Chapitre IV. Les frontières de la mer, ou la mer domestiquée
p. 189-239
Texte intégral
1La mer se définit souvent pour les Anciens comme un espace autre, dans lequel l’homme se sent toujours étranger : elle ne lui est pas naturelle. Elle incarne ainsi un monde extérieur, différent, dont il faut fixer les limites. Si Artémis personnifie la frontière entre ces deux univers, Dionysos s’amuse pour sa part à les brouiller. En effet, ces zones de séparation sont aussi des zones de rencontre. À cet égard, l’homme peut également les exploiter depuis la terre ou en restant dans sa proximité par la pêche, à laquelle renvoie encore la figure de la déesse mais aussi celle d’Hermès1.
ARTÉMIS
2Artémis est une figure divine bien étudiée2 ; l’attention de nombreux chercheurs s’est portée notamment sur son culte attique à travers le sanctuaire de Brauron3 ou sur ses liens avec la potnia thèrôn4. En ce qui nous concerne plus particulièrement, depuis une trentaine années, l’accent a été mis sur l’espace d’Artémis – et par conséquent sur ses relations avec la mer5. Les conclusions de ces excellents articles concourent à mettre en évidence ses liens avec les rivages et les zones de confins.
3Par ailleurs, examiner les liens d’Artémis avec la mer oblige à réunir non seulement les sources référant à elle, mais aussi à d’autres divinités auxquelles on l’a parfois assimilée, afin d’essayer de comprendre quand et pourquoi se sont opérés de tels rapprochements. Ainsi, à travers les attestations de cultes seront traitées également Diktynna, Britomartis et quelques divinités locales.
Les sources
Mythologie et épopée
a) L’espace d’Artémis
4Le caractère d’Artémis apparaît bien défini dans la littérature ancienne en dehors même de tout sanctuaire. Selon la tradition, elle est associée aux espaces naturels6 : elle court, libre, à travers les étendues, préférant la compagnie des animaux à celle des hommes. L’Hymne homérique à Artémis (II, v. 1-10) célèbre sa personnalité et sa puissance sur la nature. Même la mer poissonneuse (πόντος ίξθυόεις) tremble au passage de celle qui parcourt tant les montagnes que les a ἄκριας battus par les vents ; or ce mot désigne les hauteurs comme les promontoires. Callimaque définit aussi l’espace d’Artémis dans l’Hymne qui lui est consacré (III, v. 31-40) : outre les villes que son père lui octroie, elle reçoit de lui le privilège d’être gardienne des routes et des ports (ἀγυιαῖς καὶ λιμένεσσιν ἐπίσκοπος).
5Cet espace recouvre ainsi non seulement bois et montagnes, mais de façon générale elle est également liée par essence aux bords de mer : rivages, promontoires, ports.
b) Artémis à Aulis
6L’histoire des Grecs retenus à Aulis apparaît pour la première fois dans le récit qu’en donne le chœur de l’Agamemnon d’Eschyle ; en tout état de cause elle est postérieure aux textes homériques7. Dans cette version, Artémis empêche le départ des bateaux pour Troie en envoyant des vents contraires, τινας ἀντιπνόους (v. 146-151). Ces vents du Strymon entraînent l’arrêt forcé des Achéens, le mauvais état de la mer et le dommage des embarcations ainsi que la faim et la discorde parmi les équipages ; à tous ces maux, la divinité exige un seul remède, le sacrifice d’Iphigénie8.
7Cette légende a beaucoup inspiré Euripide qui y consacra deux tragédies : Iphigénie à Aulis et Iphigénie en Tauride. Dans cette dernière, le tragique qui imagine la suite des aventures d’Iphigénie, sauvée in extremis grâce à Artémis et emmenée chez les Taures, fait exprimer à l’héroïne tous ses sentiments concernant les événements passés. La flotte fut ainsi retenue à Aulis par des vents d’aploia, empêchant toute navigation (Iph. Aul., v. 87-93 ; Iph. Taur. v. 4-30). La raison invoquée pour expliquer le courroux d’Artémis consiste dans le non-respect par Agamemnon d’une promesse faite à la déesse de lui vouer le plus beau produit de l’année ; or, ce fut cette année-là que naquit Iphigénie (ibid.). Après bien des hésitations et des subterfuges, le sacrifice de la jeune fille peut avoir lieu (Iph. Aul. v. 1563-1603). Avant que soit porté le coup fatal, Achille prononce une prière adressée à Artémis, lui demandant en échange de la victime une navigation sans malheurs (πλοῦν ἀπήμονα) et la prise de Troie. La substitution d’Iphigénie par une biche est ensuite accueillie par tous avec joie et interprétée par le devin Calchas comme un signe de l’envoi à venir par la divinité d’un vent favorable à la navigation (οὔριον πλοῦν). La version d’Ovide (Métamorphoses XII, v. 8-38) suit celle du tragique : des vents furieux retiennent les navires à Aulis mais avec le sacrifice, les flots retombent comme la colère de la déesse qui envoie aux Grecs le vent en poupe.
8Diverses traditions affirment qu’Agamemnon continua par diverses offrandes d’assurer la bonne marche de la flotte achéenne vers Troie9. Au sud de l’île, à Géraistos, un bateau de pierres dédié à Artémis d’Eubée est considéré comme un ex-voto du chef achéen pour la navigation de sa flotte (Procope, De bello Gothico IV, 22, 23-29). La dédicace, formulée en deux vers en hexamètres, rapporte l’offrande, son motif et son dédicant ; un autre fragment donne le nom du sculpteur, Tynnichos, et la divinité honorée Artémis Bolosia. Procope assimile la divinité à Eileithyia, car il rapproche l’épiclèse du mot βολάς exprimant selon lui les douleurs de l’enfantement10. Hors de l’Eubée, Agamemnon consacra à la fille de Léto dans son temple samien du promontoire Chésion un gouvernail contre l’aploia qu’elle lui imposait – cette fois semble-t-il par l’absence de vent – (Callimaque, Hymme III, v. 225-232)11.
9Le rôle d’Artémis dans la navigation des Grecs vers Troie apparaît ainsi comme une création relativement tardive, de l’époque classique, dont la tragédie fixa définitivement les traits.
c) L’épopée argonautique
10Dans les Argonautiques, elle ne joue pas de rôle actif mais elle intervient de manière indirecte dans le déroulement du voyage à deux reprises12. Le jour du départ des héros, une fois la voile hissée et le bateau filant dans de bonnes conditions de navigation, Orphée se met à chanter Artémis comme νηοσσόον, qui préserve les navires, et qui veille sur les skopias halos, c’est-à-dire les hauteurs d’où l’on peut observer la mer13. À ce chant, les poissons, comme un troupeau devant son berger, suivent le bateau en sautillant (Apollonios de Rhodes, Argonautiques I v. 569-579).
11Au retour les Argonautes trouvent refuge, alors qu’ils sont poursuivis par les troupes du frère de Médée14, dans l’une des deux îles Brygéides, près de l’embouchure de l’Istros, consacrées à la déesse (Apollonios de Rhodes, Argonautiques IV, v. 329-335). Son hiéron, situé sur l’autre, est le théâtre du meurtre fratricide. Il est à noter ici la consécration supposée à Artémis de deux îles apparemment peu habitées voire désertes.
12Dans les récits de navigations mythologiques, la divinité est rattachée à deux meurtres et non des moindres : un père envers sa fille et une sœur envers son frère ; pour le reste elle est évoquée dans le cadre de certains lieux auxquels elle est directement associée.
d) Artémis-Britomartis – Diktynna
13On ne peut aborder la mythologie et le culte d’Artémis sans étudier l’assimilation avec ces deux autres divinités. En effet, Artémis est honorée sous l’un ou l’autre nom ou même les deux ; il est donc nécessaire d’exposer les différentes traditions concernant l’une et l’autre en respectant leur chronologie afin de saisir leur évolution. L’approche la plus complète sur ce sujet a été réalisée par M. Guarducci qui a bien mis en évidence la chronologie et l’origine du syncrétisme15.
14Callimaque rapporte, dans un poème consacré à Artémis (Hymne III, v. 183-203) que Britomartis était une nymphe de Gortyne, chère à la fille de Léto en raison de leur habileté commune à la chasse. Minos, épris d’elle, la poursuivit longtemps jusqu’à ce que, sur le point d’être saisie par lui, elle se jeta du haut d’un rocher dans la mer pour être récupérée dans sa chute par des filets de pêcheurs. Depuis lors, elle est vénérée sous le nom de Diktynna. Le récit de Callimaque comporte deux points notables. Tout d’abord, il explique le nom donné à la Nymphe par celui du mont Dicté d’où elle se serait précipitée ; or, ce mont est situé à l’intérieur des terres, comme l’explique clairement Strabon (X, 4, 12-13) qui place le Diktynnéon sur le flanc du mont Tityros. Par ailleurs, le myrte n’est pas utilisé pour les couronnes de sa fête parce que c’est à ce feuillage que se prit son péplos dans sa fuite. Ces deux détails laissent plutôt envisager deux versions du mythe de Britomartis-Diktynna : l’une avec Minos, le saut dans la mer et les pêcheurs, l’autre avec le mont Dicté et une chute causée par une branche de myrte16.
15Une version plus tardive d’au moins cinq siècles fait de Diktynna une fille de Zeus et de Carmé, née sous le nom de Britomartis en Phénicie (Antoninus Liberalis, Métamorphoses XL). Arrivée en Crète et poursuivie par les assiduités de Minos, elle trouve refuge auprès des pêcheurs qui la cachent sous des filets, à la suite de quoi ils la vénèrent comme Diktynna. Diodore (Bibliothèque historique V, 76, 3-4) qui lui attribue la même filiation, affirme non seulement catégoriquement qu’elle représente une divinité distincte d’Artémis, mais aussi que la légende concernant Minos et les pêcheurs n’est que mensonge de la part de gens non respectueux des dieux. Selon lui, la déesse est vénérée pour avoir inventé les filets de chasse, le reste n’étant qu’inventions impies. Cette identification évoquée par Diodore est également affirmée au travers de plusieurs sources. L’Hymne Orphique à Artémis l’invoque comme Kydonienne aux formes changeantes, Kydonia étant le lieu de culte de Diktynna17. Isis lors de son apparition à Lucius affirme qu’elle est vénérée chez les Crétois sous le nom de Diane Diktynna (Apulée, Métamorphoses XI, 3-5). Hésychius (s.v. Britomartis) définit Britomartis comme une Artémis crétoise18, tandis que Britomartis est assimilée à la Lune-Diktynna selon un poème latin d’époque augustéenne (Pseudo-Virgile, Ciris, v. 301-305), ce qui renvoie encore à Artémis.
16Une dernière tradition explique encore le culte de Diktynna d’une manière différente (Mythographi vaticani II, 36). Une jeune femme nommée Britè, fille de Mars, s’était vouée à Diane de Crète : autrement dit, avait fait vœu de chasteté. Face au roi Minos qui tenta de la violenter, elle se jeta dans la mer où son corps fut récupéré dans des filets de pêcheurs. Après cet événement, une peste s’abattit sur l’île ; suite à un oracle, les habitants érigèrent un temple à Diane qu’ils appelèrent Diktynna. Ce récit fait d’Artémis l’objet du culte des Crétois – et non plus une divinité distincte – puisque le mot de Diktynna apparaît alors comme une épiclèse attribuée à la déesse.
17Un point commun cependant relie ces traditions : pour les Grecs, l’étymologie du nom Diktynna est apparentée à celui de δίκυον : le filet19. L’assimilation entre Artémis et les Britomartis Diktynna ne se réalise qu’à une époque tardive, pas antérieure à l’époque hellénistique : Diodore, le premier à l’évoquer, la discute, ce qui montre qu’elle n’était pas encore solidement établie à son époque. Britomartis et Diktynna constituent de surcroît à l’origine deux entités divines distinctes : la première originaire du centre de la Crète, la seconde de sa partie orientale20 et à caractère marin.
Témoignages cultuels
18Les attestations de culte d’Artémis en relation avec la mer s’avèrent nombreuses, d’autant plus si on y ajoute celles concernant des divinités locales qui lui ont été assimilées (cartes 6, 7, 9).
a) Attique
19À Mounichie, l’un des ports d’Athènes, Artémis recevait un culte sous l’épiclèse de Mounychia (Pausanias I, i, 4). Ce sanctuaire permet à l’oracle delphien de désigner l’endroit sous le nom de hiéron aktèn dans la prophétie annonçant la victoire de Salamine grâce à un pont de bateaux (Hérodote VIII, 77). Le contexte exclusivement maritime et guerrier de l’événement associe ainsi implicitement la déesse à la mer et au succès de l’entreprise. Callimaque (Hymne III, v. 259) la qualifie par ailleurs à Mounichie de gardienne du port (λιµενοσκόπος). Le sanctuaire fut le théâtre du renversement des Trente par les partisans de Thrasybule qui occupèrent la route qui menait depuis l’agora dessinée par Hippodamos jusqu’au hiéron (Xénophon, Helléniques II, 4, 11)21. Plusieurs mentions précisent son emplacement sur un promontoire (akrôtèrion)22 ; de fait, le temple a été identifié avec un bâtiment situé sur le promontoire sud-ouest de Mounichie, qui a livré du matériel votif remontant à l’époque géométrique23. Des fêtes appelées Mounichia étaient célébrées le l6 du mois de Mounichiôn au Pirée avec pompe et régates ; celles-ci, concourues par des éphèbes, ne sont pas attestées avant le dernier quart du IIe s. a. C.24. Le nom donné au mois indique l’importance de ce culte d’Artémis. Ces festivités revêtaient d’autant plus de faste que ce jour constituait la date anniversaire de la bataille de Salamine. Certains n’hésitaient d’ailleurs pas à attribuer cette victoire à la bonne lune que la déesse avait montrée à cet instant critique25.
20Dès lors, il n’est pas surprenant de trouver à Salamine un sanctuaire d’Artémis signalé par Pausanias (I, xxxvi, 1), auquel semble associé le trophée des Grecs consécutif au succés de 480 a. C.26
b) Argolide
21En Argolide, le littoral de Trézène est consacré à Artémis, d’après un vers d’Euripide (Hippolyte, v. 227)27. Mais la présence de la déesse en contexte marin dans cette région n’est guère connue par ailleurs, si ce n’est à Égine.
22Le temple d’Aphaia se trouve au nord-est de l’île, au sommet d’un mont surplomblant tout le territoire et les eaux d’Égine (fig. 9)28. L’étymologie du nom de la divinité divise encore les spécialistes29. Hésychius (s.v. Aphaia) établit une parfaite correspondance entre Aphaia, Diktynna et Artémis. Il convient donc de s’interroger sur la nature de ce culte.
23Une tradition l’assimile à la crétoise Diktynna, qui part pour Égine sur la barque d’un pêcheur qui lui aussi prétend à ses faveurs ; sautant alors dans l’eau, elle gagne l’île et va se cacher dans un bois où on lui éleva un temple sous le nom d’Aphaia (Antoninus Liberalis, Métamorphoses XL)30. Cette version dissocie un temple d’Artémis et un autre d’Aphaia31. Quelques vers d’un poème augustéen (Pseudo-Virgile, Ciris, v. 301-305) rapportent par ailleurs la croyance selon laquelle Britomartis, ayant survécu au saut crétois, serait la même jeune femme honorée à Égine sous le nom d’Aphaia.
24Pausanias (II, xxx, 3), sans donner ces détails en ce qui concerne les mésaventures survenues dans l’île, affirme que les deux divinités crétoise et éginète sont les mêmes, dotées simplement d’épiclèses différentes ; mais pour les uns et les autres, il s’agit à l’origine d’une Britomartis née des amours de Zeus avec une mortelle. Artémis intervient dans le récit de Pausanias en tant que celle qui est à l’origine de la déification de la jeune femme. Le Périégète insiste sur l’origine crétoise de la légende, reprise selon lui par les Éginètes ; enfin il signale un chant que Pindare aurait composé en son honneur à la demande de ces derniers. Ces différentes traditions convergent vers un aspect maritime du culte qu’on devait lui rendre, ce que paraissent confirmer les ex-voto du sanctuaire (voir infra resp. p. 412 s. et 373). C’est là sans doute que les Éginètes consacrèrent les proues de vaisseaux samiens battus en Crète dont parle Hérodote (III, 59) ; la mention dans ce passage du sanctuaire d’Athéna à Égine doit vraisemblablement constituer une erreur de la part de l’historien32. Par ailleurs, neuf bateaux de terre cuite archaïques ont été mis au jour parmi le matériel dégagé en fouilles.
25De toutes ces informations, il ressort qu’Aphaia était une divinité locale éginète, d’origine ancienne, que l’on rapprocha, pour certains aspects de son culte ou de sa personnalité, à Britomartis-Diktynna et sans doute dans un second temps, tardivement, à Artémis. Il est à noter le caractère hybride de la déesse qui put ainsi être considérée par les uns comme une Britomartis-Diktynna-(Artémis), par les autres comme une Athéna et dont le culte archaïque présente des ressemblances avec celui d’Héra33.
c) Corinthie et Laconie
26À Corinthe, entre le sanctuaire de l’Isthme et le port de Kenchreai, Pausanias signale un naos d’Artémis et un xoanon dont il souligne le caractère ancien. Seule cette ancienneté et la position du culte pourraient laisser supposer un lien étroit avec la mer et le port proche34.
