Chapitre 11
Les laïcs dans l’Église : l’impossible renaissance du parti catholique
p. 459-488
Texte intégral
1Les laïcs jouèrent un rôle central dans la mobilisation autour de la question romaine. Cette situation témoigne de leur place grandissante dans le catholicisme au XIXe siècle1. Depuis le début du siècle, s’étaient en effet multipliées les initiatives par lesquelles diverses fractions du laïcat avaient cherché à jouer un rôle plus actif dans la défense et dans la propagation de la religion2. Cette nouvelle donne permit l’émergence en Europe occidentale d’un mouvement catholique multiforme, conçu comme une réponse à la sécularisation des sociétés européennes.
2Cet ultime chapitre reviendra sur les modalités de la mobilisation politique du laïcat pour la défense de l’Église. En France, une telle mobilisation n’était pas à proprement parler une nouveauté, puisque vingt ans auparavant les laïcs avaient déjà joué un rôle central dans la lutte pour la liberté d’enseignement. Cependant, au contraire de ce qui s’était produit durant la décennie 1840, leur action en faveur de l’Église ne fit plus l’objet de remises en cause de la part des clercs, notamment parce qu’elle était désormais perçue moins comme concurrente que comme complémentaire vis-à-vis de ceux-ci et théoriquement placée dans un rapport de subordination. Si l’importance de la distinction entre clercs et laïcs avait pu gêner la mobilisation en faveur de la liberté d’enseignement, ce ne fut donc plus le cas dans les années 1860.
3Un nouveau facteur de division avait cependant émergé entretemps. Les polémiques opposant tout au long des années 1850 catholiques libéraux et catholiques intransigeants, loin de s’effacer avec la question romaine, s’en trouvèrent ravivées, et le laïcat tint dans ce processus un rôle central, via notamment la caisse de résonance qu’offrait à ce conflit la presse. Pour cette raison, les catholiques ne peuvent être simplement considérés comme un camp homogène et uni dans la lutte en faveur du pouvoir temporel de la papauté. Ils constituaient également un champ à l’intérieur duquel rivalisaient différentes forces cherchant chacune à acquérir une position hégémonique au sein de l’Église.
I. L’intervention des laïcs dans les affaires de l’Église
1. Les laïcs dans la mobilisation face à la question romaine
4En 1859, la mobilisation des laïcs en faveur de l’Église ne constituait pas un phénomène nouveau, et les controverses qui avaient eu lieu à son sujet au cours des décennies précédentes avaient partiellement permis de fixer les modalités selon lesquelles cette action pouvait se déployer3. Si le rôle du journalisme religieux était loin d’être parfaitement défini, le principe de son existence ne suscitait plus guère de remises en cause comme cela avait pu être le cas au cours de la décennie 1840. Plus généralement, l’action des laïcs en faveur de l’Église était acceptée, à condition toutefois qu’elle fût subordonnée à la hiérarchie ecclésiastique.
5La plupart des comités formés en France par des laïcs militants dans le but d’organiser l’aide au Saint-Siège accueillirent ainsi des clercs à des postes importants et, surtout, ils furent généralement créés avec la bénédiction de l’ordinaire du lieu. Ainsi le comité de Saint-Pierre parisien, qui, au moment de sa fondation en 1860, avait pour président le R. P. Pététot et pour secrétaire l’abbé Carrère. Ce fut également le cas de l’archiconfrérie de Saint-Pierre fondée à Lyon la même année autour d’un des vicaires généraux du cardinal de Bonald, l’abbé de Serres. En 1867, le comité d’artillerie pontificale fondé à Poitiers par Henri Libault de La Chevasnerie paraît avoir été lié à Mgr Pie, à en juger par les papiers que recèlent les archives historiques du diocèse, et il s’appuya largement sur le clergé dans les départements où il étendit son action. L’intégration de prêtres aux comités permettait au laïcat de se mobiliser pour la cause de l’Église tout en respectant formellement sa structure cléricale. Les laïcs militants paraissent du reste avoir compris l’importance que les clercs accordaient à cette question. En témoigne une lettre non datée qui semble avoir été la première envoyée par le comité de Saint-Pierre parisien à Mgr Pie, sans doute en juin 1860 :
Sous l’impulsion et le patronage direct de l’autorité Épiscopale, les diocèses d’Angers, d’Avignon, de Meaux, de Nantes, de Nîmes, de La Rochelle, de Rheims, de Toulouse, et beaucoup d’autres, ont réuni des sommes considérables [pour la papauté].
Témoins [sic] de ce mouvement si chrétien et si français, notre Comité n’a d’autre pensée que de le seconder, et il est le premier à reconnaître que la haute direction en appartient aux Évêques. Il se considère uniquement comme un instrument que sa position centrale peut rendre utile par des renseignements, des informations, des correspondances, etc…
Nous avons commencé par écrire à nos amis, dans les divers diocèses de France, en les priant de se mettre en rapport immédiatement avec l’Ordinaire, pour nous indiquer les services qu’il nous serait possible de rendre à l’œuvre du denier de St Pierre […].
Partout l’œuvre se développe sous le patronage épiscopal, tantôt par des comités ecclésiastiques, tantôt par des comités laïques […].
Le comité est en relation avec son É. le cardinal de Villecourt [sic], chargé par le Souverain Pontife de tout ce qui concerne les fonds dont il s’agit, et avec le général de Lamoricière. Il est approuvé, et fortement encouragé, par une lettre du St Père, en date du 12 Mai, et cet encouragement, cette approbation sont son honneur et sa récompense4.
6Afin de prévenir les soupçons qu’aurait pu inspirer une initiative laïque, le comité prenait ainsi soin d’insister non seulement sur le fait que c’étaient les évêques qui avaient été à l’origine de la mobilisation financière, mais aussi sur le fait qu’il entendait placer son action sous leur direction. Il signalait par ailleurs que, en plus de l’approbation qu’il avait reçue de plusieurs évêques français, il avait également obtenu celle du pape. De fait, les comités laïcs formés en France pendant la décennie 1860 firent généralement approuver leur action à Rome et ils étaient souvent en contact étroit soit avec la nonciature soit avec un membre de la Curie pour être informés de la manière d’agir la plus à même d’aider le Saint-Siège.
7Cette soumission des laïcs aux clercs n’était cependant pas sans limites. Dans les faits, c’étaient généralement les laïcs qui se montraient les plus actifs dans les comités et les fonctions accordées aux clercs paraissent avoir été la plupart du temps honorifiques. Certains laïcs cherchèrent par ailleurs à renverser le rapport de subordination qui aurait dû les lier au clergé, par exemple en ce qui concernait la mobilisation financière des fidèles. Face aux difficultés que rencontrait le placement des titres de l’emprunt pontifical de 1864, le banquier belge Langrand-Dumonceau n’hésita pas à recourir au nonce pour que celui-ci invitât les évêques français à l’aider en recommandant l’emprunt dans leurs diocèses5. De même, à la fin de l’année 1865, le comité de Saint-Pierre parisien obtint de Chigi qu’il écrivît aux évêques afin de les presser à parfaire dans leurs diocèses l’organisation de la collecte du Denier6. Le recours au nonce, représentant en France de l’autorité pontificale, permettait ainsi aux laïcs de renverser en leur faveur le rapport de domination qui les liait aux évêques.
8Les journaux religieux laïcs jouirent, quant à eux, d’une large autonomie à l’égard du clergé. Certes, les principaux journalistes catholiques de Paris se trouvaient en relation avec la nonciature et celle-ci pouvait leur transmettre des documents à insérer dans leurs colonnes. Le rythme de publication quotidien empêchait cependant toute surveillance a priori des articles. Pour cette raison, la nonciature dut par moments faire rectifier a posteriori certains écrits, qui risquaient de compromettre la cause du Saint-Siège.
9Au contraire de ce qui s’était produit au cours des décennies 1840 et 1850, les conflits entre évêques et journalistes furent très peu nombreux. Cette situation résultait de l’encyclique Inter multiplices, qui avait signalé en 1853 l’utilité des écrivains et journalistes laïcs. Elle fut par ailleurs sans doute favorisée par la suppression de L’Univers en janvier 1860, journal à la fois le plus influent sur les fidèles et le plus indépendant à l’égard de l’autorité épiscopale. Le Monde, son successeur, se montra de ce point de vue plus prudent. Il fallut ainsi attendre la renaissance de L’Univers en 1867 pour voir renaître les débats autour de l’action du journalisme religieux. Ceux-ci ressurgirent en raison des multiples polémiques que Veuillot entretenait sur deux questions partiellement liées à la question romaine : celle du libéralisme et celle de l’infaillibilité pontificale. En novembre 1869, à la veille de l’ouverture du Concile et alors que L’Univers prenait fait et cause pour la proclamation de l’infaillibilité avec de plus en plus de virulence, Mgr Dupanloup publia un avertissement à Louis Veuillot dans lequel il lui reprochait d’usurper dans l’Église une autorité que, en tant que simple laïc, il ne possédait pas. Reprenant une expression des Écritures, il reprochait par ailleurs au journaliste de se faire l’accusateur de ses frères (accusator fratrum) et de créer « des partis dans l’Église » en exacerbant les oppositions entre les catholiques7.
10En dehors de cet épisode, le rôle des laïcs ne fut pas remis en cause durant la décennie 1860. Les laïcs militants firent preuve de prudence dans leurs rapports avec l’épiscopat et se gardèrent notamment d’exprimer publiquement des critiques à l’encontre des évêques qu’ils jugeaient trop modérés face à la question romaine. La correspondance de Montalembert contient ainsi de nombreuses notations témoignant de son insatisfaction devant l’attitude du clergé français, qu’il jugeait complaisant à l’égard du gouvernement8, mais le comte n’exprima jamais ce point de vue dans un écrit public. L’intervention des laïcs n’était dès lors plus considérée comme porteuse de troubles et de divisions dans l’Église, mais pouvait au contraire apparaître comme avantageuse. Elle offrait en effet à l’Église la possibilité d’user de modes d’action difficilement accessibles aux clercs.
