Chapitre I. À la conquête de la mer
p. 21-81
Texte intégral
1Le désir et le mouvement de découvrir la mer et, au-delà, de nouveaux espaces s’affirment au travers d’Athéna et d’Héra. La première, par la construction du premier bateau et par sa science nautique, marque le début de la navigation des Grecs qu’Héra accompagne et protège dans leurs périples nautiques. Ces deux déesses se trouvent ainsi veiller à l’expédition des Argonautes, qui évoque l’exploration de l’espace maritime grec vers le septentrion.
ATHÉNA
2Athéna a été rapprochée de la mer par M. Detienne dans un article paru en 1970 intitulé « Le navire d’Athéna »1. Comme l’indique cette formulation, l’étude a porté sur les liens unissant la déesse au monde de la navigation. Il n’est pas dans notre intention de répéter ce brillant travail, mais de reprendre les sources anciennes afin de définir la spécificité d’Athéna par rapport aux autres divinités en matière de culte maritime et d’en voir l’évolution historique, tant littéraire que cultuelle. Dans cette optique, nous insisterons davantage sur les realia et sur le matériel archéologique qui n’avait alors pas été pris en compte.
Les sources
3Les sources littéraires sont relativement nombreuses et à peu près équilibrées entre les traditions mythiques et les témoignages cultuels. Si les premières constituent un ensemble relativement cohérent, les seconds composent – nous le verrons – un tableau plutôt décousu.
Mythologie et épopée
4Dans les récits mythologiques, la personnalité d’Athéna s’affirme notamment par la protection qu’elle accorde à certains héros. Ulysse et Héraclès bénéficient constamment de l’aide de la déesse, mais ils ne sont pas les seuls. Cette dimension tutélaire est interprétée par les historiens des religions comme la raison, notion qu’incarne la déesse, venant s’adjoindre aux qualités physiques et morales des héros2. Ainsi se montre-t-elle apte à veiller sur le personnage pur, qui a toujours respecté les dieux. C’est ce qui est à plusieurs reprises affirmé dans l’Odyssée à propos d’Athéna et de son protégé Télémaque3. En ce qui nous concerne, il convient de considérer si cette aide de la déesse s’étend également au domaine mari
a) L’épopée homérique
5Athéna est mise très tôt en relation avec la mer dans la littérature : elle joue un rôle maritime dès la tradition homérique. Cependant, il est notable que la déesse, pourtant bien présente durant la guerre de Troie du côté des Achéens, n’intervient ni durant le voyage de ces derniers vers Ilion ni dans un quelconque rapport avec les vaisseaux gardés sur la grève du camp grec. En réalité, elle n’intervient sous cet angle que dans l’Odyssée, et ce de manière spécifique puisqu’elle le fait uniquement sur la personne de Télémaque à la recherche de son père. Ulysse en revanche, sous la protection constante d’Athéna, ne semble pas – à première vue en tous cas – bénéficier de son intervention dans le domaine maritime.
6Athéna apporte donc un soutien directement lié à la mer dans ce qui constitue un épisode à part de l’épopée homérique : la Télémachie4. Le fils d’Ulysse parvenu à l’âge de raison décide, sur les conseils d’Athéna travestie en Mentès ou Mentor, d’aller en quête d’informations concernant son père parti d’Ithaque depuis tant d’années5. La déesse ne se contente pas d’exhorter le jeune homme à armer un bateau, elle intervient également dans les préparatifs et la navigation. Tout d’abord (Odyssée II, v. 382-433), elle réunit l’équipage, équipe le navire et l’installe au mouillage aproprié ; lorsque tout est prêt, c’est elle qui donne les ordres de navigation : disposition et recommandations à l’équipage, ordre de départ, et comme véritable commandant, elle occupe la partie arrière du bateau (ἐπὶπρυμνῇ) avec Télémaque qui donne les prescriptions de manœuvre. De surcroît, elle envoie un vent favorable, autant en force qu’en direction (ἴκμενον οὖρον ..., ἀκραῆ Ζέφυρο). Ces capacités maritimes se répètent plus loin dans la Télémachie, lorsque le fils d’Ulysse est pressé par les événements de revenir au plus vite à Ithaque (Od. IV (Télémachie), XV, v. 33-35) : Athéna indique la meilleure route à suivre et assure à Télémaque un vent apte à le pousser dans la bonne direction (οὖρον ὄπισθεν). Ainsi, Athéna affirme par ses actes une maîtrise certaine des affaires maritimes.
7Cette prérogative de la divinité est gardée dans la tradition littéraire fidèle aux textes homériques. Ainsi au IIIe siècle de notre ère, Quintus de Smyrne, dans le récit des événements postérieurs à ceux relatés dans l’Iliade, attribue à la déesse (La suite d’Homère, IX, v. 436-437) la même faculté d’aider à la propulsion du bateau grâce au vent arrière (ἐξόπιθεν ... οὖρον). Cependant, cette fois c’est le camp grec qui bénéficie de ce soutien – plus précisément les occupants du bateau parti à la recherche de Philoctète et de ses précieuses armes – et non plus la personne de Télémaque. Ce dernier n’est plus le seul à bénéficier des qualités d’aide à la navigation d’Athéna : conformément à ce que l’on attend d’elle, il s’agit du groupe des Achéens sous le commandement partiel d’Ulysse.
8Une tradition augustéenne la fait également intervenir lors du retour des Achéens vers leurs contrées respectives. Selon Ovide (Métamorphoses XIV, v. 466-476), parmi les Grecs poursuivis par la colère des dieux, ballotés et violentés par les flots, Diomède est personnellement sauvé grâce à l’intervention de la déesse ; cependant les modalités du sauvetage ne sont pas détaillées précisément par le poète. Cette attention tardive, unique, est cependant à signaler ; il faudra essayer dans un second temps de la rapprocher d’autres épisodes littéraires.
9Enfin, pour en terminer avec la tradition homérique, l’Hymne I à la déesse (v. 9-16) montre la puissance d’Athéna qui se manifeste, dès la naissance de celle-ci, sur tous les éléments y compris l’élément marin. Le soleil suspend sa course, la terre tremble et la mer se déforme en gros creux avant de s’apaiser brusquement. Le pouvoir d’Athéna impose donc sa marque à l’ensemble de l’univers. Dans cette optique, il n’est pas étonnant de voir par ailleurs la déesse guider ses protégés à travers ce même milieu.
b) L’épopée argonautique
10Athéna est surtout connue, dans un contexte maritime, pour ses multiples actions dans la conquête de la Toison d’or en faveur de Jason et de ses compagnons. L’épopée hellénistique des Argonautiques rédigée par Apollonios de Rhodes s’en fait largement l’écho6, ainsi que les réécritures tardives du mythe directement inspirées du précédent ouvrage : celle de Valerius Flaccus au dernier quart du Ier s. p.C. et celle désignée sous le titre des Argonautiques orphiques composée quelques siècles plus tard. La lecture commune des trois poèmes permet de connaître la variété des traditions concernant ce mythe et leur évolution.
11Athéna n’est pas l’unique protectrice du chef de l’expédition ; celui-ci est également favorisé par Héra (voir infra, p. 67-68) et Apollon (voir infra, p. 144-145). Comme les autres dieux, la déesse aux yeux pers intervient dans le processus de la navigation. C’est elle qui est à l’origine de la construction de la nef Argô : ceci est affirmé dès le début du poème (Arg. I, v. 18-19 ; suivi par Valerius Flaccus I, v. 91-99 et 121-126), et selon une longue tradition si l’on en croît l’écrivain. Mais le bateau n’est pas un bateau comme les autres : non seulement pour certains il constituerait le premier du genre (Arg. Orph., v. 59-69), mais surtout il est doué de vie, grâce à une poutre située au milieu de l’étrave, tirée d’un chêne de Dodone (Arg. I, v. 519-535 ; ibid., II, v. 611-614 ; ibid., IV, v. 580-583 ; repris par le Pseudo-Apollodore, Bibliothèque I, ix, 16, et Arg. Orph., v. 266-271 et v. 1155-1157)7. La déesse l’a ainsi intégrée à la coque de l’embarcation afin d’attirer la protection de Zeus, dieu du sanctuaire oraculaire, sur les héros, mais aussi comme élément de bon augure. Le morceau de bois, devenu ainsi l’interprète d’Athéna, les presse au départ car les conditions de vent et de mer sont bonnes (Arg. I, v. 519-525 : ἐκ δ’ ἀνέμοιο εὔδιοι ἐκλύζοντο τινασσομένης ἁλòς ἄκραι). La poutre parlante (αὐδῆεν δόρυ) intervient encore (Arg. IV, v. 576-595 ; Arg. Orph., v. 1155-1170) pour leur porter secours en leur communiquant la nouvelle de la colère de Zeus et le moyen de l’apaiser, et ainsi d’éviter le naufrage à venir du navire. Tout au long du périple, Argô se montre ainsi une embarcation fidèle, bonne navigatrice, douée de sens nautique8.
12Un texte augustéen (Hygin, Astronomie II, 37) évoque, à propos de la constellation portant le nom du vaisseau des Argonautes, les différentes traditions se rapportant à sa construction, notamment les écrits d’Homère, de Pindare, d’Eschyle et Callimaque9. La majorité d’entre elles (complures) le considèrent bien comme le premier bateau qui ait jamais pris la mer. Une seule allusion en revanche est faite à Athéna, à propos du lieu de l’élaboration d’Argô appelé Pagases, situé selon les uns en Magnésie selon les autres en Thessalie. C’est là, « d’après Eschyle et quelques uns », que le bois parlant fut assemblé par la déesse. Cette brève mention montre l’ancienneté, déjà affirmée par Apollonios de Rhodes (I, v. 18-19 : πρόσθεν ἔτι κλείουσιν ἀοιδοὶ) et remontant donc au moins à Eschyle, de la légende attribuant à Athéna une place essentielle dans la construction du bateau, voire même du premier bateau digne de ce nom.
13Cette fonction d’Athéna comme architecte naval est célébrée dans une épigramme du Ier s. p.C. d’Antiphilos (Anthologie Palatine IX, 306). La référence à Argô y est encore explicite, tandis que le poème célèbre de nouvelles techniques de fabrication de navires. La déesse joue un rôle primordial dans les deux cas, car c’est elle qui est à l’origine de ses différentes réalisations navales comme le marque l’emploi du verbe νεύειν. La même idée se trouve exprimée dans le résumé de la légende des Argonautes donné par le pseudo-Apollodore (Bibliothèque I, ix, 16), mais avec un verbe différent ὑποτιθέναι.Une nuance est apportée à cette unanimité par les Argonautiques orphiques (v. 59-69), qui indiquent que c’est sur ordre d’Héra qu’Athéna assuma ce rôle : si cette dernière assure la partie technique de l’ouvrage, l’idée en revient à l’épouse de Zeus. Enfin quelques sources iconographiques d’époque romaine montrent la déesse participant à la construction de la nef. Deux reliefs de terre cuite du milieu du Ier s. p.C. figurent Athéna assise, occupée semble-t-il aux voiles du bateau tandis qu’Argos travaille au ciseau le bois de la poupe10. Une peinture d’Herculanum montrait quant à elle la déesse surveillant la fabrication de l’embarcation11. Ces images témoignent de la vogue argonautique au Ier s. p.C. à laquelle participe l’épopée de Valérius Flaccus, mais aussi de la tradition solidement ancrée d’une Athéna architecte du bateau mythique.
14Athéna ne se contente pas de doter Argô des meilleures qualités, elle suit et protège le voyage. Cette aide à la navigation est célébrée explicitement par un long discours du pilote d’Argô12 destiné à rassurer ses compagnons dans la version de Valerius Flaccus (II, v. 47-68) : la déesse cursus erudiit, saepe ipsa manu dignata carinam est. C’est elle également qui permet la navigation de nuit, en enseignant la science des étoiles et en sauvegardant le vaisseau durant les tempêtes nocturnes. De façon générale, le poète latin (III, v. 487-491) présente Athéna comme consortem curis cursusque regentem envers les héros. Lors du périlleux passage des Symplégades (ou Kyanées : carte 1), elle intervient physiquement pour éviter que le bateau ne soit fracassé contre les roches (Arg. II, 593-606). Après que les Argonautes, sur les conseils de Phinée, aient lâché une colombe afin d’obtenir le présage du franchissement des deux îlots, le bateau qui s’est alors élancé derrière l’oiseau est pris dans les tourbillons. À ce moment la déesse, placée sur un rocher et y prenant appui, donne l’impulsion nécessaire au vaisseau pour qu’il franchisse cette passe dangereuse13. Celui-ci sort indemne de l’épreuve – seul l’aplustre souffre légèrement du choc des Symplégades – et Athéna peut alors rejoindre sa demeure de l’Olympe. La version de Valerius Flaccus (IV, v. 670-693) diffère en cela que c’est Athéna qui envoie elle-même un fulmineam facem afin de séparer les roches, et qu’ensuite elle retient l’une des deux – Héra s’occupant de l’autre – afin de permettre le passage du bateau. L’action physique des deux déesses est de manière surprenante comparée à celle du paysan forçant le taureau à rentrer sous le joug. La prédominance d’Athéna dans la tradition hellénistique est ici amoindrie par la présence d’Héra au même instant critique. La lueur envoyée par Athéna pour indiquer la route à suivre figure également chez Apollonios de Rhodes (Arg. IV, v. 294-297), mais lors du trajet de retour. La déesse – dont le nom n’est pas mentionné, mais qui est identifiable comme telle au vu de ses interventions au voyage d’aller – confirme ainsi la direction proposée par Argos.
15Les Argonautiques orphiques (v. 680-711) racontent ce même épisode du terrible passage des Roches Kyanées14. Athéna n’agit cependant pas directement dans cette version : elle envoie un oiseau, en l’occurrence un héron (ἐρωδιόν) pour servir de guide. Comme il a déjà été précédemment noté, le rôle d’Athéna est minimisé dans les Argonautiques orphiques en faveur de celui d’Héra, qui est encore ici l’instigatrice de l’aide octroyée par Athéna (v. 694-696). Le héron vient se percher au point le plus haut du bateau puis se glisse entre les roches, de façon à montrer aux navigateurs la manière de passer avec le moins de dommage possible ; ensuite, le pouvoir d’Orphée exerce son effet. L’action d’Athéna apparaît donc réduite dans cet extrait : la déesse ne se manifeste pas en personne et c’est à Héra que revient le mérite du péril évité, ainsi qu’au charisme orphique qui triomphe des courants et des écueils. La colombe d’Apollonios de Rhodes s’est transformée en héron, un don divin attribué directement par Athéna. La nature de l’intervention de la déesse est donc totalement différente dans ces deux versions : dans la seconde, plus tardive, Athéna a perdu de ses prérogatives et de sa puissance en matière maritime.
16Malgré l’aide considérable que leur apporte Athéna, les héros eux-mêmes ne lui vouent qu’un sanctuaire. Après leur rencontre avec Triton dans le lac homonyme, les navigateurs rejoignent la Crète où grâce à Médée, ils viennent à bout du terrible Talos. Le lendemain, aux premières heures du jour, ils consacrent un hiéron à Athéna Mινωίς, avant de faire provision d’eau et de reprendre la mer (Apollonios de Rhodes IV, v. 1691-1694). La scène est située sur la pointe Salmônis, c’est-à-dire sur le long promontoire nord-est de l’île compris dans le territoire d’Itanos (voir infra p. 45)15. L’épithète de Minoenne renvoie sans nul doute au roi mythique crétois. Le passage indique ainsi comment un lieu devient sacré, sans pour autant comporter de construction particulière : le « finistère » oriental de l’île porte la marque de la déesse et doit probablement être salué de cette manière par les navigateurs qui le doublent, en l’occurrence ici par les Argonautes qui doivent tant à Athéna.
c) Autres héros
17Trois épisodes héroïques mettent encore en scène une Athéna dans un contexte maritime, veillant ainsi sur Thésée, Héraclès et Oreste.
18De façon générale, la protection de la déesse sur le héros athénien ne concerne nullement le domaine maritime, à une seule exception près. Lors du voyage vers la Crète emmenant le groupe de jeunes filles et jeunes gens destiné au Minotaure, survient l’épisode bien connu de la visite du héros à Poséidon et Amphitrite16. Or, ce n’est pas lors de ce plongeon dans les flots qu’intervient Athéna, mais sur la bonne marche du bateau tout au long de cet épisode. D’après la poésie de Bachhylide (Dithyrambe III), datée de la première moitié du Ve s. a.C., la déesse se manifeste par le vent favorable qui permet au navire d’avancer promptement : les vers 5-8, repris en 90-91, indiquent que les souffles réguliers de Borée sont dus à Athéna porteuse d’égide (πελεμαίγις).
19Dans un autre de ses poèmes, Bacchylide (Dithyrambe II, v. 13-18) évoque un sacrifice offert par Héraclès en Eubée après la destruction de la cité d’Œchalie. Pour ce faire, le héros se rend sur le promontoire situé au nord-ouest de l’île, sur lequel il sacrifie des bovidés à trois divinités précises et selon un ordre d’importance. Après Zeus Kènaios auquel est voué le promontoire (voir infra p. 86-87) et Poséidon, Athéna vient en troisième position avec une offrande moindre, une génisse. Il convient de comprendre pourquoi la déesse, qualifiée de ὀβριμοδερκει (au puissant regard), est ici honorée après le dieu du promontoire et le dieu ὀρσιάλωι (qui soulève la mer). Sans doute, Athéna en tant que protectrice constante d’Héraclès n’est pas omise par celui-ci dans ses actes de dévotion. Cependant il est intéressant de noter la référence à Athéna dans un tel contexte de religion à forte connotation maritime.
20La déesse intervient encore dans un tel domaine au travers d’une version classique du mythe d’Iphigénie. Euripide, dans sa tragédie consacrée aux retrouvailles par Oreste de sa sœur sauvée par Artémis du sacrifice paternel, fait intervenir Athéna alors que tout semble perdu pour nos héros. Celle-ci persuade le roi de la Tauride, Thoas, de les laisser partir tandis qu’elle-même assure la bonne traversée du bateau qui les ramène à Athènes (Iphigénie en Tauride, v. 1486-1489) : non seulement la déesse commande aux vents de favoriser la course du vaisseau, mais de surcroit elle l’accompagne (συμπορεύσεται) afin de veiller sur la statue d’Artémis qu’emmène Iphigénie. Ainsi, Athéna favorise de manière générale le voyage des frère et sœur par voie de mer, depuis le départ en éliminant les obstacles possibles et durant la traversée par l’assurance d’un vent propice et d’une protection constante.
21Les sources littéraires montrent l’existence de liens privilégiés entre Athéna et la mer de façon continue depuis Homère jusqu’à l’époque romaine. Cette relation remonte à l’Odyssée qui la fait intervenir dans un épisode en marge de l’aventure d’Ulysse. Les autres interventions de la déesse dans l’univers homérique sont dues à des poètes tardifs qui doivent s’inspirer pour une part de traditions déjà existantes. Le caractère maritime d’Athéna s’affirme essentiellement à travers l’épopée hellénistique des Argonautes, mais s’affaiblit dans les versions plus tardives du mythe. L’époque classique évoque de façon sporadique une aide d’Athéna envers des héros au cours de leurs voyages maritimes, élargissant le cercle jusqu’ici réduit de ses bénéficiaires.
Témoignages cultuels
22À ces rôles mythiques répondent un certain nombre d’attestations cultuelles. Celles-ci concernent l’Attique, comme l’on peut s’y attendre, mais également l’ensemble du monde grec17 (voir cartes 1 et 12).
a) Attique
– Athènes
23Plusieurs témoignages littéraires nous indiquent de façon indirecte qu’Athéna, souveraine d’Athènes, était invoquée aussi pour des problèmes maritimes. Le texte le plus ancien à ce propos, du VIe s. a. C., est extrait d’une fable d’Ésope intitulée Le naufragé (Fable LIII). Celle-ci met en scène un Athénien, en bien mauvaise posture, invoquant désespérément l’aide d’Athéna en échange d’offrandes variées. Certes, en tant que divinité poliade, elle est la divinité priée de façon prioritaire par les habitants d’Athènes, cependant il est bon de noter qu’à l’époque archaïque elle est sollicitée également lors de dangers encourus en mer18. Plusieurs siècles plus tard, au IIe s. p. C., un autre texte ironique nous donne un renseignement du même type. Dans un dialogue satirique, Lucien (Piscator 47) place ses personnages sur l’Acropole d’Athènes, plus précisément dans le sanctuaire d’Athéna Poliade (ibid. 21), et leur fait emprunter à la prêtresse des lieux des ex-voto qui s’y trouvent. Or, les objets en question se trouvent constituer un attirail de pêche : canne, ligne et hameçon (κάλαμον, ὁρμιάν, ἄγκιστρον), offerts par un marin du Pirée (ὁ ἁλιεὺς ἀνέθηκεν ὁ ἐκ Πειραιῶς). Une telle pratique rappelle bien sûr les épigrammes de l’Anthologie Palatine, qui s’adressent à Hermès (voir infra p. 237) et à Pan19. En tous cas, cette fantaisie de Lucien nous atteste qu’à une date certes avancée, des populations du Pirée vouées à la pêche dédiaient, sur l’Acropole et dans des bâtiments consacrés à Athéna, leurs outils de travail.