27En Laconie, à Sparte, le culte d’Artémis s’avère prépondérant et complexe aux vues des différents sanctuaires qui lui sont consacrés35. Parmi eux, il s’en trouvent deux voisins l’un de l’autre (Pausanias III, xiv, 2). Dans le premier elle est invoquée sous le nom d’Aiginaia36 et dans le second sous celui d’Issôria ou Limnaia. Le périégète précise alors que pour lui, le second hiéron n’est pas consacré à une Artémis mais à une Diktynna pour laquelle il renvoie à son commentaire éginète. Le culte d’Artémis Issôria devait alors présenter de nombreuses similitudes avec celui d’Aphaia. D’autres témoignages portant sur ce sanctuaire le situent sur un point élevé appelé Issôrion37. Le Périégète mentionne également un autre sanctuaire de Diktynna, au bout de la rue nommée Aphétaïde, où se trouvent également des tombes royales (Pausanias III, xii, 8).
28Par ailleurs à Sparte, plusieurs ex-voto navals ont été consacrés à Artémis : une plaque d’ivoire ciselée montrant le départ d’un bateau ainsi que deux reliefs de plaques de calcaire ; mentionnons encore deux petits poissons de plomb. Ils proviennent tous du même sanctuaire d’Artémis Orthia et sont tous datés du VIIe s. a. C. (voir infra p. 392 s. et 505).
29À Boiae, la fondation de la cité est due selon la tradition à Artémis Sôteira (Pausanias III, xxii, 12)38. Suivant un oracle, celle-ci devait indiquer aux exilés d’Étis, Aphrodisias et Sidé39 l’endroit où s’établir ; à peine débarqués en Laconie, ils voient un lièvre qu’ils prennent pour guide et fondent la ville à l’endroit où il disparaît à leur yeux dans du myrte. Depuis ce temps, l’arbre est vénéré sous le nom de la déesse. Son culte est donc lié à l’établissement d’une nouvelle cité mais aussi au myrte, élément qui rappelle le culte crétois de Diktynna. La ville de Boiae se trouve au centre du golfe situé au nord-ouest du cap Malée, face à l’île de Cythère et d’Élaphonisos40 : sa position maritime stratégique pour les bateaux contournant le Péloponnèse à l’est doit être pour beaucoup dans le choix de cet endroit pour la fondation d’une ville, et celle-ci est rattachée à une Artémis Sôteira.
30Sur l’autre façade littorale de cette extrémité sud-est du Péloponnèse, sur le territoire d’Epidaure Liméra au bord de la route maritime qui lie Boiae à cette ville, se trouve un sanctuaire d’Artémis Limnatis (Pausanias III, xxiii, 10)41. L’épiclèse évoque un culte similaire à celui d’Artémis Limnaia de Sparte décrit auparavant par Pausanias42.
31Sur la péninsule occidentale de la Laconie, le territoire de Las inclut sur une pointe un temple d’Artémis Diktynna où a lieu une fête annuelle (Pausanias III, xxiv, 9). Des monnaies de la cité représentent la divinité avec arc et carquois accompagnée d’un chien43. Plus au sud, à cent cinquante stades du cap Ténare, la cité maritime de Teuthrone honore principalement le culte d’Artémis Issôria (Pausanias III, xxv, 4)44. L’épiclèse renvoie encore une fois au culte spartiate.
d) Arcadie
32Près de Phigalie, Pausanias (VIII, xli, 4-6) décrit le sanctuaire d’Eurynomé que les habitants identifient à Artémis45. Le sanctuaire n’est ouvert qu’un jour par an, permettant d’apercevoir la statue de culte. Celle-ci représente la déesse mi-femme mi-poisson, entourée de chaînes d’or. Le Périégète préfère reconnaître en cette épiclèse la fille d’Océan, mentionnée dans l’Iliade pour avoir recueilli Dionysos avec Thétis, refusant le rapprochement entre cette femme à corps de poisson et Artémis. M. Jost reconnaît dans ce culte « une divinité des eaux courantes », Okéanos représentant un fleuve pour les Grecs. Il est à noter cependant l’assimilation d’Artémis avec une divinité locale aquatique au centre du Péloponnèse, qui confirme ses liens avec les poissons et l’eau – qu’ils soient marins ou non.
e) Aulis et Eubée
– Aulis
33La tradition de l’épisode homérique d’Aulis trouve sa confirmation dans l’existence à cet endroit d’un sanctuaire d’Artémis. Aulis se trouve face à Chalcis, formant une rade profonde, et la déesse règne sur son rivage (ἀντίπορον) (Iph. Aul. v. 1491-1497 ; v. 1600). C’est là que se rend la flotte spartiate sous le commandement d’Agésilas en 396 a. C. avant de se rendre en Asie, afin de sacrifier à l’endroit où le firent les Grecs au moment de s’embarquer pour Troie (Xénophon, Helléniques III, 4, 3-4)46. Le geste se veut symbolique : répéter les gestes des Achéens, présage d’une victoire contre les Perses. Mais il renvoie aussi à un sacrifice réalisé avant une traversée en vue d’une bonne navigation47. L’anecdote, telle qu’elle est racontée par Xénophon, montre la mer toute proche du sanctuaire. Plutarque (Agésilas, 6, 6-11) fournit un récit plus romancé des faits : la déesse d’Aulis elle-même apparut en rêve à Agésilas, le comparant à Agamemnon et lui conseillant de réaliser le même sacrifice de départ. L’acte religieux est cependant interrompu par des envoyés des béotarques pour des raisons de vice de forme, et Agésilas s’embarque le cœur lourd, inquiet de ce qu’il prend pour un mauvais présage48. La troisième source littéraire concernant Aulis n’indique rien de plus : les quelques vers de Stace (Achilléide I, v. 447-451), qui prétendent décrire par ailleurs les litora d’Aulis chers à la déesse, ne donnent qu’une image déformée et confuse des lieux qui prouvent que l’auteur ne les a pas vus lui-même.
34Le sanctuaire, fouillé à la fin des années cinquante, comporte un temple classique et de nombreuses structures annexes. Le culte ne semble pas antérieur au Ve s. a. C.49, ce qui correspondrait à la naissance de la légende d’Iphigénie.
– Eubée
35Au nord-est de l’Eubée se trouve l’Artémision, célèbre pour la bataille de la Seconde Guerre médique qui s’est déroulée non loin de là50. La configuration géographique des lieux décrite par Hérodote (VII, 176) met en valeur le détroit que domine cette langue de terre : le site contrôle l’accès aux golfes du Pélion, Maliaque et de l’Eubée. Le sanctuaire d’Artémis proprement dit se situe sur une plage (αἰγιαλός). Les opérations navales menées à cet endroit – également suite au désastre perse du cap Sèpias (Hérodote VII, 188-192) – montrent qu’il constitue un point stratégique pour contrôler les eaux de la mer de Thrace. De même le dernier paragraphe conservé du pseudo-décret de Thémistocle – texte déjà évoqué à propos d’Athéna et de Zeus51 – donne l’ordre à la moitié de la flotte, c’est-à-dire cent trières, de se rendre en Eubée au temple d’Artémis52. Cette mention indique que ce dernier se trouvait bien sur le littoral de l’île, à un point stratégique, favorable au mouillage d’un nombre important de bateaux.
36Plutarque (Thémistocle 8, 3-6) décrit le sanctuaire d’Artémis Πρωσηῴα (Située vers l’orient) – assez précisément, ce qui laisse supposer qu’il l’a lui-même visité53 – : un temple autour duquel se dressent des arbres ainsi que des stèles de marbre blanc dégageant l’odeur du safran. L’une de celles-ci porte quelques vers commémorant la victoire sur mer des Grecs face aux Mèdes et la consécration qui a suivi de ces offrandes à la divinité54 ; plus loin on montre l’endroit du bûcher des épaves et des cadavres55. Le culte de la déesse sur ce rivage est antérieur au Ve s. a. C. ; en revanche l’épiclèse de celle-ci, confirmée par une inscription56, a dû lui être appliquée après les guerres Médiques car la position géographique du sanctuaire ne répond pas exactement à cette définition ; cette épiclèse ne figure d’ailleurs pas dans le texte d’Hérodote ni dans le pseudodécret de Thémistocle.
37Un autre témoignage atteste un culte marin d’Artémis à Eubée : le bateau de pierre de Géraistos au sud de l’île (voir infra p. 391) ; mais il n’est pas certain que les monnaies représentant une femme assise sur une proue, émises par Histiée entre 315 et 146 a. C., évoquent la fille de Léto57.
f) Grèce centrale
38En Phocide à Anticyra, Artémis est vénérée sous le nom de Diktynna dans un sanctuaire situé à l’extérieur de la ville, près de la route qui mène à Ambryssos, sur une hauteur (Pausanias X, xxxvi, 5)58. La statue de culte, d’après le Périégète, est une œuvre éginète réalisée en pierre noire. La situation du sanctuaire sur une butte face à la mer évoque bien un culte marin.
39La cité étolienne de Kalydon possède un temple d’Artémis Laphria, connu par les fouilles menées à cet endroit59. Parmi les milliers d’offrandes mises à jour, figurent de petites ancres en bronze60. La divinité des lieux était ainsi honorée, entre autres domaines, en relation avec la mer.
40En revanche l’existence d’un culte maritime d’Artémis à Œniadae d’Acarnanie est sujet à controverses. La cité possède un petit temple, bâti sur un promontoire face au port et relié à la mer. Une partie inférieure d’une statue cultuelle trouvée lors des fouilles montre que le sanctuaire était consacré à une divinité féminine, sans qu’il soit possible de déterminer précisément laquelle. Par rapprochement avec celui du Pirée d’Athéna Sôteira, l’hypothèse a été formulée d’attribuer le temple d’Œniadae à la même déesse61. L’argument est faible – d’autant plus qu’au Pirée elle n’est pas honorée seule et apparaît dans l’association avec Zeus occuper un rôle mineur –, et d’autres divinités peuvent tout aussi bien remplir le rôle de protectrice du port : Artémis62 tout particulièrement.
g) Délos
41Le culte d’Artémis à Délos remonte à une haute Antiquité et a succédé à un culte plus ancien d’une divinité de la nature63. À l’époque historique et en ce qui concerne un éventuel culte marin, Artémis possède un sanctuaire “ἐν Νήσωι” où elle est vénérée autant sous le nom d’Artémis que sous celui d’Hécate64. On lui aurait consacré à cet endroit des gouvernails65 ; ce type d’offrande et l’emplacement du sanctuaire laissent supposer qu’on l’honorait en tant que divinité protectrice de la navigation. Une inscription délienne qui qualifie Hécate de Sôteira renvoie elle aussi peut-être à son culte marin66.
42Dans l’île de Délos on connaît par ailleurs une Britomartis dont le culte est distinct de celui d’Artémis67. Elle a été parfois rattachée à une divinité délienne, une certaine Brizô connue par quelques commentateurs tardifs répétant tous semble-t-il les propos d’un auteur de la fin du IIIe s. a.C. (Sémos de Délos, Fgt 4 = Athénée, Deipnosophistes VIII, 335 a-b ; repris par Hésychius, s.v. Bριζοµάντις ; Eustathe, Ad Odyss. M, v. 252 ; Etymologicum magnum, s.v. Bριζώ)68. Le culte de cette divinité est rendu par les femmes de Délos qui lui offrent des skaphai remplies de bonnes choses, à l’exception de poissons. On explique ces deux exigences par le fait qu’elle préserve les bateaux. Le nom de la déesse proviendrait d’un verbe signifiant « dormir » parce qu’elle rend des oracles durant le sommeil69.
43À Délos coexistent donc plusieurs Artémis, une Britomartis, une divinité locale qui pourrait présenter des points communs avec elles sans que leurs cultes aient l’air de se mêler.
h) Crète
44La légende de fondation d’une cité crétoise, Lyktos70, intéressante à plus d’un titre, met directement Artémis en relation avec le voyage de colonisation. Plutarque (Mulierum Virtutes, 247d-f) explique la double origine dont se réclament les habitants de la ville : ils descendent des Athéniens par leurs mères que leurs pères ont enlevées alors qu’ils vivaient à Lemnos. Ces couples chassés trouvèrent refuge à Sparte où on les accusa de complot ; ils parvinrent néanmoins à obtenir les moyens d’aller fonder une colonie reconnue comme lacédémonienne. Les colons reçurent d’Apollon pythien l’oracle suivant : ils devaient fonder leur ville à l’endroit où ils perdraient à la fois leur ancre et leur divinité. Celle-ci consistait en un xoanon d’Artémis provenant de Brauron, hérité des ancêtres et qui les accompagna partout depuis Lemnos. La prophétie se réalisa alors qu’ils mouillaient en Crète au lieu-dit Cherronèsos : une peur panique les prit qui les poussa à prendre la mer en oubliant la statue à terre et en rendant l’ancre inutilisable. Cette anecdote montre comment une divinité est transportée par des colons vers de nouvelles terres : le culte est respecté, mais surtout il est concrètement représenté par la statue que l’on emmène avec soi. Les aléas qui peuvent survenir la concernant durant le voyage ont une répercussion sur les décisions des hommes ainsi que sur la façon de percevoir la divinité. Transportée au gré des pérégrinations de ces migrants, de Brauron à Lemnos puis au cap Ténare, à Milos jusqu’à Cherronnèsos – tel est le parcours que Plutarque reconstitue – Artémis finit par signifier l’endroit où ils doivent s’implanter : l’epouvante qui les saisit et le fait de rester à terre expriment les volontés de la divinité. La perte de l’ancre se révèle tout aussi symbolique : elle montre le lieu où les colons doivent enfin s’ancrer définitivement. L’histoire établit ainsi une relation très forte entre Artémis et la navigation, entre Artémis et le mouillage des bateaux sur le rivage.
45Par ailleurs Strabon (X, 4, 14) mentionne un sanctuaire de Britomartis à Cherronèsos71, épineion de la cité de Lyttos, culte confirmé par une inscription du IIe s. a. C. et des monnaies datées du IVe s. a. C.72 ; une autre inscription de Cherronèsos livre le nom d’Artémis73 tandis qu’à Lyttos même on honore une Artémis Sôteira74. À Lyttos et son antenne littorale Britomartis et Artémis sont l’objet de cultes distincts, celui de la seconde étant relié à l’arrivée des colons en Crète.
46Plus à l’est, Pausanias (IX, 40, 3) mentionne également une statue de Britomartis attribuée à Dédale conservée à Olonthe75, où sont célébrés des jeux en son honneur76.
47Au nord-ouest de l’île, à Kydonia, se trouve un sanctuaire de Diktynna où la tradition situe son saut (Callimaque, Hymne III, v. 183-203). Le caractère maritime du sanctuaire est indéniable : placé dans une baie, à l’extrémité d’une pointe, face à la mer77. Selon Hérodote (Enquête III, 59), ce sont des Samiens opposants au tyran Polycrate qui vécurent durant cinq ans à Kydônia qui établirent ce culte. Des monnaies de la cité la représentent à l’époque hellénistique sous des traits proches de ceux d’Artémis78. Un relief hellénistique trouvé dans le sanctuaire représente une proue de navire à la droite de laquelle deux personnages féminins se serrent la main. Dans celui de droite, vêtu d’un vêtement court, un carquois sur le dos, on doit reconnaître la divinité des lieux79. La scène surmonte un décret d’entente passé entre Polyrrhénia et Phalasserne contre Kléonymos et les Lacédémoniens80, ce qui renvoie au contexte de l’alliance entre Cléonyme et Pyrrhos visant tout deux Sparte. Diktynna se porte alors garante de l’engagement des Polyrrhéniens voisins de son sanctuaire (Strabon X, 4, 13), ce à quoi l’autorise tout particulièrement son caractère marin81.
48L’ensemble de ces attestations montre que les Crétois honoraient ainsi distinctement Artémis et Britomartis-Diktynna : l’assimilation de ces divinités ne vint pas d’eux mais s’avère extérieure82. Ces différents cultes coexistent dans l’île et parfois même dans une même ville. Le culte d’Artémis, bien que développé en Crète83, n’a pas absorbé les cultes locaux même s’ils présentaient quelques similitudes avec le sien.
i) Gaule et Ibérie
49Massalia, fondation phocéenne, honore particulièrement deux divinités : Apollon Delphinios et Artémis (Strabon, VII, 4, 2)84. La cité s’étale sur un terrain de choix : le port de grande taille est protégé naturellement par une falaise en amphithéâtre. La déesse occupe quant à elle un sanctuaire sur l’Acropole de la ville où on l’honore comme Éphésia ; elle surplombe alors la ville et le port85. La tradition rapporte qu’au moment de leur départ, les colons entendirent une voix leur conseiller de prendre pour hègémôn l’homme reçu de l’Artémis d’Éphèse86. Contrairement à toute attente, c’est une femme, Aristarché, qui se présenta, suite à un songe dans lequel la déesse lui enjoignait de partir avec eux en emportant un modèle réduit du sanctuaire. Une fois fixés à Massalia, les Phocéens bâtirent un temple à Artémis d’Éphèse et firent d’Aristarché sa prêtresse. L’importance du culte qui lui est rendu se traduit par la conservation, dans les colonies massaliotes, du type de la statue cultuelle87 et des rites. Ceci apparaît dans la description que donne Strabon de l’Ibérie88 (carte 9).