2. Une action complémentaire de celle du clergé
11Si le clergé acceptait désormais mieux l’action des laïcs militants, c’était notamment parce qu’elle apparaissait moins comme concurrente que comme complémentaire de celle des clercs. Les laïcs, en effet, pouvaient défendre la cause de l’Église sur des terrains difficiles d’accès, voire inaccessibles, aux clercs. Leur mobilisation constituait de ce fait une forme d’adaptation de l’Église à la société moderne, puisqu’elle témoignait d’une volonté de prendre en compte la sécularisation de la politique.
12Mgr Parisis l’avait signalé dès 1844, la sécularisation de la vie politique et le poids de plus en plus importants des Chambres, où se discutaient des questions cruciales pour la religion, rendaient nécessaire pour l’Église de trouver parmi les députés des soutiens capables de défendre sa cause9. Cette stratégie avait été suivie sous la monarchie de Juillet mais abandonnée à partir de 1852, pour une double raison. D’une part, pour la plupart des catholiques, le régime impérial marquait le retour à un gouvernement chrétien, qui rendait inutile de se mobiliser pour défendre l’Église ; d’autre part, les assemblées avaient perdu le pouvoir dont elles avaient bénéficié sous les régimes précédents. La question romaine et la libéralisation contemporaine des institutions firent cependant resurgir la nécessité pour les catholiques de porter leur action dans les Chambres. Si les cardinaux étaient membres de droit du Sénat et pouvaient y défendre la cause de l’Église, le Corps législatif ne comptait aucun clerc. Lorsque, par le décret du 24 novembre 1860, Napoléon III décida de renforcer les pouvoirs des deux Chambres par le vote de l’adresse, il devint avantageux pour la papauté de s’appuyer sur le soutien des membres de la Chambre basse qui se proposaient d’y défendre la cause de l’Église. Si les archives ne donnent pas connaissance du détail des discussions entre la nonciature et les députés catholiques, elles apportent cependant suffisamment d’informations pour comprendre que l’action de ces derniers était partiellement réalisée en concertation avec le nonce.
13Les laïcs, en plus d’ouvrir de nouveaux terrains de défense au Saint-Siège, pouvaient également lui apporter des compétences dont les hommes d’Église étaient dépourvus, notamment dans le domaine financier. Sans l’aide des banquiers catholiques, qui fournirent à la fois leur expertise et leurs réseaux de correspondants en province pour faciliter le placement des titres, les emprunts pontificaux n’auraient jamais connu un tel succès.
14L’action du laïcat se révélait enfin particulièrement utile dans certains domaines où une intervention directe du clergé était inenvisageable. Le premier d’entre eux était la mobilisation militaire, par définition réservée aux laïcs en raison du statut des clercs, qui leur interdisait de faire couler le sang. D’autres moyens d’action, sans être totalement défendus aux clercs, apparaissaient peu conformes à la dignité de leurs fonctions. C’était alors encore le cas, même si ces répugnances n’étaient pas partagées par tous les ecclésiastiques10, de la presse au sens large. La dignité des fonctions ecclésiastiques était ainsi considérée comme incompatible avec le caractère souvent rude des polémiques entre journalistes ou brochuriers.
15Veuillot présentait ainsi le journalisme religieux laïc non comme une œuvre destinée à se substituer aux écrits des ecclésiastiques, mais comme un auxiliaire nécessaire pour faire face aux nouveaux périls que recelait le monde moderne. Il le montrait comme une réponse à l’existence d’une presse irréligieuse attaquant l’Église et face à laquelle les armes ecclésiastiques étaient inefficaces. Les journaux anticléricaux devaient être combattus en retournant contre eux leurs propres moyens et, de ce point de vue, les laïcs devenaient utiles puisqu’ils n’étaient pas obligés par leur condition, comme l’étaient les clercs, de rejeter certains procédés. En janvier 1870, alors que des rumeurs annonçaient que les pères conciliaires traiteraient de la question du journalisme religieux, Veuillot écrivit ainsi :
Je crois qu’il vaut mieux que la presse religieuse soit laïque. L’habit et la mode laïques vont mieux à ce genre de combat. Une soutane est pesante, pour soutenir ou emporter les barricades, donner l’assaut, courir les broussailles et bien faire tout ce métier de partisan. Car, cette guerre ne saurait être menée comme il faut par l’armée officielle. Il convient d’y laisser des hommes qui agissent d’eux-mêmes, et qui, ne recevant point de prêt et ne prenant point de conseil, n’engagent aussi qu’eux-mêmes11.
16L’idée que les luttes de la presse périodique et de la brochure ne convenaient pas à l’état ecclésiastique paraît avoir alors été assez largement partagée dans le clergé. Même un évêque comme Mgr Dupanloup, qui fut pourtant celui qui s’engagea le plus loin dans cette voie de défense des intérêts du Saint-Siège, semble avoir été de cet avis. En 1861, au début d’un écrit qu’il publiait en réponse à la brochure La France, Rome et l’Italie, l’évêque d’Orléans pouvait ainsi écrire :
Nous [les évêques] avons le chagrin d’être condamnés à vous suivre dans une forme de controverse qui nous inspire une profonde répugnance, la brochure, triste invention de la plus vulgaire littérature politique, à l’usage d’un public qui n’a pas la patience de lire, ni le courage de discuter en face, ni la volonté d’approfondir les questions12.
17Dans la mobilisation autour de la question romaine, les laïcs jouèrent ainsi un rôle majeur, mais, s’ils se plaçaient en théorie dans une position de subordination vis-à-vis de la hiérarchie religieuse, la situation était en réalité plus complexe. À quelques exceptions près, l’épiscopat français n’eut pas de véritable rôle directeur car les laïcs cherchèrent bien davantage leurs consignes auprès de Rome. L’autorité épiscopale se trouvait ainsi fragilisée par le renforcement des liens directs entre les fidèles et Rome, trait caractéristique du milieu du XIXe siècle.
3. Un évêque dans la mêlée : Mgr Dupanloup
18Les évêques qui défendirent le plus activement la cause pontificale le firent de deux manières différentes. Certains, comme l’archevêque de Rouen, Mgr de Bonnechose, préférèrent agir confidentiellement auprès du gouvernement en adressant des lettres à l’empereur et à ses ministres ou en se rendant à Paris pour leur exprimer leurs inquiétudes au sujet de la situation du pape. Une telle façon de procéder avait, selon l’archevêque de Rouen, l’intérêt de ne pas risquer d’irriter le pouvoir13. Elle fut généralement suivie par des évêques favorables au gouvernement, tel Mgr de Salinis, l’archevêque d’Auch, qui, malgré la maladie qui l’affectait gravement, se rendit aux Tuileries pour parler à l’empereur en décembre 186014.
19D’autres évêques choisirent au contraire de porter devant le public leur désaccord avec la politique impériale, notamment à partir de la fin de l’année 1859, après la publication de la brochure Le Pape et le Congrès, lorsqu’il devint clair que Napoléon III ne s’opposerait pas à l’annexion des Romagnes. Les évêques qui suivirent cette voie agirent de deux façons15. La plupart, comme Mgr Pie et Mgr Plantier, exprimèrent leurs désaccords avec le gouvernement à travers des mandements et des lettres pastorales. Ce faisant, ils s’adressaient avant tout aux catholiques, employaient pour ce faire des leviers d’action propres aux ecclésiastiques, et plaçaient leur argumentation principalement sur le terrain de la doctrine et du droit ecclésiastique. Il s’agissait pour eux moins de convaincre l’opinion publique de la justesse de la cause pontificale que de rappeler les principes en jeu dans la question romaine. Pour cette raison, les évêques intansigeants suivirent principalement cette voie.
20Bien moins nombreux furent les évêques qui choisirent de donner à leurs écrits non pas la forme habituelle des documents épiscopaux mais celle d’écrits profanes. Mgr Gerbet publia ainsi en 1859, 1860 et 1862 trois brochures sur la question romaine16, dans lesquelles il défendait le pouvoir temporel sans pour autant attaquer le gouvernement impérial17. Le recours à l’imprimé était sans doute lié au passé mennaisien de l’évêque, qui lui avait fait voir dans la presse un moyen d’influence utile à l’Église, dont il avait largement usé avant de devenir évêque de Perpignan. Mgr Parisis, évêque d’Arras, publia quant à lui une brochure en 1860 pour répondre à l’opuscule de La Guéronnière Le Pape et le Congrès18. Le prélat qui poussa le plus loin la défense de la papauté au moyen de brochures n’était cependant pas un ancien mennaisien, mais Mgr Dupanloup19.
21Déjà en 1849, celui-ci avait publié un ouvrage sur la souveraineté temporelle du pape20. À partir de 1859, les événements italiens le conduisirent à multiplier les écrits sur le sujet. Dans une Protestation de Mgr l’évêque d’Orléans contre les attentats dont notre Saint-Père le pape et le Saint-Siège apostolique sont menacés et frappés en ce moment, datée du 30 septembre et publiée dans la presse, il dénonça les périls qui résultaient de la situation des Romagnes révoltées. Une telle publication témoignait de la volonté de l’évêque d’alerter l’opinion publique sur la question romaine et de ne pas se limiter au seul public diocésain que permettaient de toucher les mandements épiscopaux. De fait, si Mgr Dupanloup n’était pas le premier prélat dont la presse publiait un écrit sur le sujet, il fut cependant celui dont l’intervention eut le plus grand écho, dépassant même les frontières de la France21. L’évêque publia par la suite un nouvel ouvrage à la fin de l’année 1859, deux en 1860, deux encore en 1861, un en 1865 et enfin trois en 186722. Le rythme de ses publications suivait ainsi la chronologie de la question romaine.
