Chapitre 4
La médiatisation des affaires italiennes en France
p. 175-212
Texte intégral
1Durant tout le XIXe siècle, certaines questions de politique étrangère suscitèrent en France un intérêt qui dépassa largement les seuls cénacles politiques et diplomatiques et furent suivies par une grande partie du corps social1. Si la médiatisation des questions italienne et romaine au cours de la décennie 1860 ne constituait à ce titre pas un phénomène nouveau par sa nature2, son ampleur était cependant inédite et se trouvait facilitée par l’émergence à cette époque d’une culture de masse3. Une telle médiatisation rendait assez largement compte de l’attention portée par les Français aux affaires de la péninsule et contribuait en retour à l’accentuer.
2Étudier les liens entre presse4 – entendue ici dans un sens large, incluant à la fois les publications périodiques et non périodiques – et opinion publique implique tout d’abord de rappeler une évidence qu’il importe de garder à l’esprit : la presse n’est pas un milieu neutre où pourraient se lire par transparence les divisions de l’opinion publique. On ne saurait donc la considérer comme un simple miroir reflétant l’opinion publique du pays et l’on se gardera, par conséquent, de déduire du rapport de forces entre journaux favorables à l’Italie et journaux défenseurs de la papauté une quelconque conclusion sur la vision que les Français se faisaient de la question italienne5. L’étude de la presse reste néanmoins nécessaire car journaux et brochures jouèrent un rôle central dans la structuration du débat public autour de la question italienne. Les contemporains avaient du reste pleinement conscience de l’importance des différents médias dans l’accueil que les Français réservaient à la question italienne – et peut-être allaient-ils même jusqu’à le surestimer. L’État pontifical, comme le Piémont et, plus tard, l’Italie, cherchèrent ainsi à encourager les journalistes qui défendaient leur cause. En France même, des partisans de l’Italie aux défenseurs du pouvoir temporel en passant par le gouvernement, chaque camp tenta d’utiliser la presse comme un moyen de faire triompher ses idées.
3On étudiera tout d’abord la façon dont les catholiques, alors que le régime impérial se montrait soucieux de voir sa politique étrangère obtenir le soutien de l’opinion publique, virent dans la médiatisation des affaires italiennes un enjeu de première importance où se jouait partiellement le sort du pouvoir temporel et cherchèrent par conséquent à remporter face à leurs adversaires la bataille de l’opinion qui se jouait alors par journaux et brochures interposés. On s’intéressera par la suite aux brochures publiées autour des questions italienne et romaine pour tenter d’en évaluer le nombre, d’en analyser l’écho au sein de toutes les classes de la société et de montrer la grande diversité d’opinions qu’elles reflétaient. Enfin, on cherchera à reconsidérer cette médiatisation en montrant qu’elle s’insérait plus largement dans un vaste espace public européen structuré autour des affaires italiennes, dans lequel la France occupait une place majeure.
I. La presse, l’opinion publique et la question italienne
1. Le régime impérial et la médiatisation de la question italienne
4L’attention particulière que Napoléon III accordait à l’accueil de sa politique étrangère par l’opinion publique est connue6. Bien souvent, le gouvernement impérial chercha à susciter chez les Français un consensus autour de ses entreprises extérieures en recourant de manière complémentaire à des procédés de deux ordres : d’une part, il chercha à restreindre voire à empêcher l’expression de positions trop ouvertement contraires à sa politique ; d’autre part, il tenta, à travers la presse officielle et semi-officielle, de défendre et de propager ses idées7. Ces deux types de procédés n’atteignirent cependant pas toujours les résultats escomptés.
5En ce qui concerne le premier point, la législation sur la presse joua à plein contre les journaux catholiques et légitimistes en 1859 et 1860, au moment où les questions italienne et romaine furent le plus vivement débattues en France. L’année 1859 marqua ainsi un tournant pour la presse catholique, qui ne bénéficia plus de la part des autorités de la bienveillance dont elles l’avaient jusque-là entourée. L’Univers, qui n’avait depuis les débuts du régime reçu en tout et pour tout qu’un seul avertissement8, fut ainsi averti à trois reprises en moins de six mois, de juillet à décembre9. Le Correspondant reçut quant à lui un avertissement pour un article de Montalembert publié dans son numéro d’octobre10 et L’Ami de la religion subit le même sort le 30 octobre pour avoir reproduit cet article dans ses colonnes ; en novembre, il fut par ailleurs saisi puis condamné pour diffusion de fausses nouvelles11. La répression toucha également la presse de province12. Au début de l’année 1860, la plupart des journaux qui avaient été l’objet d’avertissements de la part de l’administration depuis l’amnistie qui avait suivi la victoire en Italie étaient ainsi catholiques ou légitimistes.
Tableau 2 – Journaux frappés par des avertissements administratifs entre la guerre d’Italie et le début de l’année 186015.
Total des journaux avertis | dont journaux temporalistes | |
Un avertissement | 12 | 9 (75 %)13 |
Deux avertissements | 5 | 4 (80 %)14 |
6Par la suite, durant l’année 1860, l’administration suspendit pour deux mois La France centrale et supprima L’Univers (janvier), La Bretagne (février) et La Gazette de Lyon (octobre). En mars, un journal non politique, La Revue du Pas-de-Calais, fut par ailleurs l’objet d’un procès qui entraîna sa suppression16. Au cours des années suivantes, soit que l’actualité s’y prêtât moins, soit que la violence de la répression eût poussé les journaux temporalistes à davantage de réserve, la presse catholique et légitimiste perdit en virulence et le gouvernement ne fit plus usage de manière aussi systématique de ses prérogatives à son encontre.
7Parallèlement à cette politique visant à étouffer les contestations les plus fortes, le gouvernement chercha à favoriser les journaux qui lui étaient soumis ou bienveillants. L’autorisation accordée par Napoléon III à Adolphe Guéroult, ancien rédacteur de La Presse, de fonder un nouveau quotidien qui prendrait pour titre L’Opinion nationale et soutiendrait une politique italophile et anticléricale proche de celle prônée par le prince Napoléon fut la principale illustration de cette politique dès les lendemains de la guerre d’Italie17. Surtout, le gouvernement utilisa les journaux qui se trouvaient directement ou indirectement sous son influence pour défendre sa politique italienne auprès des Français. Davantage que Le Moniteur, le journal officiel du régime, ce furent les trois principaux journaux officieux de l’Empire qui incarnèrent une telle politique : Le Constitutionnel, Le Pays et La Patrie. Ces trois journaux ne possédaient cependant pas exactement le même positionnement à propos de la question romaine, Le Pays ayant adopté une ligne beaucoup plus favorable au pouvoir temporel et critique à l’égard du royaume d’Italie que Le Constitutionnel et La Patrie18. Dans le but de toucher un lectorat plus ample que celui des seuls lecteurs de ces journaux, Napoléon III encouragea par ailleurs la parution de diverses brochures, dont les deux plus importantes furent celles que La Guéronnière écrivit à sa demande.
8Ces brochures n’atteignirent cependant que très imparfaitement leur but. Chacune d’entre elles donna ainsi lieu à des controverses importantes dans la presse, controverses qui se développaient avec d’autant plus de liberté que ces opuscules n’étaient pas parus officiellement sous l’égide du gouvernement et avec d’autant plus de virulence que nul n’ignorait leur caractère officieux. On le vit dès les lendemains de la parution de L’Empereur Napoléon III et l’Italie19. Surtout, la brochure Le Pape et le Congrès suscita en France d’innombrables articles et de nombreuses brochures20 dont les principales furent, du côté des défenseurs de la papauté, l’œuvre d’évêques21 et de journalistes22. En choisissant de répondre par le biais de brochures plutôt qu’à travers des mandements ou des articles de journaux, ceux-ci témoignaient de l’importance qu’ils accordaient en une période de crise à ce que leurs écrits pussent bénéficier de la plus grande diffusion possible et, par ce biais, toucher plus efficacement l’opinion publique23.
9Si la stratégie de Napoléon III visant à susciter, par l’intermédiaire de diverses publications, un consensus autour de sa politique italienne échoua ainsi en 1859-1860, ce fut sans doute en partie en raison du caractère à la fois personnel et secret de cette politique, qui prit bien souvent à défaut la presse officieuse elle-même24. Le clivage qui existait au sein même du gouvernement au sujet de Rome et de l’Italie entre les « italianissimes » (principalement Persigny, Thouvenel et Rouher) et les défenseurs de la papauté se traduisirent par ailleurs par l’apparition de divergences notables au sein de la presse officieuse, notamment à partir de 1862. Cette année-là, en effet, La Guéronnière fonda avec le soutien du pouvoir un nouveau quotidien, qui prit pour titre La France. Dès son origine, le journal fut marqué par l’attention qu’il accordait à la question romaine et à la nécessité de sauvegarder le pouvoir temporel de la papauté. Il proposait en effet de diviser l’Italie en deux États, entre lesquels pourrait subsister un État pontifical réduit au seul patrimoine de Saint-Pierre, projet qui ne pouvait manquer de mécontenter à la fois les partisans de l’unité italienne et les défenseurs d’une restauration des États du pape dans leurs limites de 185925. Ses déclarations en faveur du maintien des troupes d’occupation françaises à Rome lui valurent par ailleurs des critiques du Constitutionnel et de La Patrie, qui prirent soin de préciser que les idées de La Guéronnière n’engageaient que lui et qu’elles n’avaient pas reçu l’approbation de l’empereur26. La ligne de La France en fit ainsi le journal semi-officiel le moins éloigné des positions de la diplomatie romaine, au point que le nonce pût au début de l’année 1863 y faire publier des documents destinés à défendre l’administration pontificale des attaques dont elle était victime dans une partie de la presse française27.
10Le gouvernement impérial n’était pas seul à accorder aux modalités de la médiatisation des affaires de la péninsule une grande importance. Cavour lui-même chercha par moments à favoriser la diffusion en France de brochures susceptibles d’aider sa politique28. En avril 1861, il envoya ainsi au chargé d’affaires à Paris, le comte Gropello, plusieurs centaines d’exemplaires de son discours sur Rome capitale en lui demandant de les faire mettre en vente chez Dentu « au plus bas prix possible ». De même, il put à certains moments encourager par des rétributions pécuniaires ou symboliques les journalistes français qui défendaient la cause italienne29 – la papauté ne procédait pas autrement à la même époque30.
2. Panorama de la presse temporaliste
11En France, les défenseurs du pouvoir temporel purent s’appuyer sur l’existence d’un réseau déjà constitué de journaux et d’éditeurs catholiques ou légitimistes. Il faut à ce titre distinguer trois principaux types de publications, utilisés de manière complémentaire. La presse périodique quotidienne, semi-quotidienne ou hebdomadaire joua un rôle de premier plan dans la diffusion de l’information, la défense de la cause de la papauté dans les nombreuses polémiques nées des événements italiens et la mobilisation des fidèles sur le long terme. Le format des articles limitait cependant l’argumentation qui pouvait y être développée. La publication de brochures permettait toutefois de pallier ce problème. Celles-ci possédaient en effet un triple avantage, dû à leur volume plus important, à leur capacité à toucher un public différent de celui des journaux ainsi qu’à la plus faible surveillance que les autorités exerçaient à leur encontre. Ces opuscules permettaient à leurs auteurs, du fait de la rapidité de leur publication, de prendre position sur les questions importantes du moment tout en développant leur argumentation. La plupart d’entre eux étaient d’ailleurs conçus dans un tel but et n’étaient pour cette raison vendus que pendant quelques semaines. Leur prix, compris généralement entre 30 centimes et 1,5 franc, en permettait une diffusion relativement large, parfois accrue par des reproductions dans la presse périodique. Aux journaux et aux brochures venaient enfin s’ajouter quelques ouvrages de volume plus important (plusieurs centaines de pages), qui étaient inadaptés aux polémiques de circonstance mais traitaient les questions italienne et romaine de façon plus large, souvent en les jugeant à l’aune de grands principes généraux et en ayant recours à de vastes références à l’histoire de la péninsule et de la papauté31. Leur registre de langue et leur prix (plusieurs francs) en limitait nécessairement la diffusion aux couches supérieures de la société.