50Au sud-est de la péninsule Ibérique, sur le littoral méditerranéen, le promontoire d’Hèméroskopeion possède un sanctuaire d’Artémis d’Éphèse (Strabon III, 4, 6)89. Réputé très ancien, il a donné son nom au promontoire : Artémision, devenu en langue latine Dianion. Sa fondation est liée à celle de la cité, colonie de Massalia ; la proximité de mines de fer doit être à l’origine de cette implantation grecque. La description du site par le géographe insiste sur sa position stratégique en façade maritime : visible de loin pour les navigateurs et naturellement fortifié, ce qui en fait un lieu propice à la piraterie que Sertorius avait su exploiter. Le promontoire constitue en effet une avancée dans la mer en direction des îles Pityussae ; plus au sud se trouvent des îlots et à l’intérieur des terres une lagune.
51D’autres fondations massaliotes sur ce littoral, plus au nord, présentent un sanctuaire d’Artémis d’Éphèse lié à la mer (Strabon III, 4, 8). Ainsi la cité d’Emporion qui se trouvait à l’origine sur une île90, puis dont les habitants s’installèrent en face sur le continent ; non loin, la cité de Rhodos, habitée par des Emporites, qui revendique d’après son nom une origine rhodienne91. Strabon insiste dans sa description de cette partie de la côte ibérique sur le nombre de ports et leur qualité : elle offre des conditions favorables à la navigation. En revanche, sur la façade atlantique, la déesse appelée Phôsphoros (Porte-lumière) par Strabon, qui possède un sanctuaire littoral à Ebura au nord de Gadès, peut être interprétée comme une Artémis-Hécate d’origine phénicienne92.
52Le culte d’Artémis le long des rivages ibériques, bien que procédant ainsi de diverses origines, marque la consécration de la part des Grecs d’un certain nombre de ports à la divinité.
j) Chersonèse et Pont
53L’extrémité sud-est de la Chersonèse taurique est marquée par un promontoire appelé Parthénion (Strabon VII, 4, 2). Au nord, dans la baie abritée que forme ainsi le cap, se trouve la cité de Cherchonésos93 pourvue d’un sanctuaire de cette Parthénos, avec un temple et un xoanon. Dans cette divinité poliade, il faut probablement reconnaître la divinité locale des Taures, assimilée à Artémis. Le culte de celle-ci s’apparente à celui d’Iphigénie chez les Taures tel qu’il est décrit par Hérodote (IV, 103, résumé par Pausanias I, xliii, 1) qui insiste sur sa barbarie. L’historien raconte en effet que cette population ferait subir aux Grecs capturés en mer une série d’outrages : après avoir consacré leur prisonnier, ils l’assommeraient puis le précipiteraient du haut du temple situé sur un rocher escarpé ou l’enfouiraient dans le sol, pour finalement fixer sa tête sur une croix. L’identification de cette divinité taure avec Iphigénie par les Grecs tend à rapprocher le culte des Taures avec celui d’Artémis que connaît la légende troyenne94, d’autant plus que la position du temple et la chute d’un homme depuis une hauteur peuvent également renvoyer à la figure de Diktynna.
54Un téménos est consacrée à Artémis Phôsphoros – associée à Aphrodite Praeia qui dispense les bons vents – sur le littoral du Bosphore (voir supra p. 126). Le lieu en question est appelé Bolos, ce qui signifie « filet », constituant un bon lieu de pêche en hiver (Denys de Byzance, Anaplus Bospori 35-36) : c’est pour cette raison qu’Artémis s’y voit honorée et le géographe ne juge pas utile de le préciser.
55Artémis Diktynna possède également un sanctuaire un peu plus loin sur le littoral, à propos de laquelle on raconte une histoire curieuse (Denys de Byzance, Anaplus Bospori 56-57). Les habitants de Cyzique connurent des jours sans que leur pêche soit fructueuse.
56Le dieu – vraisemblablement Apollon par l’intermédiaire d’un oracle – leur ayant ordonné d’honorer la déesse, ils vinrent en cachette s’emparer de la statue du sanctuaire. Or non seulement leurs affaires ne s’arrangèrent pas, mais la statue retourna chez elle. Les habitants de Cyzique revinrent chercher, cette fois ouvertement, la statue qu’ils attachèrent chez eux avec des chaînes dorées, ce dont elle leur tint rigueur... Malheureusement, la fin du texte manque et nous ignorons le dénouement de l’histoire95. Il faut cependant considérer que la statue reprit sa place initiale, puisque le début du passage la montre recevant des offrandes de poissons ; en effet, explique le géographe, elle favorise tant la chasse que la pêche. Les chaînes d’or ne sont pas sans rappeler celles dont est entourée la statue arcadienne d’Eurynomè.
k) Asie Mineure
57À Érythrées, le culte d’une Artémis Apobatèria est attesté par une inscription de la première moitié du IIe s. a. C.96. Son nom apparaît parmi ceux des dieux pour lesquels la cité opère des dépenses publiques.
58Plus au sud, Artémis possédait un sanctuaire dans l’île de Samos que Callimaque (Hymne III, v. 225-232) situe sur un promontoire nommé Chesion et près du fleuve Imbrasos. Le cap n’apparaissant ni dans d’autres sources ni dans la toponymie moderne, la localisation du téménos n’est donc pas permise en l’absence d’informations nouvelles. On a proposé cependant de l’identifier avec une église de Chora nommée Megali Panaghia, en supposant que la précision concernant le promontoire est une erreur du poète97. L’existence d’un sanctuaire d’Artémis à Samos est confirmée par deux autres sources : Hérodote98 et Stéphane de Byzance99, qui définissent la déesse comme Tauropole. La tradition rapportée par Callimaque d’une consécration dans le temple par Agamemnon d’un gouvernail pour conjurer l’absence de vents lors du voyage des Achéens vers Troie (cf. infra p. 411) conforte la vraisemblance d’une telle épiclèse. Le parallèle entre l’épisode d’Aulis et l’anecdote samienne laisse supposer que la déesse honorée à Samos l’était sous la même forme qu’à Aulis. Artémis était invoquée dans l’île à une époque ancienne pour favoriser la navigation. Les sources montrent que, même si ce caractère ne s’est pas maintenu durant toute l’Antiquité grecque, le sanctuaire a perduré de l’époque archaïque jusqu’à l’époque hellénistique où l’on a gardé souvenir de cet aspect du culte100.
59Dans l’île d’Icarie, à l’ouest de Samos, Strabon (XIV, 1, 19) signale également un Tauropolion. Celle-ci se caractérise par son manque de ports ; elle possède cependant quelques mouillages, dont le meilleur consiste en un promontoire situé à l’ouest. Le géographe recense deux agglomérations sur l’île, abandonnées à son époque : Icarie n’est désormais habitée que par les troupeaux des Samiens. La topographie renvoie aux lieux chers à Artémis : sauvages, bucoliques, battus par les vents, au bord de l’eau mais avec cependant de bons mouillages. Il est difficile en revanche de dater le culte et le sanctuaire : anciens, correspondent-ils à l’époque où l’île était habitée, et si oui, sont-ils encore actifs à la date des sources de Strabon ? Ou bien sont-ils postérieurs à l’abandon de l’île ?
60Sur le continent, peu avant Éphèse, la cité de Pygela abrite sur le littoral un sanctuaire d’Artémis Mounichia qui remonte selon la tradition à Agamemnon (Strabon XIX, 1, 20). Le port voisin de Panormos comporte quant à lui un hiéron d’Artémis d’Éphèse. Entre Colophon et Lébédos, Strabon (XIV, 1, 29) signale encore une petite île vouée à Artémis : déserte semble-t-il, elle constitue l’endroit où les biches viendraient mettre bas en nageant depuis le continent.
61Selon Callimaque (Hymne III, v. 225-232), Nélée prit la mer depuis Athènes sous la conduite d’Artémis quand il partit fonder Milet101 ; depuis lors cette ville honore la déesse sous le nom de Chitônè, épiclèse sous laquelle elle est honorée à Athènes102.
62Plus au sud en Carie, à l’ouest de Daidala après le golfe appelé Glaukos, une description du littoral vu depuis la mer mentionne un promontoire nommé Artémision doté d’un sanctuaire (Strabon XIV, 2, 2). Cette avancée dans la mer fermant le golfe à l’ouest devait à la fois protéger les eaux de la baie et servir d’amer aux navigateurs103.
63Le culte d’Artémis dans un contexte marin est donc bien attesté en Asie Mineure, particulièrement autour d’Éphèse ; quant au sanctuaire carien, il occupe une position privilégiée pour la navigation depuis Chypre vers Rhodes et vers tout le littoral de l’Ionie.
l) Confins orientaux
64À l’embouchure de l’Euphrate, Arrien (Anabase VII, 20, 3-4) décrit deux îles. Sur l’une d’entre elles, où se trouve un sanctuaire d’Artémis, vivent en liberté des chèvres et des biches qu’il est interdit de chasser : les animaux, consacrés à la déesse, ne sont tués qu’en vue d’un sacrifice à la divinité de l’île. Il faut sans doute reconnaître là un lieu de culte anciennement voué à une divinité orientale assimilée par les Grecs à Artémis. La description rappelle par ailleurs l’île mentionnée par Strabon au large de Lébédos104.
65Une inscription grecque trouvée fortuitement dans l’île de Failaka, située à environ 25 km à l’est de la ville moderne de Koweit dans le golfe Persique, porte une dédicace peinte à Artémis Sôteira, associée à Zeus Sôter et à Poseidon (voir supra p. 185)105. Les fouilles menées par les Danois, puis les Français depuis 1983 ont permis la découverte, près de la mer, d’une forteresse contenant des habitations et deux temples, ainsi qu’un autre sanctuaire hellénistique situé en bord de plage106 qu’un petit autel avec une inscription peinte en rouge retrouvé in situ permet d’attribuer à Artémis107. Cet autel, provenant de la seconde phase du bâtiment, serait à dater du IIe s. a. C. L’épiclèse, sans nom de divinité, apparaît également dans une inscription hellénistique fragmentaire trouvée devant le plus grand temple de la forteresse, reproduisant deux lettres relatives à un ordre royal de déplacement d’un hiéron de Sôteira108. L’île de Failaka, située en face du delta de l’Euphrate supra et du Tigre, correspond à l’île d’Arrien et à l’Ikaros décrite par Strabon (XVI, 3, 2), qui y situe un temple d’Apollon et un manteion d’Artémis Tauropolos109. Le nom donné à l’île rappelle sans conteste l’île homonyme d’Asie Mineure (voir supra) qui présente ainsi d’autres points communs avec son homologue persique. Le matériel trouvé dans le temple au petit autel, nombreux et d’une grande diversité d’inspiration, a livré également des bateaux de terre cuite (voir infra p. 383 s.), des poids – ou pesons ? –110 ainsi que des naturalia marins (voir infra p. 504). Même si rien ne permet de relier ce temple avec celui de la stèle royale, ces offrandes de caractère marin incitent à l’attribuer à une Sôteira ; l’archéologie ne semble pour le moment pas confirmer la Tauropolos de Strabon111. Il ne fait nul doute qu’une divinité féminine locale fut identifiée très tôt par les Grecs par une Artémis, et que son culte hellénisé donna lieu à la construction d’un sanctuaire extra muros au bord de mer fin IIIe s. -début IIe s. a. C., abandonné au cours de la seconde moitié du IIe s. a. C.112.
66Ces différentes sources sont révélatrices de la complexité du culte rendu à l’époque hellénistique à Artémis dans les territoires sur lesquels les Grecs veulent imposer leurs marques, et de l’importance accordée au lieu d’implantation d’un de ses sanctuaires. Les espaces et les fidèles sont fortement marqués par le contexte maritime et insulaire.
Analyse
Géographie du culte
67L’ensemble de ces attestations confirme les propos des Hymnes à Artémis. En effet, les lieux consacrés à la déesse pour leur grande majorité peuvent se classer en trois catégories : les îles, les promontoires et les rivages. Les implantations insulaires concernent particulièrement les îlots déserts, non habités, peuplés d’animaux, qui ne nécessitent dès lors pas forcément une construction cultuelle : la nature de ces lieux suffit en elle-même. Cette localisation paraît particulièrement assurée à l’époque hellénistique aux vues des auteurs qui décrivent de tels endroits : Callimaque, Arrien, Strabon. Cependant le culte d’Artémis à Délos et à Salamine, quoique moins marqué, montre qu’aux époques archaïque et classique de petites îles étaient déjà consacrées à la déesse. Notons que toutes se trouvent à proximité d’un lieu de vie : aucune n’est perdue en mer mais au contraire toutes se révèlent proches d’un rivage fréquenté – ainsi à Délos, à Icarie ou Ikaros113.
68La majorité des sanctuaires d’Artémis sont implantés sur un promontoire, le plus souvent en relation avec un golfe ou une anse : au Pirée, à Boiae, Las, Cherronèsos de Crète, Samos, en Carie, Massalia et dans les colonies ibériques, en Chersonèse taurique ; ou encore sur un rivage ouvert : au nord de l’Eubée, à Aulis, au centre d’un golfe à Boiae, près d’Épidaure Liméra, dans le Bosphore.
69Tous ces lieux présentent comme point commun leur situation limitrophe114 : liés à des mouillages et ouverts sur la mer et le littoral, ils permettent d’embrasser du regard un large espace maritime. Souvent, ils se trouvent à l’extérieur de la cité, formant ainsi la frontière entre deux territoires terrestres.
70Par ailleurs, les sanctuaires de Britomartis-Diktynna et d’Aphaia se ressemblent au niveau topographique : des akrai, des positions dominantes permettant de voir à travers une grande étendue comprenant la mer. Cette position privilégiée est un des éléments qui a dû faciliter le rapprochement de ces divinités avec Artémis.
71La déesse particulièrement présente à Sparte y reçoit également un culte marin. Le fait est notable, car plusieurs sanctuaires de l’intérieur des terres lui sont ainsi consacrés. On comprend mieux dès lors qu’on puisse lui assimiler une divinité comme Eurynomé ou Britomartis : le clivage littoral/intérieur des terres n’existe pas pour Artémis qui, libre et courant sans cesse, se trouve partout à la fois. En Arcadie comme à Sparte, régions peu tournées vers le milieu maritime, c’est à Artémis qu’on attribue finalement les prérogatives de ce type.
72Pour ce qui est de sa répartition géographique, le culte d’Artémis se concentre en quelques zones : en Asie Mineure autour d’Éphèse, dans le sud du Péloponnèse dans la sphère spartiate, en Grèce centrale jusqu’en Eubée, sur le littoral occidental de la Méditerranée en liaison avec Massalia, auxquelles s’ajoutent quelques sites isolés. La Grande Grèce n’apparaît pas concernée par le culte d’Artémis marine, du moins pas de façon directe115. Aux extrémités de ce monde méditerranéen, là où des cultes barbares sont rendus à une divinité féminine, les Grecs substituent l’image d’Artémis : en Chersonèse taurique, à Gadès ou dans le golfe Persique.
Personnalité marine d’Artémis
73Les épiclèses sous lesquelles on rend un culte marin à Artémis sont nombreuses : Apobatèria, Chitonè, Diktynna, Éphésia, Issôria, Laphria, Limnaia et Limnatis, Mounichia, Orthia, Phôsphoros, Prosèoa, Sôteira, Tauropolos. Trois d’entre elles renvoient à un toponyme : le promontoire attique devenu port a donné son nom à la divinité de Pygela116, de même que la colline spartiate a baptisé deux sanctuaires laconiens d’Artémis ; enfin le souvenir d’Éphèse est resté vivace dans les pratiques cultuelles de ses colons et de leurs descendants.
74Les sources révèlent également des liens, réels ou imaginaires, entre les différents cultes et épiclèses. Le culte d’Artémis Mounichia au Pirée relève sans consteste d’une Artémis de Brauron117 et c’est de là que provient le xoanon des colons de Lyktos. Par ailleurs une équivalence peut être établie entre Artémis Sôteira et Artémis Tauropole, et entre Artémis Issôria et Artémis Limnaia – qui présentent quant à elles des ressemblances avec Diktynna et Aphaia. Tout ceci révèle qu’en substance, les épiclèses de la déesse ne revêtaient qu’une valeur locale mais que sa personnalité était ressentie de manière assez identique pour l’ensemble des Grecs ; seule l’Artémis d’Éphèse, à l’iconographie si reconnaissable, échappe à ces variations.
75Au travers de ses différentes appellations, les sources mettent Artémis en rapport avec la mer à travers trois domaines différents : la navigation, la colonisation et la pêche.
a) Artémis et la navigation
76Artémis est liée aux eaux et à la navigation118. Certaines épiclèses à sens topographique : Apobatèria, Limnaia et Limnatis – d’après λίµνη, qui désigne aussi bien le marais qu’un bras de mer – ou descriptif Apobatèria, Sôteira119 renvoient à un culte marin. Cela correspond par ailleurs à certaines épithètes poétiques hellénistiques : néossoos, liménoscopos120. Par la position de ses sanctuaires, Artémis peut ainsi protéger les côtes, les ports et les embouchures.
