Introduction générale
p. 1-26
Texte intégral
1Le 20 septembre 1870, les troupes italiennes pénétraient dans Rome après que leur artillerie eut ouvert une brèche dans les remparts au niveau de la Porta Pia1. L’événement n’eut dans l’immédiat qu’un retentissement assez faible dans une Europe alors surtout attentive à la guerre qui opposait la France et la Prusse2. Il n’en était pas moins important, puisqu’il scellait définitivement l’unification de la péninsule italienne sous la bannière de la dynastie des Savoie et l’effondrement du pouvoir temporel de la papauté après plus de onze siècles d’existence.
2Depuis la naissance du royaume d’Italie en 1861, la question romaine était apparue comme l’un des principaux sujets de préoccupation des chancelleries et des opinions publiques européennes. L’unification de la péninsule autour du Piémont durant les années 1859-1861 s’était en effet produite au détriment des États du pape et les prétentions du nouveau Royaume sur Rome, clairement affirmées par le vote le 27 mars 1861 d’un ordre du jour sur Rome capitale, avaient terminé de nouer de manière inextricable question italienne et question romaine.
3Cette dernière avait cependant des racines plus anciennes. Certains historiens l’ont fait remonter à la Révolution française et aux deux premières disparitions du pouvoir temporel de 1798 et 18093. Un tel choix conduit cependant à réduire la question romaine au simple problème de l’existence des États du pape. D’autres chercheurs datent ses débuts de l’insurrection des Romagnes de 18314 ou de la révolution romaine de 1848-18495. Cette périodisation a l’intérêt de mettre en évidence le lien entre la question romaine et le Risorgimento6, dans sa double dimension de mouvement national et de mouvement libéral. Certains auteurs, enfin, ne la font commencer qu’en 1870, avec la fin du pouvoir temporel des papes7. Cette dernière acception pose cependant le problème de ne pas tenir compte du fait que l’expression « question romaine » (questione romana) avait été largement employée tout au long de la décennie 1860 et qu’elle l’avait même été, mais de manière moindre, dès 1849.
4En 1815, à l’issue du congrès de Vienne, l’État pontifical avait été restauré par les puissances dans ses anciennes limites, Avignon et le Comtat Venaissin exceptés. L’autorité du pape-roi s’étendait sur le Latium, l’Ombrie, les Marches et les Romagnes ainsi que sur les deux petits territoires de Bénévent et de Pontecorvo, enclavés dans le nord du royaume de Naples8. Durant le premier XIXe siècle, l’existence de l’État romain fut indissociablement liée à celle des autres États de la péninsule italienne9. En 1831, il subit ainsi, comme la quasi-totalité de l’Italie centro-septentrionale, le contrecoup des révolutions européennes de 183010 et seule une intervention de l’Autriche permit d’y rétablir l’ordre.
5Les événements de 1831 avaient montré la menace que représentait pour le pouvoir temporel de la papauté la progression des idées libérales et nationales en Italie. La même année, Mazzini avait par ailleurs fondé la Jeune Italie, dont l’objectif était de réaliser l’unification de la péninsule au détriment des monarchies restaurées en 181511. À partir de cette époque, la question romaine devint un sujet de préoccupation récurrent, posant à la fois le problème de la compatibilité du gouvernement ecclésiastique avec les aspirations nouvelles des populations et celui des rapports entre l’Église et le mouvement national italien. Inquiètes d’une situation qui mettait en péril la stabilité de l’Italie, les puissances tinrent à Rome en avril 1831 une conférence qui visait à amener la papauté à des réformes administratives susceptibles de calmer le mécontentement de ses populations. Le congrès aboutit à la rédaction d’un mémorandum mettant en avant une liste de mesures, parmi lesquelles la laïcisation de l’administration. Ce programme resta cependant lettre morte.
6Pourtant, l’antagonisme entre les idées nationales et la papauté était à cette époque loin d’apparaître comme une évidence aux yeux de tous les Italiens. En 1843, un abbé turinois, Vincenzo Gioberti, publia à Bruxelles Del primato morale e civile degli Italiani, ouvrage qui connaîtrait un immense succès dans la péninsule malgré son interdiction dans plusieurs États. Il y défendait l’idée de la mise en place d’une confédération d’États italiens sous la présidence du pape. Par rapport aux conceptions unitaires, ce projet avait pour caractéristique de ne pas remettre en cause le droit des princes légitimes et d’être, selon Gioberti, plus conforme à l’histoire italienne. Qualifié de « néo-guelfe » en référence à la lutte qui avait opposé dans l’Italie médiévale les guelfes, partisans du pape, aux gibelins, partisans de l’empereur, il portait une conception de la nationalité italienne qui articulait étroitement religion et nation. En effet, selon Gioberti, la papauté avait contribué à créer la conscience nationale italienne. Par ailleurs, c’était de la présence du siège de la papauté en son sein que l’Italie tirait le « primat » qu’elle avait sur les autres nations. La réalisation du projet néo-guelfe n’était cependant pas sans poser d’importantes difficultés. Elle supposait en effet que le pape, comme les autres souverains italiens, consentît une modernisation politique de ses États. Surtout, Gioberti ne disait mot de la place qui serait réservée dans la nouvelle confédération à l’Autriche, alors maîtresse du Nord-Est de l’Italie.
7Le premier de ces problèmes parut trouver une solution en 1846. Cette année-là, en effet, Grégoire XVI, dont l’orientation réactionnaire avait été déplorée par les libéraux, mourait. À sa place, le conclave élut sur le trône de Pierre Giovanni Maria Mastai Ferretti, qui prit le nom de Pie IX12. Le nouveau pape suscita rapidement un grand espoir chez les patriotes italiens. Moins d’un mois après son élection, il concédait une amnistie des prisonniers politiques et des exilés et annonçait la formation d’une commission devant étudier la mise en place de réformes institutionnelles. Ces mesures furent suivies en mars et avril 1847 d’une atténuation de la censure et de l’institution d’une Consulte d’État. Par ailleurs, quelques mois plus tard, tirant profit de l’indignation suscitée par la décision de Radetzky de renforcer le contingent autrichien qui occupait Ferrare en vertu de l’acte final du congrès de Vienne, le Piémont, la Toscane et l’État pontifical signèrent un accord préliminaire en vue de la mise en place d’une ligue douanière. Le rapprochement des différents États italiens espéré par Gioberti commençait.
8Les événements s’accélérèrent à partir de janvier 1848. Un mouvement révolutionnaire en Sicile conduisit le roi de Naples Ferdinand II à accorder une constitution à ses États. Cela provoqua une réaction en chaîne dans la péninsule. Alors que Charles-Albert annonçait la concession d’un Statuto le 8 février, deux jours plus tard, Pie IX appelait sur l’Italie les bénédictions de Dieu à l’occasion d’une proclamation ambiguë, qui fut largement interprétée comme l’annonce de nouvelles réformes. La popularité du pape était alors à son zénith13. Le principal historien du pontife, Giacomo Martina, a cependant souligné les malentendus sur lesquels était fondée une telle situation. Certes, le pape n’était pas indifférent à la cause de l’indépendance de l’Italie et il avait regretté le peu de modération dont avait fait preuve son prédécesseur. Cependant, il n’en était pas pour autant un partisan des idées libérales et entendait se placer dans la tradition du despotisme éclairé, en accordant quelques réformes sans toucher à la forme du gouvernement pontifical.
9Comme l’on sait, l’illusion ne dura que quelques mois. Si le 14 mars le pape concéda à ses sujets une constitution, il déçut par la suite les patriotes italiens en refusant de prendre part à la guerre contre l’Autriche. Le 29 avril, il tint en effet une allocution consistoriale où il affirma que, en tant que père commun de tous les fidèles, il ne pouvait participer à une guerre entre catholiques. Progressivement, la situation se dégrada à Rome. Le 15 novembre, le chef du gouvernement pontifical, Pellegrino Rossi, fut assassiné au moment où il pénétrait dans le palais de la Chancellerie pour la reprise de la session parlementaire et, le lendemain, une foule rassemblée devant le Quirinal réclama un gouvernement démocratique. Devant la menace d’une invasion du palais, le pape y consentit, avant de s’enfuir de la Ville le 24 novembre14. Il trouva refuge à Gaëte dans le royaume des Deux-Siciles. Le 9 février, une assemblée constituante votait la fin du pouvoir temporel et proclamait la République romaine15. Seule une intervention militaire des puissances catholiques permettrait au pape de récupérer ses États.
