui provoque une guerre malheureuse contre Vérone la gibeline.
2 G. M. Varanini, Istituzioni, politica..., p. 347.
3 J. K. Hyde, Padua..., p. 81.
4 M. Blason-Berton éd., « De Viris illustribus », p. 79.
5 Ce n’est pas avant le début du xive siècle que Tiso VIII pourra récupérer, en les acquérant de la commune de Trévise, un ensemble de biens familiaux à Romano, Mussolente, San Zenone et Fonte (E. Barile, Tra l’aristocrazia della Marca Trevigiana alla caduta di Ezzelino : una sentenza di frate Alberto vescovo di Treviso (19 novembre 1257), dans « Le Venezie francescane », n. s., 1, 1984, p. 13 et p. 29, note 21).
6 Il Catastico..., p. XXXVII, note 72 : une propriété d’Imilia Paltanieri avait été incorporée à la curia, c’est-à-dire aux biens du « tyran » ; et nunc possidetur per Widotum de Bolçano, lit-on sur une note marginale postérieure aux années 1250.
7 P. Marangon, Principi di teoria politica nella Marca trevigiana. Clero e comune a Padova al tempo di Marsilio, dans « Medioevo », 5-6, 1979-80, p. 327.
8 Sur le heurt structurel entre clergé et société civile, et « l’anticléricalisme diffus des villes italiennes », cf. G. Miccoli, La storia religiosa..., p. 651-652. Cf. aussi, supra, mes remarques au chap. 4, p. 767, note 177.
9 Il Catastico..., p. XXXI et p. 67.
10 Durant les années 1240-1250, Guido dei Negri a acquis à Carpenedo le ius decimacionis sur environ 84 campi (A S P, Archivi di famiglie, Obizzi-Negri e Sala, mazzo 1 bis ; date incertaine du fait de l’état du document).
11 G. B. Verci, Storia degli Ecelini, t. 2, p. 234.
12 T. Pesenti-Marangon, Università, giudici..., p. 15-16.
13 En 1253, selon le mal considéré Pietro Gerardo, il est vrai, trois usuriers auraient été condamnés à mort à Padoue pour avoir soutenu économiquement Tiso da Camposampiero, résidant alors à Ferrare (A. Rigon, Una ignorata deposizione testimoniale del B. Luca Belludi (1275), dans « Atti e Mem. Accad. di scienze, lett. ed arti Pad. », 90, 1977-78, 3e p., p. 46).
14 G. B. Verci, Storia della Marca..., t. 1, p. 94 : l’auteur cite les Antichità Estensi de Muratori, p. 18 ; mais ce dernier ne donne pas d’indication documentaire...
15 S. Bortolami, Gli Estensi..., doc. 13, p. 56-57, a. 1273. Sur les remboursements aux Badoer, cf. supra, p. 601, note 69.
16 A. Rigon, Una ignorata deposizione..., p. 45. Sur Tiso et les problèmes financiers liés à la guerre et à ses suites, cf. aussi l’article Camposampiero Tiso Novello de E. Barile, dans DBI, t. 17, p. 615-617.
17 J. K. Hyde, Padua..., p. 83.
18 Cité par J. K. Hyde, ibid., p. 80 et 88.
19 Ibid., p. 73-75. De même, les da Castelnuovo savent maintenir une seigneurie aux frontières du Vicentin.
20 S. Bortolami, Famiglia e parentela..., p. 119-140.
21 R. Ciola éd., Il « De Generatione »..., p. 142-146 : Rainaldus, cui dicebatur vulva scruffe (je le rappelle, « scrova » signifie « truie » en dialecte) fuit quasi ioculator et, ut fertur, ibat de nocte per civitatem Padue matutinando, ad instanciam nobilium et magnatum iuvenum Paduanorum, qui ex usuris fecit valorem quingentorum milium librarum. Tout le problème est de savoir ce que da Nono entend par ioculator.