77Un certain nombre de sources non littéraires confirme ce rôle. En dehors des monnaies controversées d’Eubée, d’autres types figurent une Artémis sur une proue : un arc à la main sur des émissions thessaliennes de la première moitié du IIe s. a. C.121 et même un aplustre à la main sur des exemplaires de Leucade à partir de 167 a. C.122. Une ancre de plomb trouvée en mer porte le nom Artemidos et un bateau appelé Artémis apparaît dans une inscription thasienne (voir infra p. 315 et cat. I18, et p. 283). Toutes ces sources hellénistiques montrent l’importance que prend Artémis dans le monde maritime – peut-être parallèlement à la place grandissante d’Apollon dans ce domaine. Mais ce trait existe dès l’époque archaïque : la fondation de plusieurs sanctuaires marins comme celui de Mounichie, les ex-voto navals de Sparte attestent un tel culte dès cette période. À l’époque classique, plusieurs trières athéniennes portent des noms référant à Artémis. Cependant, aux époques archaïque et classique, la déesse peut se montrer hostile et doit être évitée pour sa mauvaise humeur et sa violence. L’Hymne homérique, la légende d’Iphigénie montrent une personnalité redoutable en ce qui concerne l’état de la mer, qui se manifeste notamment par des vents forts123. En tant que Tauropolos, elle peut recourir au prix du sang par l’intermédiaire de sacrifices humains. Elle se montre bénéfique aux Grecs dans un contexte général qui n’est pas moins fait de violence : les guerres Médiques. Les batailles de Salamine et de l’Artémision ont vu Artémis participer à la défense des Grecs, mais elle n’y intervient pas de façon décisive. Le culte d’Artémis à l’époque classique est tourné vers l’Orient, c’est-à-dire prêt à passer à l’offensive d’un conflit oriental pour lequel la mer devient frontière. Aulis et la légende d’Iphigénie, le culte eubéen et toutes les traditions se rapportant à Agamemnon – parallèle d’Agésilas, l’origine attribuée au sanctuaire de Pygela – témoignent d’un culte maritime indirect d’Artémis, orienté vers la mer Égée considérée comme l’espace qui sépare de l’ennemi.
b) Artémis et la colonisation
78La déesse intervient dans des légendes de fondations de cités liées à des déplacements en mer. Le cas le plus manifeste est la place que tient la déesse d’Éphèse dans l’établissement de Massalia puis des colonies de celle-ci. C’est elle qui par l’intermédiaire d’une femme devenue sa prêtresse choisit le site de la nouvelle ville, tournée ainsi que les autres colonies ostensiblement vers la mer. C’est elle qui désigne aux Péloponnésiens le site de Boiae par l’intermédiaire d’un lièvre, comme elle indique par sa statue aux hommes venus de Sparte l’endroit en Crète où suspendre leur course.
79Dans la colonisation, elle privilégie le littoral : son action ne s’exerce pas pendant la traversée mais à l’arrivée, sur la côte tout de suite après le débarquement. Les fondations qu’elle détermine restent liées au rivage, à l’image même du Βρέτας de la déesse à Éphèse dressé par les Amazones sur le bord de mer et qui fut à l’origine du sanctuaire (Callimaque, Hymne III, v. 237-239)124.
80L’histoire de Lyktos amène deux remarques. Artémis est ainsi particulièrement rattachée aux liens que peuvent entretenir les Spartiates avec la mer : en témoignent les seuls ex-voto navals de la cité et l’expédition d’Agésilas qui semble placée sous sa protection, ce qui n’a rien d’étonnant pour une divinité majeure du panthéon spartiate. En retour, le culte crétois de Diktynna est attesté dans la cité laconienne.
c) Artémis et la pêche
81Le domaine réservé d’Artémis Diktynna est la pêche comme celui d’Artémis Agrotéra la chasse, c’est du moins ce qu’affirme Plutarque (De sollertia animalium 965c-d), et à ce titre on lui consacre les prémices du gibier des eaux. La déesse aime en effet la faune aquatique de façon générale (ibid., 983e-984c). Une épigramme datée des règnes d’Auguste-Tibère exprime l’ex-voto d’un surmulet de la part d’un pauvre pêcheur à Artémis Liménitis (du Port), maîtresse de tous les filets (Apollonidès, Epigramme 1). Le poisson est même emmené en procession lors d’une fête de la déesse125. Ces différents types d’offrandes montrent les liens qu’entretient cette dernière avec la pêche et faune marine126. Il faudrait opérer la restriction suivante : toutes ces sources renvoient à une vision hellénistique. Dès lors, la faveur que semble accorder Artémis à la pêche se rapporte à l’assimilation opérée entre elle et Diktynna ou d’autres divinités locales protectrices de cette activité, assimilation favorisée on l’a vu par des similitudes topographiques. De la même façon elle a pu être associée à Atargatis. Dans l’Anthologie Palatine (VI, 24), une épigramme adressée à la déesse syrienne – Atargatis faut-il comprendre – lui consacre de la part d’un pêcheur un filet. La similitude de ce poème et de l’offrande avec d’autres pièces de l’Anthologie dédiées à Artémis, la nature même de l’ex-voto soulignent la ressemblance entre le culte des deux déesses. Le filet, cher à Artémis-Diktynna, pourrait éclairer l’épiclèse de Bolas qui figure dans la dédicace du bateau de pierre de Géraistos. Une étymologie plus satisfaisante renvoyant à βόλος (le filet) évoquerait plutôt Artémis-Diktynna qu’Eileithyia comme le proposait Procope (Procope, De bello Gothico IV, 22, 23-29). Dès lors, il serait raisonnable de ne pas faire remonter l’offrande au-delà de l’époque hellénistique.
82Le culte marin d’Artémis s’avère conforme à sa personnalité : déesse des frontières, de l’eschatia, des frontières entre la mer et la terre, entre le sauvage et le civilisé127. Dans ce sens elle humanise des divinités ou des rites barbares ; elle autorise le passage d’un univers à l’autre. Dans ce domaine elle reste très proche des divinités anciennes, astucieuses, à qui elle est souvent assimilée128.
DIONYSOS
83La figure de Dionysos a donné lieu à une abondante bibliographie, et plus spécialement ces dernières décennies selon différentes approches se réclamant de l’anthropologie historique ou philosophique, du structuralisme et autres courants129. Ses liens avec l’eau et la mer ont fait l’objet de plusieurs études de qualité que nous ne prétendons pas remettre en cause et qui ont fait le tour de la question130. Il s’agit ici d’appliquer la même grille d’analyse utilisée pour les autres dieux olympiens afin de comparer leurs spécificités.
Les sources
84Dans sa mythologie personnelle, Dionysos apparaît à plusieurs reprises en relation avec la mer ; en revanche, il n’intervient pas dans les récits héroïques.
Mythologie
a) L’enfance de Dionysos
85Durant son enfance, le dieu est mis en contact physique avec la mer, et ce dès sa naissance131. En effet sa mère Sémélé, rejetée par son propre père Cadmos, est enfermée avec l’enfant dans un coffre livré à la mer. Lorsque celui-ci finit par s’échouer sur une plage, les hommes découvrent à l’intérieur l’enfant vivant et la jeune femme morte, à qui ils rendent alors les honneurs funèbres (Pausanias III, xxiv, 3-4)132.
86Son enfance ne fut guère plus paisible car Dionysos fut longtemps en butte à l’hostilité d’Héra. Le bébé fut confié à sa tante, la sœur de Sémélè, Ino, qui l’éleva avec son propre fils Mélicerte. C’est pour cette raison, dit-on, qu’Héra frappa de folie Athamas, l’époux d’Ino, ou Ino elle-même, ce qui devait provoquer le saut de celle-ci avec son enfant dans la mer. Dionysos est ainsi lié aux divinités marines que sont devenus Ino et Mélicerte sous les noms de Leucothéa et Palaimon133.
87Dionysos subit également la folie de Lycurgue qui poursuivit les nourrices du jeune dieu. Pour y échapper, il trouva refuge dans la mer et ce fut Thétis la déesse marine fille de Nérée qui le recueillit. Cette tradition apparaît dans la littérature dès l’Iliade (VI, v. 132-137) qui montre le dieu plongeant dans les flots. De même le Pseudo-Apollodore (Bibliothèque III, v, 1) évoque l’asile que lui procura Thétis dans la mer134. Une tradition « mixte » imagine les nourrices de Dionysos, les Hyades, allant confier Dionysos à Ino suite à la folie de Lycurgue (Hygin, Astronomie II, 21, 1) ; or le nom d’Hyades signifie Humides135. Nonnos (Dionysiaques XXI, v. 170-184) se plaît à dépeindre le séjour enchanteur de Dionysos dans la mer, choyé à la fois par Thétis, ses sœurs ainsi qu’Ino et son fils. De son passage dans la demeure marine de Thétis, Dionysos a acquis une connaissance de cet élément dans lequel il peut, adulte, à l’occasion plonger à nouveau pour s’y battre à son aise (Nonnos, Dionysiaques XXIII, v. 18-26)136.
88Le fils de Sémélè doit ainsi la vie aux flots marins qui l’ont porté à sa naissance et l’ont ensuite recueilli en leur sein. En une autre occasion, le dieu montre qu’il n’a rien à craindre des dangers venus de la mer.
b) Dionysos et les pirates
89L’Hymne homérique à Dionysos est uniquement centré sur l’épisode de Dionysos et des pirates tyrrhéniens. Au début du poème, le dieu, sous une apparence juvénile et avenante, paré d’un manteau éclatant, apparaît sur un promontoire. Surgit un navire de pirates qui à sa vue accostent et l’enlèvent, le prenant pour un prince. Ils essaient de l’attacher mais aucun lien ne tient sur lui. Le pilote tente de plaider sa cause, reconnaissant en Dionysos un dieu137, en vain ; le capitaine n’en a cure et commande de mettre à la voile. Le bateau est bientôt le théâtre de prodiges : du vin se répand sur le pont, emplissant l’embarcation d’une forte odeur ; autour des voiles pousse le pampre et autour du mât un lierre portant fleurs et fruits. Ensuite le dieu lui-même se métamorphose en lion, tandis qu’un ours fait son apparition. Le lion bondit sur la seule personne à garder son sang-froid, le capitaine du vaisseau, tandis que le reste de l’équipage épouvanté se jette à l’eau. Ces hommes, tombant dans la mer divine (εἰς ἅλα δῖαν) se transforment en dauphins. Seul le pilote est épargné, retenu à bord par le dieu qui lui révèle son identité.
90Cette légende n’est pas sans susciter quelques interrogations : pourquoi, quand et où le dieu se tenait-il ainsi sur un promontoire ? Aucun élément ne permet de rattacher cet épisode à un moment ou à un autre de la biographie de Dionysos. Il se présente sous l’aspect d’un jeune homme, mais rien ne permet de comprendre s’il s’agit de sa réelle apparence extérieure ou d’une illusion. La fin de l’histoire reste en suspens : que deviennent le capitaine, le pilote du bateau ? L’Hymne homérique à Dionysos diffère des autres Hymnes homériques dans le sens où le dieu n’est pas célébré par une avalanche de qualificatifs ou de lieux de culte ; la légende ne sert pas non plus à expliquer un culte comme c’est le cas pour l’Hymne à Apollon Délien. En fait, ce poème ressemble davantage à la description d’un tableau, à la manière de celui décrit bien des siècles plus tard par Philostrate (Imagines I, 19) représentant le même sujet138.
91La légende telle qu’elle est racontée par Philostrate se distingue en plusieurs points de la version originale. Dionysos apparaît non plus à terre, mais à bord d’un bateau dont il semble le maître, accompagné de Bacchantes qui célèbrent des hiéra ; la terre lydienne n’est cependant pas loin. Une musique emplit l’atmosphère et la mer se fait lac pour le dieu. Des pirates tyrrhéniens sur un vaisseau de guerre se sont lancés à la poursuite de celui de Dionysos, appâtés par tous les bruits colportés à son sujet. Le navire dionysiaque se présente avec la proue ornée d’une panthère, animal que le dieu chérit entre tous et dont un exemplaire vivant se trouve à ses côtés, bondissant en direction des pirates. Un thyrse y fait office de mât soutenant des voiles de pourpre que couronnent du lierre et de la vigne d’où pendent des grappes ; du vin coule comme d’une source depuis l’intérieur du bateau. Dionysos se tient à la proue, riant à la vue des Tyrrhéniens se transformant en dauphins après avoir perdu la raison. Philostrate achève le conte en l’expliquant comme la métamorphose d’hommes méchants en animaux secourables par la puissance du dieu.
92On voit comme l’histoire a évolué, modifiant les circonstances, les acteurs et les actions. L’image qui ressort du dieu et ses rapports avec la mer sont très différents d’un récit à l’autre ; il convient d’essayer d’en saisir la teneur pour les périodes qui nous occupent.
93Hygin, écrivain de la fin du Ier s. p. C. et du début du suivant, résume l’histoire telle que l’a écrite Aglaosthène139 selon une tradition naxienne (Hygin, Astronomie II, 17). Le dieu, alors enfant, embarque sur un bateau tyrrhénien afin d’être conduit avec des camarades à Naxos auprès des Nymphes qui doivent lui servir de nourrices. Lorsqu’il réalise les mauvaises intentions de l’équipage, il ordonne à ses compagnons de chanter. La musique charme les Tyrrhéniens qui se mettent à danser et dans leur entrain se jettent à l’eau sans même en avoir conscience ; c’est alors que s’opère leur métamorphose, que Dionysos tient à commémorer en plaçant l’animal parmi les étoiles. Cette version naxienne valorise la musique du dieu et la douce folie qu’elle engendre.
94Le Pseudo-Apollodore (Bibliothèque III, v, 3) met également la navigation du dieu en relation avec Naxos. Ici c’est lui qui loue les services d’une trière dont l’équipage tyrrhénien pousse vers l’Asie. Dionysos transforme alors le mât et les rames en serpents, fait surgir du lierre et de la musique sur le bateau ; les marins pris de folie se précipitent à l’eau et se transforment en dauphins. Ce serait par cet épisode qu’il convainquit les hommes de sa nature divine.
95Ovide ne pouvait que reprendre la légende dans ses Métamorphoses (III, v. 600-691)140. Le dieu embarque sur le bateau à Chios, alors que celui-ci fait escale sur la route de Délos. Dionysos, sous les traits d’un adolescent, est emmené de force par l’équipage qui l’a découvert endormi par l’ivresse. Hébété, le jeune homme demande qu’on le conduise à Naxos ; les marins s’empressent alors de prendre la direction opposée. Le dieu, feignant de découvrir la supercherie, proteste. C’est alors que le bateau s’immobilise sur les eaux malgré les coups de rames, qui sont de même que les voiles entourées de lierre. Dionysos se montre alors ceint d’une couronne de vigne, une lance à la main, entouré de bêtes fauves. Les hommes apeurés se jettent à l’eau et se transforment en dauphins. Le seul épargné est le pilote qui avait pris la défense du jeune homme, suspectant un dieu sous une apparence humaine ; c’est lui qui rapporte l’événement qui a déterminé sa vie : voué depuis lors à Dionysos, il accompagne son cortège. Hormis les détails précieux qu’affectionne Ovide, l’action de la divinité se manifeste encore par la croissance du végétal sur le bateau, empêchant toute manœuvre. Les animaux – panthères, lynx et tigres – constituent des apparitions, des illusions et non une réalité. Il est à noter particulièrement l’immobilité du bateau provoquée par le dieu ; elle rappelle les eaux calmes de la mer de Philostrate.
96La folie des pirates n’apparaît donc que tardivement dans la légende : l’Hymne homérique et Ovide ne l’évoquent pas. Tous deux montrent également un Dionysos jeune que l’on fait monter de force dans le bateau, quoiqu’il semble l’avoir provoqué. L’impression qui se dégage de ces deux récits est celle d’une épreuve que le dieu fait passer aux pirates ; lorsque sont manifestes les pensées et actes des uns et des autres, il punit ou épargne. La transformation de Dionysos en bête fauve – en lion – n’est donnée que par le texte le plus ancien ; dans les écrits postérieurs, il est accompagné d’une panthère et éventuellement d’autres animaux sauvages. Le lion et l’ours de l’Hymne homérique sont à rapprocher des métamorphoses successives de Thétis141 ou de Protée142 ; mais dans le cas de Dionysos, l’ours ne constitue pas une transformation de celui-ci. Au vin qui coule dans le bateau paraît dans les versions « naxiennes » se substituer la musique, les deux produisant le même effet sur les occupants du navire.
97Au travers de tous ces récits mis à part celui d’Aglosthène, la puissance du dieu se manifeste doublement : par la pousse spontanée143, particulièrement autour des voiles, de plantes grimpantes : lierre, vigne, pampre, qui entravent l’avancée du bateau, et la transformation des hommes en dauphins qui devient effective une fois qu’ils touchent l’eau de la mer.
98Trois documents iconographiques se rattachent à la légende144.
99La célèbre coupe attique d’Exekias145 datée vers 530 a. C. représente le dieu barbu et couronné, seul, à demi allongé sur un bateau qu’entourent sept dauphins. À côté du mât s’élève un double cep, se ramifiant au-dessus de la voile en deux branches de part et d’autre de l’axe du navire ; celles-ci portent des feuilles et sept grappes au total146. Sur la coque figurent également deux dauphins. Cette peinture s’apparente au texte homérique sans le reproduire : le fils de Zeus serait représenté après la transformation des pirates, ayant repris son apparence normale anthropomorphe, non plus sous des traits juvéniles mais sous ceux d’un homme d’âge mûr147.
100Une amphore attique de la fin du VIe s. a. C.148 figure quant à elle Dionysos assis le tyrse à la main dans un bateau, entouré de silènes dansant ou jouant de la musique ; d’autres servent de rameurs. Une femme se tient à la poupe soufflant dans un aulète double. Du lierre entoure le navire dont on ne distingue aucune voile ni aucun mât. Aucun dauphin n’apparaît non plus dans cette scène, tandis que la mer est figurée par des ondes. Cette représentation s’avère bien distincte de la précédente et ne peut pas être rattachée à la légende de l’Hymne homérique. En revanche elle se rapproche de la version de Philostrate plaçant le dieu sur son propre bateau entouré de son cortège habituel. Le rapprochement de ces deux peintures contemporaines semble montrer l’existence simultanée de deux traditions se rapportant à sa présence sur une embarcation : l’une pourrait-on dire générique, et l’autre anecdotique évoquant directement la légende des pirates transformés en dauphins. Une anecdote historique montre par ailleurs que les Athéniens connaissaient et identifiaient immédiatement le type de Dionysos sur un bateau.