24Cette présence d’ex-voto à caractère maritime à l’intérieur du sanctuaire de la déesse sur le rocher sacré est confirmée par au moins une trouvaille archéologique. À l’intérieur de l’Érechthéion, fut découverte une lampe de bronze en forme de bateau explicitement dédiée à Athéna : elle porte l’inscription IEPON THΣ ΑΘΗΝΑΣ. Ce témoignage, en revanche, porte sur une époque antérieure à celle de Lucien puisque l’objet est daté au plus tard des IVe -IIIe s. D’autres représentations de bateaux retrouvés sur l’Acropole sont peut-être de la même manière à mettre en relation avec le culte d’Athéna : tout d’abord le relief dit Lenormant (voir infra p. 395 ss.), objet de nombreuses études d’architecture navale, qui représente un bateau vu de profil propulsé par des rameurs, ainsi qu’un autre fragment sculpté d’une trière (voir infra p. 396). Tous deux sont datés de l’époque classique20. De manière toujours hypothétique, une statuette de bronze représentant un jeune homme sur un dauphin est à joindre aux documents précédents. Il a été trouvé à l’est du Parthénon, avec du matériel archaïque ; l’œuvre est datée du début du Ve s.21
25Les fêtes athéniennes22 vouées à Athéna présentent plusieurs liens avec la mer. Lors des Panathénées au mois d’Hekatombaion, la procession qui conduisait le péplos à la déesse sur l’Acropole comprenait un char d’un type tout à fait particulier : un bateau monté sur roues (voir infra p. 437 ss.). Pausanias (I, xxix, 1) nous en mentionne un lors de sa description de l’Aréopage et des ses alentours immédiats : ναῦς ποιηθεῖσα ἐς τῆς τῶν Παναθηναίων πομπήν. Le fait est principalement connu par Flavius Philostrate (Vie des Sophistes II, 1, 550 = voir corpus p. 536) et par Himerius (Orationes XLVII, 12-16 = voir corpus p. 537-538) qui évoque la déesse admirant le spectacle, ainsi que par d’autres brèves mentions et un bas-relief. Les festivités des Panathénées comportent par ailleurs des courses de bateaux qui ont lieu au Pirée. Elles sont supposées se dérouler entre le grand port et Mounichie23.
26Une autre fête, celle des Plyntéria, verrait le xoanon d’Athéna Polias transporté jusqu’au Phalère et plongé dans la mer24. Cette cérémonie se déroule au mois de Thargélion durant une journée, à la fin du printemps25. Deux sources littéraires la mentionnent, en évoquant un déshabillage de la statue et sa couverture par un simple voile26. Par ailleurs, deux inscriptions indiquent que celle-ci était conduite au Phalère jusqu’à la mer puis ramenée à Athènes semble-t-il, mais on ne nous précise pas à l’occasion de quelle cérémonie27. En réalité, aucune source n’évoque explicitement de bain de la statue pour les Plyntéries : les commentateurs ont rapproché ce nom d’un commentaire de Photius sur des jeunes filles appelées λουτρίδες 28. Or, même si la désignation de celles-ci évoque le bain, rien ne permet non plus de mettre ces loutrides en rapport avec cette fête d’Athéna. Les Plyntéria sont attestées durant les époques classiques et hellénistiques, mais on ne peut assurer avec certitude l’existence, durant son déroulement, d’un bain de la statue dans la mer29. Le rituel du bain, s’il a existé, joue sans conteste un rôle purificateur et régénérateur envers la personnalité magique incarnée dans la statue30. Pour toutes ces raisons, il n’est pas possible d’intégrer les Plyntéria parmi les actes religieux voués à Athéna liés à la mer ou à la navigation31. Notons simplement que le fait que la déesse se rende une fois l’an au bord de la mer – à quelque occasion que ce soit – ne rendait pas impossible par ailleurs un quelconque caractère ou culte maritime d’Athéna : celle-ci ne restait pas confinée à l’intérieur d’Athènes.
– Pirée
27Au IVe s. a. C., un discours d’accusation (Lycurgue, Contre Léocrate, 17) nous informe de l’existence au Pirée d’un temple commun de Zeus et d’Athéna portant la même épiclèse Sôter et Sôteira32. La scène se passe en 338, au lendemain de la bataille de Chéronée ; un Athénien quitte la cité de nuit au moyen d’un navire qui l’attend mouillant au large du port. Le fuyard aperçoit depuis son embarcation l’Acropole et ce hiéron du port. La mention de ces deux sites n’est pas anodine : l’Acropole symbolise la cité-mère que Léocrate déserte, tandis que le temple de Zeus Sôter et d’Athéna Sôteira est sans doute réellement le plus visible depuis le large et le plus significatif pour les voyageurs par mer, qui lui adressent leurs espoirs de bonne traversée. Le sanctuaire – attribué à Athéna et à Zeus sans épiclèse – est situé par Pausanias (I, i, 3) près du port du Kantharos33 ; il se trouvait sans doute au nord-est de celui-ci, mais il n’a pu être encore localisé précisément34.
28Un autre épisode de départ en bateau pourrait se rattacher à ce culte du Pirée. Le texte épigraphique connu sous l’appellation de pseudo-décret de Thémistocle35 comporte un paragraphe concernant des obligations religieuses à remplir avant de prendre la mer. Il convient de sacrifier à Zeus, Athéna, Niké et Poséidon36. Les décisions concernent la flotte athénienne quelques jours avant l’arrivée des Perses en Attique en 480, même si l’inscription est plus tardive au moins d’un siècle et demi37. L’ordre dans lequel sont énoncées les divinités à honorer pourrait suggérer que la flotte adressait ses dévotions à Zeus Sôter et Athéna Sôteira dont le sanctuaire se trouvait tout proche. L’urgence de la situation et la localisation des forces navales, ainsi que le moment choisi pour accomplir le sacrifice alors que les équipages ont embarqué, tout cela laisse soupçonner un culte rendu aux deux divinités du port. La scène dut être similaire à celle narrée par Thucydide pour le départ de la flotte de l’expédition de Sicile (La guerre du Péloponnèse VI, 32, 1-2).
29Le caractère marin du culte commun est indéniable. Des régates avaient lieu en l’honneur des deux divinités lors des fêtes de Diisôteria au mois de Skirophoriôn38. Le fait n’est pas attesté avant 122/1 ; il semblerait que ces épreuves ne vinrent s’adjoindre que tardivement aux fêtes dont le succès et la richesse étaient vantés39. Le trajet de la course nautique partait du Kantharos pour atteindre Mounichie40. Il n’est pas sûr en revanche que tout bateau accostant au port devait acquitter la taxe d’une drachme au sanctuaire41.
30Ce dernier paraît le plus important du Pirée42, mais aussi un des plus anciens peut-être contemporain de la fondation du port43. Les sources témoignent d’un culte dès les Guerres médiques, particulièrement actif au IVe s. – époque à laquelle des travaux importants ont été réalisés – et qui s’est poursuivi jusqu’à l’époque romaine44. Si la personnalité de Zeus y est à peu près discernable (voir infra p. 86 et 103-104), les informations sur celle d’Athéna font défaut. Elle semble jouer un rôle mineur dans cette association cultuelle, mais est néanmoins liée à la navigation et au départ de la flotte de guerre athénienne.
– Sounion
31Le sanctuaire d’Athéna à Sounion fut longtemps confondu avec celui de Poséidon à cause de la méprise de Pausanias (I, i, 1). Le Périégète, qui arrive en Attique par bateau, navigue devant le cap Sounion où on lui montre un mouillage et un temple qui surplombe le promontoire (λιμὴν ... καὶ ναòς Ἀθηνᾶς Σουνιάδος ἐπὶ κορυφῇ τῆς ἄκρας). Les fouilles menées sur le promontoire ont permis de réattribuer le temple du sommet encore visible à Poséidon45, tandis que le sanctuaire d’Athéna fut découvert en contrebas du précédent, au nord-est en dehors de la forteresse du Sounion. Bien qu’erroné, le témoignage de Pausanias transmet le souvenir d’un hiéron voué à Athéna à l’extrémité de l’Attique.
32De façon générale, les sources littéraires à mentionner le sanctuaire d’Athéna à Sounion sont rares contrairement à celui, plus important il est vrai, de Poséidon (voir infra p. 176-178). L’Odyssée mentionne Sounion comme un ἱρòν ἄκρον Ἀθηνέων46, mais sans l’attribuer à une divinité particulière. Outre Pausanias, Euripide est le seul à y faire allusion, dans un passage concernant d’ailleurs le culte de l’Ébranleur du sol (Cyclope, v. 290-295) : dans cette comédie, Ulysse, prisonnier du géant fils de Poséidon l’implore de lui laisser la vie sauve en arguant du fait que les Achéens ont préservé les temples consacrés à son père. Parmi ceux-ci, Ulysse cite Sounion en le précisant dédié à la divine Athéna ; cette mention englobe de façon raccourcie les mines d’argent du Laurion, précisant ainsi de façon implicite qu’Athéna est la divinité maîtresse de toute l’Attique47.
33Le sanctuaire de Sounias a fait l’objet de fouilles et ses vestiges sont encore aujourd’hui visibles sur une butte48 (fig. 1 et 8).
34Au sud de celui-ci un dépôt a livré des offrandes des IXe et VIIIe s., ce qui semble montrer que cette partie du promontoire avait vocation cultuelle depuis une date antérieure à celle du sanctuaire de Poséidon. Le téménos est délimité par un mur d’enceinte à peu près rectangulaire, sans doute très ancien. Au nord, un autre mur circulaire est supposé avoir abrité un culte également ancien car l’aire qu’il délimite est dépourvue de construction49. L’historique du sanctuaire, établi lors des fouilles du début du siècle, a été récemment remis en cause. Il convient de considérer les deux chronologies.
35L’interprétation « traditionnelle » du site considère qu’un premier temple a été érigé dès le VIe s. a. C., c’est-à-dire à une période antérieure à celle du sanctuaire de Poséidon. Il est constitué d’un simple naos de dimensions modestes – environ 5m × 6,8 m d’où sa désignation sous le nom de petit temple – contenant une base de statue, devant lequel se trouve un autel. Il aurait été détruit par les Perses lors de l’invasion de l’Attique, ce qui aurait entraîné la construction rapide du second temple. Celui-ci fut placé au sud du premier suivant la même orientation. Plusieurs publications plus récentes contestent cette chronologie, mais sans l’étayer d’une argumentation. Selon elles, le petit et le grand temple seraient contemporains, tous deux datés de la seconde moitié du Ve s. a. C.50 Sans preuves à l’appui, il est difficile de prendre en considération cette nouvelle interprétation du site ; quoiqu’il en soit le matériel archéologique atteste un culte important à l’époque archaïque.
36Le grand temple présente un plan particulier que décrit par ailleurs Vitruve (De l’architecture IV, 8, 4). Le Palladis Minervae aedes était entouré d’une colonnade sur le côté sud et la façade ; dans le naos subsiste la base de la statue de culte51. Autre originalité : la position supposée de l’autel au sud52. Des socles d’offrandes ont été dégagés également dans la partie méridionale du sanctuaire. La question de la raison de cette organisation des structures ne semble jamais avoir été véritablement soulevée53. Vitruve évoque parmi les plans originaux similaires celui de l’Érechthéion. En ce lieu, c’est bien connu, des raisons topographiques et religieuses expliquent le choix d’un tel plan, ce qui ne paraît pas être le cas de Sounion. Si l’on prend en compte l’orientation générale des structures d’Athéna Sounias, il nous semble qu’elle ne peut se comprendre que dans l’optique de visiteurs venant du sud, c’est-à-dire par voie maritime. Le temple est conçu pour des fidèles qui l’appréhendent depuis la mer. De fait, il reste des vestiges d’une rampe d’accès permettant de rejoindre le port de l’est, où se trouvaient des cales couvertes54. Par ailleurs les fouilles n’ont révélé aucune trace de propylées ou de quelconque entrée pour le sanctuaire55.
37Parmi ce qui est considéré comme les débris du premier état du sanctuaire détruit par les Perses, a été découvert un fragment de tablette céramique représentant un bateau et son équipage ; daté vers 700 a. C. (voir infra p. 401)56, il témoigne d’un culte maritime à cet endroit. Un certain nombre d’objets des niveaux archaïques sont d’origine étrangère – notamment des scarabées égyptiens de la XXVIe dynastie –, attestant la fréquentation du temple par des étrangers ou de voyageurs grecs en contact avec d’autres pays en particulier orientaux. Se trouvaient également parmi les offrandes des kouroi et reliefs de marbre57. Ainsi à l’époque archaïque, Athéna semble prédominante par rapport à Poséidon à Sounion, tant par la chronologie que pour le culte maritime (voir aussi infra p. 356 s.). Poséidon finit par s’imposer, comme si les rôles étaient inversés par rapport à la cité d’Athènes. Néanmoins, l’Athénaion continue à coexister avec le grand sanctuaire voisin jusqu’à l’époque hellénistique. Sous le règne de l’empereur Auguste, des blocs et des sculptures architectoniques sont transportées sur l’Agora athénienne58 ; lors du voyage de Pausanias au IIe s. il ne devait pas rester grand vestige du hiéron.
38En Attique, Athéna reçoit donc un culte maritime sur l’Acropole d’Athènes ainsi que dans les deux lieux majeurs de la navigation attique : sur le grand port du Pirée et au finistère sud du territoire59.
b) Mégaride
39En suivant le littoral à l’ouest, on la trouve ensuite à Mégare, où elle est honorée sous l’épiclèse d’Αἰθυία60. Un πρòς θαλάσση lui est consacré d’après Pausanias (I, v, 3), où se trouve le tombeau de Pandion, roi de Mégare chassé de son trône. Le Périégète évoque à nouveau (en I, xli, 6) celui-ci brièvement, cette fois lors de son passage dans la ville, selon les mêmes termes. Le promontoire devait se trouver en dehors de la cité, car Pandion y possède un hérôon distinct de sa tombe. Un lexicographe tardif enrichit ces pauvres informations. Hésychius (s. v. ἐν δ’ Αἴθυια) rapporte une tradition selon laquelle ce culte mégarien serait dû à une métamorphose d’Athéna en oiseau de mer afin de protéger et emmener Kékrops dans la cité. L’épiclèse correspond au nom de cet oiseau, l’aithyia qui désigne les cormorans (Hésychius, s. v. αἴθυιαι), et ce dès les poèmes homériques61.
40Les deux témoignages sont contradictoires dans le sens où ils ne se rattachent pas au même personnage, mais attestent tous deux une tradition selon laquelle la déesse, sous la forme d’un oiseau, le transporte peut-on supposer au-dessus des flots. Ce double lien héroïque tend à faire considérer le culte mégarien comme bien antérieur à Pausanias62.
c) Péloponnèse
– Achaïe
41Le littoral de l’Achaïe à l’est de Patras comporte selon Pausanias (VII, xxii, 10) un lieu-dit Teichos d’Athéna. Cet endroit est signalé au fil d’une description générale de la côte avec les distances d’un point à l’autre – promontoires ou ports –, ce qui ne laisse aucun doute sur son caractère maritime. Il se situe entre les ports de Panormos et d’Érinéos, vraisemblablement dans la partie de l’Achaïe qui s’avance le plus dans le golfe face au golfe de Naupacte, appelée cap Drépanon63 ; peut-être faut-il y voir un espace qui marque la frontière entre le territoire des deux cités. Le nom de Teichos peut renvoyer alors à la présence d’une fortification à cet endroit stratégique, ou de ruines d’un bâtiment à vocation inconnue – religieuse, militaire ou privée. Quoi qu’il en soit, le Teichos et le sol sur lequel il repose sont consacrés à Athéna, en particulier pour les navigateurs du golfe de Corinthe.
– Laconie
42En Laconie et en Messénie, les descriptions de Pausanias signalent le long de ces littoraux un certain nombre de marques de dévotions envers la déesse en relation avec la mer.
43Tout d’abord entre les cités laconiennes d’Asopos et de Boiae, à deux cents stades de cette dernière, le Périégète (III, xxii, 10) mentionne l’existence, sur un promontoire appelé curieusement Ὄνου γνάθος (Machoire d’âne), d’un sanctuaire d’Athéna caractérisé par son absence de toit et de statue cultuelle64. Son attribution à Ménélas témoigne de l’ancienneté de ce lieu de culte à ciel ouvert. La tradition situe par ailleurs sur ce cap le tombeau du pilote du héros achéen, Kinados. Le lien entre la divinité du promontoire et l’hérôon situé à proximité est ainsi justifié par la légende troyenne. Sur le promontoire qui devait marquer la limite entre le territoire des deux cités65, le voyageur anglais Leake a cru reconnaître les restes du temple sur une butte, à 500 m de la ligne du rivage66.
44Beaucoup plus au nord de la Laconie, non loin de la frontière avec l’Argolide, le petit promontoire de Brasiae – aujourd’hui Plaka – était marqué de quatre statues de bronze (Pausanias, III xxiv, 5)67. Trois d’entre elles portaient un pilos sur la tête, ce pourquoi Pausanias y reconnaît des Dioscures ou des Corybantes ; la dernière est en revanche catégoriquement identifiée comme une Athéna. Il faut sans doute voir dans ce groupe les Cabires et la déesse, ce qui confirme la valeur maritime à accorder à ces sculptures68.
– Messénie
45En Messénie, le visage maritime d’Athéna se précise. Sur la côte ouest du Péloponnèse, elle est appelée à Mothone sous l’épiclèse d’Anémôtis, selon une tradition attribuée à Diomède (Pausanias IV, xxxv, 8). Celui-ci, alors que la contrée était ravagée par des vents violents, invoqua la déesse qui ramena le calme69. En remerciement, le héros lui consacra une statue, déposée dans un temple (ναός) visité par Pausanias au IIe s. L’agalma devait présenter un aspect ancien pour être ainsi daté de l’époque du héros fondateur de la cité70 ; il figure par ailleurs peut-être sur des monnaies romaines71. Le culte d’Athéna Anémôtis est révélateur de la vocation maritime de la cité dont il ne reste aucun témoignage archéologique antique72.
46Plus au nord, le promontoire Koryphasion de Pylos comporte un hiéron de la déesse, désignée de manière toponymique Κορυφασία (Pausanias IV, xxxvi, 2)73. Le Périégète ne fournit pas plus de détail, hormis la présence dans la même zone d’un sanctuaire de Nestor. L’endroit nous est plus connu sous les noms de Navarin et de Sphactérie ; le cap en question se situe précisément au nord de cette dernière, à l’entrée de la baie74. Il correspond probablement à l’Acropole de la cité historique75. La statue de culte de la divinité poliade fait partie des types monétaires de la cité76.
47Le Péloponnèse, principalement dans sa moitié sud, est ainsi marqué par la personnalité d’Athéna à qui sont consacrés plusieurs promontoires. Ce caractère maritime de la déesse semble remonter à une époque ancienne et est souvent mis en relation avec des héros troyens : Nestor, Diomède, Agamemnon et Kinados.
48Si nous continuons l’enquête en mer Égée, quatre îles (1 des Sporades, 1 des Cyclades, 1 du Dodécanèse et la Crète) montrent également des liens entre Athéna et l’environnement maritime.
d) Îles de la mer Égée
– Skyros
49Quelques vers de Stace (Achilléide I, v. 695-698), quoique figurant au sein d’une épopée héroïque, sont dignes d’attention. Ulysse, parti à la recherche d’Achille dans le but de l’entraîner dans la guerre de Troie, parvient à Skyros, près de la côte escarpée de l’île (se scopulosa levavit / Skyros) ; au moment d’accoster, l’auteur nous donne cette indication curieuse des sentiments religieux qui occupent l’esprit des voyageurs : magis indubitata magisque/Skyros erat placidique super Tritonia custos/litoris. Non seulement ces quelques mots indiquent la nature d’un pouvoir attribué à la déesse, celui de protéger un littoral et de lui assurer un aspect tranquille, mais encore l’adverbe super peut laisser supposer l’existence d’un temple de la déesse surplombant le rivage de l’île. La phrase suivante nous indique d’ailleurs qu’après leur débarquement les héros rendent grâce à Athéna, peut-être dans ce sanctuaire tout proche, comme on se doit de remercier les dieux après toute traversée réussie77. Même si le témoignage de Stace, daté de la fin du Ier s. p. C., doit être considéré avec grande prudence en ce qui concerne Skyros – vu l’aspect imaginaire du genre littéraire et de l’itinéraire parcouru par Ulysse à la recherche d’Achille –, il doit néanmoins référer à des situations et pratiques similaires dans l’archipel égéen : un sanctuaire ou une statue d’Athéna surplombant une côte que l’on suppose alors placée sous la protection de la déesse.
– Délos
50Athéna est peu présente dans le sanctuaire délien78. On la trouve cependant sur le Cynthe, où en tant que Kynthia elle est associée à Zeus. Les inventaires déliens mentionnent, pour ce sanctuaire du mont, au milieu du IIe s. a. C., plusieurs tridents79. Sans doute ces petits objets témoignent-ils d’un culte commun de la part de simples pêcheurs.
51Une deuxième source, hypothétique, peut renvoyer à une offrande plus monumentale à la déesse en relation avec le monde maritime. À l’intérieur du Néôrion de Délos, identifié avec le Monument des Taureaux (voir infra p. 359 s.), dans la partie nord appelée thalamos, se trouvaient déposés un certain nombre d’objets, inventoriés par les administrateurs du sanctuaire. Un compte daté de 166 a. C.80, malheureusement incomplet, mentionne la présence, dans ce local abritant un bateau en guise d’ex-voto, de deux statues de bronze d’Apollon, une de Poséidon et d’une troisième divinité : Athéna, affublée de deux Nikés de bronze. La suite du texte manque, et la restitution suivante a été proposée : Ἀθηνᾶν Νίκας δύο χαλκᾶς / [ἐπὶ τῆς δεξιᾶς χειρòς ἔχουσαν. La représentation ne manque pas de surprendre, car on ne lui connaît aucun parallèle81. La déesse doit faire référence à la victoire navale, célébrée par ailleurs par le bateau et son écrin82.