22 F. S. Dondi, Serie cronologico-istorica..., p. 192-3. Un Guglielmo Scrovegni est aussi connu, parmi les chanoines, entre 1260 et 1263. La carrière de Pietro a été particulièrement longue, puisqu’elle dure de 1225 à 1275, alors que 1263 serait la date de la mort de Guglielmo.
23 C. Bellinati-S. Bettini, L’epistolario miniato di Giovanni da Gaibana, Vicence, 1968, p. 8. Il faut y insister, toute une communauté d’exilés vivait à Fer-rare, tant bien que mal (cf. supra, note 13), auprès du marquis d’Este, durant les années ezzéliniennes : ainsi, parmi les témoins de ce même acte on rencontre un certain Enrico, venu de Montagnana (sans doute un fidèle du marquis).
24 Dondi, Dissert. 7, doc. 131.
25 R. Ciola éd., Il « De Generatione »..., p. 159-160.
26 Ibid., p. 232 (Aldrigetus... portator lignaminis ac postea venditor illius, qui in urbe Padue multas fecit divicias usurarias), p. 197-8 (Antonius Malvasius et Bartolomeus fratres... fuerunt homines populares et vilis conditionis, quamvis de presenti die sint divites homines), p. 237 (Hii qui a sale prenominantur fuerunt venditores sa-lis...et fuerunt magni usurarii), p. 245 (Hii qui a Laveçolis prenominantur sunt populares homines vilisque conditionis seu factores lebetum. Aicardinus Laveçolus ex usuris dives factus est), p. 253-4 (Torculi... fuerunt homines populares. Iacobus de Torculis ornatus milicia, cuius avus cerdo fuit...). J. K. Hyde reprend une bonne part de ces informations, de façon éparse. On consultera l’index de son ouvrage.
27 Compagnino dal Sale est juge, après que d’autres membres de sa famille soient passés par le notariat (J. K. Hyde, Padua..., p. 147) ; un Aicardino dei Lavezoli, aux dires de da Nono, genuit filium, qui honorem doctoratus legalis accepit in Padua, et tamen non digne (R. Ciola éd., Il « De Generatione », p. 246) ; etc.
28 Sur les origines des Bibi, reconsidérées par S. Bortolami, cf. supra, p. 755, note 135. Sur les destins de la famille durant la seconde période communale, cf. J. K. Hyde, ibid., p. 169.
29 Je rappelle que l’origine des « anziani » et, plus généralement, des organismes du « popolo » a fait il y a peu l’objet d’une discussion entre S. Bortolami, qui les estime postérieurs à 1256, et S. Collodo, qui signale un hapax antérieur à 1236 (cf. supra, p. 659).
30 J. K. Hyde, Padua... : avant tout le chapitre 6, « The Guildsmen », p. 154-190.
31 Dans certains statuts antérieurs à 1236, on trouve déjà mentionnées les corporations « des boulangers et fourniers, des bouchers, des bouviers, des chausseurs, des marchands de draps, barbiers, tailleurs, vendeurs de semelles » (M. Roberti, Le corporazioni..., p. 14).
32 R. Cessi, Le corporazioni... : sur l’Ars des fabricants de « pignolati », cf. p. 31 ; sur la mention de l’Art en 1265, p. 32 ; sur la réglementation, p. 59. Aux yeux d’Andrea Castagnetti, les mesures de 1265 ne méritent même pas d’être interprétées comme des témoignages de l’existence de l’Art de la laine à Padoue, mais plutôt comme des décisions des autorités en vue de le faire naître ! (A. Castagnetti, Mercanti, società..., p. 166). Il faudra attendre le xive siècle, et la seigneurie des da Carrara, pour que la laine de Padoue devienne un important article d’exportation, du moins en Italie du nord (ibid., p. 174-176).