101Lorsqu’Alcibiade revient de Byzance en 408 a. C.149, il organise une mise en scène pour son arrivée en Attique : le bateau amiral muni d’une voile de pourpre, avec des musiciens en robe dont un joueur d’aulète, fait son entrée dans le port à la manière d’un cortège dionysiaque150.
102La frise du monument de Lysicrate (fig. 10)151, chorège athénien en 335/334, divisée en deux séquences représente d’un côté la transformation d’hommes en dauphins, de l’autre le dieu assis sur un rocher caressant un animal – un léopard ? – encadré par deux silènes qui lui tournent le dos. Pas de bateau ni de plante grimpante dans cette scène : l’histoire est évoquée de façon minimale. Le dieu paraît extérieur à l’action : il en est seulement spectateur. Celle-ci est rendue par les hommes que poursuivent des Satyres sur la terre ferme. En effet, la scène semble se dérouler sur le rivage, et seul un personnage en cours de transformation, mi-dauphin mi-homme, se trouve au-dessus de vagues stylisées. Un tronc d’arbre figure à la limite de la terre et de la mer. La légende telle qu’elle est représentée sur un monument voué indirectement à Dionysos consiste en une adaptation très libre de l’Hymne homérique.
103Les sources iconographiques témoignent du succès du motif à Athènes depuis la fin du Ve s. jusqu’au milieu du IVe s. a. C. tout en révélant deux scènes différentes : Dionysos sur un bateau et la transformation des pirates. Ces scènes participent également au thème plus répandu de l’analogie entre le vin et la mer qui font de la navigation un motif courant de la vaisselle du banquet152.
104Le mythe pourrait cependant être attesté également en Grande Grèce, à l’époque hellénistique, dans un contexte funéraire. Dans la province de Salerne, la nécropole de l’antique Nuceria Alfaterna a livré, lors d’une fouille de sauvetage, trois tombes du IIe s. a. C., dont une très richement ornée. La majorité de son matériel est réalisé en céramique plaquée d’or : une centaine de pièces décoratives de joaillerie (rosettes, perles, feuilles...), deux Erotes d’une dizaine de centimètres ainsi que huit dauphins anthropomorphes (long. max. 8 cm) ; deux figurines de têtes de taureaux, portant traces de couleurs et de dorure, les accompagnaient153. M. De’Spagnolis restitue une couronne funéraire, composée des éléments dorés, y compris les « hommes-dauphins » qui renvoient à la légende dionysiaque. Selon son interprétation, le bijou serait porteur d’une signification eschatologique et l’adjonction de ces personnages d’une valeur politique, évoquant les Tyrrhéniens-Étrusques à un moment où Rome affirme son pouvoir sur le monde hellénisé154. Quoi qu’il en soit, la présence de ces images de transformation physique dans une tombe doit symboliser le voyage vers l’au-delà – avec la mer comme espace frontière.
c) Exégèses antiques
105Les Anciens s’interrogeaient déjà sur la signification de ces mythes et de la figure dionysiaques. Leurs réflexions reflètent la manière dont les cultes ont pu être perçus par des érudits, ayant une approche plus riche d’informations mais aussi plus proche dans le temps et l’esprit que la nôtre.
106Le passage de Dionysos dans la mer a ainsi pu être interprété comme la métaphore d’une manière ancienne de fabriquer le vin. En effet, l’eau de mer était censée posséder la faculté d’adoucir le vin (Athénée, Deipnosophistes I, 26b). Pour Héraclite (Allégories d’Homère 35, 6-8), cette opération permettait une meilleure conservation du vin. Le commentateur file la métaphore en comparant le frémissement de Dionysos effrayé avec le bouillonnement du vin nouvellement pressé155.
107De façon générale, Plutarque (Isis et Osiris, 364d et 365a) définit Dionysos comme le maître de la nature humide (κύριον τῆς ὑγρᾶς) : c’est pour cette raison qu’il est parfois appelé Hyès156. Cette humidité, qui apparaît comme une substance fécondante, s’insère dans une vision religieuse égyptienne de Plutarque qui veut ainsi rapprocher Osiris du dieu grec. Le moraliste insiste, par une citation de Pindare, sur l’aspect productif de Dionysos. L’argument est répété par ailleurs (Propos de table, 675d-676d) : le dieu possède ceci de commun avec Poséidon qu’ils sont « maîtres du principe humide et fécond » (τῆς ὑγρᾶς καὶ γονίµου κύριοι).
108Ces commentaires montrent qu’à une époque tardive, si l’on concevait bien le lien entre Dionysos et les eaux douces et stagnantes, en revanche ses rapports avec la mer nécessitaient le recours à des explications renvoyant à des traits connus du dieu.
Témoignages cultuels
109Selon l’épisode des Tyrrhéniens, la puissance de Dionysos s’opère également sur la mer, en partie peut-être à cause des expériences de son enfance. Certaines manifestations cultuelles montrent de surcroît qu’on pouvait l’honorer pour cette raison.
a) Attique
110Plusieurs sources attiques – outre celles iconographiques de la légende des pirates – témoignent d’un culte rendu à un Dionysos marin.
111Dans une comédie du Ve s., le commerce sur mer et l’importation de denrées diverses de toute la Méditerranée sont rattachés à Dionysos. La mer qui sert de scène à ces transferts de marchandises est alors qualifiée d’oinops pontos : la mer couleur de vin (Hermippos, Fragment 63 = Athénée, Deipnosophistes I, 27e-28a)157. Pour le IIIe s. a. C., une satire de Théophraste (Caractères III, 3) nous apprend que les fêtes des Dionysies athéniennes marquaient le début de la navigation158. Celles-ci sont célébrées au mois d’Élaphéboliôn, c’est-à-dire en mars-avril. Il est difficile de percevoir dans quel sens s’est opéré ce rapprochement : est-ce que les Dionysies ont été célébrées à cet instant de l’année car on attribuait un caractère maritime à la divinité, ou lui a-t-on donné a posteriori cette nature après s’être rendu compte de la coïncidence des dates ? Par ailleurs deux trières athéniennes du IVe s. a. C. portent des noms évoquant sans nul doute possible le dieu. À une autre fête célébrée en son honneur, les Anthestéries, sont rattachées quelques représentations iconographiques montrant un Dionysos à l’intérieur d’un charbateau (voir infra p. 449 ss.).
112L’ensemble de ces sources comprises entre la fin du VIe s. et le IIIe s. a. C. concourent à l’existence d’un culte marin à Dionysos en Attique au moins pour toute l’époque classique159. Il faut signaler cependant, pour le dernier quart du IIe s. a. C., la réalisation dans un atelier attique de parasèmes d’un bateau représentant d’un côté le fils de Sémélè et de l’autre Ariane (voir infra p. 257 s. et fig. 13).
b) Péloponnèse
– Argolide
113À Argos, Pausanias (II, xxiii, 1) signale un temple de Dionysos que la tradition fait remonter aux Argiens de retour de Troie. En effet, ceux-ci subirent leur lot de tempête au niveau de l’Eubée. Les hommes qui purent joindre la terre ferme au cap Kaphèreus situé à l’extrémité sud-est de l’île furent accablés par la faim et le froid.
114Priant alors quelque divinité d’intervenir en leur faveur, une grotte leur apparut où s’étaient réfugiées des chèvres sauvages : celles-ci leur fournirent viandes et peaux. Or, cette grotte était consacrée à Dionysos et abritait une statue du dieu. Les Argiens, lorsqu’ils réembarquèrent enfin vers leur patrie, emmenèrent le xoanon et lui établirent un culte dans leur cité. Le sanctuaire se trouve à l’extérieur de la ville, au-delà de la porte sud-est Cilarabis, le long d’une voie. Le récit de Pausanias met en avant l’ancienneté du culte par le récit étiologique et par la mention d’un xoanon. Celui-ci figure peut-être sur des monnaies impériales160. L’action du dieu se manifeste en marge de la navigation : il est le dieu σωτήρ qui pallie les difficultés dues au naufrage. Originellement il était situé dans un lieu extrême, un promontoire161, vide d’hommes et d’habitations, régnant depuis une grotte sur des chèvres sauvages. Le fond de l’histoire atteste le transfert d’une statue éginète rapportée à Argos, fait couramment pratiqué dans l’Antiquité.
115À Hermione, le dieu est vénéré sous l’épiclèse de Mélanaigis, en l’honneur duquel on célébre tant des jeux musicaux que sportifs (Pausanias II, xxxv, 1)162. Ces derniers consistent en concours nautiques : régates, mais aussi de natation ou de plongée163. L’épiclèse « à la peau de chèvre noire » doit renvoyer à la statue de culte, peut-être représentée sur des monnaies164. La situation topographique d’Hermione, bâtie sur un promontoire séparant deux ports naturels est tout à fait adaptée à ce genre d’activités. Il est difficile en revanche de dater le culte et les jeux nautiques, Pausanias décrivant alors le site de la nouvelle Hermione165.
116Un fragment hellénistique (Philochoros, Fragment 194) semble mentionner le culte d’un Dionysos Halieus à Haliées, située à l’ouest d’Hermione166. L’épiclèse renvoie au nom de la ville mais aussi à la mer conçue en tant qu’ἅλς, l’élément salé.
– Achaïe
117Les habitants de Patras rapportent à propos de leur Artémis Triklaria une légende dans laquelle Dionysos intervient (Pausanias VII, xix, 6-10). Courroucée par les rencontres amoureuses qu’un jeune couple contrarié opérait dans son temple, Artémis imposa à la cité un sacrifice annuel d’un jeune garçon et d’une jeune fille qui ne prendrait fin, selon un oracle, qu’avec l’arrivée d’un roi inconnu apportant avec lui une divinité étrangère. Par ailleurs, lors du partage du butin qui suivit la guerre de Troie, le roi thessalien Eurypyle se vit octroyer un coffre contenant une statue œuvre d’Héphaistos lui-même. Eurypyle ouvrit la boîte et fut pris d’une folie entrecoupée de quelques instants de conscience. Dans cet état, il fit voile non vers son pays, mais vers Kirrha où il débarqua pour consulter l’oracle. On lui répondit d’établir son coffre et lui-même à l’endroit où il serait témoin d’un sacrifice inhabituel. La suite se laisse deviner : Eurypyle arrive à Patras avec son coffre et les affaires s’arrangent pour tout le monde. La statue en question est celle de Dionysos, ce qui explique dans l’histoire la folie du Thessalien et l’origine étrangère du dieu167. L’introduction du culte dionysiaque à Patras est ainsi, selon la tradition, rattachée aux errances d’une statue qui dirige le bateau là où elle veut se rendre. Le récit précise que des vents poussèrent les navires d’Eurypyle jusqu’à leur destination ; ceux-ci doivent résulter selon toute logique de l’action divine. Les fêtes des Dionysies honorent à la fois le dieu et le roi168.
– Laconie
118La cité de Brasiae vénère particulièrement Dionysos (Pausanias III, xxiv, 3-4). Les habitants racontent en effet que c’est chez eux qu’échoua le coffre dans lequel il était enfermé avec sa mère. Ils montrent de surcroît la grotte où Ino aurait recueilli son neveu. Ces traditions servent aux Brasiates pour expliquer le nom de leur cité : ekbebrasthai signifie en effet « être rejeté par les flots »169.
c) Béotie
119À Tanagra, le temple de Dionysos renferme deux statues : l’une de Dionysos attribuée à Calamis sculpteur du Ve s. a. C. et l’autre d’un Triton acéphale (Pausanias IX, xx, 4-5). Les habitants racontent à son sujet plusieurs histoires. Selon la première, les femmes de la ville ont coutume de se purifier dans la mer avant les fêtes dionysiaques. Il leur arriva à cette occasion d’être attaquées par un Triton que Dionysos tua en un combat singulier, suite à leurs prières. Une deuxième tradition, à laquelle adhère Pausanias, veut qu’un monstre marin s’attaquait aux bêtes et petites embarcations du littoral. Les habitants n’en vinrent à bout qu’à l’aide d’un stratagème : ils l’enivrèrent et lui coupèrent la tête une fois endormi. Ce passage indique que les Dionysies de Tanagra comportaient un rituel de purification qui avait lieu dans la mer170. La présence d’une statue d’un Triton sans tête dans le sanctuaire met le dieu en relation avec le milieu maritime, lien auquel les deux récits tentent de donner une explication. Les monnaies reflètent le rapprochement entre Dionysos et Triton : sous un toit supporté par deux atlantes, le premier se tient debout tenant un canthare et le thyrse ; en dessous-de lui figure un Triton nageant171.
d) Thessalie
120À Pagasae172, à l’époque classique, Dionysos était vénéré sous l’épiclèse de Pélagios. Le dieu intervint en faveur de l’un de ses fidèles, mort noyé : il apparut en rêve à un pêcheur, lui ordonnant de restituer les os du mort à sa famille afin qu’elle pût lui rendre les honneurs funèbres (Théopompe de Chios, Fragment 352, éd. Jacoby = Schol. Iliade XXIV, 428)173. Pagasae se trouve en Thessalie ; il s’agit du port de la cité de Phères où habitait le défunt. Le tout laisse supposer que ce dernier était lui aussi pêcheur et que tout particulièrement dans le cadre de ses activités, il vouait un culte à Dionysos Pélagios. Par ailleurs, la presqu’île du Pélion qui ferme à l’est le golfe de Pagasae était consacrée aux Néréides et à Thétis174 (Hérodote, Enquête VII, 188-192). Un culte de Dionysos en relation avec la mer s’explique tout particulièrement à cet endroit, puisqu’il aurait passé son enfance non loin de là.
e) Asie Mineure
– Ténédos
121Pour l’île de Ténédos, située au large de la Troade, Élien nous rapporte une coutume étrange concernant le culte de Dionysos Anthroporrhaistès (Fléau des hommes). Les habitants prennent soin d’une vache pleine en l’honneur du dieu et l’accouchent comme une femme. Le veau nouveau-né lui est alors sacrifié ; pour cela on le chausse de cothurnes. L’homme qui a porté le coup fatal est poursuivi par la foule à coups de pierres jusque la mer. En l’absence d’autres sources ou commentaires, il faut tenter de rapprocher cette pratique d’autres faits connus. Le veau représente un enfant nouveau-né : son sacrifice ressemble à un sacrifice de substitution. Un enfant en bas âge, une course jusque la mer : ces éléments rappellent la légende d’Ino et Mélicerte se précipitant dans les flots. Dionysos dans la mythologie est rapproché de Mélicerte par des liens de parenté : cousin de celui-ci, il est également son frère de lait ; de plus le saut de Dionysos auprès de Thétis rend leur enfance similaire, marquée par une plongée marine. À Ténédos, les deux figures divines ne font qu’une175. Par ailleurs, la course du sacrificateur jusque dans la mer peut s’expliquer comme une purification de celui-ci après le meurtre qu’il vient de commettre. L’épiclèse du dieu s’avère en revanche plus difficile à expliquer.
– Lesbos
122Au nord de Lesbos, à Méthymna, les habitants vénèrent Dionysos Phallène (Pausanias X, xix, 3). Le culte a pour origine une statue en bois d’aspect étranger que des pêcheurs ont retirée de la mer dans leurs filets. Consultée, la Pythie leur enjoignit d’honorer le xoanon comme un Dionysos avec l’épiclèse qu’elle leur enseigna. Le fait est confirmé par Eusèbe de Césarée qui s’insurge contre l’adoration d’un malheureux bout de bois préconisée par l’oracle delphien176. L’étymologie de celle-ci, du mot phallos, indique un culte lié à la fécondité177. Dionysos figure par ailleurs sur des monnaies de Mytilène, associé à une proue ou une stylis178.
– Smyrne
123Les Smyrniotes célèbrent leurs Dionysies au printemps avec la promenade d’un bateau monté sur roues autour de l’agora, cérémonie qu’ils expliquent par une attaque surprise des Chiotes venus débarquer sur leur rivage (Aelius Aristide, Prosphonétique de Smyrne 473-474 ; Politique de Smyrne 402-403 ; Philostrate, Vie des sophistes I, 25, 530-531 = voir corpus p. 534 et 536). Ces sources tardives constituent pour le moment nos seules informations sur le culte de Dionysos à Smyrne qu’il est ainsi difficile de dater (voir infra p. 447 s.).
Analyse
Géographie du culte
124Ces quelques attestations ne permettent de dessiner une géographie cultuelle que dans ses grands traits179. Présent sur la côte d’Asie Mineure et en particulier sur deux îles, en Grèce continentale, le culte marin de Dionysos apparaît lié à des golfes : à Patras, Argos, Hermione, Pagasae, Tanagra.
125Il occupe une place notable en Thessalie : non seulement il est honoré à Pégasai, mais encore le culte de Patras est rattaché à cette région par l’intermédiaire d’Eurypyle. Par ailleurs la statue que ce dernier transporte est considérée comme troyenne, c’est-à-dire de la même région que Ténédos et Lesbos.
126À Athènes, le culte de Dionysos s’avère particulièrement important à la fin de l’époque archaïque et durant toute l’époque classique. Après cette période, il semble s’affaiblir ; s’il subsiste ailleurs – en Asie mineure particulièrement –, il ne paraît plus très bien compris mais justifié par la tradition. Signalons cependant deux bateaux du début de l’époque romaine portant le nom du dieu : Dionysos en grec et Liber Pater en latin.