52Enfin signalons encore pour Délos des listes de pompostoles de Zeus Polieus Sôter et d’Athéna Polias Sôteira qui seraient à rattacher à un autel commun des deux divinités, identifié de manière très incertaine avec l’autel hellénistique situé à l’angle sud-est du Monument des Taureaux83. Cette association des deux divinités rappelle celle du Pirée (voir supra, p. 33 s.) et l’on serait tenté d’y reconnaître un culte maritime ; mais ceci ne reste qu’une hypothèse.
– Rhodes
53En revanche, que la divinité poliade lindienne84 présente un caractère maritime indéniable, diverses sources nous l’indiquent.
54La position de son sanctuaire tout d’abord, qui surplombe la cité et la mer : le temple de la déesse, visible depuis le large, affirme la protection d’Athéna sur les eaux rhodiennes85. Par ailleurs, sa statue à Lindos, d’après le Pseudo-Apollodore (Bibliothèque II, i, 4) est à mettre directement en relation avec ses qualités nautiques. Le mythographe rapporte comment Danaos, entré en rivalité avec son frère Égyptos, fut le premier (πρῶτος), suivant les ordres d’Athéna (ὑποθεμένης Ἀθηνᾶς), à construire un bateau et à prendre la mer. Lorsqu’il accosta à Rhodes, il remercia la déesse en lui élevant une statue. Cette offrande mythique suite à une navigation réussie est suivie d’autres attestations similaires. Dans la fameuse Chronique lindienne, Timachidas de Rhodes (Fgt 12 = Chron. lind. B XII, l. 73-77) recense, vers 100 a. C., parmi les ex-voto anciens du temple, des gouvernails voués à Athéna et Poséidon attribués au pilote de Ménélas, Kanopos (voir infra p. 411). Selon le même texte, un certain Amphinomos et ses fils de Sybaris ont dédié à la déesse une vache et veau en bois après le sauvetage de leur bateau (Chron. lind. C, XXVI, l. 15-20), en guise de dîme ; la même part d’un profit maritime crétois a également été consacré par Arétos et ses fils (ibid. B, XVI, l. 101-108)86. Au milieu du IIIe s. a. C., la flotte de l’île consacre à la déesse lindienne une base en forme de proue de bateau sur l’agora de la ville suite à un succès naval (voir infra p. 386 s.). Parmi les petits objets, figurent également des coquillages et du corail (voir infra, p. 504).
55L’importance maritime de la cité apparaît à travers le culte rendu à la divinité poliade87. La tradition s’attache à renforcer cette image d’une Athéna, protectrice de la navigation et tout particulièrement des bateaux. Il est à souligner à ce propos que les Argonautiques hellénistiques composées par un enfant de l’île accordent, on l’a vu, un rôle essentiel à Athéna dans le déroulement du périple. Son culte semble s’être diffusé également dans un contexte très maritime88.
e) Crète
56Un itinéraire maritime anonyme tardif89 (Stadiasmus, sive Periplus Maris Magni, 318) indique la présence, sur le promontoire le plus au nord de la Crète appelé Sa(l)mônion, l’existence d’un sanctuaire d’Athéna (ἱερòν Ἀθηνᾶς) détruit à l’époque de la source qu’a utilisée l’auteur du Périple. Seuls subsistent le mouillage et un point d’eau douce. Le site est dit se trouver à 300 stades de l’île Kasos, située au sud-ouest de Karpathos. Nous avons déjà évoqué ce sanctuaire pour la tradition qui le faisait remonter aux Argonautes (Apollonios de Rhodes, Argonautiques IV, v. 1691-1694 : voir supra p. 27). D’autres informations viennent compléter notre connaissance à son sujet90.
57Jusqu’à nos jours, la sainteté du lieu a été maintenue par une chapelle dédiée à saint Isidore. Deux inscriptions attestent également l’existence et la localisation de l’ancien culte : elles mentionnent le nom d’une Athéna Samônia91 ; cependant toutes deux ont été trouvées sur d’autres sites crétois. La première92, provenant de Sulia, est une dédicace de parents en faveur de leurs enfants à Athéna Samônia ; elle est datée du IIe s. a. C.93 La seconde inscription94, datée de la même époque, était gravée sur un fragment de colonne aujourd’hui perdu de la cité de Hierapytna. Elle comporte une énumération de dieux invoqués, parmi lesquels figure encore une Ἀθαναία Σαμωνία.
58Outre ces inscriptions, des graffiti ont été relevés sur les roches avoisinantes du site, de dates très variées semble-t-il95. L’un d’entre eux96 montre dans la partie supérieure une main et en-dessous de celle-ci un phallus ( ?) ; au-dessous de ces dessins, figure une inscription boustrophedon comportant le nom d’Athéna. D’après les caractères, le texte serait daté de l’époque archaïque97. Les autres graffiti relevés dans cette zone présentent un dauphin, des pieds ou encore un bateau98 : dessins renvoyant peut-être au souhait de bon voyage, d’εὔπλοια99. Même si les inscriptions ne s’adressent pas directement à Athéna Samônia100, elles témoignent en tous cas du caractère profondément maritime de la zone où se situe le sanctuaire de la déesse. L’ensemble des informations renvoie l’image d’un culte ancien, sur un finistère connu des navigateurs, qui connaît une vie religieuse perdurant durant toute l’Antiquité et même bien au-delà. L’attestation du nom de la déesse en dehors de cette extrémité nord-est montre que ce culte était reconnu dans toute la Crète.
f) Ionie
59En Ionie, Athéna reçoit un culte lié à la navigation à Cyzique101. Les Argonautes y auraient laissé des traces de leur navigation. Ainsi, peu après leur départ, lors de leur arrivée à cet endroit, les voyageurs changent d’ancre de pierre (εὐναίης ὀλίγον λίθον) pour une autre mieux adaptée à leur bateau. La pierre abandonnée est plus tard consacrée par les Grecs de la région, suivant un oracle d’Apollon, dans un temple dédiée à la déesse, alors appelée Jasonienne (Argonautiques I, v. 953-960 ; voir infra p. 460). L’indication est d’importance, car elle signifie qu’à l’époque d’Apollonios (IIIe s. a. C.) est connu un sanctuaire consacré à Athéna à Cyzique, dans lequel on montre des objets remontant selon la tradition aux Argonautes et renvoyant à son rôle d’auxiliaire de la navigation. Un résumé de la fin d’un itinéraire côtier du IIe s. p. C. (Denys de Byzance, Anaplus Bospori 87) nous apprend de surcroît que le lieu où l’on supposait que l’ancre avait été abandonnée était identifié avec un promontoire, portant le nom de circonstance Ancyreum. Le caractère maritime de la déesse dans cette zone est clairement défini par ses habitants qui ont jugé bon de lui dédier la pierre et le promontoire en souvenir de son action en faveur des héros navigateurs.
60Une épigramme votive de l’Anthologie Palatine (VI, 342) présente un autre rapport privilégié entre Athéna et la ville de Cyzique en ce qui concerne la navigation. En effet la déesse, considérée comme l’inventrice d’un art ancien (πρώταν ποτ’ ἐμήσατο s.e. τέχναν) qui est celui de la fabrication du premier bateau, honora les habitants de la cité – selon leurs propres termes – de cette science, en remerciement de leur dévotion à son égard ; cette distinction est rappelée par la présence d’un ex-voto maritime, une petite stylis, sous un portique appelé portique des Grâces. Les commentateurs discutent le fait que ce portique et cet objet aient été situés à Cyzique ou en trésor à Delphes102. Quoi qu’il en soit, le petit poème atteste bien l’existence d’un culte à Athéna par les Cyziquéens pour des motifs maritimes, dont ils font remonter l’origine aux débuts de la navigation : ils en seraient en quelque sorte les pionniers après le Argonautes.
61Un autre fragment du même itinéraire nautique du Bosphore (Anaplus Bospori, Fgt 8) indique par ailleurs que dans cette zone on honorait une Athéna sous l’épiclèse d’Ekbasia (du Débarquement). Le culte est attribué aux fondateurs de la colonie qui mirent pour la première fois pied à terre à l’endroit où est érigé l’autel de la déesse. L’auteur reproduit ici une source plus ancienne (Dionysos), malheureusement non datée. L’épiclèse et l’explication qui en est donnée semblent indiquer un culte archaïque103.
g) Grande Grèce et Sicile
62Les sites du monde grec occidental ne sont pas en reste en ce qui concerne le culte rendu à Athéna. Pour deux d’entre eux, le caractère maritime de cette divinité est fortement prononcé (cartes 12 et 14).
– Cap Iapygie
63À l’extrémité du territoire des Salentins se trouve un sanctuaire d’Athéna mentionné par un certain nombre de sources. D’après Denys d’Halicarnasse (Antiquités romaines I, 51, 3), le site est connu pour être un lieu important de la géographie virgilienne : c’est là qu’Énée aurait mis pour la première fois le pied en Italie. L’Athénaion ne serait pas situé au cap d’Iapygie proprement dit mais à proximité, puisque les deux endroits constituent deux points de mouillage différents. Le hiéron, situé sur un ἀκρωτήριον, présente l’avantage d’un point d’ancrage en saison estivale (θερινòς ὅρμος) qui depuis aurait reçu le nom de λιμὴν Ἀφροδίτης.
64La version virgilienne (Virgile, Énéide III, v. 525-553) est loin d’être aussi précise. Le poème nous décrit l’Italie telle qu’elle est apparue à Énée et ses compagnons après leur départ de Bouthrotos. Alors qu’ils s’approchent de celle-ci, après une libation aux dieux pour une bonne navigation, un port s’offre à eux en arc de cercle que surplombe sur un arx le temple de Minerve, échappant ainsi aux humeurs des flots. Les Troyens se rendent au temple pour y rendre grâces à la déesse, ainsi qu’à Junon argienne. Il est à noter la qualification de graiugenum donnée à la contrée : le sanctuaire est considéré, dans la culture augustéenne, comme un lieu ancien appartenant à une tradition grecque. Ceci explique peut-être pourquoi Énée et ses compagnons ne sacrifient pas à Athéna seule tandis que le port a ensuite été attribué à Aphrodite. Le sanctuaire est de surcroît lié à deux traditions héroïques : celle d’Ulysse et celle d’Énée.
65Le lieu est mentionné également par Strabon (Géographie VI, 3, 5) qui répète à peu près les mêmes informations. Le sanctuaire d’Athéna, situé non loin du cap Iapygien, appartient aux anciens colons grecs que sont les Salentins. Le géographe précise cependant que l’Athénaion était autrefois (πoτέ) connu pour sa richesse. On peut supposer, en réunissant toutes ces informations, qu’il s’agissait d’un sanctuaire important dès l’époque archaïque et dont la fondation coïncide avec les mouvements de colonisation de la région. À la fin de l’époque hellénistique, le sanctuaire garde un certain prestige dû à son passé glorieux, mais semble avoir diminué d’importance.
66La localisation de l’Athénaion a été sujet à controverse : l’hypothèse la plus vraisemblable et généralement admise aujourd’hui le situe à l’extrémité du Salento à Santa Maria di Leuca, à l’emplacement de la cathédrale actuelle, en surplomb sur le canal d’Otrante104.
– Sorrente
67Strabon, dans sa description du sud de la Campanie, évoque à plusieurs reprises un ' Ἀθηναίον. on. Celui-ci est situé sur un promontoire, qui ferme le golfe de Sorrente nommé Κρατήρ, délimité de l’autre côté par le cap de Misène (Géographie V, 4, 3). Le temple est visible de loin, grâce à son implantation sur un promontoire orienté vers le sud, appelé par certains Σειρηνουσσῶν ἀκρωτήριον (ibid., V, 4, 8). Ce point de la côte italienne s’avance ostensiblement dans la mer vers l’île de Capri, délimitant au nord le golfe de Naples/Poseidonia (ibid. I, 2, 12). Le nom du promontoire est à mettre en relation avec un sanctuaire voisin consacré aux Sirènes et à des îlots rocheux du même nom dans la baie, ce que Pline l’Ancien (Histoire naturelle III, 62) expose lui aussi brièvement105. Strabon nous apprend par ailleurs que la tradition fait remonter la fondation du temple d’Athéna à Ulysse, et que le promontoire était aussi désigné simplement du nom de la déesse. Ceci témoigne de l’ancienneté du culte et du sanctuaire ainsi que d’une lecture locale de l’Odyssée qui devait localiser à cet endroit l’épisode du retour du héros, selon lequel il sort vainqueur de sa confrontation avec les femmes-oiseaux106. L’attribution à Ulysse de ce temple légitime également pourquoi c’est Athéna qui est honorée à cet endroit.
68Le site est connu par des sources postérieures. Dans la seconde moitié du Ier s. p. C., Stace évoque à plusieurs reprises le temple d’une Minerva Tyrrhena : tout d’abord dans la description de la villa de Pollius Felix (Silves II, 2, v. 1-3), puis dans un poème de vœux de bon voyage par voie de mer adressé à Mecius Celer (III, 2, v. 1-55). Dans les deux cas, le poète qui s’adresse à des personnes de sa connaissance évoque pour eux des points culturels communs. Le contexte dans lequel apparaît la déesse est assurément maritime. La villa du bord de mer, à Sorente, est voisine des saxa sur lesquels se trouve le temple. Le poète imagine Mecius Celer offrant une libation depuis le navire à Minerve Tyrrhénienne, lorsque le bateau passe à proximité de Capri au large de son sanctuaire. Dans un troisième poème, Stace (V, 3, 162-166) représente la déesse dominant les eaux de la cité de Sorrente. Il est indéniable qu’Athéna-Minerve possédait sur le littoral sorrentin, sur un point élevé, un sanctuaire et qu’on lui rendait un culte maritime107 notamment à bord des bateaux quittant le port ou naviguant au large. La déesse veillait, de par sa position stratégique, sur la navigation dans la zone. Le sanctuaire a été localisé à la pointe Campanella, où a été découverte une inscription rupestre en osque relative à des meddices Minervii, datée après la fin du IVe et avant le IIe s. a. C.108. Les vestiges archéologiques mis au jour montrent un culte actif dès l’époque archaïque, avec un accès direct au sanctuaire depuis la mer, par une grotte naturelle et un escalier aménagé par ces meddices109. L’épithète donnée par Stace à la déesse est relayée, dans la troisième mention, par le nom donné à la mer elle-même : il est ainsi difficile de savoir si la désignation de Minerva Tyrrhéna correspond à une épiclèse ou s’il s’agit d’un raccourci du poète.
69Un épisode historique rapporté par Tite-Live (Histoire romaine XLII, 20, 3-4) a peut-être eu pour cadre l’Athénaion sorrentin. En 172 a. C., un orage renverse la colonne des rostres du Capitole romain, à la suite de quoi des mesures religieuses sont préconisées. Un sacrifice doit être réalisé à la fois au Capitole et au promontoire de Minerve en Campanie : ce dernier vraisemblablement ne fait qu’un avec le sanctuaire face à Capri. Le fait que ce soit celui-là et pas un autre qui fasse l’objet de ces précautions rituelles est à interroger. Le contexte est nautique, les rostres de la colonne provenant de bateaux pris sur l’ennemi. S’il convient d’apaiser Minerve par un sacrifice, ce peut être ou bien parce que les rostres provenaient de la zone en question et étaient à l’origine consacrés à la déesse, ou parce que celle-ci était considérée comme ayant un rôle particulièrement important dans l’issue des batailles navales menées par les Romains. L’épisode livien renforce l’impression d’un culte maritime rendu à Athéna, encore important à l’époque hellénistique110.
– Pouzzoles
70Un peu plus au nord, à Pouzzoles, dans un même contexte littoral, est attestée la présence d’Athéna, probablement sous la forme d’une statue sinon d’un temple sur un promontoire dominant la mer. C’est une citation de Sénèque (Lettres à Lucilius 77, 2) décrivant l’animation que provoque, au premier siècle de notre ère, l’arrivée des navires alexandrins dans le port, qui nous l’apprend. L’expression utilisée alta procelloso speculatur vertice Pallas n’est pas du philosophe, sans que l’on connaisse l’identité de son véritable auteur111. Elle permet de supposer cependant l’existence d’une consécration de ce lieu à Athéna, au moins pour l’époque hellénistique.
– Syracuse
71En ce qui concerne la Sicile, un passage de Polémon le Périégète (Fgt 75, éd. Preller = Athénée, Deipnosophistes XI, 462b-c) daté de la fin du IIIe ou du début du IIe s. décrit un rituel effectué à bord en rapport avec Athéna à Syracuse. Le texte est ainsi interprété112 : les équipages des bateaux qui quittent le port sicilien, au moment où le bouclier de la statue de la déesse devient invisible, consacrent à la déesse une coupe ainsi que son contenu en la jetant à l’eau. Ce geste serait confirmé archéologiquement par le nombre important de coupes trouvées dans le port de Syracuse mais aussi dans d’autres. Cette lecture très séduisante au premier abord est contestable par une étude plus attentive du texte grec. La description laisse supposer deux vases différents : celui mis en relation avec une eschara, et puis celui contenant des libations utilisé à bord. En effet, le premier est désigné avec l’article défini (τὴς κύκικα) et non le second, qui est qualifié de surcroît κεραμέαν. Le passage pourrait donc correspondre à une mauvaise retranscription par Athénée, qui a peut-être coupé le texte original. L’accent est mis dans le rite sur le contenu de la coupe : fleurs, miel, aromates divers. Il n’est pas assuré en revanche que la coupe soit jetée avec son contenu : le verbe ἀφίημι signifie « laisser aller » et peut désigner le geste de tendre le vase vers l’eau de façon à laisser tomber – καθίημι est d’ailleurs le verbe utilisé pour le mélange offert en libation – ce dont il est rempli. Ceci correspond aux nombreux exemples de libations qui apparaissent dans la littérature113 selon lesquels le récipient est conservé à bord une fois l’acte accompli. L’amas de céramiques à l’entrée du port peut tout aussi bien correspondre à un chargement de vases noyé à cet endroit ou simplement aux ordures des usagers du port durant plusieurs siècles114 ; en tous cas, le texte de Polémon ne peut constituer en aucun cas une preuve décisive d’un tel rituel. En ce qui concerne la déesse, l’écrivain désigne par ailleurs comme point de repère le bouclier du temple d’Athéna et non pas sa statue, ce qui semblerait plus naturel. Le naos d’Athéna à Syracuse est situé sur l’île d’Ortygie, sur le point le plus élevé115. Le témoignage de Polémon doit ainsi être intégré parmi les mentions de libation à bord au moment du départ, au large du sanctuaire d’Athéna. Il rejoint ainsi les sources concernant Sorrente et le rituel des marins devant un hiéron de la même divinité.
h) Aux confins du monde grec
72Deux dernières attestations de géographes complètent cet inventaire des cultes maritimes d’Athéna.
– Ibérie
73La première est rapportée par Strabon (Géog. III, 4, 3), qui répète le témoignage d’un de ses prédécesseurs, Asclépiade de Myrléa, à propos d’un sanctuaire ibérique d’Athéna. Selon lui, dans l’arrière-pays d’Abdèra, se trouve un endroit nommé Odysséia116 d’après le célèbre navigateur, où l’on trouve un hiéron de la déesse sur les murs duquel on montrait des boucliers et des éperons de navire (ἀκροστόλια) lui ayant appartenu (voir infra p. 419). Que des boucliers attribués au héros homérique soient présentés dans un sanctuaire de Pallas n’a rien d’étonnant, quand on considère son rôle de protectrice d’Ulysse tout au long de l’Odyssée. En revanche, la présence d’éperons ne renvoie à aucun épisode connu où la déesse aurait apporté une aide maritime au héros. De plus l’emplacement de ce sanctuaire à l’intérieur de la montagne, et non directement sur le littoral, ne manque pas de surprendre117 (carte 11).
– Éthiopie
74Enfin, selon Claude Ptolémée (Géographie IV, 7, 11), au large de la côte éthiopienne se trouve une île nommée Bωµòς Ἀθηνᾶς νῆσος. Cette description géographique du IIe s. p. C., qui enregistre des renseignements de datations diverses, montre ainsi qu’une île peut être consacrée à Athéna, vraisemblablement à cause de la présence sur son rivage d’un autel qui lui a été consacré par des Grecs118. Ceci n’est pas sans évoquer les sacrifices littoraux de la flotte d’Alexandre dans son périple indien119. En raison de ce parallèle et de la localisation en Éthiopie, il n’est sans doute pas inconsidéré d’y reconnaître une appellation hellénistique.
75En comparant les sources mythologiques et les sources cultuelles, une constatation s’impose : de façon générale, il faut souligner que les attestations de cultes d’Athéna liés à la mer renvoient elles aussi à des personnages héroïques. Cette aide accordée aux héros dans la tradition poétique se retrouve ou dans l’attribution à ceux-ci de l’origine du culte, ou dans un lieu qui comporte également un hérôon.