33 M. Roberti, Le corporazioni..., p. 16.
34 Il y a, d’une part, les ançiani comunancie, de l’autre les ançiani fratalearum, qui n’auront jamais la prééminence (M. A. Zorzi, L’ordinamento comunale..., p. 14-16).
35 G. M. Varanini, Istituzioni, politica..., p. 293.
36 E. Artifoni, Corporazioni e società di « popolo » : un problema della politica comunale del secolo xiii, dans « Quaderni storici », 74, 1990, p. 387-404.
37 Je tiens cette information de la « Dissertazione » de la « tesi di laurea » de L. Strazzabosco, Carte delle famiglie Negri-Obizzi, p. 7, qui cite l’ouvrage manuscrit de G. A. Cappellari, Emporio delle famiglie, conservé à la bibliothèque du Museo Civico de Padoue (C. M. 176), et la Matricola dei giudici di Padova dall’origine al 1460 (ibid., B. P. 801 II). Cet exemple pose, à dire vrai, un problème qui est celui de toutes les communes, à savoir celui de l’entrée d’individus de milieu aristocratique dans les organismes de « popolo », en passant ou non par l’inscription dans des corporations (l’exemple le plus fameux de ce type de démarche étant celui de Dante inscrit parmi les apothicaires).
38 J. K. Hyde, ibid., p. 88.
39 La bibliographie de l’histoire de la ville de Padoue, dans son expression physique, est à la fois abondante et décevante. Peu de travaux de véritables historiens font face à une multitude d’ouvrages, au mieux descriptifs des ensembles monumentaux, souvent très approximatifs. De ce point de vue celui, déjà cité, de L. Puppi et M. Universo, Padova (dans la collection « Le città nella storia d’Italia »), certes non inutile, ne fait pas vraiment exception. La description, par C. Gasparotto, du parcours des processions des rogations par le clergé cathédral autour de 1239 est une mine d’informations de détail (C. Gasparotto, Padova ecclesiastica...). Le meilleur de l’ensemble est peut-être l’intelligente petite synthèse de S. Bortolami, écrite à l’occasion des célébrations du centenaire de saint Antoine (S. Bortolami, La città del Santo e del tiranno...). On conseillera aussi, du même auteur, Minoritismo e sviluppo urbano fra Due e Trecento : il caso di Padova, dans Esperienze minoritiche nel Veneto del Due e Trecento. Atti del convegno nazionale di studi, Padova, 28-30 settembre 1984, « Le Venezie francescane », n. s., 2, 1985, p. 79-95.
40 J. K. Hyde, Padua..., p. 32. Il est vrai que, comme le remarque S. Bortolami (Fra « Alte Domus »..., p. 24, note 76), cette évaluation est d’autant plus conjecturale qu’elle n’a été possible qu’en s’appuyant sur les estimations émises pour les périodes suivantes. L’hypothèse selon laquelle l’incendie de 1174 a été l’occasion d’une installation plus au large des habitants dans les quartiers périphériques se trouve, implicite, dans C. Gasparotto, Padova ecclesiastica..., p. 43-44, et p. 171172).
41 G. M. Varanini, La popolazione di Verona, Vicenza e Padova nel Duecento e Trecento : fonti e problemi, dans Demografia e società nell’Italia medievale (secoli ix-xiv), R. Comba et I. Naso éd., Cuneo, 1994, p. 165-172 (je renvoie le lecteur à ces pages pour ce qui est du document de 1254 et des travaux antérieurs à son sujet). Le recensement de J. K. Hyde se trouve en p. 32 de son ouvrage.
42 G. M. Varanini, ibid., p. 185-186.
43 Ibid., p. 186. L’évaluation faite à partir de « l’estimo » de 1281 se trouve dans l’article de G. Luzzatto, La popolazione del territorio padovano nel 1281, dans « N A V », s. 3, 2, 1902, p. 373-384. Elle avait été reprise dans la synthèse de M. Ginatempo et L. Sandri, L’Italia delle città. Il popolamento urbano tra Medioevo e Rinascimento (secoli xiii-xvi), Florence, 1990 (p. 79-83 sur le Veneto).
