Avant-propos et remerciements
p. VII-X
Texte intégral
1Ce livre propose une réflexion sur l’écriture du pouvoir médiéval à partir de l’étude de la gestation, de la constitution et de l’influence d’une « forme d’écriture » que son histoire place au centre de cette perspective, le recueil rhétorique (summa dictaminis) des Lettres de Pierre de la Vigne. Cette somme regroupe plusieurs centaines de lettres et actes écrits au nom de Frédéric II, Conrad IV et Manfred ou en leur nom propre par les notaires et stylistes de la cour de ces souverains souabes du royaume de Sicile dans le second tiers du xiiie siècle. Elle reflète à la fois les concepts stylistiques d’une chancellerie prestigieuse qui affirma peu à peu son identité au long d’un règne glorieux, et leur influence décisive dans le temps long de l’automne du Moyen Âge, de la diffusion de cette collection dans les grandes chancelleries européennes qui la prirent pour modèle après la chute de la dynastie souabe, dès la fin du xiiie siècle, jusqu’à sa transformation en objet historique au xvie siècle. Il s’agit donc d’un essai sur la genèse et l’influence d’une « forme informante » d’un pan important des pratiques d’écriture de la société médiévale pendant les trois derniers siècles du Moyen Âge. Il s’adresse aux historiens de la rhétorique, des usages du langage, de la communication et de l’idéologie du pouvoir médiéval ; il touche de très près aux problématiques de la diplomatique, même s’il ne s’agit pas d’un travail de diplomatique stricto sensu ; il apporte de l’eau au moulin de l’histoire notariale et des pratiques d’écriture en rapport avec les notaires et les chancelleries, et peut enfin intéresser, sur un point crucial de leur réflexion, les historiens du droit.
2Mais il a aussi pour point de départ l’histoire d’un foyer culturel particulièrement prestigieux du bas Moyen Âge, la cour « sicilienne », en fait plus sud-italienne que sicilienne, de l’empereur Frédéric II (1194-1250) et de ses successeurs immédiats. De ce point de vue, sa réception ne peut être tout à fait la même en France et ailleurs. Dans sa première partie, consacrée à l’histoire de la création de la somme des Lettres de Pierre de la Vigne, à travers l’étude du milieu des notaires impériaux et l’analyse de leurs techniques d’écriture, les lecteurs français qui ne seraient pas familiers des travaux anciens ou récents sur cette question en langue allemande ou italienne trouveront les éléments d’une histoire de ces pratiques d’écriture, du milieu qui les a véhiculées et de ses idées. Ce secteur de la recherche historique n’avait plus été étudié de première main en France depuis les travaux encore fondamentaux, mais désormais datés, de Huillard-Bréholles, sous le second Empire. Ces recherches s’inscrivent en revanche dans un contexte de production européenne très dense, de qualité parfois inégale, mais souvent excellente, qui ne s’est pas démentie après la vague annonciatrice des colloques des années 1994-1998 sur Frédéric II. Mon souhait, modeste, est donc que le premier livre de cet essai (« les voies de la création ») sur la création des Lettres de Pierre de la Vigne et son contexte inscrive une note francophone dans ce débat scientifique européen en cours sur un aspect fondamental de l’histoire de l’Italie méridionale.
3En revanche, le second livre (« les voies de la réception »), portant principalement sur la réception et l’utilisation des Lettres de Pierre de la Vigne dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, entre 1270 et 1500, tout en s’inscrivant dans la lignée de travaux prestigieux mais lointains en langue allemande et anglaise (principalement ceux de G. Ladner, d’H. Wieruszowski et d’E. Kantorowicz), remplit en quelque sorte un vide historiographique, et n’a pas encore beaucoup d’équivalents. Il est en effet construit sur l’extension à une bonne partie de l’Europe d’une recherche qui tente de redécouvrir les voies de l’utilisation de la summa dictaminis des Lettres de Pierre de la Vigne comme guide d’écriture notariale et politique à un moment où l’on considère traditionnellement que l’ars dictaminis elle-même est frappée de caducité, et indique, au moins dans mon idée, la possibilité d’une perspective différente dans l’étude des pratiques d’écriture à la fin du Moyen Âge. Certainement, la démonstration a les défauts d’une étude pionnière. Certaines régions n’ont été qu’effleurées, certaines analyses seront peut-être infirmées ou révisées, au fur et à mesure de l’élargissement de l’enquête à d’autres sommes de contenu et de style dangereusement analogues à celle des notaires de Frédéric II, Conrad IV et Manfred qui ont forgé les textes contenus dans les Lettres. Telle quelle, j’avoue pourtant que c’est cette partie de l’étude qui est devenue la plus importante à mes yeux. J’espère donc que les collègues allemands, autrichiens et italiens voudront bien pardonner ce qu’ils pourront légitimement considérer comme des redites aux travaux antérieurs dans certains passages du premier « livre », à la faveur des explorations du second, qui concernent aussi bien l’Italie et l’espace germanique que la France ou l’Angleterre.
4Reste à présent l’agréable devoir de remercier les personnes et institutions qui ont facilité cette recherche, qui fut d’abord menée dans le cadre d’une thèse d’histoire médiévale soutenue à l’université de Paris X-Nanterre en mars 2005.