22L’importance accordée par Mgr Dupanloup à la question de la médiatisation de ses idées n’était pas nouvelle. L’évêque avait longtemps contrôlé L’Ami de la religion et, surtout, il avait déjà publié des ouvrages sur plusieurs questions qui lui importaient, en premier lieu celle de l’éducation. En publiant une dizaine d’écrits sur la situation de la papauté entre 1859 et 1870, Mgr Dupanloup fut l’un des écrivains temporalistes les plus prolifiques – à titre de comparaison, Louis Veuillot, durant la période au cours de laquelle il fut privé de son journal (1860-1867), fit paraître six ouvrages sur la question romaine23. Parmi ces écrits, un seul dépassait cent pages et faisait figure de véritable somme destinée à un public restreint. Neuf étaient au contraire des écrits de circonstance, qui témoignaient de la volonté de l’évêque d’influencer les événements en prenant part aux débats qui agitaient l’opinion publique. Il s’attacha ainsi à publier le plus rapidement possible ou au moment qui était jugé le plus propice plusieurs de ses opuscules. En décembre 1859, il composa en moins de deux jours sa réponse à la brochure Le Pape et le Congrès24. En 1865, il attendit pour publier son ouvrage sur le Syllabus et la convention de septembre l’intervalle de temps qui séparait les débats du Parlement italien et l’ouverture des Chambres françaises25.
23Le succès que ces écrits rencontrèrent auprès du public s’expliquait notamment par l’argumentation qu’y déployait l’évêque d’Orléans. Il s’attacha en effet à présenter la question romaine non comme une affaire purement religieuse mais comme une question qui mettait d’abord en jeu les intérêts conservateurs. Il plaça par conséquent son argumentation sur le terrain du droit des gens ainsi que sur celui de la défense de l’ordre politique et social. Ainsi, dans sa Seconde lettre sur le démembrement dont les États pontificaux sont menacés (1860) :
Ce n’est pas là une question de droit canon, mais une question de droit public.
Un Congrès va être formé ; je l’appelle de mes vœux. Eh bien, qu’il se compose de Russes ou d’Espagnols, de Suédois ou d’Autrichiens, j’aurai confiance, si les plénipotentiaires ne méconnaissent pas ce premier article de la loi morale : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait à vous-même. »
En effet, il n’est point, je ne dis pas un Souverain qui puisse être assuré de sa Souveraineté ; je dis : Il n’est pas une nation qui puisse être assurée de la paix, si l’on consacre ce droit d’une province, d’une ville, d’un village de changer de maître quand il lui plaît26.
24En disant accepter que la question romaine fût résolue par un congrès composé de Russes comme d’Espagnols, de Suédois comme d’Autrichiens, autrement dit par des représentants de tous les pays européens, quelle que fût leur religion, Mgr Dupanloup se plaçait à l’opposé de la ligne généralement défendue par la diplomatie pontificale, prompte à rejeter toute implication des puissances « schismatiques » dans la question romaine. Cette position témoignait de sa volonté de placer la défense de l’État pontifical sur le terrain du droit commun. Une telle stratégie argumentative était liée au positionnement catholique libéral de l’évêque d’Orléans, qui le conduisait à insister sur la conformité des intérêts de l’Église avec ceux de la société de son temps plutôt que sur leur antagonisme. L’objectif de l’évêque était ainsi de rallier à la cause pontificale les notables conservateurs, même non catholiques.
25L’attitude de Mgr Dupanloup face à la question romaine était donc l’inverse de celle d’un Mgr Pie. Si les deux évêques défendirent âprement la cause du Saint-Siège, ils le firent en effet par des moyens opposés. Une telle situation témoignait bien du fait que le camp catholique était loin d’être un bloc monolithique mais, au contraire, marqué par la persistance des divisions qui s’étaient affirmées en son sein depuis la fin de la décennie 1840.
II. Les divisions des catholiques temporalistes
26En France, à de rares exceptions près, catholiques intransigeants comme catholiques libéraux prirent la défense du pouvoir temporel durant la décennie 1860. Pourtant, jamais, au cours de ces années, ne fut reconstitué le parti catholique qui avait pu exister bon an mal an sous la monarchie de Juillet autour du comité de défense de la liberté religieuse. Cette situation tenait à trois facteurs principaux : le caractère autoritaire du régime impérial, qui rendait de fait difficile l’émergence d’une opposition coordonnée ; les opinions divergentes qui séparaient les catholiques français tant du point de vue religieux que du point de vue politique27 ; la violence, enfin, des polémiques des années 185028, qui avaient redoublé ces divergences idéologiques par des rancunes personnelles tenaces opposant les principaux chefs de file des deux camps.
1. Catholiques intransigeants et catholiques libéraux face à la question romaine
27Catholiques intransigeants et catholiques libéraux étaient en désaccord sur la manière dont il convenait de défendre le pouvoir temporel. De telles divergences tactiques n’étaient pas nouvelles, et, comme l’a montré Sylvain Milbach, le parti catholique des années 1840 était déjà loin de former un bloc homogène. Si ses membres avaient tous cherché à obtenir la liberté d’enseignement, ils avaient divergé sur la question des moyens qu’il fallait employer pour atteindre cet objectif29. En raison du fossé qui s’était creusé entre intransigeants et libéraux au cours de la décennie 1850, l’hétérogénéité du mouvement catholique fut encore plus forte dans la défense du pouvoir temporel.
28Les catholiques libéraux de la nuance du Correspondant furent les premiers à attaquer la politique italienne de Napoléon III. Si Le Correspondant et L’Univers avaient laissé paraître leurs craintes dès la veille de la guerre de 1859, ni l’un ni l’autre n’avait alors été jusqu’à critiquer de front la politique impériale. La situation des Romagnes à l’automne 1859 fut le véritable déclencheur du passage des catholiques libéraux à une opposition affirmée, que marqua la publication par Montalembert en octobre de son article « Pie IX et la France en 1849 et en 1859 ». À la même époque, le ton des articles de Louis Veuillot dans L’Univers changea également, en réaction notamment à l’interdiction faite à la presse de publier les mandements épiscopaux sur les Romagnes30. Toutefois, si le journaliste paraît y avoir songé31, il n’entra alors pas dans une opposition frontale au régime. Il fallut attendre la publication de la brochure Le Pape et le Congrès pour le faire basculer. Le 24 décembre, il comparait l’opuscule au baiser de Judas et L’Univers adopta par la suite un positionnement tel qu’il entraîna la suppression du journal en janvier 1860.
29Libéraux et intransigeants usèrent dans l’ensemble de systèmes d’argumentation différents pour défendre le pouvoir temporel. Cette situation était en bonne part le résultat de leurs conceptions divergentes de la société moderne. Pour les premiers, il s’agissait à proprement parler de défendre l’État pontifical. Ils partageaient en effet partiellement avec leurs adversaires un certain nombre de valeurs et il s’agissait dès lors, en partant de ces valeurs, de convaincre ceux-ci du bien-fondé de la cause de la papauté. Au contraire des intransigeants, les libéraux entendaient ainsi convaincre l’opinion publique en employant une argumentation qui ne serait pas purement religieuse mais qui, comme cela avait été le cas au moment de la lutte en faveur de la liberté d’enseignement, placerait la défense de la papauté sur le terrain du droit commun. Davantage soucieux de convaincre les notables que de toucher les masses, Montalembert écrivait ainsi :
Parler au monde moderne, aux pouvoirs politiques et intellectuels qui le gouvernent, le langage de l’intérêt ou du droit exclusivement catholique, dans une question politique, c’est une tâche à peu près inutile. On ne saurait ni toucher ni convaincre ceux qui n’admettent pas même le point de départ de leur contradicteur, qui ignorent ou repoussent toutes les bases qu’il donne à sa conviction. Veut-on échapper aux seuls arguments qui touchent la foule, à la triste nécessité d’invoquer ou de subir tour à tour la raison brutale du plus fort, on est nécessairement conduit à chercher une région où l’on puisse s’entendre avec ceux qui ne partagent ni nos croyances ni nos affections. Il faut les convier à nous suivre ou aller nous-mêmes au-devant d’eux sur un terrain où ils ne rencontreront que ces grandes lois de justice, de morale et de loyauté que tout homme d’honneur est tenu de respecter et de proclamer32.
30Dès lors, les catholiques libéraux cherchaient à réfuter les critiques qui étaient portées contre la papauté en en montrant la fausseté ou les exagérations. Aux accusations selon lesquelles l’administration pontificale était dominée par le clergé, ils répondaient en présentant des tableaux statistiques qui montraient que les laïcs y étaient bien plus nombreux que les clercs33. De même, à l’inverse des intransigeants, qui faisait de l’État pontifical un modèle justement parce qu’il représentait un môle de résistance à la civilisation moderne, les libéraux ne niaient pas que l’administration pontificale fût imparfaite mais insistaient sur sa capacité à se réformer. Les réformes des premières années du pontificat étaient mises en avant dans cette perspective.
31Particulièrement représentatives de ce type d’argumentation furent les deux lettres ouvertes que Montalembert adressa à Cavour en 1860 et 1861. L’ancien chef du parti catholique cherchait à y montrer que la cause libérale ne se situait pas du côté du Piémont mais de celui du pape :
L’indépendance de l’Église repose, avant toutes choses, sur la liberté absolue de son chef, docteur et gardien de la foi, et cette liberté a, depuis dix siècles, pour bouclier, une souveraineté temporelle constituée en dehors de tous les États. Elle repose, en outre, dans l’intérieur de chaque État, sur la liberté d’association, la liberté d’enseignement, la liberté de la charité, droits qu’aucun homme sensé ne prétend réserver à l’Église seule, mais qui ne sont pas des droits s’ils sont gênés par des obstacles préventifs, au lieu d’être simplement soumis à la répression, dans les cas définis par des lois, et jugés par des tribunaux indépendants avec publicité, avec appel.
Voilà les garanties et les conditions de la liberté de l’Église. Or vous les violez toutes à la fois : la première en supprimant le pouvoir temporel du Pape, la seconde en dispersant les communautés, la troisième en violentant les évêques, la quatrième en confisquant leur patrimoine. […]
Non, non, vous n’êtes pas la liberté, vous n’êtes que la violence34 !