12La grande majorité des ouvrages portant sur les affaires italiennes était publiée à Paris32. Dentu était de loin l’éditeur le plus important, en publiant aussi bien des brochures temporalistes que des opuscules favorables à l’Italie33. Trois autres éditeurs parisiens, publiant quant à eux exclusivement des écrits en faveur de la papauté, avaient également un poids considérable : Douniol34, Palmé35 et Gaume et Duprey36.
13En raison de sa diffusion, la presse périodique occupa une position centrale dans la défense de l’État pontifical auprès de l’opinion publique et dans la mobilisation des fidèles autour du pouvoir temporel. Les journaux catholiques reçurent généralement dans cette tâche l’appui des journaux légitimistes, prompts à voir dans la cause de la papauté celle de l’ordre européen. Aussi importe-t-il de brosser un panorama de cette presse, composée d’une importante variété de titres, parfois hostiles les uns envers les autres pour des raisons touchant aussi bien à la politique qu’à la religion.
14Au cours des années 1850, ces journaux avaient dans l’ensemble bénéficié de la bienveillance ou tout au moins de la mansuétude du pouvoir. Ce fut le cas non seulement des journaux catholiques qui avaient affiché très tôt leur soutien au régime impérial mais également de la plupart des journaux catholiques opposants et des journaux légitimistes. Ces derniers ne furent en effet que rarement inquiétés comme l’étaient à la même époque les journaux de l’opposition orléaniste ou républicaine, dont bon nombre disparurent. À la veille des événements italiens, dans certains départements, le journal légitimiste local faisait d’ailleurs figure de seul journal politique d’opposition – certes modérée – face à l’organe de la préfecture37. Une telle situation changea cependant en raison de l’hostilité suscitée par la politique italienne de Napoléon III. À quelques suppressions et disparitions près, cette presse ne connut toutefois que peu de transformations entre 1856 et 1871.
15La plupart des principaux journaux catholiques et légitimistes étaient publiés à Paris. La presse catholique était dominée par L’Univers puis, lorsque celui-ci disparut en janvier 1860, par Le Monde. Ces deux quotidiens se voulaient les défenseurs d’une voie « catholique avant tout », plaçant la défense de l’Église au-dessus de toute autre cause. Leur intransigeance les conduisait à s’opposer régulièrement dans de virulentes polémiques aux journaux catholiques libéraux ou légitimistes. Le catholicisme libéral, qui avait très tôt cherché dans la presse un vecteur pour propager ses idées38, trouvait quant à lui des organes dans L’Ami de la religion, devenu un quotidien en 1858, le Journal des villes et des campagnes et Le Correspondant, revue mensuelle avant tout destinée à un public lettré dont Charles de Montalembert avait pris le contrôle en 185539. En 1868, s’ajouta à ces journaux Le Français, proche de Mgr Dupanloup. Au contraire de celles de L’Univers ou du Monde, les rédactions de ces quatre journaux accordaient une place importante à des légitimistes. La presse à proprement parler légitimiste était quant à elle dominée par La Gazette de France, le journal de Lourdoueix, et par L’Union, dirigée par Laurentie40.
Tableau 3 – Tirages des journaux politiques catholiques et légitimistes parisiens en 1858, 1859, 1860, 1867 et 186842.
Journal | Tirage moyen en janvier 185841 | Tirage moyen en juillet 1859 | Tirage moyen en octobre 1860 | Tirage au 1er juillet 1867 | Tirage au 31 octobre 1868 |
L’Univers | 4 112 | 7 000 | – | 4 000 | 7 000 |
Le Monde | – | – | 13 166 | 3 000 (quot.) 4 000 (semi-quot.) | 2 500 (quot.) 3 400 (semi-quot.) |
Le Correspondant | 1 120 | 3 220 | 3 000 | 4 800 | 5 000 |
L’Ami de la religion | 1 100 | 2 973 | 5 661 | – | – |
Journal des villes et des campagnes | 2 500 | 2 900 | 3 000 | 3 600 | Non précisé |
L’Union | 3 244 | 5 440 | 7 732 | 7 400 | 6 500 |
La Gazette de France | 3 870 | 4 322 | 5 270 | 6 400 | 6 333 |
16Cette presse parisienne était dans l’ensemble rédigée avec un véritable esprit d’indépendance à l’égard du gouvernement, tendance qui ne fit que s’accentuer à partir de 1859. Pour cette raison, le gouvernement chercha à plusieurs reprises à favoriser l’émergence d’un journal qui fût à la fois religieux et impérialiste – en 1862, sa tentative de prise de contrôle de L’Ami de la religion aboutit toutefois à la disparition du journal43.
17Aux journaux parisiens, s’ajoutaient une importante presse régionale, dont certains organes pouvaient avoir une diffusion dépassant largement leur département d’origine. Cette presse était principalement composée de titres légitimistes qui se firent de farouches défenseurs de la souveraineté pontificale.
Tableau 4 – Journaux légitimistes des départements en septembre 186244.
Département | Nombre de journaux | Titre | Nombre d’abonnés |
Allier | 1 | Le Mémorial | 720 |
Aveyron | 1 | L’Écho de l’Aveyron | 475 |
Bouches-du-Rhône | 1 | La Gazette du Midi | 1 500 |
Calvados | 1 | L’Ordre et la Liberté | 1 370 |
Cantal | 1 | La Haute Auvergne | 343 |
Côte-d’Or | 1 | L’Union bourguignonne | 2 800 |
Côtes-du-Nord | 2 | La Foi bretonne | 418 |
Le Dinannais | 141 | ||
Doubs | 1 | L’Union franc-comtoise | 1 775 |
Finistère | 1 | L’Océan | 460 |
Gironde | 1 | La Guienne | 932 |
Hérault | 1 | La Publication de Béziers | 400 |
Ille-et-Vilaine | 1 | Le Journal de Rennes | 1 250 |
Loir-et-Cher | 1 | La France centrale | 407 |
Loire-Inférieure | 1 | L’Espérance du peuple | 1 542 |
Maine-et-Loire | 2 | L’Ami du peuple | 4 140 |
L’Union de l’Ouest | 740 | ||
Haute-Marne | 1 | L’Union de la Haute-Marne | 1 018 |
Mayenne | 1 | L’Indépendant de l’Ouest | 374 |
Meurthe | 1 | L’Espérance | 1 050 |
Moselle | 1 | Le Vœu national | 777 |
Nord | 4 | Le Propagateur | 1 310 |
L’Émancipateur | 395 | ||
L’Écho de la frontière | 475 | ||
Le Courrier douaisien | 350 | ||
Pas-de-Calais | 1 | Le Journal de Calais | 351 |
Basses-Pyrénées | 2 | Le Mémorial des Basses-Pyrénées | 1 552 |
Le Courrier de Bayonne | 330 | ||
Hautes-Pyrénées | 1 | L’Intérêt public | 348 |
Bas-Rhin | 1 | L’Alsacien | 520 |
Sarthe | 1 | Le Chronique de l’Ouest | 755 |
Var | 1 | L’Union du Var | 464 |
Vienne | 1 | Le Courrier de la Vienne | 826 |
Yonne | 1 | Le Sénonais | 826 |
Total | 34 | 31 134 |
18Parmi ces titres, L’Union de l’Ouest et L’Ami du peuple, qui lui servait en quelque sorte de feuille hebdomadaire, avaient un tirage et une diffusion comparables à ceux des grands journaux légitimistes parisiens, puisqu’ils étaient distribués dans la plupart des départements du pays. Les autres journaux avaient une diffusion plus locale, mais pouvaient atteindre des tirages conséquents à l’échelle régionale : L’Espérance (Nancy) dominait ainsi une partie du Nord-Est français, La Gazette du Midi (Marseille) le Sud-Est, La Guienne (Bordeaux) le Sud-Ouest et L’Espérance du peuple (Nantes) et Le Journal de Rennes une partie de l’Ouest. La plupart d’entre eux avaient dans leurs départements de publication une audience incomparablement plus élevée que celle de n’importe quel journal parisien de leur tendance et l’on aurait ainsi tort de concevoir les relations entre la presse parisienne et la presse de province comme fondamentalement asymétriques. Le fait que toutes deux se citaient régulièrement tend au contraire à montrer une certaine complémentarité. Journaux politiques parisiens et départementaux – auxquels il faut ajouter les Semaines religieuses créées au cours de la décennie 1860 dans la plupart des diocèses45 – pouvaient ainsi défendre auprès d’un large public la cause de la papauté et organiser une partie de la mobilisation des fidèles.
19La question romaine eut des conséquences variables sur ces journaux. Certains sortirent renforcés de leur opposition à la politique italienne du gouvernement, qui leur apporta de nouveaux lecteurs. Ce fut le cas, par exemple, du journal nantais L’Espérance du peuple, dont le tirage passa de 800 à 1 500 exemplaires en 1861 grâce au soutien du clergé et des laïcs catholiques, qui abandonnèrent à son profit la gouvernementale Union bretonne46. D’autres journaux, au contraire, eurent davantage à pâtir de leur soutien à la cause pontificale. La Publication de Béziers se vit ainsi retirer le 12 octobre 1860 les annonces judiciaires dont elle avait jusque-là bénéficié de la part du gouvernement et qui jouaient un rôle non négligeable dans l’équilibre de son bilan financier47.
3. Informer ou influencer ?
20La connaissance que la plupart des Français avaient de l’Italie était bien mince au milieu du XIXe siècle. Certes, l’amélioration des moyens de transport paraît avoir alors permis d’augmenter sensiblement le nombre des voyageurs français en Italie48, qui ne se réduisaient plus comme au XVIIIe siècle aux seuls pèlerins et aristocrates accomplissant leur Grand Tour49. De même, grâce aux progrès conjugués de l’imprimerie et de l’alphabétisation, le XIXe siècle vit en France une véritable explosion du nombre de publications de toute nature consacrées à l’Italie50 ainsi qu’une multiplication des traductions d’ouvrages italiens51. Néanmoins, ces transformations, si importantes fussent-elles, ne doivent pas faire oublier que les représentations que les Français avaient alors de l’Italie et des Italiens tenaient sans doute moins aux informations objectives qu’ils avaient pu recueillir qu’aux stéréotypes ethnographiques, politiques et religieux sur la péninsule, stéréotypes d’autant plus puissants qu’ils conditionnaient bien souvent la réception même des nouvelles arrivées de l’Italie52.
21Malgré l’augmentation du nombre de voyageurs, les Français qui possédaient une connaissance directe de l’Italie restaient par ailleurs fort rares et il faut noter que les nouveaux moyens de transport, tout en facilitant les déplacements, ne favorisaient cependant pas nécessairement une telle connaissance. Alors que le pèlerinage vers Rome impliquait jusqu’à la mise en place de lignes de navires à vapeur de traverser une partie de l’Italie, la situation changea ainsi au cours du XIXe siècle. En témoigne le voyage vers la cité pontificale décrit dans les premiers chapitres du Parfum de Rome de Louis Veuillot : prenant le chemin de fer de Paris jusqu’à Marseille, Veuillot y embarque sur un navire à vapeur qui le conduit jusqu’au port de Civitavecchia, d’où il peut rejoindre ensuite Rome sans avoir jamais pénétré le territoire du royaume d’Italie. L’apparition du chemin de fer et du navire à vapeur, tout en facilitant les voyages des catholiques vers Rome, tendait ainsi à les éloigner du reste de l’Italie53.
22Par ailleurs, à l’exception de quelques hommes comme Eugène Rendu, qui entretenait une relation épistolaire importante avec plusieurs des principaux représentants du catholicisme libéral italien54, la plupart des notables catholiques français ne paraissent pas avoir bénéficié de tels réseaux de relations. Si Montalembert avait pu profiter de son voyage à Rome de 1831 pour rencontrer plusieurs des principales figures de l’Italie risorgimentale, notamment au sein du cercle florentin de Vieusseux, Sylvain Milbach a montré que, par la suite, le comte n’entretint de correspondance nourrie avec aucun de ces hommes et que seuls ses réseaux romains avaient une réelle importance55. L’examen des papiers de Louis Veuillot56 témoigne également du faible nombre de correspondants italiens du rédacteur de L’Univers.