44 J. K. Hyde, Padua..., p. 48-49. A quoi il convient d’ajouter que le contado est lui-même très urbanisé : Monselice, en 1281, aurait dépassé le chiffre de 5.000 habitants (M. Ginatempo et L. Sandri, ibid., p. 80).
45 Cf. supra, p. 42 et 78-79.
46 Il s’agit là, bien sûr, d’une remarque d’évidence : à Vérone aussi (pour ne citer qu’un exemple proche) la plupart des nouveaux burgi s’allongent sur les principales routes, ou parallèlement à elles (G. M. Varanini, L’espansione urbana di Verona in età comunale : dati e problemi, dans Spazio, società..., p. 11).
47 Sur ce thème du palais communal padouan et de l’organisation des marchés, tout ce qui est utile à mon propos a été écrit par R. Cessi dans son article Le prime sedi comunali padovane, dans Padova medioevale..., t. 1, p. 103-121.
48 Plusieurs références à son séjour dans la demeure de Pietro dei Bonizzi : cf., par exemple, A S V, C D Lanfranchi, 12 juin 1187 ; L. Lanfranchi et B. Strina éd., Ss. Ilario..., no 34, a. 1190 ; A S P, Corona, no 2464, a. 1213 (in domo filiorum Petri de Bonicis).
49 L’expression, efficace, se trouve dans L. Puppi et M. Universo, Padova, p. 39.
50 Je rappelle que le Studium padouan est fondé en 1222 par les auteurs d’une sécession à Bologne.
51 L. Puppi et M. Universo, Padova, p. 51.
52 Cf. supra, Introduction, p. 81-82.
53 Cf., par exemple : A S P, Corona, no 4088, a. 1212 : dans le bourg de Santa Croce (on notera qu’il s’agit du plus excentrique, au sud, des bourgs de la Padoue historique, assez éloigné du reste de l’agglomération) une pecia terre, mi-vigne, mi-terre arable, est sise in loco qui dicitur Spaldus, et l’un de ses côtés longe le fossatum Spaldi. Ibid., Dipl., no 938, a. 1214 : une autre pecia terre est in loco qui dicitur Spaldus, sans plus de précision, et le Spaldus la borde sur un côté.
54 A. A. Settia, Castelli e villaggi..., p. 203. Il est employé à partir du xie siècle, avec le sens de agger, qui disparaît dès lors du lexique militaire (p. 197). En 1076, on rencontre une première occurrence de spaldum : foris civitate Padua in loco qui dicitur Turreselle prope spaldo (ibid., p. 240, note 130).
55 ...Gens Marchionis iam aperuerat portam Burgi Turrisellarum, quae est contra Pratum, et venerat Dominus Iacobus de Carraria usque ad Portam Turrisellarum (Rolandino, Cronica..., p. 59).
56 ...super turrim et portam et spaldum de Ponte Corvo et inde circuitum (Rolandino, cité par C. Gasparotto, Padova ecclesiastica..., p. 43, note 111).
57 Hoc anno (1258) inceptus est murus spaldi ; Et tunc (1263) inceptus est mu-rus, ubi prius erant tantum spaldi, versus pontem occidentis de Padua (après une mention du début de l’ouvrage, voici donc une allusion au point d’avancée des travaux) ; Hoc anno (1270) murus spaldi communis Paduae suprascriptus totaliter fuit perfectus. Ces trois citations viennent des Annales Patavini, p. 203. J. K. Hyde insistait d’autant plus sur la non-intégration du bourg d’Ognissanti, et de ses deux ports, à ce nouveau système que sa population était déjà considérable en 1254 (Padua..., p. 35).