10Les événements de 1848-1849 marquèrent la fin du néo-guelfisme. Désormais, les espoirs des patriotes italiens se tourneraient vers le Piémont, qui avait conduit en 1848-1849 la guerre contre l’Autriche et avait été le seul État de la péninsule à conserver son Statuto après la défaite du mouvement révolutionnaire. Au cours des années qui suivirent, le vote par la Chambre piémontaise d’une série de lois de laïcisation éloigna par ailleurs définitivement la papauté du mouvement national, considéré comme antireligieux16.
11Comme l’a souligné Francesco Traniello, à partir des années 1850, la question italienne s’articula autour de trois grands enjeux – le principe de nationalité, l’unitarisme politico-territorial et la mise en place d’un système constitutionnel et représentatif –, qui expliquaient assez largement le positionnement des catholiques à son égard17. Elle posait ainsi à l’Église un double problème, qui renvoyait à la double nature du Risorgimento, à la fois mouvement national et mouvement libéral. À partir du moment où l’échec de 1848 avait conduit à l’effacement des projets de confédération au profit de conceptions unitaires, le mouvement national devenait une menace pour l’existence même des États pontificaux. Or, il s’agissait là d’un problème d’autant plus grave pour la papauté qu’il n’était pas exclusivement politique mais également religieux. Le pouvoir temporel était en effet alors considéré dans de larges secteurs du catholicisme comme nécessaire à l’indépendance spirituelle du pape. Ce problème se trouvait redoublé par une seconde question, qui était celle des rapports de l’Église avec le libéralisme, en particulier dans sa dimension sécularisatrice. L’adoption par les États européens de législations de laïcisation était en effet considérée comme une menace pour la mission même de l’Église, puisqu’elle risquait de conduire à un affaiblissement de son influence sur les sociétés. Ces incidences du Risorgimento en termes religieux expliquent largement l’attitude qu’adopta à l’égard du mouvement italien Pie IX, pape dont les historiens ont souligné qu’il fut bien davantage un pasteur qu’un politique ou un diplomate.
12Question italienne et question romaine dépassaient largement par leurs enjeux le cadre de la seule péninsule italienne. Il s’agissait, du fait de leurs répercussions, de problèmes aux dimensions européennes, si ce n’est mondiales. La France fut l’un des pays où l’attention qui leur fut portée fut la plus grande, tant de la part du gouvernement que de la part de l’opinion publique. Les liens qui l’unissaient à l’Italie étaient anciens18 et des considérations d’ordre géopolitique conduisirent durant la première moitié du XIXe siècle les gouvernements français à surveiller la situation de la péninsule19. Les catholiques, par ailleurs, prêtèrent une attention de plus en plus grande à la situation des États de l’Église. En 1848-1849, l’expédition de Rome avait témoigné de cette double préoccupation des diplomates et des croyants. Décidée initialement pour empêcher l’Autriche de consolider sa domination sur l’Italie par une restauration qui prendrait la forme d’une réaction pure et simple, l’intervention française subit l’influence croissante de l’opinion catholique, qui explique en partie les conditions in fine bien peu libérales dans lesquelles se fit le retour de Pie IX à Rome.
13Les conséquences de l’épisode sur la politique intérieure de la France furent importantes. Il conduisit à sceller l’alliance entre le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, et les catholiques. Par la suite, la plupart de ceux-ci soutinrent le coup d’État20 et, à l’exception de certains catholiques libéraux qui s’éloignèrent du prince-président dans les mois qui suivirent le 2 décembre, ils constituèrent l’un des principaux appuis du régime impérial. Celui-ci apparaissait en effet comme un régime capable à la fois d’assurer l’ordre et d’offrir à l’Église une position renforcée dans la société21.
14Cette nouvelle alliance du Trône et de l’Autel fut cependant remise en question à la fin des années 1850, lorsque Napoléon III, qui avait participé dans sa jeunesse au mouvement national italien, décida qu’il était désormais temps de « faire quelque chose pour l’Italie22 ».
Un tournant important et pourtant méconnu de l’histoire du Second Empire
15La rupture que constitua l’intervention de la France en Italie en 1859 a très tôt été mise en évidence par les historiens du Second Empire23, qui ont montré qu’elle avait provoqué l’émergence d’une opposition catholique. Publiée avant même la chute du régime impérial, l’Histoire du Second Empire du républicain Taxile Delord ne consacrait encore à cette question que quelques pages24, mais les ouvrages parus durant les premières décennies de la Troisième République lui accordèrent une bien plus grande attention. Émile Ollivier, dans sa monumentale histoire de L’Empire libéral, écrite pour justifier son ralliement au régime25, faisait ainsi de la guerre d’Italie un moment fondamental du règne de Napoléon III. De fait, le passage des catholiques dans l’opposition influença le parcours personnel d’Ollivier puisqu’il contribua à son ralliement à l’empereur, qui lui était apparu subitement comme le dernier rempart contre le triomphe de la « réaction26 ».
16À la même époque, l’historien catholique Pierre de La Gorce consacrait dans son importante Histoire du Second Empire27 de longs développements à l’opposition catholique à la politique italienne de Napoléon III et, de l’autre côté du champ politique, Antonin Debidour jugeait quant à lui la question suffisamment importante pour la traiter dans deux chapitres de son Histoire des rapports de l’Église et de l’État en France de 1789 à 187028. Quelques années plus tard, alors que la France se trouvait agitée par les polémiques autour du vote de la loi de séparation de l’Église et de l’État, Albert Thomas, dans le volume de L’histoire socialiste (1789-1900) dirigée par Jean Jaurès qu’il consacrait au Second Empire, n’hésita pas à faire de la mobilisation autour de la question romaine le point de départ de l’ingérence cléricale dans la politique française telle que les républicains et les socialistes devaient encore l’affronter en 190129.
17Les dernières décennies du XIXe siècle avaient par ailleurs vu la parution de multiples biographies d’évêques30 ou de laïcs31 réalisées par des hommes les ayant souvent côtoyés et ayant eu un accès direct à leurs archives. Dans bien des cas, ces biographies étaient écrites dans une perspective hagiographique et encore marquées par les polémiques qui avaient divisé les catholiques entre intransigeants et libéraux. Elles tendaient parfois à exagérer l’action en faveur de la papauté des hommes auxquels elles étaient consacrées mais elles présentaient l’intérêt de reproduire de nombreux documents d’archives inédits, souvent issus de correspondances privées.
18Ces ouvrages montraient l’importance du retournement de l’opinion catholique causé par la politique italienne de Napoléon III. Ils partageaient cependant le défaut de n’étudier que l’attitude des classes supérieures de la société. C’était avant tout la mobilisation de l’épiscopat et des notables laïcs qui y était décrite tandis que les réactions du bas clergé et de la grande masse des fidèles étaient passées sous silence. Il faudrait de fait attendre l’entre-deux-guerres pour que cette situation changeât. Au début de la décennie 1920, Georges Bourgin prépara un ouvrage sur les répercussions de la question romaine en France en se fondant sur plusieurs fonds des Archives nationales32. Le livre, cependant, ne parut jamais et ce fut à un autre qu’il revint, quelques années plus tard, de mener à bien ce projet.