23A fortiori, pour une grande majorité des Français, la presse périodique restait de loin le principal vecteur d’information sur les affaires de la péninsule. Elle n’était cependant pas sans défaut. Malgré d’indéniables progrès, la circulation des informations entre l’Italie et la France était encore loin d’être parfaite, comme l’attesta à de nombreuses reprises la propagation par les journaux de rumeurs et de fausses nouvelles. Le 1er novembre 1867, quelques jours seulement avant la bataille de Mentana, L’Univers annonçait ainsi qu’était parvenue à Paris la nouvelle de la prise de Rome par une armée régulière italienne de quarante-cinq mille hommes, nouvelle que le journal n’était toujours pas en mesure de démentir avec certitude le lendemain.
24Les moyens d’information des journaux catholiques français étaient du reste assez limités et d’une fiabilité parfois douteuse. Comme l’ensemble de la presse française, ceux-ci bénéficiaient des dépêches transmises par l’agence Havas, qui était parvenue au cours des premières années du Second Empire à occuper une position de quasi-monopole dans son domaine. Ils pouvaient par ailleurs s’appuyer sur les informations que leur transmettaient des correspondants étrangers. Si L’Univers – puis, après sa suppression, Le Monde – possédait en la personne d’Henri de Maguelonne un correspondant habile et bien renseigné résidant en permanence à Rome, il ne paraît cependant pas avoir eu d’informateurs de ce type dans les autres villes de l’Italie et se trouvait de ce fait largement tributaire de correspondances irrégulières ou des nouvelles publiées dans les journaux et revues catholiques de la péninsule – en premier lieu, L’Armonia de Turin et La Civiltà cattolica de Rome. Bien plus problématique encore était la source d’informations que pouvait représenter le nonce, qui fournissait régulièrement la presse catholique en renseignements sur l’État pontifical destinés à faire pièce aux critiques dont il était l’objet. Les agents de François II en France jouèrent un rôle semblable et, sous leur égide, fut créé à Paris en juin 1861 un comité pour la presse57. Une telle dépendance des journaux à l’égard d’agents étrangers risquait à tout moment de les transformer en simples instruments au service des diplomates, au détriment de la véracité des informations qu’ils publiaient.
25Parfois difficile pour les journaux parisiens, l’accès rapide à une information fiable l’était encore davantage pour la presse des départements. Plusieurs correspondances parisiennes permettaient cependant de pallier ce problème58, en jouant le rôle de bulletins d’information à l’usage de la presse de province. Depuis 1848, Alexandre Guyard de Saint-Chéron, un ancien saint-simonien converti au catholicisme et passé au légitimisme59, était ainsi l’auteur d’une correspondance politique60 adressée chaque jour de la semaine et, parfois, le dimanche à divers journaux de province. La question romaine suscita par ailleurs la création d’une autre correspondance parisienne avant tout consacrée à la cause de la papauté, de moindre fréquence (deux ou trois envois par semaine) et adressée, semble-t-il, à des journaux qui ne recevaient pas celle de Saint-Chéron. Connue sous le nom de Correspondance de Clairbois, elle paraît avoir été créée en 1862 par des membres du comité de Saint-Pierre parisien61, à la fois pour faciliter la circulation des informations autour de la question romaine et pour coordonner les efforts des journaux temporalistes62. Cette correspondance était rédigée par Lavedan63 et recopiée par polygraphie et généralement signée par Finance de Clairbois. Ces deux correspondances furent considérées avec méfiance par le gouvernement, comme le montre le procès qui fut intenté en 1864 à leurs rédacteurs, à qui il était reproché de ne pas avoir demandé l’autorisation préalable nécessaire à toute publication politique ni déposé aucun cautionnement64.
26Malgré la multiplicité des canaux d’informations, divers éléments attestent des limites, parfois considérables, de la véracité des informations véhiculées par la presse catholique et légitimiste au sujet de la situation de l’Italie. Taconet et Barrier, gérant et rédacteur du Monde, furent ainsi condamnés pour avoir publié les 29 et 31 octobre 1861 une correspondance milanaise qui injuriait et diffamait le chanoine Avignone et plusieurs autres prêtres milanais qui avaient manifesté leur adhésion au gouvernement italien65. Si des condamnations de ce type furent rares, celle-ci n’en témoignait pas moins de l’importante dépendance des journaux à l’égard de sources italiennes dont la fiabilité était variable. Elle montrait par ailleurs que, pour ceux-ci, n’importait souvent pas tant la véracité des faits qui leur étaient communiqués que leur adéquation avec les représentations et stéréotypes qui composaient leur imaginaire italien et le parallèle qui pouvait être réalisé entre ces nouvelles et la situation politique de la France – la presse anticléricale tombait du reste bien souvent dans un travers semblable lorsqu’elle traitait du gouvernement romain.
27Si la presse périodique joua un rôle de premier plan dans la défense du pouvoir temporel en faisant connaître en France les nouvelles d’Italie et en participant à la mobilisation de l’opinion publique catholique, elle n’était cependant pas l’unique vecteur de la médiatisation des affaires italiennes. Les brochures et ouvrages de plus grande taille furent en effet particulièrement nombreux.
II. Une production et une diffusion massives de brochures et de livres
1. Des publications nombreuses
28Une quantification de la production écrite française touchant les questions italienne et romaine ne peut atteindre qu’une précision toute relative, en raison de la difficulté qu’il y a à composer un corpus exhaustif. Pour ce faire, plutôt que de recourir à la Bibliographie de la France, dont l’utilisation sur une vaste période s’avérait très incommode et dont les lacunes avaient été mises en lumière par Claude Savart66, nous avons fait le choix d’utiliser les registres des déclarations des imprimeurs, conservés aux Archives nationales.
29L’étude a porté sur une séquence chronologique allant de janvier 1859 à mars 1861, période qui représente l’apogée de la médiatisation des affaires italiennes en France et en Europe. Seule la production parisienne a été prise en compte, étant donné que les registres des déclarations des imprimeurs de province ont paru, après consultation, très lacunaires. Par ailleurs, plutôt que de considérer l’intégralité de la production imprimée traitant de la question italienne, il a été jugé préférable de ne prendre en compte que les brochures et les livres. Ce choix a conduit à mettre de côté les multiples chansons, hymnes, poésies, cartes et affiches imprimés sur cette question67. Malgré ces éliminations, le corpus conservé possède encore une réelle hétérogénéité tant au niveau du genre des ouvrages qu’il renferme (mémoires, brochures circonstancielles, biographies, etc.) que du positionnement de leurs auteurs au sujet des événements italiens.
30On relève ainsi environ huit cents écrits publiés à Paris durant les vingt-sept mois étudiés, le rythme des publications suivant dans l’ensemble assez fidèlement celui des événements. Le pic de mai-juin 1859 s’explique ainsi par la guerre d’Italie, celui de juin 1860 par les débats autour de l’expédition des Mille et celui d’octobre-novembre par l’annexion des Marches et de l’Ombrie à la suite de la bataille de Castelfidardo. Le pic principal de janvier-février 1860 – qui commence plus précisément à la fin du mois de décembre 1859 – fut quant à lui dû à la publication de la brochure Le Pape et le Congrès et à l’agitation cléricale qui la suivit. Au cours du mois de janvier, près de 10 % des déclarations des imprimeurs parisiens concernaient ainsi des livres traitant de la question italienne, chiffre remarquable qui témoigne de la centralité de cette question dans les débats publics de l’époque. D’après les registres – mais leur fiabilité sur ce point n’est pas certaine –, la plupart de ces écrits avaient un tirage oscillant entre cinq cents et deux mille exemplaires. Tous ces ouvrages n’étaient bien entendu pas écrits pour défendre la cause du pouvoir temporel. Les publications temporalistes étaient cependant nombreuses, comme l’atteste le fait que, lorsqu’au milieu de l’année 1860 le Saint-Siège décida de réaliser une publication exhaustive des brochures écrites dans le monde en faveur du pouvoir temporel, il dut faire une exception pour celles publiées en France, en raison de leur très grand nombre69.
31Les parutions de livres autour de la question italienne se poursuivirent durant toute la décennie 1860, au rythme des événements italiens. La signature de la convention de septembre et la campagne de Mentana furent ainsi l’occasion d’une recrudescence des publications sur le sujet. L’importance de cette production écrite témoignait de l’intérêt suscité par les questions italienne et romaine en France. Elle s’expliquait par ailleurs par la relative liberté dont jouissaient livres et brochures70. En effet, si la surveillance exercée par le régime sur la presse périodique était particulièrement forte, elle était plus faible en ce qui concernait la publication de brochures et de livres et, malgré la virulence de certains écrits, les condamnations judiciaires furent relativement rares ; elles étaient par ailleurs moins dangereuses pour les auteurs, qui n’y risquaient pas l’existence d’un journal. Ce fut en réalité surtout à travers l’application stricte de la législation sur le colportage que le régime tenta d’entraver la diffusion des écrits qui lui paraissaient les plus dangereux. Cet écart entre la surveillance de la presse périodique et la relative liberté laissée aux publications non périodiques est bien montré par le fait que, après la suppression de L’Univers, Louis Veuillot put faire paraître plusieurs ouvrages sur la question romaine alors même qu’il lui était interdit de fonder un nouveau journal. De même, les articles qu’Augustin Cochin et Albert de Broglie avaient publiés dans Le Correspondant en janvier 1860, et qui avaient valu à la revue un avertissement de l’administration purent être publiés sous forme de brochures sans que leurs auteurs ne fussent inquiétés71.
32Le grand nombre des publications autour des questions italienne et romaine ne permet pas de déduire a priori le caractère massif de leur lectorat. Si la presse périodique réussissait à cette époque à toucher, grâce aux modalités de circulation de ses exemplaires, une partie non négligeable du corps social, la plupart des brochures et des livres paraissent, parfois du fait de leur prix et plus généralement du fait de leur écriture, n’avoir visé que les classes les plus instruites de la population, de la petite et moyenne bourgeoisie jusqu’aux couches supérieures. C’était du reste parfois l’opinion de ces seules classes qui était considérée par les contemporains, et notamment par certains procureurs généraux, comme formant cette « opinion publique » qu’il convenait de rallier à sa cause sous peine de la voir être vaincue72. Cependant, certaines publications furent explicitement conçues dans le but d’atteindre un public populaire. Une telle volonté témoigne de l’indéniable démocratisation de l’espace public qui se produisait en France en ce milieu du XIXe siècle.
2. Faire descendre la question romaine vers les masses
33Certains écrits, sans être rédigés spécifiquement à leur attention, étaient connus des classes populaires. C’était notamment le cas des mandements épiscopaux dont la lecture était prévue dans chaque paroisse. On peut cependant douter de l’impact de tels textes, rédigés sous une forme érudite qui devait les rendre peu à même de toucher les masses paysannes et ouvrières si le prêtre qui les lisait ne les accompagnait pas de commentaires ou d’explications. Plusieurs auteurs cherchèrent toutefois par leurs écrits à s’adresser spécifiquement aux classes populaires. Leurs écrits comptèrent parmi ceux qui furent les plus étroitement surveillés par les autorités.
34Parmi les ouvrages qui eurent la diffusion la plus large, ceux de l’ancien auditeur de Rote Mgr de Ségur73 furent de loin les plus importants. Il s’agissait de petites brochures de format in-18 vendues à très bas prix (quinze centimes), quand elles n’étaient pas distribuées gratuitement. Au début de l’année 1860, alors que l’agitation cléricale touchait à son paroxysme, un grand nombre de procureurs généraux signalèrent ainsi au garde des Sceaux la distribution massive d’une brochure intitulée Le Pape : questions à l’ordre du jour, sans que l’autorisation de colportage n’eût été demandée. Par prudence, Mgr de Ségur avait pris soin de préciser au début de son ouvrage que son propos était religieux et non politique. Afin de pouvoir toucher le plus large public possible, l’écrit reprenait la structure, simple et familière, des catéchismes et était organisé sous forme de courtes questions suivies de réponses rédigées avec la plus grande clarté. La brochure rappelait d’abord ce qu’était le pape avant de répondre à une série d’arguments repris aux adversaires du pouvoir temporel : « Pourquoi le Pape est-il roi temporel puisqu’il est le vicaire de Jésus-Christ qui a dit “Mon royaume n’est pas de ce monde” ? », « S’il faut un pouvoir temporel au Pape pour garantir son indépendance, Rome et un petit État ne lui suffiraient-ils pas ? » ou encore : « Ne peut-on pas être bon catholique et ne pas vouloir du pouvoir temporel du Pape ? » Écrite sur un ton modéré, elle reprenait cependant sur plusieurs points l’argumentation des catholiques intransigeants, en présentant l’État pontifical comme un des États les mieux administrés du monde74 et en signalant que les adversaires du pouvoir temporel visaient en réalité à travers lui l’existence même de l’Église et du catholicisme75.