58 Cf. supra, p. 853, note 40.
59 Cf. supra, p. 658-659.
60 On trouve dans l’ouvrage de J. K. Hyde, Padua... (p. 32-33 et 37), la liste des jureurs par « centenario ».
61 S. Bortolami avait déjà fait cette remarque que c’est entre 1260 et 1310 environ que civitas et suburbia proches s’unissent peu à peu en un ensemble citadin unique (S. Bortolami, Minoritismo e sviluppo..., p. 86).
62 Cf. ce que j’ai signalé, supra, 3e partie, en page 694 : sur 20 centenarii, 17 coïncident avec des paroisses, les 3 exceptions étant Rudena, l’Arena (où le point de fixation est un monument romain qui aura joué longtemps son rôle de carrière), et, au nord, Codalonga.
63 P. Sambin, L’ordinamento parrocchiale..., p. 58.
64 A S V, San Cipriano, B. 98, Q. 219, 14-24 mai 1218 : un paroissien déclare : contrata est congregatio vicinorum qui vadunt insimul ad unam ecclesiam. L’ancienne église paroissiale de San Lorenzo a mal accepté la scission, d’où procès. La définition ci-dessus émane du 14e des témoins qui déposent dans ce document. L’affaire est analysée dans l’article de P. Sambin, Note sull’organizzazione..., p. 17-49.
65 Les chanoines sont propriétaires de tout un ensemble de terre casalive : C D P, 2/1, nos 367 (a. 1139), 429 (a. 1144), 583 (a. 1153), 642 (a. 1155) ; 2/2, nos 698 (a. 1158), 804 (a. 1163), etc. Toutes celles-ci sont construites, d’autres sont encore à bâtir : ainsi, en 1163, aux nos 808 (pecia una de terra ad casam levandam) et 817 (une pecia de terra non autrement précisée).
66 S. Bortolami, Acque, molini..., p. 291.
67 S. Bortolami, Minoritismo e sviluppo..., p. 81.
68 Cet espace demeurait vide dans la mesure même où il n’était à proximité immédiate d’aucune artère importante, mais était au contraire situé entre les deux grandes coulées suburbaines qui allaient vers le Ponte Corvo à l’est, et vers Santa Croce au sud. Le nouveau quartier les unira. On a ici un très rare exemple de déterminisme purement « idéologique » dans l’histoire urbaine (cf. R. Cessi, Padova dal medioevo..., p. 21).
69 S. Bortolami, Minoritismo e sviluppo...
70 Sur les débuts de l’ordre des frères prêcheurs à Padoue et l’histoire de cette église, devenue l’une des plus vastes de la ville et détruite au xixe siècle, cf. S. Gasparotto, Il convento e la chiesa di S. Agostino in Padova, Florence, 1967. S. Bortolami signale que, encore en 1255, le secteur dit de Contrà, où se trouve le couvent, était localisé in campanea, et non pas dans le suburbium (S. Bortolami, ibid., p. 92, note 27).
71 Qui ne sera, au demeurant, pas consacré avant 1435 (I. Daniele, Le parrocchie..., p. 254).
72 S. Bortolami, Minoritismo e sviluppo..., p. 85.
73 Ibid., p. 86. L’auteur cite à ce sujet l’article, fondamental, d’E. Guidoni, Città e ordini mendicanti. Il ruolo dei conventi nella crescita e nella progettazione urbana del xiii e xiv secolo, dans « Quaderni medievali », 4, 1977, p. 86-103.
74 On trouvera dans les notes de l’article de S. Bortolami, Fra « Alte Do-mus »..., une première série d’informations (p. 7 à 13, notes 15 à 34, et p. 38, note 147).
75 Dominus Tiso de Campo sancti Petri tunc vendidit domum eius cum turri alba communi Padue (Liber Regiminum, p. 303).
76 Rolandino, Cronica..., p. 26 (a. 1215) :...in domo magna sive palacio quod olim fuit dompni Alberti de Baone..., quod erat apud ecclesiam sancti Urbani. Sur le séjour du marquis, cf. A. L. Trombetti-Budriesi, Beni estensi..., p. 145, note 18.