19En 1930, Jean Maurain publiait sa monumentale thèse d’État, intitulée La politique ecclésiastique du Second Empire de 1852 à 186933, fruit d’un très important travail de recherches au sein des Archives nationales. Maurain brossait, selon une perspective institutionnelle classique dans l’historiographie tertio-républicaine, une histoire des relations entre l’Église et l’État sous le Second Empire. L’ouvrage, qui est aujourd’hui encore bien connu des spécialistes du Second Empire comme de ceux du catholicisme français du milieu du XIXe siècle, traitait ainsi d’un sujet qui dépassait les seules répercussions des affaires italiennes en France. Il accordait cependant à celles-ci une place centrale, puisque la question romaine était l’objet de huit chapitres, c’est-à-dire près d’un tiers de l’ensemble, appuyés sur les archives de l’administration des Cultes et des ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, ainsi que sur une excellente connaissance des mémoires et biographies des contemporains. L’un des principaux apports de ce travail venait de l’usage que Maurain faisait des rapports des fonctionnaires impériaux de province – préfets et, surtout, procureurs généraux34 –, qui lui permettaient de mettre en évidence l’agitation catholique dans les départements. Maurain montrait les régions où celle-ci avait été la plus forte et révélait notamment le rôle joué par le bas clergé, en bien des endroits plus prompt que l’épiscopat à défendre la cause de la papauté. Son analyse pâtissait cependant d’un regard trop peu distancié à l’égard de ses sources, et notamment des rapports des procureurs généraux, souvent repris presque tels quels dans son développement sans que ne fussent interrogées leurs limites. Le fait que l’historien n’ait pas utilisé de fonds d’archives ecclésiastiques le rendait trop dépendant de la vision des ministres et fonctionnaires impériaux sur la mobilisation catholique, qu’il décrivait comme un mouvement de prêtres et de notables légitimistes, duquel les classes populaires étaient restées éloignées.
20Quelques décennies plus tard, les multiples monographies départementales et diocésaines qui parurent pendant les années 1960, 1970 et 198035 conduisirent cependant à nuancer ce constat pour certaines régions. Si la plupart des monographies diocésaines ne portèrent qu’une attention assez faible aux problèmes politiques pour s’intéresser davantage à l’évolution des mentalités religieuses, certaines étudièrent les conséquences qu’avait eues localement la question romaine. Ce fut en particulier le cas des thèses de Marcel Launay sur le diocèse de Nantes36, d’Yves-Marie Hilaire sur le diocèse d’Arras37, de Gérard Cholvy sur le diocèse de Montpellier38 et de René Epp sur le diocèse de Strasbourg39. Les deux premières, en particulier, apportaient sur le mouvement temporaliste40 une vision différente de celle de Maurain, laissant voir que les classes populaires n’en avaient pas été totalement absentes. Dans plusieurs articles, Marius Faugeras confirmait cette idée pour le diocèse de Nantes41. À la même époque, l’importante thèse de Michel Denis sur la Mayenne42 remettait quant à elle en cause pour ce département l’idée, que Maurain avait largement reprise des rapports des procureurs généraux, de la mise en place d’un bloc clérico-légitimiste d’opposition au gouvernement à l’occasion de la question romaine. L’ouvrage montrait au contraire non seulement l’autonomisation de l’action politique des catholiques au sein de la droite mayennaise mais plus fortement encore l’hégémonie que ceux-ci exercèrent sur ce camp à partir des années 1860, en profitant de la mobilisation en faveur du pouvoir temporel pour imposer leur leadership aux légitimistes.
21Par la suite, les publications sur la question furent très peu nombreuses. Il est à ce titre assez surprenant que le développement des études sur la politisation à partir des années 1970 n’ait pas conduit à une réévaluation de la mobilisation en faveur de la papauté au prisme des nouvelles catégories de l’analyse historique, auquel elle pouvait pourtant parfaitement se prêter. De fait, l’éloignement de l’histoire politique et de l’histoire religieuse, qui a marqué pendant longtemps l’historiographie française de la deuxième moitié du XXe siècle – au contraire, par exemple, de son homologue italienne –, ne favorisait pas ce type de travaux. Le succès de la sociologie et de l’anthropologie religieuses a en effet conduit la plupart des historiens du catholicisme au XIXe siècle à entretenir davantage de liens avec l’histoire sociale et avec l’histoire culturelle qu’avec l’histoire politique43. À la question des rapports entre l’Église et l’État, centrale dans l’historiographie religieuse de la Troisième République, s’étaient substituées d’autres préoccupations, qui concernaient davantage la vie religieuse des populations : « déchristianisation », transformation des formes de la croyance et de la pratique44, etc.
22Le croisement entre histoire politique et histoire religieuse connaît cependant depuis maintenant plusieurs décennies un indéniable regain d’intérêt45. Pendant longtemps, après que Jean-Baptiste Duroselle eut décidé de se tourner vers l’histoire des relations internationales, René Rémond avait été l’un des rares universitaires français à faire de l’histoire religieuse dans une perspective avant tout politique. En 1968, la thèse de Jean-Marie Mayeur sur l’abbé Lemire marqua une forme de renouveau pour ce type d’approche46, dont attestèrent au cours des décennies suivantes plusieurs autres biographies consacrées à des acteurs importants du mouvement catholique français47. Plusieurs chercheurs ont par ailleurs entrepris à nouveaux frais des recherches sur les rapports entre l’Église et l’État48 ainsi que sur les formes de la mobilisation des catholiques en politique49 et sur les rejets qu’elles purent inspirer50.
23La conviction que le croisement de l’histoire politique et de l’histoire religieuse peut se révéler particulièrement fécond pour qui étudie le XIXe siècle se trouve au fondement de ce livre. À travers l’étude des conséquences que l’unification italienne eut en France, celui-ci se propose notamment d’offrir un éclairage nouveau sur trois questions importantes de l’histoire de ce siècle : celle des dimensions transnationales du Risorgimento, celle de l’entrée des catholiques en politique et celle des rapports du catholicisme avec la société moderne post-révolutionnaire.
L’histoire transnationale du Risorgimento et de ses oppositions
24Notre travail se place dans le sillage des études qui analysent le Risorgimento comme un phénomène dépassant les frontières de la péninsule italienne. Une telle approche n’est pas nouvelle. Elle a naturellement connu ses premiers développements dans le domaine de l’histoire des relations internationales, où nombre de chercheurs ont replacé la question italienne dans le jeu des puissances européennes51. D’autres travaux se sont par ailleurs depuis longtemps intéressés à la perception des événements italiens à l’étranger52. Au cours des vingt dernières années, le caractère extra-italien du Risorgimento a cependant été étudié à nouveaux frais à partir des perspectives d’une histoire transnationale en plein essor, visant à reconsidérer l’histoire internationale en abandonnant l’angle des relations entre États au profit d’une attention portée aux acteurs non étatiques53. Appliquée à l’histoire du Risorgimento, cette perspective transnationale s’est révélée particulièrement féconde. Le mouvement libéral et national italien a été réinséré dans des cadres européens, méditerranéens54 voire mondiaux. L’étude de trajectoires individuelles et collectives a révélé les liens unissant à cette époque l’Italie à différents foyers de luttes nationales ou libérales comme l’Espagne55, la Grèce de l’Epanastasis56 ou encore l’Amérique57. L’Italie a ainsi pu être considérée comme l’un des principaux pôles d’une « Internationale libérale58 » articulée en réseau et dont les acteurs se mouvaient d’un espace à l’autre au gré des événements historiques et des situations personnelles. L’analyse de phénomènes comme le volontariat armé59, l’exil60, les circulations d’idées ou d’objets divers ainsi que la constitution d’un espace public transnational61 lié aux progrès des technologies de la communication et des transports a ainsi permis de mettre en évidence le fait que, de manière faussement paradoxale, « dans l’Europe du long XIXe siècle, aucune cause n’était plus internationale que celle de la nation62 ».
25En parallèle, l’approche transnationale a conduit à un renouvellement de l’histoire des anti-Risorgimento63, dont l’exemple le plus achevé est la thèse de Simon Sarlin sur le gouvernement des Bourbons de Naples en exil à Rome64. Ce travail s’insérait au sein du renouveau que connaissait l’histoire de la contre-révolution grâce à l’adoption de perspectives d’abord comparatistes65 puis plus clairement transnationales66. Divers historiens ont ainsi mis en évidence l’existence au milieu du XIXe siècle d’une « internationale » contre-révolutionnaire, qualifiée de « blanche » ou de « noire » par les chercheurs en fonction de leur approche, politique ou religieuse, du phénomène. Cette perspective transnationale s’est montrée particulièrement fertile à travers l’analyse de deux mouvements : le carlisme espagnol67 et la mobilisation catholique autour de la papauté.