Personnalité marine de Dionysos
127À travers ses mythes et ses cultes, le fils de Sémélè est mis en relation avec la mer, surtout dans un contact intime avec l’eau. Il a plongé et vécu dans la mer ; on célèbre en son honneur des concours de natation. Par ailleurs son mythe et certains de ses rites attribuent une fonction cathartique à la mer : elle sert à purifier, à transformer le négatif en positif. Le plongeon dans la mer apparaît aussi comme un voyage vers l’au-delà180. Comme l’a bien montré J. -M. Pailler, Dionysos se révèle comme une « divinité de passage(s) » notamment par la mer qui unit et sépare à la fois181.
128Il apparaît aussi comme un dieu navigateur à travers l’iconographie, lors de processions mais aussi à travers les traditions se rapportant à des statues de culte. Plusieurs noms de vase à boire sont empruntés au vocabulaire nautique182. À deux fois il arrive par mer : à Lesbos, à Patras, sous la forme d’une statue à l’air étranger. Tout ceci pourrait indiquer un caractère maritime de Dionysos peut-être lié à l’arrivée du dieu par bateau183.
129De manière générale, il est associé à une mer calme : les navires qui naviguent en sa présence ne connaissent pas de déchaînement des éléments. Lors de la seule tempête mise en rapport avec lui, celle des Argiens, il intervient pour aider les naufragés à terre. Le commerce maritime évoqué par Hermippos, prospère et ne connaissant apparemment aucun obstacle, se déroule sur l’oinops pontos : une mer obscure, profonde mais propice à la navigation, très doucement agitée184. Une histoire de beuverie racontée par un auteur de la première moitié du IIIe s. a. C. est à cet égard significative. Elle met en scène des hommes dans un état si avancé d’ébriété que, s’imaginant se trouver dans un bateau au bord du naufrage, ils jettent pour l’alléger tout le mobilier par les fenêtres (Timée de Tauromenium, Fragment 149 = Athénée, Deipnosophistes II, 37b-e). Le doux roulis de l’ivresse peut ainsi rapprocher la mer de Dionysos comme l’indique le nom de « Trière » donné à l’endroit ; mais lorsque les creux se font plus gros, c’est la panique et il n’est plus question de Dionysos, mais de « dieux sauveurs ».
130Divinité de la navigation tranquille, voire de la légère ivresse qu’elle peut procurer, Dionysos n’est cependant pas étranger à la profondeur mystérieuse des eaux qui peuvent s’avérer accueillantes et positives.
HERMÈS
131La protection d’Hermès sur les voyageurs est bien connue : dieux des carrefours et des routes, il est souvent invoqué et honoré lors des déplacements terrestres. Il convient dès lors de considérer dans quelles mesures ce rôle du fils de Zeus et de Maia s’étend également sur les routes maritimes. Les sources s’avèrent peu nombreuses à ce sujet : aucun récit mythologique ne met en scène le dieu dans un contexte marin. Mais à quelques attestations de lieux maritimes qui lui sont consacrés, s’ajoutent plusieurs documents évoquant des pratiques cultuelles le mettant en relation avec la mer.
Sources
Lieux consacrés
a) Eubée
132Une inscription d’Érétrie témoigne de la dédicace d’un Hermès par les aeinautai datée du Ve s. a. C.185. Ces hommes sont définis comme des marins réunis en association, plus certainement des administrateurs d’affaires maritimes au sens large186. Il est difficile cependant de définir la nature de ce groupement et surtout de considérer si l’offrande n’est pas le fait de notables locaux qui financent des travaux d’aménagement sur le territoire d’Érétrie. L’érection d’un Hermès peut simplement renvoyer à l’établissement d’une borne à un carrefour de la cité.
b) Thrace
133Hermès est vénéré à Ainos, sur le littoral thrace à l’embouchure de l’Hèbre. Un poème mutilé de Callimaque (Iambe III) fait parler la statue du dieu qui raconte son histoire. Emportée par une crue du Scamandre jusqu’à la mer, elle semble pêchée une première fois et manque alors d’être brûlée sur un bûcher – ce qui laisse supposer qu’il s’agit d’un xoanon187. Par quelque prodige, la statue est rejetée à la mer et repêchée à nouveau. On sait par ailleurs que la statue, reconnue alors comme divine, reçut différentes marques d’honneurs : un sanctuaire sur le rivage, offrandes de poissons de la part des pêcheurs puis, sur l’ordre d’Apollon, une place dans la cité188.
c) Ionie
134Le promontoire sud de la péninsule d’Érythrées était consacré à Hermès (Hymne orphique XXVIII, v. 8-20). Ce cap appelé Kôrykos, tourné au sud vers Samos, ferme le golfe de Téos. Le dieu est alors qualifié de secourable (ἐρούιος).
d) Carmanie
135La flotte de Néarque double lors de son périple indien l’île de Kataiè, consacrée à Hermès et Aphrodite (Arrien, Indica XXXVII, 10-11). Déserte, sans relief, elle n’est fréquentée que par des chèvres, offrandes des habitants du littoral, redevenues sauvages. L’assimilation du dieu local à qui est vouée Kanaiè est due au caractère du lieu : un endroit inhabité, où les animaux vivent en liberté.
e) Afrique
136À l’est de Carthage, le promontoire qui s’avance le plus dans la mer est appelé Ἑρµαία du nom d’Hermès, non loin d’un autre consacré à Apollon (Strabon XVI, 3, 13)189. Le géographe précise par ailleurs que le site est rocheux (Strabon XVI, 3, 16). Ce cap est bien connu par un certain nombre de périples qui ne manquent pas de le signaler (par ex. Pomponius Mela, Chorographie I, 7, 34) pour le golfe qu’il ferme.
Consécrations marines
137Le culte marin d’Hermès apparaît à travers plusieurs poèmes de l’Anthologie Palatine190. Une épigramme du Ier s. p. C. (Philippe de Thessalonique, Épigramme VIII = Anthologie grecque VI, 5) exprime l’offrande d’un pêcheur au dieu. L’homme qui met un terme à ses activités après une vie de labeur lui consacre tout son attirail. Le thème est repris dans deux compositions tardives (Anthologie Palatine VI, 28-29) où Hermès est invoqué sous l’épiclèse d’Ériounios (bienfaisant)191. Ces poèmes sont à rapprocher d’un autre, de la première moitié du IIIe s. a. C., qui marque également le don d’un pêcheur, à l’heure de la retraite, de ses instruments de travail (Léonidas de Tarente, Epigramme LII)192. Un autre poème anonyme dédie une panoplie de pêche bien fatiguée au sanctuaire d’Hermès (Anthologie Palatine VI, 23). Celui-ci consiste en une grotte battue par les flots dans laquelle se trouve le dieu sur un rocher – peut-on supposer sous forme de statue – et qui sert de refuge aux mouettes. Hermès semble ainsi recevoir particulièrement des marques de vénération de la part des pêcheurs, et ce depuis l’époque hellénistique jusque dans l’Antiquité tardive.
138Une pièce hellénistique marque encore la consécration à cette divinité de diverses denrées comestibles : raisin, galette, fromages, farine et vin (Phanias, Épigramme V = Anthologie Palatine VI, 299). Ces cadeaux s’adressent à Hermès Enodios (protecteur des routes) associé à Aphrodite ; le dédicant promet également de leur sacrifier sur la grève un chevreau. Le lieu du sacrifice promis ainsi que le culte commun avec Aphrodite laissent supposer que ces offrandes correspondent à un voyage maritime ou littoral.
139Quelques sources navales évoquent implicitement le dieu. Le caducée figure sur l’éperon hellénistique d’Athlit retrouvé au large d’Israël (voir infra p. 262 s. et fig. 16). Ce motif est aussi représenté sur quatre ancres de plomb trouvées en Méditerranée (voir infra p. 343). Le nom de Mercuri apparaît associé à celui d’Isis également sur un jas de plomb (voir infra p. 317, cat. I23).
140Un parasèmon daté apparemment du Ier s. p. C. porte en relief l’image du dieu (voir infra p. 257). Par ailleurs, un relief fragmentaire du British Museum représente Hermès et Cybèle opérant des libations à côté d’une proue de navire (fig. 11). Entre eux, figure un troisième dieu qui pourrait être Sérapis ( ?) ; à l’arrière-plan sont représentés deux guerriers brandissant leurs armes, tandis que sur la proue est assis un personnage dont il ne subsiste que les jambes193. L’auteur de l’article suppose une origine d’Asie Mineure du relief, peut-être Cyzique (?).
141Enfin un poisson est particulièrement voué à Hermès : le bogue (βόαξ)194.
Analyse
142Les sources peu nombreuses évoquent un culte marin d’Hermès peu développé ou du moins pas de façon ostentatoire. Quelques lieux isolés lui sont attribués : île déserte, promontoire rocheux, grotte marine. Ces endroits ne semblent pas marqués par une construction cultuelle – temple ou autel – : au mieux une statue l’y représente195.
143Mis en rapport avec la navigation, il est honoré par les humbles pêcheurs196 qui lui consacrent de simples ex-voto ou l’animal qu’il privilégie : le chevreau. Il est à deux reprises associé à Aphrodite lors de l’évocation de caprins.
144De façon générale, toutes les sources indiquent un culte d’Hermès en relation avec la mer pour l’époque hellénistique se poursuivant sous le Haut-Empire : dans les classes impériales, pas moins de cinq bateaux portent le nom du dieu (voir infra p. 286)197. Pour les périodes antérieures, rien ne laisse deviner une vénération particulière à Hermès en matière de navigation, comme si les routes maritimes n’étaient pas de son domaine.
Notes de bas de page
1 Sur Artémis, Hermès et la pêche : Icard & alii 2011, p. 380-381.
2 Parmi les études, citons I. Chirassi, Miti e culti arcaici di Artemis nel Peloponneso e Grecia Centrale (Università degli studi di Trieste. Istituto di storia antica III), Trieste, 1964 ; M. B. Hollinshead, Legend, cult, and architecture at three sanctuaries of Artemis, Thèse Lett. (Bryn Maur College), 1980 ; L. Kahil, « La déesse Artémis : mythologie et iconographie », Greece and Italy in the classical world. Acta of the XI international Congress of classical archaeology (London, 3-9 sept. 1978), Londres, 1979, p. 73-87. L’article de K. Wernicke 1895 est toujours indispensable pour les références qu’il réunit.
3 L. Kahil, « Autour de l’Artémis attique », Antike Kunst VIII, 1965, p. 20-33 ; Id., « L’Artémis de Brauron. Rites et mystère », Antike Kunst XX, 1977, p. 86-98 ; id., « Le cratérisque d’Artémis et le Brauronion de l’Acropole », Hesperia L, 1981, p. 253-263 ; J. Papadimitriou, « The sanctuary of Artemis at Brauron », Scientific American, juin 1963, p. 111-120 ; C. Montepaone, « L’akteia a Brauron », Studi storico-religiosi III, p. 343-364.
4 C. Chryssanthos, Πόθμια θηρῶν. Eine Untersuchung über Ursprung, Erscheinungsformen und Wandlungen der Gestalt einer Gottheit, Thessalonique, 1968.
5 Piccirilli 1981, p. 223-252 ; Ellinger 1984, p. 51-67 ; Brulé 1993, p. 57-65 ; Cole 1999-2000 ; enfin l’article de Kahil 1984 comporte un petit paragraphe sur Artémis et la navigation : 1 p. 677 et 2 p. 504. Voir également Kowalzig 2013, sur Artémis Tauropole.
6 Séchan & Lévêque 1966, p. 354-356.
7 Le deuxième chant de l’Iliade (v. 303 ss.) montre en effet les Grecs sacrifiant à Aulis avant leur départ, mais le sacrifice est adressé collectivement aux dieux olympiens sans que ne soit mentionnée particulièrement Artémis ou Iphigénie. L’événement qui marque l’arrêt à Aulis est l’apparition d’un serpent qui avale des oisillons et leur mère, indiquant par là le nombre d’années de guerre à venir. Ailleurs (Iliade, IX, v. 145), Agamemnon nomme Iphigénie parmi les filles qu’il a à marier, ce qui signifie qu’elle n’est pas morte à Aulis mais qu’elle grandit dans le palais de son père.
8 Glotz 1904, p. 13-14 le rapproche des sacrifices de taureaux ou de chevaux vivants à Poséidon, ou des rites analogues carthaginois : il s’agit selon lui de rites très anciens par lesquels on espère apaiser la mer par le prix du sang. Il met ainsi le sacrifice d’Iphigénie en parallèle avec celui de Polyxène sacrifié à Achille avant le retour des Grecs vers leur patrie dans l’espoir d’une bonne navigation (Euripide, Hécube, v. 534 ss.). En revanche, P. Brulé réfute tout lien de la légende d’Artémis et d’Iphigénie avec la mer (Brulé 1987, p. 191-192). Bonnechère 1994, met en relation le meurtre de la jeune fille avec les rites d’initiation et de passage (étude des traditions p. 38 ss.). Des sacrifices humains à Artémis Triklaria étaient célébrés à Patras (Pausanias VII, xix, 6-10) : voir infra Dionysos.
9 Wachsmuth 1967, p. 402.
10 Cette association Artémis-Eileithyia est attestée à Sparte : dans le sanctuaire d’Artémis Orthia, Eileithuia recevait un culte (Kilian 1978, p. 219-222).
11 Sur ces deux offrandes, voir infra p. 390 s. et 411.
12 Mc Cartney 1933, p. 4.
13 Wachsmuth 1967, p. 406.
14 Sur cette tradition, voir F. Vian, édition Budé, p. 20-21. Les îles correspondent aux Apsyrtides en Adriatique.
15 Guarducci 1935, p. 187-203 ; voir également Willetts 1962, p. 179-193 ; O. Jessen, « s.v. Diktynna », RE X, Stuttgart, 1905, col. 584-588 ; K. Tümpel, « s.v. Britomartis », RE III, Stuttgart, 1899, col. 880-881 ; Glotz 1904, p. 40-42 ; Borzsák 1951, p. 208 ; C. Boulotis, « s.v. Diktynna », LIMC II, Bern, 1986, 1 p. 391-394 et 2 p. 282 montre à quel point les types iconographiques de Diktynna s’apparentent à ceux d’Artémis.
16 Selon Guarducci 1935, l’étymologie donnée par Callimaque est la bonne et non celle qui met le nom théophore en relation avec le mot grec δίκτυον.
17 Hymne orphique XXXVI, v. 12.
18 La scholie à Euripide, Hippolyte, v. 146 raconte encore de façon brève la légende de Britomartis-Diktynna.
19 Sur le rôle du filet dans la religion grecque, Glotz 1904, p. 51-54.
20 Guarducci 1935.
21 Ellinger 1984, p. 60 ; Will 1972, p. 398.
22 Photius, s.v. Μουνιχιών ; Souda, s.v. Ἔμβαρός εἰμί qui décrit un rituel transformant une fille en ourse renvoie à un culte brauronien : Garland 1987, p. 113-114. Plutarque, Phocion 28 transmet l’oracle de Dodone concernant l’arrivée des Perses en Attique avec l’expression τὰ ἀκροτήρια τῆς Ἀρτέμιδος φυλάσσειν désignant le sanctuaire. Wade-Gery 1933, p. 99-101 comprend akrôtèrion dans le sens d’aphlaston et y voit des offrandes à la déesse déposées dans son temple. Lysias, Contre Agoratos 24-26 décrit son client réfugié près de l’autel de Mounichie et refusant de fuir dans les bateaux prêts à appareiller sur le rivage.
23 Θρεψιάδης & Οικόυοµος 1935 ; Παπαχατζής 1974-1981, I, p. 119-122 et fig. 25-26. Le matériel votif est daté depuis la période géométrique jusqu’à l’Antiquité tardive ; des dédicaces ont fourni le nom d’Artémis et celui du héros éponyme Mounichos.
24 IG II/III2, 1006, 1011, 1028 ; Photius, s.v. Μουνιχιών ; une bataille navale est même avérée à la fin du IIe s. p. C. (IG II/III2, 2130). Deubner 1932, p. 204-205 ; Parke 1977, p. 138-139, pour qui ces régates n’ont rien à voir avec la mer, avec laquelle Artémis n’a aucun rapport, et correspondent seulement à une époque propice aux exercices physiques de ce genre ; Dumont 1975, p. 65 ; Garland 1987, p. 104 et 114.
25 Plutarque, Moralia 349f (De gloria Athenensium) : τὴν δ' ἕκτην ἐπὶ δέκα τοῦ Μουνιχιῶνος Ἀρτέμιδι καθιέρωσαν, ἐν ᾗ τοῖς Ἕλλησι περὶ Σαλαμῖνα νικῶσιν ἐπέλαμψεν ἡ θεὸς πανσέληνος.
26 On situe l’un et l’autre à l’est de l’île : Ellinger 1984, p. 61 ; F. Chamoux, édition Budé, p. 246.
27 En effet, Pausanias II, 30, 7 appelle cette côte Φοιβαία λίµνη d’après le culte d’Artémis ; c’est là qu’Hippolyte doit chasser : L. Méridier, édition Budé p. 38 ; Somville 1984, p. 8.