Iconographie isolée : Athéna et l’univers maritime
76À ces divers indices mythologiques et culturels viennent s’ajouter pour ce dossier un certain nombre de documents iconographiques, non rattachables aux sources précédemment étudiées, montrant un lien privilégié entre Athéna et la mer. Ils ne constituent pas pour autant des preuves d’une personnalité marine de la déesse : ils peuvent servir à comprendre dans quel contexte ou quel état d’esprit celle-ci a pu être invoquée pour des motifs maritimes.
a) Le bouclier d’Athéna
77Athéna est identifiable, iconographiquement, grâce à certains attributs : le casque, l’égide, la lance et le bouclier – tous n’étant pas systématiquement représentés – constituant un répertoire répétitif. Un motif cependant varie d’une représentation à l’autre : l’épisèmon du bouclier. Peu d’études se sont intéressées à la valeur à accorder à celui-ci, notamment sur les amphores panathénaïques120. Un passage de Plutarque peut nous inviter à penser que le décor choisi pour orner un bouclier n’était pas dû au hasard. Le moraliste raconte en effet qu’Ulysse choisit un dauphin comme épisème en souvenir de ce qu’un tel animal ait sauvé Télémaque de la noyade121. De la même manière, on peut penser que les peintres qui réalisaient l’ornement du bouclier d’Athéna évoquaient – peut-être à leur insu – une qualité, un trait de personnalité qu’ils prêtaient à la divinité ou indirectement à la cité d’Athènes. Sans vouloir accorder une importance inconsidérée à ces éléments décoratifs, il convient cependant de noter l’attestation de plusieurs épisèmes marins appartenant à la déesse.
78L’ancre apparaît sur deux amphores panathénaïques attribuées au peintre d’Antiménès, datées entre 520 et 510, l’une conservée au musée de Boulogne/mer (fig. 2)122, l’autre à Copenhague123.
79La figuration de ce motif est d’autant plus remarquable qu’elle est rare dans la peinture grecque124. Une Athéna d’une amphore datée des mêmes années porte un bouclier orné de deux dauphins125, tandis qu’un exemplaire du Louvre n’en présente qu’un seul126. Il est à noter la concordance chonologique de la plupart de ces différents documents, sans qu’on puisse pour le moment les expliquer de manière satisfaisante127.
b) Athéna à l’aphlaston
80Une amphore de Nola du peintre de Nikon montre une Athéna reconnaissable à son égide tenant de la main droite la lance et brandissant de la gauche un aphlaston128. Devant elle court une jeune femme, que l’on interprète comme une personnification de l’Asie. L’image constituerait une allusion directe à la victoire de la Seconde Guerre Médique, ce qui correspondrait tout à fait à la datation du vase entre 480 et 460129. Sur un lécythe attique à figures rouges attribué au peintre Brygos, daté entre 480-470, figure également une Athéna à l’aphlaston à laquelle a été prêtée la même signification130. Des variantes montrent une Nikè tenant à la main la même partie de bateau. Dans les années qui ont suivi le succès de Salamine, les peintres athéniens à travers l’iconographie ont glorifié l’action de leur cité et ont naturellement associé à la victoire leur divinité poliade131.
81Le motif apparaît également en dehors de l’Attique. Une gemme en cornaline, d’origine probablement chypriote, figure une Athéna promachos tenant de la main gauche un aphlaston ; à ses côtés se dresse un serpent interprété comme une allusion à Érichthonios132. L’objet est daté de la fin du Ve s. a. C. Un tel travail provient, comme c’est le cas pour d’autres objets de l’île, d’artistes puisant largement dans le répertoire iconographique attique. Il n’est donc pas rattachable à un événement ou un culte particulier de Chypre133.
c) Athéna sur un bateau
82La représentation iconographique d’Athéna sur un bateau relève des types monétaires. Plusieurs cités ont frappé des monnaies présentant ce motif, qui ont pour point commun d’être toutes hellénistiques134.
83Phasèlis en Lycie a émis dans les années 190-168 des statères d’argent présentant au revers une proue de navire de guerre portant face au stolos ce qui ressemblerait à une Athéna debout stylisée135. La silhouette du personnage rappelant fortement un épouvantail laisse supposer une ornementation de type phénicien attestée également sur des monnaies et par un passage d’Hérodote (Enquête III, 37), plutôt qu’une représentation réelle de divinité136. Cependant la comparaison de ces statères avec des monnaies contemporaines offrant au droit une proue surmontée d’une chouette et au revers Athéna confirme le lien d’Athéna avec la navigation dans la numismatique phasélienne de la première moitié du IIe s. a. C. Ceci est à rapprocher d’une inscription du IVe s. a. C. qui indique l’offrande à la divinité Poliade de Phasèlis, par deux hommes, ἀπò ναυτιλίας 137.
84Le monnayage chypriote comporte une série de représentations apparentées au type monétaire connu de la divinité assise sur un bateau. Athéna, cette fois bien dessinée et reconnaissable à son casque, se tient assise à l’avant – ou sur le pont (P) ou sur le côté de la stolos (S) – d’un navire de guerre, un aphlaston à la main (fig. 3)138.
85L’iconographie d’Athéna paraît regrouper deux modèles en un : celui hellénistique de la divinité assise sur une embarcation, ainsi que celui déjà évoquée plus haut d’Athéna à l’aphlaston créé suite à la Seconde Guerre médique. Ce dernier avait déjà été copié par un artiste chypriote pour une gemme à la fin du Ve s.139 ; il semble bien qu’il ait également inspiré les types monétaires de l’île, sans que l’on puisse lui accorder une valeur religieuse particulière à Chypre140.
86L’iconographie marine d’Athéna s’avère donc presque exclusivement attique et concentrée sur les dernières décennies du VIe s. et les premières du Ve s. a. C.141
Analyse
Géographie du culte
87Athéna est ainsi mise en relation avec la mer tant dans l’épopée mythologique que dans l’iconographie, sous des registres différents, en rapport avec les cultes rendus à travers le monde grec. La répartition de ces derniers montre qu’ils se concentrent essentiellement en deux pôles : l’un au sud de la latitude du golfe de Corinthe et l’autre en Grande Grèce. Rien n’apparaît pour la Grèce centrale et du nord, si ce n’est à Skyros. Sur le littoral oriental, Cyzique et Lindos semblent présenter deux cas isolés. Sur ces vingt lieux consacrés à la déesse, neuf sont présentés par les sources comme des promontoires, auxquels s’ajoutent quatre sites insulaires et deux portuaires. Le caractère dominant de la plupart de ces sites est frappant, sur une hauteur que distinguent de loin les navigateurs. Les auteurs insistent beaucoup sur ce point en ce qui concerne la Grande Grèce ; ce caractère s’applique également aux sanctuaires délien et rhodien d’Athéna. La majorité de ses épiclèses connues renvoie à des toponymes littoraux : Sounias, Koryphasia, Samônia et dans une moindre mesure Kynthia et Lindia. Trois épiclèses s’avèrent porteuses d’un sens plus connoté : Aithyia, Anémôtis et Sôteira. Aucune dénomination particulière ne désigne les sites et cultes de Grande Grèce : la simple désignation d’Athénaion ou d’Athéna semble suffire à leur évocation. Les sites consacrés ne comportent pas tous des constructions : Athéna peut simplement se voir vouer un promontoire ou un lieu marin, orné parfois d’une statue, d’un autel ; la présence d’un temple ne s’avère pas systématique.
88Tous les témoignages cultuels renvoient à une haute Antiquité. Lorsqu’ils sont datables, ils remontent à une tradition archaïque ou au plus tard classique. Dans le cas contraire, leur mise en relation avec un personnage ou un ex-voto héroïque leur confère un caractère d’ancienneté. Il faut noter également la continuité de fréquentation d’un certain nombre de lieux de cultes jusqu’à l’époque hellénistique. Ceci se manifeste notamment dans les sanctuaires de Grande Grèce pour lesquels le caractère maritime du culte s’impose de manière flagrante encore à cette époque.
Personnalité marine d’Athéna
a) Athéna et l’art nautique
89Son rôle d’architecte naval est bien affirmé par les sources littéraires et déjà bien connu142 : nous ne nous y attarderons donc pas. Argô s’impose comme le premier modèle de bateau jamais réalisé, conçu entièrement par Athéna. Les habitants de Cyzique se donnent la primauté de l’art nautique qu’elle leur aurait enseigné. Les Lindiens quant à eux affirment que la navigation fut inaugurée par Danaos. Même si les bénéficiaires de ce savoir nautique d’Athéna diffèrent selon les lieux, celui-ci est unanimement mis sur le compte de l’intelligence de la divinité. La conquête des mers commence par ce don qu’Athéna accorda aux héros puis aux hommes : le bateau et l’art de la navigation. Ceci est à mettre en liaison, comme l’a bien montré M. Détienne, avec la mètis de la déesse – ou sa φρόνησις, selon le scholiaste de Lycophron (ad Alexandram v. 359 = voir corpus p. 539)143.
90Car elle ne se contente pas de la conception technique de l’embarcation, elle conseille également sur la route à suivre et la manière de diriger un bateau. Outre les traditions argonautiques où son intervention se manifeste parfois par la voix de la poutre vivante, il est à souligner le lien établi entre Athéna et deux pilotes mythiques : à Sounion avec Phrontis le kubernétès d’Agamemnon et à Lindos avec Kanopos celui de Ménélas144.
91Athéna accompagne également le bateau et le guide à travers l’élément liquide. Ovide (Tristes I, 10, v. 1-44) explique ainsi que la déesse écarte du vaisseau les dangers et le mène à bon port. Sa présence est marquée à bord par son nom donné à l’embarcation et la représentation d’un de ses attributs sur la coque. Cette protection du bateau en mer remonte à la tradition homérique où son heureux bénéficiaire est Télémaque, et transparaît à travers les différentes versions de l’épopée argonautique. Ce caractère explique l’importance d’Athéna dans la décoration et l’onomastique navales (voir infra p. 277 ss.). La première, attestée par des sources littéraires (Euripide, Iphigénie à Aulis v. 235-257 ; Aristophane, Acharniens v. 544-551 et scholie au v. 547 = voir corpus p. 533 ; Valerius Flaccus, Argonautiques VIII, v. 202-203) semble renvoyer à une présence de la déesse à bord, à l’image de la scène homérique du départ de Télémaque ou plus indirectement à celle de la poutre d’Argô. Le passage d’Euripide est explicite sur l’influence positive d’Athéna dans les affaires maritimes : sa représentation est un εὔσημόν γε φάσμα ναυβάταις (signe propice aux marins). Des témoignages iconographiques montrent des images d’Athéna figurant sur des bateaux – ou à défaut son nom sur une stylis d’après une monnaie d’Eubée – auxquels on peut éventuellement rattacher le motif dit de la tête de Gorgone sur des ancres emmenées à bord.
92Par ailleurs, le pouvoir de la déesse peut s’exercer de façon négative et servir à assouvir sa colère. Lycophron (Alexandra, v. 348-386) dépeint une Athéna rancunière, avide de vengeance envers les Grecs suite à leur comportement outrancier lors de leur victoire à Troie, qui s’acharne sur eux et leurs bateaux au cours de leur navigation. Cependant Euripide (Troyennes, v. 75-94), la montre désarmée, sans réels moyens d’action. Elle ne peut œuvrer sur les éléments et contrecarrer le retour des Grecs qu’avec l’aide des autres dieux : Zeus provoque, pour elle, tourmentes et ouragans et lui prête son foudre, tandis que Poséidon bouleverse et renverse les flots de la mer Égée à sa demande. Athéna peut ainsi intervenir sur mer, mais en faisant appel aux attributions de dieux « spécialisés » dans le déchaînement ou la maîtrise des éléments naturels. Il est à noter que cette restriction du pouvoir d’Athéna se fait dans un cadre précis : celui d’une action négative, vengeresse, destructrice145. Peut-être la divinité ne peut qu’agir de façon bénéfique sur la mer, en donnant des vents favorables, des conseils de navigation ou sa protection au sens large, mais qu’inversement ses pouvoirs sont nuls en matière de démesure, de déraison des éléments marins.
b) Athéna-oiseau et le sauvetage d’homme en péril
93Les deux mentions du culte mégarien d’Athéna font référence à une légende selon laquelle elle apparaitrait sous la forme d’un cormoran, emportant sous ses ailes ou Pandion ou Kékrops. À cette tradition sont tout d’abord rattachables plusieurs mentions littéraires concernant une Aithyia.
94La transformation d’Athéna en oiseau est attestée par un certain nombre de sources – et ce dès Homère – notamment en chouette. Il est ainsi un passage de l’Odyssée qui évoque une métamorphose de la déesse qui pourrait présenter des similitudes avec celle de Mégare. Lors de sa première intervention auprès de Télémaque, Athéna s’est présentée sous les traits d’un mortel avant de disparaître à la fin de l’entrevue (Odyssée I, v. 319-323) sous l’apparence d’un oiseau ὄρνις δ’ ὣς ἀνόπαια διέπτατο. Les Anciens hésitaient déjà au sens à donner au terme d’ἀνόπαια. La scholie au vers 320 nous apprend ainsi que pour les uns anopaia en un seul mot était une sorte d’oiseau, ou encore un adverbe signifiant « de manière invisible», tandis que pour d’autres il s’agissait d’une expression en deux mots (une préposition suivie d’un nom) « par la lanterne du toit »146. Le mot – ou l’expression – n’étant pas exprimé ailleurs, il est difficile de trancher entre ces différentes interprétations. V. Bérard, dans sa traduction de l’Odyssée147, choisit la première solution par rapprochement avec d’autres interventions d’Athéna qui s’achèvent de manière identique148. En revanche, l’identification du type de l’oiseau n’est pas aussi assurée quand il prétend qu’il s’agit d’« un oiseau de mer, mouette, corneille, goéland », les scholies n’évoquant rien de tel149. Rien ne permet de confirmer cette hypothèse, bien séduisante il est vrai, mais qu’il nous faut à regret abandonner.
95L’épopée homérique comporte par ailleurs un épisode connu explicitement placé sous le signe d’une Aithyia. Ulysse, qui a quitté l’île de Calypso au moyen d’un radeau qu’il a confectionné de ses propres mains, se voit encore en butte à l’hostilité de Poséidon qui déchaîne la mer en ondées déferlantes. Son frêle esquif se renverse et le héros, à bout de force, ne doit d’échapper à la noyade qu’à l’intervention d’Aithyia qui lui délivre un voile (Odyssée V, v. 282-462). Or ce n’est pas Athéna qui prend cette apparence, mais Leucothéa-Ino dont le mythe est évoqué en quelques vers150. Les éditeurs du texte homérique reconnaissent dans ce passage des rajouts ou modifications postérieurs à l’ensemble du texte, mais les différents manuscrits ne permettent pas de comprendre l’épisode autrement151. Il est donc difficile de faire remonter la tradition d’une Athéna Aithyia à l’Odyssée.
96Par ailleurs, il faut prendre en compte deux vers des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (IV, 594-595) qui concluent la scène du passage des Planctes par Argô réussi grâce à l’intervention d’Héra et des Néréides. Celles-ci, après avoir accompli leur devoir d’accompagner la navigation du bateau, retournent dans leur demeure marine sous la forme d’aithyiai. Cette tradition hellénistique montre que l’oiseau n’est pas associé à une seule divinité mais à plusieurs : à Ino, aux Néréides et Athéna. Il semblerait que cette faculté de transformation en cormoran ne soit pas l’apanage d’une seule déesse, mais applicable à plusieurs dans un contexte de secours en mer.
97Il convient dès lors de définir la nature des interventions d’Athéna Aithyia. Le qualificatif donné à Athéna apparaît au travers d’une source hellénistique. Le poème volontairement énigmatique de Lycophron place dans la bouche de Cassandre la prophétie des malheurs à venir aux Achéens suite à l’outrage qu’ils auront fait subir en sa personne à la déesse (Lycophron, Alexandra v. 348-386). La jeune troyenne crie vengeance et invoque Athéna au moyen d’épithètes : Βούδειαν Αἴθυιαν Κόρην 152. Le scholiaste Tzetzes (Scholie à Alexandra, v. 359 = voir corpus p. 539) commente celle d’Aithyia en la rattachant à la science nautique d’Athéna qu’elle a transmise (ἐδίδαξε) aux hommes. Elle n’est alors nullement rattachée à un lieu ou à quelque héros.
98Par ailleurs, deux sources évoquent une intervention d’Athéna envers un homme au bord de la noyade : dans la continuité de l’histoire du retour mouvementé des Grecs après la prise d’Ilion, quelques vers d’Ovide (Métamorphoses XIV, v. 466-476) attribuent le sauvetage de Diomède à Athéna, tandis que la fable d’Ésope, Le naufragé, met en scène un Athénien qui invoque son aide divine dans un moment critique analogue. Le culte de Mégare ne paraît donc pas isolé, mais se rattacher à un ensemble de traditions remontant au moins à l’époque classique.
99Quels sont les caractères de cette identification animale ?153 Un grammairien tardif, Diomédès, souligne le genre féminin du nom en grec contrairement au latin154, ce qui a dû faciliter l’assimilation de l’oiseau avec Athéna et Ino. La façon de se déplacer d’Athéna décrite par Apollonios de Rhodes155, qui parcourt les étendues marines par les airs sur un nuage au-dessus de la mer pour ensuite se tenir sur une roche, s’apparente au vol des oiseaux de mer. Mais c’est essentiellement une information naturaliste d’Élien (De la nature des animaux VII, 7) qui permet de comprendre l’assimilation. Selon un phénomène déjà observé par Aristote, l’examen du comportement des oiseaux permet de prévoir le temps à venir. Plus précisément, les aithyiai peuvent annoncer un vent violent, et les oiseaux marins de façon générale une tempête156. Cette faculté s’apparente à l’épiclèse d’Athéna à Mothone en relation directe avec les vents157. Cela peut aussi évoquer indirectement la science de la navigation qui comprenait sans doute ce genre de connaissances, de même que l’utilisation d’oiseaux à bord afin de se repérer par rapport à la terre158.
100Si les sources littéraires permettent de se faire une idée de la personnalité d’Athéna Aithyia, aucune représentation iconographique n’est rattachable de façon assurée à celle-ci. Une olpé attique159 datée vers 520-500 av. figure un personnage féminin ailé, muni d’une lance et la tête coiffée d’un casque, transportant un homme nu inanimé au-dessus de la mer. La scène a été interprétée par C. Anti160 comme Athéna ailée transportant le corps de Pandion, ce que conteste P. Demargne, arguant de l’absence totale de parallèle iconographique161. Quoi qu’il en soit, le casque et la lance définissent une Athéna et non Éos comme il a été également proposé162.
101La fameuse coupe attique à figures noires de Nicosthénès conservée au Musée du Louvre est également évoquée à propos d’Aithyia. Deux scènes se déroulent de part et d’autre du vase, figurant des bateaux naviguant de concert que regarde un oiseau à tête de femme163. Celui-ci est interprété généralement comme une Sirène, mais aussi par certains comme une Athéna Aithyia164. En effet, l’atmosphère de la scène plutôt sereine ne témoignant d’aucune tension dramatique, rien n’autoriserait à y reconnaître une représentation de l’épisode d’Ulysse. Pour les deux vases, il faut admettre l’impossibilité de trancher entre les différentes lectures165.
c) Athéna et la victoire sur mer : la déesse athénienne
102Ce double caractère d’Athéna-oiseau et de protectrice du voyage en mer s’enrichit dans des circonstances particulières des qualités guerrières de la déesse166. À Athènes, où la déesse occupe la première place en tant que divinité poliade, elle devient l’égérie de la victoire obtenue en mer. L’heureuse issue de la Seconde Guerre médique est ainsi attribuée à la puissance d’Athéna. Une tradition rapportée par Plutarque (Thémistocle 12, 1) explique qu’une chouette apparue aux Grecs avant Salamine, se posant sur le mât de la trière de Thémistocle, leur avait donné bon espoir dans le plan proposé par celui-ci167. Cette anecdote fabriquée a posteriori synthétise en quelque sorte les traditions existant à l’époque classique concernant les liens d’Athéna avec la mer. Le motif de l’Athéna à l’aphlaston commémore donc la victoire de Salamine due, selon les Athéniens, à la protection sans faille de leur divinité. Une autre anecdote rapportée par Plutarque (Cimon 5, 2) montre comment celle-ci a su évoluer et s’adapter aux usages athéniens. La figure politique de Cimon, au moment le plus critique de la Seconde Guerre médique alors que les Athéniens hésitent à quitter leur ville pour s’engager dans la flotte créée par Thémistocle, montre l’exemple à suivre. Pour ce faire, il choisit la manière symbolique et religieuse : il se rend sur l’Acropole pour consacrer à la déesse un mors de cheval signifiant ainsi que l’avenir serait naval ou ne serait pas. Cet épisode est significatif : le culte et la personnalité d’Athéna suit la vie politique et les grandes orientations de ses dirigeants. Lorsqu’Athènes devient une puissance maritime, son Athéna Poliade le devient aussi et naturellement protège les activités militaires de sa flotte. Aristophane (Cavaliers, v. 1181-1186) se fait l’écho de cette croyance ; en témoignent sans doute également les représentations de trières retrouvées sur l’Acropole (voir infra p. 395) ainsi que les noms référant à la déesse dans l’onomastique navale athénienne du IVe s. (voir infra p. 277 s.).
103Cette tutelle d’Athéna sur la flotte de guerre n’est pas exclusive à Athènes. D’autres cités lui attribuent une puissance analogue : c’est le cas de Lindos, ainsi que peut-être de Milet et Smyrne, mais c’est à Athènes qu’elle est le plus affirmée.