26Sur cette dernière question, les travaux menés par plusieurs chercheurs du KADOC (Katholiek Documentatie- en Onderzoekscentrum) de l’université de Louvain ont renouvelé en profondeur l’appréhension du mouvement catholique en montrant la force de sa structuration au niveau européen. Fondamentales sont, de ce point de vue, les recherches d’Emiel Lamberts. Celui-ci a d’abord dirigé un ouvrage sur la Correspondance de Genève68, journal créé au lendemain de la chute du pouvoir temporel dans le but de coordonner la mobilisation des catholiques européens en faveur d’une restauration des États de l’Église. Il a ensuite retracé le parcours à travers l’Europe du diplomate Gustav von Blome69, dont il a montré l’importance des liens tant avec le Saint-Siège qu’avec les carlistes espagnols ou avec les légitimistes français. À la suite de ces travaux, Vincent Viaene, en plus d’un important essai sur la mobilisation des catholiques européens autour de la question romaine70, a publié plusieurs textes programmatiques visant à poser les jalons de futurs travaux sur la question de l’internationalisme catholique71.
27Notre livre se place dans le sillage de tels travaux. La perspective transnationale doit permettre de pallier un certain nombre de limites que connaît encore l’histoire pontificale, à propos de laquelle un ouvrage publié il y a quelques années pouvait encore noter :
Les études sur la diplomatie vaticane témoignent souvent d’une approche « par le haut », attachée au récit détaillé des négociations bilatérales entre la Secrétairerie d’État, le nonce, les diplomates mais ignorant souvent les aspects financiers ou encore la mobilisation de l’opinion publique72.
28L’analyse transnationale permet ainsi de mettre à jour les interactions entre le Saint-Siège et les fidèles et l’atout que ces derniers pouvaient représenter pour la diplomatie pontificale à une époque où les opinions publiques tendaient à peser de plus en plus fortement sur les politiques intérieures et extérieures des gouvernements européens.
29Si l’approche transnationale possède d’indéniables atouts heuristiques pour rendre compte de phénomènes qui sont difficiles à appréhender à d’autres échelles, elle reste une perspective parmi d’autres. Dans un XIXe siècle marqué par l’affirmation, certes lente et non linéaire, de l’État-nation, les cadres nationaux et régionaux sont ainsi non seulement pertinents mais nécessaires pour étudier bien des phénomènes. Celui de la politisation, qui nous occupera largement, en fait partie.
Les catholiques en politique
30Le milieu du XIXe siècle fut caractérisé dans la plupart des pays d’Europe occidentale par une accélération de l’intégration des masses à la vie politique. En France, si la monarchie de Juillet avait constitué une étape importante dans ce processus73, celui-ci se trouva subitement accéléré en 1848 par l’instauration du suffrage universel masculin74. Depuis les travaux de Maurice Agulhon75, la problématique de la politisation, entendue comme diffusion des normes de la politique moderne, institutionnalisée et pacifiée, a été l’objet de nombreuses études. La chronologie du phénomène a longtemps fait débat – fallait-il en dater les débuts de la Révolution française76, du milieu du siècle77 ou de la Troisième République78 ? Récemment, l’importance de périodes de l’histoire de France qui avaient jusque-là été considérées comme des pauses dans ce processus a été réévaluée. C’est notamment le cas du Second Empire, qui fut marqué par la pratique régulière – certes dirigée – du suffrage universel masculin et l’invention de formes d’adhésions nouvelles79.
31Les modalités de la politisation ont elles aussi été longuement débattues. Au schéma descendant de Maurice Agulhon mettant en avant le rôle d’intermédiaires culturels souvent issus de la bourgeoisie – la fameuse « descente de la politique vers les masses80 » –, a pu être opposé par des chercheurs comme Alain Corbin81 ou Peter McPhee82 un modèle de politisation par le bas, mettant davantage l’accent sur l’autonomie des acteurs locaux. De fait, les débats historiographiques ont parfois eu tendance à exagérer l’opposition entre ces modèles, qui ne sont pas nécessairement exclusifs l’un de l’autre, et, aujourd’hui, les chercheurs n’hésitent pas à mêler ces différentes perspectives en fonction de ce que leur donnent à voir les sources. On verra que sur ce point notre travail ne fait pas exception.
32Si la problématique de la politisation a suscité une très vaste historiographie, force est de constater que certaines questions restent encore somme toute peu étudiées. Les cheminements de la politisation à droite sont bien moins connus qu’à gauche83, même s’il existe désormais plusieurs travaux, souvent de publication récente, sur la politisation légitimiste84. La politisation des catholiques français, quant à elle, n’a été l’objet que de fort peu d’études. Cette situation est sans doute partiellement liée au succès qu’a connu la fameuse tripartition des droites françaises mise en avant par René Rémond85. Fondée sur un double critère à la fois dynastique et idéologique, cette tripartition distinguait les partisans de la branche aînée des Bourbons, dans l’ensemble hostiles aux principes de 1789, ceux de la branche cadette, favorables à l’instauration d’une monarchie parlementaire, et ceux des Napoléon, défendant un régime mêlant autoritarisme et nationalisme. René Rémond était trop fin pour ne pas percevoir les limites d’un tel classement86, mais la manière dont sa tripartition a été reprise à sa suite a pu conduire à rigidifier à l’excès les trois catégories qu’il avait mises en avant et à amplifier leur opposition alors même que, pour ne prendre qu’un exemple, des hommes comme Pierre-Antoine Berryer ou Alfred de Falloux, défenseurs d’un légitimisme parlementaire, étaient loin d’être des contre-révolutionnaires au sens plein du terme.
33Cette tripartition, surtout, en prenant le critère dynastique comme fondement, a eu pour conséquence de négliger les courants qui n’accordaient que peu d’importance à la question du régime. Les catholiques ont pour cette raison bien souvent été envisagés moins comme un courant spécifique au sein des droites françaises que comme une portion de leur électorat, soutenant tantôt tel courant, tantôt tel autre. Pourtant, l’histoire du XIXe siècle français peut en bonne part être lue au prisme de l’autonomisation des catholiques en politique, alors même que les droites dynastiques perdaient progressivement de leur importance. Cette autonomisation avait commencé sous la monarchie de Juillet, avec la naissance du « parti catholique ». Dans l’esprit de Montalembert, pour faire triompher leurs vues, notamment dans la question de la liberté d’enseignement, les catholiques devaient s’émanciper du lien compromettant qui les unissait depuis le début du siècle aux légitimistes. Des mots d’ordre comme « catholique avant tout » ou « catholique d’abord » furent ainsi brandis par des hommes qui plaçaient avant toute autre question celle de la liberté de l’Église. La Deuxième République porta cependant un coup d’arrêt à ce processus. Si les rapports entre le régime et l’Église furent initialement très bons87, le climat de peur sociale qui s’imposa au bout de quelques mois et qui se maintint dans les années qui suivirent88 conduisit à un rapprochement entre les catholiques et le parti de l’ordre. Après avoir cherché à s’émanciper d’eux, les catholiques se ralliaient aux anciens partis face au péril social.
34Cette situation fut bouleversée par le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte puis par la naissance du Second Empire. Ces événements eurent en effet pour conséquence de confirmer définitivement la mort de l’ancien parti catholique et sa scission. La plupart des catholiques, derrière Veuillot, accordèrent leur soutien au régime impérial, qui paraissait à même d’offrir à l’Église une position privilégiée au sein de la société, tandis qu’une petite minorité libérale, autour de Montalembert, bascula dans l’opposition au nom des libertés et se trouva du même coup alliée avec les légitimistes libéraux et les orléanistes. Chacun des deux camps accusa l’autre d’être responsable de la mort du parti catholique. Veuillot reprochait à Montalembert d’avoir renoncé à l’indépendance des catholiques à l’égard des partis ; le comte accusait le journaliste d’avoir abandonné la cause de la liberté, au nom de laquelle s’était faite la mobilisation des catholiques dans les années 1840.