28 Semple 1927, fig. 368. Sur Aphaia, voir Furtwängler 1906 ; G. Welter, « Aeginetica XXXI », AA LXIX, 1954, p. 37-39 ; D. Olhy, « Aegina, Aphaia-Tempel », AA 1971, p. 505-526 ; Παπαχατζής 1974-1981, II p. 226-240 ; IG IV, 1580 ss. Les traces cultuelles à cet endroit remontent à l’époque mycénienne. Trois édifices se sont succédé : le premier est daté de la fin du VIIe s. a. C., le deuxième de 570 a. C., le troisième vers 500 a. C.
29 M. Papathomopoulos, Antoninus Liberalis, Métamorphoses, Paris, 1968, p. 164.
30 À ce sujet, les spécialistes s’opposent : Furtwängler 1906, p. 473 ss., soutenait la thèse de la divinité venue de Crète avec une colonie crétoise, tandis que Harland 1925, p. 92-100 voyait dans Aphaia une déesse hellénique ; selon lui, ce sont au contraire les Éginètes qui, s’emparant de Kydonia en 519, auraient reconnu en Diktynna leur propre divinité Aphaia. Enfin Guarducci 1935, p. 197 pense que l’association entre Diktynna et Aphaia, purement artificielle, remonte à un poète érudit – peut-être Callimaque.
31 Furtwängler, 1906, p. 473 ss. Par ailleurs, Pausanias (II, xxx, 1) mentionne un sanctuaire d’Artémis près du port, voisin de celui d’Apollon, que Welter 1962, p. 50 pense avoir identifié dans les restes de l’un des deux petits temples dégagés à l’ouest de celui d’Apollon ; voir également Παπαχατζής 1974-1981, II p. 236-237 et fig. 255.
32 Musti & Torelli 1986-1991, II p. 312 soulignent avec raison l’affinité entre les représentations iconographiques d’Aphaia et celles d’Athéna ; pour nous, cela suffirait à expliquer la confusion d’Hérodote. Voir infra p. 412 s.
33 Polignac 1997, p. 113-122.
34 Des monnaies corinthiennes représentent la déesse munie d’une torche et d’un carquois : Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 18 et pl. D lxvi-lxix. Le temple correspond peut-être aux vestiges trouvés à environ 1 km du port : Scranton & Ramage 1964, p. 145.
35 Wide 1893, p. 97-117.
36 Wide 1893, p. 109 hésite à la rapprocher d’une Artémis Brauronia ou d’une Agrotera.
37 Plutarque, Agésilas 32 ; Polyen II, Stratagema 1, 4 ; Cornelius Nepos, Agesilas 6, 2 ; Stéphane de Byzance, s.v. Ἰσσώριον. L’endroit est identifié avec la colline de Vamvakia située au nord de Sparte : Musti & Torelli 1986-1991, III, p. 212 et carte L. Des jeux étaient célébrés en son honneur : Hésychius, s.v. Ἰσσώρια, Nilsson 1906, p. 213 ss. Deux types monétaires spartiates représentent une Artémis, mais il est difficile de les rattacher à une épiclèse particulière : Imhoof-Blumer & Gardner, p. 54-55 et pl. N1-2. Wide 1893, p. 109-110 suivant le parallèle crétois considère Issôria comme une vieille divinité locale identifiée avec Artémis.
38 Wide 1893, p. 121-22, considérant que le myrte étant traditionnellement associé avec Aphrodite, que celle-ci était vénérée dans l’île voisine de Cythère et que l’une des origines des colons était Aphrodisias, conclut à un culte ancien d’Aphrodite à Boiae transformé ensuite en celui d’Artémis.
39 Ce synœcisme regroupe des habitants de cités du sud du Péloponnèse : Παπαχατζής 1974-1981, II, p. 420 ; Musti & Torelli, 1986-1991, III, p. 270-271 ; M. Moggi, I sinecismi interstatali greci, Pisa, 1976, p. 11-16.
40 Voir Παπαχατζής 1974-1981, II, fig. 412.
41 Ibid., p. 426 qui reconstitue le tracé antique de la route de Boiae à Épidaure Liméra. Le sanctuaire d’Artémis a été localisé sous l’église d’Haghios Théclas dans le village au nom évocateur de Limnes : Wace & Hasluck 1907-1908, p. 176.
42 Wide 1893, p. 116.
43 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 65 et pl. O21. Le site doit se trouver aujourd’hui sur le territoire de Vathy : Woodward 1906-07, p. 233-234.
44 La cité se trouve sur la péninsule de Scopa, près du village moderne de Kotronas, où l’on a trouvé un relief d’Artémis et un autel inscrit : Woodward 1906-07, p. 256-257 ; D. Peppas-Delmous, in Αρχαιολογικα αναλεκτα ἐξ Αθηνων VI, 1973, p. 482-491 ; Παπαχατζής 1974-1981, II, p. 439-440.
45 Jost 1985, p. 89 et 411-414 ; Nilsson 1906, p. 228-230.
46 Sur cette expédition, Will & alii 1975, p. 19.
47 Semple 1927, p. 376-377.
48 Glotz 1904, p. 14.
49 Daux 1956-61 ; Travlos 1988, p. 200. Une inscription trouvée in situ a permis de confirmer l’identification du sanctuaire. Aujourd’hui, la physionomie des lieux est décevante : le sanctuaire, situé non loin d’une cimenterie et derrière la voie de chemin de fer reliant Athènes à Eubée, donne l’impression d’être perdu dans son environnement, d’autant plus que la ligne du rivage a reculé depuis l’Antiquité. En revanche, dès que l’on a rejoint celle-ci, le point de vue est saisissant sur toute la rade et le golfe de l’Eubée.
50 Wachsmuth 1967, p. 398.
51 Morrison Williams 1968, p. 122-127. Sur commentaire général du texte, voir supra p. 33-34.
52 L. 40-44 (paragraphe X) : Ἐπειδὰν δὲ πεπληρωμέναι ὦσιν / αἱ νῆες, τα[ἶ]ς μὲν ἑκατὸν αὐτῶν βονθεῖν ἐπὶ τὸ Ἀρτεμίσ/[ι]ον τὸ Εὐβοικὸν ταῖς δὲ έκατὸν αὐτῶν περὶ τὴν Σαλαμ/ῖνα καὶ τὴν ἄλλην Ἀττικὴν ναυλοχεῖν καὶ φυλάττειν / τὴν χώραν : Lorsque les bateaux seront au complet, qu’on aille au secours pour cent d’entre eux à l’Artémision d’Eubée et pour les cent autres, qu’on établisse une station autour de Salamine et du reste de l’Attique et qu’on garde la région.
53 Commentaire du texte de Plutarque dans l’édition Budé, p. 220.
54 Gauer 1968, p. 117-120.
55 Les découvertes faites à cet endroit ont été publiées par Lolling 1883. La carte donnée ibidem p. 13 rend compte de l’emplacement du sanctuaire par rapport à la mer. Notre recherche sur le terrain n’a rien donné : tout vestige a disparu ; d’après les dires d’un vieux monsieur du village, il semblerait que le site antique se trouve à présent sous la petite église de Saint-Georges, de construction récente, dans le village de Pevki. La petite butte sur laquelle elle repose donne une belle perspective sur la mer.
56 Lolling 1883, p. 18-20, l. 5-6.
57 Kahil, 1984, 1, no 725 (Artémis) ; BMC Central Greece p. 127-135 et pl. xxiv (nynphe Histaia).
58 La statue doit figurer sur les monnaies de la ville : Imhoof-Blumer & Gardner, p. 124-125.
59 Les fouilles ont été publiées par Dyggve & Poulsen 1948. L’apogée du sanctuaire se situe entre le VIe et le IVe s. a. C. et connaît la prospérité jusqu’au règne d’Auguste. La statue de culte est transportée à Patras à cette époque, où elle se trouve encore lors du voyage de Pausanias (VII, xviii, 8-10).
60 Dyggve & Poulsen 1948, p. 335 ss. ; Antonetti 1990, p. 235-256.
61 Powell 1904, p. 203-206.
62 C’est l’hypothèse opposée par E. Kirsten, « s.v. Œniadae », RE XVII, 2, Stuttgart, 1937, col. 2221.
63 Gallet de Santerre 1958, p. 129-131 signale notamment, parmi le dépôt d’offrandes mycéniennes retrouvé sous le temple d’Artémis situé à l’intérieur du sanctuaire d’Apollon, la présence de nombreuses coquilles de mollusques.
64 Bruneau 1970a, p. 202 et 206 ; Gallet de Santerre 1958, p. 155-156.
65 Voir infra, ex-voto navals, p. 422.
66 ID 2448 ; Bruneau 1970a, p. 203.
67 Bruneau 1970a, p. 203 ; Gallet de Santerre 1958, p. 154-155. Deux fêtes distinctes sont célébrées en l’honneur de l’une et de l’autre à quelques jours d’intervalle.
68 Bruneau 1970a, p. 477-478 écarte le rapprochement entre cette divinité et Britomartis opéré par Wernicke 1895, col. 1371 sur la base du nom donné par Hésychius ; Nilsson 1906, p. 209-210.
69 Bouché-Leclercq 1882, II p. 27 ss. Wachsmuth 1967, p. 276-277 réunit les différentes prérogatives de Brizô : les rêves servaient d’indicateurs pour les navigations à venir ; en témoignent les nombreuses notices concernant ce domaine dans le recueil d’Artémidore.
70 La cité, plus communément désignée sous le nom de Lyttos (Strabon X, 4, 7), se trouve à environ 25 km au sud d’Héraklion. Willetts 1962, p. 122 ; le nom de la ville figure parmi le catalogue des vaisseaux de l’Iliade (II, 647). Les sources concernant cette ville sont réunies dans IC I, p. 179-230.
71 Le site doit correspondre au cap appelé aujourd’hui Chersonisos, à quelques kilomètres de la ville homonyme (cf. Strabon éd. Budé, p. 154).
72 Willetts 1962, p. 180 ; IC I, p. 35 no 4 : Εὐκλείδας καὶ Λύκος οἱ Άλεξιμάχω / Βριτομάρτι χαριστῆιον ; Head 1911, no 460.
73 IC I, p. 37 no 6, dédicace datée du Ier s. a. C. : Ἀ]ρτέμιδι ε[ὐ/χὴν ἐπὶ τύ/χης Θεοδώρω
74 IC I, p. 191 no 12 (non daté) : un bienfaiteur a restauré le temple de la déesse.
75 Pausanias IX, 40, 3. La statue semble représentée sur des monnaies du IIIe s. a. C. : Willetts 1962, p. 180 ; Head 1911, no 472.
76 IC I, p. 243-244.
77 Le temple se trouve à l’extrémité de la longue presqu’île de Rodopos, surplombant une baie formant un magnifique port naturel. Matz 1951, pl. 76 ; Andreadaki-Blasaki 1997, p. 63-64, fig. 72-73. Kydonia, située non loin de l’actuelle Chania, possédait ce sanctuaire de confins.
78 Suivie d’un chien, avec une torche à la main : Willetts 1962, p. 191-192 ; Head 1911, no 464.
79 Musée de Chania, inv. 1. C. Boulotis, op. cit. LIMC, 1 p. 392 et 2 p. 282 ; IC II, p. 130-133 no 1. Qu’il s’agisse bien de deux divinités est confirmée par le mot UEOI gravé sur la pierre.
80 Le texte fragmentaire ne dit rien de plus ; la référence historique renvoie au premier quart du IIIe s. a. C. Sur le personnage de Cléonyme, Will 1979-19822, I p. 214 ; T. Lenschau, « s.v. Kleonymos 3 », RE XI, Stuttgart, 1922, col. 730-732 ; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XX, 104 ss.
81 Il faut comprendre en effet que le sanctuaire, autrefois sur le territoire de Kydonia, est passé sous le contrôle de Polyrrhénia ; de cette acropole, on a d’ailleurs un très bon point de vue sur le golfe occidental de la presqu’île où se trouve le sanctuaire. L’autre divinité représentant Phalasserne n’a pas été identifiée : on a proposé en rapport avec la navigation une Aphrodite (Euploia ?), ce que le manque de sources concernant les cultes de Phalasserne ne permet pas de confirmer ; Guarducci 1935-50, III p. 220) y reconnaît plutôt une Nymphe locale. Mais que la cité ait vénéré elle aussi une divinité marine ne fait aucun doute lorsque l’on visite l’emplacement absolument extraordinaire de Phalasserne : un promontoire rocheux formant acropole donnant au sud sur un port naturel.
82 Guarducci 1935 (et dans IC II, p. 130-131) la considère comme une invention attique.
83 Willetts 1962, p. 272-277.
84 Properzio 1989, p. 295-299 ; Salviat 1992, p. 142-143.
85 Semple 1927, p. 370-371.
86 Sur le sanctuaire d’Artémis et son culte, Picard 1922, particulièrement p. 375 ss. sur fondation de Marseille ; sur la statue R. Fleischer, Artemis von Ephesos und verwandte Kultstatuen aus Anatolien und Syrien, (Études préliminaires aux religions orientales dans l’empire romain XXXV), Leiden, 1973.
87 Sur la statue de culte qui figurerait sur une monnaie datée de 48 a. C., voir C. Ampolo, « L’Artemide di Marsiglia e la Diana dell’Aventino », PP XXV, 1970, p. 200-210. Une dédicace douteuse du milieu du Ier s. a. C. (IG XIV, 357) mentionne une théa Dictya, comprise comme une Diktynna : Properzio 1989.
88 García y Bellido 1967, p. 18-20.
89 García y Bellido 1967, p. 18-20 : aujourd’hui Denia, à 80 km au sud de Valence.
90 Il s’agit bien sûr de la cité d’Ampurias ; l’île en question appelée de San Martín est aujourd’hui devenue une presqu’île.
91 Le nom a été rapproché de celui de Rosas, petite station proche de Barcelone. Sur la présence de céramique rhodienne dans cette zone, voir F. Villard, La céramique grecque de Marseille, VIe -IVe s., Paris, 1960, p. 72-76.
92 Strabon III, 1, 9. F. Lasserre, édition Budé p. 187, rapproche le nom de Phôsphoros de celui de Lux divina attestée par plusieurs inscriptions (CIL II, 676-677, 2407) : il s’agirait d’un culte rendu à une divinité de caractère astral par des navigateurs. Sans chercher aussi loin, Strabon cite à proximité l’existence d’un phare : Phôsphoros peut tout simplement renvoyer à la divinité à laquelle est consacrée le feu qui guide les bateaux dans ces zones de confins.
93 Le site, à 2 km de Sébastopol, inoccupé aujourd’hui, portait encore au XVe s. le nom de Cherson. D’après les fouilles soviétiques menées à cet endroit, il ressort que la ville fut fondée vers 420 par Héraclée du Pont. Le port de cette ville occupait une position privilégiée, à l’abri des vents (Strabon VII, édition Budé, p. 201-202 et 272).
94 Sur l’Artémis Taurique, F. Graf, « Das Götterbild aus dem Taurerland », Antike Welt IV, 1979, p. 33-41.
95 Quelques mots d’un résumé en latin du texte de Denys de Byzance laissent supposer que la déesse manifesta son courroux en déchaînant les flots de la mer.
96 Sokolowski 1955, no 26 A, l. 17 ; Pugliese Carratelli 1965 ; Robert 1969.
97 Von Geisau, « s.v. Samos », RE I, 2, 2e série, Stuttgart, 1920, col. 2199.
98 Hérodote, Enquête III, 48. On a retrouvé à Samos les restes d’un sanctuaire archaïque : Tsakov 1980. Ce hiéron, situé à Karmiri près du petit lac Glyphada et non loin de la basilique paléochrétienne de Panayitsa, constituerait une sorte de dépendance de l’autre sanctuaire. De toute façon, la chronologie du site s’avérait trop haute par rapport au témoignage de Callimaque, le sanctuaire ayant été détruit vers 524. Il faut donc encore chercher le sanctuaire hellénistique, sans doute sur le littoral de l’île.
99 Stéphane de Byzance, s.v. Ταυροπόλιον· ἐν Σάμῳ Ἀρτέμιδος ἱερός.
100 D’ailleurs le fait qu’il s’agisse d’un Hymne à Artémis, à prétention « universelle » pourrait-on dire et non seulement locale, permet de penser que les allusions de Callimaque étaient comprises implicitement par tous les Grecs et que le sanctuaire possédait une certaine importance.
101 Nélée fils de Codros ; Milet est considérée comme une colonie athénienne.
102 Wernicke 1895, col. 1401 ; cette épiclèse renvoie au culte brauronien.
103 Le golfe de Glaukos se situe au sud de Caunos ; son promontoire ouest est tourné vers Rhodes.
104 Voir supra. Pour Salles 1986, p. 130-131, le lien est évident entre Amphipolis, où était honorée Artémis Tauropole et d’où provenaient plusieurs membres de l’expédition de Néarque, et l’attribution de l’île de Failaka par les Grecs.
105 Publiée pour la première fois par Tod, 1943 ; voir supra p. 96.
106 Jepesen 1965 ; Salles 1984, p. 9-19 avec plan.
107 Salles 1984, p. 73-156. L’autel, enregistré sous le numéro 201 p. 96 et fig. 44, est commenté aux notes 41 et 41bis, p. 136-137 ; le texte est le suivant : Υπὲρ / Θεοκύδρου / σωτηρίας / [.]σ[.]θε[..]ας / Ἀρτέμιδ[ι] : « pour le salut de Théokydrès, [...]as à Artémis ». L’emplacement du sanctuaire au bord de mer ne fait pas de doute, même s’il faut supposer la ligne du rivage plus éloignée de ses murs qu’elle ne l’est aujourd’hui : Salles 1984, p. 73.