104La toute puissance d’Athéna incluant le domaine maritime est célébrée dès l’époque archaïque (Hymne homérique à Athéna, v. 9-16). On la retrouve beaucoup plus tard affirmée par Apulée (Métamorphoses XI, 3-XI, 17) en ce qui concerne le culte athénien. Isis apparue à Lucius énumère les noms et formes sous lesquels elle est honorée à travers l’oikoumène oriental ; parmi ceux-ci, elle cite l’Athéna Kékropienne des Athéniens autochtones. Le rapprochement n’est pas fortuit et renvoie à une dimension marine du culte de la fille de Zeus – quoique bien sûr bien moindre en importance que celui de la déesse égyptienne.
HÉRA
105Depuis les années 1990, de nombreux travaux ont porté sur le caractère du culte d’Héra à l’époque archaïque, axés essentiellement sur la comparaison entre les différents Héraia du monde grec occidental et oriental168. Ces études ainsi que les découvertes archéologiques des quarante dernières années ont mis en évidence le lien privilégié existant entre cette déesse et la mer. Il ne s’agit pas ici de répéter ce qui a déjà été (bien) écrit sur ce sujet, mais d’examiner cette relation et ses manifestations cultuelles, depuis l’époque archaïque jusqu’à l’époque hellénistique. Les sources littéraires, peu nombreuses, sont complétées par des témoignages archéologiques importants, pour la plupart développés dans la seconde partie puisqu’il s’agit d’ex-voto navals169.
Les sources
Mythologie et épopée
106Les interventions maritimes d’Héra dans l’épopée se limitent à l’épopée de Jason, ainsi que peut-être à la légende d’Agamemnon.
a) L’épopée homérique
107Héra se voit attribuer un rôle dans la navigation héroïque dès Homère. Deux vers de l’Odyssée (IV, v. 512-513) semblent lui prêter la survie d’Agamemnon lors de son retour de Troie par mer. Ce passage qui narre le destin des chefs grecs par le biais du discours de Protée à Ménélas est peu clair. Il est difficile de déterminer si cette aide divine s’est manifestée par le fait même que le père d’Égisthe ait pu quitter Troie sain et sauf sur son bateau, ou si Héra lui a permis d’échapper au courroux de Poséidon qui a frappé les Achéens – tel Ajax, dont le funeste destin est raconté par le Vieillard de la mer dans les vers qui précèdent –, en évitant la mort dans les parages du cap Malée évoqué aux vers suivants170.
108En dehors de cette allusion, l’intervention maritime majeure de la déesse dans le texte homérique consiste déjà en ce qui sera développé plus tard avec le succès que l’on sait. La légende des Argonautes est en effet évoquée dès l’Odyssée (XII, 55-100), à travers la scène du passage difficile des roches Planctes qu’Héra fait franchir à Argô ἐπεὶ φίλος ἦεν Ἰήσων (pour l’amour de Jason). Comme dans le passage précédent relatif à Mélénas, l’épisode ne fait pas l’objet d’une description, mais est mentionné rapidement à travers des discours narratifs. Tous deux paraissent donc appartenir à une tradition bien établie à l’époque de la fixation de l’Odyssée.
b) Épopée argonautique
109Le pouvoir maritime d’Héra donne sa pleine mesure dans le périple argonautique171. Nous avons déjà évoqué (p. 24 ss.) l’évolution croissante de sa participation dans le mythe par rapport à celle d’Athéna. Elle intervient à deux reprises lors de moments particulièrement critiques du retour des héros depuis la Colchide. Un premier danger les menace lorsque Zeus veut les punir du meurtre d’Apsyrtos et les mener à leur perte (Apollonios de Rhodes IV, v. 576-595). Héra contrecarre les projets de son époux en suscitant des vents qui contraignent le bateau à revenir sur sa route, parce qu’elle est μηδομένη δ’ ἄνυσιν τοῖο πλόου (soucieuse de mener à son terme cette navigation). Peu après (IV, v. 640-653), elle évite aux héros de s’engouffrer dans l’Océan sans retour en retenant Argô, puis les préserve de l’attaque des Celtes et Ligures grâce à la diffusion d’une brume qui les cache à la vue. Apollonios de Rhodes attribue l’issue heureuse de cette partie du périple de la quête de Circé à Héra ainsi qu’aux Dioscures, qui ont servi d’intermédiaires avec les dieux et guidé le bateau. Après la rencontre avec la magicienne, les Argonautes entreprennent le trajet du retour et survient le fameux passage des Planctes (ibid. IV, v. 576-967, résumé très brièvement par le Pseudo-Apollodore (Bibliothèque I, ix, 25). Héra permet de franchir cette passe difficile, non pas en agissant directement mais en faisant intervenir un certain nombre d’acteurs divins. Tout d’abord, par l’intermédiaire d’Iris, elle transmet des ordres à Héphaistos et Éole pour qu’ils retiennent l’un le feu de ses forges, l’autre ses vents à l’exception d’un doux Zéphyr. Ensuite, ayant fait venir Thétis du fond de la mer, elle l’entretient longuement pour l’inviter à protéger Argô avec l’aide de ses sœurs les Néréides. Héra déclare alors qu’elle est apte à sauver Jason et ses compagnons dans ce passage des Planctes, notamment par les ordres donnés aux dieux du feu et des vents. L’action simultanée des uns et des autres permet en effet à Argô de poursuivre son chemin sans dommage. Il est à noter qu’Héra n’intervient pas physiquement dans l’épisode ni n’est présente sur les lieux : elle contemple la scène depuis les hauteurs célestes. C’est aux filles de Nérée que revient le rôle magnifiquement décrit de faire danser le bateau sur les vagues en évitant les écueils.
110Dans les versions postérieures, Héra assume dès le début du projet un autre rôle : elle se charge d’affirmer la renommée de l’expédition et de lui assurer un équipage (Valerius Flaccus, Argonautiques I, v. 91-99), ou d’ordonner à Athéna la construction de la nef (Argonautiques orphiques, v. 59-69) ; c’est encore elle qui envoie un vent favorable lors du départ (ibid., v. 361-362). Elle intercède en outre dans le passage difficile des roches Kyanées (carte 10) : en incitant Athéna d’envoyer un héron pour guide selon les Argonautiques orphiques (v. 680-711), tandis que Valerius Flaccus (IV, v. 670-693) la fait intervenir en personne dans le franchissement des écueils. Junon retient l’un des deux tandis qu’Athéna exerce sa force sur l’autre ; l’action conjointe des deux déesses permet à Argô de ne pas être écrasée.
111L’aide d’Héra apparaît ainsi plus concrète à travers les épopées tardives. Cependant, l’ensemble de l’épopée argonautique montre un visage autoritaire de la déesse qui, par ses directives, facilite la bonne marche du périple.
Témoignages cultuels
112Un certain nombre de sources littéraires mentionne de manière inégale une poignée de sanctuaires où l’on honore une Héra marine172. Ceux-ci sont davantage connus par l’exploration archéologique et le matériel mis au jour173.
a) Pérachora
113En Grèce continentale, Héra possède, semble-t-il, un seul sanctuaire lié au monde maritime. À Pérachora, sur le territoire de la ville de Corinthe, à l’extrémité nord-ouest, s’élance une pointe rocheuse dans le golfe du même nom. Le site est particulièrement évocateur : une anse naturelle au bout d’un finistère faisant face au sud au port du Léchaion (fig. 4)174.
114Le sanctuaire d’Héra entoure ce mouillage de plusieurs édifices. Il apparaît dans deux sources littéraires tardives mais contemporaines. Strabon (Géographie VIII, 6, 22) mentionne au passé « entre Léchaion et Pagai » un manteion d’Héra Akraia. Le lieu, qui s’avère donc à l’abandon au tout début de notre ère, est difficile à situer par rapport au parcours du géographe. L’information de Tite-Live (Histoire romaine XXXII, 23, 10) est plus précise à cet égard quand il évoque un promontoire face à Sicyone consacré à Junon Acraea.
115L’endroit a été fouillé par l’École américaine sous la direction de H. Payne dans les années 1930175. Le sanctuaire se compose d’un temple et de nombreux bâtiments annexes répartis sur plusieurs niveaux de la colline ; en ce qui concerne le bord de mer, sur le petit port lui-même se trouvent le temple et son autel encadrés de deux espaces de réunions – stoas et cours ouvertes – tournés vers le port. On a notablement insisté sur les aménagements d’eau douce à l’intérieur du sanctuaire qu’on met en relation avec l’oracle mentionné par Strabon176. D’autres rites y étaient sans doute pratiqués : d’initiation, de protection de la fécondité et peut-être chtoniens177. Parmi le matériel du sanctuaire est à signaler la présence d’un modèle réduit de bateau de terre cuite (voir infra p. 375) et de deux harpons en bronze, ainsi que du corail (voir infra p. 505) et de nombreux objets d’origine orientale déposés entre la fin du VIIIe s. et le VIIe s. a. C.178.
116L’épiclèse d’Akraia (des Cimes ou des Promontoires), connue par les sources littéraires et des inscriptions d’époque classique, ainsi que celle de Liménia que renseignent des inscriptions du VIe s. renvoient manifestement au caractère maritime du sanctuaire (promontoire et port), même s’il n’est pas clairement affirmé par tous179. Deux inscriptions attestent une troisième épiclèse, plus ancienne : Leukôlenos (Aux bras blancs) : terme récurrent pour désigner l’épouse de Zeus et de belles jeunes femmes dans les poèmes homériques180. Les nombreuses études consacrées au sanctuaire discutent du culte qui y était pratiqué : oraculaire, garant de la fécondité, et de son origine (Mégare, ou Corinthe et Argos – en liaison avec le grand Héraion de la cité181). Le site de Pérachora et son avancée dans le golfe de Corinthe, outre ses atouts forestiers et d’avant-poste d’observation, devait particulièrement être fréquenté par les caboteurs et marins modestes de cette partie du golfe182.
b) Îles de la mer Égée
117Le culte d’Héra apparaît rattaché avec le monde maritime dans trois îles : à Thasos, à Délos et bien évidemment à Samos.
– Thasos
118À l’entrée du sanctuaire de Poséidon à Thasos, situé au voisinage du port militaire et non loin du port de commerce, a été trouvé un autel d’Héra Épiliménia (Littorale)183. Cet autel monumental en marbre, placé à l’extérieur au sud de la grande entrée du téménos (soit juste à droite des portes pour celui qui arrive depuis la place), présente en caractères archaïsants une loi sacrée interdisant le sacrifice de chèvres à la déesse. Dans la zone portuaire thasienne était donc honorée une Héra marine que l’on devait remercier d’être arrivé à bon port.
– Délos
119Un inventaire délien de l’Héraion184 mentionne une Héra ἐνλιμενί. Le texte, daté vers le milieu du IIe s. a. C., énumère pour le prodomos du temple les objets qui y sont conservés ; parmi eux figure ce qui semblerait être un tableau votif appartenant à la déesse185. Cette mention unique pour Délos d’une Héra mise en relation avec la mer est loin d’être explicite : faut-il supposer une Héra honorée sur le port par une quelconque construction, ou le culte dans l’île d’une Héra avec l’épiclèse de Liménia ou d’Épiliménia ? Et s’il s’agit bien d’un tableau votif, que représentait-il : la déesse, une scène en relation avec le monde maritime ?186 Mise à part la présence de fragments de corail parmi le matériel du sanctuaire187, l’absence d’autres témoignages ne permet pas aujourd’hui de définir l’importance et la portée, privée ou collective, du culte d’une Héra marine délienne.
– Samos
120De nombreuses sources concernent le sanctuaire et le culte de l’île désignée par Xénophon d’Éphèse (Éphésiaques I, xi, 2) ἡ τῆς Ἥρας ἱερὰν νῆσος. Parmi elles, Hérodote (Enquête IV, 152) l’évoque en premier lieu à propos d’un épisode des navigations hasardeuses archaïques. Des Samiens sous la conduite de Kolaios se rendant en Égypte furent détournés de leur route – l’expression est faible ! – par un fort vent d’est au-delà des Colonnes d’Hercule. Ils bénéficièrent en cela d’une θείῃ πομπῇ car le voyage s’avéra fructueux : la découverte de Tartassos leur permit de revenir chez eux en ayant réalisé un bénéfice considérable, le deuxième en taille jamais obtenu par un Grec, selon Hérodote. Ils consacrèrent alors la dîme s’élevant à six talents en un trépied de bronze dans l’Héraion188. Ce don remercie vraisemblablement la déesse de cette navigation heureuse dont elle est reconnue comme l’instigatrice : la pompè qui les guida devait sans nul doute être la sienne.
121Les fouilles du sanctuaire situé à 6 km de la ville ont mis en évidence son importance à l’époque archaïque189. Un nombre appréciable d’ex-voto permet d’esquisser les facettes de la personnalité de l’Héra samienne190. Entre autres offrandes, on compte une vingtaine de modèles réduits d’esquifs en bois datés du VIIe s., tandis qu’une inscription du VIe s. marque la consécration de sept embarcations à Héra et Poséidon (voir infra p. 372). Le long de la voie processionnelle ont été dégagé, en outre, deux bases effilées ayant supporté deux bateaux grandeur nature (voir infra p. 354 s.). À ces documents, il faut rajouter la présence parmi le matériel du site d’un graffite naval et d’une base ornée d’une proue (voir infra p. 408 et 413), ainsi que le tableau votif de Mandroclès figurant le pont de bateaux de Darius connu par des sources littéraires (Hérodote, Enquête IV, 87-89 ; Anthologie Palatine VI, 341 ; voir infra p. 402)191.
122Des fêtes de la déesse dénommées Tonia sont attestées pour le IIIe s. a. C. par Ménodotos (Fgt 1, éd. Jacoby = Athénée, Deipnosophistes XV, 672 a-e) qui rapporte à ce sujet la tradition suivante. La192 procession escorte la statue d’Héra jusqu’au bord de la mer au lieu de mouillage qui lui est consacré (τòν Ἡραίην ὅρμον). En effet, c’est là que l’auraient laissée des pirates tyrrhéniens venus pour la voler, mais qui n’auraient pu quitter le rivage avec l’objet du délit malgré force coups de rames193. Les autochtones, ayant cru d’abord en un départ volontaire de la statue puis l’ayant retrouvée et rétablie sur sa base, pensent ainsi l’honorer en la ramenant au port tous les ans. Cette tradition montre le lien qui unit Héra à la mer, plus précisément au port naturel (ὅρμος), se manifestant dans le culte par une procession. L’anecdote étiologique souligne de plus le pouvoir de la divinité en manière de navigation qui peut aussi bien entraver la marche d’un navire. Pausanias (VII, iv, 4) propose deux versions pour l’origine de la statue et la fondation du sanctuaire : une locale et une argienne, la seconde remontant aux Argonautes194.
123Toutes ces sources diverses attribuent sans conteste un rôle maritime important à l’Héra samienne pour les VIIe-VIe s.195 que beaucoup mettent en relation avec la puissance navale de la cité à l’époque archaïque196.
c) Grande Grèce
124C’est en Grande Grèce que le culte marin d’Héra se montre le mieux représenté : quatre sanctuaires maritimes lui sont consacrés (carte 12).
– Crotone
125L’Héraion de Crotone est bien attesté au travers des sources littéraires. Lycophron est le premier en date à évoquer (Alexandra, v. 856-858) un Lacinion à propos des errances d’Agamemnon sur mer après la guerre de Troie : le sanctuaire situé non loin du fleuve Siris et pourvu d’un bois est dédié à la θεᾷ Ὁπλοσμία (Armée). Le scholiaste Tzetzès éclaire l’allusion en précisant la localisation sur le promontoire crotoniate par quelques vers du poète du IIIe s. a. C., Théocrite, qui cite également, dans une autre Idylle (IV, v. 33), à propos d’un sacrifice, le lieu consacré. Celui-ci se trouve sur la route de la flotte athénienne faisant voile contre la Sicile, au-delà de la cité de Crotone ; il est alors mentionné comme un hiéron d’Héra Lacinia (Diodore, Bibliothèque historique XIII, 3, 1-4). De même, l’épopée virgilienne (Énéide III, v. 551-553) compte le site de la diva Lacinia du golfe de Tarente parmi ceux qui se révèlent aux yeux émerveillés des Troyens fugitifs qui remontent le littoral italien.
126Strabon (Géographie VI, 1, 11) se fait plus précis en définissant le Lacinion du littoral de Crotone comme un hiéron d’Héra dont il rappelle la richesse passée. Tite-Live (Histoire romaine XXIV, 3, 3-7) s’attarde sur ce sujet en décrivant notamment le caractère bucolique du lieu, avec ses troupeaux paissant librement. Il insiste sur sa célébrité et sa popularité, et la particularité de son autel situé dans le vestibulo du temple dont la cendre n’était remuée par aucun souffle. Ce prodige est également rapporté par Pline l’Ancien (Histoire naturelle II, 240) qui le représente, pour sa part, en plein air (sub diu sita) et exposé à des bourrasques. Enfin, on sait depuis Aristote (De mirabilibus auscultationibus, 96 = Deipnosophistes XII, 541 a-b) que la fête du Lacinion rassemblait tous les Grecs d’Italie.
127Le site est notable encore aujourd’hui par l’unique colonne dorique restante du temple se dressant au bord de la mer197, qui a donné son nom actuel au promontoire Capo Colonna. Celui-ci s’avance fortement dans les eaux, fermant le golfe de Crotone : le sanctuaire extra-urbain devait constituer ainsi une limite du territoire crotoniate au sud. Les fouilles ont révélé la grande superficie de l’Héraion, les nombreux bâtiments qui le composaient et les phases d’occupation. Il semblerait que le temple encore visible aujourd’hui, daté du Ve s. a. C., ait été précédé d’un autre situé au même endroit, peut-être daté du milieu du VIe s. Au nord, a été dégagé un bâtiment sacré nommé B, antérieur au temple classique. Les archéologues considèrent que l’édifice B et la plupart des offrandes qu’il contenait constituent les premiers témoignages d’un culte sur le promontoire198.
128Deux consécrations d’importance concernant le monde maritime sont à noter dans cette zone. Un bateau de bronze de type sarde fait partie des ex-voto de valeur consacrés à Héra (voir infra p. 376-377). Par ailleurs le célèbre jas de pierre portant une dédicace à Zeus Meilichios de la part de l’athlète Phayllos de Crotone, retrouvé à proximité, pourrait se rattacher au sanctuaire (voir infra p. 464 ss.). Les deux objets datent de l’époque archaïque.
– Poseidonia
129Sur la façade tyrrhénienne, près de la cité de Poseidonia, à l’embouchure du fleuve Siris se tient un Héraion appelé communément Héraion du Sele. Strabon (Géographie VI, 1, 1) signale l’existence à cet endroit d’un sanctuaire d’Héra Argienne dont il attribue la fondation à Jason199. Le site a été fouillé par les Italiens dans les années 1940 ; les travaux ont repris dans les années 1990200. Parmi le matériel du temple figure un certain nombre d’hameçons ; une hypothèse bien répandue y reconstitue par ailleurs un rituel de fête avec procession de bateaux (voir infra p. 74 et 454-455). L’emplacement du sanctuaire est remarquable : le fleuve permet l’accès jusqu’aux massifs Apennins voire au-delà ; de plus il constituait une frontière naturelle avec l’Étrurie. Il a dû être très tôt fréquenté par des marchands venus de Grèce201.
– Pythécusses et Cumes
130Un peu plus au nord, à Ischia, un dépôt archaïque voué à Héra a livré des objets en terre cuite, dont des modèles de bateaux (voir infra p. 372-373). Les Eubéens, colons de l’île de Pythécusses, auraient ensuite rejoint le continent voisin de pour y fonder Cumes : dès leur implantation sur le littoral, ils auraient consacré un temple et un xoanon à la déesse202. Le culte d’Héra y est en effet attesté archéologiquement pour l’époque archaïque, dès le VIIIe s. a. C., dans un sanctuaire situé au sud-ouest de la cité, sur un promontoire, près du port grec supposé ; le matériel recueilli à cet endroit couvre une large période, du VIIe s. a. C au Ve-VIe s. p. C.203. Ces divers éléments indiquent, à Pithécusses comme à Cumes, une Héra très probablement honorée, parmi ses multiples prérogatives, en relation avec ces voyages de fondation.
– Gravisca
131Le sanctuaire de l’emporion de Gravisca, où étaient principalement célébrées Aphrodite et Héra, a livré un certain nombre d’offrandes liées au monde maritime : plusieurs jas de pierre, dont un inscrit portant la fameuse dédicace de Sostratos d’Égine à Apollon (voir infra p. 470-477). Un bateau de plomb de type sarde, qui figure également parmi le matériel archaïque du temple, semble appartenir aux ex-voto consacrés à Héra (voir infra p. 376).
d) Confins occidentaux
– Malte
132Cicéron (2nde action contre Verrès IV, 103-104), lors de sa confrontation avec Verrès, lui reproche, outre les pillages commis en Sicile, celui du sanctuaire d’Héra à Malte. Ce dernier, situé sur un promontoire, est respecté par les marins de telle sorte que ni les troupes des flottes des guerres civiles ni les pirates ne l’ont jamais menacé. L’orateur insiste particulièrement sur ce point afin de mettre en relief la scélératesse et l’impiété de l’accusé. Parmi les offrandes déposées dans l’Héraion se distinguaient un grand nombre d’ivoires, spécialement des défenses que le roi Massinissa lui-même tint à restituer lorsqu’il prit connaissance de leur vol et des Nikès du même matériau. Le sanctuaire est également mentionné dans la Géographie de Ptolémée (IV, 3, 13) comme un point de repère important à Malte.