35Le succès rencontré par la brochure s’explique par la part prise aussi bien par les laïcs que par les prêtres dans sa diffusion. D’après les rapports des procureurs généraux, elle fut en effet répandue dans les départements tant par les membres de la société de Saint-Vincent-de-Paul et par ceux du comité de Saint-Pierre que par de nombreux prêtres, qui la donnaient notamment aux enfants à l’issue de la classe ou du catéchisme. L’opuscule eut ainsi une diffusion considérable, puisque, six semaines seulement après sa parution, 180 000 exemplaires en avaient déjà été distribués en France et plus de 100 000 en Belgique76. Un tel succès suscita l’inquiétude du gouvernement et semble avoir été la principale cause de la circulaire adressée le 17 février 1860 par le ministre de l’Intérieur Billault aux préfets pour les inviter à remettre en vigueur l’article 6 de la loi du 27 juillet 1849, qui prohibait la distribution de tout écrit sans autorisation du préfet mais qui n’avait jusque-là pas été appliqué au détriment de l’Église. À la suite de cette circulaire, des instructions judiciaires pour délit de colportage furent ouvertes dans plusieurs départements77. Peu de condamnations semblent avoir été prononcées78, mais la fermeté des autorités paraît avoir ralenti la diffusion de la brochure. Celle-ci ne prit cependant pas totalement fin : dès 1861, l’ouvrage était à sa 58e édition, et il connaîtrait sa 70e aux alentours de 1870. Mgr de Ségur publia par la suite d’autres opuscules traitant de la question romaine qui, sans atteindre le même succès, eurent une importante diffusion79. Publiée en 1861, vendue à très bas prix80 et rédigée selon la même structure en questions-réponses que celle utilisée pour Le Pape, sa brochure sur le denier de Saint-Pierre atteignit ainsi sa 20e édition en 1865 et connut des traductions en plusieurs langues.
36Si la diffusion des opuscules de Mgr de Ségur témoigne de l’existence de réseaux de diffusion des écrits temporalistes d’échelle nationale, d’autres écrits, rédigés dans les départements, ne visaient quant à eux qu’un public local. En février 1860, au moment même où l’on répandait massivement dans les départements la brochure de l’ancien auditeur de Rote, le procureur général de Poitiers transmit au garde des Sceaux une brochure écrite par l’abbé Poplineaux, vicaire de la principale paroisse de Parthenay (Deux-Sèvres), en la présentant comme étant « un des écrits à l’aide desquels, moyennant leur bas prix, on tent[ait] de propager l’agitation cléricale dans les campagnes et les classes ouvrières des villes, restées, en dépit des mandements, confiantes en l’Empereur81 ». La brochure, intitulée Le Pape devant un maire de village, était de fait composée de manière à s’adresser avant tout à un public populaire. Son auteur ne cachait d’ailleurs pas un tel objectif, puisqu’il ouvrait l’écrit par des considérations sur la nécessité de défendre le Saint-Siège par des opuscules capables de toucher les masses :
D’éloquentes publications répandues par milliers ont dissipé de vieilles préventions, et porté la lumière là où elle était éteinte depuis longtemps. Mais ces courageux écrits ne sont pas descendus dans tous les rangs de la société ; la classe ouvrière si intéressante et nombreuse, les populations des campagnes dont la bonne foi est exposée à mille séductions, ont besoin de connaître la vérité ; nous venons la leur offrir82.
37La brochure prenait la forme, vivante, d’un petit dialogue entre un maire et deux de ses administrés, François et André, discutant de la dernière lettre du pape à Napoléon III, que le curé venait de lire aux fidèles, et des nouvelles sur la situation à Rome rapportées par Le Siècle. Par son prix (quinze centimes), son niveau de langue et, surtout, par ses logiques argumentatives, elle pouvait paraître à même de susciter l’intérêt des masses paysannes pour la cause pontificale. Elle cherchait notamment à présenter la situation du pape de la manière la plus compréhensible possible, en usant de comparaisons susceptibles de convaincre ses lecteurs. Ainsi, à propos de l’invitation faite par Napoléon III à Pie IX à renoncer à ses provinces révoltées en échange d’une garantie du reste de ses États par les puissances :
André. – Le Pape devrait céder pour avoir la paix. Je me suis laissé dire que, s’il y consent, on lui conservera le reste de ses États.
Le maire. – Dis-moi donc, André, si je te prenais la moitié de ton champ, que dirais-tu ?
André. – Sauf votre respect, M. le maire, je me fâcherais contre vous.
Le maire. – Et si je te disais : Tiens, pour avoir la paix, donne-moi ce que je t’ai pris, et ce sera fini. Signerais-tu ce contrat ?
André. – Non, je ne le signerais pas. Dieu me pardonne, mais si quelqu’un venait s’installer chez moi, ou je ne serais pas le plus fort, ou je le mettrais à la porte.
Le maire. – Et pourquoi veux-tu que le Pape fasse des cadeaux à la Révolution ? On lui enlève ses propriétés, et tu voudrais qu’il ferait [sic] la révérence à ceux qui le dépouillent, et qu’il leur dirait [sic] : merci ? Il crie : au voleur, et à sa place je ferais comme lui.
38Quoique publiée par un simple vicaire, la brochure fut envoyée dès son impression dans plusieurs départements proches des Deux-Sèvres83, alors même que Poplineaux n’avait pas sollicité l’autorisation nécessaire à toute distribution d’écrits et que son imprimeur n’avait par ailleurs pas effectué le dépôt préalable obligatoire. L’opuscule fut ainsi notamment confisqué par les autorités à Poitiers (Vienne)84, à Dorat et à Bellac (Haute-Vienne)85 et l’on signala sa circulation clandestine dans diverses communes de l’arrondissement de La Flèche (Sarthe)86. Ce dernier cas permet de mieux saisir les modalités de circulation de l’écrit malgré son illégalité : un exemplaire en avait été transmis, depuis Poitiers, par un certain M. de Saint-Léger à son beau-frère, M. de Valluis, et, de là, l’opuscule fut diffusé sous forme de copies manuscrites dans les environs.
39La brochure parut suffisamment dangereuse aux autorités pour que des poursuites fussent lancées à l’encontre de l’abbé Poplineaux et de son imprimeur, pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement, excitation au mépris ou à la haine des citoyens les uns contre les autres ainsi que pour publication sans dépôt préalable et distribution non autorisée. Les deux hommes furent cependant acquittés des deux premiers chefs d’accusation ; Poplineaux fut condamné à cent francs d’amende pour distribution illégale et son imprimeur à cinquante francs pour omission du dépôt légal. L’attitude des autorités permit ainsi non seulement de gêner considérablement la diffusion de la brochure mais aussi d’obtenir une condamnation de son auteur – certes bien plus faible qu’elles ne l’avaient espéré87.
40Plusieurs brochures du même type furent publiées autour de 1860 en divers points du pays. Une grande partie d’entre elles adoptaient également la forme dialogique, censée rendre leur lecture plus aisée88. Étienne Cartier, un proche de Lacordaire, publia ainsi à Paris La question romaine, par un ouvrier, brochure vendue trente centimes qui visait explicitement à rendre accessibles aux classes populaires les raisonnements jusque-là publiés à destination d’un public érudit89. En Alsace, parut en février de la même année la brochure Der Biersepp, der Schmiedfranz und der Papst (Joseph le buveur de bière, François le forgeron et le Pape), écrite elle aussi sous forme de dialogue et dont l’auteur était l’abbé Victor Guerber, curé de la paroisse de Hagueneau (Bas-Rhin)90. Vendue au prix de quinze centimes, elle fut amplement diffusée tant dans les villes que dans les campagnes alsaciennes, où elle était répandue non seulement par l’entremise des curés91 mais également par l’intermédiaire des marchés92. D’après le recteur de Strasbourg, l’écrit tirait notamment son succès de l’usage de l’alsacien, utilisé à cette époque par les adversaires du régime impérial. Il fut saisi après avoir largement circulé dans le diocèse de Strasbourg. Il ne fut pas le seul à recourir aux langues régionales pour toucher davantage les masses. Dans les Côtes-du-Nord, l’abbé Lemeur, vicaire de la paroisse de Plouguiel, connu pour ses sentiments légitimistes93, rédigea ainsi, sans en avertir son évêque, une brochure en breton94 intitulée Var sujet an tad santel ar Pap (Au sujet de sa sainteté le Pape)95. L’écrit fut cette fois saisi avant sa mise en vente, après que le procureur impérial de Saint-Brieuc eut échoué à obtenir que le vicaire renonçât de lui-même à la publication96.
41Sans doute parce qu’il était habitué à côtoyer quotidiennement les classes populaires et à s’adresser à elles, le clergé secondaire joua ainsi dans plusieurs départements un rôle fondamental dans la rédaction et la diffusion d’écrits visant à rallier les masses paysannes et ouvrières à la cause du pape. Une telle action suscita généralement une grande méfiance de la part des agents du gouvernement, bien plus prompts à saisir des brochures destinées aux masses, même quand celles-ci s’avéraient somme toute modérées sur le fond97, qu’il ne l’était pour des écrits bien plus virulents, mais qui ne circulaient que dans un cercle réduit de notables de l’opposition.
3. Une grande variété de positionnements
42L’importance de la médiatisation de la question italienne se reflète également à travers la multiplicité des auteurs qui publièrent des brochures sur le sujet. De nombreuses personnes prirent pour la première fois la plume pour exprimer leurs opinions sur la question. Tel rentier de La Ferté-sous-Jouarre décidait ainsi d’écrire et de faire paraître coup sur coup deux brochures au début de l’année 1860 pour critiquer les deux lettres ouvertes publiées par Mgr Dupanloup en réaction à la brochure Le Pape et le Congrès98 ; tel licencié en droit se présentant comme attaché à la fois à la religion et aux principes de 1789 tentait en 1861 de prouver dans un opuscule que seul un concordat pourrait permettre le règlement de la question romaine99 ; tel autre faisait publier en janvier 1862 une lettre au curé de sa paroisse où il dénonçait l’ingérence du clergé dans les affaires politiques100. Si la plupart des brochures étaient signées, un nombre non négligeable restèrent anonymes.
43Une des caractéristiques les plus importantes de cette production écrite est la très grande multiplicité des points de vue à l’égard des questions italienne et romaine qui y étaient exprimés. Elle montre qu’on ne saurait réduire les débats des années 1860 à un simple affrontement tripartite entre les partisans d’une Italie unie avec Rome pour capitale, les défenseurs du statu quo et les contempteurs de l’unité italienne. A fortiori, les débats étaient loin de se réduire à la seule alternative Italie/Papauté. Des nuances parfois importantes pouvaient ainsi différencier des hommes pourtant par ailleurs proches sur le plan politique101. Une telle diversité est la preuve d’une véritable autonomie des contemporains et de leur capacité à se forger une opinion originale au sujet des événements italiens.