32C’était ainsi en tant que garantie de la liberté de l’Église que le pouvoir temporel était défendu par Montalembert et, surtout, c’était au nom des libertés communes que la législation anticléricale qu’avait adoptée le Piémont durant les années 1850 était attaquée.
33À travers une telle argumentation, et conformément à leur propre sociologie, les catholiques libéraux s’adressaient tout particulièrement aux notables qu’ils avaient l’habitude de côtoyer dans les lieux de sociabilité de la bonne société. Ils cherchaient principalement à convaincre les conservateurs libéraux, qu’ils fussent croyants ou non, du bien-fondé de la cause du pape. Cette tactique porta partiellement ses fruits, comme en témoignent les écrits et discours en faveur du pouvoir temporel d’hommes comme Abel-François Villemain35, Victor Cousin36, François Guizot37 et, surtout, Adolphe Thiers. Une telle stratégie connaissait du reste des antécédents qui remontaient au milieu des années 1850, époque où la réorganisation du Correspondant sous l’égide de Montalembert, Broglie, Falloux, Foisset et Cochin, en avait fait une revue de juste milieu38.
34Les catholiques intransigeants, à l’inverse, tendaient à répondre aux critiques des adversaires de l’Église par la contre-attaque, en substituant à la défense le « défi39 », pour reprendre une expression de Broglie. Constatant l’opposition totale de leurs valeurs avec celles de leurs adversaires, ils ne pouvaient chercher à les convaincre. Aussi, loin de nier l’existence de ce que ceux-ci dénonçaient comme des défauts ou des problèmes, avaient-ils au contraire tendance à la confirmer, mais pour présenter ces défauts comme des qualités. Ce fut Louis Veuillot qui porta le plus loin une telle stratégie argumentative en exaltant le caractère antimoderne de l’État romain. Poussée à son terme, cette rhétorique paraît cependant avoir suscité des réticences jusqu’à Rome. Mgr de Mérode se lamenta ainsi dès 1856 auprès de Montalembert de l’existence de « tant de panégyristes, qui non seulement défendent ce qui est insoutenable, mais encore vantent des défauts que ce pays-ci [les États pontificaux] n’a heureusement pas, comme si c’étaient de vraies qualités40 ».
35À l’inverse de celle des catholiques libéraux, une telle argumentation visait moins à convaincre les indifférents qu’à mobiliser les convaincus en leur désignant un ennemi identifié clairement, car de manière manichéenne, à travers une analyse de la question romaine qui pouvait se résumer à un affrontement entre Dieu et Satan. De là découlait la violence du verbe caractéristique de la plume intransigeante.
36Libéraux et intransigeants adoptaient ainsi deux stratégies opposées dans la question romaine. Ces deux attitudes reflétaient les différences qui existaient entre ces deux sensibilités, et qui avaient déjà percé au moment du vote de la loi Falloux. La loi, on le sait, avait été votée au prix d’une transaction, permise par le rapprochement des catholiques et du parti de l’ordre dans une conjoncture politique marquée par la crainte du « péril social ». Les catholiques avaient renoncé au principe d’une liberté totale, qui leur aurait permis de mettre en place, à côté de l’Université, un système d’enseignement religieux concurrent et véritablement indépendant. Ils avaient cependant obtenu leur intégration à l’Université, via notamment la présence de représentants des cultes dans le système de surveillance qui supervisait aussi bien les établissements d’État que les établissements libres. Ce compromis montrait que les catholiques qui avaient promu la loi étaient soucieux de voir l’Église, plutôt que de se séparer du monde et de se contenter de conserver son public acquis, chercher à influencer l’ensemble de la société. À l’inverse, les intransigeants hostiles à la loi étaient favorables à une séparation totale des deux systèmes d’enseignement, qui pourrait permettre aux catholiques de se constituer en bastion préservé du matérialisme bourgeois, avant d’envisager une reconquête du reste du pays41.
37C’était bien ce clivage que l’on retrouvait au cours des années 1860 dans la dualité des rhétoriques autour de la question romaine. Le catholicisme intransigeant était ainsi avant tout une doctrine de combat, insistant sur la force de l’antagonisme qui opposait l’Église à ses adversaires. En témoigne l’importance du lexique militaire chez nombre de ses représentants, et en premier lieu chez Louis Veuillot. Le catholicisme libéral se voulait quant à lui avant tout une doctrine de conciliation. Les catholiques qui s’en réclamaient, qu’ils fussent simplement convaincus qu’un retour à l’Ancien Régime était impossible ou qu’ils fussent sincèrement persuadés que les libertés modernes représentaient un progrès, cherchaient à montrer que l’Église et la civilisation moderne n’étaient pas nécessairement opposées.
2. Une grande variété de positionnements
38Le clivage entre intransigeants et libéraux ne suffit cependant pas à rendre compte de la variété des positionnements des catholiques à l’égard de la question romaine. Intransigeants comme libéraux étaient en effet parcourus par des divisions internes. Étudiant la pensée politique des évêques des débuts de la Troisième République, Jacques Gadille a ainsi montré la nécessité d’aller au-delà de cette simple distinction duale42. En ce qui concerne la question romaine, il faut tenir compte des divergences qui avaient séparé les catholiques depuis 1852 à propos du régime impérial. Il importe, à cet égard, de souligner le fait que, si la question du rapport à l’Empire avait pu contribuer à affermir la division entre libéraux et intransigeants, les deux clivages ne se superposaient pas parfaitement. Le clivage qui, dans la presse religieuse, opposait Le Correspondant et L’Univers était ainsi loin de résumer l’ensemble des tensions qui parcouraient le catholicisme français. Tous les intransigeants n’étaient pas des soutiens de Napoléon III – Mgr Pie en était le meilleur exemple – et tous les libéraux n’étaient pas des opposants au régime. Un certain nombre de catholiques libéraux voyaient en effet en Napoléon III le défenseur d’une conception modérée des principes de 1789 qu’ils faisaient leur, davantage centrée sur l’idée de souveraineté populaire que sur la question des libertés. Appartenant à un courant qui a pu être qualifié de « néo-gallican », ces catholiques, qui comptaient dans leurs rangs des laïcs comme Eugène Rendu et des évêques comme Mgr Cœur43, Mgr Darboy44, Mgr Lavigerie45 et Mgr Maret, se montrèrent bien souvent favorables à la politique italienne de Napoléon III. Persuadés de la nécessité de réformer les États de l’Église pour satisfaire les vœux des populations, ils se rallièrent par ailleurs avec plus ou moins de rapidité à l’idée d’une réduction du territoire pontifical.
39Chez les intransigeants, le positionnement de Louis Veuillot à l’égard de la question romaine se distinguait de celui de Mgr Pie. Le journaliste, sans doute influencé par les espoirs qu’il avait longtemps fondés en Napoléon III, se garda toujours, même après la suppression de L’Univers, d’attaquer frontalement l’empereur, et il concentra ses attaques sur certains de ses ministres – principalement Thouvenel46 et Persigny47 – ou sur le prince Napoléon. Il faudrait attendre 1870 et la chute de l’Empire pour qu’il dénonce ouvertement l’ancien empereur. Comme Veuillot, nombre d’évêques intransigeants qui avaient compté parmi les principaux thuriféraires de l’Empire durant la décennie 1850 se gardèrent de critiquer frontalement le régime. Mgr Parisis et Mgr de Salinis, qui avaient pourtant joué un rôle crucial dans le « mouvement vers Rome » au cours des décennies 1840 et 1850, restèrent ainsi très effacés au sujet de la question romaine. À l’inverse, Mgr Pie, que ses opinions légitimistes avaient tenu éloigné du régime dès ses origines, se montra bien plus violent à l’égard de celui-ci, comme en témoigna son mandement de 1861 comparant Napoléon III à Ponce Pilate.
40Les catholiques libéraux étaient quant à eux divisés par le caractère plus ou moins poussé de leur libéralisme – Edmond de Pressensé a ainsi pu dire de Mgr Dupanloup, certes non sans exagération, qu’il n’était libéral qu’en comparaison de Veuillot48. Il importe à ce titre de ne pas rigidifier à l’excès leur opposition avec les intransigeants49. L’historiographie a d’ailleurs depuis longtemps insisté sur le fait qu’ils représentaient davantage une nébuleuse d’hommes qu’un groupe homogène50. Leur attitude face à la question romaine le confirma51. Sans même revenir sur ceux d’entre eux que leur libéralisme conduisit à accepter la politique italienne de Napoléon III, il faut signaler les divergences qui touchaient ceux des catholiques libéraux qui s’étaient unis au cours de la décennie 1850 dans un commun rejet du régime impérial et de l’influence de L’Univers sur le catholicisme français.
41Ces divergences tenaient moins à leurs opinions au sujet de la question du pouvoir temporel qu’à leurs appréhensions de la question italienne en général. Dès la guerre de 1859, s’étaient ainsi manifestés des écarts de vues entre des hommes comme Lacordaire et Cochin, qui accueillirent le conflit avec l’espoir qu’il permettrait de libérer l’Italie du joug autrichien, et d’autres qui, au contraire, le regardèrent avec crainte. La correspondance entre Lacordaire et Montalembert en est un bon témoignage. Par la suite, Lacordaire52 et Cochin53 cherchèrent à montrer dans divers écrits que la cause de l’indépendance de l’Italie – qu’ils distinguaient de celle de l’unité italienne – n’était pas opposée à celle de la papauté. S’il n’était pas totalement insensible aux aspirations italiennes, Montalembert – et l’on touchait là une des nombreuses limites de son libéralisme – avouait cependant franchement dès le milieu des années 1850 que les périls que des changements en Italie feraient peser sur la papauté lui faisaient préférer le maintien du statu quo54. Enfin, un homme comme Mgr Dupanloup ne paraît pas avoir jamais éprouvé de sympathie pour la cause italienne55.
3. Une lutte de pouvoir au sein du catholicisme français
42Les divisions entre catholiques intransigeants et catholiques libéraux au sujet de la question romaine ne se limitèrent pas à des divergences de nature stratégique. Chacun des deux groupes chercha à montrer que les événements italiens confirmaient le positionnement qu’il avait adopté à l’égard de la société contemporaine. Les polémiques des années 1850 se rejouèrent donc à travers la défense du pouvoir temporel de la papauté.