35Après ces événements, la mobilisation autour de la question romaine marqua une étape importante dans l’histoire du catholicisme politique. Si l’unité du parti catholique ne se reconstitua pas, les années 1860 virent l’affirmation d’une culture politique89 catholique autonome, caractérisée par un imaginaire et des pratiques différenciant de manière assez nette les catholiques des autres courants de la droite française. Ce processus fut favorisé par les progrès du catholicisme intransigeant, qui, comme Émile Poulat l’a souligné, manifestait la volonté de l’Église de porter face aux transformations du monde contemporain son propre projet, opposé aussi bien au libéralisme qu’au socialisme90.
36L’un des buts de notre travail est d’étudier cette culture politique catholique française en en montrant les spécificités, qui tiennent notamment à l’hybridation des registres religieux et politique. Cette question n’a donné lieu jusqu’à présent qu’à peu d’études en France. Le politiste Yves Déloye a certes tenté de brosser une synthèse sur le « cléricalisme électoral », c’est-à-dire sur la question de l’ingérence du clergé dans les élections, à l’échelle de la France des XIXe et XXe siècles91. Malgré ses ambitions, son ouvrage est cependant en réalité principalement centré sur les premières décennies de la Troisième République (1870-1914) et, en concentrant son regard sur les seules élections, il ne pouvait saisir qu’une partie de l’action politique des catholiques. De fait, la plupart des travaux sur la question concernent l’après 187092, période qui voit se renforcer la structuration du mouvement catholique en France, comme dans le reste de l’Europe93.
37La mobilisation des catholiques français autour de la question romaine offre un observatoire particulièrement intéressant pour tenter autant que faire se peut de pallier cette lacune de l’historiographie et de saisir les processus à l’œuvre chez les catholiques. La médiatisation de la question italienne sous le Second Empire apparaît en effet comme un vecteur de politisation important, à gauche comme à droite, notamment parce qu’elle permit de discuter de certains principes et de certaines idées dont il était difficile aux contemporains de débattre lorsqu’ils touchaient à la politique intérieure.
Un catholicisme en mutation face à la société moderne
38Les répercussions que l’unification italienne eut en France ne furent pas uniquement politiques mais également religieuses. La disparition du pouvoir temporel de la papauté faisait en effet largement écho au grand problème auquel l’Église se trouvait confrontée depuis le début du XIXe siècle, qui était celui de ses relations avec la « civilisation moderne », c’est-à-dire avec la société post-révolutionnaire, marquée par les progrès du libéralisme et une accélération du processus de sécularisation94.
39En réaction, deux grandes tendances s’affirmèrent au sein du catholicisme du milieu du XIXe siècle, qualifiées généralement par les historiens de catholicisme intransigeant95 et de catholicisme libéral. Pour les premiers, les principes sur lesquels était fondée la société moderne étaient radicalement contraires au catholicisme et il convenait par conséquent de refuser toute transaction avec eux afin de préserver le dépôt de la foi96. Les catholiques libéraux, au contraire, soit parce qu’ils voyaient avec bienveillance la société issue de 1789, soit parce qu’ils considéraient pragmatiquement qu’il était nécessaire de s’y adapter puisqu’un retour en arrière était impossible, cherchaient à mettre en évidence les formes possibles d’une conciliation entre l’Église et la société nouvelle97. À propos de l’opposition entre ces deux sensibilités, il faut rappeler avec Sylvain Milbach trois points importants98. Tout d’abord, ce clivage concernait avant tout les élites catholiques, laïques et cléricales, mais ne touchait qu’indirectement les masses. Par ailleurs, si le débat entre intransigeants et libéraux n’était pas exclusivement français, il possédait en France une certaine spécificité, liée à l’histoire du pays. Enfin, ces deux catégories ne doivent pas être rigidifiées à l’excès : l’opposition entre ces deux courants ne fut jamais totale et, surtout, chacun d’eux se trouvait parcouru de divisions et de nuances.
40En France, le clivage était apparu à la fin des années 1840, au moment du vote de la loi Falloux, lorsque Louis Veuillot99 prit ses distances avec ses anciens partenaires du parti catholique pour rejeter la loi. Le journaliste la considérait comme un compromis réalisé au détriment des intérêts de l’Église, puisque, tout en permettant aux catholiques de peser sur le système scolaire étatique, elle ne leur offrait pas une liberté totale d’enseignement. La controverse témoignait de l’existence de deux attitudes différentes face à la société moderne : alors que les catholiques libéraux considéraient que l’Église devait agir de l’intérieur de la société pour la transformer, les intransigeants cherchaient plutôt à ériger les catholiques en bastion séparé, protégé des méfaits du matérialisme bourgeois.
41Le clivage s’était par la suite accentué au début des années 1850. Dans les mois qui suivirent le coup d’État, Charles de Montalembert, qui avait initialement soutenu le prince-président, fit paraître sous le titre Des intérêts catholiques au XIXe siècle un ouvrage important qui pouvait apparaître comme une sorte de manifeste du catholicisme libéral100. Il y défendait l’idée selon laquelle, depuis le début du siècle, la religion n’avait prospéré que sous les régimes qui lui avaient fait jouir des libertés communes, alors que, lorsque l’Église avait été entourée de privilèges, elle avait pâti de son lien avec le pouvoir politique. Le comte appelait par conséquent les catholiques à ne demander pour eux que le bénéfice du droit commun. Veuillot lui répondit à travers deux articles publiés les 6 et 12 novembre puis par une nouvelle série d’articles au titre éloquent : « De la liberté sous l’absolutisme » (18 et 19 novembre), qui défendaient au contraire l’idée que l’Église avait besoin d’un pouvoir politique fort lui faisant bénéficier d’un régime de privilèges. Par la suite, plusieurs polémiques vinrent encore accroître l’opposition entre les deux camps tout au long de la décennie 1850101.
42Au moment où les catholiques se mobilisèrent autour de la question romaine, le clivage entre intransigeants et libéraux était par conséquent constitué. Alors qu’il était largement né de la volonté d’émanciper l’Église des ingérences de l’État, le catholicisme libéral français était désormais principalement dirigé contre l’école de L’Univers. La division entre libéraux et intransigeants eut des conséquences sur la manière dont les catholiques français envisagèrent la question romaine et celle-ci contribua, en retour, à renforcer ce clivage.
43Si l’on excepte une tendance néo-gallicane incarnée par des hommes comme Mgr Darboy102 et, surtout, Mgr Maret103, les catholiques libéraux ne participaient pas moins que les intransigeants au mouvement de resserrement des catholiques autour de l’autorité romaine, qualifié en 1849 par Mgr de Salinis de « mouvement vers Rome ». Il s’agissait d’un phénomène multiple dont il importe de ne pas confondre les différentes facettes. Initialement – cela avait notamment été la perspective d’un Lamennais –, l’exaltation de la papauté s’était produite en réaction aux ingérences de l’État dans la vie de l’Église. Mais là n’était pas la seule signification du mouvement vers Rome. Celui-ci concerna également l’ecclésiologie puisqu’il conduisit à l’affirmation de l’autorité pontificale au détriment de l’autorité épiscopale et d’une conception conciliariste de l’Église. Le resserrement des liens avec Rome conduisit ainsi à un renforcement de la centralisation uniformisatrice dans l’Église au détriment des particularismes locaux, notamment en matière liturgique104, ainsi qu’à l’intervention des congrégations romaines dans les affaires des diocèses. Ce mouvement a contribué à donner plus d’écho à la question romaine et celle-ci l’a nourri en retour, notamment en renforçant la dévotion au pape105.