133Le sanctuaire et le culte maltais sont sans conteste d’origine punique, comme l’indiquent l’alphabet de la dédicace des défenses de Massinissa et les fouilles du sanctuaire qui ont livré notamment de nombreuses inscriptions à Astarté, datées depuis le Ve-IVe s. jusqu’au IIe s. a. C. et peut-être même au Ier s. a. C. Il est cependant manifeste que la divinité du lieu Astarté a été identifiée avec Héra-Junon204. L’accent est mis sur la vénération et la fréquentation du lieu par des marins ; de la même manière, les Victoires peuvent renvoyer à des batailles navales.
– Ibérie
134L’extrémité sud de l’Ibérie, au niveau où la terre européenne s’avance le plus dans la mer vers la côte africaine, est consacrée selon les descriptions des géographes à Héra (carte 9). La topographie du lieu varie selon les traités, mais il faut noter son caractère maritime : pour Pomponius Mela (Chorographie II, 6, 96), il s’agit du promontoire lui-même appelé aujourd’hui Trafalgar205 ; pour Strabon (Géographie III, 5, 3 ; 5, 5) qui s’appuie sur des sources antérieures, c’est une île située face aux Colonnes d’Hercule sur laquelle se trouve d’ailleurs un temple de la déesse. Mela (Chorographie III, 1, 4) signale par ailleurs un temple et un autel d’Héra sur le rivage de l’Atlantique, au nord de Gadès. Dans la péninsule Ibérique, Héra est donc associée par les Grecs à des lieux à forte connotation maritime qui marquent comme des points extrêmes de navigation.
Analyse
Géographie du culte
135La géographie de l’Héra maritime, bien que concernant un petit nombre de sites, est tout à fait caractéristique206. Presque tous ceux-ci sont situés sur des promontoires (Pérachora, Crotone, Cumes, Gravisca) ou sur une île en position de dominer la mer (Pithecusses, Samos, Malte, en Ibérie) ou encore sur un port bien exposé (Thasos, Gravisca et peut-être Délos). Deux épiclèses s’avèrent plus particulièrement connotées dans ces sens : Héra Épiliménia à Thasos207 / Liménia à Pérachora et celle d’Akraia au même endroit208. La plupart du temps, ils se trouvent en dehors de la ville, constituant des sanctuaires extra-urbains à Pérachora ou Crotone209. Deux sites sont implantés à l’embouchure d’une rivière et de la mer, l’Héraion samien sur l’Imbrasos et l’Héraion de Poseidonia sur le Sele.
136La Grande Grèce s’affirme comme la zone de développement la plus forte du culte210. Quatre sanctuaires, placés à des endroits stratégiques, de la navigation autour de la botte italienne, montrent les étapes successives d’avancée vers le nord des Grecs en Italie jusqu’en Étrurie. De cette manière, la majorité des sites apparaissent comme des finistères, des points de repères extrêmes pour les navigateurs : à Pérachora, Crotone et davantage encore à Malte et en Ibérie. Sans nul doute ces lieux constituent autant d’amers, d’escales, et le développement privilégié des points d’eau douce à l’intérieur ou aux abords de ces sanctuaires n’y est pas étranger. La manière dont Denys d’Halicarnasse présente le cabotage d’Énée le long de la mer Ionienne montre comment ces arrêts réguliers rendent le voyage par voie de mer aisé et agréable ; le sanctuaire constitue alors une étape que l’on marque par quelque offrande de circonstance211.
137Le caractère commun de tous ces sites consiste en leur importance à l’époque archaïque. Ils s’affirment comme appartenant aux plus anciens sanctuaires grecs, parfois implantés sur des lieux de culte plus anciens212, dont la notoriété fut immédiate. En témoignent à cet égard la richesse des offrandes qui y étaient déposées ainsi que l’hétérogénéité des origines géographiques mais aussi sociales des fidèles. Ces derniers sont d’autant plus variés que ces hiéra sont à vocations multiples et suscitent l’intérêt cultuel de gens très diversifiés. Autre caractéristique des Héraia : leur limitation dans le temps. Si leur développement est rapide et précoce, en revanche leur prestige décroît très fortement à l’époque classique – ce qui tend encore plus à les mettre en relation avec les courants de navigation et de colonisation archaïques213.
Personnalité marine d’Héra
138Un fait essentiel sur lequel il faut bien insister est le caractère marin non exclusif d’Héra. Aucun sanctuaire, aucune épiclèse ne la définit exclusivement ou principalement comme marine. Ce sont les ex-voto et l’emplacement des sanctuaires qui permettent de reconnaître ses liens avec la mer, mais dans ces lieux de culte la déesse présente toujours un culte matrimonial ou de fécondité très marquant214.
139Les sources littéraires ne donnent qu’un aperçu discret de ses prérogatives marines. La mythologie limite son intervention au périple argonautique, et là encore il faut avouer ses modes particuliers d’action. En fait, elle y est constamment liée aux divinités secondaires, les Dioscures215 et Néréides ou encore Éole. Elle ne peut opérer des aides maritimes sans l’aide d’autres divinités à qui elle donne des ordres pour favoriser une navigation sans embuches. Elle apparaît comme la puissance positive qui influe sur les éléments marins par l’intermédiaire d’autres daimones. Elle se montre ainsi spécialement attentive aux vents, qu’elle maîtrise à plusieurs reprises lors du voyage d’Argô, ces mêmes vents qui permirent la découverte de Tartessos aux vaisseaux samiens. C’est par ce moyen aussi qu’Héra s’acharne sur les Troyens en quête d’une terre d’après quelques vers de l’Énéide (V, v. 789-795). L’action d’Héra en faveur de la navigation semble s’exercer de manière globale mais indirecte, et porter particulièrement sur les vents et courants qui permettent d’arriver à une bonne destination – comme elle évite aux Argonautes la dérive vers l’Océan et les fait arriver là où il convient d’aller. Elle détermine ainsi les bonnes routes maritimes et l’arrivée en un endroit favorable. Sans doute est-ce ce qui explique l’importance d’Héra dans le processus colonial à l’époque archaïque, la localisation des lieux qui lui sont consacrés, puis l’abandon progressif de son culte maritime lorsque la géographie du monde grec était fixée dans ses grands traits. On comprend dès lors les ex-voto d’ancres ou de bateaux, ces derniers nombreux à Samos ou parmi les plus anciens objets du sanctuaire de Crotone. Les deux bateaux sardes, les temples d’Ibérie ou de Malte témoignent aussi des liens entretenus avec le sud-ouest de la Méditerranée mis sous la protection de l’épouse de Zeus.
140Ces liens d’Héra avec la navigation archaïque peuvent peut-être expliquer, a contrario, deux sources problématiques. Tout d’abord, la notice de Stéphane de Byzance (s.v. Ἥραια) : celle-ci s’annonce en effet a priori contradictoire, puisqu’elle désigne un promontoire face à Chalkédon nommé Héraia où le mouillage s’avère particulièrement dangereux. S’il ne s’agit pas d’une erreur du lexicographe, il faut supposer que la pointe reçut ce nom car elle présentait l’apparence – démentie ensuite par la pratique – d’un endroit favorable. Par ailleurs, Héra semble absente de l’onomastique navale grecque (voir infra p. 286). Or, l’importance nautique d’Héra se développant à l’époque archaïque en Occident et en dehors de la sphère attique, il paraît logique qu’aucun bateau ne soit appelé de la sorte à l’époque classique dans la flotte de guerre athénienne ou à l’époque hellénistique. Un document montre cependant que cet aspect du culte d’Héra n’avait pas complètement disparu à la fin de l’époque hellénistique : un jas de plomb trouvé au sud de l’Italie porte le nom de la déesse (voir infra p. 315). En Occident, la protection d’Héra sur mer était encore sollicitée au début de notre ère.
141Athéna et Héra sont mises en relation avec le monde maritime par l’assistance qu’elles apportent aux héros dans leurs explorations maritimes. Ce caractère commun doit expliquer les différentes versions des légendes argonautiques. Ces traditions constituent pour les Grecs l’origine du culte qui leur est rendu à l’époque archaïque, particulièrement en Grande Grèce. Elles s’affirment ainsi toutes deux comme des divinités de la colonisation vers l’Occident, mais aussi de puissances navales comme Samos et Lindos.
Notes de bas de page
1 Detienne 1970. Il a été précédé de trois articles abordant le thème des relations d’Athéna avec la mer. Le premier, un article allemand de la fin du XIXe siècle (Hildebrandt 1888) présente un tableau général de la plupart des sources ; le second, écrit dans l’entre-deux-guerres, tente de définir à travers des copies de statue d’époque romaine un type iconographique d’Athéna marine que l’auteur rattache au type de l’A. ailée et de la Nikè. Cet article présente des remarques intéressantes, mais le ton général est forcé et trop subjectif, conduisant à des interprétations et conclusions excessives et erronées (Anti 1920). Une démarche similaire avait été quelques années plus tôt menée par Kiock 1915. Nous ne renverrons pas systématiquement en notes à ces articles, qui tous les quatre exposent plus ou moins brièvement un certain nombre des sources développées ci-après.
2 Dümmler 1896, col. 1942-1947 ; Séchan & Lévêque 1966, p. 327-331 ; Grimal 1951, p. 57-58.
3 Athéna l’assure à Pénélope dans un songe (Odyssée IV, v. 806 ss), et Zeus à Athéna (V, v. 25 ss) ; c’est ce que Wachsmuth 1967, p. 272, appelle « l’euploia par eusébie » pour un personnage νόστιμος.
4 Voir Wachsmuth 1967, p. 72-74.
5 Odyssée I, v. 267-295. Dans le livre I de l’Odyssée, Athéna prend les traits de Mentès de Taphos fils d’Anchialos, puis au livre II ceux de Mentor ami d’Ulysse.
6 Les légendes concernant les Argonautes sont antérieures à Apollonios de Rhodes ; la date relativement tardive de l’épopée d’Apollonios ne doit pas en imposer. Dès Pindare, la littérature célèbre les actions des héros ; à l’époque classique, un certain nombre de tragédies disparues s’en inspiraient directement (Vian, in Apollonios de Rhodes, éd. Budé, t. I p. xxvi-xxxi). Sur le voyage initiatique de Thésée chez Apollonios, voir Duchêne 1992.
7 Wachsmuth 1967, p. 357-360 ; Göttlicher 1992, p. 129. Trippé 2008 y voit une sorte de stylis qui se trouverait à la proue.
8 C’est sans doute pour ses caractéristiques si particulières que la nef est nommée sacrée par les auteurs latins lorsqu’ils font allusion à des épisodes de sa navigation : Ovide, Pontiques I, 3, v. 76 (trabs sacra) ; Silius Italicus, XI, v. 471 (carina sacra).
9 Il nous en reste quelques bribes dont le sens est ainsi explicité : cf. Eschyle, Argô, Fgt 36 ; Antimaque Fgt 58 ; Callimaque Fgt 16 Pfeiffer.
10 British Museum inv. D603 et Louvre inv. Cp 4144. Göttlicher 1992, p. 128 et fig. 69 ; Blatter 1984, 1 p. 601 no 13 & 15 et 2, p. 433-434. À ces deux décors s’ajoutent une monnaie romaine du milieu du IIe s. sur laquelle Athéna donne des ordres à l’architecte d’Argô : ibid., no 17.
11 Musée de Naples. Canciani 1984, 1 p. 1099 no 361 ; Helbig 1868, p. 268-269 et p. 460 no 1259. Une monnaie de Commode figure une scène identique : Imhoof-Blumer 1910, p. 28 no 10 et pl. II, 7.
12 Tiphys, doté lui aussi de nombreuses qualités : Detienne 1970, p. 172-174.
13 Conseils de Phinée : Arg. II, v. 317-344 ; lâcher de l’oiseau : II, v. 549-573. Cf. Vian in Apollonios de Rhodes, éd. Budé, t. I p. 128 ss., 150 ss. et 275 note 599.
14 Vian 1983, p. 451-463.
15 Aujourd’hui appelé cap Sidéros : Delage 1930, p. 271-272 ; Bürchner, « s.v. Σαλμώνη », RE I A, 2, Stuttgart, 1920, col. 1986-1989. F. Vian, in Apollonios de Rhodes, éd. Budé, t. III p. 66, rapproche cette brève mention du sanctuaire du cap Salmônis avec un cratère de Ruvo qui montre Athéna couronnant les Dioscures vainqueurs de Talos.
16 La tradition la plus complète est donnée par le poème de Bachylide, Dithyrambe III ; voir aussi la célèbre coupe d’Euphronios du Musée du Louvre, inv. G104, daté d’environ 500 a. C.
17 Deux cas ne sont pas traités ici, mais à propos d’Artémis à laquelle ils sont plutôt rattachables : le témoignage d’Hérodote (Enquête III, 59) évoquant le sanctuaire de la déesse à Égine alors qu’il s’agit plutôt du grand hiéron d’Aphaia, ainsi que le temple du port d’Œniadae en Acarnanie pour lequel nous n’avons aucune source écrite (voir infra, p. 196-198 et 203-204).
18 Wachsmuth 1967, p. 477.
19 Mazaubert 1937.
20 Musée archéologique national d’Athènes, inv. 7038 ; Musée de l’Acropole, inv. 1339.
21 Delivorrias 1987, p. 184 no 85 ; Harrison 1888 ; Ridder 1896, p. 278-280 no 755. Le type s’apparente à celui de Taras, d’Arion ou de Mélicerte ; pour cette raison peut-être est-il davantage attribuable à Poséidon qu’à Athéna.
22 Pour ces fêtes et leur calendrier, voir le synthétique appendice de Parker 2005, p. 456-487.
23 Garland 1987, p. 103-104 ; Gardner 1881, p. 93 ; Parke 1977, p. 37. Ainsi des inscriptions attestent, pour le Ier s. a. C. et le Ier p. C., l’existence d’équipages rhodiens ayant participé à ces festivités et y ayant remporté des victoires : Blinkenberg 1938, p. 49-50. S’il est raisonnable de penser, comme M. Romero Recio (Romero Recio 2000, p. 144 et id. 2010, p. 106-110), que ces régates confirment le lien des Panathénées avec la mer, il semble tout à fait excessif d’y associer la procession aux flambeaux qui « en passant par le Céramique pouvaient rappeler aux aristoi qu’ils s’étaient fait enterrer dans des tombes marquées par des grands vases décorés avec les bateaux dans lesquels ils avaient développé leur activité de piraterie avec l’aide d’Athéna » (id. 2010, loc. cit.).
24 Jost 1985, p. 119 ; Kahil 1994, p. 217-223 ; Parke 1977, p. 152-155 ; Ginouvès 1962, p. 292 ; Deubner 1932, p. 17-22 ; L. Ziehen, « s.v. πλυντήρια », RE XXI, 1, Stuttgart, 1951, col. 1060-1065.
25 Sur les problèmes de date et de situation par rapport à la fête de Kallynteria, voir Deuner, 1932, p. 17-18 qui discute le témoignage de Photius, s.v. Καλλυντήρια ; autres hypothèses résumées par Romero Recio 2010, p. 92.
26 Xénophon, Helléniques I, 4, 12 ; Plutarque, Alcibiade 34, 1 qui tous deux font mentionnent ce rite à propos d’Alcibiade : son retour à Athènes coïncidant avec la célébration de cette fête, les Athéniens y virent un mauvais présage puisque la déesse se couvrait d’un voile pour ne pas le regarder (Xénophon : τοῦ ἕδους κατακεκαλυμμένου τῆς Ἀθηνᾶς; Plutarque : τò ἕδος κατακαλύψαντες). Mais il n’est fait aucune allusion à un bain ni à un déplacement au Phalère.
27 IG II/III2, 1006, l. 11-1 2, daté de 123/2 : συνεξήγαγον δὲ καὶ τὴν Παλλάδα / Φαλεροῖ κἀκεῖθεν πάλιν συνεισήγαγον μετὰ φωτός μετὰ πάσης εὐκοσμίας ; id. dans IG II/III2, 1008, l. 9-10 daté de 119/8. Ces deux textes énumèrent alors des actes religieux effectués par des éphèbes. En faveur du bain de mer est aussi invoquée une source tardive (Philochoros F64b, éd. Costa) sur des nomophylakes (s. v. νομοφύλακες τινες· ὅτε κομίζοιτο τò ξόανον ἐπὶ τὴν θάλασσαν) : mais encore une fois rien ne permet d’affirmer que ceux-ci intervenaient lors des Plyntéria et présentaient un lien avec les éphèbes des inscriptions. Nagy 1991 a ainsi proposé de voir dans la procession des éphèbes l’un des rites mémoriels des guerres Médiques, ayant lieu en dehors des Plyntéries et évoquant le retour de la statue d’Athéna dans sa ville ; mais l’auteur n’évoque aucun bain.
28 Photius, s.v. λουτρίδες·δύο κόραι περὶ τò ἕδος τῆς Ἀθηνας. Ἐκαλοῦντο δὲ αῦται καὶ πλύντηρίδες· οὕτως Ἀριστοφάνης. L’attestation de telles pratiques de bains de statues d’Héra, Artémis ou même d’Athéna a également joué dans la démonstration. Les lexicographes byzantins ne disent rien de précis : Harpokration, s.v. Πλυντήρια indique simplement qu’il s’agit d’une fête athénienne ; Hésychius, s.v. Πραξιεργίδαι signale des femmes chargées de l’habillement de la déesse. Brulé 1987, p. 110-113, qui met les Plyntéries en parallèle avec une fête romaine, conclut qu’un bain constitue bien le rite essentiel de la cérémonie mais place celui-ci à Athènes sur l’Acropole, en aucun cas à la mer.
29 Seul Duchêne 1992 émet des doutes quant à la restitution de ce bain.
30 Kahil 1994 met ce bain d’Athéna attique en parallèle avec celui d’Argos chanté par Callimaque, Pour le bain de Callas, qui avait lieu au bord de l’Inopos.
31 Contra : Romero Recio 2000, p. 143-144 et id. 2010, p. 92-95 et 110 qui voit dans les Plyntéries, comprenant le bain rituel au Phalère, une fête très ancienne qui pouvait « rénover les pouvoirs d’Athéna sur la mer ».
32 Le temple est à nouveau signalé dans le même discours (§ 136-137), mais avec la seule mention de Zeus Sôter, à propos d’un vol de statue.
33 D’autres sources très disparates complètent notre connaissance : Tite-Live XXXI, 30, 9 ne fait que mentionner un sanctuaire aux deux divinités Zeus et Athéna (sans épiclèse) au Pirée. Pline, H. N. XXXIV, 74 complète le commentaire artistique de Pausanias en attribuant l’une des deux statues de culte au sculpteur Céphisodote du IVe s. a. C. Strabon (IX, 1, 15) y signale des portiques avec œuvres d’art. Enfin l’inscription IG II/III2, 5063 nous informe que le prêtre commun aux deux divinités était honoré d’un siège au théâtre de Dionysos. Deux inscriptions signalent le culte commun des deux divinités au Pirée : IG II/III2, 783 ; IG II/III2, 1035. Sur la statue d’Athéna, Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. lii-liii.
34 Certains le situent près de l’actuelle église d’Haghia Triada ; de façon plus large, vraisemblablement près de la colline qui domine à l’ouest le port de Munychie : cf. Baladié in Strabon IX, éd. Budé, p. 193 ; Garland 1987, p. 152.
35 Jameson 196 ; SEG XVIII, 1962, no 153 (nouvelle lecture) ; Morrison & Williams 1968, p. 122-127.
36 L. 34-39 (paragraphe ix) :... ἐπειδὰν δὲ νεμη/θῶσιν ἅπα[σ]αι αἱ τάξεις καὶ έπικληρωθῶσι ταῖς τριήρ/εσι, πληροῦν ἁ[π]άσας τὰς διακοσίας ναῦς τὴμ βουλὴν / καὶ τ[ο]ὺς στρατηγοὺ[ς θύ]σαντας ἀρεστήριον τῶι Διὶ τῶι / Παγκρατεῖ κ[αὶ] τῆι Ἀθηναῖ καὶ τῆι Νίκηι καὶ τῶι Ποσει/δῶνι τῶι Ἀσφα[λε]ίωι : (Thémistocle dit que), quand toutes les troupes auront été réparties et assignées dans les trières, la Boulè remplisse tous les 200 bateaux et les stratèges accomplissent un sacrifice propitiatoire à Zeus Tout-puissant, à Athéna, à Nikè et à Poséidon Asphaleios.
37 Selon les épigraphistes, la datation oscille entre 330-322, 280 ou 250 ; mais tous considèrent que le texte constitue une réécriture « littéraire » d’un décret archaïque : Morrison & Williams 1968, p. 122-127.
38 Sur ces fêtes, voir Deubner 1932, p. 174-176 ; Farnell 1896, I p. 47 ; résumé dans Romero Recio 2000, p. 149 ; Parker 2005, p. 466-467. La date de celles-ci correspond aux derniers jours de l’année du calendrier attique.
39 Garland 1987, p. 138.
40 IG II/III2, 1006, l. 29-30 : π]εριέπλευσαν δὲ καὶ [τοῖς Μου]νιχίοις εἰς τòν λιμένα τòν ἐμ Μου/[νιχίαι ἁμ]ιλλώ[μεν]οι. Ὁμ[ο]ίως δὲ καὶ τοῖς Διισωτηρίοι[ς]. Pour Parke 1977, p. 139, les régates n’ont rien à voir avec un éventuel caractère marin des dieux, mais correspondraient à une période de l’année favorable aux exercices sportifs de ce genre...
