Appendice. Les livelli-aliénations dans le Padouan (ixe siècle-1256)
p. 503-504
Texte intégral
1Si l’on veut s’essayer à esquisser une typologie à partir des quelques pièces que fournit une documentation étique on peut parvenir à distinguer, me semble-t-il, trois catégories.
- Celle qui intervient chronologiquement la première est en même temps celle qui disparaît la première ; c’est aussi la mieux connue de l’historiographie : il s’agit de l’aliénation de terres trop éloignées pour être facilement gérées par leur propriétaire – lequel est à peu près toujours un établissement religieux. Ainsi en 1038 le monastère de Nonantola cède un ensemble de parcelles, sises à Masone (dans le Vicentin), aux da Montagnone1 ; de même, en 1079, le chapitre cathédral de Vérone cède aux marquis d’Este la curtis de Lusia, et c’est là le dernier exemple de telles investitures2.
- Un peu moins rares sont, à partir du xiie siècle, les mentions de livelli accordés par l’aristocratie laïque et ecclésiastique (surtout l’évêque et le chapitre cathédral de Padoue) à des établissements religieux : au xiie siècle les bénéficiaires sont avant tout des monastères vénitiens3 ; puis au xiiie les fondations nouvelles dans le Padouan prennent le relais : c’est entre autres le cas de l’hôpital San Giacomo de Monselice, lié aux notables du lieu. Et il importe de spécifier que le plus souvent ces concessions ne semblent pas avoir été précédées du versement d’un droit d’entrée ; dans le cas des fondations du xiiie siècle comme San Giacomo, il s’agit en fait de dotations4.
- Plus conforme au schéma classique du livello comme forme contractuelle caractéristique des échanges au sein des milieux dirigeants, on voit apparaître dans les années 1130 l’association livello-fief sans fidélité : c’est le cens, généralement purement recognitif (de un, deux ou quelques deniers), qui est ainsi « inféodé », le bien ayant été acquis, dans de tels cas, par achat du ius utile.
2Première occurrence dès 11355 : les chanoines cèdent une maison à un certain Ugo di Cerro. En général il s’agit là d’un mode de relations financières, soit entre notables urbains, soit entre ceux-ci et des seigneuries ecclésiastiques : en 1136 un dei Nanni acquiert des chanoines des biens à Piove6 ; en 1141 les da Vigonza, toujours à court d’argent, aliènent des terres au monastères San Cipriano7 ; encore en 1223 les nonnes de San Pietro bradent pour 20 livres un terrain à bâtir en ville à un clerc de l’église8 ; etc.
3Parfois les choses se raffinent encore : c’est ainsi que l’on voit, en 1161, le loyer d’un livello, non pas cédé en fief sans fidélité, mais ajouté en augment d’un fief noble déjà tenu du vendeur du ius utile par le livellario. On utilise alors la formule consacrée pour signaler que ledit augment n’alourdira pas le service du fief9.
4Il serait logique, cela dit, de considérer comme constituant une quatrième catégorie la série, nettement plus nombreuse, des aliénations en livello à cens symbolique consenties par les communes, Padoue en tête. Je ne la cite cependant que pour mémoire car on est ramené ici à une problématique tout autre, qui se situe au centre de mon étude de l’évolution sociale. Je renvoie donc ici le lecteur aux chapitres concernés.
Notes de bas de page
1 C D P, 1, no 135.
2 C D P, 1, no 256. Encore faut-il aussitôt constater qu’il s’agit là d’un cas très particulier car non seulement il n’est pas fait mention du paiement d’un droit d’entrée par le « livellario » (alors que la forte entratura est une des caractéristiques essentielles de ce type de contrat), ce qui ne signifie certes pas forcément qu’il n’y en ait pas eu, mais surtout le loyer annuel reçu par les chanoines sera tout autre que négligeable : 100 sous, 2 muids de froment, une vache et 2 porcs, ou trois livres à la place du froment et des têtes de bétail !
3 Cf. par exemple : (C D P, 2, no 160, a. 1124 =) L. Lanfranchi éd., S. Giorgio maggiore, t. 2 : cession par l’évêque de Padoue à San Giorgio maggiore, que l’on verra confirmée encore en 1190 (ibid., t. 3, no 531) ; C D P, 2/1, no 395, a. 1141 : les da Peraga à San Cipriano de Murano ; A S V, S. Cipriano, B. 105, R. 582, a. 1188 : un chanoine padouan, à titre privé, semble-t-il, à San Cipriano ; etc.
4 Cf. A. Vat., Fondo veneto, 1 : no 5909, a. 1218 : une Domina Adelmota cède une vigne pour un loyer symbolique de 12 deniers dont il est précisé qu’il sera déposé à l’autel de San Giacomo, en donation pieuse ; ibid., no 5968, a. 1231 : un laïc d’Arquà cède une dîme pour un loyer de 2 deniers, remis au monastère ad ducentos annos et plus.
5 C D P, 2/2, no 277.
6 Ibid., no 296.
7 Ibid., no 395.
8 A S P, Dipl., no 1166.
9 C D P, 2/2, no 757. L’archiprêtre du chapitre de Padoue investivit Anualem de XII solidis de Verona aficti, ut habeat cum alio suo feudo, ad unum servivium et unam fidelitatem.
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