44En témoigne par exemple la publication en nombre non négligeable d’écrits promouvant, afin de résoudre les questions italienne et romaine, le transfert de la papauté hors d’Italie, solution qui n’était pourtant souhaitée ni par le gouvernement français, ni par l’Église ni même par les journaux anticléricaux. L’un des premiers hommes à avoir défendu cette idée paraît avoir été un prêtre libéral, l’abbé Michon102. Celui-ci publia en effet dès 1856, alors que la question romaine venait d’être réveillée par le congrès de Paris, une brochure dans laquelle, constatant l’impossibilité de réformer les États romains pour les accorder aux nécessités de la civilisation moderne, il appelait à une abdication du pouvoir temporel et au transfert de la papauté à Jérusalem. Par une telle opération, la papauté se serait trouvée d’une part dégagée d’un pouvoir temporel qui ne tendait désormais qu’à affaiblir son autorité morale, d’autre part mise en condition d’œuvrer à l’unification des Églises d’Orient et à la conversion des musulmans103.
45D’autres auteurs promurent par la suite également un transfert de la papauté hors d’Italie. Ce fut le cas du publiciste Charles de La Varenne104 et d’Horace de Viel-Castel. Ce dernier, peut-être influencé par l’opuscule de l’abbé Michon, écrivit au tout début de l’année 1861 une brochure anonyme où il proposait de régler à la fois la question romaine et la question d’Orient en détachant la Syrie105 de l’Empire ottoman pour en faire un nouvel État pontifical, protégé par une force militaire de cinquante mille hommes fournie par les puissances106. Un tel projet était notamment justifié par un imaginaire qui faisait de Rome une ville encore largement marquée par son histoire préchrétienne107. Des hommes moins connus jugèrent également utile de défendre un déplacement du siège de la papauté. Encore en 1868, un certain Gracieux Faure publia un opuscule pour remettre au goût du jour l’idée d’un établissement de la papauté à Jérusalem, qu’il liait par ailleurs à un projet pré-sioniste de retour de la « nation juive » en Palestine108. Par ces propositions, cette brochure se rapprochait d’une autre, publiée en 1862 par un anonyme de la Haute-Garonne109. Trois décennies plus tard, Émile Zola placerait encore un projet de ce type dans l’esprit du Hamelin de L’Argent110. Si Jérusalem était la destination la plus souvent envisagée, certains écrits proposaient d’autres villes. Un anonyme évoqua ainsi en 1861 Venise111 et un négociant catholique, Charles Meunier, défendit quant à lui à la même époque le choix de la Sicile, parce qu’elle était selon lui davantage grecque qu’italienne et que sa géographie triangulaire rappelait le mystère de la Trinité112.
46Cette multiplicité d’écrits défendant un transfert de la papauté hors d’Italie montre les limites des procédés utilisés par le gouvernement impérial, l’Église, le royaume d’Italie et certains journaux pour convertir la population française à leurs idées au sujet de l’Italie. Elle montrait que la médiatisation des affaires italiennes ne se réduisait pas à un simple processus descendant de diffusion à travers les journaux, brochures et autres ouvrages de discours sur l’Italie auprès des Français, qui les auraient reçus passivement. Les lecteurs disposaient au contraire d’une réelle autonomie et sélectionnaient parfois en fonction de leurs intérêts personnels certains éléments des discours qui parvenaient jusqu’à eux pour élaborer ensuite une pensée qui leur fût propre. Le positionnement de Charles Meunier le montre bien : l’homme se disait catholique et reprenait dans sa brochure les schèmes argumentatifs des défenseurs de l’Église selon lesquels l’indépendance du pouvoir spirituel serait remise en cause si le pape venait à perdre son pouvoir temporel. Cependant, dans le même temps, il prenait acte du fait que la situation de Rome était instable en raison des revendications italiennes sur la Ville. Or, en tant que négociant, il constatait qu’une telle incertitude nuisait au commerce, ce qui était d’autant plus problématique qu’à l’époque de la rédaction de la brochure il pouvait paraître urgent d’ouvrir aux industriels et négociants français de nouveaux marchés, puisque le traité de commerce avec l’Angleterre les fragilisait sur le marché intérieur. C’était pour répondre à ces deux impératifs que l’idée d’un transfert du pouvoir temporel en Sicile était mise en avant. Comme bien d’autres brochures, l’écrit de Charles Meunier témoignait ainsi du sentiment qu’avaient nombre de contemporains que les enjeux de la question italienne dépassaient largement le cadre de la seule péninsule et avaient des répercussions directes sur la France.
47La grande masse des publications montre ainsi que la question italienne était à l’origine d’une véritable dilatation de l’espace public, qui s’élargissait désormais à des populations qui en étaient jusque-là assez largement exclues. Un tel processus prenait une double forme. Il était d’abord caractérisé par l’importance du public auprès duquel furent diffusés les divers écrits traitant des affaires italiennes ; il se traduisait également par le grand nombre des auteurs d’ouvrages de divers types sur la question. S’il est difficilement quantifiable avec précision, le nombre d’auteurs de brochures au sujet des questions italienne et romaine se comptait ainsi en centaines et atteignait par conséquent des chiffres qui étaient sans commune mesure avec ce qu’aucune autre grande cause nationale n’avait pu susciter jusque-là113. Si les débats français autour des questions italienne et romaine prirent ainsi une ampleur particulièrement importante, ils ne se trouvaient pas isolés en Europe. Ils s’inscrivaient en effet dans un espace public de dimension transnationale.
III. Des débats au retentissement européen
1. Un espace public européen constitué autour des questions italienne et romaine
48Les débats français s’inséraient au sein d’un vaste espace public transnational114 structuré autour des affaires italiennes, et dont la France était l’un des principaux pôles. Plusieurs chercheurs ont à ce titre montré l’importance de la médiatisation du Risorgimento dans nombre de pays, en partant de l’étude des multiples supports de cette médiatisation115 ou encore en se focalisant sur une figure héroïsée116 ou un pays en particulier117.
49L’existence d’un espace de débat transnational autour de la question italienne était d’abord liée à la conviction, largement partagée par les contemporains, qu’ils fussent favorables ou hostiles à l’unification de l’Italie, que les événements qui se produisaient dans la péninsule mettaient en jeu des principes et des valeurs morales qui leur donnaient une dimension universelle et avaient des conséquences – diplomatiques, politiques, religieuses, sociales et économiques – qui dépassaient la seule Italie. Certes, nombre des débats occasionnés par les affaires italiennes restaient confinés dans un cadre local ou national. Mais d’autres pouvaient au contraire prendre une forme non pas simplement internationale mais réellement transnationale : en effet, non seulement ils trouvaient des résonances dans divers pays, mais ils n’y restaient pas circonscrits aux seules sphères dirigeantes et descendaient au sein de la société civile. On peut donc parler, au moins pour les moments les plus critiques des questions italienne et romaine, d’une véritable structuration transnationale des débats, qui résultait à la fois de nécessités pratiques et d’une stratégie déployée par certains acteurs.
50La presse périodique jouait à cet égard un rôle fondamental de mise en relation entre les différents espaces publics nationaux. Une telle situation était d’abord due à la configuration des circuits de circulation de l’information. Pour informer leurs lecteurs de l’évolution de la situation italienne, les journaux européens s’entre-citaient en effet quotidiennement, si bien qu’il n’était pas rare que les lecteurs d’un journal catholique français pussent lire dans ses colonnes des extraits d’un quotidien libéral piémontais ou britannique. En France, un tel recours à la presse étrangère était d’autant plus nécessaire que l’agence Havas était placée sous la dépendance du gouvernement. Puisqu’ils échappaient à la surveillance des autorités impériales, les journaux francophones publiés à l’étranger, en Allemagne (Journal de Francfort) et surtout en Belgique (L’Indépendance, L’Étoile belge, Le Nord, etc.)118, apparaissaient comme une source d’information de choix, généralement bien renseignée, et l’on pouvait parfois y lire des analyses de la politique étrangère de la France plus précises que celles que l’on trouvait dans les journaux français, que la surveillance de l’administration impériale contraignait à des formes d’autocensure.
51Les rapports entre journaux dépassaient néanmoins largement ces simples reprises mutuelles. Comme ils avaient l’habitude de se citer, les journaux avaient également celle de se répondre, de se contredire et de polémiquer par-delà les frontières. Davantage encore que les articles de journaux, c’étaient cependant les brochures qui se trouvaient le plus souvent au centre des principaux débats transnationaux. On a déjà signalé les polémiques soulevées dans toute l’Europe par les brochures officieuses rédigées par La Guéronnière en 1859. Armando Saitta a recueilli en cinq gros volumes un grand nombre des articles et opuscules publiés dans divers pays européens en réaction à ces écrits119. Leur masse et la grande diversité de leurs pays de provenance témoigne non seulement de l’existence d’un espace public transnational structuré autour des affaires italiennes mais également de la position centrale occupée par la France dans celui-ci120.
52Une telle centralité s’expliquait principalement par l’influence du régime impérial sur les affaires d’Italie. Elle était également due au fait que la plupart des élites européennes lisaient le français. Certains Italiens paraissent d’ailleurs l’avoir compris en favorisant la publication en français de leurs écrits afin de leur donner une audience bien plus large que celle que sa version italienne pouvait leur assurer. Tout à fait représentative de ce type de stratégie fut la publication chez Dentu en décembre 1859, au moment où il semblait acquis qu’un congrès des puissances allait se réunir à Paris pour régler le sort de l’Italie, de l’ouvrage de Massimo d’Azeglio La politique et le droit chrétien, au point de vue de la question italienne121. En publiant son ouvrage en français avant même qu’une édition italienne ne parût, l’homme d’État piémontais cherchait notamment à toucher les élites dirigeantes européennes à la veille d’un événement qui devait être crucial pour la destinée de l’Italie122.
53De la même manière, les écrits de Carlo Passaglia123 en faveur de l’unité italienne furent rapidement traduits en français124. On peut penser que de telles publications furent notamment favorisées par le fait qu’aucun ecclésiastique français de renom n’avait osé prendre publiquement position en faveur de l’unité italienne et de la disparition du pouvoir temporel des papes. Parce qu’ils émanaient d’un théologien qui avait joué un rôle central dans la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, les écrits de Carlo Passaglia pouvaient servir de caution intellectuelle et morale à la partie des catholiques libéraux français qui considéraient avec bienveillance la disparition des États romains – il est du reste probable que le gouvernement français ait lui-même pris part à leur publication, qui était susceptible d’offrir à sa politique italienne une garantie d’orthodoxie catholique125. On comprend dès lors que ces écrits furent regardés avec crainte par les catholiques temporalistes français. Soucieux de voir confondre une autorité romaine par une autre autorité romaine, Amand Chaurand, un catholique lyonnais particulièrement impliqué dans la collecte du denier de Saint-Pierre dans sa ville126, décida ainsi de traduire et de publier en français les réponses que Francesco Nardi, auditeur de Rote, avait données à l’un des écrits de l’ancien jésuite127.
54Les traductions de brochures italiennes en français paraissent cependant avoir été dans l’ensemble plus rares que les traductions qui furent faites dans l’autre sens. Dans le cas des écrits de Passaglia, il faut souligner que leur publication fut sans doute largement favorisée par la présence à Paris, boulevard Montmartre, de la maison d’édition italienne Molini, qui publiait par ailleurs les œuvres de l’ancien jésuite à Florence128. Ce fait rappelle l’existence de conditions matérielles favorisant ou au contraire freinant les circulations d’écrits.
55Du côté des facteurs favorisant ces circulations, jouaient notamment les réseaux interpersonnels qui pouvaient unir des journalistes ou des hommes politiques par-delà les frontières. Ainsi, lorsqu’à la fin de l’année 1859 Massimo d’Azeglio voulut faire paraître en France La politique et le droit chrétien, il bénéficia de son amitié avec Eugène Rendu, qui s’occupa à la fois de lui trouver un éditeur, de revoir les épreuves de son écrit pour les adapter aux horizons d’attente du public français et d’en faire remettre des exemplaires à plusieurs ministres ainsi qu’à des membres des élites religieuses ou laïques de l’Empire129. De même, les liens entre L’Univers puis Le Monde et La Civiltà cattolica permettaient à cette dernière de voir certains de ses articles signalés ou reproduits en français dans le principal organe de presse catholique du pays. La nonciature pouvait, du reste, à la demande d’Antonelli, encourager la diffusion dans les journaux français de certains articles de la presse romaine sur le pouvoir temporel.