43Ainsi, non seulement les catholiques français furent incapables de présenter un front uni face à la politique italienne de Napoléon III, mais ils continuèrent à s’entre-attaquer pendant toute la décennie 1860. Cette situation était largement le fruit de l’âpreté des polémiques qui avaient opposé libéraux et intransigeants tout au long des années 1850, au point de rendre leur réconciliation impossible. Ces conflits avaient d’autant plus séparé les deux camps que leurs protagonistes – et notamment Louis Veuillot – avaient souvent eu tendance à porter les débats non seulement sur le terrain des idées mais aussi sur celui des personnes. Les attaques ad hominem ou, comme l’on disait alors, les « personnalités » avaient été nombreuses et virulentes, créant des haines durables. Ces polémiques avaient principalement concerné les laïcs, mais tous les évêques n’en étaient pour autant pas restés éloignés. Elles avaient vu Louis Veuillot affronter trois des principaux chefs du catholicisme libéral : Montalembert, Mgr Dupanloup et Falloux.
44La décennie 1850 laissait ainsi de lourdes divisions au sein des catholiques. Dès cette époque, intransigeants et libéraux avaient cherché à utiliser la question romaine pour conforter leur position dans le champ catholique. Avaient notamment régulièrement surgi des polémiques autour de la paternité de l’expédition de Rome de 1849. À plusieurs reprises, L’Univers attribua en effet le principal mérite de l’expédition à Louis-Napoléon Bonaparte, ce qui revenait à réduire le rôle qu’y avaient pris Montalembert à l’assemblée, Falloux comme ministre et Corcelle en tant que représentant de la France auprès du pape. Plusieurs évêques firent de même. L’évêque intransigeant d’Angoulême, Mgr Cousseau, écrivit ainsi à propos de l’expédition :
Ceux qui la décrétèrent n’en voulaient faire qu’une expédition politique. Pour eux, il ne s’agissait de protéger ni la religion ni son chef, mais bien de défendre la république romaine contre les influences de l’absolutisme autrichien. Tels [sic] qu’ils l’avaient conçue, l’expédition pouvait susciter au Souverain Pontife d’étranges embarras. Telle que la firent la folie des républicains de Rome et la haute sagesse qui de France en prit la direction, elle servit à le rétablir sur son trône et à consolider son autorité.
45Montalembert écrivit à l’évêque pour lui rappeler que Louis-Napoléon Bonaparte, alors représentant du peuple, s’était abstenu de voter l’expédition le 31 novembre 1848 et que, président de la République, il avait, une fois Rome prise, envoyé une lettre à Ney pour lui transmettre un programme de réformes à faire à Rome56.
46Ces polémiques se renouvelèrent en 1859, lorsqu’Eugène Veuillot choisit de retracer l’histoire de l’expédition de 1849 dans L’Univers57. Non seulement le journaliste signalait que c’était une erreur que d’attribuer à Cavaignac ou à l’Assemblée constituante le mérite de l’expédition, qui revenait selon lui à Louis-Napoléon Bonaparte, mais il blâmait l’attitude de Falloux au gouvernement en l’accusant d’avoir cherché à imposer au pape des réformes. Il accusait par ailleurs Corcelle d’avoir appuyé cette politique. Les réponses de Falloux et de Corcelle sous forme de lettres ouvertes publiées dans L’Univers et dans L’Ami de la religion firent enfler la polémique. Le 3 juin, Eugène Veuillot précisa ses accusations : il signalait que le programme défendu par Falloux et Corcelle en 1849 était un programme de contraintes que l’on avait voulu imposer au pape et qu’il équivalait à celui de la brochure officieuse L’Empereur Napoléon III et l’Italie, parue quelques semaines plus tôt. En réaction, Le Correspondant publia une lettre non signée qui accusait L’Univers de « refaire l’histoire de la campagne de Rome » et mettait en évidence le rôle joué par Falloux et Corcelle dans le rétablissement du pape sur son trône, tout en faisant silence sur celui de Louis-Napoléon Bonaparte58.
47On aurait tort de voir dans ces polémiques, qui continuèrent au cours des années suivantes59, de simples querelles d’ego. Elles avaient en effet une réelle incidence politique puisque chaque camp pouvait trouver dans l’interprétation de l’expédition de 1849 qu’il mettait en avant une justification de son attitude à l’égard du régime impérial. L’attribution de l’expédition à Louis-Napoléon Bonaparte confortait ainsi L’Univers dans son positionnement impérialiste. Les catholiques libéraux présentaient au contraire l’intervention française à Rome comme un fruit du libéralisme et du parlementarisme60. Encore à l’automne 1859, dans un écrit destiné à comparer les relations de la papauté avec la France en 1849 et en 1859, Montalembert signala les problèmes causés à Pie IX par la lettre de Louis-Napoléon Bonaparte à Ney et insista sur le fait que c’était l’Assemblée qui avait finalement contraint le président à renoncer à ce programme. Montalembert en déduisait que la guerre d’Italie aurait été impossible en 1859 si la France ou l’Autriche avaient été dotées de régimes parlementaires61.
48Par la suite, loin de conduire à l’effacement des querelles entre catholiques, les attaques portées contre le pouvoir temporel leur donnèrent un nouveau prétexte. Cette situation devint manifeste au moment de la suppression de L’Univers, à la fin du mois de janvier 1860. À Mérode, Montalembert écrivait ainsi :
Je déteste tous les bâillons et n’ai jamais voulu réfuter mes adversaires par d’autres armes que celles de la raison et de la libre discussion. Mais je déclare très haut que je n’éprouve pas la moindre pitié pour des gens qui ont certifié d’avance la justice de l’arrêt qui les frappe quand ils ont dit (numéro du 22 déc. 1855) : « Nous nous attribuons le bénéfice de parler et d’écrire chaque jour en le refusant à d’autres qui n’offrent pas les mêmes garanties que nous… La législation actuelle sur la presse est celle de l’Église : l’avertissement et la suppression. » Je leur envie l’honneur d’une si belle mort, que ne méritait pas une si triste vie. Le châtiment que méritait l’Univers était de vivre et d’enregistrer chaque matin le démenti flagrant que les événements se chargent de donner à ses théories et à ses pratiques62.
49À cette époque, les catholiques libéraux se demandèrent toutefois s’il n’y avait pas lieu de donner un témoignage public d’intérêt à Veuillot après la suppression de L’Univers. Cochin y était favorable. Mgr Dupanloup souhaitait quant à lui que l’on gardât le silence. Falloux, qu’une vive animosité opposait à Veuillot, voulait au contraire que l’on protestât contre ce qu’il appelait « le mensonge de cette suppression63 ». Le comte était en effet persuadé que Veuillot, toujours impérialiste, était heureux de la disparition de son journal parce qu’elle lui permettrait ne pas avoir à y dénoncer la politique de l’empereur64. De fait, Foisset paraît avoir été le seul des catholiques libéraux qui eût écrit à Veuillot65. Le Correspondant commenta la suppression de L’Univers par ces lignes, sans doute écrites par Cochin66 :
La suppression de l’Univers nous surprend au moment même où nous pouvions espérer un certain rapprochement. Non-seulement, en effet, nous avions une même cause à défendre, celle du Saint-Siège, auquel un même dévouement rattache tous les cœurs catholiques ; mais, en outre, l’expérience devait, ce semble, ramener l’Univers aux principes auxquels nous sommes restés et nous resterons fidèles. […]
Voici dans quelle conviction les événements nous confirment :
Il est illusoire de prétendre à la liberté pour soi quand on n’est pas prêt à l’accorder à tout le monde. Ce n’est pas loyal, ce n’est pas même possible.
On jouit ainsi quelques instants pour soi de privilèges qui ne sont pas des garanties ; car il n’y a de sûreté que dans le droit. […]
Ainsi, la vraie protection de la liberté particulière, c’est la liberté générale, protégée et réglée par la loi. […]
Nous pouvions nous flatter que l’Univers eût été rapproché de nos principes par les événements. Nous n’en recevrons pas la démonstration, nous en conservons la confiance.
Ce souhait d’union est sincère. […] Négligeons, si l’on veut, le passé, mais pensons à l’avenir. Il appartient à ces vrais principes libéraux67.
50En publiant ces lignes, écrites non sans malice, les hommes du Correspondant présentaient la suppression de L’Univers comme une mesure qui montrait a posteriori la justesse du positionnement qu’ils avaient adopté à l’égard du régime impérial au cours de la décennie 1850. Ils ne manquaient par ailleurs pas de critiquer le soutien de L’Univers à celui-ci comme un abandon de la stratégie du parti catholique des années 1840, qui avait demandé pour l’Église les seules libertés communes et non un régime de privilèges appuyés sur un pouvoir fort. Selon les catholiques libéraux, un tel régime avait placé l’Église dans une situation précaire, en ne lui offrant que des avantages susceptibles de lui être enlevés à tout moment, ce qui n’avait pas manqué de se produire lorsque les relations entre le régime et les catholiques s’étaient détériorées. Un tel constat leur permettait – à n’en pas douter sans trop y croire – d’appeler à l’union des catholiques derrière leur drapeau.
51À la même époque, catholiques libéraux et catholiques intransigeants rivalisèrent par ailleurs d’influence à Rome au sujet du bref que Pie IX devait adresser à la rédaction du journal défunt. Les amis des catholiques libéraux cherchèrent à en atténuer certaines expressions tandis que ceux de L’Univers, le secrétaire des lettres latines Fioramonti en tête, défendirent la cause du journal68. L’épisode témoignait parfaitement des luttes d’influence qui se jouaient encore à Rome au cours de la décennie 1860 entre catholiques libéraux et catholiques intransigeants. Ces luttes avaient commencé dès les années 1850 et Veuillot en était dans l’ensemble sorti vainqueur, mais l’examen de sa correspondance personnelle permet de constater que cette victoire était encore loin d’être totale – elle ne le fut du reste jamais69.