Étudier la question romaine par le bas
44Dans le sillage de cette historiographie, cet ouvrage entend proposer une étude nouvelle des répercussions de la question romaine en France, distincte de l’approche institutionnelle classique centrée sur la question des relations entre l’Église et l’État. Il est fondé sur le choix de procéder à un décentrement du regard, en étudiant la mobilisation catholique non plus à partir de l’État, comme l’avait fait Jean Maurain, ni même à partir de l’Église, mais à partir des acteurs eux-mêmes, c’est-à-dire des catholiques dans leur diversité. L’expression « catholiques français » doit ici être comprise dans une acception qui croise identification confessionnelle et positionnement dans la vie publique. Autrement dit, le terme « catholique » est employé dans ce livre pour désigner toute personne qui revendique une telle identité dans la sphère publique et justifie – au moins en partie – ses opinions et prises de position politiques par l’appartenance au catholicisme et la croyance aux dogmes qui le caractérisent. Le groupe ainsi délimité est caractérisé par une véritable hétérogénéité, puisqu’il mêle clercs et laïcs, évêques et bas clergé, notables et membres des classes populaires. Son étude permet de mener une histoire par le bas des répercussions de la question romaine en France, plus sensible aux acteurs, à leurs représentations et à leurs pratiques. Une telle approche rend compte du fait que la question romaine fut loin d’opposer un État français monolithique à une Église unie et permet de mettre à jour une large gamme de nuances dans les positionnements des Français à l’égard des événements italiens.
45Les bornes chronologiques de l’étude découlent de la volonté de tenir ensemble les contextes français et italien. Le choix d’une périodisation comporte toujours une part d’arbitraire car, pour l’étude de n’importe quel phénomène historique, il est toujours possible de remonter plus loin en amont pour en cerner plus précisément les origines, de même que l’on peut toujours étendre les recherches en aval pour en repérer les conséquences sur le long terme. Le chercheur doit par conséquent choisir des bornes qui délimitent une période à la fois cohérente et susceptible d’être convenablement traitée en un temps raisonnable. Dans un célèbre article, Jacques Rougerie avait rappelé il y a près de soixante ans la nécessité à laquelle est soumis l’historien, pour éviter que son sujet ne soit trop vaste, de « choisir entre l’espace et le temps106 ». Étant donné l’importance de la population sur laquelle devait porter notre travail, il nous a paru sage de borner la période étudiée à la quinzaine d’années qui représentèrent le point culminant du Risorgimento.
46Le choix de 1856 comme début de l’étude s’explique par l’importance de cette année dans l’internationalisation des questions italienne et romaine. L’alliance du Piémont avec la France et l’Angleterre pendant la guerre de Crimée permit en effet à Cavour de participer au congrès de Paris et de dénoncer devant les représentants des puissances la situation de l’Italie. La question italienne redevenait dès lors un sujet de préoccupations pour les chancelleries et, dans une moindre mesure, pour les opinions publiques. En France, l’intervention de l’homme d’État piémontais suscita ainsi chez les catholiques une certaine appréhension, alors même que la politique religieuse de l’Empire commençait à se faire moins favorable à l’Église. Le terminus ad quem retenu, l’année 1871, est quant à lui marqué par le vote de la loi des Garanties, par laquelle le royaume d’Italie tentait de mettre un terme à la question romaine en accordant à la papauté un certain nombre de droits devant lui permettre d’exercer son autorité spirituelle en toute indépendance. La même année, les protestations des catholiques français contre la situation italienne, prenant notamment la forme de pétitions envoyées à l’Assemblée, échouaient à obtenir du gouvernement une quelconque action en faveur de la papauté. L’influence de la France sur les affaires italiennes, qui avait été déterminante au cours des décennies précédentes, se trouvait désormais plus faible que jamais.
Sources françaises, sources italiennes
47Pour mener à bien cette étude, il fallait tout d’abord examiner à nouveau frais les documents conservés aux Archives nationales, sur lesquels Jean Maurain avait largement fondé son travail. Il n’est guère besoin de rappeler tout ce que les sources de la surveillance étatique peuvent apporter à la recherche historique. En ce qui concerne la France du milieu du XIXe siècle, la richesse des rapports des procureurs généraux a été soulignée107. Ces rapports, établis au cours de la période qui nous occupe selon une fréquence trimestrielle, rendent compte de l’état politique et moral des vingt-huit ressorts que compte la France métropolitaine. Réalisés à partir des rapports transmis aux procureurs généraux par les procureurs impériaux108, ils représentent, en raison de leur précision, une source d’information incomparable, qu’il est possible de compléter avec les papiers de la police des Cultes et les comptes rendus administratifs transmis par les préfets au ministre de l’Intérieur109.
48Complétés par d’autres cartons principalement issus des séries BB18 (division criminelle du ministère de la Justice), BB30 (versements divers) et F19 (Cultes), ces documents permettent de cerner la mobilisation catholique autour de la question romaine telle que l’appréhendaient les autorités impériales. Ils ne sont cependant pas sans limites, ne serait-ce que parce qu’une bonne partie de l’action des défenseurs de la papauté fut réalisée à l’abri du regard des autorités. Par ailleurs, ces rapports signalent avant tout l’activité proprement politique des catholiques, parce que c’était elle qui intéressait la question du maintien de l’ordre. Ils font ainsi largement silence sur les aspects religieux de la question romaine. Enfin, et peut-être surtout, les fonctionnaires impériaux ne portaient évidemment pas un regard neutre sur l’activité des catholiques et leurs rapports se trouvaient par conséquent influencés par leurs propres opinions politiques et religieuses. Comme on le verra, certains rapports portant sur un même territoire peuvent ainsi fournir des informations sensiblement différentes sur le mouvement catholique parce que le premier était l’œuvre d’un procureur général de sensibilité anticléricale tandis que le second avait été rédigé par un préfet au catholicisme affirmé. Les archives étatiques ne peuvent ainsi être considérées comme le reflet fidèle de la mobilisation catholique et il convenait de les compléter par d’autres sources, émanant des catholiques eux-mêmes. Sur ce point, les recherches se sont orientées dans deux directions, dans le but de saisir à la fois les points de vue des catholiques français et l’attitude du Saint-Siège à l’égard de la mobilisation.
49Pour ce faire, l’enquête s’est tournée vers les papiers de plusieurs des principales personnalités du catholicisme français : Louis Veuillot, Mgr Dupanloup, Alfred de Falloux et le général de Lamoricière. Les papiers de Pierre-Sébastien Laurentie, rédacteur de L’Union, ont par ailleurs permis d’étudier les relations entre légitimistes et catholiques durant la décennie 1860. Des recherches ont également été menées au sein des Archives historiques des diocèses de Paris, de Lyon, de Nantes et de Poitiers. Si le fonds lyonnais s’est révélé décevant, puisque les papiers du cardinal de Bonald en sont absents, les dépouillements effectués à Poitiers ont été au contraire particulièrement fructueux.
50Une attention particulière a par ailleurs été portée aux sources imprimées. En plus de l’étude de la presse catholique, les brochures et autres ouvrages sur la question italienne publiés durant la période étudiée ont donné lieu à une analyse à la fois quantitative et qualitative, soucieuse de ne pas se restreindre aux seuls écrits des catholiques les plus influents, pour étudier également les très nombreuses brochures composées par des acteurs ordinaires. Cette littérature avait jusque-là été assez largement ignorée par les historiens110 alors même qu’elle offre une perspective intéressante pour saisir l’ampleur de la médiatisation des questions italienne et romaine en France.
51Enfin, dans le but de replacer la mobilisation des catholiques français à une échelle transnationale et d’en montrer les liens avec la diplomatie pontificale, nous avons mené des recherches dans plusieurs fonds d’archives romains. La richesse des fonds de l’Archivio apostolico vaticano, encore appelé segreto au moment de nos recherches, est bien connue111. Au début des années 2000, elle a permis à Gérard Pelletier de revisiter l’importante question de l’attitude du Saint-Siège face à la Révolution française112. Nous espérions que des recherches en leur sein nous donneraient de la même façon la possibilité de mettre à jour des aspects de la mobilisation des catholiques français que les archives françaises ne permettaient pas de voir. Cet espoir n’a dans l’ensemble pas été déçu.