56Le nonce joua ainsi un rôle important dans la diffusion en France d’un article paru dans La Civiltà cattolica au tout début du mois de mars 1859 sous le titre « La quistione italiana nel 1859 ». Cet article était, à lui seul, un témoignage du caractère transnational des débats autour de la question romaine, puisqu’il entendait répondre aux critiques portées contre l’État pontifical à la fois par la brochure officieuse L’Empereur Napoléon III et l’Italie, par un article de Charles de Mazade paru dans la Revue des deux mondes le 1er février et par des discours tenus par Lord Derby, le chef du ministère britannique, devant la Chambre des lords et par Disraeli, le chancelier de l’Échiquier, devant la Chambre des communes. En plus d’être traduit dans plusieurs journaux français, l’écrit fut publié, sur proposition de Louis Veuillot, sous forme de brochure afin de favoriser sa diffusion130. Si un tel article montrait l’existence de circulations d’écrits entre l’Italie et la France, l’étude de ses conditions de publication permet néanmoins de saisir certaines des limites auxquelles celles-ci étaient confrontées.
57Une première contrainte tenait naturellement à la barrière de la langue, qui rendait nécessaire le recours à la traduction. Publié le 5 mars dans La Civiltà cattolica pour répondre à une brochure parue en France le 4 février, l’article ne fut inséré dans les colonnes de L’Univers que les 27, 30 mars et 4 avril131, à une époque où la teneur des débats autour de la question italienne avait partiellement changé. Surtout, en raison du temps pris par l’évêque de Perpignan, Mgr Gerbet, pour en rédiger une préface132, sa publication en brochure chez Gaume et Duprey n’eut lieu que le 25 avril, c’est-à-dire quelques jours seulement avant le déclenchement de la guerre d’Italie, qui devait rendre ses considérations partiellement caduques. Cet exemple permet ainsi de comprendre les difficultés que rencontraient les circulations d’écrits d’un pays à un autre dans les moments où l’accélération des événements en Italie pouvait rendre d’un jour à l’autre les conclusions d’une brochure dépassées. La temporalité de la brochure dictée par les événements, souvent inactuelle au bout de quelques semaines, s’opposait ainsi aux délais de traduction et de publication – et, bien souvent, d’écriture d’une préface permettant de légitimer l’importation d’un écrit étranger par la caution intellectuelle que lui apportait le préfacier. Aussi les circulations d’écrits entre les pays européens et la France concernèrent-elles principalement des articles de journaux, qui pouvaient être rapidement traduits, ou des ouvrages qui, en raison de leur sujet, étaient susceptibles de conserver pendant au moins plusieurs mois leur intérêt.
58À de telles contraintes venaient s’ajouter celles liées à la surveillance des publications par le régime impérial. Là encore, la brochure La question italienne en 1859 illustre bien ce type de problèmes puisqu’un examen comparatif de ses versions italienne et française permet de constater que la traduction a donné lieu à l’atténuation ou à la suppression de certains passages qui pouvaient apparaître comme critiques à l’égard du régime impérial133. Ainsi, lorsque le texte italien affirmait qu’aucun code ne sacrifiait autant la liberté que le Code français134, la brochure française usait prudemment d’un euphémisme : « Ce code est peu favorable à la liberté135. » De même, quand l’article original, en réponse aux accusations portées au sujet des détenus politiques des États romains, évoquait le bagne de Cayenne, le passage était tout bonnement supprimé de la version française et remplacé par des points de suspension.
59Si celle-ci se heurtait ainsi à certaines limites, la transnationalisation des débats autour des questions italienne et romaine reste indéniable. Dans ce processus, la papauté joua un rôle central, qui témoignait de l’attention qu’elle manifestait alors à l’égard des opinions publiques européennes.
2. Un mal nécessaire : la stratégie du Saint-Siège à l’égard de la presse
60La stratégie adoptée par le Saint-Siège à l’égard de la médiatisation des affaires italiennes fut conditionnée par plusieurs décennies de controverses au sein de l’Église au sujet de l’essor de la presse. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, le développement du journalisme avait suscité de multiples craintes, qui émanaient aussi bien de la papauté que d’un grand nombre d’évêques. Dans le cas de la France, la condamnation de L’Avenir en 1832 par l’encyclique Mirari vos puis les controverses qui avaient surgi au cours des années 1840 et 1850, principalement autour de la place grandissante que L’Univers tendait alors à prendre dans les débats internes à l’Église, avaient témoigné des vives réticences des clercs à l’égard de la presse religieuse136.
61Librairie et journalisme religieux pouvaient cependant également apparaître comme des instruments utiles à l’Église. La conscience de tels enjeux fut exprimée assez tôt par Pie IX, dans un passage de l’encyclique Nostis et nobiscum (8 décembre 1849). Après avoir appelé les évêques à combattre les « libelles impies, les journaux et les feuilles détachées, pleins de mensonges, de calomnies, de séductions » que les ennemis de l’Église répandaient parmi les peuples, le pape invitait à publier contre eux des écrits favorables à la religion. Cet encouragement donné à la presse périodique et non périodique religieuse restait cependant prudent puisque le pape préconisait une approbation préalable des évêques et plaçait ainsi les écrivains et journalistes catholiques sous le contrôle de ceux-ci.
62Sans que la question ne se trouvât totalement réglée, le début de la décennie 1850 avait marqué plus généralement une inflexion dans l’attitude de la papauté à l’égard du journalisme religieux. En 1850, l’autorisation donnée aux jésuites Carlo Curci et Luigi Taparelli d’Azeglio de fonder La Civiltà cattolica, une revue qui fut parfois présentée comme un organe officieux de la papauté137, montrait le souci de Pie IX de voir l’Église profiter des ressources que pouvaient lui offrir la presse. Trois ans plus tard, en 1853, alors que L’Univers venait d’être condamné par l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, un passage de l’encyclique Inter multiplices prenait la défense du journal et reconnaissait l’utilité des écrivains catholiques.
63Lorsque la question romaine ressurgit en France à partir de 1856, la place des journalistes dans l’Église était par conséquent mieux assurée qu’elle ne l’était une décennie auparavant, même si toutes les controverses étaient encore loin d’être terminées138. La correspondance du secrétaire d’État Antonelli avec Sacconi puis Meglia et Chigi témoigne ainsi du fait que le Saint-Siège avait de plus en plus conscience du rôle que le journalisme pouvait jouer dans la défense de l’Église. Antonelli encouragea les représentants de la papauté à Paris à surveiller constamment les journaux de l’Empire et à influencer, lorsque la situation le rendait nécessaire, journalistes et publicistes catholiques ou conservateurs afin qu’ils prissent la défense de la papauté. Une telle stratégie ne concerna pas uniquement la France : à partir de 1856, après que le congrès de Paris eut redonné de la vigueur aux critiques portées contre les États de l’Église, la papauté invita ainsi plusieurs publicistes européens à écrire des ouvrages destinés à défendre le gouvernement romain. Pie IX s’adressa au directeur de L’Armonia de Turin, l’abbé Giacomo Margotti, qui publia au début de l’année 1857 Le vittorie della Chiesa nel primo decennio del pontificato di Pio Nono139, et Antonelli commissionna de même le journaliste catholique irlandais John Francis Maguire, qui fit paraître en 1857 un ouvrage intitulé Rome, its ruler and its institutions140, traduit en italien dès l’année suivante141.
64À travers la presse périodique et non périodique, la diplomatie vaticane pouvait viser à la fois les élites et les masses. En témoigne le dessein, qui ne paraît cependant pas avoir été mis à exécution, exprimé par Sacconi le 29 avril 1859 de lancer une édition à bas prix de la brochure La question italienne en 1859 :
J’insiste désormais afin qu’une telle brochure soit réimprimée d’une manière beaucoup plus économique, et en très grand nombre, pour qu’elle pût se propager, et aller entre les mains de tous, et particulièrement du bas clergé, qui est en mesure d’instruire le peuple, et de combattre mieux que d’autres ce que l’on nous attribue injustement et avec une malice raffinée. […] En attendant j’en ai acheté plusieurs exemplaires, et je les distribue à l’occasion aux personnes de ma connaissance qui ont besoin de rectifier leurs idées, et qui sont en mesure d’en illuminer d’autres, influentes et placées bien haut dans le pouvoir142.
65Une telle lettre témoignait parfaitement de la double stratégie de médiatisation, à la fois élitaire et démocratique, suivie par le Saint-Siège pour la défense de sa cause. D’une part, le nonce cherchait à convaincre les élites de l’Empire du bien-fondé de la position pontificale, dans le but de toucher in fine la classe dirigeante française ; d’autre part, pleinement conscient de l’influence nouvelle des masses, il tentait de propager au sein du peuple des idées favorables à la cause de la papauté, en l’occurrence en recourant au bas clergé, conçu comme un intermédiaire de politisation permettant une diffusion capillaire des écrits et argumentaires temporalistes.
66Si le Vatican put s’appuyer pour défendre une telle stratégie sur des journalistes et publicistes français, il promut également des publications qui, réalisées à Rome, devaient avoir des répercussions sur l’intégralité du monde catholique143. Ainsi, alors même que la diffusion de La Civiltà cattolica, du Giornale di Rome et de l’Osservatore romano144 était limitée, les principaux articles de ces périodiques pouvaient être signalés ou reproduits par la presse française catholique ou légitimiste. Surtout, afin de montrer l’importance du soutien que la cause du pouvoir temporel recueillait, le Saint-Siège choisit de publier un important recueil de textes temporalistes venus de l’ensemble du monde catholique. Intitulé La sovranità temporale dei romani pontefici propugnata nella sua integrità dal suffragio dell’orbe cattolico, le recueil était composé de quinze volumes publiés entre 1860 et 1864 comptant environ mille pages chacun dans leur édition in-octavo – une édition de luxe in-quarto fut également réalisée. Ces volumes, classés par aires géographico-linguistiques145, renfermaient aussi bien les actes des évêques (mandements, lettres pastorales, lettres au pape), que les brochures publiées en défense du pouvoir temporel et les adresses envoyées par les fidèles à Rome.
67Si la papauté chercha ainsi à s’appuyer, pour défendre la cause de son pouvoir temporel, sur les ressources que pouvait lui offrir le recours à la médiatisation, force est de constater que ses différentes initiatives restèrent cependant souvent ponctuelles et peu articulées les unes avec les autres. La médiatisation de la question romaine fut ainsi bien davantage le fruit de l’action spontanée de journalistes, de publicistes et d’hommes d’Église que le résultat de consignes venues de Rome. Il faudrait en réalité attendre la chute de Rome pour que la situation changeât. Des laïcs dévoués à la cause pontificale créèrent alors la Correspondance de Genève146, qui parut à partir du 27 octobre 1870 à un rythme de deux à trois numéros par semaine et était destinée à jouer le rôle d’agence de presse à destination des journaux catholiques d’Europe et des États-Unis. Grâce à une telle feuille, sur laquelle la diplomatie pontificale disposait d’un contrôle partiel, et plus généralement grâce au comité de laïcs européens dont elle dépendait, le mouvement transnational de défense du Saint-Siège se trouvait partiellement formalisé. À la suite de cette initiative, la fin du pontificat de Pie IX147 et, surtout, celui de son successeur, Léon XIII, virent le développement d’une véritable stratégie médiatique de la part du Vatican148.
68La médiatisation des affaires italiennes en France résulta aussi bien de l’intérêt des contemporains pour les événements qui se déroulaient alors dans la péninsule que d’une stratégie délibérée de chacun des camps en présence. Pour le gouvernement français comme pour les partisans du royaume d’Italie et pour les défenseurs du pouvoir temporel, il apparaissait en effet clairement que, à une époque où les masses tendaient à jouer un rôle de plus en plus important dans la vie politique, obtenir le soutien de l’opinion publique pouvait devenir un moyen de faire triompher ses idées.
69Inscrits plus largement dans un vaste espace public européen structuré autour des questions italienne et romaine, les débats français occupaient à l’intérieur de celui-ci une place spécifique, liée à l’influence que la France jouait alors sur les destinées de la péninsule. Ils montraient la capacité des catholiques à s’emparer, malgré le caractère autoritaire du régime dont ils contestaient la politique étrangère, des ressources que la presse pouvait leur offrir. Ils témoignaient également d’une indéniable dilatation de l’espace public, qui s’élargissait à des catégories de la population qui avaient pu en être jusque-là parfois exclues. Un tel mouvement de démocratisation de la politique était également perceptible dans le reste du répertoire d’action collective de la mobilisation en faveur du pouvoir temporel, qui sera l’objet du prochain chapitre.