77 S. Bortolami, La città del Santo..., p. 247.
78 R. Cessi, Le prime sedi comunali..., p. 104. Mention de la turris Mançii de Adelmario, près de la turris comunis (B. Lanfranchi-Strina éd., Ss. Trinità..., t. 3, no 373, a. 1204).
79 S. Bortolami..., Fra « Alte Domus »..., p. 8, note 19.
80 C D P, 2/2, no 1307 : à l’occasion de la fixation des limites des paroisses, il est décidé, au sujet de Sant’Andrea et de San Bartolomeo, ut habeant domum Dalesmanini comunem (ce qui s’explique du fait que le territoire de San Bartolomeo, bien que situé hors les murs, mord sur la ville murée). Il y a plus : les Dalesmanini ont des biens le long du parcours entre le pont Altinate et celui d’Ognissanti, à l’extrême est de l’agglomération (S. Bortolami, ibid., p. 7, note 15).
81 S. Bortolami, ibid., p. 11, note 29.
82 Les Lemizzi fondent près de leur demeure l’hôpital San Polo, où ils auront leur sépulture familiale (C. Gasparotto, Padova ecclesiastica..., p. 55) ; en 1181 Aldrigetto di Rolando habite un sedimen cum turre à San Matteo (P. Sambin éd., Nuovi documenti..., no 72) ; en 1206 Enrigino dei Tadi achète à Guidoto, son frère, le tiers, pro indiviso, d’un sedimen cum turri..., a ponte de Tadis (ASP, Dipl., no 721).
83 Chronicon Marchiae Tarvisinae..., p. 11, note 1 : Ezzelino les fera abattre en 1251.
84 Venise, Correr, Brondolo, Prov. Div., 900/253.
85 A C P, Diversa, t. 1, no 93 :...in capite scalarum palatii comunis, scilicet in plathea de usque domum domini Iacobi de Dalesmanino.
86 Autres exemples, parmi beaucoup : turris que fuit Albertini iudicis (A S P, Dipl., no 656, a. 1204) ; turris domine Eliche (da Baone : A C P, Diversa, t. 1, no 36) ; domus secus turrim, dans le faubourg proche de Rudena, de Baialardo, frère du juge Ezzelino (A S V, C D Lanfranchi, 15 septembre 1194) ; etc.
87 Cf. S. Bortolami, La città del Santo..., p. 26, note 43 :...ubi fuit turris de hora Sancte Crucis de Padua, que fuit destructa... olim domini Ugonis a Vado, en 1248.
88 Tot palacia totque turres in ipsa (civitate) construent quod quasi nemus unum videbitur (G. Fabris, Cronache e cronisti..., p. 140 ; cité par L. Puppi et M. Universo, Padova, p. 98).
89 Cf. le document cité en note 83 : Omnes illos vasallos quos habeo in centenario ecclesie Sancti Mathei, cum rusticis quos in eo habeo. De même, en 1202, Rolandino di Malpilio a un sedimen à l’Arena, cum vasallis ad eum sedimen pertinentibus (A S V, San Giorgio maggiore, B. 81, P. 316, 9 décembre 1202). Il m’est, par contre, impossible d’établir une liaison spécifique de familles nobles déterminées et de chacun des 4 quartiers de la ville, comme a pu le faire pour Plaisance E. Nasalli-Rocca dans un article déjà ancien (E. Nasalli-Rocca, Palazzi e torri gentilizie nei quartieri delle città italiane medioevali ; l’esempio di Piacenza, dans Contributi dell’Istituto di storia medioevale dell’Università Cattolica, 1 : Raccolta di studi in memoria di Giovanni Soranzo, Milan, 1968, p. 303-323.