52Les fonds de l’Archivio vaticano concernant le pontificat de Pie IX n’ont été ouverts qu’en 1966 par Paul VI. En raison de leur richesse, ils contiennent encore de nombreux documents qui n’ont pas attiré l’attention des chercheurs113. Notre recherche s’est naturellement concentrée tout d’abord sur les archives de la nonciature de Paris114, selon deux directions principales. La correspondance politique entre la nonciature et la secrétairerie d’État pour la période 1856-1871 a été intégralement dépouillée, de manière à mieux saisir la stratégie diplomatique du Saint-Siège à l’égard de la France. Par ailleurs, nous avons porté une attention particulière aux nombreux cartons qui contenaient des documents relatifs à la collecte du denier de Saint-Pierre. Parmi eux, se trouvaient notamment deux registres dans lesquels les représentants successifs du Saint-Siège à Paris avaient consigné les dons qu’ils avaient reçus et leur origine, ce qui a permis de réaliser une étude quantitative de la collecte. Par ailleurs, des cartons variés, principalement issus des archives de la secrétairerie d’État et de celles de Pie IX, ont également donné lieu à des dépouillements.
53Si les recherches menées au sein des archives de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires115 et des archives du ministère des Affaires étrangères italiens sont restées limitées, celles conduites au sein de l’Archivio di Stato de Rome ont été plus poussées. Ce dépôt renferme en effet les archives de certains des ministères de l’ancien État pontifical, et notamment les fonds du ministère des Finances ainsi que ceux du ministère des Armes. Les premiers nous ont permis de compléter les données recueillies dans les archives de la nonciature de France en les replaçant dans le cadre d’une mobilisation financière d’échelle européenne. Les seconds ont principalement été utilisés pour conduire une étude quantitative du recrutement des deux principaux corps de l’armée pontificale ayant accueilli des volontaires français : les zouaves pontificaux et la Légion d’Antibes.
54On l’aura peut-être noté à la lecture de ce parcours archivistique : à l’exception des archives de la nonciature de Paris, les archives diplomatiques n’ont été somme toute qu’assez peu utilisées. De fait, seuls quelques cartons ont été dépouillés aux Archives diplomatiques de la Courneuve et aux Archives du ministère des Affaires étrangères italien. Trois raisons viennent expliquer ce choix. La première tient aux perspectives de notre recherche, qui visait moins à traiter des questions italienne et romaine sous l’angle des relations internationales – ce qui a déjà été largement fait par d’autres –, qu’à les envisager sous celui de la mobilisation des catholiques. Par ailleurs, ces archives ayant déjà été étudiées, il nous a semblé possible de nous reporter sur ce point à l’historiographie116. Enfin, l’existence d’importants volumes de publications de sources, souvent édités au moment des centenaire et cent-cinquantenaire de l’unification italienne, rendait accessibles nombre de documents susceptibles de nous intéresser. C’était le cas, notamment de la somme en quatre volumes de Norbert Miko Das Ende des Kirchenstaates117, regroupant des documents issus de plusieurs fonds d’archives diplomatiques européens.
55La première partie de ce livre vise à mettre en évidence la chronologie de la mobilisation des catholiques français autour de l’unification italienne. Le premier chapitre montre le réveil des préoccupations autour de la question romaine, certes encore circonscrit à la presse religieuse et à quelques évêques, que provoquent les débats du congrès de Paris. La période charnière du Risorgimento, allant de janvier 1859 à la proclamation du royaume d’Italie le 17 mars 1861, est l’objet du chapitre suivant. Les événements italiens suscitent alors une mobilisation des catholiques qui, d’abord restreinte, touche progressivement des catégories sociales très variées. Un dernier chapitre étudie enfin la période 1861-1871, qui voit les catholiques chercher à peser par différents moyens sur la politique italienne de la France dans le but de sauvegarder le pouvoir temporel de la papauté.
56Ce cadre chronologique ayant été posé, la deuxième partie étudie plus précisément l’impact de la question italienne sur la politisation des catholiques français : le chapitre 4 porte sur la médiatisation des affaires italiennes en France, le chapitre 5 traite de la manière dont les catholiques adaptèrent leur répertoire d’action au caractère autoritaire du régime impérial et le chapitre 6 aborde la question de l’organisation du mouvement temporaliste et de ses conséquences sur la vie politique française.
57La troisième partie analyse les liens entre diplomatie pontificale et mobilisation transnationale des masses. Le chapitre 7 montre la manière dont le Saint-Siège put, au cours de la décennie 1860, chercher à pallier le désintérêt relatif des gouvernements européens pour sa cause par la mobilisation des populations catholiques. Les deux chapitres suivants reviennent quant à eux sur les deux principales formes que prit cette mobilisation transnationale : l’engagement volontaire au sein de l’armée pontificale (chapitre 8) et l’aide financière à la papauté (chapitre 9).
58Enfin, la quatrième et dernière partie est consacrée aux conséquences religieuses de la question romaine sur le catholicisme français. Le chapitre 10 montre comment celle-ci a constitué un accélérateur du mouvement vers Rome et comment elle a facilité la diffusion du catholicisme intransigeant en France. Le chapitre 11 étudie quant à lui la place de plus en plus importante occupée par les laïcs dans l’Église.
Notes de bas de page
1 Anghelone – Piatti – Tirone 2022.
2 Fiorentino 1990, p. 288. Ce fut seulement à partir de 1871 que les protestations des catholiques se multiplièrent. Cf. La fine del potere temporale 1972.
3 C’est ce terminus a quo que retient l’ouvrage ancien de Guillaume Mollat, qui reste à ce jour la seule synthèse en français sur la question : Mollat 1932.
4 Walter Maturi, dans l’article de l’Enciclopedia italiana (1936) qu’il a consacré à ce sujet, considérait ainsi que, si la Révolution et l’Empire constituaient un « prologue qu’il était indispensable d’avoir à l’esprit », la question romaine proprement dite ne naissait qu’en 1831.
5 Jemolo 1960.
6 Sur le Risorgimento, l’ouvrage de référence en français est : Pécout 2004b. Pour une analyse du caractère à la fois polysémique et polémique du terme, voir Brice 2016. Parmi la très riche littérature italophone et anglophone sur le sujet, on citera plus particulièrement : Riall 1994 ; Banti 2004 ; Banti – Ginsborg 2007 ; Patriarca – Riall 2012 ; Arisi Rota 2019.
7 Roger Aubert a ainsi pu distinguer la « question de Rome », issue de la volonté des Italiens de faire de Rome leur capitale au détriment des États du pape, de la « question romaine » proprement dite, qui serait née en 1870 de la destruction du pouvoir temporel. Aubert 1972, p. 31.
8 De Cesare 1970 ; Caravale – Caracciolo 1978 ; Bartoccini 1985 ; Bartoccini 1997 ; Monsagrati 2000.
9 Meriggi 2002.
10 Aprile – Caron – Fureix 2013.
11 Frétigné 2006.
12 Sur le pontificat de Pie IX, les deux ouvrages de référence sont : Aubert 1952 ; Martina 1974 ; Martina 1985 ; Martina 1990. On pourra également se reporter utilement à Chadwick 1998, p. 61‑272.
13 Veca 2018b.
14 Kertzer 2018.
15 Monsagrati 2014.
16 Jusqu’à l’adoption de la nouvelle politique ecclésiastique piémontaise, la papauté ne s’était pas montrée totalement hostile à la construction nationale italienne, comme en témoigne le positionnement de La Civiltà cattolica durant les années qui suivirent le retour de Pie IX à Rome. Cf. Menozzi 2007.
17 Traniello 2007, p. 61.
18 Bertrand – Frétigné – Giacone 2016.
19 Jolicœur 2008.
20 Sandoni 2017b.
21 Maurain 1930, p. 52-82.
22 D’après Émile Ollivier, l’empereur avait employé cette expression dans une lettre adressée au général piémontais La Marmora en 1852. Cf. Ollivier 1895-1918, III, p. 141.
23 Les études sur le Second Empire ont longtemps pâti de la mauvaise réputation du régime mais connaissent depuis quelques décennies un réel essor, dont témoignent notamment divers ouvrages de synthèse : Aprile 2000 ; Anceau 2002 ; Yon 2004 ; Deluermoz 2012. Sur Napoléon III, la biographie de référence est Anceau 2008.