Notes de bas de page
1 La première des questions de ce type qui connut une médiatisation importante en France et, plus généralement, en Europe fut la question grecque. Mazurel 2013.
2 Si cette médiatisation connut un indéniable apogée durant la décennie, elle avait cependant des racines anciennes. Finelli – Fruci 2007.
3 Initialement datés de l’entre-deux-guerres, les débuts de la culture de masse sont désormais généralement placés dans les années 1860, en lien notamment avec le développement des imprimés bon marché : Kalifa 2001 et Mollier – Sirinelli – Vallotton 2006. Sur le lien entre culture de masse et médias : Kalifa 2000.
4 Les études générales sur la presse du Second Empire sont peu nombreuses. On se reportera à Bellet 1967 ainsi qu’aux chapitres consacrés à la période dans des ouvrages plus généraux : Avenel 1900, p. 445-596 ; Godechot et al. 1969, p. 246-365 ; Martin 1997, p. 15-47 ; Charle 2004, p. 91-127. Voir également, dans une approche plus thématique : Kalifa et al. 2011.
5 Sur la question des rapports entre presse et opinion publique : Karila-Cohen 2011.
6 Case 1954.
7 Sur ce second aspect : Isser 1974.
8 Le 26 mars 1857.
9 11 juillet, 11 octobre et 26 décembre. AN, F18 423.
10 AN, F18 431.
11 Il avait publié, le 18 novembre, une fausse lettre de Victor-Emmanuel à Napoléon III, qui avait par la suite été reproduite dans plusieurs journaux de province. AN, F18 314.
12 Voir n. 3, p. 90.
15 Liste établie par : Germain 1861, p. 222-223.
13 Le Mémorial de l’Allier (Moulins), Le Correspondant, L’Ami de la religion, L’Indépendant de l’Ouest (Laval), Le Journal des villes et des campagnes, L’Espérance (Nancy), L’Espérance du peuple (Nantes), La Gazette de France et L’Écho de l’Aveyron (Rodez).
14 L’Univers, La France centrale (Blois), L’Écho de la frontière (Valenciennes) et L’Union de l’Ouest (Angers).
16 Hilaire 1977, I, p. 322.
17 Godechot et al. 1969, p. 279-280.
18 Guiral 1964, p. 197.
19 On trouvera une compilation des principaux écrits publiés en France en réaction à la brochure dans : Saitta 1963-1964, I, p. 53-256.
20 Seule une petite partie de ces écrits a été reproduite dans : Saitta 1963-1964, III, p. 277-462.
21 Dupanloup 1859 ; Gerbet 1860 ; Parisis 1860.
22 Poujoulat 1860 ; Nettement 1860 ; Riancey 1860.
23 Parmi ces écrits, c’est celui de l’évêque d’Orléans qui réussit le mieux à cet égard. Les registres des déclarations des imprimeurs parisiens attestent au moins trois éditions de l’ouvrage, la première de 1 000 exemplaires, la deuxième de 5 000, la troisième de 10 000 (AN, F18 (II) 83). Son retentissement fut du reste largement amplifié par sa reproduction dans la presse, à l’initiative de Mgr Dupanloup lui-même : Lagrange 1883, II, p. 285. Témoignent de l’écho rencontré par la brochure les écrits qui furent publiés afin de lui répondre : Cotonnet 1860b ; Grandguillot 1860 ; Réponse à la lettre 1860.
24 Lors de la parution de la brochure Le Pape et le Congrès, le journal semi-officiel Le Pays crut ainsi pouvoir affirmer : « On aurait tort de rattacher cette publication à la pensée gouvernementale ou à de hautes influences. » Cité dans Germain 1861, p. 201.
25 AAV, Arch. Nunz. Parigi, b. 150, Chigi à Antonelli, 16 septembre 1862.
26 Isser 1974, p. 144.
27 AAV, Arch. Nunz. Parigi, b. 151, Chigi à Antonelli, 23 janvier et 10 février 1863.
28 « Je désire, écrivait-il, que ma manière de voir dans la question romaine devienne populaire en France. Je crois que le Gouvernement n’y mettra pas obstacle et qu’il sera au contraire satisfait de cette tentative pour ramener à la raison les catholiques libéraux de bonne foi. » Cavour à Gropello, 2 avril 1861. Publié dans Maturi 1952, p. 73-74.
29 Alors que sa brochure La Comédie italienne, où il dénonçait l’unification italienne, lui avait valu l’animosité de nombre de républicains, Eugène Pelletan répliqua par la publication d’un second opuscule, où il déclarait notamment à ses adversaires : « Mais, dites-moi, ne trouvez-vous pas étrange et quelque peu fâcheux que la presse démocratique, que la presse voltairienne fleurisse sa boutonnière de l’ordre deux fois édifiant de saint Maurice et de saint Lazare, et qu’elle défende le Piémont à outrance, avec la livrée du Piémont sur la poitrine ? » Pelletan 1862b, p. 43.
30 Le nonce ne manqua pas d’obtenir en faveur des journalistes français les plus impliqués dans la défense du pouvoir temporel l’intégration au sein de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.
31 Augustin Cochin écrit ainsi dans Le Correspondant de mai 1860 : « Les livres ont un défaut. Comme il a fallu du temps pour les composer, ils semblent, au moment où ils paraissent, un peu arriérés. Les événements ont été plus rapides. On parle encore de fédération, et tout concourt à l’unité, on conseille des réformes à un pouvoir, et c’est ce pouvoir lui-même que l’on veut mettre à la réforme. On raisonne sur un mouvement national qui est débordé par un mouvement révolutionnaire. Aussi les livres, le matin même où ils paraissent, sont déjà vieillis. »
32 Cette géographie différait de celle de l’édition générale du livre religieux à la même époque, pour laquelle Claude Savart a montré que, tout en étant bien réelle, la domination exercée par la capitale était loin d’être aussi écrasante. Savart 1985, p. 103-105.
33 Ce fut Dentu qui publia la brochure Le Pape et le Congrès en décembre 1859 et les brochures italophiles de l’abbé Michon. Le rôle de l’éditeur était apparemment apprécié des autorités piémontaises puisqu’il reçut en 1860 la croix de Saint-Maurice et de Saint-Lazare. ASD, Legazione sarda a Parigi, b. 43, Dentu à Nigra, 8 mars 1860.
34 Savart 1985, p. 152-153.
35 Ibid., p. 179-181.
36 Ibid., p. 172-175 ; Moulinet 1995.
37 C’était encore le cas en 1863 dans seize départements : l’Allier, le Calvados, le Cantal, le Doubs, le Finistère, l’Hérault, l’Ille-et-Vilaine, le Loir-et-Cher, le Maine-et-Loire, la Haute-Marne, la Mayenne, le Pas-de-Calais, les Basses-Pyrénées, les Hautes-Pyrénées, le Var et la Vienne. En Mayenne et dans le Maine-et-Loire, la presse légitimiste comptait davantage d’abonnés que la presse gouvernementale. AN, F18 294.
38 Milbach 2006.
39 Après plusieurs demandes infructueuses, la revue deviendrait bimensuelle en mars 1868.
40 Drouin 2013.
42 AN, F18 295.
41 À titre de comparaison, on signalera qu’à la même époque le Constitutionnel tirait à 24 962 exemplaires, le Journal des débats à 8 629 et Le Siècle à 37 486. Le tirage de la presse catholique et légitimiste était donc bien plus faible que celui de ses rivales.
43 Maurain 1930, p. 611.
44 AN, F18 294.
45 Poulat 1972. Le rôle des semaines religieuses dans la diffusion des nouvelles d’Italie, la propagation de la dévotion au pape et l’organisation de la mobilisation des fidèles autour de la question romaine est mis en avant à partir du cas toulousain par : Sempere 1975.
46 AN, F18 297, Rapport de l’inspecteur général de l’Imprimerie et de la Librairie sur la situation de la presse dans le département de la Loire-Inférieure du 8 août 1861 : « C’est ainsi que le Clergé […] a prêché en chaire le désabonnement à L’Union bretonne, a défendu la lecture de ce journal et a fait, en certains lieux, un cas de conscience de sa réception. À Joué-sur-Indre, à St-Père-en-Retz, et dans une foule d’autres paroisses on a mis L’Union bretonne en interdit, on l’a comme excommuniée et l’on a menacé les fidèles de la privation des sacrements s’ils continuaient à la lire. Tous les prêtres abonnés à L’Union bretonne l’ont quitté ; quelques-uns lisent encore ce journal, mais pas un ne le reçoit directement. Les affiliés à une société puissante, dite de charité, ont reçu l’ordre de laisser L’Union bretonne pour prendre L’Espérance du peuple. »
47 AN, F18 297.
48 La bibliographie établie par Giancarlo Menichelli recense pas moins de 1 676 récits de voyages réels en Italie publiés en langue française durant le XIXe siècle. Menichelli 1962. Voir aussi : Bourguinat 2017.
49 Bertrand 2008.
50 La rupture quantitative que représente le XIXe siècle à cet égard est bien visible en parcourant : Blanc 1886.
51 Dotoli – Castiglione Minischetti – Musnik 2004.
52 Le processus n’est guère original. Étudiant l’opinion publique sous le régime de Vichy, Pierre Laborie a pu souligner que « l’élucidation des phénomènes d’opinion et, avant tout, la compréhension des comportements collectifs passent moins par leur mise en relation logique avec les faits réels, ou par la mesure d’influence des idées exprimées dans le cadre de systèmes théoriques et de stratégies organisées […] que par l’analyse des représentations mentales à travers lesquelles ces idées et ces faits sont perçus, vécus, commentés et jugés par les contemporains ». Laborie 1990, p. 18.
53 Voir également à ce sujet les remarques de Roger Aubert, qui note à propos de la faible connaissance que Mgr Dupanloup avait de l’Italie que celle-ci était sans doute liée au fait que l’évêque n’avait jamais eu à la traverser lors de ses voyages à Rome. Mgr Dupanloup 1980, p. 98.
54 Gay 1931a.
55 Milbach 2010b, p. 203-205.
56 BNF, NAF 24220-24239 et NAF 24617-24635.
57 Sarlin 2013b, p. 97-98. À partir de juillet 1862, les articles sur l’Italie du Sud publiés dans La Gazette de France n’étaient pas écrits par la rédaction du journal légitimiste mais par des agents de François II.
58 Sur l’importance des correspondances parisiennes pour la presse provinciale du milieu du XIXe siècle : Feyel 1977.
59 Sur Alexandre Guyard de Saint-Chéron : Feyel 1977, p. 226-235.
60 Dreux-Brézé 1902, p. 37-39.
61 C’est du moins ce qui paraît ressortir, sans que ce comité ne soit jamais nommé explicitement, de la lecture de AN, BB30 957.
62 Dans sa biographie d’Émile Keller, à qui il attribue, avec Kolb-Bernard et Lemercier, l’initiative d’une telle création, Gautherot la date d’octobre 1865. Gautherot 1922, p. 135. Le procès intenté à Clairbois en 1864 atteste cependant son existence antérieure. Il semble donc qu’il faille considérer soit que Gautherot ait fait ici erreur, soit que la correspondance Clairbois changea en octobre 1865 de commanditaires et prit alors une orientation plus nettement favorable à la papauté.
63 Léon Lavedan avait été rédacteur en chef du légitimiste Moniteur du Loiret puis, après la suppression de ce journal en 1858, était passé à La France centrale, avant que Mgr Dupanloup ne le fît entrer l’année suivante à L’Ami de la religion. En 1862, il avait fait partie des rédacteurs qui quittèrent le journal lorsque furent révélées les démarches du gouvernement pour en prendre le contrôle. Il avait alors rejoint La Gazette de France, puis intégré en 1864 Le Correspondant. Ormières 2013, p. 18-24.