5Je retrouve naturellement en pensée Henri Bresc, qui m’a aidé de son enthousiasme, de ses idées, de sa patience et de ses critiques judicieuses, du début jusqu’à la fin ; Isabelle Heullant-Donat et François Menant, qui m’ont donné les premières armes bibliographiques sur l’histoire du notariat et de l’Italie du xiiie siècle ; Anne-Marie Turcan-Verkerk et Charles Vulliez, qui m’ont fait partager leurs lumières sur l’histoire du dictamen et la méthodologie de son étude ; Laurent Feller et Olivier Mattéoni, qui m’ont permis de présenter, le premier dans son séminaire de Marne-la-Vallée, le second à Chambéry avec Guido Castelnuovo, les tout débuts et la toute dernière étape de ce travail ; et à Rome, François Bougard et, de nouveau Guido Castelnuovo, qui m’ont tout deux aidé à me familiariser avec le milieu scientifique italien ; mes collègues à l’Ecole française de Rome Pierre Savy et Stéphane Gioanni, qui ont relu une partie du manuscrit ; Jean-Marie Martin, qui m’a fait profiter de son inépuisable savoir sur l’Italie méridionale. Parmi les chercheurs italiens qui m’ont aidé de leurs suggestions, je dois distinguer particulièrement Cristina Carbonetti-Venditelli, Giuliano Milani et Enrico Artifoni, autre grand spécialiste des problèmes du dictamen et de ses relations avec la société italienne du xiiie siècle.
6Nicole Bériou m’a grandement stimulé en m’incitant à confronter les réalités du dictamen avec celles de l’autre grand moyen de communication médiéval qu’était le sermon scolastique, et en partageant mon enthousiasme pour une étude des transitions et contacts entre ces deux formes. Les encouragements et enseignements du grand spécialiste de l’histoire du langage et de ses usages sociaux dans la France et l’Angleterre du bas Moyen Âge qu’est Serge Lusignan m’ont conforté dans ma quête d’une histoire centrée sur des questions linguistiques. Avoir pu mettre en contact les problématiques de la thèse, puis du livre, avec celles de ce qui est devenu le beau livre de La langue des rois... a représenté une grande chance pour moi.
7Mes remerciements les plus vifs vont également à Olivier Guyotjeannin pour avoir accepté de porter un regard de diplomatiste sur cette recherche et m’avoir donné l’occasion d’en présenter certains aspects au congrès international de diplomatique de Troyes sur la langue des actes, en septembre 2003 ; à François Dolbeau, pour m’avoir permis de présenter la recherche une fois achevée à l’atelier médiolatin de Paris, en 2005 ; à Sébastien Barret, pour sa généreuse communication des éditions de sa thèse de l’École des Chartes sur les préambules royaux français, en cours de transformation en livre ; et à Alexis Charansonnet, pour m’avoir tout aussi généreusement communiqué sa thèse inédite sur les sermons d’Eudes de Châteauroux et avoir relu mes développements sur le sujet.
8Deux institutions prestigieuses, allemande et française, ont grandement facilité cette recherche, commencée à l’université de Paris X-Nanterre ; une bourse de l’institut français de Göttingen m’a permis d’aller étudier un mois dans la bibliothèque des Monumenta Germaniae Historica de Munich, en été 2003, dont le directeur, monsieur Rudolf Schieffer, et le personnel, m’ont réservé un accueil bienveillant. L’École française de Rome m’a accordé trois bourses mensuelles successives en 2001, 2002 et 2003 avant de m’accueillir comme membre à partir de 2003 : je renouvelle ici l’expression de ma reconnaissance à François Bougard et André Vauchez pour l’appui qu’ils m’ont donné.
9Mon séjour à Munich m’avait permis de rendre visite au regretté Hans Martin Schaller, qui fut le grand spécialiste de la chancellerie des derniers Souabes et de leur rhétorique, et c’est lui qui m’avait encouragé malgré mes doutes à mettre l’accent dans cette recherche sur la postérité des Lettres de Pierre de la Vigne, tout en me mettant en contact avec Fulvio Delle Donne, sans doute le plus compétent chercheur italien dans le domaine du dictamen campanien, avec lequel j’ai pu travailler en étroite collaboration entre la fin de la thèse et la parution de ce livre. Je ne saurais trop dire à quel point ce dernier s’inscrit dans mon esprit dans le prolongement des travaux de Hans Martin Schaller, et en complément avec les enquêtes philologiques de Fulvio Delle Donne. Autant mon regret est vif de n’avoir pu présenter cette recherche enfin achevée au premier, autant je suis redevable au second qu’il m’ait donné la possibilité de consulter le manuscrit électronique d’Una silloge... avant l’impression du livre, et d’améliorer ainsi mes propres transcriptions des textes du ms. Paris, BnF lat. 8 567.
10Je dois enfin remercier les intimes qui m’ont accompagné dans cette entreprise et épaulé dans les moments les plus difficiles : Étienne Anheim et Valérie Theis pour leur soutien amical et constant, leurs suggestions judicieuses concernant l’agencement de la thèse, et leur relecture intégrale ; mes parents, François-Charles et Michèle Grévin, pour leurs relectures extensives et répétées ; enfin Gian Luca Borghese, pour sa patience pendant, avant et après la soutenance de la thèse.
11Je dédie ce livre à Etienne Anheim, Gian Luca Borghese et Claudie Bruvier.
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