52Le journaliste bénéficiait à Rome d’un réseau de relations patiemment tissé depuis la fin des années 1840 et entretenu lors de chacun de ses voyages dans la Ville. Fondamental était à ce titre le correspondant de L’Univers, Henri de Maguelonne70, qui servait à la fois d’informateur et d’intermédiaire chargé de veiller à la bonne réputation du rédacteur en chef de L’Univers auprès des principaux personnages de la Curie. Veuillot disposait par ailleurs de la protection d’un certain nombre de prélats, au premier rang desquels Mgr Villecourt71 et Mgr Fioramonti. Les libéraux pouvaient quant à eux compter sur le soutien de prélats comme Mgr de Falloux, le frère du comte. Montalembert chercha par ailleurs par moments à obtenir l’appui de son beau-frère, Mgr de Mérode, mais les idées de celui-ci le rapprochaient plutôt de L’Univers. À en juger par les correspondances respectives de Montalembert et de Veuillot, qui tous deux se plaignirent par moments du rôle joué par le camérier secret du pape, il semble que Mérode garda une certaine indépendance à l’égard des deux camps, soutenant tantôt l’un tantôt l’autre.
53Les luttes d’influence qui se jouaient à Rome témoignent de l’importance que représentait toute marque de gratitude venant de la papauté. Brefs et décorations pontificales étaient en effet susceptibles d’être utilisés par chaque camp pour renforcer sa position dans le champ du catholicisme français. Les rivalités à ce sujet s’étaient fait jour dès les premières publications autour de la question romaine et elles se poursuivirent par la suite. En octobre 1860, Veuillot écrivit ainsi à Henri de Maguelonne pour se plaindre des termes d’un bref adressé à Mgr Dupanloup en remerciement de son dernier écrit sur la question romaine et que le journaliste jugeait trop élogieux72.
54La question de l’accueil par la papauté des brochures françaises était d’autant plus importante qu’intransigeants et libéraux ne manquèrent pas de s’entre-attaquer plus ou moins ouvertement dans des passages de certaines d’entre elles. Plusieurs écrits recelaient ainsi des allusions malicieuses qui étaient autant de piques lancées contre le camp adverse. Visant implicitement Veuillot, Montalembert écrivait ainsi dans un opuscule de 1859 :
Je demande à Dieu la grâce de pouvoir écarter tous les arguments faux et exagérés. L’expérience des discussions publiques m’a appris qu’un mauvais argument, employé par un ami, fait dix fois plus de tort à la cause que cet ami veut défendre que les meilleurs arguments employés par ses adversaires. Je ne dirai donc pas que les institutions temporelles des États romains sont supérieures à toutes les institutions modernes, ni que le bien-être général des sujets du Pape est de beaucoup supérieur ou au moins égal à celui de tous les autres peuples du monde. À Rome même, où l’on a toujours vu régner beaucoup de prudence et de mesure dans les appréciations politiques, de telles amplifications doivent exciter un sourire73.
55Quant à Veuillot, il ne manqua pas de placer dans Le Parfum de Rome quelques lignes visant à remettre en question la stratégie libérale de porter la question romaine sur le terrain purement politique :
Parmi les défenseurs du régime temporel, plusieurs aussi sont durs à subir. Il y en a qui s’attachent exclusivement à l’utilité politique, soutenant Rome par les mêmes raisons qu’ils soutiennent l’intégrité de l’empire turc. D’autres colligent des arguties triviales, des autorités de néant.
On se sent rougir en lisant ces misères. Si c’est ainsi qu’il faut parler aux politiques, aux savants, au monde, pauvres politiques, pauvres savants, pauvre monde74 !
56Les attaques ne se limitaient du reste pas à la seule question de la stratégie à adopter pour défendre le pouvoir temporel. Elles purent se faire plus virulentes encore, puisque intransigeants comme libéraux accusèrent leurs rivaux d’avoir une responsabilité dans les malheurs de la papauté. Dans une lettre à son beau-frère Mérode datée du 21 janvier 1860, Montalembert accusait ainsi le positionnement de L’Univers d’être « la cause principale de la situation fâcheuse où se trouv[ait] le Saint-Siège » :
Cette situation était plus dangereuse en 1859 qu’en 1849, ou même qu’en 1809. Pourquoi ? parce qu’en 1849 surtout et même en 1809 l’opinion publique en France et en Europe était sympathique à la papauté, et qu’aujourd’hui elle lui est hostile : et c’est dans cette hostilité incontestable que l’empereur puise l’audace nécessaire pour agir comme il agit. L’opinion n’est certes ni infaillible ni omnipotente, mais c’est une grande force, dont il est insensé de ne pas tenir compte, même quand on est le Vicaire de Jésus-Christ et par conséquent le premier des mortels. Or d’où vient ce changement dans l’opinion ? […] Pie IX a-t-il changé de caractère ou de principes ? Non. Mais il a changé d’organes, d’auxiliaires, de défenseurs, dans la publicité européenne. Voilà le fait dont nous recueillons les conséquences. Depuis dix ans il a permis à des malandrins de se substituer aux honnêtes gens qui naguère plaidaient sa cause et qui l’avaient gagnée. L’Univers, la Civiltà, l’Armonia, le Bien public, e tutti quanti, ont si bien travaillé depuis dix ans à désarmer et à déshonorer la cause catholique, qu’ils ont fini par nous mettre où nous sommes. Ils ont consumé toutes les forces de la presse religieuse à faire trois choses : 1o à traîner dans la boue les institutions et les hommes qui depuis 1830 avaient le mieux servi la religion et spécialement le Saint-Siège ; 2 o à soutenir sur toutes les questions de politique, de philosophie, de littérature, d’histoire, d’économie sociale, les thèses les plus exagérées, les plus insolentes, les plus dangereuses, les plus répugnantes à la société moderne, à tout ce que les catholiques eux-mêmes avaient affirmé pendant vingt ans, jusqu’au jour où le comble a été atteint par l’insertion dans le Journal de Rome de la fameuse tirade du P. Guéranger, déclarant, dans l’affaire Mortara, que l’autorité paternelle et la liberté individuelle (au nom desquelles nous avions réclamé et conquis la liberté d’enseignement) n’étaient que des chimères naturalistes ; 3o enfin, à vanter sans mesure, sans raison et sans pudeur l’autocratie napoléonienne, à remplacer la neutralité, l’impartialité digne et respectueuse que le nouveau César pouvait réclamer, par la plus vive et la plus inexcusable adulation que le monde ait vue depuis Byzance75.
57Montalembert ne manqua par ailleurs pas de dénoncer à son beau-frère les évêques intransigeants qui, par docilité envers le régime impérial, n’avaient défendu que très mollement la cause du Saint-Siège. C’était, selon le comte, notamment le cas de l’évêque de Versailles, Mgr Mabile76, et de celui de Reims, Mgr Gousset77.
58Plus généralement, la question romaine fournit l’occasion de poser à plein entre les catholiques la question de leur rapport au libéralisme. Là encore, chaque camp présenta les événements italiens comme une confirmation du bien-fondé de ses idées. Les catholiques libéraux cherchèrent à montrer que ceux-ci n’auraient pas pu se produire si la France avait été dotée d’un régime parlementaire et ils dénoncèrent d’autant plus la politique italienne de Napoléon III que celle-ci était élaborée dans l’ombre, sans que ne fussent consultés les assemblées ou le gouvernement, autrement dit qu’elle était l’œuvre du pouvoir personnel et non d’un régime libéral. La remarque fut faite aussi bien au sujet de la guerre de 1859 qu’à propos de la convention de septembre.
59Pour Veuillot, au contraire, la politique du « Piémont » dans la question romaine montrait le caractère irréductible de la lutte entre l’Église et le libéralisme et mettait un terme à l’« illusion libérale78 ». Les catholiques libéraux étaient selon lui, au mieux, des aveugles qui défendaient des intérêts contraires à ceux de l’Église sans s’en rendre compte. Le fait que Cavour ait présenté Montalembert dans ses discours du 27 mars et 9 avril 1861 comme un modèle du libéralisme qu’il invitait les catholiques italiens à embrasser et, surtout, la reprise par l’homme d’État piémontais de la formule « l’Église libre dans l’État libre79 » facilitèrent considérablement l’amalgame entre catholiques libéraux et adversaires du pouvoir temporel. Dans son Parfum de Rome, Veuillot plaçait à plusieurs reprises la formule dans la bouche d’Ercole, un des personnages fictifs dont il avait peuplé son ouvrage et qui représentait une sorte d’idéal-type du catholique libéral italien cherchant vainement à concilier son patriotisme et la foi80.
60En 1865, la mort de Lamoricière donna l’occasion d’une nouvelle joute au sujet du libéralisme. Libéraux et intransigeants cherchèrent en effet à s’approprier la figure du général, les premiers pour en faire un exemple de catholique mêlant une foi sincère à un véritable attachement aux idées libérales, les seconds pour le présenter comme un modèle de chrétien luttant contre les idées modernes. Tandis que Charles de Montalembert présentait le général comme « un vrai soldat de la France libre et libérale » dans l’article nécrologique qu’il lui consacra dans Le Correspondant et que Mgr Dupanloup soutenait la même idée dans son oraison funèbre, Mgr Pie en brossa au contraire un portrait intransigeant81.
61Ainsi, tout au long des années 1860, la question romaine, au lieu de conduire à un effacement des divisions entre catholiques – comme il arrive bien souvent qu’une communauté divisée retrouve subitement son unité face à un ennemi commun –, contribua au contraire à les accroître. Les relations entre Veuillot et la plupart des chefs de file du catholicisme libéral continuèrent à se dégrader. En 1860, alors que L’Univers venait d’être supprimé, le comte dénonça dans la préface de son Histoire des moines d’Occident les « Tard-Venus du renouveau catholique82 » – l’expression était une référence méprisante à la fois à la violence des polémiques de L’Univers83 et à la conversion tardive de Veuillot au catholicisme. Veuillot répliqua dans la préface qu’il donna peu de temps après à un volume de ses Mélanges, où il accusa Montalembert d’être « un de ces adversaires qui ne désarment pas devant la mort84 ».