24 Delord 1869.
25 Ollivier 1895-1918.
26 Il écrivit ainsi dans son journal, le 13 mars 1861, après un discours du député clérical Émile Keller au Corps législatif : « Je pense avec effroi à la contre-révolution envahissant le monde si cet homme [Napoléon III] était renversé, et pour la première fois je comprends et j’excuse les Béranger et les libéraux de la Restauration ; je comprends aussi comment la République s’étant montré impuissante, la France de la Révolution s’est jetée en aveugle dans les bras de Bonaparte Ier. Le bonapartisme a été jusqu’à présent le seul obstacle régulier que la révolution ait su opposer à la réaction, de là sa popularité. » Ollivier 1961, p. 12.
27 La Gorce 1894.
28 Debidour 1898.
29 Thomas 1901, p. 138.
30 Les plus importantes pour le sujet qui nous occupe sont, par ordre de parution : Clastron 1882 ; Lagrange 1883 ; Baunard 1886 ; Besson 1887 ; Paguelle de Follenay 1896.
31 Lecanuet 1895-1902 ; Veuillot – Veuillot 1899-1913.
32 L’ouvrage était annoncé dans un article que Bourgin publia à propos des cérémonies funèbres organisées en 1865 en l’honneur du général de Lamoricière. Bourgin 1923.
33 Maurain 1930.
34 L’intérêt des rapports des procureurs généraux pour étudier les répercussions de la question romaine avait déjà été souligné par Vauthier 1920.
35 Lagrée 1995.
36 Launay 1982.
37 Hilaire 1977.
38 Cholvy 1973.
39 Epp 1975.
40 Par commodité, nous nous permettrons d’employer tout au long de ce travail le néologisme « temporaliste », calqué sur l’italien temporalista, afin de renvoyer à la défense du pouvoir temporel de la papauté.
41 Faugeras 1983a ; Faugeras 1983b ; Faugeras 1984.
42 Denis 1977.
43 Boutry 2006.
44 Id. 1986.
45 Boudon 2012, p. 76‑79 ; Dumons 2013.
46 Mayeur 1968.
47 Pour le XIXe siècle, on citera en particulier : Levillain 1983 ; Moulinet 1995 ; Cholvy 2003 ; Milbach 2021.
48 Voir par exemple : Lafon 1987 ; Leniaud 1988 ; Boudon 1996.
49 Gadille 1967 ; Mayeur 1980 ; Mayeur 1986 ; Déloye 2006 ; Milbach 2015.
50 Rémond 1976 ; Lalouette 1997.
51 Atti del convegno 1964.
52 L’Europa di fronte all’unificazione italiana 1960 ; Contamine 1962 ; Leflon 1963 ; Ferroni – Dillon Wanke 2013.
53 Saunier 2009.
54 Pécout 2012.
55 Pascual Sastre 2001 ; Delpu 2015.
56 Pécout 2004a.
57 Bonvini 2022.
58 Désormais largement employée par l’historiographie, l’expression d’« Internationale libérale » n’est cependant pas sans poser problème. Sur les limites du concept : Bruyère-Ostells 2015.
59 Pécout 2009.
60 Isabella 2009 ; Bistarelli 2011. Pour une synthèse dépassant le seul cas italien : Diaz 2021.
61 Riall 2007 ; Bacchin 2014.
62 Pécout 2009, p. 413.
63 Davis 2008.
64 Sarlin 2013b.
65 Martin 2001.
66 Dumons – Multon 2011.
67 Canal 2011 ; Dupont 2020.
68 Lamberts 2002c.
69 Id. 2018.
70 Viaene 2002a.
71 Id. 2008, 2012.
72 Pettinaroli 2015, p. 21.
73 Agulhon 1980 ; Guionnet 1997.
74 Agulhon 1973.
75 Id. 1970.
76 Edelstein 1990.
77 Agulhon 1973.
78 Weber 1976.
79 Hazareesingh 1998 ; Glikman 2013.
80 Agulhon 1970, p. 259.
81 Corbin 1975.
82 McPhee 1995.
83 Il a du reste pu être reproché à Maurice Agulhon d’assimiler politisation et orientation politique à gauche, et lui-même a reconnu qu’un tel reproche n’était pas totalement infondé. Agulhon 1996, p. 82.
84 Voir par exemple : Martin 1989 ; Secondy 2006 ; Triomphe 2017 ; Dupont 2020. Pour une mise au point historiographique : Dupont 2014.
85 Rémond 1954.
86 Voir notamment sa description toute en nuances du légitimisme entre 1830 et 1848 : Rémond 1982, p. 72-83.
87 Duroselle 1948 ; Lalouette 2004.
88 Cuchet – Milbach 2012.
89 Berstein 1999.
90 « Au cours du XIXe siècle, la réalité sociale, ce n’est pas d’un côté une lutte de classes – prolétariat vs bourgeoisie – et de l’autre une guerre de religion – Église vs État –, mais trois grands foyers historiques de compétition à l’échelle mondiale, trois pôles d’attraction ou de répulsion, dessinant leurs lignes de force et se disputant l’espace : la bourgeoisie dominante, l’institution catholique, le mouvement socialiste. » Poulat 1977, p. 35.
91 Déloye 2006.
92 Della Sudda 2007 ; Moulinet 2008.
93 La thèse d’habilitation à diriger des recherches de Sylvain Milbach sur la lutte en faveur de la liberté d’enseignement durant les années 1840 fait à cet égard figure d’exception. Milbach 2015.
94 Menozzi 2000 ; Sandoni 2020.
95 S’il est encore utilisé dans certains pays, comme la Belgique ou les Pays-Bas, le terme « ultramontanisme » ne l’est plus guère par les chercheurs français, en raison notamment de sa charge polémique. Boutry 1994a.
96 Sur le catholicisme intransigeant, on pourra se référer à : Congar 1960 ; Mayeur 1972b ; Poulat 1977 ; Boutry 1998b ; Riccardi 1998 ; Menozzi 2000.
97 Sur le catholicisme libéral : Weill 1909 ; Aubert – Duroselle – Jemolo 1955 ; Jemolo 1958 ; Passerin d’Entrèves 1958 ; Gallouédec-Genuys – Prélot 1969 ; Les catholiques libéraux 1974 ; Libéralisme chrétien et catholicisme libéral 1989 ; Traniello 1990b ; Milbach 2015.
98 Milbach 2014, p. 341.
99 En dépit de l’importance du personnage, il n’existe à ce jour aucun ouvrage de référence sur Louis Veuillot. Est incontournable, malgré son caractère hagiographique, la biographie en quatre volumes commencée par son frère et terminée par son neveu : Veuillot – Veuillot 1899-1913. Des pistes de réflexion importantes ont été proposées par Gadille 1969. Pour une étude plus générale : Pierrard 1998. Du côté de la littérature anglophone, on pourra se reporter à : Brown 1977 ; McMillan 2001, 2004, 2021.
100 Montalembert 1852.
101 Gough 1996.
102 Boudon 2011.
103 Riccardi 1976 ; Bressolette 1984.
104 Petit 2010.
105 Horaist 1995.
106 Rougerie 1966, p. 179.
107 Farcy 2003, p. 7-53.
108 Poncier 2002.
109 Sur le rôle des préfets dans la surveillance de l’opinion publique au cours du premier XIXe siècle : Karila-Cohen 2008.
110 Une exception, restreinte cependant aux brochures libérales : Quintavalle 1972.
111 Sanfilippo – Pizzorusso 2001 ; Pizzorusso – Poncet – Sanfilippo 2006.
112 Pelletier 2004.
113 Pour une présentation synthétique de ces archives : Pettinaroli 2009. Une description plus détaillée est fournie dans : Pásztor 1970.
114 Poncet 2006.
115 Sur ces Archives : Pettinaroli 2010.
116 Notamment, en plus de la thèse de Jean Maurain : Pirri 1944-1961 ; Mori 1963, 1967 ; Scott 1969 ; Meneguzzi Rostagni 1983.
117 Miko 1962-1970.
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