90 Rolandino, Cronica..., p. 57 in tantum quod plus quam domorum medietas turrim et palaciorum in Padua iacet hodie.
91 J.-C. Maire Vigueur, Introduction au colloque D’une ville à l’autre : structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (xiiie-xvie siècles), Rome, 1989, p. 8.
92 Un acte d’Ogerio da Fontaniva est rédigé in domo habitacionis eiusdem Ugerii in burgo de Padua de Ponte Molendinorum (C D P, 2/1, no 384).
93 C. Gasparotto, Padova ecclesiastica..., p. 178.
94 J. K. Hyde, Padua..., p. 87, note 1.
95 C. Gasparotto, ibid., p. 76-77.
96 Pietro dei Frigimelica y achète une domus cum curte (A S P, Santa Maria della Riviera, t. 14, p. 2, a. 1239) ; les fils de Giacomino da Carturo y sont mentionnés comme voisins (ibid., p. 3, a. 1249).
97 Les notaires sont partout. Cf., entre autres, dans le centre monumental : un notaire Ambrosino nunc moratur in hora s. Nicolai (G. Carraro éd., Il Liber..., p. 282, 24 mars 1252) ; au N.O., à Burziniga, près du monastère de San Pietro, Eleazario (A S P, Dipl., no 457) ; ou encore Silvestro, de hora sancti Mathei (ASP, Santa Maria della Riviera, t. 14, p. 4, a. 1254). Hors les murs, la présence des notaires est partout diffuse.
98 Sur les meuniers du Ponte Molino, cf. S. Bortolami, Acque, mulini..., p. 295. Plus à l’ouest, par exemple : en 1193 et 1195, mention de 2 meuniers, Bastiano (molinarius) et Martinello (monarius), en 1198, un meunier Manfredino (A S P, Dipl., nos 1048 et 457).
99 S. Bortolami, Acque, mulini..., p. 298-299. Un statut d’avant 1236 rejetait les prostituées hors les murs : Omnes publice meretrices expellantur extra muros civitatis. et extra fossas suburbiorum (Statuti..., no 786, p. 262). En théorie, elles étaient exclues des tavernes (Et quod aliquis tabernarius vel tabernaria non debeat furtum accipere vel latronem seu meretricem publicam in domo vel in taberna : ibid., no 784, p. 259).
100 I. Daniele, Parrocchie..., p. 253. L’autel de leur « fraglia » se trouvera dans l’église San Tommaso de l’Arena.
101 S. Bortolami, ibid., p. 287 (sur Ognissanti) ; C. Gasparotto, Padova ecclesiastica..., p. 101 (sur l’arrivée du sel), p. 20-21 et p. 166 (sur Santa Croce, son port, et le déplacement de 1265).
102 S. Bortolami, ibid., p. 301-303, 307.
103 S. Bortolami, Minoritismo e sviluppo urbano..., p. 84.85. Du même auteur (Fra « Alte Domus »..., p. 24-25), l’analyse d’une liste de burgenses de Santa Sofia, d’une époque très antérieure (1209) : sur 212 citadins en âge de s’armer on peut compter 9 cordonniers, 6 pelletiers, 3 notaires, 2 chapeliers, 2 tailleurs, 2 fabricants de soieries, 2 d’épées, 2 de peignes, mais aussi des tisserands, fourniers, apothicaires, charrons, charcutiers, courtiers, et magistri (sans spécifications). Beaucoup provenaient de localités variées du contado padouan et, en outre, de Chioggia, Vicence, Vérone.
104 R. Cessi, Le corporazioni dei mercanti di panni..., p. 12 et 27.
105 S. Bortolami, Acque, mulini..., p. 311-312. Cf. aussi, supra, p. 756-757.
106 Rolandino, Cronica..., p. 59 :...de Scodesia quasi communiter omnes, multos eciam de montanis, multos de planicie et de villis, maxime de Turrisellarum quarterio.
107 Rolandino, Cronica..., p. 61.
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