62À plusieurs reprises, cependant, des catholiques cherchèrent à favoriser une réconciliation entre les deux hommes. Celle-ci avait été tentée dès la fin du mois de mars 1859 par Veuillot lui-même, mais la réponse que lui avait faite Montalembert avait coupé court à cette tentative85. Plus tard, alors que la question romaine se trouvait pleinement posée, Émile Keller chercha à mettre fin à ce qu’il qualifiait de « malentendu satanique ». Là encore, Montalembert rejeta l’idée86. En décembre 1866, une nouvelle tentative de médiation, initiée par Mgr Mermillod, évêque de Lausanne et de Genève, échoua pareillement. « Absoudre les traîtres et les fous qui nous ont conduits où nous sommes, jamais ! » écrivit à ce sujet Montalembert à Foisset87.
63Si l’animosité entre intransigeants et libéraux était indéniablement forte, elle ne fut cependant pas totale. Il arriva par moments à L’Univers de reproduire ou de signaler de manière élogieuse certaines publications des catholiques libéraux autour de la question romaine. Par ailleurs, en 1863, Le Monde, qui avait succédé à L’Univers, soutint les principaux chefs de file du catholicisme libéral qui se présentèrent aux élections législatives et la même stratégie prévalut en 1869, tant de la part du Monde que de la part de L’Univers. À propos des candidatures de Cochin, de Montalembert et de Werner de Mérode, le premier de ces journaux notait ainsi le 13 mai, non sans fiel : « Nous savons qu’ils ne seront jamais assez bons libéraux pour trahir le Pape, cela suffit ». Et si, à la fin de la décennie, la question de l’infaillibilité pontificale était venue renforcer le dissentiment entre intransigeants et libéraux – Veuillot compara l’opposition de Montalembert au futur dogme à l’attitude de Coriolan passant chez les Volsques –, L’Univers parut le 14 mars 1870 bordé de noir lorsqu’il annonça la mort de l’ancien chef du parti catholique88.
4. La victoire du catholicisme intransigeant et ses conséquences sur le mouvement catholique français
64En 1870, la position des catholiques intransigeants au sein du catholicisme français était plus forte que jamais. Certes, le concile du Vatican n’avait pas validé les positions maximalistes de Veuillot, mais il marquait indéniablement, après la publication du Syllabus, une nouvelle défaite des libéraux dans l’Église. En France, cette défaite était en réalité perceptible depuis bien longtemps, comme en témoignait le succès des idées de L’Univers auprès d’une grande partie des catholiques, qui montrait l’adaptation du catholicisme intransigeant au poids nouveau des masses dans la vie politique et sociale.
65Les catholiques libéraux du Correspondant restaient au contraire fondamentalement des hommes de la société des notables. Leur sociologie et leur sensibilité, mélange de libéralisme et d’aristocratisme – c’est très clair chez un Montalembert, dont le libéralisme était largement influencé par sa lecture de Burke89 –, les conduisaient à se méfier des masses et à préférer porter leur action en direction des élites politiques et intellectuelles du pays, avec qui ils partageaient sinon exactement les mêmes idées du moins le même mode de vie. Une telle stratégie avait pu se révéler efficace dans la France de la monarchie de Juillet, où le pouvoir était entre les mains d’une assemblée censitaire composée de notables et par conséquent conservatrice, à défaut d’être pleinement catholique. Le césarisme démocratique, en réduisant le pouvoir des assemblées et en cherchant à instituer une relation directe entre le souverain et le peuple au détriment des corps intermédiaires, rendait cette tactique obsolète. Il fallut de fait attendre la libéralisation de l’Empire pour voir les catholiques libéraux retrouver une influence réelle sur la politique de leur temps, avec la formation du ministère Ollivier.
66Louis Veuillot incarnait quant à lui un type de catholicisme radicalement différent. Paradoxalement, tout en rejetant l’idée de souveraineté populaire, il était à bien des égards un homme de la société démocratique. Si Le Correspondant resta toujours une revue de haute tenue intellectuelle à la diffusion limitée, L’Univers possédait au contraire dans le pays une audience relativement large. Celle-ci permit à son rédacteur en chef de mettre en œuvre à plusieurs reprises une mobilisation des fidèles d’une ampleur telle qu’aucun autre acteur du catholicisme français, qu’il fût clerc ou laïc, n’aurait pu l’organiser. Même les évêques les plus influents, comme Mgr Dupanloup, se trouvaient en effet limités dans leur action, ne serait-ce que par les divergences de vues et les rivalités qui divisaient le corps épiscopal. Les adresses, pétitions et souscriptions publiques lancées à l’échelle de la France entière par L’Univers témoignaient du fait que Veuillot avait pleinement conscience du poids nouveau des masses et qu’il était prêt à l’utiliser pour peser face à ses adversaires à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Église. L’éclatant succès de la souscription ouverte à l’automne 1867 au moment de Mentana – plus de neuf cent mille francs réunis en six mois – témoigna ainsi de la force de L’Univers quelques mois seulement après sa résurrection et montra l’aide que le journal pouvait apporter à la cause de l’Église. Deux ans plus tard, une nouvelle souscription destinée au Concile fut utilisée comme un moyen de manifester le soutien des catholiques français à la définition de l’infaillibilité pontificale – le catholique libéral Albert du Boÿs, proche de Mgr Dupanloup et hostile à la définition du nouveau dogme, décrivit dans ses Souvenirs cette façon de procéder comme « une espèce de plébiscite » destiné à soulever les masses populaires catholiques pour faire pression sur les évêques et sur les cardinaux90.
67À une époque où les progrès de la sécularisation privaient l’Église de l’appui des gouvernements et où les bourgeoisies montantes étaient de plus en plus tournées vers le libéralisme, Veuillot – et ses propres origines populaires n’y furent sans doute pas étrangères – incarnait ainsi un catholicisme plébéien, appuyé sur le bas clergé et sur les fidèles, qui, tout en restant ferme sur les principes, représentait pourtant, indéniablement, une forme d’adaptation de l’Église à la société moderne. Par sa conscience du poids nouveau des masses et sa volonté de retourner contre la modernité les moyens d’action que celle-ci offrait, le journaliste ouvrait la voie au développement que connut le mouvement catholique au cours des premières décennies de la Troisième République. Il incarnait pleinement ce catholicisme intransigeant rejetant aussi bien le libéralisme que le socialisme91 qui serait, en France comme plus généralement en Europe92, à la base de la plupart des initiatives de la fin du siècle, qu’il s’agît du développement des œuvres sociales catholiques93 ou de celui d’une presse de masse sous l’égide des assomptionnistes.
68La question romaine servit de catalyseur à plusieurs des mutations qui touchaient le catholicisme en France depuis le début du XIXe siècle. Elle accéléra le mouvement vers Rome dans sa triple dimension de renforcement de l’autorité pontificale, de construction d’un système de représentations mettant l’accent sur le caractère catholique de la ville de Rome et de diffusion d’une dévotion populaire au pape. De même que l’élan missionnaire contemporain, qui bénéficia lui aussi d’une importante mobilisation financière des fidèles, la question romaine contribua ainsi à l’ouverture internationale du catholicisme français. La piété ne se concevait plus uniquement dans le cadre de la pratique locale du culte mais induisait désormais un rapport de plus en plus fort au reste de la catholicité, et notamment à son centre romain.
69La lutte entre la papauté et le royaume d’Italie eut par ailleurs pour conséquence de renforcer au sein de l’Église le conflit entre catholiques libéraux et catholiques intransigeants. Une telle situation explique largement la désunion des catholiques dans la défense du pouvoir temporel, alors même qu’ils avaient été relativement unis dans la lutte pour la liberté d’enseignement. Catholiques libéraux comme catholiques intransigeants cherchèrent ainsi à prendre appui sur les événements italiens pour montrer le bien-fondé de leurs idées et imposer leur hégémonie sur le catholicisme français.
70Ce furent les seconds qui l’emportèrent, notamment parce que leurs idées trouvaient un écho à Rome, du fait du raidissement idéologique qui avait marqué la papauté depuis la restauration du pouvoir temporel en 1849. L’État pontifical fut dès lors érigé en France par les catholiques intransigeants comme un contre-modèle face au développement de l’État moderne libéral en Europe occidentale, considéré comme d’autant plus menaçant pour la liberté des consciences qu’il voyait sa force matérielle accrue grâce à la conjonction de la centralisation et du progrès technique.
71L’intransigeance, cependant, ne saurait être réduite à un rejet pur et simple de la modernité. Elle doit également être comprise comme une voie alternative de modernisation suivie par l’Église au milieu du XIXe siècle. Si elle signifiait la volonté de l’Église de rester ferme sur un certain nombre de principes et de rejeter en particulier les transformations qui conduisaient à émanciper l’individu et la société de son autorité, elle représentait par ailleurs une adaptation aux temps nouveaux. La mobilisation autour de la question romaine en témoigna bien, en montrant la capacité de l’Église à s’appuyer sur les masses en retournant les ressources du siècle contre lui.
Notes de bas de page
1 Sur la place croissante des laïcs dans le catholicisme français à l’époque contemporaine : Piétri et al. 1963 ; Cholvy 1985 ; Pierrard 1988 ; Tranvouez 1988 ; Cholvy 2000, 2004. Ce phénomène ne se limitait pas à la France : Ferrari 1986.
2 Traniello – Campanini 1981-1997, I, p. viii‑ix.
3 Hérisson 2014 et Hérisson 2019.
4 AHDi Poitiers, A5.
5 AAV, Arch. nunz. Parigi, b. 188, Langrand-Dumonceau à Chigi, 8 janvier 1864 [en réalité : 1865].
6 AHDi Poitiers, A5, Chigi à Pie, 3 décembre 1865.
7 Dupanloup 1869, p. 8.
8 En témoigne sa lettre à Mérode du 11 août 1860, reproduite dans Montalembert 1970, p. 244‑245.
9 Parisis 1845.
10 Un nombre non négligeable de brochures temporalistes émanèrent du clergé et, durant la lutte en faveur de la liberté d’enseignement, nombre de pamphlets contre l’université avaient été l’œuvre de prêtres. Milbach 2015, p. 156‑170.