108 Principales publications : Jeppesen 1960, p. 195-196 ; SEG XX, 1964, no 411 ; Altheim & Stiehl 1965 ; Cohen 1978, p. 42-44 ; Piejko 1988 ; Quantin & Quantin 2007, p. 186-187. À la l. 11 on lit... τὸ τῆς <Σ>ω[τ]είρας ἱερὸν. Les historiens ont surtout discuté l’identification du roi, la datation du texte (à l’intérieur du IIIe s.) et les restitutions des lacunes, sans s’attarder véritablement sur le contenu religieux du document.
109 Également par Élien, Sur les animaux XI, 9, auquel il faut ajouter toute une série de sources tardives : voir Y. Calvet dans Salles 1984, p. 21-29, avec textes et traductions.
110 Salles 1984, no 225, 231, 269-270, 344-351, avec commentaire p. 129-131. Ces objets correspondent à la phase 2 du sanctuaire, datée du IIe s. a. C.
111 Salles 1984, p. 182. Rien ne permet de relier le temple fouillé avec celui mentionné par l’inscription SEG XX, 411.
112 Salles 1984, p. 125, 179-184 ; Piejko 1988, p. 91-92. Pour ce qui est de la divinité locale, on peut hésiter entre une Atargatis ou la déesse lunaire Nanai, toutes deux assimilées à Artémis : Teixidor 1979, p. 71-76 et 111-113.
113 Ellinger 1984, p. 61 place ainsi Artémis à la limite du sauvage et du civilisé.
114 Cole 1999-2000, p. 472, 475, 477 : « where the land met the sea ».
115 Lamboley 1996, p. 445-446 signale la présence de statuettes retrouvés en plusieurs points du littoral messapien côté ionien, correspondant à des lieux d’échanges commerciaux entre Grecs et indigènes, interprétées comme des objets de culte maritime lié au cabotage. Ces figurines représentant le type de l’Artémis-Bendis tarentine apparaissent à partir du IVe s. a. C. ; elle aurait été alors associée à la divinité locale Thana (Lamboley 1996, p. 432).
116 À Sicyone, Artémis était peut-être honorée sous la même épiclèse à moins qu’il ne s’agisse d’une confusion avec le sanctuaire du Pirée : Clément d’Alexandrie, Protreptique IV, 47, 8 énumérant des statues de dieux païens cite le xoanon d’Artémis Mounichia à Sicyone, œuvre de deux sculpteurs crétois Skyllis et Dipoinos ; nous n’avons pas pu trouver la scholie à ce passage évoquée par plusieurs commentateurs.
117 Cette parenté est à la base des travaux de P. Brulé (Brulé 1993, p. 57) et de P. Bonnechère (Bonnechère 1994, p. 26 ss.).
118 Wilamowitz 1931-32, I p. 183 ; Piccirilli 1981.
119 Wachsmuth 1967, p. 478.
120 Wachsmuth 1967, p. 262.
121 Kahil 1984 avec fig. ; Basch 1987, p. 300 ; Anson 1910-1916, V p. 109, no 794-795, pl. XVII-XVIII. La déesse tient un arc à la main.
122 Kahil 1984 ; Anson 1910-16, V p. 112-113, no 849-852, pl. XVIII ; Robert 1969, p. 1510 note 5. On a autrefois identifié la divinité comme une Aphrodite dont le culte est connu à Leucade.
123 Wachsmuth 1967, p. 365 ; Mc Cartney 1933, p. 2-3.
124 Picard 1922, p. 12, restitue l’existence d’un lieu de culte primitif près du Port-sacré adressé à un arbre ; plus tard on le déplaça en construisant ailleurs le premier temple vers 700 a. C. Notons qu’un arbre marque également à Boiae l’emplacement choisi par la déesse. Picard 1922 (p. 312-320) interprète par ailleurs la procession éphésienne dite de Daitis comme un bain d’Artémis dans la mer, renvoyant à ses prérogatives marines remontant à la grande déesse égéenne.
125 Bodson 1978, p. 52 ; Athénée VII, 325a-d (citant divers auteurs).
126 Bodson 1978, p. 49 ; Piccirilli 1981.
127 Ellinger 1984. Cole 1999-2000 lie cet aspect à la notion de danger, dont la déesse protège.
128 Piccirilli 1981 ; Chirassi 1964.
129 Les études de référence sont celles de Jeanmaire 1951 ; Otto 1969 ; ajoutons-y les riches actes du colloque Dionysos 1991.
130 Maass 1888 ; Glotz 1904, surtout p. 53-54 ; Nilsson 1968 ; Daraki 1982, p. 3-22 (attention cependant à un certain nombre de références erronnées en notes) ; Somville 1984, 1984, p. 14ss. ; Lissarrague 1987 (chap. p. 104-118 « La mer vineuse ») ; Kossatz & Kossatz-Deissmann 1992. En ce qui concerne les Anthestéries et le char bateau, voir seconde partie avec bibliographie.
131 Borzsák 1951, p. 204-205.
132 Glotz 1904, p. 19.
133 Les mentions littéraires sont nombreuses et en ce qui concerne la mise en nourrice de Dionysos répètent les mêmes éléments : scholie à Odyssée V, v. 334 ; scholie à Euripide, Médée, v. 1284 ; Tzetzès, Ad Alexandram, v. 229 ; Pseudo-Apollodore, Bibliothèque III, iv, 2-3 ; Lucien, Dialogues marins 6, 1-2 ; Hymnes orphiques LXXIV et LXXV ; Nonnos de Panopolis, Dionysiaques V, v. 556-561 ; ibid. IX, v. 49-138. Plutarque, De l’amour fraternel, 492d et Camille, 5, 1-2 explique ainsi le culte rendu par les matrones romaines à Mater Matuta, identifiée avec Ino. Sur un rapprochement avec Thésée : Somville 1984, p. 15-16.
134 Devant Lycurgue, Dionysos plonge à plusieurs reprises dans la mer, selon l’œuvre de Nonnos : Dionysiaques I, v. 26-30 ; ibid. XX, v. 343-395 ; ibid. XXI, v. 287-298.
135 Chez le Pseudo-Apollodore, Bibliothèque III, iv, 2-3, l’ordre est inversé : après la mort d’Ino, Zeus confie Dionysos aux nymphes Hyades à Nysa.
136 Dans le poème de Nonnos (Dionysiaques XXXIX, v. 93-122), Dionysos qui harangue ses troupes avant la bataille navale affirme haut et fort qu’il peut bénéficier de l’aide des divinités marines qu’il connaît bien et dont il est l’ami : Poséidon, Nérée, Thétis, Ino, Mélicerte, Glaucos, Phorcys ainsi qu’Éole et tous les vents.
137 Notons au passage que dans ce contexte marin, le pilote hésite à identifier Dionysos entre Zeus, Apollon ou Poséidon, et il craint que le dieu n’envoie contre le bateau des vents terribles et un ouragan (Hymne homérique à Dionysos, v. 19-25).
138 Le commentaire de cette peinture par Bougot 1881, bien que daté, reste très riche de remarques diverses et d’érudition.
139 M. Wellmann, « Aglaosthenes », RE I, Stuttgart, 1894, col. 825 : l’auteur, cité pour la première fois par Diodore, doit être hellénistique.
140 Somville 1984, p. 17-19.
141 Pindare, Néméennes IV, v. 62-64 : feu et lions ; Pseudo-Apollodore, Bibliothèque III, 4-8 : feu, eau, thèrion.
142 Odyssée IV, v. 450 ss. : lion, dragon, panthère, porc géant, eau, arbre.
143 Pour Detienne 1985, p. 143-150, ceci est l’expression du « dieu du jaillissement ».
144 Nous avons écarté l’hydrie étrusque attribuée au Peintre du Vatican 238 (Toledo, Museum of art, inv. 82134) qui représente des hommes mi-hommes mi-dauphins tombant dans la mer. Seule une branche de lierre à gauche du cadre permet de rattacher la scène avec la légende dionysiaque. Dans le cadre supérieur défini par le peintre sur l’épaule du vase, figure un homme barbu avec la partie inférieure du corps en forme de poisson, nageant et tenant dans chaque main une sorte de thon. Ce personnage ne doit pas représenter Dionysos mais plutôt Triton ou une divinité équivalente. N’ont pas été retenus non plus d’autres vases avec dauphins, mais sans Dionysos (voir recensement iconographique de De’Spagnolis 2004, p. 54-60 et pl. XXXIII-XXXVI).
145 Munich, inv. 2044 ; Gasparri 1986, 1 p. 489 no 788 et 2 p. 392. Delivorrias 1987, no 75.
146 Daraki 1982, p. 5 insiste sur le parallélisme établi entre les sept dauphins et les sept grappes, ainsi que sur l’absence de délimitation de la mer – l’eau n’est pas représentée et les dauphins paraissent se répartir à la fois dans et au-dessus de la mer – ; pour l’auteur, le peintre a voulu montrer « l’interpénétration des deux espaces ». Somville 1984, p. 16-17.
147 Lissarrague 1987, p. 94-96 : le vase représente plutôt une « épiphanie triomphale » du dieu, dans un espace sans limites.
148 Frickenhaus 1912, p. 76-77 ; Gasparri 1986, 1 p. 489 no 790 et 2, p. 392.
149 Will 1972, p. 378-383.
150 Plutarque, Alcibiade 32, 2 :... ὥσπερ ἐκ μέθης ἐτικωμάζοντας. Le récit de Diodore, Bibliothèque historique XIII, 69 n’évoque rien de tel.
151 Kossatz & Kossatz-Deissmann 1992, particulièrement la planche 107 ; Schefold 1967, p. 210-211 ; Gasparri 1986, 1 p. 489 no 792 et 2 p. 393 ; Ridgway 1970, p. 88-89.
152 Lissarrague 1987 ; Bacci & Lentini 1994, p. 175-178.
153 De’ Spagnolis 2004, p. 1-40 et pl. I-XXXII, XLI-LI.
154 De’ Spagnolis 2004, p. 40-77.
155 Detienne 1985, p. 149-150 reprend l’image pour définir la dynamis de Dionysos.
156 Aristophane, Fragment 478.
157 Davies 1978, p. 74.
158 Otto 1969, p. 155.
159 Ceci explique le comique des vers 203-205 des Grenouilles d’Aristophane, dans lesquels Dionysos est présenté comme un incompétent en matière de navigation : Davies 1978, p. 74.
160 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 40 et pl. K xlvi souligne le caractère atypique de cette représentation de Dionysos, à son avis très ancienne.
161 Le site est connu pour ses nombreux naufrages : Geyer 1903, p. 6-7 ; Semple 1932, p. 618-619 et 634.
162 Will 1955, p. 222 ; Eitrem 1935, p. 54.
163 Il est difficile de choisir entre les deux sens du mot κόλυµβος : étymologiquement, il se rapporte au saut dans l’eau ; de façon générale, il s’applique à toute immersion y compris la natation. Daraki 1982, p. 8 insiste sur le fait que ce sont les seuls concours connus de ce type.
164 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 50 et pl. M1 : le dieu est représenté un canthare à la main.
165 À ce sujet, voir supra p. 117.
166 ᾜ ὅτι χρησμὸς ἐδόθη, ἁλιέων ἐν τόπῷ Διόνυσον ἁλιέα βαπτίζοιτε.
167 Héphaistos possède également un lien avec Dionysos : lui aussi fut recueilli par Thétis dans son enfance : Iliade XVIII, v. 393-408 ; Pseudo-Apollodore, Bibliothèque I, iii, 5.
168 Dionysos figure parmi les types monétaires de la cité : Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 76 et pl. Qv.
169 Pausanias est le seul à expliquer ainsi le nom ; de nombreuses autres sources le rattachent à Prasiai ou Prasia : Musti & Torelli 1986-1991, III p. 276.
170 Moggi & Ossana 2010, p. 332-334 proposent de situer le bain rituel au Délion, port de Tanagra cité en IX, xx, 1.
171 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, op. cit., p. 114 et pl. xvii-viii. Le numismate considère que le type de la statue de Dionysos représentée sur ces monnaies ne peut correspondre à celle mentionnée par Pausanias, mais doit être de date plus récente. Le Triton constituerait alors une contremarque monétaire de la cité de Tanagra. En revanche, il pense reconnaître la statue de Calamis dans une monnaie augustéenne : le dieu debout tient un sceptre d’une main et de l’autre une grappe : ibid. et pl. xix.
172 Le site se trouve tout à proximité de la ville moderne de Volos, dans le Pélion.
173 La lecture de ce passage a été établie par Maass 1888, p. 70-80.
174 Maass 1888, p. 71-72.
175 La scholie due à Tzetzès de Lycophron, Alexandra, v. 229 évoque un culte de Palaimon à Ténédos :
Καὶ δὴ Παλαίμων· ἀντὶ τοῖ εἰπεῖν· καὶ δὴ τῆς Τενέδου ἡ θάλασσα ἀναβράσει καὶ στενωθήσεται τῷ πλῆθει τῶν Ἑλληνικῶν ὁλκάδων, εἶπε· καὶ δὴ ὁ Παλαίμων, ὁ βρεφοκτόνος, δέρκεται καὶ βλέτει τὴν γραῖαν σύγκοιτον τοῦ Ὠγένου καὶ Ὠκεανοῦ, ἤτοι τὴν Τηθὺν, τουτέστι τὴν θάλασσαν, τὴν Τιτηνίδα, τὴν οὖσαν μίαν τῶν Τιτάνων, τῶν παίδων Οὐρανοῦ καὶ Γῆς. Δέρκεται τί πάσχουσαν; ζέουσαν καὶ ἀναβράζουσαν ἐν ταῖς αἰθυίαις, ταῖς ἐπεστολισμέναις ἐν πλεκτάναις, ἤτοι σχοινίοις. Λέγει δὲ νῦν συμβολικῶς αἰθυίας, τὰ πλοῖα· αἴθυιαι γὰρ κυρίως, ὄρνεα θαλάσσια. Voir également Porphyre, De Abst. II, 55 sur Palémon à Ténédos.
176 Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique V, 36.
177 Le texte de Pausanias pose problème : dans les manuscrits l’épiclèse se lit Κεφαλῆνα, au lieu de Phallène dans le passage d’Eusèbe. Les éditeurs de l’un et l’autre auteur ont longtemps hésité entre les deux substantifs. Finalement la seconde leçon est adoptée par tous, pour des raisons philologiques de formation des substantifs et par rapprochement avec le culte phallique de Dionysos. Svoronos 1914 garde en revanche la première leçon, ce qui lui permet de reconnaître dans le xoanon la figure de proue d’une épave.
178 Svoronos 1914, p. 103 ; Wroth 1894, p. 195-196 no 126-139, pl. xxxviii, no 16-19 (IIe-Ier s. a. C.).
179 L’article de Mass 1888, p. 79 aboutissait aux mêmes conclusions de répartition géographique.
180 Daraki 1982, p. 8 et 20.
181 Pailler 1995.
182 Vélissaropoulos 1980, p. 90 ; Athénée, Deipnosophistes XI, 473d, 475b, 497b, XI, 481f, 482d-e, 496, 500f, 782. Sur des vases en forme de bateau, voir infra p. 381-382.
183 Parke 1977, p. 109.
184 Daraki 1982, p. 17 évoque les vases à boire sur lesquels figurent des embarcations : une fois remplis de vin, elles ont l’air de naviguer sur le liquide. Sur le rapprochement entre la mer et le vin, voir également Davies 1978, p. 72 ss. qui signale entre autres choses le mot pitylos désignant le clapotis de la mer comme celui du vin.
185 Petrakos 1963, p. 545-547 : [Τ]ὸ[ν] hερμεν Ἀειναῦται hιδρύραντο ἐπὶ τες Τιμανδρίδεο καὶ Τιμαρχίδεο καὶ Σκύθεο ἀρχες. Vélissaropoulos 1980, p. 23-24.
186 Vélissaropoulos 1980, p. 23-24 ; Kontoleon 1963.
187 L’histoire est connue également par une « diégèse » : la statue fut seulement blessée à l’épaule et le feu ne put la brûler ; après ces vaines tentatives, les hommes la rejetèrent à la mer. Voir commentaire de l’édition Budé, p. 172.
188 Ibid.
189 Il s’agit du cap Bon : Vélissaropoulos 1980, p. 137 ; Rougé 1966, III p. 1477.
190 Mazaubert 1937, p. 313-324.
191 Cette épiclèse est appliquée à Hermès dès l’Iliade (XX, v. 72).
192 Il pourrait s’agir également de Pan, à qui s’adresse également ce type d’offrandes dans l’Anthologie Palatine. En revanche, nous ne suivons pas l’interprétation de Mazaubert 1937, p. 313-315 qui reconnaît Poséidon à cause de la présence, parmi les objets cités, d’un trident précisément défini comme l’arme d’un dieu : si l’ensemble était consacré à celui-ci, son nom ne serait pas rattaché à un seul objet ; de plus l’ ἀνακτορι τέχνας des pêcheurs ne nous paraît pas définir précisément sa personnalité.
193 Inv. 80. 5-4. 1. Le document a seulement été publié par une brève notice (Conze 1891).
194 Athénée VII, 287a ; 325b. Bodson 1978, p. 52.
195 Voir par ex. le pilier hermaïque et les pêcheurs d’une péliké attique du Ve s. a. C. : Icard & alii, p. 380 et pl. 114,3 (avec réf.).
196 Icard & alii 2011 : divinité de la « petite pêche traditionnelle ».
197 Voir aussi infra p. 248, note 16 le cas discuté de la statuette de Mercure de l’épave de Camarina.
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