41 Vélissaropoulos 1980, p. 229 l’affirme catégoriquement ; id. dans Garland 1987, p. 137. Or le texte de l’inscription auquel ils renvoient (IG I2, 128, décret daté de 428/7) n’est pas assuré : il s’agit d’une restitution proposée par R. Schlaifer (voir SEG XXI, 37, commentaire de la p. 30).
42 Garland 1987, p. 104 ; voir notamment allusions d’Aristophane, Ploutos, v. 1174 ss.
43 Certains chercheurs (notamment Parke 1977, p. 168) supposent plutôt la fondation du temple et du culte liée à la victoire de la Seconde Guerre médique et à la récupération du port par les Athéniens ; si l’hypothèse concernant le pseudo décret de Thémistocle se vérifiait, cette datation ne serait plus envisageable et serait à reculer jusqu’à celle de la création du port.
44 IG II/III2, 1669 ; Garland 1987, p. 137-138 avec références.
45 Les inscriptions trouvées in situ (IG I2 310, 324 ; II/III2 1270, 1300) ont confirmé les mentions d’Aristophane (Oiseaux, v. 868 ; Cavaliers, v. 559) qui attribuaient ce temple au dieu au trident.
46 Odyssée III, v. 278.
47 Sinn 1992, p. 177-178 utilise cette source pour étayer sa thèse d’un culte commun à Poséidon et Athéna au sanctuaire de l’extrémité du promontoire.
48 Les fouilles ont été publiées par Στάης 1917 ; Στάης 1917, p. 178-189 et p. 201-213. Voir également Davaras 1979 ; Thémélis 1974. Pour des ouvrages généraux concernant Sounion, voir chapitre « Poséidon ».
49 Certains l’ont interprété comme la tombe du pilote de Ménélas, Phrontis, dont les funérailles sont décrites dans Odyssée III, v. 278 ss. Sur l’hérôon de Phrontis, voir Picard 1940 et Abramson 1979, p. 1-19 qui estiment le petit temple du sanctuaire d’Athéna comme dédié au héros ; Sinn 1992, p. 176-177 considère que tout le sanctuaire avec ses deux bâtiments lui est consacré : mais c’est contredire le matériel du site et l’appellation donnée par Vitruve au sanctuaire. Présentation confuse du culte de Phrontis par Detienne 1970 (lié à Athéna ou Poséidon ?).
50 C’est Dinsmoor 1971, p. 50-51 qui a affirmé cette nouvelle chronologie, reprise sans discussion par Παπαχατζής 1974-1981 (I p. 82), par Travlos 1988 (p. 404-407 et fig. 528-535) et par Sinn 1992 (p. 176). W.B. Dinsmoor suppose alors l’existence d’un bâtiment plus ancien situé à l’emplacement du petit temple ; N. Δ. Παπαχατζής interprète ce petit temple comme consacré à Artémis.
51 Sur ce plan, voir Gruben 1966, p. 209.
52 Aucune trace d’autel n’a été repérée à l’est du temple ; de ce fait, on le place au sud où sont encore visibles quelques blocs.
53 Seul Dinsmoor 1971, p. 50 évoque une recherche d’économie ( !) et le désir d’une stoa orientée vers le sud.
54 Davaras 1979, p. 52. Voir la carte et la reconstitution de Παπαχατζής 1974-1981, I fig. 9 et 17 qui montrent bien la position et l’orientation du sanctuaire par rapport à la mer.
55 Dinsmoor 1971, p. 39 ; l’entrée est supposée alors se trouver au nord du sanctuaire.
56 Athènes, Musée National inv. 3588.
57 On estime à cinq le nombre de ces kouroi. Le célèbre relief de « l’athlète se couronnant » conservé au Musée national d’Athènes provient de là.
58 Travlos 1988, p. 404, avec références.
59 Semple 1927, p. 368-369.
60 L’article de la R. E., « s.v. Aithyia » sous la plume de G. Wentzel (tome I1, col. 1111) se réduit à 6 lignes et renvoie simplement aux sources ; Wachsmuth 1967, note 1840 ; Glotz 1904, p. 43.
61 Par exemple Odyssée XII, 418 ; XIV, 308. Sur l’identification de l’aithyia avec le cormoran, voir Detienne 1970, p. 139-140.
62 « Débris d’un mythe royal » pour ibidem.
63 Παπαχατζής 1974-81, IV p. 135 ; Moggi & Ossana 2000, p. 314.
64 Wide 1893, p. 51-52 et 57-58.
65 Il séparait les deux golfes antiques ; aujourd’hui, il est devenu île, nommée Élaphonisos : voir Παπαχατζής 1974-1981, II, carte fig. 412 et p. 419 ; voir également Baladié 1980, p. 245.
66 Leake 1830, p. 508 ; Musti & Torelli 1986-1991, III p. 270.
67 Wide 1893, p. 52 et 57-58.
68 Le chiffre trois correspond en effet aux Cabires : Hemberg 1950, p. 38 note 6 et p. 61 ss. Un groupe statuaire identique est mentionné par Pausanias (III, xxvi, 1) à Pephnos sur un îlot, mais cette fois sans Athéna. Musti & Torelli 1986-1991, III p. 275, jugent les statues de Brasiae « difficilement antérieures à l’époque hellénistique ».
69 Sandberg 1954, p. 23-24.
70 Sur Diomène et Mothone, Pausanias IV, xxxv, 1.
71 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 68 et pl. P8 no 11-12. La représentation d’Athéna sur ces monnaies ne présente rien de particulier : la déesse casquée tient d’une main une lance et de l’autre semble faire une libation.
72 La ville est aujourd’hui connue pour ses vestiges vénitiens, qui témoignent de l’importance maritime qu’a gardée Mothone après l’Antiquité : voir les photos du site par Παπαχατζής 1974-81, III p. 162-169.
73 Wachsmuth 1967, note 1840.
74 À cet endroit s’élèvent aujourd’hui les ruines de Paléokastro (ou Paléo-Navarino) : Παπαχατζής 1974-81, III p. 170-175 ; Baladié 1980, p. 244.
75 Musti & Torelli, 1986-1991, IV p. 270.
76 Imhoof-Blumer & Gardner 1964, p. 69 et pl. P15, GG24. La représentation d’Athéna s’apparente beaucoup à celle des monnaies de Mothone : la déesse casquée, une lance à la main, semble faire une libation.
77 Sur le sacrifice après une traversée, voir Wachsmuth 1967, p. 115-126.
78 Dans l’île, elle ne semble pas avoir eu de lieu de culte important ; elle est souvent associée à d’autres divinités. Sa présence à Délos est attestée dès l’époque archaïque, sous plusieurs épiclèses : Bruneau 1970a, p. 248.
79 Le Kynthion, réaménagé au IIIe s. a. C. avec terrasse et oikoi servant aux banquets, faisait l’objet d’un règlement cultuel très strict (Bruneau & Ducat 2005, p. 285-28 no 105). On a de là une vue splendide sur l’île et la mer qui l’entoure.
80 ID 1403 ; la dernière édition critique du texte est donnée par Roux 1989.
81 Tréheux 1987, p. 176-177. Bruneau 1970a, p. 124, met en doute la validité de la restitution.
82 L’interprétation proposée par Tréheux 1987, p. 176-177 et p. 183, selon laquelle la statue de Poséidon et celle d’Athéna portant deux Nikès renverraient à la célébration d’une double victoire, à la fois sur terre et sur mer, ne repose sur rien et n’est pas selon nous recevable. En fait, c’est un argument utilisé par l’auteur pour justifier son hypothèse d’attribution du Monument à Démétrios en commémoration de sa double victoire à Salamine de Chypre.
83 Sur cet autel et les interprétations, voir Bruneau & Ducat 2005, p. 191 et 193-194 (no 25) ; Bruneau 1970a, p. 233-238. Pour L. Basch, la présence de cet autel à proximité du Néôrion ne serait pas anodine : elle s’inscrirait dans un contexte religieux maritime (Basch 1995).
84 Morelli 1959, p. 80-89, souligne son caractère très ancien, préhellénique. L’auteur ne s’attache pas à définir le caractère de la déesse, insistant plutôt sur l’histoire du sanctuaire et de son clergé.
85 Semple 1927, p. 357.
86 Principales éditions de la Chronique : Blinkenberg 1912 ; Higbie 2003.
87 Wachsmuth 1967, p. 477.
88 Bianchi, 1957, p. 10-24 signale notamment l’existence d’un hiéron d’Athéna Lindia à Potidaion dans l’île de Carpathos et d’un culte dans plusieurs colonies rhodiennes (à Géla et de là à Agrigente et Camarina ; à Soloi en Cilicie).
89 L’auteur de ce traité géographique est tardif, mais il a compilé des informations qui pour certaines s’avèrent antérieures à Strabon : Letronne 1829 considère la composition de l’ouvrage postérieure au IVe s. p. C. ; Jacob 1990, p. 19, la date quant à lui du IIIe s. p. C. Medas 2008, pour qui l’œuvre est le plus ancien portulan connu digne de ce nom, la place à la moitié du Ier s. p. C. et considère que ses sources sont de l’époque républicaine et du tout début de l’Empire.
90 Cf. notamment A. Nawrath, « s.v. Salmonia », RE I A, 2, Stuttgart, 1920, col. 1990 : résumé un peu ancien à corriger ; Willetts 1962, p. 281-282.
91 Voir Guarducci 1942, p. 156-163. L’épigraphiste signale des vestiges d’un temple (« peut-être du VIe a. C. »), en l’occurrence des blocs de pierre, visibles sous l’eau. Didier Viviers, qui dirige les recherches sur le territoire d’Itanos, avoue très mal connaître le promontoire car il est classé zone militaire : lors de son unique visite, il n’a pas eu loisir de vérifier même si ces inscriptions étaient toujours visibles. Nous le remercions pour ces informations et son amicale visite de l’ensemble du site d’Itanos.
92 IC II, xxv, 2 : Θεάρεστος Νικοδάμου / Εὐρύμνιον Φείδωνος / ὑπὲρ τῶν τέκνων Ἀθάναι / Σαμωνίαι εὐχάν.
93 Les commentateurs de l’inscription sont tous d’avis que la pierre a été transportée par mer depuis le promontoire de Salmonion jusqu’au littoral de Sulia : cf. Guarducci 1942, p. 280.
94 IC III, iii, 5 = CIG III, 2555 : (l. 11-15) ὀμνύω ... καὶ Ἀθαναίαν Ὠλερίαν καὶ Ἀθαναίαν Πολιάδα / καὶ Ἀθαναίαν Σαμωνίαν καὶ... L’inscription est de surcroît fragmentaire : il manque le début du texte.
95 Willetts 1962, p. 281-282, les place cependant sous l’Empire à une date tardive. Certes, beaucoup sont de cette époque, mais ce n’est pas le cas de tous.
96 IC III, vii, 3.
97 Les dessins n’ont peut-être rien à voir avec l’inscription : ils ont pu être gravés plus tard. Le commentaire des IC III, p. 162 est très pauvre et propose des restitutions plus que douteuses. Le texte est très lacunaire, et la disposition boustrophedon lue de bas et haut paraît surprenante. La forme du H semble indiquer une origine non crétoise de l’auteur de l’inscription. Voir les quelques remarques de Jeffery 1990, p. 310-311.
98 IC III, vii, 2 : dauphin ; IC III, vii, 4, 18-19, 22 ( ?) : pieds ; IC III, vii, 27 : bateau. D’autres dessins représentent deux labyrinthes (IC III, vii, 21 et 27), une tête de bœuf et une mouche ( ?) (IC III, vii, 27).
99 L’inscription IC III, vii, 1 du IIe ou Ier s. a. C. qui se présente sous la forme [Noms de personnes + χαριστεῖον] renforce l’impression d’un sanctuaire où l’on remercie la déesse d’un voyage bien déroulé ; cf. Guarducci 1942, p. 157-158. Sur les inscriptions d’euploia, voir infra, p. 274 ss.
100 IC III, vii, 19 donne trois fois le nom d’Apollon : deux au génitif, une au datif. Les formes différentes de l’oméga pousseraient à distinguer plusieurs inscriptions plutôt qu’une seule. Quoi qu’il en soit, la graphie des trois noms est tardive.
101 Nous n’avons pas retenu le concours nautique de Sidè en l’honneur d’Apollon et Athéna mentionné par L. Robert : il est attesté seulement pour le IIIe s. p. C. (Robert 1948).
102 Waltz, in Anth. Pal., éd. Budé, t. III p. 164, note 4, penche pour la seconde hypothèse ; Trippé 2008, p. 387-393 pour la première.
103 Cette citation de Denys de Byzance est controversée : pour Vian 1974, p. 94, il s’agirait d’une confusion, l’autel en question étant connu par une autre source dédié à Artémis. Voir également le commentaire de Müller 1855-1861, II au dit passage ; Jessen 1905 l’enregistre comme une Athéna et Anti 1920, p. 279 la met en relation avec l’Athéna Aithyia de Mégare, métropole de Byzance.
104 Fenet 2005, p. 42-43, avec références.
105 La source de Strabon et de Pline serait la même, en l’occurrence Artémidore, ce qui reculerait d’autant la datation de ces informations : cf. commentaire de l’éditeur du texte de Strabon dans la collection Budé. Les îlots des Sirènes sont identifiés avec Li Galli, à 8 km à l’est de la Punta della Campanella : Caro & Greco 1993, p. 105-108.
106 Odyssée, XII, v. 1-200. Bérard 1957, p. 309 et 316-317.
107 Wachsmuth 1967, note 1840 et p. 403.
108 Morel 1982, p. 149-153 et III pl. xxix-xxxiii ; Russo & alii 1990.
109 Russo & alii 1990 ; Guzzo & alii 1992 ; Caro & Greco 1993, p. 105-108.
110 L’éditeur de l’inscription pense que celle-ci n’est pas étrangère à cet événement : ce serait un moyen pour Rome de faire sentir sa présence sur un territoire sorrentin encore très samnite (Guzzo & alii 1990, p. 213).
111 Sénèque, Lettres à Lucilius, éd. Budé, p. 66.
112 Wachsmuth 1967, p. 407. Kapitän, 1967-68, p. 167-180 ; Kapitän 1989, p. 147-148 et fig. 2-3.
113 Nombreuses références dans Wachsmuth 1967, p. 116-118 ; voir également infra, passim.
114 Pour une telle présence de céramiques dans le port Marseille, c’est l’avis de A. Hesnard, que je remercie de m’avoir communiqué. De plus, Kapitän 1989, p. 147-148 et fig. 2-3, présente des exemplaires de 65 cm de diamètre : il ne s’agit plus de kulikes mais de plats ! L’hypothèse de Kapitän semble cependant être couramment suivie : voir par ex. Romero Recio 2000, p. 89-91 ; ou Beltrame 2002, p. 75-76 qui rattache ainsi les beaux objets ouvragés de l’épave d’Ilovik à la pratique de telles libations.
115 Coarelli & Torelli 1984, p. 232-234 et plans de situation p. 221, 225. Aujourd’hui le Duomo occupe l’emplacement du temple dont il a conservé quelques restes. Les fouilles ont mis au jour un temple dorique daté du VIe s. a. C., auquel a succédé un temple d’époque classique. La décoration de la porte d’entrée est connue par la description de Cicéron, Seconde action contre Verrès II, 4, 124-125.
116 F. Lasserre, in Strabon III, éd. Budé, p. 61 note 3, renvoie sans trancher à deux identifications du lieu : une cité d’Oducia située dans la vallée du Guadalquivir, et celle d’Ulisi repérée dans la sierra au nord de Malaga.
117 En ce qui concerne les traditions homériques de la région, Strabon opère ensuite une digression sur les récits populaires répétés par les géographes qui l’ont précédé et sur ce qu’il est à son avis juste de retenir de l’ensemble de ces propos.
118 Wachsmuth 1967, p. 410, qui y voit un lieu propre à ce qu’il appelle « le sacrifice intermédiaire » : réalisé en cours d’un trajet lors d’une escale.
119 Voir dans le corpus les références à l’Indica d’Arrien.
120 Tiverios 1996 les interprète non pas comme des marques distinctives de peintres, mais comme des repères pour les tamiai responsables de l’huile sacrée d’Athéna (cf. Aristote, Constitution des Athéniens 60, 2-3) afin de différencier les répartitions. Voir aussi Lacroix 1955-56.
121 Plutarque, De sollertia animalium 985B.
122 Inv. 441 ; Bentz 1998, no 6.070 (p. 129) et pl. 22. D’après la fiche d’inventaire du vase, celui-ci, provenant de Vulci, est entré au musée par achat d’une collection privée.
123 Glyptothèque, inv. 2653. Boardman & alii 1990, 1 p. 146 no 3124 et 2 p. 138 ; Bentz 1998. Apparemment, les deux vases sont apparentés : dus au même peintre ou au même groupe ; cependant, les ancres ne sont pas similaires.
124 Seul l’ouvrage de F. Moll aborde le thème de la représentation de l’ancre dans l’Antiquité (Moll 1929a, ch. XXI p. 36-38, pl. E II a et b et légendes p. 69-72) ; un exemple d’une ancre sur une amphore attique à figures noires du British Museum figure dans Gianfrotta & alii 1997, p. 301. Le motif de l’ancre apparaissant sur monnaies, cas le plus fréquent sans doute, ne doit en revanche révéler que le caractère maritime des cités qui les ont émises (Anson 1910-16, V p. 87-91 et pl. XIV ; voir Moll 1929, ch. XXI p. 36-38, pl. E II a 1-48 : il s’agit surtout de monnaies hellénistiques de la zone orientale). Il sert aussi de marque sur les timbres amphoriques : par exemple Delivorrias 1987, no 120b : sur une amphore cnidienne du IIe s. a. C., trouvée à Délos.
125 British Museum B 237. Boardman & alii, 1 p. 146 no 3121 et 2, p. 138. L’amphore, datée 520-510 a. C., est attribuée au « Eye-siren group ». Bentz 1998, p. 204-207, recense également une amphore d’Exékias, datée 540-530.
126 Louvre inv. F274 ; le vase, provenant d’Étrurie, est daté vers 530-520 a. C. Bentz 1998, p. 204-207, inventorie pour sa part deux amphores portant ce motif : l’une de 566-560, l’autre de 520-510 (celle du Louvre), ainsi qu’une troisième avec un poisson, datée 530-520.
127 Aucun fait maritime marquant ne semble être survenu à Athènes durant les années 520/510 qui ont vu la fin du règne de Pisistrate. Bentz 1998, p. 48-50, estime que ces motifs marins, plutôt que de renvoyer à la déesse poliade, renvoient à la cité et à sa puissance. Par ailleurs, selon une enquête menée auprès de spécialistes de céramique et d’histoire de l’art, aucune relation n’a pu être établie entre un atelier et ce type de motif : peut-être ce dernier est-il la marque personnelle du commanditaire du vase ; c’est une piste qu’il faudrait sans doute explorer.
128 Lenormant & Witte 1894, p. 245-249 et pl. LXXV ; Demargne 1984, 1 p. 1012 no 599. Sur le terme d’aphlaston, voir infra p. 251 et fig. 12.
129 Wade-Gery 1933, p. 99-101 et fig. 4. Le savant américain rapproche ce vase de trois fragments contemporains trouvés sur l’Acropole d’Athènes figurant des personnages féminins brandissant un aphlaston : le manque d’attributs empêche toute affirmation pour deux de ces fragments, tandis que pour le troisième il est certain qu’il ne peut s’agir d’Athéna. Ces fragments sont enregistrés par Demargne 1984, sous le no 597 (p. 1012).
130 Richter 1936, p. 69-70 no 48 et pl. 46 ; Gauer 1968, p. 72 ; Demargne 1984, 1 p. 1012 no 598 et 2, p. 762. Un autre lécythe (Musée de Berlin, inv. 2211) signalé comme troisième attestation du type Athéna à l’aphlaston par Richter 1936, loc. cit., paraît plutôt représenter une Nikè : voir Lenormant & Witte 1894, pl. XCVI.
131 Demargne 1984, 1 p. 1037 ; Deubner 1927, p. 181 et fig. 14 montre une Athéna tenant ce qui semble être une stylis figurant sur une amphore panathénaïque. L’absence totale de référence, de datation empêche de prendre en compte l’information, faute de pouvoir la vérifier.
132 British Museum inv. 89. II-II. I. Demargne 1984, 1 p. 1013 no 514 et 2, p. 763 ; Walters 1926, p. 63 no 515 pl. 9 ; J. Boardman 1970, p. 288 et fig. 486.
133 Je remercie Anne Destrooper, numismate spécialisée sur les émissions chypriotes, pour ce commentaire.
134 Nous ne tenons pas compte ici des types trop tardifs telle l’émission de Corcyre sous Plautilla qui comporte au revers un navire à voile, sur la proue duquel se trouve une Athéna Promachos : Anson 1910-16, V p. 100, no 714 (= Gardner 1883, p. 165, no 693).