64 Lavedan et Finance de Clairbois furent chacun condamnés à un mois de prison et 100 francs d’amende. Des informations éparses sur cette affaire se trouvent en AN, BB30 957 ainsi que dans : Gigot 1864 et MM. de Saint-Chéron et Finance de Clairbois 1865.
65 Le jugement fut publié dans Le Monde du 23 février 1862.
66 Savart 1985, p. 45-53.
67 Le choix de ne pas prendre en compte ce type d’imprimés nous a été largement imposé par l’impossibilité devant laquelle nous nous trouvions généralement, lorsque le titre indiqué dans la déclaration de l’imprimeur laissait place au doute quant au sujet traité, de procéder à une vérification à la Bibliothèque nationale. Une grande partie de ces productions semble en effet aujourd’hui perdue.
68 Source : AN, F18 (II) 78 à 89.
69 La sovranità temporale propugnata 1860-1864, I, vol. 1, p. lviii-lix.
70 Douhaire notait ainsi dans Le Correspondant en février 1860 : « Bannie de la tribune, où elle n’a plus d’écho, et des journaux, où elle manque de liberté, elle [la discussion] s’est réfugiée dans les brochures et les livres. Là, avec plus d’espace, la polémique jouit de plus d’indépendance. Jusqu’ici, ce terrain a gardé ses franchises, et l’opinion en use, il faut le reconnaître, avec empressement. »
71 Broglie 1860 ; Cochin 1860.
72 Cette acception restreinte du terme « opinion publique », qui tendait alors à céder la place à une acception englobant l’ensemble du corps social, plus conforme à une société de suffrage universel, était un héritage du premier XIXe siècle. Karila-Cohen 2011, p. 1358.
73 Hédouville 1957.
74 Ségur 1860, p. 19-22.
75 Ibid., p. 16-17.
76 Hédouville 1957, p. 493.
77 De nombreux rapports des procureurs généraux sur la question sont recueillis en : AN, BB30 450 et 451. Ils montrent la grande multiplicité des canaux de diffusion de la brochure.
78 Un rentier de la commune de Rodalbe (Meurthe), qui n’avait jusque-là jamais manifesté de sentiments hostiles au gouvernement, fut condamné à 25 francs d’amende pour avoir distribué sans autorisation une cinquantaine d’exemplaires de la brochure, en français et en allemand (AN, BB30 451). Dans la Haute-Saône, le desservant de Borey fut quant à lui condamné à une amende de 16 francs (AN, BB30 436). Sans être condamnés, plusieurs curés furent par ailleurs blâmés par le préfet ou leur évêque.
79 Ségur 1861c ; Ségur 1861b ; Ségur 1863.
80 L’exemplaire était vendu 5 centimes, la douzaine 50 centimes et les cent 3,5 francs.
81 AN, BB30 451, procureur général de Poitiers au garde des Sceaux, 26 février 1860.
82 Un exemplaire de la brochure se trouve dans le carton précédemment cité.
83 Sans doute faut-il voir dans cette diffusion l’indice d’une implication de Mgr Pie dans une telle publication.
84 AN, BB30 371, procureur général d’Angers au garde des Sceaux, 1er avril 1860.
85 AN, BB30 451, procureur général de Limoges au garde des Sceaux, 2 mars 1860.
86 AN, BB30 451, procureur général d’Angers au garde des Sceaux, 1er avril 1860.
87 L’abbé Poplineaux fut par la suite récompensé par l’évêque de Poitiers, qui lui offrit l’une des meilleures cures du diocèse. AN, BB30 385, procureur général de Poitiers au garde des Sceaux, 30 janvier 1861.
88 Conversation 1861.
89 Cartier 1860, p. 4.
90 Avant même de publier sa brochure, l’abbé Guerber avait livré plusieurs articles au Volksfreund, journal catholique dont son frère Jean-Baptiste avait été un des fondateurs. Le choix de l’écriture d’une brochure s’inscrivait donc dans la continuité de son action antérieure. Muller 1979.
91 AN, F19 5864, préfet du Haut-Rhin au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 30 mars 1860 : « Les brochures qui ont été répandues en plus grand nombre par le clergé sont le Pape par M. de Ségur et le dialogue intitulé Biersepp und Schmiedfrantz […]. Les curés les avaient reçus de l’Évêché ; plusieurs en avaient remis aux maires et aux conseillers municipaux ; à Fessenheim, le desservant avait écrit sur les exemplaires les mots suivants : On est prié de faire passer aux amis et voisins et de rapporter l’exemplaire à la maison curiale. »
92 AN, F19 5864, recteur de Strasbourg au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 29 février 1860 : « Après avoir saturé le Bas-Rhin de son poison, elle a pris son vol vers Colmar, et des ballots en ont été jetés sur le marché. Tout a été enlevé par les paysans, au point que le lendemain il n’en restait pas un exemplaire. Le libraire, à qui j’en demandais, m’a répondu qu’il en attendait pour le jeudi suivant, jour de marché. »
93 En octobre 1857, Lemeur, alors vicaire à Yvias, avait été signalé pour avoir distribué des médailles et des images à l’effigie d’Henri V. AN, F19 5855, préfet des Côtes-du-Nord au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 15 novembre 1857.
94 L’usage du breton pour les ouvrages religieux était à cette époque assez courant, notamment lorsqu’ils étaient destinés aux catégories populaires. Lagrée 1992, p. 226-233.
95 AN, BB30 451, procureur général de Rennes au garde des Sceaux, 15, 17 mars et 2 avril 1860.
96 AAV, Arch. Nunz. Parigi, b. 148, Le Meur à Sacconi, 20 mars 1860.
97 Voir également en AN, BB30 451 les documents concernant le Dialogue populaire sur le pouvoir temporel du Saint-Siège, publié à Avignon au début de l’année 1860. Les autorités firent pression sur l’imprimeur, qui consentit à la destruction des exemplaires qui avaient été saisis.
98 Cotonnet 1860b et 1860a.
99 Barrué 1861.
100 Maisonnave 1862.
101 Pierre Guiral avait ainsi bien montré la grande diversité des points de vue des libéraux français face aux événements de 1860. Guiral 1961.
102 Savart 1971.
103 Michon 1856.
104 La Varenne 1860.
105 Au XIXe siècle, le terme « Syrie » était un quasi-synonyme de Levant. Il renvoyait par conséquent à un territoire bien plus vaste que celui-ci de l’État syrien actuel et incluant Jérusalem.
106 Le Pape et Jérusalem 1861.
107 Ibid., p. 21.
108 Faure 1868.
109 Le Pape à Jérusalem 1862.
110 Zola 1891, p. 78-80. Je remercie Jean-Loup Bonnamy de m’avoir signalé ce passage.
111 Le Pape à Venise 1861.
112 Meunier 1861.
113 À titre de comparaison, 112 pamphlets en langue française avaient été publiés entre 1821 et 1827 au sujet de la guerre d’indépendance grecque, à une époque où l’imprimerie était évidemment moins développée que sous le Second Empire. Mazurel 2013, p. 124.
114 Pour une réflexion d’ensemble, on pourra se référer à Dullin – Singaravélou 2012 et Diaz – Meltz 2019.
115 Riva – Davis 2013.
116 Riall 2007.
117 Bacchin 2014.
118 Sur les liens entre les presses belges et françaises : Van den Dungen 2010.
119 Saitta 1963-1964.
120 L’importance de la diffusion des écrits des catholiques français en Italie a été soulignée par : Passerin d’Entrèves 1960.
121 Azeglio 1859.
122 Brignoli 1988, p. 299.
123 Jésuite, professeur de théologie dogmatique au Collège romain à partir de 1845, Carlo Passaglia avait été à partir de 1851 l’un des principaux membres de la commission de théologiens chargée par Pie IX d’étudier l’opportunité de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Par la suite, il avait quitté son ordre en 1859 et obtenu la chaire de philosophie à la Sapienza. Convaincu que l’unification italienne ne porterait pas nécessairement préjudice à la papauté, il chercha à jouer un rôle d’intermédiaire entre Turin et Rome mais échoua. En 1861, il publia un ouvrage dans lequel il appelait Pie IX à renoncer à son pouvoir temporel. Le livre fut mis à l’Index et Passaglia dut quitter Rome. Il devint professeur de philosophie morale à l’université de Turin et fut dès lors l’une des figures de proue du clergé libéral italien. Il fonda ainsi en 1862 la revue Il Mediatore, qui invitait à une conciliation entre la papauté et l’Italie. Il y diffusa notamment le texte d’une adresse du clergé italien demandant au pape de renoncer à son pouvoir temporel, qui obtint près de neuf mille signatures.
124 Passaglia 1861c ; Passaglia 1861a ; Passaglia 1861b ; Passaglia 1862a. Le premier de ces ouvrages était traduit du latin, les autres de l’italien.
125 Le 2 juillet 1860, le ministre des Affaires étrangères écrivit à son collègue de l’Instruction publique et des Cultes pour lui transmettre une brochure de Passaglia. La lettre est ainsi annotée par Rouland : « Il serait indispensable de faire faire la traduction de cet ouvrage – mais par qui ? – Je me chargerai des frais de travail. » AN, F19 1932.
126 Sur Amand Chaurand, voir Cholvy 1994. Membre des conférences de Saint-Vincent-de-Paul dès mai 1833, quelques semaines seulement après leur fondation, Amand Chaurand avait fondé en 1845 La Gazette de Lyon, où collaborèrent des catholiques de tendances politiques multiples.
127 Nardi 1862.
128 Visiblement soucieuse d’offrir aux écrits du père Passaglia la plus grande diffusion possible, la maison fut même à l’origine d’une édition anglaise regroupant en un seul volume ses quatre écrits sur le pouvoir temporel : Passaglia 1862b.
129 Pour une analyse plus détaillée, on se permettra de renvoyer à : Hérisson 2018. Sur les liens entre Massimo d’Azeglio et Eugène Rendu : Ferrari 1967.
130 Sacconi à Antonelli, 29 avril 1869. Publié dans Gabriele 1962a, p. 93-94.
131 Une traduction de l’appendice de l’article avait cependant déjà été donnée les 21 et 22 mars.
132 Celle-ci était datée du 15 avril. Dans la lettre précédemment citée, le nonce, tout en se réjouissant de la qualité de cette préface, regrettait que l’évêque de Perpignan eût mis tant de temps pour la composer.
133 Veuillot, qui avait été à l’initiative de la reproduction de l’article en brochure, écrivit le 15 avril 1859 à Luigi Taparelli d’Azeglio pour justifier les amendements qu’il avait portés au texte. Pirri 1932, p. 674-675.
134 « Non v’ha codice, che tanto sacrifichi la libertà, quanto il Codice francese. »
135 La question italienne 1859, p. 48.
136 Pour un exposé plus précis de la question, on se permettra de renvoyer à : Hérisson 2014.
137 Dante 1990.
138 Gough 1996.
139 L’ouvrage fut traduit en français dès l’année suivante par Joseph Chantrel, l’un des principaux journalistes de L’Univers, et publié chez Gaume.
140 Falconi 1983, p. 292.
141 L’ouvrage ne connut pas de traduction française mais divers journaux en rendirent compte dans leurs colonnes. Dans Le Correspondant de janvier 1858, Charles-Félix Audley en fit une recension élogieuse sur pas moins de quinze pages.
142 Sacconi à Antonelli, 29 avril 1859. Publié dans Gabriele 1962a, p. 94.
143 Sur la politique de la presse du cardinal Antonelli : Zizola 1998.
144 La naissance de l’Osservatore romano le 1er juillet 1861 était une conséquence des menaces qui pesaient sur le pouvoir temporel.
145 Le premier tome concernait l’Italie, le deuxième la France, la Belgique et la Suisse, le troisième l’Autriche, l’Allemagne et la Hollande, le quatrième l’Espagne, le Portugal et l’Amérique latine, le cinquième l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse et l’Amérique anglophone et le sixième le reste de l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Océanie. Chaque tome était composé de plusieurs volumes regroupant les actes des évêques, les brochures et les adresses collectives.
146 Lamberts 2002c.
147 Lamberts 2002b ; Viaene 2002b.
148 Viaene 2005a.
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