11 Article reproduit dans : Veuillot 1872, I, p. 69.
12 Dupanloup 1861b, p. 8‑9.
13 Besson 1887, I, p. 395‑396.
14 Ladoue 1873, p. 423‑423.
15 Voir les remarques de Baunard 1886, II, p. 42‑43.
16 Gerbet 1859, 1860 et 1862.
17 En témoignent les pièces qui composent le dossier de l’évêque aux AN, F19 2560.
18 Parisis 1860.
19 Sur les interventions de Mgr Dupanloup dans le domaine politique : Mgr Dupanloup 1980.
20 Id. 1849.
21 Lagrange 1883, II, p. 278‑279.
22 Dupanloup 1859, 1860b, 1860a, 1861b, 1861a, 1865, 1867b, 1867a et 1867c.
23 Parmi ceux-ci, on compte cinq brochures – Le Pape et la Diplomatie, Waterloo, Sa Sainteté Pie IX, Le Guêpier italien, À propos de la guerre – et un livre de plus grande ampleur – Le Parfum de Rome.
24 Lagrange 1883, II, p. 283‑285.
25 Ibid., p. 456‑457.
26 Dupanloup 1860b, p. 11‑12.
27 Ce point a été plus généralement mis en avant pour expliquer l’absence de véritable parti catholique unifié dans la France des XIXe et XXe siècles. Mayeur 1980.
28 Gough 1996.
29 Milbach 2015, p. 267‑268.
30 En témoigne le numéro du 16 octobre 1859.
31 Veuillot 1899-1913, III, p. 292‑293.
32 Montalembert 1859, p. 39.
33 En témoigne par exemple l’article de Corcelle intitulé « Du gouvernement pontifical », publié dans Le Correspondant en juillet et août 1856.
34 Montalembert 1860b, p. 7‑8.
35 Villemain 1860.
36 L’influence de Mgr Dupanloup sur la décision de Villemain et de Victor Cousin de prendre la défense de la papauté est signalée dans : Lagrange 1883, II, p. 291‑292.
37 Le 24 janvier, dans son discours de réception du père Lacordaire à l’Académie française, l’ancien ministre de Louis-Philippe dénonça les violences des patriotes italiens contre « l’auguste chef de l’Église ». Un an plus tard, dans L’Église et la société chrétienne en 1861, il défendit le pouvoir temporel. Theis 2014, p. 147‑148.
38 Entre 1856 et 1859, Villemain avait ainsi publié un article par an dans la revue et celle-ci avait rendu compte avec éloge de ses travaux. Milbach 2015, p. 556.
39 Albert de Broglie, « Des caractères de la polémique religieuse actuelle », dans Le Correspondant, 25 janvier 1856, aux p. 491-493.
40 Mérode à Montalembert, 10 juillet 1856. Cité dans Lecanuet 1895-1902, III, p. 203.
41 Milbach 2015, p. 541‑543.
42 Gadille 1967, I, p. 46‑108. L’historien distingue quatre grandes théologies politiques au sein de l’épiscopat, les deux premières – celle de Mgr Pie et celle des « néo-ultramontains » – relevant de l’intransigeance, les deux dernières – celle de Mgr Dupanloup et celle de Mgr Maret – du libéralisme.
43 Sous la Deuxième République, l’abbé Cœur avait collaboré à L’Ère nouvelle, comme bon nombre des catholiques libéraux qui se distingueraient durant la décennie 1860 par leur intérêt pour la cause italienne (Rendu, Lacordaire, Maret). Évêque de Troyes (1848-1860), il ne put jamais exprimer que de manière prudente ses opinions sur la question romaine. Ses sympathies italiennes étaient cependant connues de ses contemporains : peu de temps après la parution de la brochure Le Pape et le Congrès, le nonce Sacconi signala ainsi – sans paraître trop y croire lui-même – que certaines personnes lui en attribuaient la paternité. Sacconi à Antonelli, 23 décembre 1859. Publié dans Gabriele 1962b, p. 321.
44 Mgr Darboy prononça notamment au Sénat le 30 novembre 1867, quelques semaines après Mentana, un discours où il défendait le statu quo territorial en Italie, ce qui revenait implicitement à accepter les annexions des années 1859-1860. Le nonce ne manqua pas de dénoncer ces propos à Rome.
45 Montclos 1965, p. 198‑199.
46 Veuillot 1861b.
47 Id. 1865.
48 Mgr Dupanloup 1980, p. 85‑86.
49 Jacques Gadille a montré les points de convergence réels qui existaient entre les pensées politiques de Mgr Pie et de Mgr Dupanloup, tous deux partisans du pouvoir indirect de l’Église sur les gouvernements. Gadille 1967, I, p. 108.
50 Les participants du congrès de Rome de 1955 puis ceux du colloque de Grenoble de 1971 avaient déjà insisté sur ce point, qui a été confirmé par des historiens français et italiens comme Sylvain Milbach, Francesco Traniello ou Nicola Raponi. Raponi 2002, p. 7‑9.
51 Ce fut du reste le cas dès 1848. Cf. Milbach 2010a.
52 Lacordaire 1860.
53 Cochin 1860.
54 Voir sa lettre à Lacordaire du 6 novembre 1855. Publiée dans Montalembert 1970, p. 74.
55 Mgr Dupanloup 1980, p. 98.
56 Lecanuet 1895-1902, III, p. 199‑201.
57 Nos des 23 et 28 mars, 3 et 9 avril, 23 et 24 mai.
58 Le Correspondant, 25 juin 1859.
59 En témoigne notamment la publication en 1861 d’une vaste histoire de l’expédition de 1849 par le catholique libéral Léopold de Gaillard. Gaillard 1861.
60 Par exemple : Alfred de Falloux, « La question italienne », dans Le Correspondant, 25 février 1859, p. 191.
61 Charles de Montalembert, « Pie IX et la France en 1849 et en 1859 », dans Le Correspondant, 25 octobre 1859.
62 Publié dans Montalembert 1970, p. 232.
63 Lagrange 1883, II, p. 469.
64 Voir à ce sujet ses Mémoires, publiés en 1888, où il reprend cette idée, en s’appuyant sur le fait qu’en 1861 la brochure Waterloo serait encore favorable à la dynastie des Napoléon. Falloux allait jusqu’à affirmer que, en 1860, afin de ne pas avoir à s’opposer à Napoléon III, Veuillot avait fait volontairement échouer, en faisant en sorte que les autorités impériales en prissent connaissance, un projet qu’avait eu Pie IX de lui confier la direction d’un journal catholique publié hors de France. Falloux 1888, p. 395‑399.
65 Veuillot à Foisset, 18 février 1860. Publié dans Veuillot 1931, p. 149.
66 Voir ce que note Montalembert dans son journal intime les 15 et 21 février. Montalembert 2008, p. 183‑185.
67 Pierre-Paul Douhaire, « Les événements du mois », dans Le Correspondant, 25 février 1860.
68 BNF, Papiers Veuillot, NAF 24220, Louis Veuillot à Élise Veuillot, 5 mars 1860.
69 En 1872, un bref de Pie IX reprocherait ainsi à Veuillot d’oublier dans la polémique « les lois de la charité ».
70 On ne dispose que de très peu d’informations au sujet de cet homme, qui paraît pourtant avoir été un maillon essentiel du réseau romain de Louis Veuillot. À en croire une note du ministère des Cultes, son vrai nom était Rougi. AN, F19 1939.
71 Villecourt écrivit en 1856 plusieurs lettres à Veuillot pour lui signaler que son journal était très bien vu à Rome et lui proposer son aide en cas de nécessité. BNF, Papiers Veuillot, NAF 24633.
72 BNF, Papiers Veuillot, NAF 24631, Veuillot à Maguelonne, 4 octobre 1860.
73 Montalembert 1859, p. 45‑46.
74 Veuillot 1926, p. 126.
75 Publié dans Montalembert 1970, p. 224‑225.
76 Voir sa lettre du 22 avril 1860, qui accuse l’évêque de Versailles d’avoir défendu à un prédicateur de parler du pape au cours de ses sermons du Carême. Montalembert 1970, p. 238.
77 Voir sa lettre du 13 mars 1861, qui remet en cause l’attitude du prélat lors du débat de l’adresse au Sénat. Montalembert 1970, p. 256.
78 Veuillot 1866b.
79 Pour une analyse plus large des influences qui s’exerçaient sur Cavour lorsqu’il s’appropria cette formule : Passerin d’Entrèves 1954.
80 Veuillot 1862, I, p. 253‑262.
81 En 1874, la publication de la biographie de Lamoricière par Émile Keller intègrerait définitivement la mémoire de Lamoricière dans le camp intransigeant. Sur cette question : Sandoni 2017a.
82 Montalembert 1860a, p. ccli.
83 Les « Tard-Venus » étaient des brigands qui ravagèrent une partie de la France au cours des années 1360.
84 Veuillot 1861c, p. xii.
85 BNF, Papiers Veuillot, NAF 24227, Montalembert à Veuillot, 29 mars 1859.
86 Lecanuet 1895-1902, III, p. 216.
87 Ibid., p. 416‑418.
88 Veuillot se trouvant alors à Rome, ce fut Léon Aubineau qui rédigea l’article destiné à saluer la mémoire de Montalembert. On y lisait notamment ces lignes : « M. de Montalembert a été de tous les laïques de ce temps celui qui a rendu à l’Église les services les plus grands et les plus dévoués. Aucun de nos lecteurs ne l’oubliera. »
89 Trannoy 1942, p. 91‑92 ; Aspinwall 1970.
90 Gadille 1968, p. 110.
91 Poulat 1977.
92 Traniello – Campanini 1981-1997.
93 Levillain 1983.
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