135 Hill 1897, p. 81 no 14 et pl. XVI, 12 ; Anson 1910-16, V p. 119 no 933, pl. XIX.
136 Sur ces monnaies, l’ornementation des bateaux en relation avec des figures divines et cette tradition phénicienne, voir infra 2e partie p. 251 ss. De la même manière, le personnage armé debout sur une proue du monnayage de Lébédos (Ionie), daté après 190 a. C., ne nous semble pas devoir être identifié avec une Athéna : Head 1892, p. 155 no 12 et pl. XVII, 11
137 Hill 1897, p. 81 no 15 et pl. XVI, 13 ; Anson 1910-16, V p. 121 no 949 et pl. XX. Des émissions attiques du règne d’Hadrien montrent également une chouette au-dessus d’une proue : Anson 1910-16, V, p. 121 no 948 et pl. XX ; Head 1977 p. 109 no 792. Inscription : Tituli Asiae Minoris II, 3, no 1184.
138 Basch 1987, p. 272-274 ; Hill 1904, p. xliii et pl. XXV, 6-8.
139 Voir supra, p. 56.
140 Ces monnaies ne sont pas attribuées à une cité de façon sûre ni datées précisément.
141 Signalons encore, pour l’écarter, un tétradrachme de Lysimaque, frappé à Byzance en 195 a. C. (donc bien après la mort du roi), qui présente au revers une Athéna assise, tenant une Nikè sur sa main ; en-dessous de la déesse apparaît un trident : Ringel 1984, p. 34, no 28. Il doit s’agir en effet d’une marque monétaire indiquant une information purement pratique (superviseur ?), ou d’un symbole référant à la cité, sans lien direct avec la divinité.
142 Detienne 1970 ; Basch 1978.
143 Detienne 1970, spécialement p. 153-154, 157-163, 176-177.
144 Detienne 1970, p. 169-170.
145 Wachsmuth 1967, p. 268 évoque également le naufrage d’Ajax, conséquence de la violence portée contre Cassandre arrachée à la statue d’Athéna ; ceci relève de la catégorie que le savant allemand nomme « naufrage par asébie ». Voir également Mc Cartney 1932, p. 214.
146 Ὄρνις δ’ ὡς ἀνόπαια· Εἶδος ὄρνιθος, ἢ άπό τοῦ ἄνω πέτεσθαι, ἢ ἀπò τοῦ ἄνω ἔχειν τοὺς ὦπας. Ὁ μὲν Ἀρίσταρχος ἀνόπαια προπαροξυτόνως ἀναγινώσκει ὄνομα ὄρνιθος λέγων, ὁ δὲ Ἡρωδιανòς ἀνοπαῖα ἀντὶ τοῦ ἀοράτως ἴν’ ᾖ οὐδέτερον πληθυντικòν, ὡς τò «πυκνὰ μάλα στενάχων» (Il. σ, 318) διò καὶ προπερισπαστέον φησίν. Οἱ δὲ, ἀνὰ ὀπὴν, ἣ καὶ καπνοδόχος καλεῖται. Καλῶς δὲ ὁ Ἡρακλείδης φησὶν, ἐν ταῖς ὀμοιότησι μὴ ἐπιφέρεσθαι τῶ ὄρνις, τò κύριον. Ἔλαθε γὰρ αὐτòν τò «ὄρνιθι λιγυρῆ ἐναλίγκιος» (Il. ξ, 290). Le dictionnaire Bailly ne choisit certes pas la première interprétation lorsqu’il donne pour anopaia « à perte de vue ».
147 Éd. Budé, t. I, p. 20.
148 Par exemple Odyssée III, 372, où Athéna prend l’apparence d’une orfraie. La scholie à Od. V, v. 337 rapproche ainsi plusieurs vers homériques dans lesquels une divinité, notamment Athéna, est assimilée à un oiseau ; le scholiaste interprète d’ailleurs ces attestations comme des comparaisons et non des métamorphoses : Πρòς τòν ἀναδυσμόν ἐστιν ἡ εἰκὼν καὶ τò παράδειγμα, οὐ κατὰ σῶμα. Οὕτω καὶ ὁ Ἑρμῆς «σεύατ’ ἔπειτ’ ἐπὶ κῦμα λάρῳ ὄρνιθι ἐοικώς». Οὕτω καὶ ἐπὶ Ἥρας καὶ Ἀθηνᾶς, «αί δὲ βάτην τρήρωσι πελειάσιν ἴθμαθ’ όμοῖαι» (Il. V, ν. 778), οὐ περιστεραὶ γενόμεναι, ἀλλ’ ὁμοῖαι τοῖς ἴθμασι τῶν περιστερῶν εἰς τò στρατόπεδον ἔρχονται. Ἴθματα δὲ οὐκ ἔστιν ἴχνια, ἀλλ’ ὁρμήματα καὶ πτὴσεις ἀπò τοῦ ἰέναι καὶ ἀπò τοῦ ἴθι ἰθμός. καὶ γὰρ καὶ τὴν εἴσοδον εἰσιθμὴν (VI, ν. 264) καλεῖ. Τò δὲ ποτὴν, ἵν’ ᾖ κατὰ τὴν πτῆσιν καὶ τὴν ὁρμήν. Ἀπαλλασσομένη μέντοι εἴκασται τῇ αἰθυίᾳ, ὡς καὶ Ἀθηνᾶ, «ὄρνις δ’ ὡς ἀνόπαια διέπτατο», καὶ «φήνη εἰδομένη.» Αἴθυια δὲ εἶδος ὀρνέου θαλασσίου.
149 Le dictionnaire Liddell-Scott qui évoque les trois interprétations penche quant à lui pour une sorte d’aigle, par rapprochement avec l’hébreu anapha.
150 Sur Ino, voir notamment Bonnet 1986 ; Farnell 1916 ; Krauskopf 1981.
151 La position de Detienne 1970, p. 141-142 et 176 n’est pas très explicite ; il semble néanmoins ne pas considérer Leucothéa comme une Athéna Aithyia.
152 Kiock 1915, p. 129 et Anti 1920, p. 282 rapprochent cette scène d’une coupe à figures noires (British Museum B379, datée entre 575 et 550) représentant Ajax et Cassandre près de la statue d’Athéna, à droite de laquelle se trouve un oiseau à tête humaine. Ce dernier est identifié comme une sirène par O. Touchefeu (« s.v. Aias II », LIMC I, Bern, 1981, 1 p. 339 no 16 et 2 p. 253) qui ne donne cependant aucun commentaire explicatif.
153 Pour Detienne 1970, p. 140, l’oiseau aithyia possède « la position de médiateur au cœur d’un triangle d’éléments – la terre, l’eau et l’air – », ce qui en fait un « homologue du navigateur » ainsi que du « bâtiment de course ».
154 Grammatici Latini, éd. Keil 1857 : I, 552, 12 ; l’équivalent latin est mergus.
155 Argonautiques II, v. 535 ss. Ce déplacement d’Athéna se situe au moment où les Argonautes s’approchent du redoutable passage des Roches Symplégades.
156 Sur les animaux annonciateurs du temps, voir Mc Cartney 1921, notamment p. 91-92.
157 Mc Cartney 1933, p. 3.
158 Luzón Nogué & Coín Cuenca 1986, p. 65-85 ont par ailleurs mis en évidence l’utilisation de l’oiseau dans la navigation antique, ce dont l’épisode argonautique du passage des Symplégades avec la colombe constituerait une illustration. Selon eux, l’épiclèse d’Aithyia renverrait à cette pratique, de même que ses liens avec le corbeau et la corneille ainsi que la faculté de la déesse de voir dans le noir. Cf. également Detienne 1970, p. 145 et note 3.
159 Paris, Cabinet des médailles inv. 260. Anti 1920, p. 270-318 ; Demargne 1084, 1 p. 964 no 61 (avec une erreur concernant les sources : le v. II, 600 d’Apollonios de Rhodes est cité à tort comme mentionnant une Athéna ailée, alors que l’adjectif qualifie Argô) et p. 1019 ; 2 p. 710.
160 Anti 1920, p. 287-288 et fig. 9.
161 L’auteur reconnaît l’existence d’un type d’Athéna ailé qu’il conclut archaïque et originaire de la Grèce de l’Est, mais lui refuse tout lien avec une tradition maritime.
162 Demargne 1984, loc. cit.
163 Musée du Louvre inv. F123. Morrison & Williams 1968, Arch. 57 p. 98 et pl. 15 a-b ; Casson 1991, pl. 5c.
164 Reddé 1986, p. 124 ; Anti 1920, p. 285 et fig. 6.
165 Nous n’avons retenu ici que les deux cas les plus vraisemblables. Anti 1920 présente un certain nombre d’autres vases et statues qu’on ne peut sans parti pris excessif accepter comme des représentations possibles d’Athéna marine.
166 Sur Athéna guerrière, voir Vian 1968, p. 57-58 et 64-66.
167 L’anecdote est reprise de façon très allusive par Aristophane, Guèpes, v. 1086 : Γλαῦξ γὰρ ἡμῶν πρῖν μάχεσθαι τòν στρατòν διέπτετο, et déformée par une scholie de Maxime Planude à ps.-Hermogène, Περί ἰδέων, 407 (voir corpus p. 539), qui cantonne le vol de la chouette au dessus de la flotte athénienne et voit plutôt une colombe se poser sur la trière du stratège (voir infra, p. 115).
168 Citons en particulier : le très riche Colloque Héra 1997 ; Parisi Presicce 1985 (un article essentiel sur Héra et la navigation).
169 Dans notre étude, les offrandes de bateaux provenant des sanctuaires d’Héra sont d’abord considérées comme des offrandes liées au monde de la navigation, même si elles ont pu en même temps revêtir d’autres aspects symboliques : voir à ce sujet Polignac 1997, et son résumé par Parker 2011, p. 90-91.
170 Les vers 514-520 semblent douteux : ils constitueraient un rajout pour tenter de concilier deux traditions concernant la mort d’Agamemnon, la seconde ayant pour cadre les environs du cap Malée – où Agamemnon n’avait rien à faire dans un itinéraire joignant la Troade à l’Argolide. Voir Bérard dans Odyssée, éd. Budé, t. I p. 104-105.
171 Mc Cartney 1933, p. 5-6.
172 Wachsmuth 1967, note 1830.
173 Respectant le principe exposé dans l’introduction, ne sont pas traités ici systématiquement tous les sites pour lesquels on a pu supposer un culte d’Héra plus ou moins lié avec la mer, ou certains sanctuaires dont la divinité n’est pas identifiée et qu’on lui attribue. L’article Loicq-Berger & Renard 1982 recèle ainsi de nombreux sites présupposés en Occident dont nous n’avons pas tenu compte.
174 Carte détaillée du promontoire dans Παπαχατζής v 1974-1981, III fig. 9 ; Semple 1927, p. 374. Bonne présentation des atouts nautiques dans Navaro-Lefèvre 2000, p. 42-44 et 55.
175 La publication des fouilles est parue en 1940 (Payne 1940), celle du matériel en 1962 (Dunbabin 1962) ; résumé des remises en cause à propos des datations et hypothèses dans Novaro-Lefèvre 2000, p. 45 ss.
176 Sur l’aspect oraculaire du sanctuaire lié à un bassin sacré au fond duquel on a retrouvé quelque 200 phiales de bronze et à un passage d’Hérodote (V, 92) : Tomlinson 1992 ; Will 1953, p. 145-169. Wachsmuth 1967, note 188 reprend l’hypothèse de Dunbabin 1951 qui considérait le geste de jeter une phiale dans un bassin comme un rituel effectué en l’espoir de bonne navigation.
177 Synthèse dans Novaro-Lefèvre 2000, p. 59-68.
178 Harpons : Payne 1940, p. 73 et 182, avec pl. 17 (no 9) et 80 (no 6). Novaro-Lefèvre 2000, p. 65-66.
179 Parmi les partisans d’un sanctuaire maritime : Höckmann 1985, p. 157 en évoquant simplement le cadre d’un « Hafenbucht » et Novaro-Lefèvre 2000 (jugement nuancé) ; Tomlinson 1992, pour sa part, occulte totalement cet aspect.
180 Novaro-Lefèvre 2000, p. 45-52 ; les inscriptions sont datables entre le milieu du VIIIe s. et le milieu du VIe s. a. C. Pour l’auteur, le blanc, commun à plusieurs divinités aquatiques, présente un lien avec la mer, mais aussi l’initiation, le passage et la mort. Cette thématique du blanc est reprise également par Romero Recio 2010, p. 113 à propos d’Athéna à Skyros.
181 Will 1955, p. 81 ss. voyant une influence du sanctuaire de Pérachora sur le culte corinthien de Médée.
182 Ibid., p. 36-38.
183 BCH LI, 1927, p. 488-489 ; Bon & Seyrig 1929, p. 345-347 ; Grandjean & Salviat 2000, p. 52-57 (ports), 97, 230 et fig. 12. L’inscription figure dans les IG XII, suppl., 409.
184 Sur l’Héraion de Délos, qui se trouve presqu’au pied de l’escalier N.-O. du Cynthe, sur la terrasse des dite des dieux étrangers, et dont le premier état remonte à la fin de l’époque géométrique, voir Bruneau & Ducat 2005, p. 279-281 (no 101).
185 ID 1426 B, II, l. 25-27 : ΕΝ ΤΩΙ ΠΡΟΔΟΜΩΙ· κινκλίδας ξυλίνας II· πινάκια ἀ/ναθεματικὰ Δ. καὶ τò τῆς Ἥρας τῆς ἐν λιμένι ὃ ἐπ(ε)σκευάσαντ[ο] / Γλαυκιάδης καὶ Ξενόφιλος. C’est Plassart 1928, p. 214, qui le premier refusa de reconnaître un agalma de la déesse, mais plutôt un pinax ; son interprétation fut ensuite reprise par tous. Synthèse du dossier : Duchêne & Fraisse 2001, p. 159.
186 Vallois 1944, p. 66 semble reconstituer une chapelle sur le port à l’emplacement futur de la salle nord du Portique de Philippe, avec un tableau votif la représentant – elle ou la déesse – dans le prodomos de l’Héraion ; avant lui, Roussel 1987, p. 245, supposait l’existence d’une chapelle désaffectée sur le port, dont on aurait ramené la statue à l’Héraion ; enfin Bruneau 1970a, p. 245, suppose l’existence d’une statue d’une Héra Liménia ou Épiliménia sur le port, par rapprochement avec Pérachora et Thasos (voir supra et infra).
187 Tassignon 2005, p. 295 et 301.
188 Vélissaropoulos 1980, p. 27 ; Bürchner, ‘s.v. Samos’, RE XXIV, Stuttgart, 1920, col. 2203.
189 Sur l„Héraion, voir la synthèse de Walter 1990 ; Furtwängler 1997 ; Zapheiropoulou 1997. Les fouilles, commencées par Cavvadias dans les années 1890 et menées par les Allemands depuis les années 1910, ont fait l„objet d„un certain nombre de publications archéologiques par le Deutsches archäologisches Institut sous le simple titre générique de Samos.
190 Ÿ travers Brize 1997, se dessinent pour Héra les rôles de protectrice du mariage, de la maison et de kourotrophe... L„auteur (p. 137) rattache cette pluralité de fonctions à la divinité carienne Hékaté, célébrée dans les vers 411-452 de la Théogonie hésiodique.
191 Tassignon 2005, p. 295 et 303 signale également deux fragments de corail, offrande archaïque qu„elle considère comme l„équivalent contemporain des modèles de bateaux ou de maisons.
192 Brize 1997, p. 136, affirme qu„à cette occasion la statue aurait été lavée dans la mer. Le texte de Ménodotos rapporté par Athénée évoque d„un côté la purification de la statue suite à l„épisode du rapt des pirates avant qu„elle ne soit replacée sur son socle, et de l„autre le fait de ἀφαγνίζεσθαι celle-ci lors des fêtes. Le bain d„Héra dans la mer est énoncé au conditionnel par Ginouvès1962, p. 289 et p. 383 : si le mot signifie bien laver, rien n„assure que cette opération n„ait pas été réalisée dans le sanctuaire (cf. Zapheiropoulou 1997, p. 153). Romero Recio (2000, p. 138-139 et 20 10, p. 95-100) restitue au contraire une procession avec bain purificateur dans la mer, à la manière de celle réalisée pour une statue de la Vierge ou d„un saint.
193 Wachsmuth 1997, p. 268 range ce témoignage parmi les cas de « naufrage par asébie ».
194 En outre, le trône de l’agalma serait une offrande d’un certain Aeakès prise sur la sylè (droit de saisie) : Syll. 3, 10. La sylè peut être ou terrestre ou maritime ; Vélissaropoulos 1980, p. 27 opte pour la seconde possibilité. Le passage de Ménodotos, comme celui de Pausanias (voir commentaire de Παπαχατζής 1974-1981, IV p. 37-38), établit également un lien ancien entre l’Héra samienne, Argos et l’osier.
195 Johnston 1985, p. 50-51 ; Höckmann 1985, p. 157-160 ; Parisi Presicce 1985, p. 66-67 ; Polignac 1997, p. 116. Certains cependant refusent tout culte maritime et lient les présences de bateaux dans le sanctuaire à un rite de fertilité selon lequel on les porte en procession – à la manière de la fête contemporaine se déroulant près de l’Héraion du Sele (voir infra) : par exemple Kyrieleis 1980, p. 92-94, ou encore P. Lévêque concluant Colloque Héra 1997, p. 267-270.
196 Par exemple Kyrieleis 1980, p. 92-94 ; Basch 1987, p. 242 ss. Romero Recio 2010, p. 99, considère en outre qu’avant l’aménagement de la voie sacrée, l’accès principal au sanctuaire se faisait par mer.
197 La variation du niveau de la mer et d’autres modifications géologiques font que les vestiges du temple se trouvent aujourd’hui en partie effondrés sur le rivage. Les recherches archéologiques sous-marines effectuées le long du promontoire n’ont rien relevé qui puisse avoir appartenu au temple (Roghi 1971, p. 310-315).
198 Principaux résultats dans Crotone 1984 ; Spadea 1997 ; Mezzetti 2009. Au début des années 2000, dans la zone d’habitat romain, ont été découverts des éléments architectoniques en terre archaïques formant un dépôt votif, qui constituent un toit : ce « Tetto B » est peut-être celui du temple archaïque.
199 Le lien du sanctuaire avec Jason apparaît également dans Pline (Histoire naturelle LXX).
200 Publication des premières fouilles : Zancani Montuoro & Zanotti-Bianco 1951-1954. Nouvelles recherches : Colloque Héra 1997 présente quatre articles sur l’Héraion du Sele (p. 173-210).
201 Bosi 1980, p. 72-75.
202 Tite-Live VIII, 22, 5-6 ; Phlégon de Tralles, De mirabilibus, 495-510.
203 Au lieu-dit Fondo Valentino : La Rocca & alii 1995. Valenza Mele 1977, p. 498-504 et Breglia 2009, p. 256-262 comparent le sanctuaire de Cumes avec celui de Pérachora ; Valenza Mele 1991-92, p. 9-17 ; Polignac 1998, p. 23 et 28 ; Pasqualini 2000. La plupart de ces articles supposent également l’existence d’un sanctuaire d’Héra à Naxos (Sicile), au bord de la mer et au sud-ouest de la cité, entre le VIIe et la fin du Ve s. a. C. : le caractère hypothétique de cette attribution et surtout le manque d’indications concernant le contexte de fondation du sanctuaire et le culte de la divinité empêchent d’intégrer Naxos dans ce chapitre.
204 Loicq-Berger & Renard 1982, p. 101 ; Parisi Presicce 1985, p. 72 ; Bonnet 1986, p. 244-249 ; Bonnet 1996, p. 112-114. Le site est identifié avec Tas Silg, près de la baie de Marsaxlokk au sud-est de l’île, où un culte rendu depuis le IIIe millénaire a vu se succéder aux époques historiques Astarté, Héra puis Junon (Debergh 1976). Sur la capacité d’Astarté de se greffer sur Aphrodite, Héra ou Artémis, voir Bonnet & Pirenne-Delforge 1999, p. 264-268. Offrandre de corail : Tassignon 2005, p. 294-296 et 303.
205 C’est le jugum sacrum d’Aviénus 322, de Skylax 112 : Wachsmuth 1967, note 1830.
206 Comparer avec les remarques de Polignac 1997, p. 115.
207 Wachsmuth 1967, p. 262.
208 La notice de Stéphane de Byzance (s. v. Héraia) ne parle pas d’une Héra Akraia, contrairement à ce qu’on peut lire dans certaines études : voir infra p. 81.
209 Polignac 1997 les définit comme des sanctuaires « du milieu ».
210 Torelli 1971, p. 63 insiste également sur le caractère maritime des sanctuaires d’Héra en Italie.
211 Fenet 2005, p. 42 et 46.
212 Ceci a été particulièrement souligné dans les différents articles de Colloque Héra 1997, notamment p. 115-116.
213 Sur ce point voir la démonstration brillante de Parisi Presicce 1985, p. 58 ss.
214 Le lien est souvent fait avec une statuette de l’Argolide, représentant Héra portant sur l’épaule droite une sorte de panier en forme de barque contenant des fleurs, publiée par Frickenhaus 1912b, p. 63 no 9 pl. III8 et p. 124-125 fig. 47-48. Dans la bibliographie relative à Héra, cette iconographie sert souvent de parallèle pour évoquer une continuité avec la fête contemporaine se déroulant près de l’Héraion du Sele. Mais ce qui se dégage de ces deux cas, c’est davantage une signification de fertilité que de protection de la navigation. Voir à ce sujet également Payne 1940, p. 196, 244 no 245 fig. 110 ; Polignac 1997.
215 Héra ne figure pas parmi les déesses mises en relation avec les Dioscures dans Chapouthier 1935a.
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